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2343. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Attaché dès sa première jeunesse et sur la fin de la Fronde au prince de Conti, qui se destinait alors à l’Église, il avait été des plus influents dans cette petite cour, s’était rendu l’un des plus utiles agents de la paix de Bordeaux, et avait par là mérité la reconnaissance ou du moins l’estime du cardinal Mazarin, laquelle n’avait pas dû diminuer quand il eut procuré le mariage d’une nièce du cardinal avec le prince. […] L’abbé de Cosnac, moins par scrupule que par un éloignement naturel, évite de se mêler à ces sortes d’intrigues, qui sont, au contraire, l’élément même et le triomphe de Sarasin : Pour moi, nous dit l’abbé, je ne cherchais à me mêler que des affaires du parti, non seulement dans la vue de me rendre utile et nécessaire, mais encore parce que je les trouvais plus conformes à mon inclination, qui me portait autant à l’ambition qu’elle m’éloignait de l’amour. […] Si Monsieur a paru un jour plus enhardi et disposé à en parler au roi, le lendemain il se trouve tout dégoûté sur ce qu’on lui a dit qu’il y a près de Naples une montagne de feu qui rend cette ville sujette aux tremblements de terre.

2344. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Vendredi 11 février Je vis tellement calfeutré dans mon cabinet de travail, que lorsque j’en sors, l’air de Paris me fatigue comme un air de campagne, et me rend incapable de travailler le soir. […] Mercredi 9 mars Mlle X… me disait, ce soir, que les jeunes filles sont très souvent préservées d’une chute, par l’espèce de culte qu’elles rendent à leur personne, par une sorte d’ascension de leur être, dont elles font, à leurs yeux, une petite sainte Vierge de chapelle. […] Un de ceux-ci dit à une de celles-là : « Nous avons commencé à organiser des promenades scientifiques, au Palais de l’Industrie… Je t’en ferai mettre. » Dimanche 21 août Quelquefois, en jetant, ma plume — et ici je la jette à la fin d’un chapitre où j’ai cherché à rendre le brisement de mon être, après la mort de mon frère — je me laisse aller à dire tout haut : « As pas peur, mon petit, je suis encore là… et à nous deux, nous aurons miné tant de vieilles choses, et à l’heure, où c’était brave… qu’il viendra une année du xxe  siècle, où quelqu’un dira : « Mais ce sont eux, qui ont fait tout cela ! 

2345. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Le lyrisme est capiteux, le beau grise, le grand porte à la tête, l’idéal donne des éblouissements, qui en sort ne sait plus ce qu’il fait ; quand vous avez marché sur les astres, vous êtes capable de refuser une sous-préfecture ; vous n’êtes plus dans votre bon sens, on vous offrirait une place au sénat de Domitien que vous n’en voudriez pas, vous ne rendez plus à César ce qu’on doit à César, vous êtes à ce point d’égarement de ne pas même saluer le seigneur Incitatus, consul et cheval. […] Une critique d’État, dûment assermentée et accréditée, peut rendre des services. […] Ce qui ne l’empêche pas de s’occuper de vous, spectateur ou lecteur, de vous faire de la morale, de vous donner des conseils, et d’être votre ami, comme le premier bonhomme La Fontaine venu, et de vous rendre de petits services.

2346. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Jean Viollis objectait : « Si M. de Bouhélier voulait strictement s’en tenir à sa théorie, il rendrait, par le fait même, impossible tout roman et tout théâtre. […] Car il y a deux sens au mot classique, ainsi que l’a marqué Sainte-Beuve : « Le mot classicus se trouve employé dans Aulu-Gelle et appliqué aux écrivains ; un écrivain de valeur et de marque, classicus assiduusque scriptor, un écrivain qui compte, qui a du bien au soleil… Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque ou ressaisi quelque passion éternelle… qui a rendu sa pensée, ou son observation, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi, qui a parlé à tous dans un style à lui, et qui se trouve celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. […] Sainte-Beuve d’ailleurs l’eût approuvée puisqu’il déclare : « L’important, aujourd’hui, est de maintenir l’idée et le culte (du classicisme). » La tâche a été rendue facile par les influences subies.

2347. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Que les maîtres se consolent par l’importance du service qu’ils rendent à la patrie, et que les élèves soient encouragés par l’espoir de la récompense qui les attend : la considération publique. […] Vice incurable : ne craignez point que celui qui possède les principes fondamentaux se rende ridicule. […] Je viens de donner le plan d’une université telle que je la voudrais  ; mais ensuite, réduisant ce plan pour le rendre praticable, je partage cette université en quatre facultés : 1° la faculté des arts ; 2° la faculté de médecine ; 3° la faculté de jurisprudence ; 4° la faculté de théologie.

2348. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Dans ces dernières y aurait-il certains traits fins, subtils et cachés, faciles à sentir quand on les a sous les yeux, infiniment difficiles à retenir quand on ne les voit plus, impossibles à rendre par le discours ; ou serait-ce de ces physionomies rares et des traits spécifiques et particuliers de ces physionomies que seraient empruntées ces imitations qui nous confondent et qui nous font appeller les poëtes, les peintres, les musiciens, les statuaires du nom d’inspirés ? […] Mais comment se fait-il que les esprits les plus communs sentent ces élans du génie et conçoivent subitement ce que j’ai tant de peine à rendre ? […] Il me semble que celui où le jeune homme lit la lettre, où il s’attendrit, où le cœur lui bat, où il retient la vieille par le bras, où le trouble et la joie se confondent sur son visage, où la vieille qui s’y connaît l’observe malignement valait beaucoup mieux à rendre.

2349. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Mais la consigne est là : tel jour, à telle heure, ils doivent se rendre sur les Allées Neuves, se ranger en cercle — et enivrer la population de leurs harmonies guerrières. […] Mais ce sourire cache bien des désillusions ; car, ses saluts, on ne les lui rend pas ; — car les gentilshommes qu’il encense à coups de chapeau ne le connaissent point. […] Il y a de tout dans cet album, excepté de l’esprit et du sens commun : des déclarations d’amour à Madeleine Brohan — et des vers de quatorze syllabes sur les sapins orgueilleux dont le front touche les cieux, — l’alexandrin étant d’une insuffisance notoire à rendre les massives majestés des Pyrénées.

2350. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Les grossières naïvetés que Charlet prête à ses conscrits sont tournées avec une certaine gentillesse qui leur fait honneur et les rend intéressants. […] C’est un malheur réel, car il est très-observateur, et, malgré ses hésitations et ses défaillances, son talent a quelque chose de sérieux et de tendre qui le rend singulièrement attachant. […] Une production incessante et régulière a rendu cette liste plus que incomplète.

2351. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Qu’ils fassent consister le progrès dans le passage des sociétés de type militaire aux sociétés de type industriel, — ou des sociétés fondées sur la solidarité mécanique aux sociétés fondées sur la solidarité organique, — ou des sociétés dominées par la coutume aux sociétés dominées par la mode6 — les différents systèmes sociologiques ont exprimé ce même fait chacun à leur façon : la différence même de leurs principes ou de leurs méthodes rend d’autant plus vraisemblable la réalité du phénomène qu’ils s’accordent à constater. […] Déclarer tous les citoyens égaux devant la loi, ce n’est pas demander qu’elle assure à leurs actions, si différentes qu’elles soient, les mêmes sanctions, mais au contraire qu’elle proportionne, à l’inégalité des fautes commises ou des services rendus, les sanctions dont elle dispose. […] « Chez ces peuplades errantes et inorganisées, nous dit Post 21 (les Fuégiens ou les Veddahs, par exemple), un savant préoccupé d’une théorie pourra découvrir aussi bien la promiscuité que la monogamie, la propriété privée, que la propriété collective » — ajoutons l’inégalité que l’égalité. — « En réalité, on n’y trouve rien du tout de cela, mais l’absence même de toute organisation rend possible une infinité de combinaisons qui n’arrivent même pas toujours à se consolider en formes sociales, et auxquelles, en tout cas, il faut se garder d’appliquer nos concepts modernes.

2352. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

ce qui était imposé de souffrance et d’énergie à la vie active rendit une force nouvelle à la pensée. […] Ne paraîtra-t-elle pas souvent, jusque dans son abondance native, une imitation de notre art moderne, et ne nous rendra-t-elle pas comme une image affaiblie de notre dernier âge poétique ? […] La belle ode de Napoléon à Sainte-Hélène, ce mélange d’apothéose et d’anathème, cette juste sentence portée par la poésie contre l’abus de la force et du génie, revit presque entière dans la traduction en strophes de forme inégale qu’en avait faite à vingt-deux ans la jeune Gomez ; et un des beaux chants de Victor Hugo, traduit de plus près encore et dans un mètre plus sévère, le chant intitulé le Poëte, rend à la langue espagnole avec naturel et passion ce que notre illustre compatriote lui avait pris de pompe et de splendeur.

2353. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Peut-être sont-ce les symbolistes qui rendront à la littérature le signalé service de la sauver de l’abstraction classique. […] Le naturalisme a passé par ces phases ; mais il ne faut pas oublier les services qu’il a rendus. […] Son action essentielle consiste donc à rendre évident ce qui reste encore indémontrable. […] Ce qui le tare, c’est qu’il use, pour rendre la vie, de représentations malgré tout déformantes. […] Lombard sait rendre l’ondoiement des masses, l’enchevêtrement des rouages politiques.

2354. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il n’a pas même cette vue superficielle des choses environnantes qui rend lisible Duclos. […] Jacob, lui, rend la place. […] Ses arrêts seraient des services, qu’il se rendrait. […] Ils les corrompent parfois, souvent ils les rendent excellents. […] Elle est telle qu’elle le rend inintelligent même au point de vue pratique, ce qui peut surprendre.

2355. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

Sainte-Beuve L’originalité de Maurice de Guérin était dans un sentiment de la nature tel qu’aucun poète ou peintre français ne l’a rendu à ce degré, sentiment non pas tant des détails que de l’ensemble et de l’universalité sacrée, sentiment de l’origine des choses et du principe souverain de la vie.

2356. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

Ces faits me paraissent pouvoir être rangés sous trois chefs différents : 1° Les caractères de cette œuvre, les traits particuliers qui la ; distinguent ; 2° Quelques-unes des causes qui ont contribué à la rendre, telle qu’elle est ; 3° Quelques-uns des effets qu’elle a produits, soit sur les contemporains, soit sur la postérité.

2357. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 163-165

Sargines est un tableau animé des mœurs, de la bravoure & de cette loyauté qui rendent le caractere de nos aïeux si intéressant.

2358. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 241-244

Jusqu’à ce qu’il s’éleve parmi nous un Génie vraiment comique, qui guérisse Thalie de ses vapeurs, & lui rende sa premiere gaieté.

2359. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 465-468

Telle a été la manie de presque tous les Peuples : ils ont fait remonter leur origine le plus haut qu’ils ont pu, croyant la rendre plus illustre ; & pour cet effet, il a fallu inventer des Fables & se forger une longue suite de Rois, dont la tige se perd parmi les Dieux ou les demi-Dieux.

2360. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 150-153

Voilà ce qui rend une Histoire littéraire le plus difficile peut-être de tous les Ouvrages ; car, indépendamment des recherches, du discernement, de l’impartialité, de l’honnêteté même, il faut encore une adresse plus qu’humaine pour dire la vérité sans offenser les oreilles délicates : Nul n’est content de sa fortune, Ni mécontent de son esprit.

2361. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre premier. Musique. — De l’influence du Christianisme dans la musique. »

Il faut qu’il connaisse les sons que rendent les arbres et les eaux ; il faut qu’il ait entendu le bruit du vent dans les cloîtres, et ces murmures qui règnent dans les temples gothiques, dans l’herbe des cimetières, et dans les souterrains des morts.

2362. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Vassé » pp. 323-324

La position en général étant donnée, il y a un certain enchaînement dans le mouvement de toutes les parties, une certaine loi qu’elles s’imposent les unes aux autres, qui les régit et qui les coordonne, qu’il est plus aisé de sentir que de rendre.

2363. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Avant-propos » pp. 1-5

La répresentation pathetique du sacrifice de la fille de Jepthé enchassée dans une bordure, fait le plus bel ornement d’un cabinet qu’on a voulu rendre agréable par les meubles.

2364. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IX. Chassez le naturel… »

dit-il notre pari ne nous interdit pas de nous raconter quelque histoire pour rendre le temps moins long, n’est-il pas vrai, frère singe ? 

2365. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

D’ailleurs, qu’avions-nous à nous reprocher que d’avoir rendu feu pour feu, en défendant la vie ou en vengeant le sang de notre innocente contre des assassins qui l’avaient frappée en traître, et qui avaient répandu un sang plus pur que celui d’Abel ? […] Il jeta sur le plancher sa besace, plus pleine de provisions qu’à l’ordinaire ; il en tira du pain, du caccia cavallo (fromage de buffle des Maremmes), une fiasque de vin de Lucques, et dit à mes vieux parents : — Ne vous inquiétez pas comment vous vivrez en l’absence de ces enfants, je vous en apporterai toutes les semaines autant ; l’aumône est la récolte des abandonnés, je ne fais que vous rendre ce que vous m’avez tant de fois donné dans vos jours de richesse. Si je mendiais pour moi, je serais un voleur du travail des hommes ; mais en mendiant pour vous, je ne serai qu’une des mains de Dieu qui reçoit du cœur pour rendre à la bouche. […] Je fus tentée de remonter à la cabane ou bien de rester là sans faire un pas de plus, pour mourir de faim sous le lit desséché du torrent… …………………………………………………………………………………………………………………………………………… Je ne sais pas au juste combien d’heures je restai dans cette angoisse ; mais quand je m’en réveillai, les rayons plus longs du soleil avaient pénétré à moitié sous l’arche, échauffaient le sable et, en me rendant la chaleur, me rendaient la pensée et le courage.

2366. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

La mienne, il est vrai, me rend peut-être plus sensible que de raison à ces insuffisances et à ces ridicules.     […] Remarquez que c’est exactement le parti pris héroïque et fou des amoureux romanesques, des chevaliers de la Table ronde ou des bergers de l’Astrée, ce qui les rendait capables d’immoler à leur maîtresse non seulement leur intérêt, mais leur raison, et d’accepter ses plus injustifiables caprices comme des ordres absolus et sacrés. […] Ce qui rend le sonnet difficile à saisir, c’est que l’expression de sentiments assez clairs en eux-mêmes y est coupée de menus détails, tirés précis, mais dont on ne sait d’où ils viennent ni à quoi ils sont empruntés. […] Le poète veut rendre ici un phénomène mental très bizarre et très pénible, celui qui consiste à reconnaître ce qu’on n’a jamais vu.

2367. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Adam pardonne à la coupable et, déjà bon auparavant, il devient excellent par la douleur  De même, le Moulin sur la Floss, c’est l’histoire de deux enfants, Tom et Maggie, l’un d’une honnêteté un peu dure, l’autre d’une sensibilité un peu désordonnée, que la ruine complète de leurs parents surprend au moment de l’adolescence, et que l’épreuve de la souffrance fortifie et rend meilleurs  Et Middlemarch, c’est la vie, minutieusement contée  oh ! […] Elle s’en confesse à son vieux mari loyalement, Wangel lui dit : « Je te rends ta liberté ; suis l’Étranger, si tu veux. » Mais, du moment qu’Ellida est libre, le charme est rompu. « Jamais, dit-elle à son mari je ne te quitterai après ce que tu as fait. » Wangel s’étonne : « Mais cet idéal, cet inconnu qui t’attirait ?  […] Il y a plus : le haut sentiment religieux dont elle paraît animée rend à peu près incompréhensible le genre de sacrifice auquel elle a consenti. […] Souvent, le dernier petit poids qui emporte la balance n’a l’air de rien : ce rien est tout, venant après le reste… Ou bien, quand on accorde à ces étrangers le privilège de savoir rendre seuls « l’entour de la vie », veut-on dire que, tandis que le romancier français « choisit, sépare un personnage, un fait, du chaos des êtres et des choses, afin d’étudier isolément l’objet de son choix, le Russe, dominé par le sentiment de la dépendance universelle, ne se décide pas à trancher les mille liens qui rattachent un homme, une action, une pensée, au train total du monde, et n’oublie jamais que tout est conditionné partout ? 

2368. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Il brûle une maison, rend folle une servante, fait marcher pendant deux jours une femme paralysée depuis dix-sept ans, refait aveugle la sœur de cette femme, qui avait recouvré la vue à la suite d’une opération de la cataracte. […] On se rend dans la salle à manger. […] Mais ce doux empoignement de mes cheveux, avec ce seul mot, quelquefois cela me revient, et d’y penser, ça me rend tout heureux. » Puis on cause de l’état d’âme après la satisfaction amoureuse. […] Avec un pinceau écrasé et aux poils presque secs, il rend l’extrémité duveteuse de la plume, de la façon la plus extraordinaire, et modèle, avec des plans dans la demi-teinte, en un gris noyé dans l’eau, le plus savant et le plus moelleux dessin de nature de la poitrine de l’oiseau noir.

