Dieu seul est plus fort que nos âmes. […] Sceptique en religion ou incrédule, tirant de petites comédies du catholicisme pratiqué par les âmes frivoles, — (ce que vous pardonneront les âmes et les esprits profonds, monsieur !) […] Ce qu’il voit dans l’enfant, ce n’est pas son âme, c’est surtout sa beauté ; et quand ce n’est pas sa beauté, c’est sa chair. […] Je ne veux pas mutiler l’homme ; je ne veux rien trancher dans ce que Dieu a fait en l’entremêlant de corps et d’âme avec un art, si c’en est un, si prodigieusement consommé. […] Pour lui, on n’aura pas besoin, comme on l’a tenté pour Machiavel, l’homme sans âme qui écrivit avec la main de bronze du Destin sous la dictée des Perversités de son siècle, — et ce qu’on vient de renouveler pour Flaubert, talent sans âme non plus, — on n’aura pas besoin d’inventer une ironie d’après coup, qui n’existe pas dans leurs œuvres glacées.
On sent qu’il est toujours maître de son sujet, qu’il se meut dans le champ des idées comme dans son domaine, qu’il en sait tous les chemins, qu’il est prêt, si l’un d’eux se trouve fermé, à en ouvrir d’autres, qu’il a le droit de prendre charge d’âmes, et de s’offrir pour guide aux ignorants et aux étrangers qui voudront visiter la contrée solitaire et périlleuse où il s’est établi. […] Qui enfin leur a inspiré cette touchante et solide espérance que, cette vie terminée, l’âme immatérielle, intelligente et libre, sera recueillie par son auteur ? […] C’est d’abord la distinction de l’âme et du corps ; puis, c’est la découverte que cette âme est libre. […] En dernier lieu vient l’idée de l’immortalité de l’âme, et, pour calmer les incertitudes que laisse cette croyance, la résignation confiante aux mains d’un Dieu juste et bon. […] » Il y a une grâce touchante dans cette phrase : « L’âme immatérielle, intelligente et libre, sera recueillie par son auteur. » Mais cette grâce et cette force sont à demi cachées ; l’auteur ne les étale point ; d’elles-mêmes elles se font sentir.
Il n’en demeure pas moins un des rares talents, une des âmes poétiques du dix-huitième siècle. […] Le casque, ni l’émail croisé du haubert, ni même ta vaillance, ô tyran, ne réussiront à préserver en secret ton âme des terreurs nocturnes et des malédictions de Cambria, des pleurs de Cambria. […] Et vous, siècles encore à naître, ne venez pas en foule obséder mon âme ! […] Écoutez-les du fond de la tombe ; écoute, grand Thaliessin : ils respirent une âme à ranimer ta poussière. […] « Faites marcher en brodequins sur la scène le pâle chagrin, et la souffrance qui plaît, et l’horreur, maîtresse tyrannique de l’âme palpitante.
Lorsqu’ils enfermaient le corps dans le sépulcre, les Anciens croyaient aussi y déposer l’âme. […] Leur fonction, durant tout le drame, sera d’enflammer Oreste par leurs chants de meurtre, de semer le vent sur son âme pour en récolter la tempête. L’âme d’Electre a passé dans ce Chœur farouche, esclave de son deuil et de sa vengeance. […] Un événement caché dépend de ton message. » La vieille a compris, elle hait dans l’âme le meurtrier de son maître. […] On voit pâlir son âme avant son visage.
L’indignation que le vice donne aux âmes dignes d’éprouver ce sentiment affermit quelquefois son style, et lui communique un degré de force qu’il n’a pas toujours. […] On dira peut-être que ce sont là plutôt des vertus d’un cénobite que d’un prince ; on se trompe ; on ne pense point assez combien, dans celui qui gouverne, cette vie austère retranche de passions, de besoins, combien elle ajoute au temps, combien elle laisse au peuple, combien elle diminue les moyens de corruption et de faiblesse, combien, par l’habitude de se vaincre, elle élève l’âme. […] Un autre caractère du grand homme lui manqua, c’est cette vertu qui fait que l’âme, sans s’élever, sans s’abaisser, sans s’apercevoir même de ses mouvements, est ce qu’elle doit être, et l’est sans faste comme sans effort ; en cela il fut encore loin de Marc-Aurèle. […] Passionné pour les Grecs, nourri jour et nuit de la lecture de leurs écrivains, enthousiaste d’Homère, fanatique de Platon, avide et insatiable de connaissances ; né avec ce genre d’imagination qui s’enflamme pour tout ce qui est extraordinaire ; ayant de plus une âme ardente, et cette force qui sait plus se précipiter en avant que s’arrêter ; d’ailleurs, accoutumé dès son enfance à voir dans un empereur chrétien le meurtrier de sa famille, et, dans le fond de son cœur, rendant peut-être la religion complice des crimes qu’elle condamne ; placé entre l’ambition et la crainte, inquiet sur le présent, incertain sur l’avenir ; ses goûts, son imagination, son âme, les malheurs de sa famille, les siens, tout semblait le préparer d’avance à ce changement qui éclata dans la suite. […] L’âme n’est heureuse que lorsqu’elle redevient libre ; et pour les gens de bien, souvent la mort est une récompense.
