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556. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Racine n’avait pas, comme Mme de Sévigné, de l’imagination à revendre et à tout propos, même à propos de nourrice ; sa folle du logis ne lui échappait pas bon gré, mal gré, à tort et à travers ; il savait où placer la sienne, qui n’était pas du tout une folle, et il la distribuait dans ses ouvrages. […] Aussi ne marche-t-on qu’avec eux, en s’appuyant sur eux, sur ce qu’ils ont dit ; on a dans la mémoire toutes sortes de belles ou jolies sentences, recueillies à loisir et qu’on tient à placer ; on dirige tout son discours, on incline tout son raisonnement pour amener une phrase de Quintilien, pour insinuer une pensée de Cicéron, et l’on est tout content d’avoir échappé ainsi à penser par soi-même et en son propre nom.

557. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

M. de Chateaubriand, à la tribune des Pairs, eut ce jour-là de nobles paroles, et, cet autre jour, il en eut de malheureuses… » Sur les violences matérielles et les horreurs qui ensanglantèrent le Midi, on est unanime ; mais là encore on essaye de n’en pas trop dire et de limiter l’indignation ; on n’emprunte que discrètement à l’effroi de la tradition populaire qui a survécu et qui subsiste encore ; on craint de paraître donner dans la légende qui grossit les faits et les transfigure : à ce travail honorable, entrepris par de bons esprits qui ont oublié d’être de grands peintres, le courant incendiaire qui traversa alors et dévora toute une partie de la France, se dissipe et s’évapore ; l’atmosphère embrasée du temps ne se traduit point au milieu de ces justes, mais froides analyses ; l’air échappe à travers les mailles du filet, et c’est encore dans les historiens d’une seule pièce, d’une seule et uniforme nuance comme Vaulabelle, dans ce récit ferme, tendu et sombre, où se dresse énergiquement passion contre passion, qu’on reçoit le plus au vif et en toute franchise l’impression et le sentiment des fureurs qui caractérisent le fanatisme royaliste à cette époque. […] A l’occasion de ces projets et propositions de rétablir la corde et de garder apparemment la peine de la tête tranchée pour les crimes d’État et les hauts personnages, une femme de qualité rencontrant le garde des sceaux, s’échappa à lui dire, et d’un air de satisfaction : « Eh bien !

558. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Il fit comme cet homme qui, assis à table entre Mme de Staël et Mme Récamier, s’échappa à dire : « Me voilà entre l’esprit et la beauté. » Ce qui fit dire à Mme de Staël, relevant la sottise : « C’est la première fois qu’on médit que je suis belle. » Le duc d’Antin, faisant allusion au projet qu’on avait un moment suggéré à M. le Duc de marier le roi avec la plus jeune de ses sœurs, s’oublia à dire (ou à peu près) qu’ayant à choisir entre les grâces mêmes et la vertu, le prince n’avait cherché que cette dernière. […] Il redoutait le moment où il pourrait échapper à sa dépendance, s’il rencontrait quelque maîtresse qui eût du caractère et le désir de se mêler des affaires.

559. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Guizot se prononce décisivement en faveur de celles-ci : « Pour moi, dit-il, arrivé au terme d’une longue vie pleine de travail, de réflexions et d’épreuves, d’épreuves dans la pensée comme dans l’action, je demeure convaincu que les dogmes chrétiens sont les légitimes et efficaces solutions des problèmes religieux naturels que l’homme porte en lui-même, et auxquels il ne saurait échapper. » L’auteur, ou plutôt le penseur chrétien, ne s’arrête point, dans les Méditations qu’il nous offre aujourd’hui, à ce qui divise entre eux les chrétiens des diverses communions ; il ne s’attache en ce moment qu’aux dogmes fondamentaux dont la suite exacte et l’enchaînement satisfait aux doutes qui agitent l’âme humaine, dès qu’elle se recueille et s’interroge à la manière de Pascal. […] Soigneux d’échapper aux apparences trompeuses, il sait que le talent de la parole crée plus de choses encore qu’il n’en exprime.

560. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Il était le lion de la ville et de la Cour ; il n’échappa point à la faveur des petits appartements et de tous les petits soupers ; le mariage prochain de sa nièce ajoutait à l’idée de son crédit. […] Et puis aussi, Maurice avait le propos leste, impétueux, le petit Conti, l’invincible Conti, — ces mots échappés allaient droit à leur adresse.

561. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Je relève dans ce Mémoire un heureux coup de crayon donné en passant, et qui caractérise en beau M. de Choiseul : « M. le duc de Choiseul, un des hommes de notre siècle qui a eu le plus d’avenir dans l’esprit ; qui déjà, en 1769, prévoyait la séparation de l’Amérique d’avec l’Angleterre et craignait le partage de la Pologne, cherchait dès cette époque à préparer par des négociations la cession de l’Égypte à la France, pour se trouver prêt à remplacer, par les mêmes productions et par un commerce plus étendu, les colonies américaines le jour où elles nous échapperaient… » Voilà un éloge relevé par un joli mot : un joli mot, en France, a toujours chance de l’emporter sur un jugement. […] Un honnête homme bien informé, Meneval, affirme le fait du conseil donné, et il avait vu de ses yeux une lettre accusatrice qui aurait échappé aux précautions du coupable.

562. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

» Il y a peu de mois, lorsqu’il échappa à un spirituel chef de parti, dans la discussion de l’adresse, un mot présomptueux, qui alla atteindre M. de Lamartine sur le banc où il écoutait jusque-là en silence, le noble orateur se leva, et demanda avec émotion qu’on lui laissât du moins, à lui et à ceux qui demeuraient en dehors des querelles du quart d’heure, la dignité de ce silence. […] Le lyrique a beau faire ; il n’échappera pas à ses propres émotions ni à son âme ; c’est absolument comme dans la romance : En songeant qu’il faut qu’on l’oublie, On s’en souvient.

563. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Les laissera-t-on échapper et se dissiper, ce qui est en train de se faire ? […] Il est des noms éclatants qui font pointe à part et qui s’échappent le plus qu’ils peuvent hors de l’orbite ; mais ils n’entraînent et ne rangent rien autour d’eux.

564. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

S’emparant de tous les témoignages qui leur sont échappés, les contrôlant réciproquement, les complétant, lorsqu’il le faut, par des inductions brèves, M. […] Ils tentèrent de s’échapper par un souterrain ; mais, ne l’ayant pu, ils ne voulurent pas laisser à leurs ennemis la joie de les voir mourir. « A cette époque, dit l’historien, la fureur des combats de gladiateurs avait fait inventer une espèce de suicide à deux.

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