2369. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Je cherche à rendre l’impression du livre, je tâche d’être compris plutôt que je n’explique ma pensée. […] On ne l’accusera pas de les avoir rendus aimables. […] Ne fait-elle pas fête chaque soir à Weber, qu’on vient de lui rendre ? […] Voici ce qu’écrivait en 1822, dans le Journal des Débats, Hoffmann, — non pas le fantastique, mais l’auteur des Rendez-vous bourgeois, — à propos d’une édition nouvelle de Régnier : « Dans plusieurs cantons de la Normandie, j’ai entendu désigner une jeune fille très honnête par un mot qui ferait dresser les cheveux, s’il était prononcé devant le public plein de pudeur de la capitale.

2370. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

C’est à cette répartition des diverses sortes de recherches entre différents ordres de savants, que nous devons évidemment le développement si remarquable qu’a pris enfin de nos jours chaque classe distincte des connaissances humaines, et qui rend manifeste l’impossibilité, chez les modernes, de cette universalité de recherches spéciales, si facile et si commune dans les temps antiques. […] Qu’en même temps, les autres savants, avant de se livrer à leurs spécialités respectives, soient rendus aptes désormais, par une éducation portant sur l’ensemble des connaissances positives, à profiter immédiatement des lumières répandues par ces savants voués à l’étude des généralités, et réciproquement : à rectifier leurs résultats, état de choses dont les savants actuels se rapprochent visiblement de jour en jour. […] Ce n’est pas à dire pour cela que tous leurs travaux aient été absolument sans aucun résultat relativement aux progrès généraux de nos connaissances, indépendamment du service éminent qu’ils ont rendu en soutenant l’activité de notre intelligence, à l’époque où elle ne pouvait avoir d’aliment plus substantiel. […] Qu’un bon esprit veuille aujourd’hui étudier les principales branches de la philosophie naturelle, afin de se former un système général d’idées positives, il sera obligé d’étudier séparément chacune d’elles d’après le même mode et dans le même détail que s’il voulait devenir spécialement ou astronome, ou chimiste, etc. ; ce qui rend une telle éducation presque impossible et nécessairement fort imparfaite, même pour les plus hautes intelligences placées dans les circonstances les plus favorables.

2371. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Au reste, si j’ai employé les mots physiologie et organisation, en parlant du sens intellectuel et moral de la parole, c’est pour me faire mieux comprendre, pour rendre mieux sensible l’analogie de ce sens particulier avec les autres sens de l’homme. […] « Ne vous rendez point semblables aux animaux muets », disent-ils ; et nos philosophes n’ont pas fait attention qu’en fondant la doctrine de l’invention de la parole ils ont fait de l’homme un animal muet lorsqu’il est sorti des mains du Créateur, ou plutôt, pour me servir de leurs propres termes, lorsqu’il a été produit par la nature. Encore ici les livres saints peuvent être considérés, indépendamment de l’inspiration, comme dépositaires des traditions antiques ; et il ne faut pas oublier que le plus ancien des écrivains sacrés, Moïse, d’après le témoignage de l’apôtre saint Jacques, s’était rendu savant dans les sciences des Égyptiens. […] Ce fait seul devrait nous porter à réfléchir sur la hardiesse de nos conjectures, et nous rendre un peu plus timides dans nos hypothèses sur la formation des langues.

2372. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

D’autre part, le travail sui generis qu’on effectue, en acquérant le souvenir, pour favoriser l’effort intelligent de rappel ou au contraire pour le rendre inutile, nous renseignera sur la nature et les conditions de cet effort. […] Nous nous rendons bien compte alors que les sons distinctement entendus nous servent de points de repère, que nous nous plaçons d’emblée dans un ordre de représentations plus ou moins abstraites, suggéré par ce que notre oreille entend, et qu’une fois adopté ce ton intellectuel, nous marchons, avec le sens conçu, à la ren contre des sons perçus. […] On s’expliquerait ainsi l’effet de l’attention, qui est soit d’intensifier l’image, comme le soutiennent certains auteurs, soit au moins de la rendre plus claire et plus distincte. […] Ce retard causé par la nécessité où se trouve le schéma d’amener graduellement les images multiples élémentaires à un nouveau modus vivendi entre elles, occasionné aussi, dans bien des cas, par des modifications apportées au schéma pour le rendre développable en images — ce retard sui generis qui est fait de tâtonnements, d’essais plus ou moins fructueux, d’adaptations des images au schéma et du schéma aux images, d’interférences ou de superpositions des images entre elles — ce retard ne mesure-t-il pas l’intervalle entre la tentative pénible et l’exécution aisée, entre l’apprentissage d’un exercice et cet exercice lui-même ?

2373. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Cette tante indulgente, mais que les idées monastiques rendaient sévère, considérait le mariage comme un état de déchéance ou du moins d’infériorité, et elle ambitionnait quelque chose de mieux et de plus digne pour l’avenir de son neveu. […] La modération même de son humeur et la continuité de ses vertus rendent cette branche de la correspondance assez terne et monotone.

2374. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Louis XVIII passe par Londres, mais ce n’est pas sans y être félicité par le prince-régent d’Angleterre, et sans lui avoir répondu publiquement : « C’est aux conseils de Votre Altesse Royale, à ce glorieux pays et à la confiance de ses habitants que j’attribuerai toujours, après la divine Providence, le rétablissement de notre maison sur le trône de ses ancêtres. » Ainsi c’est l’Angleterre, après Dieu, qui le rétablit roi de France ; le plus sage, le plus politique de la race s’exprime hautement ainsi, le premier jour où la parole lui est rendue et où chaque mot sorti de sa bouche va retentir par le monde. […] Bédoch n’a jamais été un nom illustre, mais où apprendra-t-on à bien prononcer ce nom estimable, sinon dans les comptes rendus de la session de 1814 ?

2375. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Il en fit donc beaucoup à propos de Pascal, et ce genre d’examen l’ayant initié à des manuscrits du xviie  siècle, il en vint un jour à prendre flamme sur Mme de Longueville et sur toutes ces autres dames de la société polie de ce temps-là, dont il nous a rendu des portraits flattés, de brillantes et un peu solennelles histoires. […] Enfin, cher Monsieur, vous lui avez rendu un juste hommage, et c’est ainsi qu’il n’y a plus qu’une presse et un genre de critique, la bonne en regard de la mauvaise, la vraie vis-à-vis de celle qui ne l’est pas.

2376. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Elle donne la meilleure et la plus profonde réponse à cette question souvent débattue : si les grands poètes qui nous émeuvent et rendent de tels sons au monde ont en partage ce qu’ils expriment ; si les grands talents ont quelque chose d’indépendant de la conviction et de la pratique morale ; si les œuvres ressemblent nécessairement à l’homme ; si Bernardin de Saint-Pierre était effectivement tendre et évangélique ; quelle était la moralité de Byron et de tant d’autres, etc., etc. ? […] Et cependant, quand l’instrument a été de bonne fonte, le timbre n’en est pas altéré ; dès qu’il vibre, il rend le même son pieux, plein, enivrant, qui étonne et scandalise presque celui qui l’a pu observer de près à l’état immobile.

2377. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Son neveu, le jeune duc de Holstein, et le vieux chancelier Mullem, qui précède de peu Charles XII, se sont donné rendez-vous dans le Hartz. […] Mais ici, quand le roi, en hâte de partir, et dont le danger redouble à chaque minute, demande et commande à Steven des chevaux, et de lui rendre son compagnon de voyage, qu’on lui retient parce que c’est le fiancé de Mina ; quand Steven, non content de résister par piété domestique, étale cette piété, la discute, l’oppose avec faste au rôle du conquérant, quand il s’écrie : « L’homme que vous venez d’appeler un enfant se lève du sein de son obscurité pour se placer devant vous, et pour se mesurer à vous, sans orgueil comme sans crainte… Ce n’est pas parce que je commande que j’ose me comparer à vous, mais parce que j’obéis… J’ai vaincu un ennemi plus redoutable que vous…, je me suis vaincu moi-même » alors le drame cesse en ce qu’il avait de naturel et d’entraînant ; le système reparaît, se traduit de nouveau à la barre sous forme de plaidoyer.

2378. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Il y a dans cet inventeur des rustiques figulines un philosophe qui jette des vues profondes auxquelles nul ne fait attention, et que la postérité s’étonnera de rencontrer chez lui, quand le progrès de la science y aura lentement ramené les hommes : ainsi cette grande idée, liée à tout un système de la nature, en même temps qu’elle est la base de l’agriculture scientifique, cette idée que, les plantes empruntant au sol les aliments qui les accroissent, pour entretenir la fécondité de la terre, il faut lui rendre l’équivalent de ce que les récoltes lui enlèvent. […] Mais je veux dire qu’il rend la vie, et que nous ne voyons pas seulement dans son récit des enchaînements de faits extérieurs, nous y saisissons par surcroît les réalités morales qui leur servent de support.

2379. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Il semble que l’influence de Rousseau et de Chateaubriand soit épuisée : la forme religieuse, enthousiaste, qu’ils avaient rendue aux âmes, s’efface. […] L’empire s’efforçait ainsi de durer : mais son origine lui rendait la chose malaisée.

2380. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Tout ce que je voudrais, à propos de ce souvenir, de cette carte de visite poétique adressée à quelques amis et à un petit nombre de lecteurs d’élite, ce serait de marquer dans la littérature contemporaine la place d’un poète auquel il me semble qu’on n’a pas jusqu’ici rendu pleine justice. […] Francisque Sarcey Personne ne rend plus justice que moi à la prodigieuse habileté que M. de Banville déploie dans l’art de faire le vers.

2381. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Ceci n’est qu’une nuance : le roman, n’est-ce pas, est charmant, et s’il ne nous emballe pas comme les Barbares, ce n’est pas la faute du poète, mais du lecteur qui a, vieilli, déjà, un peu, et que les premiers romans de Barrès avaient dès l’abord rendu trop difficile. […] Tels, dans ce récent roman, Les Cœurs utiles, la bacchanale du Cirque, le compte rendu de la chute de Maïa.

2382. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Il y aurait cependant de l’ingratitude à déprécier les services qu’ont rendus ou que peuvent rendre ces fouilles acharnées dans les archives, dans les bibliothèques, dans les cartons des notaires et des familles.

2383. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Ne faut-il pas penser que c’est plutôt la complexité, l’hétérogénéité de ces phénomènes qui en rend l’analyse si difficile ? […] Pour mieux comprendre cette doctrine, supposez qu’un inconnu vous rende en passant un petit service ; il vous cause un plaisir, et l’idée de ce plaisir fait pour vous de cet inconnu un objet d’affection — affection d’ailleurs très légère, comme le plaisir causé.

2384. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Il semble avoir pris tout aussitôt pour devise ce mot de Vauvenargues : « La familiarité est l’apprentissage des esprits. » Dans des conseils qu’il adressait à un jeune homme, Vauvenargues, développant cette même pensée, disait encore : Aimez la familiarité, mon cher ami ; elle rend l’esprit souple, délié, modeste, maniable, déconcerte la vanité, et donne, sous un air de liberté et de franchise, une prudence qui n’est pas fondée sur les illusions de l’esprit, mais sur les principes indubitables de l’expérience. […] À cela près, le procédé est le même ; mais l’homme d’esprit l’a fort développé et renouvelé en l’appliquant ; il se l’est rendu tout à fait original et propre.

2385. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Pour eux sans doute ils chercheront à la rendre plus juste et plus convaincante et plus vraie. […] Les jeunes combattants ne pouvaient se tromper sur la valeur des forces ennemies… Car il est temps de rendre à la poussée lyrique dont la clameur emplit ces quinze ou vingt dernières années, son sens réel et sa juste physionomie.

2386. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Les articles bibliographiques des journaux et des revues, les comptes rendus des expositions de peinture et des concerts sont faits sur ce modèle que réalisent encore les polémiques qui ont marqué l’avènement du romantisme et du réalisme, les feuilletons des lundistes, ceux notamment où M.  […] Elle suppose chez celui qui l’exerce, de la lecture, de la mémoire, un esprit ouvert aux impressions artistiques, des penchants décidés mais ordinaires, une certaine modération d’âme qui rend ses appréciations conformes à celles du public et qui fait qu’il les adopte.

2387. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Il en a toujours été ainsi chez les anciens, au moins dans les beaux jours et jusqu’au moment où les études politiques furent rendues tout à fait vaines et inutiles, en Grèce par la conquête romaine, à Rome par la perte de la liberté. […] Sans doute il déplore la Révolution ; il demande le rétablissement des substitutions ; il veut que l’on rende au clergé ses biens.

2388. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Sur ces trois grands plans des figures interposées ont aussi leurs places, leurs plans particuliers, nets et distincts, ce qui rend l’ensemble clair et en écarte la confusion. […] Grande tache de blanc sale ; figure comme Gauthier prétend que le sperme rendu chaud en engendre dans l’eau froide : et puis il faut voir le faire de ces vaisseaux épars sur la table.

2389. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Si, avec le temps, cette contrainte cesse d’être sentie, c’est qu’elle donne peu à peu naissance à des habitudes, à des tendances internes qui la rendent inutile, mais qui ne la remplacent que parce qu’elles en dérivent. […] Or, ce qui rend ces derniers particulièrement instructifs, c’est que l’éducation a justement pour objet de faire l’être social ; on y peut donc voir, comme en raccourci, de quelle manière cet être s’est constitué dans l’histoire.

2390. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Mais l’attelage… L’attelage suait, soufflait, était rendu, retour des sonorités sourdes, du vers compact et serré. […] De même dans le Jean Sévère de Victor Hugo : Un discours de cette espèce, Sortant de mon hiatus, Prouve que la langue épaisse, Ne rend pas l’esprit obtus.

2391. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Aussi ne rendait-il pas les sons que les physiologistes exercés sentaient qu’il eût dû rendre.

2392. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

S’il ne peut pas se dire qu’il est un historien à la taille de son héros, il peut au moins se rendre cette justice, et la Critique la lui rendra, qu’il a essayé de lui faire une histoire à sa taille, et que dorénavant cette histoire est mesurée.

2393. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Rien, en effet, dans un ouvrage où la clarté qu’on trouve rend très difficile sur la clarté qui n’y est pas, ne nous atteste d’une manière précise et fermement articulée que l’auteur ait le bonheur d’être catholique, mais rien, non plus, n’affirme qu’il ne le soit pas. […] Combinaison regrettable qui le rend plus dangereux et plus nuisible qu’un protestant !

2394. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Nous nous extasions devant la délicatesse de la rose et du lys, et nous passons sans un regard pour la marguerite des champs, non moins admirable La même étroitesse de sens esthétique nous rend aveugles aux nouvelles formes de beauté qu’engendre incessamment sous nos yeux la vie moderne. […] Il est impossible de décrire sans le concours de l’image, la fantaisie, la richesse, la souplesse des conceptions de cet artiste : de telles expressions d’art ne peuvent être rendues que par elles-mêmes.

2395. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Il nous a semblé qu’il y avait lieu de se poser le problème inverse, et de se demander si les états les plus apparents du moi lui-même, que nous croyons saisir directement, ne seraient pas, la plupart du temps, aperçus à travers certaines formes empruntées au monde extérieur, lequel nous rendrait ainsi ce que nous lui avons prêté. […] La durée, ainsi rendue à sa pureté originelle, apparaîtra comme une multiplicité toute qualitative, une hétérogénéité absolue d’éléments qui viennent se fondre les uns dans les autres.

2396. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Cette comparaison des prospérités coupables et passagères avec les nuées dont le ciel est obscurci, cette tempête du printemps qui les dissipe, et, au prix de quelques maux, rend la sérénité au ciel et une lumière féconde à la terre ; ce sont là des images dont la plus belle invention lyrique aimerait à se parer. […] Entouré d’amis qui lui conseillaient de prendre le pouvoir, il avait refusé en disant : « C’est un beau pays que la royauté ; mais ce pays n’a pas d’issue. » Et plus tard, amusant son repos avec ce charme de la poésie dont il avait appuyé ses lois, il répétait : « Si j’ai épargné ma patrie, et n’ai pas voulu m’en rendre maître, ni m’élever par la force, en déshonorant la gloire que j’avais obtenue d’ailleurs, je n’ai honte ni repentir de cette modération : au contraire, c’est le côté par où j’ai surpassé les autres hommes. » Le législateur d’Athènes, celui dont les lois, dans quelques maximes éparses, offrent encore de mémorables leçons, résista jusqu’à la fin à la lente usurpation de Pisistrate, dénonça ses menées populaires, protesta contre sa garde, et, enhardi par la vieillesse, vécut libre, même sous un maître qu’il avait pressenti et bravé.