Prevost-Paradol a entretenu avec intérêt les lecteurs du Journal des débats (13 août 1858), annonçaient que le patient investigateur était dès lors arrivé à des résultats neufs qui ajoutaient à la connaissance intime de la vie et de l’âme du grand écrivain. […] Il considère cette société antérieure et postérieure à l’individu ; il la voit subsistante, nécessaire, harmonieuse, agissant en mille façons et par toutes sortes d’influences inappréciables, plus mère encore que marâtre, ne retirant à l’homme primitif du côté des forces physiques que pour rendre davantage par le moral à l’homme actuel, et imposant dès lors à quiconque naît dans son sein des devoirs, des obligations qui ne sont point proprement de particulier à particulier, mais qui prennent un caractère commun et général : Car les individus, dit-il, à qui je dois la vie, et ceux qui m’ont fourni le nécessaire, et ceux qui ont cultivé mon âme, et ceux qui m’ont communiqué leurs talents, peuvent n’être plus ; mais les lois qui protégèrent mon enfance ne meurent point ; les bonnes mœurs dont j’ai reçu l’heureuse habitude, les secours que j’ai trouvés prêts au besoin, la liberté civile dont j’ai joui, tous les biens que j’ai acquis, tous les plaisirs que j’ai goûtés, je les dois à cette police universelle qui dirige les soins publics à l’avantage de tous les hommes, qui prévoyait mes besoins avant ma naissance, et qui fera respecter mes cendres après ma mort. […] L’un nous prouve qu’il n’y a point de corps, un autre qu’il n’y a point d’âmes, un autre que l’âme n’a nul rapport au corps, un autre que l’homme est une bête, un autre que Dieu est un miroir. […] Si la raison l’écrase et l’avilit, le sentiment intérieur le relève et l’honore… Quoiqu’il en soit, nous sentons au moins en nous-même une voix qui nous défend de nous mépriser ; la raison rampe, mais l’âme est élevée. » Sans discuter ici cette distinction si absolue entre la raison et l’âme, distinction qu’il ne maintiendra pas toujours à ce degré, il est clair que Rousseau, au lendemain de ses peines et de ses sacrifices dans la tendre passion qu’il ressentait, ne veut chercher de bonheur ou de consolation que dans la paix du cœur et dans la voix de sa conscience. En décrivant cet état moral à la fois ému et apaisé, ce sentiment de délicieuse convalescence, et en osant ainsi proposer son âme pour exemple en réponse aux questions de son amie, il ne fait, dit-il, que lui rendre le fruit de ses soins et lui montrer son propre ouvrage.
Elle voudrait abolir dans les âmes le sentiment de l’individualité, parce que ce sentiment a toujours, virtuellement au moins, quelque chose d’antisocial ; parce qu’il est un principe de diversité et de lutte, un principe de résistance et de désobéissance à la règle. — Sans doute, comme l’homme est un être complexe, comme il existe en lui deux âmes ennemies, l’âme sociale et l’âme individuelle, la morale a dû plus d’une fois tenir compte de cette dualité de notre nature et faire certaines concessions au sentiment de l’individualité. […] Les autres idéologies morales : idéologie de l’Intérêt général, de la Volonté générale, du Bonheur général sont fondées sur le même principe d’illusion ; sur la perspective d’une harmonie finale qui enchante les âmes et les plie à la loi sociale. […] Sorel a montré l’existence d’un « sublime » moral à l’état latent dans l’âme ouvrière ; d’une aptitude au sacrifice dans la lutte sans merci que la classe ouvrière soutient contre les classes possédantes qui représentent pour elle l’immoralité. — L’ouvrier anticlérical confond volontiers casuistique et jésuitisme ; de plus il est intolérant dans les choses qui touchent à la conduite comme dans celles qui touchent aux opinions et il ne respecte guère la liberté individuelle. […] À tous ces gens-là la vie en troupeau est nécessaire parce qu’elle est le champ où prospèrent les vertus à leur portée et que ne peut pas ne pas mépriser une âme forte, ayant le sentiment de sa force et de sa grandeur. — Mais au-dessus de cette morale misérable, par-delà cette morale misérable, jalouse de toute force, de toute grandeur, de toute beauté individualisée et s’affirmant comme indépendante du troupeau, l’aristocrate conçoit une morale faite pour lui et pour quelques hommes, ses pareils : une morale de surhomme, morale que chaque surhomme concevra d’ailleurs à sa façon, à son image, et sous l’inspiration de son idéal personnel.
La poésie de l’âme, la foi, la liberté, l’honnêteté, le dévouement, apparaissent dans le monde avec les deux grandes races qui, en un sens, ont fait l’humanité, je veux dire la race indo-européenne et la race sémitique. […] Les tentatives grecques de réforme, l’orphisme, les mystères, ne suffirent pas pour donner aux âmes un aliment solide. […] Une immense attente remplit les âmes. […] L’éternelle poésie des âmes religieuses, les Psaumes, éclosent de ce piétisme exalté, avec leur divine et mélancolique harmonie. […] Les âmes au courant de leur siècle sont pourtant mieux avisées.
Tous les sentiments dramatiques que le théâtre futur allait bientôt faire connaître aux âmes, terreur et pitié, angoisse et espoir, étaient en germe dans les émotions que les contrastes de la nature suscitaient en lui. Bacchus, plus puissamment que tout autre dieu, ouvrait l’âme à ces enthousiasmes. […] Son culte devait donc, entre tous, agiter les âmes, les enlever dans l’allégresse et les plonger dans la tristesse. […] Leur marche effarée simulait l’inquiétude des âmes cherchant le repos de la sépulture ; leurs petites voix grêles balbutiaient sourdement la langue inarticulée des fantômes. […] Derrière le décor, comme au bord de la fosse de l’Odyssée, les dieux et les héros, « les vieillards qui ont subi beaucoup de maux, les tendres vierges ayant un deuil dans l’âme, les guerriers aux armes sanglantes », attendent, « avec un frémissement immense », l’Évocateur suprême qui va les rappeler à la vie sublime.