À cette fécondité contribuent trois ou quatre générations d’écrivains : et l’on aperçoit parmi les jeunes génies qui surgissent des esprits mûrs, lentement formés et fortifiés dans les troubles efforts de l’âge précédent. […] La Rochefoucauld La vie de La Rochefoucauld peut se résumer en deux mots : une période d’action furieuse, où l’amour, l’ambition, la passion de jouer un rôle, ne lui attirent que déconvenues, désastres, ruine de ses affaires et de son corps ; une période de méditation amère, lorsque, infirme et vieilli avant l’âge, il se remet en mémoire ce que lui ont valu ses hautes aspirations, lorsqu’il raconte les faits auxquels il a pris part, dans ses Mémoires, et en tire la philosophie, dans ses Maximes. […] Chacune de ses maximes est comme une piqûre d’épingle qui dégonfle l’idéal emphatique ou les aspirations surhumaines de l’âge qui finit. […] En sa jeunesse, elle est vive et gaie, et donne prise par là aux médisants ; cela s’amortit un peu avec l’âge, mais on retrouve encore la rieuse jeune fille dans la grand’mère.
Bernis, fidèle au goût du temps, loin de trouver dans cet amour royal rien de répréhensible, nous le peint à l’avance comme un modèle de chasteté et de pudeur, et digne en tout de l’âge d’or37. […] Ce furent de rudes années, et qui vieillirent avant l’âge cette faible et gracieuse femme entraînée à une lutte plus forte qu’elle. […] Si l’abbé Galiani, dans une page curieuse, préférant hautement au siècle de Louis XIV le siècle de Louis XV, a pu dire de cet âge de l’esprit humain si fécond en résultats : « On ne rencontrera de longtemps nulle part un règne pareil », Mme de Pompadour y contribua certainement pour quelque chose. […] Quand elle se vit mourir après dix-neuf années de règne, quand il lui fallut, à l’âge de quarante-deux ans, quitter ces palais, ces richesses, ces merveilles d’art amoncelées, ce pouvoir si envié, si disputé, mais qu’elle retint tout entier en ses mains jusqu’au dernier jour, elle ne dit point comme Mazarin avec soupir : « Il faut donc quitter tout cela !
Et, à mesure qu’avec l’âge les souvenirs de nos inventions s’accumulent en nous plus nombreux, nos idées nouvelles sont moins nouvelles ; à tâche égale, un moindre effort suffit et pour innover et pour exprimer nos découvertes ; l’intervalle diminue donc pour les idées nouvelles comme pour les idées que nous répétons ; on dirait, — pure illusion, — que nous nous habituons peu à peu à ne pas suivre nos habitudes, comme si le contraire de l’habitude était soumis lui-même à la loi de l’habitude. […] À l’âge où l’esprit est capable de s’observer lui-même, l’intervalle étant généralement réduit à un mininum indiscernable, le signe et l’idée paraissent simultanés ; mais cette simultanéité n’est ni réelle, ni primitive, ni constante ; elle n’est qu’une apparence acquise et plus fréquente que les faits qui permettent de la rectifier ; l’intervalle reparaît de temps à autre dans des faits qui nous révèlent et la nature primitive et la loi véritable des rapports temporels du signe et de l’idée245. […] Cette description contient plus d’une inexactitude, et surtout elle ne correspond qu’à l’état adulte de l’intelligence ; à l’âge où l’observation psychologique est devenue possible247, les choses se passent à peu près ainsi ; elles ne peuvent se passer de même chez les enfants. […] En attendant que ce progrès soit accompli, l’enfant paraît précoce, il paraît dire ou penser des choses au-dessus de son âge, quand il dit ce qu’il ne peut comprendre et quand on voit clairement qu’il comprend en lui-même certaines choses et ne sait comment les dire ; en réalité, rien n’est plus enfantin ; il n’y a là de précoce que la hardiesse à parler quand même ; chez les enfants timides, les mêmes faits doivent se produire, mais ils font moins de bruit et n’attirent pas l’attention.
Était-ce une apothéose du Pouvoir par la clémence, un triomphe du génie sur la force, l’inauguration d’un âge nouveau de la Grèce affranchie des invasions barbares et embellie de monuments immortels ? […] N’était-ce pas, après Platée, Mycale et Salamine, après la fuite des Pisistratides et des Perses, comme une avant-scène de l’âge immortel de Périclès, et comme l’entrée magnifique de ces temps de gloire où, libre, savante et fi ère, avec ses marins, son aréopage, sa tribune, Athènes vit pendant un demi-siècle se presser sur un coin de terre toutes les merveilles du génie, depuis Sophocle jusqu’à Platon, depuis Thucydide jusqu’aux derniers combats de Démosthène et il la grandeur d’Alexandre ? […] Ce jeune Shelley, mélancolique ennemi d’une société où il était né heureux et riche, et où il vivait libre, ce poëte sceptique qui, sur le registre des moines hospitaliers du mont Saint-Bernard inscrivait ironiquement son nom de visiteur, en y ajoutant l’épithète Ἄθεος, dans son rêve du passé et sa folle anticipation de l’avenir, faisait, sous le titre antique de Promet fiée délivré, une sorte de dithyrambe pour l’âge de raison de Thomas Payne, vaine tentative méditée par des esprits faux, dès l’abord noyée dans le sang par des furieux, stérilement reprise par des plagiaires insensés, et dont l’apparente menace ne sert qu’au pouvoir absolu, qu’elle arme d’un prétexte étayé sur la peur publique ! […] Je ne chercherai pas, en ce moment, quel âge avait Sophocle, quand il fit cette pièce, et, qu’accusé de folie par ses fils, il récita, pour toute réponse, le commencement du Chœur des vieillards de Colone127 : « Ô étranger !