2397. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

L’esprit révolutionnaire (rendons-lui cette justice) a senti cela. […] A certaines heures, une parole ferme et renseignée peut être écoutée à la tribune et rendre des services. […] Son épargne intellectuelle et morale a rendu plus de services encore peut-être que son épargne monétaire. […] Ensuite il fallut attendre jusqu’à mon père pour que justice fût rendue, publiquement et de façon éclatante, à ce maître des maîtres. […] Le romantisme de la Science a pu rendre des services, que n’ont rendus ni le romantisme littéraire, ni surtout le funeste romantisme politique.

2398. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Des patrouilles allemandes, qu’il faut guetter, rendent les routes périlleuses. […] D’abord, on affirme la supériorité de la race ; on vante les services qu’elle a rendus à l’univers. […] Il a négligé ses vignobles, qui ne rendent plus grand-chose. […] Le 9 août, sur le soir, Émile Ollivier se rend aux Tuileries, où il prendra congé de la Régente. […] En négligeant mon avis à la minute la plus grave, on me rendait ma liberté.

2399. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Houssaye, Arsène (1815-1896) »

Il quitte le salon de lumière pour s’enfoncer sous la verte obscurité des bois, et quand, au détour d’une allée ombreuse, il rencontre la Muse, il oublie de retourner à la ville, où l’attend quelque rendez-vous donné à une beauté d’Opéra.

2400. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemaître, Jules (1853-1914) »

Il faudra bien qu’on rende un jour à l’auteur pleine justice à ce livre excellent, qu’on le mette tout à côté de ceux de France, pour la délicatesse et la savante simplicité de la forme, et qu’on reconnaisse en Lemaître un des plus remarquables artistes en vers de ce temps.

2401. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 311-314

Des feux de mon bûcher, j’irai jusqu’en l’abîme Allumer dans ton cœur les remords de ton crime ; Et mon ombre par-tout te suivant pas à pas, Te montrera par-tout ton crime & ton trépas ; Et jusque dans l’Enfer faisant vivre ma haine, Mon ame, chez les Morts, jouira de ta peine, Ceux qui connoissent les vers Latins, verront qu’il seroit difficile de les rendre plus fidélement.

2402. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 358-361

Il s’en faut bien que ses Successeurs actuels dans le Ministere Evangélique suivent une semblable route : aussi sont-ils bien éloignés de rendre les mêmes services à la Religion, & de pouvoir prétendre à la même gloire.

2403. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 2-5

Dans les bras de ce Dieu, cette Déesse nue Dissipe l’épaisseur d’une profonde nue, Et paroît, à nos yeux, telle que le Soleil, Sur les bords d’Orient, au point de son réveil : Son teint blanc & vermeil montre son innocence ; Les Princes & les Dieux redoutent sa puissance : C’est elle qui confond l’artifice & l’erreur, Qui rend aux bons l’amour, aux méchans la terreur.

2404. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 7-11

Quoique ces deux Pieces soient bien éloignées de ressembler à nos Drames langoureux & romanesques, les sentimens particuliers que ce Poëte a fait connoître en plusieurs occasions, doivent le rendre sensible au reproche d’avoir contribué, par ses talens, à accréditer un genre que ses lumieres réprouvent.

2405. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels ; Par eux, plus d’un remords nous afflige & nous ronge ; Nous voulons les garder & les rendre éternels, Sans penser qu’eux & nous passeront comme un songe.

2406. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 540-543

On y trouve l’Histoire des démêlés des Ecrivains les plus célebres, anciens & modernes ; il est assez bien écrit, & contient un grand nombre d’anecdotes singulieres, propres à le rendre amusant ; mais la vérité, la justice & le bon goût y sont presque toujours sacrifiés à M. de Voltaire, dont M. l’Abbé Iraïl a élevé un des petits neveux.

2407. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 364-367

Il s’avança sur les bords du Théatre, & parla ainsi au Parterre : « Messieurs, il me revient de tous côtés qu’on trouve que le principal caractere de la Piece, que vous venez de voir, n’est point dans la vraisemblance qu’exige le Théatre ; tout ce que je puis avoir l’honneur de vous assurer, c’est qu’il m’a fallu diminuer beaucoup de la vérité, pour le rendre tel que je l’ai représenté ».

2408. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 368-371

Nous renvoyons les Lecteurs de bonne foi à l’Ouvrage même : ils verront combien l’Auteur est éloigné de favoriser l’autorité arbitraire & le gouvernement despotique ; ils verront avec quelle force il défend les droits des Sujets, avec quel noble courage il présente au Prince, non seulement le tableau des devoirs de la Royauté, mais une infinité de principes & de vérités propres à écarter du cœur des Souverains, l’orgueil qui cherche sans cesse à les séduire & à leur faire oublier qu’ils ne sont sur le Trône, que pour rendre leurs Peuples heureux.

2409. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 451-455

Panard ressembloit à ses Ouvrages ; il étoit doux, modeste & agréable, qualités qui le rendirent cher à tous ceux qui le connoissoient.

2410. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre IV. Effet pittoresque des ruines. — Ruines de Palmyre, d’Égypte, etc. »

Une guirlande vagabonde de jasmin embrasse une Vénus, comme pour lui rendre sa ceinture ; une barbe de mousse blanche descend du menton d’une Hébé ; le pavot croît sur les feuillets du livre de Mnémosyne : symbole de la renommée passée, et de l’oubli présent de ces lieux.

2411. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Cochin » p. 332

Rends-moi bien cet instant ; laisse là tous ces monstres symboliques ; surtout donne de la profondeur à ta scène ; que tes figures ne soient pas à mes yeux des cartons découpés, et tu seras simple, clair, grand et beau.

2412. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action » pp. 179-182

Que ceux qui ne voudroient pas faire le choix du sujet d’un poëme épique, tel que je le propose, alleguent donc leur veritable excuse : c’est que le secours de la poësie des anciens leur étant necessaire, pour rendre leur verve feconde, ils aiment mieux traiter les mêmes sujets que les poëtes grecs et les poëtes latins ont traitez, que des sujets modernes où ils ne pourroient pas s’aider aussi facilement de la poësie du stile et de l’invention des premiers.

2413. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Avant-propos » pp. 1-5

L’explication qu’ils en donnent n’est propre qu’à les rendre encore plus obscurs.

2414. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — II. Le fils des bâri »

Ils se sont rendus à la plage et ont déposé le petit sous un grand fromager.

2415. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Rien de ce qui est histoire n’y est exact, rien n’y est vu naturellement ni simplement rendu : l’auteur ne voit la réalité qu’à travers un prisme de cristal qui en change le ton, la couleur, les lignes ; il transforme ce qu’il regarde ; mais, malgré tout, la pensée comme l’expression ont, à chaque page, une élévation et un lustre qui attestent un écrivain de prix. […] Comment put-il donc se faire qu’à la séance publique les discours aient rendu un effet et un son tout différents ? […] Les mêmes questions redoutables reviennent dans la pièce qui a pour titre le Mont des Oliviers et qui nous rend l’agonie du Christ. […] Il se sent même, dans ce dernier, un feu et un mordant qui le rend bien autrement vivant que les deux autres. […] Je suis ici, depuis dix mois, pour 300 p. : j’ai éprouvé tout ce qui peut affliger un cœur tendre et sensible ; si vous joignez à cela de manquer du nécessaire depuis deux mois, vous jugerez de quel prix serait le service que vous me rendriez.

2416. (1929) Dialogues critiques

La profession en était socialement relevée, En reconnaissance du service que les ducs rendaient alors aux gens de lettres, ceux-ci doivent bien aujourd’hui à ceux-là quelques politesses. […] Paul Voilà précisément l’équivoque qui rend si dangereux le coup de botte porté par Thibaudet dans cet assaut courtois. […] Paul Je ne pense pas qu’un de ces lieux de rendez-vous exclue nécessairement l’autre. […] Paul Comme disait Alfred Capus, il y a dans cette hypothèse un je ne sais quoi qui la rend difficile à croire. […] Paul Mais quel service il rend ainsi à la bonne cause !

2417. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

» Comment amollir ce cœur farouche enfiévré de colère féminine, aigri par le désappointement et l’offense, exalté par de longs rêves de puissance et de primauté et que sa virginité rend plus sauvage ! […] Elles sont le séjour préféré ; Londres n’est qu’un rendez-vous d’affaires ; c’est à la campagne que les gens du monde vivent, s’amusent et reçoivent. […] Il fonde des associations, il parle dans les meetings, il surveille des écoles, il rend la justice, il introduit des perfectionnements ; il use de ses lectures, de ses voyages, de ses liaisons, de sa fortune et de son rang pour conduire amicalement ses voisins et ses inférieurs vers quelque œuvre qui leur profite et qui profite au public. […] Comme cette culture recherchée et multiple les a rendus propres à sentir et à goûter des tendresses et des tristesses inconnues à leurs pères, des sentiments profonds, bizarres et sublimes, qui jusqu’ici semblaient étrangers à leur race ! […] Une causerie d’artistes qui plaisantent dans un atelier, une belle jeune fille qui se penche au théâtre sur le bord de sa loge, une rue lavée par la pluie où luisent les pavés noircis, une fraîche matinée riante dans les bois de Fontainebleau, il n’y a rien qui ne nous le rende présent et comme vivant une seconde fois.

2418. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Le 11 juin, ils se montrèrent non moins nombreux sur les îles de la Madeleine, et je ne me rendais pas trop compte de quelle manière ils avaient pu venir jusque-là ; mais les habitants me dirent qu’il n’y en paraissait aucun de tout l’hiver. […] Ma présence ne les alarmait plus du tout ; ils apportèrent de nouveaux matériaux pour garnir leur nid, et le rendirent plus chaud en y ajoutant quelques moelleuses plumes d’oie qu’ils ramassaient le long de la crique. […] Je fus, sur ces entrefaites, obligé de me rendre en France où je demeurai deux ans. […] Partout où j’ai rencontré de ces vénérables patriarches des forêts, que la décadence et l’âge avaient ainsi rendus habitables, j’ai toujours trouvé des nids d’hirondelles qui elles-mêmes continuaient d’y vivre jusqu’au moment de leur départ. […] C’est là qu’au premier printemps et avant de commencer à bâtir, les deux sexes se rendent en foule depuis une heure ou deux avant le coucher du soleil, jusque bien longtemps après nuit close.

2419. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Son prêche, dans lequel se confondent Jupiter, Saturne, les joies du Paradis, la fontaine de la divine essence, rend le courage aux soldats. […] Notre poëte dit des clercs que le savoir les rend plus nobles que les nobles. […] Villemain25, a donné à cette opinion une autorité qui rend toute contradiction téméraire. […] Le dieu, non sans s’être fait prier longtemps, le tire d’un écrin et le lui rend. […] Enfant du peuple, né dans la pauvreté, poussé au vice par le besoin, toujours dans quelque extrémité fâcheuse, il ne laisse voir dans sa vie que ce qui la rend intéressante pour tous.

2420. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Pour rendre Athènes invulnérable, il l’avait trempée dans la mer ; il avait mis une rame, au lieu d’une pique, dans ses mains guerrières. […] La petite troupe allait, sans doute, se rendre à première vue, devant l’immensité de son armée déployée. […] Il fallut aussi une surprise pour s’en rendre maître. […] Les incertitudes cédèrent et les pusillanimités se rendirent. […] Salamine les avait trempés dans ses flots, comme dans un Styx qui les rendait invincibles.

2421. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

La supposition de l’intelligibilité universelle n’a pas eu primitivement pour but de rendre le monde accessible à la spéculation, c’est-à-dire approprié à notre satisfaction intellectuelle ; elle a eu pour but, avant tout, d’en faire un milieu approprié à notre activité. […] L’antérieur et le postérieur, ici, c’est coup reçu et rendu, ou, en un seul mot, mouvement se propageant et se conservant. […] Dans cet argument, on se borne à chercher quelles sont les conditions extérieures qui rendent possible la conscience intérieure ; on fait une hypothèse a posteriori sur la constitution de l’univers la plus propre à rendre compte de notre conscience. […] Quant à la « conscience », assurément elle ne peut se réduire à un mécanisme abstrait et purement géométrique ; il y a donc dans l’univers quelque chose qui rend possible la conscience et la sensation, il y a place dans le monde pour le sentiment et pour la pensée ; mais nous ne savons rien a priori des conditions qui rendent possibles la conscience et, la sensation ; nous ne pouvons affirmer a priori que la nature agit comme nous sous une idée, sous l’idée du tout, conséquemment en vue d’une cause finale.

2422. (1909) De la poésie scientifique

Jouve : luxuriances de vie universellement perçue, sens orgiaque et sacré de la vie, plénitude de sensation rendue en musicalité et spontanéité de Rythme, Tendance philosophique. […] C’est là, mais rendu conscient et logique, l’habituel procédé d’images et de comparaisons  et l’on put dire que le Symbolisme exista de tout temps en toute vraie poésie. […] Or, le vrai don poétique, le don qui a été, quand les poètes des Livres sacrés sous les créations théogoniques enclosaient ce qui était conscient en eux de la nature des Choses, le don qu’une conception renovée de la Poésie rendra, nous l’espérons, unique demain  c’est, il me semble, celui de pénétrer intuitivement de douleur et de volupté immense, le plus du mystère de notre Moi et du Tout, à la fois. […] Nous devions rendre au Verbe sa valeur phonétique concurremment à sa valeur idéographique, et lui restituer le mouvement en mesures de l’émotion, c’est-à-dire le vrai Rythme… De théorie et de pratique, la prosodie classique, romantique et parnassienne, énonce le Rythme : le sentiment du retour régulier et équidistant d’une division numérique. […] John Charpentier33, que nous avons aimé citer un « Jeune », poète et de claire valeur critique, toutes qualités qui la rendent précieuse : « Depuis assez longtemps déjà, parmi la majorité des poètes une tendance scientifique s’accuse, qui tous les ans s’accentue davantage »… Il entendait ici non seulement la technique, mais plus encore, ma volonté philosophique.

2423. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

La femme, la parente, dont nous avons fait la monographie dans ce roman, est morte comme nous la faisons mourir, en s’habillant pour se rendre à son audience, — et nous n’avons fait que reculer sa mort de deux heures. […] Elle nous parlait de l’extrême délicatesse de la sienne, qui est en effet fine comme un papier de soie, et qui laisse apercevoir, sous un microscope, la circulation du sang : une peau si sensible que deux journées à Marseille avaient rendu la femme presque méconnaissable, une peau qui prend dans l’ombre d’une chambre ou le séjour au lit, pendant une semaine, la blancheur du lilas poussant dans une cave. […] … Mon Dieu, on les donnera peut-être plus tard comme des morceaux de style dans les excerpta, mais moi, je ne sais pas, ce n’est plus de la littérature, c’est de la musique, c’est de la peinture… Vous voulez rendre des choses ! […] — Nous nous rendons bien compte aujourd’hui que dans un caractère, dans un type, dans un personnage de roman, il faut un alliage de faux pour le faire accepter de la sympathie du public. […] Il parle de sa maladie, de ses médecins, de sa tête qu’on électrise, d’un grand mal de gorge, que rendent encore plus violent les éclats de voix que lui font faire son diable de bel enfant, et sa turbulente et vivace et criarde petite fille, qui a l’œil tout noir d’un pochon reçu de son frère.

2424. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

… Souvent un rien, la vue de l’objet le plus trivial, d’un bas, d’une jarretière, tout cela me rend le passé vivant, et m’accable de toute la douleur du présent… Oh ! […] L’action tire toujours une grande partie de son caractère agréable de la fin qui la justifie : un but de promenade rend la promenade meilleure ; on n’aime pas à lever même un doigt sans raison ; il en est ainsi pour tout. […] Pourtant, lorsqu’il le voulait, il savait rendre douce l’ironie et demander à la nuit des inspirations moins troublées que la plupart de celles qu’il lui doit : Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici. […] Et l’« avertissement noir » passe et repasse dans l’œuvre de Loti, et il arrive que c’est précisément cette mort inévitable, proche toujours, qui donne à la vie son prix infini : la proximité de l’ombre rend la lumière plus intense et plus douce. […] Et, semblable à une naïade, le muguet, Que la jeunesse rend si beau et sa passion tellement pâle que l’on voit la lueur De ses clochettes tremblantes à travers leurs tentes d’un vert tendre324.

