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165. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 328-330

Nous avons l’expérience de trois Ages Littéraires, qui ont précédé celui que nous finissons. Une bonne Histoire des Ouvrages qui ont paru au commencement, au milieu, & vers la fin de chacun de ces Ages, pourroit nous instruire & de ce qui peut féconder, nourrir, perfectionner les esprits, & de ce qui peut les resserrer, les énerver & les engourdir.

166. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Sur les exercices, des. Cadets russes. » pp. 549-546

«  Voici les réflexions qu’a faites à ce sujet un homme de bien, justement célèbre, que la reconnaissance a amené de huit cents lieues au 60e degré à l’âge de soixante ans, au pied du trône de sa bienfaitrice » : « Jugez, disait-il, combien cela doit plaire à un homme dont la première éducation a été aussi dissipée, aussi violente et peut-être plus périlleuse, et qui a le front cicatrisé de plusieurs coups de fronde reçus de la main de ses camarades. […] Je me souviens qu’à l’âge de ces enfants, mes camarades et moi, nous pensâmes démolir un des bastions de ma ville, et passer les vacances de la semaine sainte en prison.

167. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

On éprouve alors comme une convalescence de l’âme, qui n’est ni le trouble de l’adolescence, ni la paix de l’âge mur, ni la pleine santé, ni la maladie ; état mixte, et, pour ainsi dire, neutre et passif, pendant lequel les blessures de l’âme se cicatrisent pour nous laisser vivre de nouveau, malgré tout le sang que nous avons perdu. […] Mademoiselle B… aimait passionnément la poésie, et mes vers encore inédits, mais récités dans la maison de la marquise de La Pierre par des amis de mon âge, l’avaient prévenue en ma faveur avant même de me connaître de vue : j’avais été accueilli avec cet enthousiasme que le mystère et le demi-jour ajoutent au talent. […] Puissent ces lignes lui apprendre que l’amitié survit au-delà du bonheur et de la popularité pour les hommes dignes d’être aimés à tous les âges ! […] On ne pouvait s’empêcher de chercher encore sur sa figure douce, fine, intelligente et passionnée, les traces de la beauté qui l’avait fait adorer dans un autre âge. […] La mienne en avait été incendiée, et c’est une de ces impressions que l’âge, les revers, les vicissitudes prosaïques de l’existence n’ont pas affaiblies en moi.

168. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

IV Mais indépendamment de cette littérature badine de la jeunesse et de cette littérature sérieuse de l’âge mûr ou de l’âge avancé, il y a une sorte de littérature mixte participant des deux autres et inventée par les Italiens, ces inventeurs de tout ce qui amuse ou charme en Europe. […] Elle me traitait en ami supérieur en âge à qui l’on se plaît à se confier, parce qu’on sent l’affection désintéressée dans le conseil. […] Tout s’en va, les plaisirs et les mœurs d’un autre âge. […] Je ne voudrais pas passer l’âge de Raphaël, de Mozart, de Weber, de la divine Malibran !  […] Mais ces têtes chauves étaient les Scipion, les Caton, les Cicéron, les noms par qui Rome vivait et vivra dans les lettres, dans le cœur et dans la mémoire des hommes de bien de tous les âges futurs.

169. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Les exemples d’enfants initiés à l’âge de quinze ou seize ans aux éléments de la géométrie transcendante et du calcul infinitésimal, ne sont point rares. […] 1° Il faut, disent-ils, appliquer à la science des mots l’âge où l’on a beaucoup de mémoire et peu de jugement. […] essentielles ou surérogatoires, en faut-il occuper l’âge de l’imbécillité, l’âge où leur difficulté est au-dessus de la portion de jugement que la nature nous accorde ? […] Qu’on l’apprenne par cœur, j’y consens, mais à l’âge de Marc-Aurèle. […] Mais à quel âge l’aije senti, en ai-je profité ?

170. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Amoureux dès l’âge de neuf ans de la jeune Béatrix, qui n’en avait que huit, Dante conserva toute sa vie le culte inconcevable de cette ardeur qui semblerait fabuleuse si elle n’était d’accord avec les idées raffinées qui se professaient en cet âge chevaleresque. Cet amour, dont les principaux accidents et les aventures se bornèrent à quelques saluts, à quelques regards échangés et à quelques sourires, tout au plus à de rares paroles, et qui ne devait empêcher aucune des deux personnes qui s’en entretenaient ainsi, de s’engager un peu plus tôt ou un peu plus tard dans les liens positifs du mariage ; cet amour qui semblait d’ailleurs à jamais rompu par la mort prématurée de Béatrix vers l’âge de vingt-six ans, devint et continua d’être la pensée profonde, supérieure, le ressort le plus élevé de la conduite et des entreprises de Dante. […] Il avait déjà commencé ce poème avant les événements politiques qui le mirent à la tête des affaires de son pays, et qui bientôt le firent bannir de Florence à l’âge de trente-sept ans (1302), pour errer près de vingt ans encore (1321) sans y rentrer jamais. […] Toutefois c’est encore dans les exemplaires grecs et latins, ou dans les productions chrétiennes appartenant à des âges plus doux, qu’on retrouve le genre de beautés le plus direct, le plus naturel et, pour nous, le plus aisé à sentir, le plus exempt de toutes les ligatures et de tous les emboîtements pédantesques qui, en le reconstituant, ont déformé à de certains siècles et mis à la gêne l’esprit humain.

171. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

C’est une étude également répartie sur chaque âge, enfance, adolescence, jeunesse, plutôt que la peinture d’une situation particulière et d’une crise passionnée. […] Des voisins, les Beaumesnil, sont des jaloux odieusement médisants, presque des caricatures, et une petite amie, Clotilde Desrozais, nièce des Beaumesnil, s’annonce comme en tout l’opposé et le repoussoir de Sibylle ; car celle-ci est blonde, aux cheveux d’or, aux yeux bleus d’azur, au profil séraphique, tandis que Clotilde, plus forte, et grande dès l’âge de douze ans, a un œil superbe, « à demi clos et voilé dans l’habitude, mais dévorant dès qu’il s’ouvre » ; avec cela, « de lourdes nattes d’un noir bleuâtre », et, sur des dents d’ivoire, des lèvres pourprées dont la cerise ne demande qu’à être cueillie. […] Je sais qu’il y a en tout ceci bien du jeu, que l’art est une chose fort différente de la nature, que ce qui s’appelle roman en particulier est fait pour plaire et amuser à tout prix, et le plus souvent moyennant illusion : je ne voudrais pourtant pas qu’on y mentît par trop, qu’on y donnât des idées par trop fausses et chimériques. et j’ai présent à l’esprit en ce moment la boutade d’un moraliste un peu misanthrope, qui écrivait pour lui seul après la lecture de quelqu’un de ces romans à la Sibylle ou à la Scudéry : « Quand je me reporte en idée aux débuts de l’espèce humaine sur cette terre, à cette longue vie sauvage dans les forêts, à ces siècles de misère et de dureté de l’âge de pierre qui précéda l’âge de bronze et l’âge même de fer ; quand je vois, avant l’arrivée même des Celtes, les habitants des Gaules, nos ancêtres les plus anciens, rabougris, affamés et anthropophages à leurs jours de fête le long des fleuves, dans le creux des rochers ou dans les rares clairières ; — puis, quand je me transporte à l’autre extrémité de la civilisation raffinée, dans le salon de l’hôtel de Rambouillet ou des précieuses spiritualistes de nos jours, chez Mme de Longneville ou chez Mme de…, où l’on parle comme si l’on était descendu de la race des anges, je me dis : L’humanité n’est qu’une parvenue qui rougit de ses origines et qui les renie.

172. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Il ne s’agissait plus de s’enflammer à tout bout de champ pour le gothique, de le préconiser avec esprit et avec feu, mais de le bien connaître et de s’en rendre compte dès sa naissance, dans ses progrès, ses transformations et ses différents âges. […] Lorsqu’il se vit le restaurateur en titre de Notre-Dame, il aurait même pu retrouver, après coup, un signe et comme un présage de sa destinée d’artiste, dans une impression d’enfance qu’il a quelque part racontée : « Il m’est resté, dit-il, le souvenir d’une émotion d’enfant très vive et encore fraîche aujourd’hui dans mon esprit, bien que le fait en question ait dû me frapper à un âge dont on ne garde que des souvenirs très vagues. […] Je vais exposer d’après lui l’idée qu’il s’est faite du développement graduel de l’architecture en ses âges et à ses époques les plus caractéristiques. — Je passerai vite sur les commencements trop obscurs et qui prêtent à trop d’hypothèses. […] Car ces choses, dont chacune semblait pouvoir être à peine terminée en bien des générations et des âges, s’accomplirent toutes dans le cours florissant d’une seule administration. […] Prenant pour exemple, sur l’Acropole même d’Athènes, l’Erechtheïum, « ce groupe de trois temples ou salles dont deux se commandent, avec trois portiques à des niveaux différents », se replaçant en idée dans ce bel âge de la Grèce, il suppose que le monument terminé, au moment où l’échafaud disparaît et où l’effet d’ensemble se révèle, un mécontent, un critique sort de la foule et accuse publiquement l’architecte d’avoir violé les règles au gré de sa fantaisie ; et l’artiste alors, heureux d’avoir à s’expliquer devant un peuple véritablement artiste et qui saura le comprendre, réfute agréablement son contradicteur, non sans flatter un peu son auditoire : « Celui qui vient de parler si légèrement, Athéniens, est probablement un étranger, puisqu’il est nécessaire de lui expliquer les principes d’un art dans l’exercice duquel vous dépassez les autres peuples.

173. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Il en avait eu deux fils, dont un mort en bas âge et un seul survivant, le comte de Gisors, celui dont M.  […] Vauvenargues nous a offert par lui-même, et dans la personne de son ami Hippolyte de Seytres, l’idéal d’un jeune militaire dévoué à son roi, à sa patrie, à ses devoirs, amoureux de la gloire dans l’âge des plaisirs, et sachant associer au culte moderne de l’honneur quelque chose de la vertu telle que l’entendaient les Anciens. […] Dès l’âge de treize ans, il fut colonel en titre d’un régiment qu’on avait levé, d’accord avec le roi Stanislas, et qui avait nom Royal-Barrois. […] Cette parfaite culture à laquelle rien n’avait manqué et qui avait si bien réussi, ce respect absolu pour son père, cette soumission, cette juste égalité de sentiments en tout, ou cette réserve qui était une vertu à son âge, ne laissent pas deviner quelle nature de génie particulière pouvait être en lui, et s’il avait du génie ou seulement un parfait mérite ; car, quand on a tant de bon sens à vingt-cinq ans, aura-t-on du génie à cinquante ? […] Quoique nous ne vivions plus aux âges antiques, ne dédaignons pas la Muse : elle seule encore est capable de mettre un dernier charme, un attrait sensible, là où était déjà l’estime.

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