Crébillon, ainsi que quelques auteurs de son âge, comptait trop sur la licence de ses sujets et sur son libertinage de ton pour se faire lire ; il croyait se donner le lecteur pour complice. […] Ce sont les saturnales de l’âge d’or. […] Il mourut le 12 février 1763, à l’âge de soixante-quinze ans.
On conjecture qu’il naquit de 1150 à 1160, et qu’il mourut vers 1213, à l’âge d’à peu près soixante ans, et peut-être moins. On ignore les actions de sa jeunesse et de ses premières années ; on le voit déjà mûr, attaché au comte Thibaut III, qui parvint à la principauté en 1197, à l’âge de vingt-deux ans, et obtenant toute sa confiance. […] Ainsi la poésie, ainsi l’éloquence, sont des dons naturels qui, du temps de Villehardouin et de Quènes de Béthune, n’étaient pas moins réels ni de près, peut-être, moins frappants qu’ils ne le seront à des âges de société plus en vue.
Auguste l’appelait en riant le pompéien, et Tite-Live osa écrire du grand César « qu’il n’était pas bien certain si la chose publique avait plus gagné à ce qu’il naquît qu’elle n’aurait gagné à ce qu’il ne fût pas né. » Après la mort d’Auguste, il retourna à Padoue et y mourut vers l’âge de soixante-seize ans. […] On a les dix premiers livres, dans lesquels Tite-Live a dû accepter (et il en demande presque grâce) les fables et les on-dit de la légende, et couvrir de son talent les premiers âges si secs de l’histoire. […] Qu’on me permette un exemple bien disproportionné quant à la splendeur, mais non pas quant aux circonstances essentielles : supposez que de la grande Histoire de Mézeray on n’ait conservé que les premiers âges à demi fabuleux des Mérovingiens, et puis les règnes de Jean, de Charles V, de Charles VI, et, si l’on veut même, de Charles VII, les guerres des Anglais, et qu’on ait perdu tout le xvie siècle, où Mézeray abonde et excelle, ces tableaux des guerres civiles religieuses, où il est le compilateur le plus nourri, le plus naïvement gaulois et le plus indépendant à la française, où il se montre le mieux informé et le plus sensé des narrateurs ; aura-t-on, je le demande, du talent de Mézeray et de sa nature d’esprit une idée entière, et surtout pourra-t-on pousser cette idée et la définition de cet esprit jusqu’à la rigueur d’une formule, jusqu’à en extraire le dernier mot ?
Il me paraît surtout avoir plus d’un rapport avec ce dernier, avec le philosophe de Béziers, de qui Marmontel nous dit que « ce que l’âge lui avait laissé de chaleur n’était plus qu’en vivacité dans un esprit gascon, mais rassis, juste et sage, d’un tour original, et d’un sel fin et doux18 ». […] Qu’elle se maintienne et roule quelque temps, elle aura bientôt tout le monde à sa suite. — J’ai vu, disait quelqu’un, la naissance de plusieurs bruits de mon temps ; et bien qu’ils s’étouffassent en naissant, nous ne laissions pas de prévoir le train qu’ils eussent pris s’ils avaient vécu leur âge. […] Tout a changé dans Genève, tout s’est transformé ; après un âge brillant, qui a recommencé et même surpassé en mouvements d’idées les beaux jours du xviiie siècle, une autre révolution s’est produite ; la face des choses a été renouvelée ; là comme ailleurs, le flot du grand nombre débordant, ce qui était relativement l’aristocratie a perdu son petit empire.
Par quels degrés de maturité et de perfectionnement, par quels âges successifs son éloquence passa-t-elle durant quinze années ? […] Je m’aperçois que j’omets de noter une singularité littéraire mémorable : l’homme éminent que nous critiquons et qui s’offre si délibérément coup sur coup au jugement du public, n’avait pas tout à fait les vingt-cinq ans exigés par le règlement, lorsqu’en 1812 il fut nommé par M. de Fontanes à une chaire de la Faculté des Lettres ; il lui fallut une dispense d’âge. […] Le fait est qu’on ne songe même pas à l’âge de M.