2425. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

La plus douce vertu de la terre, la pitié, exclue ainsi du ciel, a révolté les cœurs tendres ; les supplices indescriptibles de ses créatures faisant partie de la félicité du Créateur ont rendu le dogme des enfers à perpétuité un des textes de la foi moderne les plus difficiles à inculquer dans le cœur des chrétiens les plus orthodoxes. […] « Une douce teinte de saphir oriental, qui se répercutait dans la sérénité d’un air transparent jusqu’au premier cercle, rendit la joie à mes regards, aussitôt que je sortis de l’air mort qui m’avait si longtemps contristé les yeux et le cœur. […] « Et, de même qu’un messager de paix qui porte la branche d’olivier à la main entraîne sur ses pas la multitude pressée d’apprendre les nouvelles sans que personne s’inquiète s’il foule autrui, de même, etc. » Une de ces âmes le reconnaît et l’embrasse ; sans la connaître il veut lui rendre son embrassement ; mais, ô surprise ! […] « Telles que les brebis enfermées sortent de l’étable, d’abord une, puis deux, puis trois, pendant que les autres s’arrêtent tout intimidées sur le seuil, baissant l’œil et le museau à terre, — et ce que fait la première les autres le font, s’adossant à celle-ci si elle s’arrête, naïves et soumises, et ne sachant pas elles-mêmes le pourquoi ; telles, etc. » L’expression des choses métaphysiques, les définitions et les distinctions de la philosophie transcendante ne sont pas rendues par le poète avec moins de vigueur et de clarté que les scènes de la nature visible. […] La sainteté de l’âme béatifiée, le ressentiment amoureux de la femme, la honte silencieuse de l’amant infidèle, la foi du chrétien repentant, la joie du poète qui retrouve sa jeunesse, son innocence et sa vertu dans la première créature qu’il a aimée, y sont fondus dans une telle harmonie de couleurs, de sentiments, de remords, de joie, de larmes, d’adoration, qu’ils rendent à la fois le drame aussi divin qu’humain dans l’âme des deux amants sur les confins des deux mondes.

2426. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Son talent le désignait pour rendre les émotions simples des paysans et les descriptions paraissent avoir dans Céline plus d’ampleur que dans les Joues d’Hélène et la Liaison fâcheuse. […] Cette théorie logique ne pouvait les rendre sympathiques au gros public36. […] Les seuls romans qui essaient de rendre la manière de vivre d’une époque parmi son décor propre sont ceux de M.  […] Le procédé littéraire est presque tout scientifique, on devine à quelles observations, à quels efforts l’auteur s’est astreint pour arriver à bien connaître le mécanisme du rêve, pour s’en rendre maître et réussir à nous donner ces contes saisissants de vérité. […] Dans leur Anthologie, Marius-Ary Leblond rendent un pieux hommage à leurs devanciers.

2427. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Malgré ces commencements difficiles, Audin la fonda, cette maison, et la rendit bientôt florissante, à force d’intelligence spéciale, d’activité et de bonne foi. […] Dans une lettre rendue publique, il s’est confessé de cette histoire avec l’humilité d’une intelligence chrétienne qui ne recule ni devant les aveux ni devant les réparations. […] Cependant le Luther, comme le Calvin, comme le Henri VIII et le Léon X, respire une saine orthodoxie, et le service rendu au catholicisme par ces trois publications est immense. […] Il s’amuse à discuter avec la révolte : discuter, c’est parlementer. » On le voit, la rectitude de l’esprit est encore la plus forte ; mais, si « discuter, c’est parlementer », et si parlementer c’est au moins s’humilier quand ce n’est pas se rendre, l’historien qui condamne Charles-Quint manque de consistance et de logique lorsqu’il vante la longanimité de Léon X, et cette fausse générosité de procédé qui lui fait envoyer vers Luther, au lieu de juges, des théologiens et des diplomates. […] C’est dans le Léon X qu’une grande justice est rendue à Jules II, dont l’épée a sauvé la nationalité italique, et qui, comme prince temporel, avait le droit de la tirer.

2428. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

C’est justement parce que je l’aurai rendu actif qu’il sera devenu actuel, c’est-à-dire sensation capable de provoquer des mouvements. […] De mon passé, cela seul devient image, et par conséquent sensation au moins naissante, qui peut collaborer à cette action, s’insérer dans cette attitude, en un mot se rendre utile ; mais, dès qu’il devient image, le passé quitte l’état de souvenir pur et se confond avec une certaine partie de mon présent. […] Mais rendez à la conscience son véritable rôle : il n’y aura pas plus de raison pour dire que le passé, une fois perçu, s’efface, qu’il n’y en a pour supposer que les objets matériels cessent d’exister quand je cesse de les percevoir. […] En S se concentre l’image du corps ; et, faisant partie du plan P, cette image se borne à recevoir et à rendre les actions émanées de toutes les images dont le plan se compose. […] Et voilà peut-être tout ce qu’il y a, s’il est vrai que le corps ne soit qu’un lieu de rendez-vous entre les excitations reçues et les mouvements accomplis, ainsi que nous l’avons supposé dans tout le cours de notre travail.

2429. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Le peintre qui rend sa splendeur obscurcie n’est pas moins admirable que celui dont les couleurs chaudes enluminent une toile aristocratique  La grande Virginie, le Louchon d’Augustine, Mes-Bottes, Bibi-la-Grillade, tous ont un caractère, une spécialité, pour ainsi dire ; mais ils ne semblent là que pour diriger les divers degrés de l’échelle que descend Coupeau, entraînant Gervaise dans sa chute. […] Mais la maternité et la douleur lui ont rendu le sentiment du bien. […] En somme, il n’y a que des intentions de style ; le style manque, la façon personnelle de sentir, et le mot juste qui rend la sensation. […] Zola ni par toutes les arlequinades qu’on débitait sur son compte, et dont on le rendait responsable : car tous ceux qui criaient le plus fort accusaient M.  […] Selon nous, ils ont eu tort : la chute lente de Coupeau, l’action destructive de Lantier, la lutte de Gervaise auraient largement suffi à rendre l’intrigue intéressante.

2430. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Il y a au fond une ténuité et une fine ciselure dans ses traits, que ne rendent pas ses portraits, qui ont grossi et épaissi son visage. […] ces fers… non, d’abord il ne voulait pas les exécuter, le relieur… Alors je lui ai prêté de mes livres… Maintenant il rend sa femme très malheureuse… il court les petites filles… mais j’ai eu mes fers. » Et nous montrant un livre tout préparé pour la reliure : « Oui, pour ce volume j’attends une peau, une peau de jeune fille… qu’un de mes amis m’a eue… On la tanne… c’est six mois pour la tanner… Si vous voulez la voir, ma peau ? […] Jeudi 21 août … Au milieu du dîner rendu tout triste par la causerie qui va et revient sur la morte, Maria, qui est venue dîner ce soir, après deux ou trois coups nerveux, du bout de ses doigts, sur le crêpage de ses blonds cheveux bouffants, s’écrie : « Mes amis, tant que la pauvre fille a vécu, j’ai gardé le secret professionnel de mon métier… Mais maintenant qu’elle est en terre, il faut que vous sachiez la vérité. » Et nous apprenons sur la malheureuse des choses qui nous coupent l’appétit, en nous mettant dans la bouche l’amertume acide d’un fruit, coupé avec un couteau d’acier. […] Il a trouvé un dessin carré, un contour fruste qui rend ce corps-paquet, où il n’y a plus rien des rondeurs provocantes de la forme féminine, ce corps que le travail et la misère ont aplati comme avec un rouleau, n’y laissant ni gorge ni hanches, et qui ont fait de cette femme un ouvrier sans sexe, habillé d’un casaquin et d’une jupe, dont les couleurs ne semblent que la déteinte des deux éléments entre lesquels ce corps vit, — en haut bleu comme le ciel, en bas brun comme la terre. […] Mon frère et moi, avons cherché à représenter nos contemporains en leur humanité, avons cherché surtout à rendre leur conversation dans leur vérité pittoresque.

2431. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Si la distribution géographique peut aussi parfois rendre quelques services dans le classement des genres très nombreux en espèces et très répandus, c’est parce que toutes les espèces du même genre, qui habitent une région distincte et depuis longtemps isolée, selon toute probabilité sont descendues des mêmes parents. […] L’adulte peut s’adapter à certaines stations ou à certaines habitudes qui lui rendent inutiles ses organes de locomotion ou ses sens, et, en ce cas, la dernière métamorphose serait considérée comme rétrogressive. […] Elle révèle cette communauté d’origine, en dépit des altérations et des modifications que la structure de l’adulte a subies, et qui l’ont rendu méconnaissable. […] — Les organes rudimentaires, quelque étrange que semble leur présence dans un état qui les rend complétement inutiles, sont cependant très communs dans la nature. […] Lorsqu’on y réfléchit, on se sent frappé d’étonnement ; car cette même raison, qui rend en nous un éclatant témoignage aux adaptations si parfaites de la plupart des organes à leurs fonctions, témoigne avec une égale force de l’inutilité et de l’imperfection des organes atrophiés ou rudimentaires.

2432. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

. — Et l’individualisme passionné pouvait la rendre aussi bien libérale que démocrate. […] Cette association, qui la rendra visible aux yeux et sensible aux cœurs ? […] L’organisation démocratique générale a rendu nécessaire un redoublement de monarchie dans l’administration. […] Quand il a rompu enfin, qu’il est à Paris, libre, léger de la chaîne brisée, il a une honte un peu naïve qui nous le rend cher. […] C’est aussi pourquoi, s’il entrait partout, on lui rendra cette justice qu’il ne restait nulle part.

2433. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Lamartine.] » pp. 534-535

Les comparaisons avec le passage d’une journée aigre, variable et désagréable de mars à une tiède et chaude matinée de vrai printemps, ou encore d’un ciel gris, froid, où le bleu paraît à peine, à un vrai ciel pur, serein et tout éthéré du Midi, ne rendraient que faiblement l’effet poétique et moral de cette poésie si neuve sur les âmes qu’elle venait charmer et baigner de ses rayons.

2434. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXII » pp. 328-331

De nos jours on a essayé de rendre à la poésie sa langue propre, son style, ses images, ses priviléges, mais l’entreprise a pu paraître bien artificielle, parce qu’il a fallu aller chercher ses exemples dans le passé par delà Malherbe, et encore des exemples très-incomplets et sans autorité éclatante.

2435. (1875) Premiers lundis. Tome III « Armand Carrel. Son duel avec Laborie »

Ce sont ces remerciements pour un service noblement rendu et universellement senti, que lui apportaient aujourd’hui les milliers de citoyens qui sont venus s’enquérir de son état à son domicile et dans nos bureaux.

2436. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

Ce qui constitue l’originalité curieuse et sans égale d’Albert Glatigny, c’est qu’il est non pas un poète de seconde main et en grande partie artificiel, comme ceux que produisent les civilisations très parfaites, mais, si ce mot peut rendre ma pensée, un poète primitif, pareil à ceux des âges anciens, et qui eut été poète, quand même on l’eût abandonné petit enfant, seul et nu dans une île déserte.

2437. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

Bref, la science sera en possession de vérités qui, rendant plus intelligible la façon dont le passé s’est déroulé, rendront par-là plus facile l’art de prévoir et de créer l’avenir.

2438. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 285-289

Il sacrifia tout à ce penchant, qui l’auroit pu rendre heureux s’il ne l’eût cultivé que pour lui-même, sans y joindre la démangeaison la plus violente de mettre tout au jour, & de s’élever contre les Ouvrages d’autrui.

2439. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

 » Chateaubriand a retrouvé ce secret, à peu près inconnu depuis Bossuet, il a rendu à la langue comme la palpitation d’un grand souffle depuis longtemps tombé ou languissant. […] Mais précisément c’est le don de Lamartine de peindre des états de sentiment sans saillie violente ni relief dur, avec le talent de rendre sensibles les brouillards, les régions brumeuses et noyées de l’âme. […] Effacez ce séjour, ô Dieu, de notre mémoire, « ou rendez-le pareil à celui d’autrefois !  […] Balzac réussit à le rendre inférieur à lui-même. […] Mais prenons garde à l’autre excès, qui est non plus de trop sentir pour bien rendre, mais de ne pas sentir du tout, et pourtant de vouloir peindre.

2440. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Ainsi muni, il va s’asseoir l’après-midi au café de Will, qui est le grand rendez-vous littéraire ; les jeunes poëtes, les étudiants qui sortent de l’université, les amateurs de style se pressent autour de sa chaise, qui est soigneusement placée l’été près du balcon, l’hiver au coin de la cheminée, heureux d’un mot, d’une prise de tabac respectueusement puisée dans sa docte tabatière. […] Au fond, le drame, comme toute œuvre d’art, ne fait que rendre sensible une idée profonde de l’homme et de la vie ; il y a une philosophie cachée sous ses enroulements et sous ses violences, et le public doit être capable de la comprendre comme le poëte de la trouver. […] Vous savez bien qu’elle n’est pas accoutumée aux nuits solitaires731. » Voilà justement le bon moyen de rendre Antoine jaloux, et le ramener furieux à Cléopatre. […] Ce sont toutes les adresses et les réussites du style calculé, qui rend l’esprit attentif et le laisse persuadé ou convaincu. […] Des dames si logiciennes ont des grossièretés étranges : Lyndaxara son amant qui la supplie de le rendre « heureux ».

2441. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

2442. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVII » pp. 109-112

Les rois avaient jusqu’ici affecté d’être personnellement peu polis envers Louis-Philippe, de ne pas lui rendre les visites qu’il leur avait fait faire par ses fils.

2443. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

L’héroïne du roman, Française de vingt-quatre ans, blonde au visage noble et animé, qui a quelque chose d’élégant, de modeste et de naturel dans toute sa personne, d’un abord parfois sévère, mais qui s’adoucit avec de la grâce et de la cordialité, telle enfin qu’on croit sentir en elle une âme à la fois aimable et forte, capable de grandes choses, mais sensible aux petites ; Thérèse de Longueville, au milieu des hommages dont elle est l’objet, et auxquels elle reste assez indifférente, ne tarde pas à distinguer Sextus, à le craindre d’abord (car d’anciens chagrins l’ont rendue prudente), puis à désirer de le revoir et de lui plaire.

2444. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhade, Laurent (1854-1919) »

Tailhade se rendit tout à coup célèbre et redouté par les cruelles et excessives satires qu’il appela, souvenir et témoins d’un voyage que nous faisons tous sans fruit, Au pays du mufle.

2445. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 120-124

Le Traducteur est sur-tout admirable dans les morceaux techniques, qu’il rend avec autant de précision, que d’élégance & de naturel.

2446. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 100-104

qu'il te rende grace D'avoir tari tout mon fiel, cher Bussi, Sans quoi le traître expireroit ici.

2447. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

L’art symboliste rend abstrait le concret : il est chrétien.

2448. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre premier, premières origines du théâtre grec »

Ce que l’Homéride chantait d’une voix lointaine comme l’écho de la tradition, le poète dramatique l’incarne et le montre ; il rend le souffle de l’actualité au fait immémorial, à l’événement aboli ; il redresse toute pendante et toute menaçante la catastrophe écroulée.

2449. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

Or, en répandant sur les peuples cette uniformité et, pour ainsi dire, cette monotonie de mœurs que les lois donnaient à l’Égypte, et donnent encore aujourd’hui aux Indes et à la Chine, le christianisme a rendu nécessairement les couleurs de l’histoire moins vives.

2450. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — De l’état de savant. » pp. 519-520

Une académie ou un corps de savants ne doit être que le produit des lumières poussées jusqu’à un certain degré de perfection et très-généralement répandues ; sans cela, stipendiée par l’État, elle lui coûte beaucoup, ne subsiste que par des recrues et ne rend aucun fruit.

2451. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 7, que la tragedie nous affecte plus que la comedie à cause de la nature des sujets que la tragedie traite » pp. 57-61

Tous ceux qui travaillent pour notre théatre parlent de même, et ils assurent qu’il est moins dangereux de donner un rendez-vous au public pour le divertir en le faisant pleurer, que pour le divertir en le faisant rire.

2452. (1913) Poètes et critiques

Il ne déclame pas : il note la réalité et il la rend telle qu’elle est, toute simple, tout héroïque. […] Ainsi compris, le épertoire des Lectures populaires rendra les plus grands services à la cause de l’enseignement et de l’éducation du peuple. […] Ils aiment mieux faire cinq lieues dans la neige que de se rendre en vingt minutes à l’église d’une commune voisine, mais étrangère. […] Sur les Lapons, que la plupart des voyageurs « depuis notre Regnard » ont peint avec des couleurs qui les ont surtout enlaidis et rendus répugnants, M.  […] Les paysages sont rendus de main de maître.

