Étudiez l’histoire des grandes nations modernes : vous y trouverez nombre de grands savants, de grands artistes, de grands soldats, de grands spécialistes en toute matière, — mais combien de grands hommes d’État ? […] Résumant les doléances présentées dans les cahiers des États généraux, Émile Faguet a écrit quelque part que la Révolution ne s’était pas faite pour la liberté et l’égalité, mais simplement « parce qu’on crevait de faim ». […] L’État aurait le droit d’intervenir, de rechercher la paternité, enfin de prendre des mes-ares qui seraient en d’autres cas inquisitoriales, puisque c’est sur lui que l’on compte tacitement pour assurer la subsistance du pays et par conséquent celle de l’enfant qu’on a appelé à la vie. […] Qu’on maintienne le principe de la souveraineté de l’État, si l’on veut : il fléchira nécessairement dans son application aux cas particuliers. […] Ces allers et retours sont caractéristiques de l’État moderne, non pas en vertu de quelque fatalité historique, mais parce que le régime parlementaire a justement été conçu, en grande partie, pour canaliser le mécontentement.
Il nous importerait peu à nous aujourd’hui que la Russie modifiât les conditions civiles entre sa noblesse, sa bourgeoisie, ses serfs ; que l’Angleterre rétrécît ou relâchât ses liens civils avec l’Irlande, les Indes et ses colonies ; que l’Autriche modifiât ses rapports intérieurs avec les États fédératifs de Hongrie ou de Bohême ; que la Suisse ou les États-Unis introduisissent plus ou moins l’aristocratie helvétique ou de démocratie américaine dans leurs républiques. Qu’importait donc à l’Europe que la cour, le clergé, les parlements, la noblesse, le peuple se donnassent en France telle ou telle égalité, ou telle ou telle supériorité réciproque, qui ne touchait en rien aux intérêts personnels ou matériels des différents États du continent ? […] Le crime est précisément l’inverse de toute politique ; car toute politique n’est que la morale divine appliquée par la grande conscience des hommes d’État au gouvernement des nations : le crime au contraire n’est que l’immoralité humaine appliquée par l’impuissance ou par la perversité de la fausse conscience des ambitions au succès de leur cause ou de leur fanatisme. […] L’histoire finira peut-être par apprendre aux hommes d’État ce simple axiome qui les fait sourire de pitié aujourd’hui.
Nous naissons tous sujets d’une double Puissance ; Chaque Peuple a son Culte, & chaque Etat ses Loix : Malgré l’audace impie & l’aveugle licence, Respectons les Autels, obéissons aux Loix.
Un Etat policé doit n’admettre que les lumieres utiles & bienfaisantes, & rejeter celles qui sont équivoques ou dangereuses.
» — Dès la fin du régime devenu trop asiatique de Louis XIV, un certain nombre de bons citoyens pensaient très sérieusement aux moyens de rétablir dans l’État une règle, une constitution reconnue trop absente, et dont les abus d’un long règne et les calamités survenantes faisaient sentir l’utilité. […] Il y a un côté par où M. de Mirabeau tomba dans la secte et fut un dévot au docteur Quesnay ; mais, en laissant ce côté particulier et ce coin de paradoxe économique, que d’idées fines et justes dans ses écrits, que de vues justifiées par l’expérience et que ne désavouerait pas le bon sens politique, soit qu’on le prenne dans son mémoire de début sur L’Utilité des États provinciaux (1750), soit dans maint chapitre de L’Ami des hommes (1756), soit dans la Théorie de l’impôt (1760) qui le fit mettre cinq jours au donjon de Vincennes, par un simulacre de châtiment et une concession faite aux puissances financières du temps ! […] En général, et à ne les considérer que d’après les points qui leur sont communs, ces doctrines de Mirabeau et des autres réformateurs aristocratiques ou monarchiques d’alors tendaient à opérer la réforme par en haut, pour éviter une révolution par en bas, à refaire, à relever après Louis XIV ce qu’il avait en grande partie détruit et nivelé sans parvenir à le simplifier définitivement : elles tendaient à remettre quelque peu les choses sur le pied et comme à partir de Louis XIII et de Henri IV, et à introduire dans l’État une constitution moyenne en accord à la fois avec les besoins nouveaux et avec les mœurs et les restes d’institutions de l’ancienne France.
