/ 3036
445. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Quelles belles et bonnes âmes, ingénues, passionnées, sublimes ! […] elle n’est point d’une âme douce, ni faible, ni hésitante. […] Quelle bande de belles âmes ! […] … — Qu’il donne à qui lui plaît son âme ! […] Nikita, il faut avoir une âme. » Et comme, un peu après.

446. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Rien n’est plus réel que ces grandes secousses que deux âmes se donnent en échangeant cette étincelle. […] Il lui sembla que, du jour au lendemain, son âme était devenue noire. […] Ne pas savoir l’adresse de son âme ! […] Son âme tremblait à ses lèvres comme une goutte de rosée à une fleur. […] Ces deux cœurs se versèrent l’un dans l’autre, de sorte qu’au bout d’une heure c’était le jeune homme qui avait l’âme de la jeune fille et la jeune fille qui avait l’âme du jeune homme.

447. (1914) Une année de critique

douce vie de l’âme ! […] J’admire que tu gardes une âme égale, quand ton cœur n’est que cendres. […] C’est une étude d’âme féminine. […] Il est possible que certaines âmes aspirent à un bonheur moins superficiel, mais ces âmes-là n’intéressent guère M.  […] Quelle lumière sur une âme !

448. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XV. Du Purgatoire. »

La gradation des souffrances en raison des fautes passées, ces âmes, plus ou moins heureuses, plus ou moins brillantes, selon qu’elles approchent plus ou moins de la double éternité des plaisirs ou des peines, pourraient fournir des sujets touchants au pinceau. […] Dans l’Élysée antique le fleuve du Léthé n’avait point été inventé sans beaucoup de grâce ; mais toutefois on ne saurait dire que les ombres qui renaissaient à la vie sur ses bords, présentassent la même progression poétique vers le bonheur que les âmes du purgatoire. […] Une autre source de poésie qui découle du purgatoire, est ce dogme par qui nous sommes enseignés, que les prières et les bonnes œuvres des mortels hâtent la délivrance des âmes. […] C’est une belle chose d’avoir, par l’attrait de l’amour, forcé le cœur de l’homme à la vertu, et de penser que le même denier qui donne le pain du moment au misérable, donne peut-être à une âme délivrée une place éternelle à la table du Seigneur.

449. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

C’est le cri de l’âme, c’est l’envolée de la conscience, c’est une mélodie extra-humaine, toute de sensation, de raffinement, qui parle aux cœurs ensevelis dans le scepticisme égoïste du siècle, et qui fait, sous sa joie aiguë, jaillir la douleur. […] Il trouve, dans sa profondeur, de la variété… Ces poésies qui expriment des états d’âme effroyablement exceptionnels, ne sont pas le collier vulgairement enfilé de la plupart des recueils de poésies, et elles forment dans l’enchaînement de leurs tableaux comme une construction réfléchie et presque grandiose. Les Névroses se divisent en cinq livres : Les Âmes, Les Luxures, Les Refuges, Les Spectres et Les Ténèbres. Comme on le voit, c’est le côté noir de la vie, réfléchi dans l’âme d’un poète qui l’assombrit encore. Les imbéciles sans âme et à chair de poule facilement horripilée ont reproché à M. 

450. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VI. Recherche des effets produits par une œuvre littéraire » pp. 76-80

En dépit de cette apparence, une observation attentive sait découvrir, surtout dans les époques les plus voisines de nous qui sont les plus riches en documents, beaucoup des répercussions qu’une œuvre a eues sur les âmes. […] Vive le poète patriote, qui a créé l’âme du vieil Horace ! […] Aussi les rôles ont-ils été renversés : Racine a de nouveau grandi, pendant que Corneille était rabaissé par les juges attitrés de notre littérature  ; ils ont préféré la psychologie fine aux grands sentiments et à la force d’âme, preuve en soit les articles de MM.  […] Les historiens qui ont vu dans Rousseau et les philosophes, ses contemporains, les précurseurs et, pour mieux dire, les préparateurs de la Révolution française ; les moralistes qui attaquent ou recommandent un livre, parce qu’il leur paraît susceptible de corrompre ou d’améliorer les mœurs ; les législateurs qui punissent les provocations au crime commises et propagées par le journal ; tous ces hommes ont reconnu implicitement la répercussion que les âmes ont sur d’autres âmes, l’espèce de suggestion qui s’opère par l’intermédiaire de la parole ou de l’écriture.

451. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Il n’est aucune âme tant soit peu délicate et cultivée qui ne se sente émue à l’aspect de certaines scènes de la nature ou au spectacle de certains événements historiques. […] Mais que ces révélations, d’ordinaire fugitives et rares, se succèdent et se reproduisent incessamment dans une âme ; qu’elles se mêlent à toutes ses idées et à toutes ses passions ; qu’elles jaillissent, éblouissantes et lumineuses, de chaque endroit où se porte la pensée, des récits de l’histoire, des théories de la science, des plus vulgaires rencontres de la vie ; que, cédant enfin à ces innombrables sensations qui l’inondent, l’âme se mette à les répandre au dehors, à les chanter ou à les peindre, là est le signe, là commence le privilège du poète. […] Lors même que plus heureux ou plus habile, on parvient à reproduire en partie ce que l’âme a conçu, il y a souvent encore mécompte par quelque endroit. […] Quel poète, vraiment poète, a jamais pu réaliser ce qu’il avait dans l’âme, et comparant son œuvre à sa pensée, s’est osé rendre ce témoignage proféré par Dieu seul, lorsqu’au milieu des splendeurs naissantes de l’univers, il vit que ce qu’il avait fait était bon  ? […] Racine lui-même, j’oserai l’affirmer, Racine, dans les chœurs d’Esther et d’Athalie, n’a pas fait passer tout ce que son âme avait conçu de mélodie céleste et d’onction sacrée.

452. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Combinaison qui donna au genre de perfection qu’elle avait une nuance très particulière, d’un charme aux âmes, comme le lilas et le rose, composé aussi de deux couleurs, le sont aux yeux. […] Intérieure vis-à-vis de Dieu qu’elle savait porter et cacher dans son âme, au milieu de ce monde qu’elle n’a cessé de voir. […] Cicéron et Sénèque et tous les autres, avec leurs Traités sur la vieillesse, orgueilleux et impuissants, qui, quand on les a lus, ne rendent que plus folles les âmes ardentes, les voilà effacés par quelques mots, écrits au crayon, sur son papier à papillotes, par une main de vieille femme, qui, ce soir-là, peut-être encore avait la goutte ! […] C’est encore une manière de perdre un enfant que de n’en pas avoir, et il avait fallu se résigner à ne voir jamais, dans sa vie, de berceau sur lequel on puisse sourire, ce qui équivaut pour une âme de femme à une tombe sur laquelle on doit, hélas ! […] » De cette raison, de cette sagesse, de cette harmonie spontanée qui furent tout de suite Mme Swetchine, y avait-il de quoi faire un jour cette nuée électrique d’une âme d’artiste, qui parfois lance de si folles foudres ?

453. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Nul, parmi ces vicieux superficiels, n’avait soupçonné l’abîme d’âme sans fond caché sous la légère couche de carmin qui teignait cette joue meurtrie ; car Élisabeth avait cessé d’être jeune. […] La comtesse de Platen aima Philippe de Kœnigsmark avec cette ardeur désordonnée et malade que la possession enflamme de plus en plus dans les âmes fortes. […] (car on se perd dans le quatrième dessous de ces sortes d’âmes), voulant peut-être expier cette communion dans laquelle elle avait enseveli son premier crime sous un crime plus grand, elle refusa le trône et le pardon avec une rigidité d’orgueil et de ressentiment inexorables, et elle acheva lentement sa vie dans la farouche grandeur de sa prison. Encore une fois, c’était le fond de pareilles âmes que l’historien digne d’un pareil sujet devait nous montrer. On a retrouvé les faits matériels de la chronique de Kœnigsmark, le Disparu de l’Histoire sans laisser derrière lui, quelque part, comme le dernier des Ravenswood, la plume noire de sa toque, pour dire : « C’est là qu’il a passé et qu’il fut englouti. » Mais les causes de ces faits, étudiées à leur sinistre clarté, dans ces âmes d’une énergie presque fabuleuse en ces temps où, pour le bien comme pour le mal, l’âme humaine se ramollissait, pouvons-nous dire que nous les ayons ?

/ 3036