2453. (1900) Molière pp. -283

Avant tout, il est dominé par le besoin d’observer, par la nécessité de rendre ses observations telles qu’elles sont, dans leur extrême justesse. […] Rends-moi mon argent, coquin ! […] Peut-être outrait-il ce côté du rôle ; mais, ce qu’il y a de certain, c’est que, pour le rendre complet, il faut le jouer en comédie et en drame à la fois. […] Eh bien, ce genre de conception du monde et de la société, Molière l’a eu et l’a rendu, parce qu’il l’avait sous les yeux. […] Par là tu as rendu petit ce qui en soi était admirable ; tu as rabaissé ce que tu prétendais élever au-dessous même de ce qu’on estimait le moins.

2454. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

L’écriture est un phonographe que notre esprit déroule et qui ne rend pas seulement des sons, qui rend aussi des images, des idées, des sensations même : c’est un doublement de la vie. […] C’est un appareil merveilleux à rendre la vie insupportable. « Le jaloux amoureux, dit très bien M.  […] Elles poursuivent leurs maris jusqu’au milieu de ses affaires, de son travail, et en même temps qu’elles le rendent malheureux, le rendent ridicule. […] Le mauvais, on tâche de l’améliorer ; le nuisible, on essaie de le rendre neutre ; le malade enfin, on doit se proposer de le guérir. […] Il rendra des services même aux transports en commun, des services très limités, mais réels.

2455. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

— Non, puisque j’ai le sourire de politesse même quand il n’y a pas de surprise du tout, quand j’entre chez un ami qui m’avait donné rendez-vous. […] Il faut le rendre implexe. […] On me rendrait aujourd’hui ma forme extérieure de vingt-cinq ans, je serais peut-être si dépaysé que j’en enragerais et dirais que l’on me dérange dans mes petites habitudes. […] L’éblouissant éclat que répandent ses murs, Ennoblit les plus vils, rend beaux les plus impurs ! Le doux rayonnement qui descend de son temple Rachète et rend meilleur quiconque le contemple !

2456. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 218-221

Après son Merle blanc il n’y a plus qu’à rendre les armes : « C’est, dit Mme de Boigne, qui s’y connaît, de la meilleure plaisanterie d’Hamilton. » — J’ai encore écrit une derniere fois sur Alfred de Musset au moment de sa mort (voir au tome XIII des Causeries du Lundi, article du 11 mai 1857).

2457. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Qu’une page première du poëte d’Elvire soit venue nous rendre au hasard quelqu’une des douces plaintes connues : Lorsque seul avec toi, pensive et recueillie, etc., etc… ; Ramenez-moi, disais-je, au fortuné rivage, etc… ; que Victor Hugo ait proféré, à une heure brûlante, cet hymne attendri : Puisque j’ai mis ma lèvre à ta coupe encore pleine, etc… ; qu’Alfred de Musset lui-même, à travers son léger récit d’Emmeline, ait modulé à demi-voix : Si je vous le disais pourtant que je vous aime, etc., etc. ; ces notes vraies, tendres, profondes, nées du cœur et toutes chantantes, nous paraissent, aujourd’hui encore, autrement enviables que bien des mérites lentement acquis.

2458. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Monsieur, Bien des fois je me suis rappelé, depuis une année, ce jour du 25 février 1848, où, après avoir franchi les barricades pour nous rendre au Collège de France, nous trouvâmes notre modeste salle transformée en un corps de garde où nous faillîmes être reçus comme des suspects.

2459. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 467-471

Il importe peu aux siecles suivans qu’un Auteur ait connu parfaitement sa langue, qu’il l’ait parlée purement & avec facilité, qu’il ait eu du goût & des connoissances, que les grands Poëtes de son temps l’aient célébré : s’il n’a laissé des Ecrits qui le rendent digne de se survivre à lui-même, on le met bientôt au rang des Auteurs oubliés.

2460. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Archiloque, et Lycambe. » pp. 7-11

Il fit, sur cette victime infortunée, ces vers rendus par Amiot : Pour lamenter, son mal ne guérirai ; Ni, pour jouer, je ne l’empirerai.

2461. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Le drapeau français fut-il jamais affronté avec une telle irrévérence, je ne dirai pas par des ennemis, mais par des alliés intimes à qui nous venions de rendre des services aussi éclatants que Magenta et Solferino ? […] Or la monarchie unitaire de l’Italie, sur la tête d’un roi de Piémont, rend à jamais impossible l’alliance entre la France et l’Autriche. […] Quel avenir pour l’Autriche et la France qu’une alliance qui les rend maîtresses de l’équilibre du monde, ou maîtresses de leur agrandissement pour venger cet équilibre ! […] Une négociation forte et prudente entre Paris et Vienne neutralisera facilement la Vénétie, rendue à elle-même, et non annexée au Piémont.

2462. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Il était ressuscité « l’Unique, l’Adorable », rendu au désir avide, à l’embrassement brûlant d’Astarté ! […] Mais la jeune reine des Enfers s’éprit de ce doux garçon ; lorsque Cypris le réclama, elle ne voulut plus le lui rendre. […] Le jeune homme en parle, sur l’oreiller, à une courtisane qui l’aimait ; la femme s’indigne et s’alarme. — Sans doute son beau-père, sa mère aussi, peut-être, veulent se défaire de lui pour n’avoir pas à rendre leurs comptes de tutelle. […] Ses orgies où la lubricité s’accouplait à l’extase, rendez-vous des mécontents et des misérables, anticipaient, en les agrandissant à l’échelle antique, sur les terreurs et les prestiges du Sabbat.

2463. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Nous l’arracherons donc pour un moment au siècle qui l’a gâté et auquel il rend sa corruption. […] Hugo nous avaient paru l’agonie d’un génie poétique, assez fort pour rester individuel, mais qui s’était abandonné aux philosophies de ce siècle, à ces philosophies dégradées qui l’avaient rendu semblable à elle. […] Hugo, est celle-ci : Que lui a donc rendu le monde moderne en place du talent qu’il lui a sacrifié, en le lui consacrant ? […] … De même encore, dans Le Crapaud, où l’auteur n’a pas de cesse qu’il n’ait éreinté une idée juste et rendu grotesque ce qui aurait pu être pathétique, vous reconnaissez la fausse pitié de l’humanitaire, qui confond tout dans l’anarchie de sa compassion : cet âne, dit-il, l’âne qui s’est détourné pour ne pas écraser le crapaud,.

2464. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Elle finit par rendre comique toute mésaventure qu’on s’est attirée par sa faute, quelle que soit la faute, quelle que soit la mésaventure, — que dis-je ? […] Et il nous fait rire parce qu’il rend manifeste à nos yeux l’interférence de deux séries indépendantes, source véritable de l’effet comique. […] C’est un des moyens (le plus artificiel peut-être) de rendre sensible l’interférence des séries ; mais ce n’est pas le seul. […] Il suffit alors, pour la rendre comique, de mettre en pleine lumière l’automatisme de celui qui la prononce.

2465. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Si Aristote et Leibnitz ont chacun renouvelé cette dernière, s’ils ont rendu la vie et l’être véritable à cette nature si mal comprise des physiciens atomistes et des physiciens géomètres de leur époque, c’est qu’ils en avaient retrouvé le principe de spontanéité dans une autre expérience que celle des sens. […] Tel est le service que Schelling croyait avoir rendu à la philosophie trop abstraite de Spinoza en lui infusant le sentiment des forces vives de la nature. […] Il faut que tout meure, douceurs, consolation, repos, tendresse, amitié, honneur, réputation : tout nous sera rendu au centuple ; mais il faut que tout meure, que tout soit sacrifié. […] Ce que nous avions en nous avec l’impureté du vieil homme nous sera rendu avec la pureté de l’homme renouvelé, comme les métaux mis au feu ne perdent point de leur pure substance, mais sont purifiés de ce qu’ils ont de grossier.

2466. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Mme Brun, d’ailleurs, délicate de santé et fuyant l’âpreté du Nord, venait elle-même à Genève, où elle engagea Bonstetten, encore incertain du lieu où il se fixerait, à se rendre pour une saison ; ce séjour, devenu résidence, qui décida de la suite de sa vie intellectuelle, dura trente ans. […] Il rendait pleine justice à sa merveilleuse intelligence ; « J’ai l’avantage de trouver à Coppet une critique impartiale ; c’est aussi un art de tirer parti de la critique ; souvent je persiste dans mon opinion ; mais Mme de Staël est si libre de préjugés, si claire, que je vois mes tableaux dans son âme comme dans un miroir. » Le Voyage dans le Latium, publié à la fin de 1804, eut du succès, et décida de la rentrée de Bonstetten dans la littérature française. […] Voyez comme toute interruption dans les études enrouille les enfants et les rend indociles, et dites-vous que votre inapplication et l’irrégularité ou la nullité de vos travaux sont la véritable cause de la stagnation de vos idées, que vous attribuez faussement à l’âge.

2467. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Ce n’est pas une comparaison que j’établis entre deux ordres profondément distincts et parfaitement inégaux, mais c’est un rapprochement qui rendra plus saillante ma pensée. […] Et n’est-ce pas chez lui qu’on doit aller chercher le mot le plus expressif pour rendre la douceur même (the milk of human kindness), cette qualité que je demande toujours aux talents énergiques de mêler à leur force pour qu’ils ne tombent point dans la dureté et dans la brutale offense, de même qu’aux beaux talents qui inclinent à être trop doux, je demanderai, pour se sauver de la fadeur, qu’il s’y ajoute un peu de ce que Pline et Lucien appellent amertume, ce sel de la force ; car c’est ainsi que les talents se complètent ; et Shakespeare, à sa manière (et sauf les défauts de son temps), a été complet. […] Vous me ferez croire, avec le temps, que je puis pour ma part vous être bon en quelque chose, et, généreux comme on l’est à votre âge, vous me rendrez en ce seul sentiment moral bien plus que je ne saurais vous donner en directions de l’esprit ou en aperçus littéraires.

2468. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Certaines scènes capitales du Parlement sont rendues avec exactitude ; il les tenait de première main. […] On a la lettre par laquelle Marais le remercie : « Vous me comblez, monsieur, de toutes sortes d’honnêtetés, lui écrivait-il (29 décembre 1727), et je ne sais quelles grâces vous en rendre. […] Les plus grands hommes ont été exposés à ces sortes d’injustices ; rendez donc au plus tôt vos ouvrages publics, et marchez à la gloire que vous méritez. » Voilà un noble langage.

2469. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Ces morceaux sont accompagnés fréquemment d’analyses, toujours de notes, quelquefois de petites notices sur les auteurs, dans lesquelles, en peu de lignes d’une concision excellente, tout point essentiel est rendu frappant, tout point en réserve est touché. […] A force d’accentuer le mot dans sa propriété, il lui arrive de le rendre dur. […] Que si, dans tout ceci, nous avons trop souvent arraché à un talent, le plus humble de cœur, les voiles dont il aime à s’envelopper, qu’il veuille songer, pour notre excuse, que l’effet de ces paroles, que nous aurions voulu rendre plus dignes, sera peut-être de convier quelques lecteurs de plus aux fruits des travaux que l’idée de l’utilité et du bien lui inspira ; et puisse-t-il ainsi nous pardonner !

2470. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

L’auteur n’a jamais fait réimprimer son premier écrit, auquel il ne rend peut-être pas toute la justice qui lui est due ; il en a repris depuis et rectifié plusieurs des idées principales dans le mémoire sur la Formation territoriale et politique de la France, lu à l’Académie des Sciences morales en 1838. […] Ce fut l’origine d’une liaison bien flatteuse et qui, en ayant ses charges, rendait beaucoup. […] … tous ceux-là acceptèrent de confiance l’histoire de la révolution, telle que la leur rendait la plume ou le burin de M ignet.

2471. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Un jour à Coppet, en 1672, c’est-à-dire à vingt-cinq ans, dans son moment de plus grande galanterie, il prêta à une demoiselle le roman de Zayde ; mais celle-ci ne le lui rendait pas : « Fâché de voir lire si lentement un livre, « je lui ai dit cent fois le tardigrada, domiporta et ce qui s’ensuit, avec quoi on se moque de la tortue. […] Il a dit de Nicole et l’on peut dire de lui que « sa coutume de pousser les raisonnements jusqu’aux derniers recoins de la dialectique le rendoit mal propre à composer des pièces d’éloquence. » Ce désintéressement où il était pour son propre compte dans l’éloquence et la poésie le rendait d’autre part plus complet, plus fidèle dans son office de rapporteur de la république des lettres. […] Se sont-elles rendues, c’est un bénéfice qui « demande résidence… Il est rare qu’on ne tombe qu’une fois dans « cette espèce d’engagement ; on ne s’en retire qu’avec un morceau de chaîne qui forme bientôt une nouvelle captivité.

2472. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle, ce n’est pas une loi438. » — « Il ne suffit pas que le peuple assemblé ait une fois fixé la constitution de l’État en donnant sa sanction à un corps de lois ; il faut encore qu’il y ait des assemblées fixes et périodiques que rien ne puisse abolir ni proroger, tellement qu’au jour marqué le peuple soit légitimement convoqué par la loi, sans qu’il soit besoin pour cela d’aucune autre convocation formelle… À l’instant que le peuple est ainsi assemblé, toute juridiction du gouvernement cesse, la puissance exécutive est suspendue », la société recommence, et les citoyens, rendus à leur indépendance primitive, refont à leur volonté, pour une période qu’ils fixent, le contrat provisoire qu’ils n’avaient conclu que pour une période fixée. « L’ouverture de ces assemblées qui n’ont pour objet que le maintien du traité social doit toujours se faire par deux propositions qu’on ne puisse jamais supprimer et qui passent séparément par les suffrages : la première, s’il plaît au souverain de conserver la présente forme de gouvernement ; la seconde, s’il plaît au peuple d’en laisser l’administration à ceux qui en sont actuellement chargés. […] C’est pourquoi, bien loin que l’État soit mon obligé, je suis le sien, et ce n’est pas mon bien qu’il me rend, c’est son bien qu’il m’octroie. […] Neuvième époque), on se vit obligé de renoncer à cette politique astucieuse et fausse qui, oubliant que les hommes tiennent des droits égaux de leur nature même, voulait tantôt mesurer l’étendue de ceux qu’il fallait leur laisser sur la grandeur du territoire, sur la température du climat, sur le caractère national, sur la richesse du peuple, sur le degré de perfection du commerce et de l’industrie, et tantôt partager avec inégalité les mêmes droits entre diverses classes d’hommes, en accorder à la naissance, à la richesse, à la profession, et créer ainsi des intérêts contraires, des pouvoirs opposés, pour établir ensuite entre eux un équilibre que ces institutions seules ont rendu nécessaire et qui n’en corrige même pas les influences dangereuses. » 430.

2473. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

L’intendant d’Orléans annonce « qu’en Sologne de pauvres veuves ont brûlé leurs bois de lit, d’autres leurs arbres fruitiers », pour se préserver du froid et il ajoute : « Rien n’est exagéré dans ce tableau, le cri du besoin ne peut se rendre, il faut voir de près la misère des campagnes pour s’en faire une idée. » De Riom, de La Rochelle, de Limoges, de Lyon, de Montauban, de Caen, d’Alençon, des Flandres, de Moulins, les autres intendants mandent des nouvelles semblables. […] Faibles produits : « Nos terres communes, dit un bon observateur, donnent environ, à prendre l’une dans l’autre, six fois la semence637. » En 1778, dans la riche contrée qui environne Toulouse, le blé ne rend que cinq pour un ; aujourd’hui, c’est huit, et davantage. Arthur Young calcule que, de son temps, l’acre anglaise produit vingt-huit boisseaux de grain, l’acre française dix-huit, que le produit total de la même terre pendant le même laps de temps est de trente-six livres sterling en Angleterre, et seulement de vingt-cinq en France. — Comme les chemins vicinaux sont affreux et que les transports sont souvent impraticables, il est clair que, dans les cantons écartés, dans les mauvais sols qui rendent à peine trois fois la semence, il n’y a pas toujours de quoi manger.

2474. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Ses idées roulaient presque toujours sur les événements de la journée ; si on l’encourageait par des questions qui la guidassent, elle en rendait un compte très distinct et très cohérent, révélant souvent ses peccadilles et celles de ses compagnes, et exprimant un grand repentir pour les siennes, tout en paraissant hésiter à faire connaître celles des autres. […] Aussi ses compagnons dans le voyage s’amusaient perpétuellement à ses dépens. — Une fois, ils le conduisirent à travers toute une scène de querelle qui finissait par un duel, et, quand les parties furent supposées au rendez-vous, un pistolet fut mis dans sa main ; il lâcha la détente, et le bruit le réveilla. — Une autre fois, le trouvant endormi sur un coffre dans la cabine, ils lui firent croire qu’il était tombé par-dessus le bord et l’exhortèrent à se sauver en nageant ; aussitôt il imita les mouvements de natation. […] Maury, et je me rendais souvent dans un village voisin, nommé Trilport, situé sur la Marne, où mon père construisait un pont.

