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233. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

On y voyait l’église de Luçon encore toute remplie des souvenirs de son cher Armand, et aussitôt après on avait à suivre le vol de cet aigle qui s’élevait de la terre au ciel. […] Nous connaissons ce sang illustre en qui toutes les grandeurs de la terre se trouvent assemblées, et qui tient par tant d’endroits à tant de maisons souveraines ; nous vous voyons revêtu du titre auguste qu’un de nos rois a dit être le plus glorieux qu’on pût donner à un fils de France (le titre de pair) ; nous respectons en vous le sacré caractère que le fils de Dieu a laissé dans son Église comme le plus grand de ses bienfaits ; et cependant, monsieur, ce n’est pas à toutes ces qualités éclatantes que vous devez les suffrages de notre compagnie ; c’est à un esprit plus noble encore que votre sang, plus élevé que votre rang. […] Pendant que l’Église voit avec édification dans ces sages règlements la vérité de la doctrine, la pureté de la morale, l’intégrité de la discipline, l’autorité de la hiérarchie, établies, soutenues et conservées dans le diocèse de Noyon depuis l’heureux temps de votre épiscopat, nous y voyons encore ces divisions exactes, ces justes allusions, ces allégories soutenues, et surtout une méthode qu’on ne voit point ailleurs, et sans laquelle on suivrait difficilement des idées aussi magnifiques que les vôtres ! […] L’éclat d’une maison qui a donné par ses alliances augustes tant de princes à la France, tant de saints à l’Église, tant de souverains à de grands pays, semble encore au-dessous de la gloire d’avoir acquis un si rare mérite par votre propre application.

234. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

» Et elle se met en marche vers l’église, appuyée sur l’enfant ; pas de soleil encore, il bruine ; l’odeur du laurier qui jonche le chemin lui arrive parfois et la fait frissonner. Ils avancent du côté du château, vers la petite église à la façade noircie et pointue, où chante l’orfraie. — « Paul, dit la jeune fille, finis avec ta crécelle ! […] Enfin on est à l’église ; le temps s’est levé, il fait soleil, et pourtant il pleut ; la noce arrive : Angèle, toujours étourdie et ne pensant qu’à sa croix d’or ; Baptiste, muet, triste comme la veille. […] Coutume du pays : on va chercher au bois des branches d’arbres, et surtout de laurier, qu’on jette ensuite sur le chemin de l’église et à la porte des conviés.

235. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Il faut voir avec quelle sûreté d’analyse, et quelle subtilité habile à se déguiser sous une sévère exactitude, Guizot étudie les quatre éléments de la société du moyen âge : aristocratie féodale, Église, royauté, communes, en conduit les relations et les progrès, de façon à faire apparaître le régime de 1830 comme le couronnement nécessaire et légitime de toute l’Histoire de France. […] M. de Tocqueville, légitimiste et chrétien, a tâché de comprendre son temps, cette France nouvelle qui rejetait la légitimité et faisait la guerre à l’Église. […] Il s’abandonne, avec une joie d’artiste, comme il l’a dit, à l’impression des documents qu’il est le premier à consulter : il atteint à la vérité par la force de sa sympathie ; il a voulu « retrouver cette idée que le moyen âge eut de lui, refaire son élan, son désir, son âme, avant de le juger » ; il se fait à lui-même une âme du moyen âge : de sorte que les obscurs instincts des masses populaires deviennent, dans sa conscience d’érudit, une claire notion du rôle de l’Église et du rôle de la royauté. […] Il ne croyait pas ; il n’était pas soumis à l’Église.

236. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

On n’en dira pas autant de Richelieu : il n’est pas un capitaine, il n’a pas débuté par l’action ; il est homme d’Église avant d’être homme d’État ; il a commencé par prêcher, par être orateur dans ses sermons, dans ses harangues ; il a soutenu des thèses en Sorbonne ; la gloire de Du Perron, le grand controversiste et l’habile négociateur, l’a tenté. […] Dans un portrait de Du Plessis-Mornay, voulant déplorer l’usage que ce célèbre protestant fit de ses talents contre l’Église, il dira qu’il eût été à souhaiter pour lui qu’il fût mort-né (Mornay) d’effet comme de nom, et que du ventre de sa mère il eût été porté à la sépulture. […] Pendant que Richelieu patiente et attend, la guerre commence dans le Midi contre les protestants qui se sont organisés en églises et ont élu pour leur chef et généralissime le duc de Rohan (1624). […] Il y a dans le Testament politique un curieux chapitre intitulé « Des lettres », c’est-à-dire de la littérature classique ou de l’éducation, et qui vient immédiatement après les chapitres sur l’Église.

237. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

La situation de cette pauvre église était en plus d’un lieu comme désespérée : Genève était et devait rester conquise par le calvinisme ; mais, de plus, le diocèse entier était entamé et envahi. […] Ces bailliages des bords du lac, conquis par les Bernois précédemment, recouvrés depuis par le duc de Savoie, il résolut de les reconquérir définitivement à l’Église catholique et de les rattacher de tout point à la patrie, faisant œuvre à la fois de chrétien dévoué et de sujet fidèle. […] Sa première entreprise fut couronnée d’un plein succès ; pendant un travail de plusieurs années, il reconquit les bailliages rebelles, reconstitua les débris de l’Église qu’il était appelé à régir, et rendit à l’humble Savoie sa vieille unité. […] Voici une retraite toute propre à bien servir Dieu et son Église avec notre plume : savez-vous, notre père prieur ?

238. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Je savais que le séminaire d’Amersfoort, dépendant de l’église d’Utrecht, possédait un recueil complet des lettres de la mère Agnès. […] Le Maître lui avait écrit en termes exaltés des mérites et des beautés de sa fiancée future, elle essayera de l’entendre, — de supposer qu’il l’entend de l’épouse du Cantique des cantiques, de la seule épouse spirituelle digne de ce nom, de l’Église : Mais en écrivant, ceci, je relis votre lettre, et, comme me réveillant d’un profond sommeil, j’entrevois je ne sais quelle lumière au milieu de ces ténèbres, et quelque chose de caché et de mystérieux dans des paroles qui paraissent si claires et si communes. […] De son vivant, sa tribune à l’église était tout proche de la porte dite des Sacrements ; ce qui faisait que la mère Agnès, pour lui faire honneur, l’appelait le portier de Jésus-Christ.

239. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Sur les murs, des estampes et des lithographies : un portrait du poète enfant ; celui de sa mère en jupe à volants, dans l’épanouissement de la trentaine ; un Christ, peint par Germain Nouveau, d’après l’original de l’église de Saint-Géry d’Arras et, dans l’alcôve, une image ancienne, épave du luxe d’antan : une jeune fille de Greuze, pressant une tourterelle sur son sein nu ; mais ni ces enjolivures ni les fleurs en pots de la fenêtre n’arrivaient à masquer la détresse du logis. […] À l’exemple de ses maîtres, René Ghil cherchait son inspiration dans la foule, hantait les rues, les halles, les églises, les gares, s’arrêtait, songeur, pour voir défiler une noce, un enterrement. […] Il s’imaginera être saint Labre, s’humiliera, pour le rachat de ses péchés, jusqu’à mendier sur les routes, dans les villages, sous le porche des églises.

240. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Ce qu’elles contiennent, on le voit d’ici ; c’est l’épanchement quotidien ; c’est le temps qu’il a fait aujourd’hui, la manière dont le soleil s’est couché hier, la belle soirée ou le matin pluvieux ; c’est la voiture où le voyageur est monté, chaise de poste ou carriole ; c’est l’enseigne de l’hôtellerie, l’aspect des villes, la forme qu’avait tel arbre du chemin, la causerie de la berline ou de l’impériale ; c’est un grand tombeau visité, un grand souvenir rencontré, un grand édifice exploré, cathédrale ou église de village, car l’église de village n’est pas moins grande que la cathédrale, dans l’une et dans l’autre il y a Dieu ; ce sont tous les bruits qui passent, recueillis par l’oreille et commentés par la rêverie, sonneries du clocher, carillon de l’enclume, claquement du fouet du cocher, cri entendu au seuil d’une prison, chanson de la jeune fille, juron du soldat ; c’est la peinture de tous les pays coupée à chaque instant par des échappées sur ce doux pays de fantaisie dont parle Montaigne, et où s’attardent si volontiers les songeurs ; c’est cette foule d’aventures qui arrivent, non pas au voyageur, mais à son esprit ; en un mot, c’est tout et ce n’est rien, c’est le journal d’une pensée plus encore que d’un voyage. […] Il commence comme un ruisseau ; traverse un ravin près d’un groupe de chaumières, sous un petit pont d’une arche ; côtoie l’auberge dans le village, le troupeau dans le pré, la poule dans le buisson, le paysan dans le sentier ; puis il s’éloigne ; il touche un champ de bataille, une plaine illustre, une grande ville ; il se développe, il s’enfonce dans les brumes de l’horizon, reflète des cathédrales, visite des capitales, franchit des frontières, et, après avoir réfléchi les arbres, les champs, les étoiles, les églises, les ruines, les habitations, les barques et les voiles, les hommes et les idées, les ponts qui joignent deux villages et les ponts qui joignent deux nations, il rencontre enfin, comme le but de sa course et le terme de son élargissement, le double et profond océan du présent et du passé, la politique et l’histoire.

241. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Comparez maintenant ces idées surannées aux doctrines politiques de M. de Chateaubriand ; vous ne vous croyez pas dans la même Église. […] Il est une question qu’il a touchée avec pénétration et profondeur, et où il a laissé sa trace : je veux parler des rapports de l’Église et de l’État : à lui appartient la première prédication éclatante d’une idée chère à notre temps : la séparation de l’Église et de l’État.

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