Marc Monnier, je n’oublierai jamais la reconnaissance que je dois au Conseil d’État du canton de Genève pour le périlleux honneur qu’il m’a fait et la haute confiance qu’il m’a témoignée en m’appelant à cette chaire ; je n’oublierai jamais non plus — qu’il me soit permis de le dire en entrant dans une carrière pour moi toute nouvelle, — la reconnaissance qui me lie aux amis que j’ai dû quitter, dont beaucoup m’ont donné de publics témoignages de sympathie que des circonstances que je tiens à passer sous silence m’ont rendus particulièrement précieux. […] État de guerre, je le répète, dans tous les pays le même, et partout également fâcheux. […] La Grèce avait tiré sa littérature et ses arts de ce sens spécial que les Grecs désignaient par le mot mélodieux d’eurythmie ; Rome avait construit sur le civisme sa robuste civilisation, si pauvre d’ailleurs en œuvres originales ; l’Europe du Moyen-Âge, ces États hétérogènes formés comme par hasard par des mélanges et des heurts de nations, cette Europe informe et désordonnée comme une chanson de geste, que la diplomatie de plusieurs siècles n’a pas encore réussi à partager équitablement, cette Europe marchait et travaillait pourtant sous l’impulsion d’un sentiment tout aussi grand que l’eurythmie et le civisme : la foi religieuse.
Sachons apercevoir le mépris public qui se glissait à travers et qui croissait chaque jour, ce mépris qui, comme une fièvre lente, mine les pouvoirs et les États. […] La reine, incrédule et colère, le cardinal, qui n’a point peur encore, et qui sourit malignement, les complaisants, les flatteurs du lieu, Bautru et Nogent, qui bouffonnent, et chacun des assistants dans son rôle : M. de Longueville qui témoigne de la tristesse, « et il était dans une joie sensible, parce que c’était l’homme du monde qui aimait le mieux le commencement de toutes affaires » ; M. le duc d’Orléans qui fait l’empressé et le passionné en parlant à la reine, « et je ne l’ai jamais vu siffler avec plus d’indolence qu’il siffla une demi-heure en entretenant Guerchy dans la petite chambre grise » ; le maréchal de Villeroi qui fait le gai pour faire sa cour au ministre, « et il m’avouait en particulier, les larmes aux yeux, que l’État était sur le bord du précipice ». […] On trouverait dans ces carnets de Mazarin des maximes d’État, d’excellents jugements des hommes, les menus propos du jour, tout enfin, j’imagine, excepté de la grandeur.
D’une autre part, les rigoureux observateurs de la nature humaine lui ont reproché de maintenir orgueilleusement certains dogmes qu’une philosophie plus positive et plus hardie se croyait en droit de contester, de ne tenir aucun compte de l’homme physique et naturel dans les opérations de l’esprit, de se soucier moins d’être un vrai philosophe (ce qui n’est donné qu’à peu d’hommes) que de vouloir fonder une grande école de philosophie (ce qui est bien différent), et d’aller jusqu’à faire ensuite de cette philosophie une doctrine d’État, ayant cours et influence. […] Villemain ne s’est montré rhéteur plus accompli (au meilleur sens du mot) que dans ce morceau où il parle précisément contre les rhéteurs, et où il traduit une pensée d’homme d’État. […] Tout jeune homme se croyait fait pour être homme de lettres, tout homme de lettres pour être journaliste, tout journaliste pour être ministre ou président de l’État.
Boris qu’on haïssait était le seul homme indiqué pour gouverner l’État ; il était inévitable. Tous les ordres de l’État le supplièrent donc de régner : le peuple même, effrayé de la menace d’une invasion tartare, surmonta un moment son aversion et fit entendre ses prières. […] Allemands dans ses États pour donner réveil à l’industrie ; il envoyait de jeunes gentilshommes étudier en Allemagne, en France, en Angleterre ; il combattait l’ivrognerie, ce vice national, en attribuant au gouvernement le monopole de l’eau-de-vie ; il touchait par des règlements nouveaux à la condition des serfs et à leurs rapports avec les maîtres.
Ses Ouvrages les plus connus sont des Considérations politiques sur les coups d’Etat, & une Apologie des Grands Hommes faussement soupçonnés de magie.
Dans le salon de réception, Swift allait causer avec quelque homme obscur et forçait les lords à venir le saluer et lui parler. « M. le secrétaire d’État me dit que le duc de Buckingham désirait faire ma connaissance ; je répondis que cela ne se pouvait, qu’il n’avait pas fait assez d’avances. […] Vous apercevrez dans l’État les bienfaits infinis que nulle tyrannie n’abolit et les inclinations sociables que nulle méchanceté ne déracine. […] Au contraire, les partis anglais furent toujours des corps compacts et vivants, liés par des intérêts d’argent, de rang et de conscience, ne prenant les théories que pour drapeau ou pour appoint, sortes d’États secondaires qui, comme jadis les deux ordres de Rome, essayaient légalement d’accaparer l’État. […] » Ailleurs rien de plus fort, de plus digne d’une académie des inscriptions que le raisonnement par lequel il convainc un badinage de Pope982 d’être un pamphlet insidieux contre la religion et l’État. […] C’est pourquoi on a grand tort de tenir enfermés les gentlemen de Bedlam, et une commission chargée de les trier trouverait dans cette académie beaucoup de talents enfouis capables de remplir les plus grands postes dans l’armée, dans l’État et dans l’Église
Il fut pere de Simon Arnaud, Marquis de Pompone, Ministre & Secrétaire d’Etat, qui, par son crédit, ne put empêcher [comme l’a remarqué M. de Voltaire] ni les disputes ni les disgraces de son oncle, dont nous allons parler.
Celle sur-tout qui a pour titre, l’Etat des Sciences en France pendant les regnes de Charles VIII & de Louis XII, est très-intéressante, par les recherches qu’elle suppose & la méthode avec laquelle elles sont digérées.
Les passions qu’on leur prête s’agrandissent de la magnificence du cadre où elles se meuvent ; elles influent sur plus d’intérêts ; elles ont quelque chose de l’État même et de son pouvoir. […] Qui pourrait ne pas trouver qu’il est beau d’étudier une intelligence aux prises avec les problèmes les plus vivants qui soient ; la dépense prodigieuse d’énergie que suppose une affaire prospère ; la lutte contre la concurrence, et les angoisses, et l’orgueil des triomphes rapides ; l’obéissance d’un personnel nombreux aux ordres d’un seul homme ; ces milliers d’industries, qui sont autant de petits États dans l’État, ayant chacun sa politique extérieure et intérieure, sa dynastie, ses drames ? […] Le quatrième État aura ses portraitistes, comme il a ses orateurs et ses barnums.