2475. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Quelques mois après Henri III et sa cour, la Comédie-Française donna le More de Venise d’Alfred de Vigny : c’était l’Othello de Shakespeare, fidèlement rendu, sans voile et sans fard, avec le mouchoir et l’oreiller, et Yago (24 oct. 1829). […] Il a préludé à ces fameux romans historiques qui devaient surtout rendre son nom populaire, par des drames historiques. […] Dumas y vint, après que sa fièvre de 1830 fut calmée, lorsqu’il fut rendu à son naturel de bon enfant qui aimait à conter des histoires, et à son tempérament d’homme de théâtre, apte à faire jouer tous les trucs qui tirent le rire et les larmes.

2476. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Invité à « lecturer » devant Oxford et Cambridge et, la politesse rendue en visites aux merveilles présentées par ces très particuliers séjours — l’un imposant peut-être, intime l’autre, entre qui pas de choix — reste à extraire une conclusion ayant cours. […] Surprendre habituellement cela, le marquer, me frappe comme une obligation de qui déchaîna l’Infini ; dont le rythme, parmi les touches du clavier verbal, se rend, comme sous l’interrogation d’un doigté, à l’emploi des mots, aptes, quotidiens. […]   Tandis que le regard intuitif se plaît à discerner la justice, dans une contradiction enjoignant parmi l’ébat, à maîtriser, des gloires en leur recul — que l’interprète, par gageure, ni même en virtuose, mais charitablement, aille comme matériaux pour rendre l’illusion, choisir les mots, les aptes mots, de l’école, du logis et du marché.

2477. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Je vois autour de moi des hommes purs et simples auxquels le christianisme a suffi pour les rendre vertueux et heureux ; mais j’ai remarqué que nul d’entre eux n’a la faculté critique ; qu’ils en bénissent Dieu ! […] Ô Dieu, fallait-il me rendre le devoir si cruel ? […] J’imagine que vous avez dû éprouver ceci : il se passe en nous, relativement au bonheur, une espèce de délibération, où du reste nous sommes fatalement déterminés, par laquelle nous décidons sur quel tour nous prendrons telle ou telle chose ; car il n’est personne qui ne doive reconnaître qu’il porte en lui mille causes actuelles qui pourraient le rendre le plus malheureux des hommes.

2478. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Il convient aujourd’hui de rendre au mot de morale l’extension large qu’il doit avoir. […] Il coupe avec son épée ceux qui le gênent ; puis, il dit à ses compagnons : Passez-moi le reste autour du corps et attachez-moi à mon cheval. — Ainsi équipé, le mourant se rue au milieu des Sarrasins et en fait un carnage épouvantable ; après quoi, se confessant avant de rendre le dernier soupir, il a un remords, bien inattendu. […] Le danger est alors qu’elle introduise cette préoccupation de moraliser les gens dans des genres qui ne s’y prêtent pas ; qu’elle dénature les faits pour les accommoder au but qu’elle poursuit ; qu’elle fausse la vérité historique pour soutenir une thèse ; qu’elle fausse, au théâtre ou dans le roman, la vérité psychologique, en vue d’aboutir à tel dénouement, dans l’intention de rendre sympathique ou antipathique telle opinion ou tel personnage.

2479. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Sa plaisanterie est de haute graisse, son impudence est haute en couleur, il rend en lazzi plaisants le vin qu’il avale. […] Augier, et le public lui rendra quelque jour les applaudissements qu’il lui doit encore. […] De Pienne reconnaît qu’il doit la vie à la généreuse inspiration de Diane ; il s’engage à la lui rendre au premier appel, puis il emmène ses compagnons tout éblouis de cette vision royale de bonne grâce et de dignité.

2480. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Les jeunes courtisans, les ambitieux qui l’entouraient, voyaient avec dépit se perpétuer cette tutelle du cardinal et cette insipide enfance, ce rôle d’écolier d’un roi qui avait déjà plus de trente ans : ils comprirent qu’il n’y avait qu’une seule manière de l’émanciper et de le rendre maître, c’était de lui donner une maîtresse. […] Son idéal eût été, en arrivant à la Cour, de le charmer, de l’amuser par mille divertissements empruntés aux arts ou même aux choses de l’esprit, de le rendre heureux et constant dans un cercle d’enchantements variés et de plaisirs. […] Non, assurément, mon cher nigaud, je ne laisserai pas périr au port un établissement qui doit immortaliser le roi, rendre heureuse sa noblesse, et faire connaître à la postérité mon attachement pour l’État et pour la personne de Sa Majesté.

2481. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Le spectre de cette passion le rend insensible au jeune amour de Louise Roque, entrave sa liaison avec Rosanette et brise, on s’en souvient, son mariage avec Mme Dambreuse. […] Indépendamment du défaut de personnalité et de l’extrême légèreté qui rend Arnoux sensible à toutes les influences, il se montre aussi déterminé à se concevoir autre qu’il n’est par des mobiles de lucre. […] Ainsi, selon deux procédés différents, l’esprit humain s’est efforcé de se rendre maître de la certitude.

2482. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Pendant ce temps, il est encore devenu l’ami intime du corps des pompiers, pour lesquels, à l’occasion du bal qu’ils donnent tous les ans, il a peint un resplendissant transparent, une peinture de onze pieds, qui — amère ironie — lui a été payée par quelques paroles bien senties du préfet de la Seine, le félicitant de son désintéressement envers un corps qui rend de si grands services. […] Notre roman à moitié composé nous a été rendu. […] Personne n’a vraiment rendu la passion, l’excitation, la furie, le grand delirium tremens de ce temps.

2483. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

La rémunération modeste demandée en échange d’un service qu’on va rendre. — Une vieille femme, en général demande comme récompense d’une précieuse révélation qu’elle se dispose à faire, soit de la viande sans os (des Œufs) soit un peu de son et une vieille pipe (V. […] Ce symbolisme reste forcément assez obscur car les interprètes qui traduisent les termes abstraits de la langue indigène ne possèdent que rarement le français d’une façon suffisante pour rendre exactement l’idée. […] Ces onomatopées indigènes, comme les nôtres, rendent non seulement les bruits, mais encore les mouvements silencieux tels que le tortillement du serpent ou le balancement d’un objet.

2484. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Et en approfondissant cette commune hypothèse à son tour, on trouve qu’elle consiste à attribuer à l’espace homogène un rôle désintéressé, soit qu’il rende à la réalité matérielle le service de la soutenir, soit qu’il ait la fonction, toute spéculative encore, de fournir aux sensations le moyen de se coordonner entre elles. De sorte que l’obscurité du réalisme, comme celle de l’idéalisme, vient de ce qu’il oriente notre perception consciente, et les conditions de notre perception consciente, vers la connaissance pure, non vers l’action. — Mais supposons maintenant que cet espace homogène ne soit pas logiquement antérieur, mais postérieur aux choses matérielles et à la connaissance pure que nous pouvons avoir d’elles ; supposons que l’étendue précède l’espace ; supposons que l’espace homogène concerne notre action, et notre action seulement, étant comme un filet infiniment divisé que nous tendons au-dessous de la continuité matérielle pour nous en rendre maîtres, pour la décomposer dans la direction de nos activités et de nos besoins. […] L’esprit emprunte à la matière les perceptions d’où il tire sa nourriture, et les lui rend sous forme de mouvement, où il a imprimé sa liberté.

2485. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Au contraire, si les différents côtés de sa personne ressortissent à des sociétés différentes, il n’est plus si facile à l’esprit de le classer du premier coup et une fois pour toutes ; nous établissons plus malaisément entre sa valeur et la valeur reconnue de telle collectivité cette solidarité qui nous empêche, comme le veut l’égalitarisme, de rendre à chacun ce qui lui est personnellement dû. […] Le « droit du marché » ne voulait connaître aucune différence de naissance, et c’est peut-être parce que le droit urbain est sorti de ce droit commercial qu’on a pu dire, de l’air des villes, qu’il rendait tous les hommes également libres : « Städtische Luft macht frei182. » D’ailleurs, il n’est pas nécessaire, pour que l’entrecroisement des sociétés aide au succès de l’idée de l’égalité, que l’une ou l’autre des sociétés entrecroisées soit hostile à toute espèce de hiérarchie ; il suffit que les hiérarchies qu’elles acceptent diffèrent, qu’on ne les voie pas toujours parallèles et de même sens, mais que l’une, parfois, renverse l’ordre de l’autre. […] Imbart de la Tour, « L’Évolution des Idées sociales au moyen âge », dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences morales et politiques, 1896, II, p. 425.

2486. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Il était raisonnable que les héros se rendissent en armes à ces réunions, où l’on ordonnait le châtiment des coupables : la souveraineté des lois est une dépendance de la souveraineté des armes. […] Ainsi Amulius chassa Numitor, et fut chassé lui-même par Romulus, qui rendit Albe à son premier roi. […] Comment expliquer cette prétendue alliance, quand Romulus lui-même, sorti du sang des rois d’Albe, vengeur de Numitor auquel il avait rendu le trône, ne put trouver de femmes chez les Albains.

2487. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

L’abbé de Saint-Pierre avait bien quelque vague soupçon qu’il pouvait ennuyer parfois, — qu’il avait pu autrefois ennuyer ; mais il ne s’en rendait point parfaitement compte, et il se flattait de s’en être assez bien corrigé « Quand j’arrivai à Paris, disait-il, je disputais avec tout le monde ; enfin, m’étant aperçu que la raison ne ramenait personne, j’ai cessé de disputer ». […] C’est au chapite « Du mérite personnel » ; le malin portrait se glissa dans la cinquième édition des Caractères, qui fut donnée en 1690 : Je connais Mopse d’une visite qu’il m’a rendue sans me connaître.

2488. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

« On a de lui cinquante et un ouvrages, dit Voltaire ; ce sont ses Oraisons funèbres et son Discours sur l’Histoire universelle qui l’ont conduit à l’immortalité. » D’Alembert, Thomas, La Harpe, lui rendent pleine justice à cet égard, mais à cet égard seulement. […] Gandar, qui s’est fort occupé du texte de Bossuet et qui y a regardé de très près, me fait remarquer que cet honnête homme de bénédictin a rendu maint service inappréciable, qu’il a presque toujours bien lu des brouillons que, sans lui, on serait fort empêché de déchiffrer.

2489. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Doué non pas simplement d’une extrême ardeur personnelle de connaître et de savoir, mais de l’amour dû vrai et de « cette grande curiosité » qui porte avec elle son idée dominante, et qui se règle aussi sur le besoin actuel et précis de l’œuvre humaine à chaque époque, il s’est dit de bonne heure que ce qu’il désirait le plus de savoir, d’autres le désiraient également ; et il s’est assigné, pour rendez-vous et pour terme éloigné, mais certain, au milieu même de la variété et de la dispersion apparente de ses travaux, l’Histoire des origines du christianisme. […] La gloire n’est, pas un vain mot, et nous autres critiques et historiens, nous rendons, en un sens un vrai jugement de Dieu.

2490. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Après cet hommage rendu au talent de Le Brun, il nous sera permis d’insister sur ses défauts. […] « Je ne crois pas, écrivait Ginguené au rédacteur du journal le Modérateur (22 janvier 1790), que nous ayons beaucoup de vers à mettre au-dessus de cette strophe. » Et Andrieux, l’Aristarque, n’en disconvenait pas ; il avouait que si tout avait été aussi beau, il aurait fallu rendre les armes.

2491. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Mais si, comme nous n’en doutons pas, l’humanité est autre chose qu’une collection et qu’une succession d’individus ; si elle existe et vit par elle-même en présence de la nature ; si, comme la nature et à un plus haut degré encore, elle est une manifestation incessamment perfectible de Dieu ; si l’humanité, en un mot, vit et se développe en Dieu, et l’homme dans l’humanité, à plus forte raison alors ne sera-t-il pas permis d’isoler l’homme et de l’interroger uniquement dans son moi pour lui faire rendre l’oracle de la destinée sociale et humaine, destinée qui aura recouvré en ce cas son acception la plus profonde et la plus sublime. La vie de l’homme en effet lui afflue de tous côtés par les relations qu’il soutient avec les autres hommes et avec la nature ; cette vie qu’il reçoit de l’univers, il la rend, il la rayonne à son tour en vertu d’une force propre et d’un foyer intérieur.

2492. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Les femmes sensibles et mobiles, donneront toujours l’exemple de cette bizarre union de l’erreur et de la vérité, de cette sorte d’inspiration de la pensée, qui rend des oracles à l’univers, et manque du plus simple conseil pour soi-même. […] La vanité est l’ennemie de l’ambition ; elle aime à renverser ce qu’elle ne peut obtenir ; la vanité fait naître une sorte de prétentions disséminées dans toutes les classes, dans tous les individus, qui arrête la puissance de la gloire, comme les brins de paille repoussent la mer des côtes de la Hollande : enfin, la vanité de tous sème de tels obstacles, de telles peines dans la carrière publique de chacun, qu’au bout d’un certain temps le grand inconvénient des républiques, le besoin qu’elles donnent de jouer un rôle n’existera, peut-être, plus en France : la haine, l’envie, les soupçons, tout ce qu’enfante la vanité, dégoûtera pour jamais l’ambition des places et des affaires ; on ne s’en approchera plus que par amour pour la patrie, par dévouement à l’humanité, et ces sentiments généreux et philosophiques rendent les hommes impassibles, comme les lois qu’ils sont chargé d’exécuter.

2493. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Le pauvre homme ne pouvait pas en rendre de bien utiles ; mais son sentiment suffisait à l’acquitter. « Ne montrez ces vers à personne, écrivait-il à Racine, car Mme de La Sablière ne les a pas encore vus. » Il lui gardait ainsi la seule chose qu’il pût donner, des prémices. […] C’est cette faculté qui transformait et embellissait en lui toutes les autres ; c’est elle qui, prenant la sensualité, la moquerie, la gaieté, toutes les inclinations gauloises, les rendait innocentes et charmantes ; c’est elle qui écartait de lui la médiocrité, la sécheresse, la vanité et l’affectation, qui ordinairement gâtent notre genre d’esprit.

2494. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Sollicité comme il était par la nature extérieure, il la reçoit, et la rend, comme mécaniquement, avec une merveilleuse sûreté. […] Les formés de la vie, et l’activité de la vie, c’est cela que l’artiste doit s’attacher à rendre : plus ces formes auront de particularité, plus cette activité sera intense, et plus il y aura de beauté dans l’être.

2495. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Il tend à les rendre capables de trouver dans une page ou une œuvre d’un écrivain ce qui y est, tout ce qui y est, rien que ce qui y est. […] Par l’explication, on s’habitue à se mettre dans une certaine attitude d’esprit, dans un certain état d’activité en face des textes ; on acquiert l’art de les interroger rapidement, de les presser, d’en voir et résoudre les difficultés, d’en saisir et d’en suivre les suggestions, de leur faire rendre tout ce qu’il nous est possible de leur arracher de leur contenu.

2496. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Mais, d’autre part, cette parenthèse n’a rien de choquant et la diction peut même la rendre touchante ; elle est dans le sentiment de la strophe et de tout le morceau. […] Ce sont donc, si l’on veut, des chevilles ; mais elles peuvent être agréables et sembler naturelles ; car, étant donnée la rime du vers qui exprime l’idée nécessaire, le vocabulaire est assez riche et les désinences des mots sont assez variées pour qu’il soit toujours possible de rendre, dans un vers de rime pareille, quelque idée dépendante et voisine.

2497. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Ce qui rend l’âme de M. d’Aurevilly peu accessible à ma bonhomie, ce n’est pas qu’il soit aristocrate dans un siècle bourgeois, absolutiste dans un temps de démocratie, et catholique dans un temps de science athée (je vois très bien comment on peut être tout cela) ; mais c’est plutôt la manière dont il l’est. […] Par exemple, le ressouvenir des obligations de la pudeur chrétienne, encore qu’on ne se croie plus tenu par elles, nous rend plus exquis les manquements à cette pudeur.

2498. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

On envisage un article comme un service rendu ou comme une « crasse » selon qu’il est favorable ou sévère. […] Brunetière est sage historien en traitant l’histoire littéraire à la manière de l’histoire sociale, et à la lumière de l’hypothèse évolutionniste, instrument actuel de pénétration et de progrès des sciences historiques, qu’aucune hypothèse préférable n’a jusqu’à cette heure rendue caduque.

2499. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Jouissant encore de peu d’autorité, et sans doute aussi poussé par le désir de voir un maître dont les enseignements avaient beaucoup de rapports avec ses propres idées, Jésus quitta la Galilée et se rendit avec sa petite école auprès de Jean 311. […] Un grief tout personnel vint, d’ailleurs, s’ajouter à ces motifs d’État et rendit inévitable la perte de l’austère censeur.