Car Richelieu, rendons-lui à notre tour et après tant d’autres ce public hommage, avait en lui de cette flamme et de cette religion des lettres qu’eurent dans leur temps à un si haut degré les Périclès, les Auguste, les Mécènes ; il croyait que les vraiment belles et grandes choses ne seront cependant tenues pour telles à tout jamais, qu’autant qu’elles auront été consacrées par elles, et que le génie des lettres est l’ornement nécessaire et indirectement auxiliaire, la plus magnifique et la plus honorable décoration du génie de l’État. […] Après avoir dompté et décapité les grands, maté les protestants comme parti dans l’État, déconcerté et abattu les factions dans la famille royale, tenant tête par toute l’Europe à la maison d’Autriche, faisant échec à sa prédominance par plusieurs armées à la fois sur terre et sur mer, il eut l’esprit de comprendre qu’il y avait quelque chose à faire pour la langue française, pour la polir, l’orner, l’autoriser, la rendre la plus parfaite des langues modernes, lui transporter cet empire, cet ascendant universel qu’avait eu autrefois la langue latine et que, depuis, d’autres langues avaient paru usurper passagèrement plutôt qu’elles ne l’avaient possédé. […] Il étendit la main, et fit dire à cette petite réunion qui se croyait obscure : « Je vous adopte ; soyez à moi, soyez de l’État !
Il aime le roi et l’État ; il sent que l’un et l’autre sont chargés d’une guerre qui ne peut se soutenir partout avec supériorité. […] Ce que je dis pour la nature des troupes, je le dis pour l’argent, pour les vivres, pour les voitures, et pour tout ce qui regarde la dépense : on ne peut pas ôter de la tète de M. le maréchal de Catinat que le roi et l’État ne seront pas en état de la fournir, de sorte que l’amas de toutes ces difficultés le prévient qu’il n’y a rien de bon dans la suite de cette guerre-ci que de l’entretenir sur le pied de l’épargne, d’où dérive la défensive. […] Ce qui me donne le plus grand déplaisir dans ces tristes conjonctures, c’est que j’en connais les grandes conséquences pour les affaires générales de l’État ; la perte de mes biens me laisserait plus de force à m’en consoler.
Ce défaut, ma chère fille, dans une princesse, n’est pas léger ; il entraîne après soi, pour faire la cour, tous les courtisans, ordinairement gens désœuvrés et les moins estimables dans l’État, et éloigne les honnêtes gens, ne voulant se laisser mettre en ridicule, ou s’exposer à se devoir fâcher, et à la fin on ne reste qu’avec mauvaise compagnie, qui entraîne peu à peu dans tous les vices… Ne gâtez pas ce fonds de tendresse et de bonté que vous avez. (17 août 1774.) » Et encore, — car cette morale générale n’est nullement en l’air et ne vient qu’à propos de rapports très-particuliers : « Ne prenez pas pour humeur ou gronderie ce que je vous ai marqué ; prenez-le pour la plus grande preuve de ma tendresse et de l’intérêt que je prends à vous, de vous marquer tout ceci avec tant d’énergie ; mais je vous vois dans un grand assujettissement, et vous avez besoin qu’on vous en tire au plus vite et avec force, si l’on peut encore espérer de l’amendement. […] On nous épluche trop pour ne pas être toujours sur ses gardes. (2 juin 1775.) » A propos de parure, il y a une histoire de bracelets qui préoccupe avec raison la très-sage souveraine : « Toutes les nouvelles de Paris annoncent que vous avez fait un achat de bracelets de 250 mille livres ; que, pour cet effet, vous avez dérangé vos finances et vous êtes chargée de dettes, et que vous avez, pour y remédier, donné de vos diamants à très-bas prix ; on suppose après que vous entraînez le roi à tant de profusions inutiles, qui depuis quelque temps augmentent de nouveau et mettent l’État dans la détresse où il se trouve. […] Alfred Arneth ou d’Arneth, fils de l’ancien conservateur des Antiques, à Vienne, est placé lui-même, en qualité de conservateur en chef adjoint, à la tête des Archives impériales ; il est conseiller aulique et membre des États.
L’unité géographique de l’Europe a beau être brisée en une quantité d’États, n’y a-t-il point des éléments communs à ces États comme aux membres d’un même corps ? […] Mais ce n’est pas assez de considérer les relations politiques où l’État est engagé.