Le talent qui, dans le premier et bel hyménée de la jeunesse, ne fait qu’un d’ordinaire avec les sentiments dont une âme est possédée, s’il est fort, abondant, de trempe durable, s’en sépare bientôt, et devient jusqu’à un certain point distinct du fond même de l’âme. […] Aucun son ne meurt en ces âmes sans avoir son écho harmonieux, aucune vague sans avoir son écume argentée. […] C’est toujours le même génie, La même âme, instrument humain ! […] L’autre, en poussant trop haut jusqu’au char du tonnerre, S’est dans l’âme allumé quelque rêve étouffant. […] L’âme du moins y gagne en douleurs infinies ; Du trésor invisible elle sent mieux le poids.
Et l’âme qu’on sent partout ! […] Les instincts grossiers se tapissent et l’âme sort. […] Un jour atténué descend dans mon âme, la colore. […] Soit, exorcisons le fantôme de l’Absolu, pour ne parler que d’états d’âme. […] D’un bond ils sautent dans l’absolu et leur âme éclate en chaque mot.
Son âme est comme l’idéal accompli de la généralité des âmes que l’ironie n’a pas desséchées, que la nouveauté n’enivre pas immodérément, que les agitations mondaines laissent encore délicates et libres. […] Le mouvement de la strophe était dans cette poésie le mouvement même de l’âme. […] Il semble vraiment que son âme ne lui ait pas appartenu : elle flottait au souffle des sensations, des sentiments, des idées, aérienne, inconsistante, légère et musicale. […] Cette imagination des états de l’âme, si exclusivement dominatrice dans cette tête de songeur, est la cause que ces poèmes expriment non pas une âme individuelle et spéciale, mais l’Âme elle-même, la Psyché vagabonde et nostalgique et son dialogue immortel avec Dieu, avec l’Amour, avec la Nature. […] Delà ce chant qui est la voix du cœur qui médite, un chant où tout se dispose pour la complète libération de l’âme, un chant où les émotions allégées semblent venir du fond d’un rêve.
le désir montant en l’âme, et qui surgit dans la paix du non-désir ; donc lutte, lutte plus terrible, et terrible lutte ; — l’Or ou Freia ? […] et voilà que son propre acte se tourne contre elle-même, et c’est le suicide institué quand l’âme incarnée de Wotan, Brunnhilde, pense contre lui. […] Telle, semble vivre une âme, en ces drames, tandis que d’autres, autour d’elle, vivent. […] Deux âmes49 seulement exprimées ; deux âmes concevant toutes antres vivantes formes ; deux âmes uniques personnages de ce drame et le vivant ; et deux âmes qui ne sont que deux façons d’une âme, les deux sexualités, les deux modes de l’âme aimante ; une âme donc, évoquée. […] Alors, ce drame : l’âme livrée primitivement à la mensongère tromperie de l’Apparence, et niant l’amour ; puis, cette heure (l’heure possible parmi les pâles existences banalement dévouées aux vies mauvaises, dans le croupissement des animalités, sous l’aveuglement de l’être faux), l’heure (suprême) où le rêve, vague emportement de la pensée, hors le monde habituel te prend, âme, et t’enveloppe de ténèbres majeures et te donne cette vision du Vrai, donc ce choix, — l’heure, extraordinaire, (l’heure du Breuvage) où l’âme songe tout à coup qu’il est une autre vie, qu’elle peut vivre, qu’elle vivra ; dès lors, la lutte ; et le bien heureux moment où, âme, libre tu t’en iras, âme libre, libre du monde faux, éclosant dans le plein ciel de ton monde authentique, ô joyeuse de ton libre amour !
Dès que les ouvrages de littérature ont pour but de remuer l’âme, ils approchent nécessairement des idées philosophiques, et les idées philosophiques conduisent à toutes les vérités. […] Dès que vous donnez à l’âme une impulsion forte, vous ne pouvez arrêter son essor. […] Les vérités philosophiques ont sur l’esprit éclairé qui les admet le même empire que la vertu sur une âme honnête. […] Il faut à toutes les carrières un avenir lumineux vers lequel l’âme s’élance ; il faut aux guerriers la gloire, aux penseurs la liberté, aux hommes sensibles un Dieu. […] comment distinguer son talent de son âme ?
Nous ne savons rien des principes constitutifs de l’âme humaine. […] L’instinct de chanter est aussi naturel à l’âme, et surtout à l’âme émue, que l’instinct de parler. […] De là aussi la poésie lyrique, dans laquelle l’âme se chante à elle-même ou chante aux autres âmes ce que la simple parole parlée ou écrite lui semble insuffisante à révéler. […] L’émotion est le battant de l’âme. […] Quel cœur d’amant ou de citoyen, quel cœur pieux surtout n’a pas eu les explosions de son âme dans sa voix !
Un vide cruel, dans l’âme. […] A mesure que les âmes se développent, elles requièrent davantage, entre elles et l’âme de l’artiste, l’atténuation de tout intermédiaire. […] La perception de l’œuvre est ainsi gênée : un intermédiaire s’est dressé, non senti auparavant, entre ces âmes et l’âme de l’artiste créateur. […] Le philtre a pour l’éternité confondu leurs âmes. […] Le philtre corrode toujours plus profondément les tendres damnés dans leur âme et dans leur chair.
On a beau dire, ce sont là les premiers des poètes ; les autres n’écrivent que leur imagination, ceux-là écrivent leur âme. Or qu’est-ce que la belle imagination en comparaison de l’âme ? […] Disons le mot : sa vie est le roman d’une grande âme. […] il n’est ni sentiers si escarpés, ni retraites si sauvages que l’amour ne m’y suive, conversant avec mon âme et mon âme avec lui ! […] La vie qu’elle avait menée était si pure, que son âme ne pouvait pas être troublée par l’incertitude de l’avenir.
Ce sont là les lois abstraites et froides dont émane, comme une moisson du sombre sol, la merveilleuse floraison d’âmes et de vie qu’est l’œuvre de Tolstoï. […] Quand ils ont vaincu cette surprise qui les inquiète, c’est l’énigme même de cette âme maîtresse du réel, devine des âmes, égale au vaste domaine du monde moderne chargée d’énergies créatrices, et que n’enthousiasment ni ces dons, ni les objets sur lesquels ils s’exercent, ni le spectacle de leur œuvre, ni le spectacle du réel auquel elle équivaut, ni cette humanité qu’il aime pourtant, dont il ressent les affections, les crises, les deuils et toutes les joies. […] Le grand mouvement d’âme qui donne la tranquille assurance de l’héroïsme aux bataillons silencieux des défenseurs de Borodino, les larmes de Koutouzoff en apprenant le premier mouvement de retraite de Napoléon, l’exode instructif de toute la population de Moscou, sont des tableaux grandioses et graves qui remémorent aux âmes même les plus affranchies l’amour du sol natal. […] Toutes les visions dont le souvenir nous est ainsi présenté, lotîtes les émotions dont on est ainsi saisi, ont existé d’abord et ont frémi dans l’âme du grand écrivain qui les a fixées à jamais eu son œuvre. […] Entre le spectacle du monde et l’âme où il se réfléchissait, il venait comme une ternissure.