2500. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Que l’on remarque d’ailleurs que le mouvement du bras dans le vide, n’étant point déterminé par quelque contact, nous rend incapables de distinguer le successif du coexistant (ou le temps de l’espace). […] Ces actes instinctifs forment cinq groupes : 1° Les actions réflexes ; 2° Le mécanisme spécial de la voix ; 3° Les arrangements primitifs qui rendent possibles l’harmonie et la combinaison de certaines actions ; 4° La liaison du sentiment et de ses manifestations physiques.

2501. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

« La facilité de toutes ces dames, dit-il, avait rendu leurs charmes si méprisables, qu’on ne savait plus ce que c’était que les regarder. » De là ces amours à l’italienne décrits par le même auteur, ces amours dont Dangeau a aussi parié dans ses mémoires, et qui ont été longuement décrits dans ceux de la princesse Palatine, d’après les monuments de l’époque : ce sont ces mêmes amours contre lesquels l’éloquence de Bourdaloue a tonné le jour de Noël 1687, dans un sermon prêché devant le roi, qui le lendemain exila plusieurs jeunes gens de la cour : ait cité dans l’Abrégé chronologique du président Hénault. […] « Que penser, dit-il, d’une créole publique, veuve à l’aumône de ce poète cul-de-jatte (Scarron), et de ce premier de tous les fruits d’un double adultère, rendu à la condition des autres hommes, qui abusent de ce grand roi au point qu’on le voit, et qui ne peuvent se satisfaire d’un groupe de biens, d’honneurs, de grandeurs, si monstrueux et si attaquant de front l’honnêteté publique, toutes les lois et la religion, s’ils attentent encore à la couronne même ?

2502. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Cette conception du lien causal, en lui enlevant toute détermination, le rend à peu près inaccessible à l’analyse scientifique ; car il introduit une telle complication dans l’enchevêtrement des causes et des effets que l’esprit s’y perd sans retour. […] La même raison rend difficilement utilisables et la méthode de concordance et celle de différence.

2503. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

De sorte que lire le critique avant l’auteur, c’est m’empêcher de comprendre l’auteur moi-même ; c’est me forcer à ne l’entendre que d’une oreille préparée et presque formée par un autre ; c’est bien travailler à me mettre dans l’impossibilité d’être touché directement, et c’est-à-dire c’est bien travailler à me rendre incapable de jouissance. […] Il est très vrai que, si vous le lisez avant l’auteur avec qui vous désirez lier commerce, il vous nuira beaucoup plus qu’il ne vous rendra des services.

2504. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Villemain, de rendre enfin justice au mérite de Furetière et d’accorder à ses torts le bénéfice d’une prescription de près de trois siècles. […] Plus tard nous voyons La Fontaine tenter, de conserve avec Boileau et Racine, une démarche amicale pour réconcilier Furetière avec ses collègues de l’Académie, démarche que l’extrême irritation du lexicographe rendit inutile.

2505. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Mais c’est l’un et l’autre de ces Mazarins, avec quelque chose de plus essentiellement lui-même… avec ce quelque chose d’inexpliqué jusqu’ici, mais non d’inexplicable, qui fait que l’Histoire, malgré la gravité de son langage et les immenses services rendus par le cardinal à la France, ne peut s’empêcher de l’appeler, d’une façon un peu méprisante : le Mazarin ! […] Seulement, ce génie aux longues et prévoyantes pensées rendit Mazarin avare et avide ; et, dans le fond de ces richesses de kalife qu’il fut sur le point d’entasser un jour à Vincennes, l’Histoire retrouve l’ancien pipeur au jeu, le parvenu, l’aventurier.

2506. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

II Pour notre compte, nous avons quelquefois cherché à nous rendre raison de l’intérêt poignant qu’on éprouve en lisant Stendhal, même quand on fait le meilleur procès à son talent perverti et pervers. Nous avons voulu nous expliquer cette puissance d’un esprit si particulier, souillé par une détestable philosophie au plus profond de sa source, qui n’a ni la naïveté dans le sentiment, ni l’élévation souveraine, car pour être élevé il faut croire à Dieu et au Ciel, ni aucune de ces qualités qui rendent les grands esprits irrésistibles.

2507. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

II Pour notre compte, nous avons quelquefois cherché à nous rendre raison de l’intérêt poignant qu’on éprouve en lisant Stendhal, même quand on fait le meilleur procès à son talent perverti et pervers. Nous avons voulu nous expliquer cette puissance d’un esprit si particulier, souillé par une détestable philosophie au plus profond de sa source, qui n’a ni la naïveté dans le sentiment, ni l’élévation souveraine (car, pour être élevé, il faut croire à Dieu et au ciel), ni aucune de ces qualités qui rendent les grands esprits irrésistibles.

2508. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Et pour rendre la leçon plus complète et plus vive, il en fait une petite scène. […] Au lieu de commencer les mathématiques par une définition de la quantité et de la mesure, ils font naître et rendent distinctes par une foule d’exemples les idées de quantité et de mesure.

2509. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Elle était une république ; elle avait des institutions libres, des partis politiques, des guerres civiles ; et, quand elle fut lasse de tant d’épreuves, elle eut pour maîtres, d’abord un sage, puis, longtemps après, le peuple athénien, qui, dans sa victoire, l’admit au partage de ses lois généralement humaines et modérées, et lui rendit plus, en exemples de grandeur, en amour du travail et de la gloire, qu’il ne lui ôtait en stérile indépendance. […] Ainsi, autant que nous en pouvons juger par un extrait affaibli, pour célébrer Apollon, il avait dans un hymne introduit toute une légende inconnue et charmante, où cependant les souvenirs de Delphes gardaient leur place : « Le jeune dieu65, à sa naissance, recevait de Jupiter une lyre, un diadème d’or, et était envoyé sur un char traîné par des cygnes à ce temple de Delphes, nombril de l’univers, disait-on, pour y rendre des oracles.

2510. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

En même temps que, dans ses vers, il se donnait pour un être surnaturel, ou du moins pour un être humain rendu de nouveau à la terre, après avoir passé par les cieux, tout son langage recommandait le culte des dieux et le respect de la vertu. […] Aujourd’hui même, en Égypte, le Nil, engraissant de sa chaleur humide la matière qu’il rend charnue, produit des êtres animés. » Empédocle, malgré quelques traditions fabuleuses attachées à sa mémoire, donne une date certaine à ses écrits.

2511. (1874) Premiers lundis. Tome II « Le poète Fontaney »

Sa douleur, son inquiétude seulement se demandait s’il parviendrait à rendre et à produire tout cela.

2512. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

L’auteur, par  quelques lignes pleines de grâce et de fine malice, a raison de se rendre à lui-même, en finissant, ce témoignage que dans sa tâche, plus méritoire pourtant qu’il ne veut bien le dire, il a réussi comme il l’entendait ; en se livrant, non sans complaisance, aux douceurs presque paternelles de la propriété, il aura servi d’une manière durable la littérature.

2513. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Il a pour antagoniste-né le génie lyrique, qui sans cesse se chante, se raconte et se décrit, qui se mire dans les choses, se sent dans les personnes, intervient et se substitue partout, et rend impossible la diversité255.

2514. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note II. Sur l’hallucination progressive avec intégrité de la raison » pp. 396-399

Cette main était blanche, fuselée, potelée, d’un galbé ravissant, ayant aux articulations de petites fossettes sur les premières phalanges et sans qu’on y pût distinguer de duvet, revêtue vers le poignet d’une auréole très mince de lumière blonde frisante qui la rendait vivante comme pas une.

2515. (1861) La Fontaine et ses fables « Conclusion »

Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet.

2516. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre premier. Rapports de l’invention et de la disposition »

Elle divisera l’acte unique de l’esprit, et, prêtant toute sa vigueur successivement à chacune des parties qu’elle aura séparées, elle rendra chaque opération plus efficace et plus féconde.

2517. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blémont, Émile (1839-1927) »

Émile Blémont excelle à décrire en poésie, ainsi qu’on faisait jadis, les tableaux de nos peintres, auxquels ses vers semblent rendre leurs mouvements et leurs couleurs ; signalons, avant de finir, une pièce charmante : « Le Volant », un élégant Watteau en quatrains.

2518. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

C’est parce que cet exemple est particulièrement salutaire en un temps de désarroi et de lassitude comme le nôtre, que j’ai cru pouvoir donner à Roumanille une place dans ma modeste galerie, et montrer en lui, non pas le troubadour de légende, d’Opéra-Comique et de vignette, mais l’homme de bien, le poète de talent, se résignant à parler la langue de ceux qu’il veut convertir, et à renfermer sa popularité dans un étroit espace, pour la rendre plus utile et plus solide.

2519. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938) »

Lui qui était tout émotion et trouvait là seulement son originalité, il s’astreignit à des sujets froids, ambitieux et ressassés, qu’il rendit sans lumière.

2520. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVI. Consultation pour un apprenti romancier » pp. 196-200

Mais il est un hommage plus utile, n’oubliez pas alors de le rendre.

2521. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre premier. Nécessité d’une histoire d’ensemble » pp. 9-11

Une autre raison rend cette histoire générale indispensable.

2522. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre III. Les questions que l’historien doit se poser. » pp. 16-17

Il faut se contenter d’une réponse qui soit moins complexe que la totalité des faits, mais qui, en revanche, en rende la masse confuse plus claire, plus logique, plus intelligible.

2523. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VII. Objections à l’étude scientifique d’une œuvre littéraire » pp. 81-83

N’est-ce pas assez pour rendre fragile et illusoire cette science que vous prétendez construire ? 

2524. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 145-150

Despréaux dit, en parlant de Ronsard, Ce Poëte orgueilleux, trébuché de si haut, Rendit plus retenus Desportes & Bertaud.

2525. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 453-457

Au milieu de ce renversement général, que chaque moment peut rendre plus rapide & plus funeste, il existe cependant des Esprits sages, des Ames honnêtes, des Citoyens zélés pour le véritable honneur de leur patrie : mais à quoi peuvent se réduire les efforts de leur zele ?

2526. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 115-120

Le Poëme de M. l’Abbé de Marsy auroit pu lui enseigner le secret de rendre sa touche plus moëlleuse ; mais l’indomptable roideur de son poignet a résisté à tout, & n’a jamais voulu fléchir.

2527. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 192-197

On sait qu’il voulut se battre contre de Piles, qui avoit tué son fils en duel : Il avoit alors soixante-treize ans, & quelqu’un lui faisant sentir l’inégalité de la partie, C’est pour cela , répondit-il, que je veux me battre ; je ne hasarde qu’un denier contre une pistole  ; réponse plus ingénieuse que philosophique ; tant il est vrai que les Muses, qu’on nous dit avoir apprivoisé les hommes sauvages, ne rendent pas toujours le même service à leurs plus chers Nourrissons.

2528. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 122-127

Des Princes du Sang, les plus grands Seigneurs de la Cour, un grand nombre de Prélats y assisterent ; le Parlement de Paris s'y rendit par Députés.

2529. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 190-194

C’est le cœur qui contre eux doit livrer des combats : L’homme porte par-tout ces monstres dans lui-même : Il faut, pour les dompter, une vertu suprême, C’est-là l’unique gloire ; un Prince généreux Doit, par de tels combats, rendre son Peuple heureux.

2530. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 293-297

« De tout temps, la reconnoissance publique accompagnant le nom des Grands Hommes au delà du trépas, leur rendit des honneurs avoués de l'Envie même, soit pour les dédommager, par une gloire qui leur survit, des fatigues qu'elle leur avoit coutées, soit pour encourager les autres à supporter les mêmes travaux par l'espoir des mêmes récompenses.

2531. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 309-314

Je vous rends de très-humbles graces d'un pareil envoi ; & je finis en vous priant d'être bien persuadé que vous avez en moi un Serviteur très-respectueux & sincere Admirateur ».

2532. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Horace, et les mauvais écrivains du siècle d’Auguste. » pp. 63-68

On sçait avec quel sel cette bravade est rendue dans l’auteur satyrique.

2533. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XII. Suite des machines poétiques. — Voyages des dieux homériques. Satan allant à la découverte de la création. »

Il y a même dans l’original un effet singulier que nous n’avons pu rendre, et qui tient, pour ainsi dire, au défaut général du morceau : les longueurs que nous avons retranchées semblent allonger la course du prince des ténèbres, et donner au lecteur un sentiment vague de cet infini au travers duquel il a passé.

2534. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre V. Moralistes. — La Bruyère. »

quelle force invincible et accablante de témoignages rendus successivement et pendant trois siècles entiers par des millions de personnes les plus sages, les plus modérées qui fussent alors sur la terre, et que le sentiment d’une même vérité soutient dans l’exil, dans les fers, contre la vue de la mort et du dernier supplice ! 

2535. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Loutherbourg » pp. 224-226

S’il ne fallait, pour être artiste, que sentir vivement les beautés de la nature et de l’art, porter dans son sein un cœur tendre, avoir reçu une âme mobile au souffle le plus léger, être né celui que la vue ou la lecture d’une belle chose enivre, transporte, rend souverainement heureux, je m’écrierais en vous embrassant, en jetant mes bras autour du cou de Loutherbourg ou de Greuze : Mes amis, son pittor anch’io.

2536. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Troisième journée. Tout s’explique » pp. 234-240

Qu’on me les rende !

2537. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Pierre Mancel de Bacilly »

Ce principe, que nous avons tous plus ou moins rencontré, plus ou moins coudoyé, plus ou moins senti dans la vie historique, soit du présent, soit du passé, Mancel a eu le mérite de le formuler en une phrase d’une brièveté lapidaire et dont tout son livre est la justification rationnelle : « Le pouvoir se prend et ne se donne pas », nous dit-il avec une simplicité qu’il a l’art de rendre féconde.

2538. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Ainsi que nous le disions plus haut, la qualité suprême de cette trilogie romanesque c’est une remarquable sensibilité touchée par la vie et qui rend éloquemment son premier accord.

2539. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Si la détente était complète, il n’y aurait plus ni mémoire ni volonté : c’est dire que nous ne tombons jamais dans cette passivité absolue, pas plus que nous ne pouvons nous rendre absolument libres. […] Or, S’il n’y avait que de l’énergie cinétique dans le monde, ou même s’il n’y avait, en outre de l’énergie cinétique, qu’une seule espèce d’énergie potentielle, l’artifice de la mesure ne suffirait pas à rendre la loi artificielle. […] La part de convention inhérente à ce principe est donc assez grande, encore qu’il y ait sans doute, entre les variations des diverses énergies composant un même système, une solidarité qui a précisément rendu possible l’extension du principe par des mesures convenablement choisies. […] Ces derniers ont pour rôle de le nettoyer, de le réparer, de le protéger, de le rendre aussi indépendant que possible des circonstances extérieures, mais, par-dessus tout, de lui fournir l’énergie qu’il dépensera en mouvements. […] De là une désharmonie frappante et choquante, mais dont nous ne devons pas rendre responsable le principe même de la vie.

2540. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

certes, c’est la santé d’une génie bien portant, mais toutefois pour le rendu des délicatesses, des mélancolies exquises, des fantaisies rares et délicieuses sur la corde vibrante de l’âme et du cœur, ne faut-il pas, je me le demande, un coin maladif dans l’homme, et n’est-il pas nécessaire d’être un peu, à la façon de Henri Heine, un crucifié physique ? […] Mais ne voilà-t-il pas que Renan se met à dire qu’il travaille à ôter de son livre toute la langue du journal, qu’il essaye d’écrire la vraie langue du xviie  siècle, la langue définitivement fixée, et qui peut suffire à rendre tous les sentiments. […] À ce dîner, Sainte-Beuve raconte qu’au 24 février 1848, il avait un rendez-vous avec une blanchisseuse. « Eh bien ! […] Mercredi 9 septembre Nous enterrons ce matin notre vieille cousine de Courmont, âgée de 83 ans, une de nos visites du Jour de l’an… À ces rendez-vous derniers de la mort, les uniques rendez-vous de la famille, on rencontre de grands jeunes gens en habit noir, qui se trouvent être les fils de petites filles avec lesquelles vous avez joué. […] Toutes riaient, criaient, se démenaient : une charretée de bonheurs de dix ans, et point de peintre pour rendre cela.

2541. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

L’horreur de la domination tracassière que la royauté venait d’imposer à son pays le rendit républicain. […] Sans tarder, il se rendit chez la citoyenne Beauharnais, 6, rue Chantereine. […] Elle seule sait ce qui peut nous rendre heureux. […] Il loua une voiture, se rendit à Saint-Cloud et obtint une audience de l’Empereur. […] Ils ont rendu la vie à des relations de voyages que les bouquinistes, parfois, accablaient de leur dédain.

2542. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Ponsard » pp. 301-305

Nisard, reprenant l’éloge de Voltaire que le récipiendaire avait fait avec chaleur pour ses services rendus à l’esprit de tolérance et d’examen, l’a accepté sous bénéfice d’inventaire en quelque sorte, et en le réduisant par les seuls côtés où ce grand esprit a trop blessé en effet ce même genre humain qu’il prétendait servir.

2543. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nerval, Gérard de (1808-1855) »

Il prétendait que l’assonance peut suppléer la rime — la rime surtout était un grand obstacle à la popularité des poésies, en ce qu’elle rendait le récit poétique lourd et ennuyeux.

2544. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pailleron, Édouard (1834-1899) »

La majeure partie du volume (idylles légères, graves et mélancoliques, écrites en strophes variées) ne contient que des amours sans flamme et des haines pâles, des à-peu-près de mélancolie et d’allégresse, des choses presque senties et pas du tout rendues.

2545. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 527-532

Veut-on savoir comment il parvint à se rendre maître de ses talens & à les perfectionner ?

2546. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 223-229

Un style délicat & correct, un petit ton de minauderie, une morale légere & tout-à-fait du bel air, les rendent un Code amusant pour les têtes frivoles, sans qu’il puisse prétendre au suffrage des ames sensées.

2547. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 381-387

Il a su également traiter la critique d’une maniere intéressante, pleine de sel, d’agrémens, de politesse, & de modération ; ce qui le rend supérieur à ses Adversaires, du moins par la maniere de combattre, sur-tout à Madame Dacier, qui, dans la dispute sur les Anciens, employa quelquefois le ton du pédantisme & de l’âcreté.

2548. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

Il paroît que les pensées de M. de la Rochefoucauld roulent sur un systême qui en rend plusieurs fausses, & quelques autres outrées.

2549. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 240-246

Il étoit si peu jaloux de ses Productions, qu'il ne prit jamais aucun soin de les rendre publiques.

2550. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre V »

Le bref alphabet latin, par ses combinaisons infinies, est apte à rendre toutes les nuances de la voix et toutes les demi-nuances d’une prononciation infiniment variable : on ne fait pas entendre les deux tt dans littéral, littérature, mais on en fait peut-être entendre un peu plus d’un seul, un et une fraction impondérable.

2551. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Angelo, tyran de Padoue » (1835) »

Rendre la faute à qui est la faute, c’est-à-dire à l’homme, qui est fort, et au fait social, qui est absurde.

2552. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Étienne Dolet, et François Floridus. » pp. 114-119

Resneville, poëte Normand, fut exilé pendant sept ans, pour avoir assisté à un duel dont on vouloit le rendre coupable.

2553. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Chœur. » pp. 21-24

Ils rendaient la tragédie plus régulière et plus variée : plus régulière, en ce que, chez les anciens, le lieu de la scène était toujours le devant d’un temple, d’un palais, ou quelque autre endroit public ; et l’action se passant entre les premières personnes de l’état, la vraisemblance exigeait qu’elle eût beaucoup de témoins, qu’elle intéressât tout un peuple : et ces témoins formaient le chœur.

2554. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

Dans la tragédie il suffit de nommer Bayard, Tancrède, Nemours, Couci : Nérestan apporte la rançon de ses frères d’armes, et se vient rendre prisonnier, parce qu’il ne peut satisfaire à la somme nécessaire pour se racheter lui-même.

2555. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IX. Application des principes établis dans les chapitres précédents. Caractère de Satan. »

L’imagination du Dante, épuisée par neuf cercles de tortures, n’a fait de Satan enclavé au centre de la terre qu’un monstre odieux ; le Tasse, en lui donnant des cornes, l’a presque rendu ridicule.

2556. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre IV. Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. »

Nous rendrons tout à l’heure justice à leur mérite, mais il nous semble qu’il serait injuste de nous les opposer, et de faire des objections qui ne détruiraient pas un fait général.

2557. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Cependant ce dernier peintre a rendu sa composition nouvelle.

2558. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VI. Observations philologiques, qui serviront à la découverte de véritable Homère » pp. 274-277

Nous avons, dans le livre précédent, tenu une marche tout à fait contraire : nous avons ôté aux fables leurs sens mystique ou philosophique pour leur rendre leur véritable sens historique. — 3.

2559. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

C’était la résurrection des morts par la divinité de l’imagination qui possède la vie et qui la rend à qui elle veut. […] Depuis ces heureuses années, la révolution dynastique de 1830, à laquelle je n’adhérai jamais, et des situations politiques différentes, me rendirent étranger à cette noble famille, mais jamais hostile. […] Cette incurie de sa richesse le rendait le Diderot, mais le Diderot sans charlatanisme et sans déclamation, de notre époque. […] Depuis, il a laissé les vers ; il a donné à la prose des inflexions, des contours, des inattendus d’expression, des finesses et des souplesses qui rendent son style semblable à des chuchotements inarticulés entre des êtres dont la seule langue serait le tact. Il a écrit à la loupe, il a rendu visibles des mondes sur un brin d’herbe, il a miniaturé le cœur humain ; il a été le Rembrandt des demi-jours et des demi-nuances.

2560. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Et voilà pourquoi la parole intérieure a échappé à l’attention de la plupart des psychologues ; faute d’être reconnue, elle passe inaperçue ; elle est comme ces personnes actives et modestes qui, dans une famille ou dans une société, rendent mille services sans exiger de retour, dont chacun subit la bienfaisante influence et auxquelles personne ne fait attention. […] ) De même, quand Cicéron, après avoir dit : garrire quidquid in buccam, se hasarde à écrire à Atticus : ad me scribe quod in buccam venerit 165, il pense bien faire une métaphore ; mais son expression lui plaît aussi par je ne sais quelle exactitude dont il ne saurait rendre compte23. […] Juste auparavant, Taine donne à propos de M. de Rênal un exemple de la rapidité et de la discontinuité des sentiments que Stendhal sait rendre. […] Marc-Aurèle, IV, 3 : « Qu’il y ait (dans ton âme) de ces maximes courtes, fondamentales, qui de suite rendront la sérénité à ton âme » ; et X, 3-4 : « A l’esprit bien fait qui s’est pénétré des vrais principes, un mot très court suffit, même trivial, pour bannir la tristesse et la crainte. […] Voir par exemple la nouvelle de 1927 « La robe neuve » où l’héroïne essaie de conjurer son malaise et son sentiment d’infériorité dans une soirée mondaine, La Mort de la phalène, Seuil, Points, p. 166-167 : « Nous ressemblons tous à des mouches qui essayent de franchir le rebord de la soucoupe, se dit Mabel, elle se répétait cette phrase comme elle se serait signée, comme si elle essayait de trouver un charme qui annulât cette douleur, qui rendît supportable cette souffrance aiguë.

2561. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Les chapitres sur Marseille sont à la fois plein d’amour et de réflexion : on n’a jamais mieux rendu, ni d’un trait plus approprié, la beauté de ligne et de lumière de ce golfe de Marseille, cette végétation rare et pâle, si odorante de près, la silhouette et les échancrures des rivages, la Tour Saint-Jean qui les termine, « au couchant, enfin, la Méditerranée qui pousse dans les terres des lames argentées ; la Méditerranée avec les îles de Pomègue et de Ratoneau, avec le château d’If, avec ses flots tantôt calmes ou agités, éclatants ou sombres, et son horizon immense où l’œil revient et erre sans cesse en décrivant des arcs de cercle éternels. » L’histoire civile de Marseille, avec ses vicissitudes et ses revirements, s’y résume très à fond ; son génie s’y révèle à nu, raconté avec feu par le plus avisé de ses enfants. […] Il s’est nommé le prieur de Saint-Savin ; les habitants lui en ont donné le titre, et il a obligé l’évêque même à le lui conserver Je me rendis de nouveau sur la terrasse pour jouir d’un spectacle tout différent, celui de la vallée délivrée des brouillards, fraîche de la rosée et brillante du soleil. […] Mais ce qu’il est impossible de rendre, c’est ce mouvement si varié des oiseaux de toute espèce, des troupeaux qui avançaient lentement d’une haie à l’autre, de ces nombreux chevaux qui bondissaient dans les pâturages ou au bord des eaux : ce sont surtout ces bruits confus des sonnettes des troupeaux, des aboiements des chiens, du cours des eaux et du vent, bruits mêlés, adoucis par la distance et qui, joignant leur effet à celui de tous ces mouvements, exprimaient une vie si étendue, si variée et si calme. […] Comme ces hommes de révolution, ces généraux et ces gouvernants improvisés, dont il a si bien senti et rendu la nature, il se forme en avançant, selon les nécessités du sujet, il supplée aux routines par une rapide expérience. […] Comme il ne s’adresse qu’aux faits accomplis, et qu’il faut bien que ces faits, pour s’accomplir, aient eu, dans leur rapport et leur succession, tout ce qui les rendait possibles, l’historien, dans sa rapidité, peut être sujet à les si bien lier et enchaîner, qu’à force d’être trouvés naturels, ils paraissent ensuite un peu trop nécessaires.

2562. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

On lui rend le mal qu’il vous a fait. […] Quand la Philosophie déchristianisa la vieille France, elle la rendit sérieuse et pédante ; pédante ! […] Il y a bien encore çà et là, à quelques touches (dans la Madeleine, la gouvernante de Jean, par exemple), du Paul Féval d’autrefois, de cet esprit charmant que j’ai tant loué dans Le Chevalier de Kéramour ; mais la Grâce l’a pris et a trempé le rieur aux sources de ces larmes qui rendent si heureux ceux qui les répandent que, dit-on, à cette marque on reconnaît les Saints. […] Mais le catholicisme a cela de beau qu’il peut, sans ingratitude, se décharger sur Dieu du soin de payer les services qu’on lui rend : Dieu reconnaîtra les siens ! […] Cela suffisait, sans nul doute, au mâle architecte qui l’avait bâtie, cette pyramide, mais au point de vue du service qu’il avait voulu rendre, évidemment cela ne suffisait pas.

2563. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

C’est ce progrès qualitatif que nous interprétons dans le sens d’un changement de grandeur, parce que nous aimons les choses simples, et que notre langage est mal fait pour rendre les subtilités de l’analyse psychologique. […] Mais vous ne vous rendez distinctement compte de ces mouvements concomitants qu’à la condition d’en être averti ; jusque-là, vous pensiez avoir affaire à un état de conscience unique, qui changeait de grandeur. […] On se rendra facilement compte de ce processus en tenant une épingle dans la main droite, par exemple, et en se piquant de plus en plus profondément la main gauche. […] Or, cet élément qualitatif, que l’on commence par éliminer des choses extérieures pour en rendre la mesure possible, est précisément celui que la psychophysique retient et prétend mesurer. […] Voir le compte rendu de ces expériences dans la Revue philosophique, 1887, tome I., page 71 et tome II, page 180.

2564. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

En vain la nature les environnait de merveilles ; plus les phénomènes étaient réguliers, et par conséquent dignes d’admiration, plus l’habitude les leur rendait indifférents. […] Alors comme aujourd’hui les aveugles devaient mener le plus souvent cette vie mendiante et vagabonde ; d’ailleurs la supériorité de leur mémoire les rendait plus capables de retenir tant de milliers de vers. […] Les monarques se glorifient du titre de cléments, et rendent les peines moins sévères ; ils diminuent cette terrible puissance paternelle des premiers âges. […] « Cet accident ne fit qu’altérer son humeur, et le rendit mélancolique et ardent, caractère ordinaire des hommes qui unissent la vivacité d’esprit et la profondeur. » Après avoir fait ses humanités et surpassé ses maîtres, il se livra avec ardeur à la dialectique ; mais les subtilités de la scholastique le rebutèrent : il faillit perdre l’esprit, et demeura découragé pour dix-huit mois. […] Il est bon que tu saches que depuis vingt ans j’ai fermé tous les livres, afin de porter plus d’originalité dans mes recherches sur le droit des gens ; le seul livre où j’ai voulu lire c’est le sens commun de l’humanité. » Ce qui rend cet opuscule précieux, c’est qu’en plusieurs endroits Vico déclare que le sujet propre de la Science nouvelle, c’est la nature commune aux nations, et que son système du droit des gens n’en est que le principal corollaire.

2565. (1903) Le problème de l’avenir latin

La médaille romaine offre, à son envers, une image dont les traits devraient nous rendre soucieux. […] Il y aurait l’avantage d’un édifice souvent beau, situé au centre de la commune, rendu vénérable et familier par la tradition des âges. […] Elles répondent à des nécessités primordiales, qui, insatisfaites, rendraient inutiles tous les efforts parallèles ou ultérieurs. […] Paris, Vienne, Rome ne sont-ils pas déjà, en une certaine mesure, des centres d’attraction où l’on ne se rend guère que pour s’y amuser, des endroits de luxe et de curiosité ? […] Le Polonais, également forcé d’émigrer, apporte à la société où il se fixe son intelligence très déliée et y rend des services considérables.

2566. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Toute douleur soufferte par un chrétien est dès lors affranchie de cet Indéfini terrifiant, de cet insondable repli de la souffrance qui devait la rendre auparavant si épouvantable et qui la rend telle encore aux yeux des incroyants que, pour ne pas la voir, ils se précipitent à la mort. […] — et se rend coupable du crime mystérieux que l’Évangile des chrétiens déclare irrémissible. […] Si la crainte du désabonnement le rendit quelquefois anxieux, il ne recula devant aucune menace, devant aucune intimidation directe. […] Je ne sais pas une plus sotte manière de montrer un livre que de le feuilleter dans le vent de paroles d’un compte rendu. […] Il prend un monsieur et le paralyse ou le rend idiot, rien qu’en le regardant.

2567. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

» Alors il s’asseyait de nouveau et rendait son jugement. […] On ne peut rendre ces deux jeunes femmes responsables de ce qu’il a fait depuis lors. […] Il lui donne rendez-vous dans le bosquet où Claire agréa son éloquence. […] La philologie a du mauvais et du bon : ses erreurs ne doivent pas faire oublier les services qu’elle a rendus ; et ne repoussons point ceux qu’elle rendra. […] Il a trop de loisir et court les rendez-vous galants comme l’autre les meetings bavards.

2568. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Tout le monde a remarqué avec quelle adresse une monnaie qu’on laisse tomber à terre court se cacher, et quel art elle a de se rendre introuvable. […] Ne trompez pas l’homme, vous le rendriez fou ; et quand, de la folie sacrée de votre idéal, vous le laisseriez retomber sur l’aridité et la nudité de ses misères, vous le rendriez fou furieux. […] Une loi qui supprime la peine de mort, quand la société aura rendu cette suppression sans danger pour elle, par un système organisé de colonisation pénale qui sépare l’écume de l’eau sur un écueil de l’Océan lointain, qui sépare le criminel de la société autant que le tranchant de la hache sépare la tête du tronc sur l’échafaud ; Enfin une loi qui constitue sérieusement la liberté d’adorer Dieu selon sa raison ou sa tradition, c’est-à-dire la liberté du ciel.

2569. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Venaient avec eux les ministres d’État en grand uniforme, l’état-major général, les fonctionnaires de la cour, les conseillers privés, bien des étrangers de distinction, entre autres, l’ambassadeur de Turquie ; après eux suivaient les membres des deux assemblées des États, les hauts fonctionnaires publics, les officiers de l’état-major, les membres de l’Académie des sciences dont Humboldt était le doyen, les professeurs de l’Université conduits par le recteur Dove et le doyen en costume officiel, les membres de l’Académie des beaux-arts, l’ensemble du corps enseignant des écoles de Berlin, les magistrats et les conseillers municipaux, conduits par le premier bourgmestre Krausnick, le bourgmestre Raunyn, le commissaire Esse et le prince Radziwil, pour rendre les derniers honneurs au citoyen adoptif de la ville. […] Varnhagen venait de rendre le dernier soupir. […] « Exposer dans des cours publics les idées qu’on croit nouvelles, m’a toujours paru le meilleur moyen de se rendre raison du degré de clarté qu’il est possible de répandre sur ces idées : aussi ai-je tenté ce moyen en deux langues différentes, à Paris et à Berlin. […] Le soleil paraît, ils se rassemblent et se réfugient dans leurs cavernes, tandis que l’homme se rend à son travail et fait sa journée jusqu’au soir.”

2570. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Il est inutile de multiplier ces exemples généraux que l’on ne saurait rendre bien concluants à cause de l’absence même de caractères nationaux collectifs qui soient nets et que l’on puisse opposer. […] Il faut donc qu’un roman, pour être cru d’une certaine personne et, par conséquent, pour l’émouvoir, pour lui plaire, reproduise les lieux et les gens sous l’aspect qu’elle leur prête ; et le roman sera goûté, non à cause de la vérité objective qu’il exprime, mais en raison du nombre de gens dont il réalisera la vérité subjective, dont il rend les idées, dont il ne contredit pas l’imaginationds. […] Cette affinité encore rend seule compte de certains phénomènes d’imitation. […] Brunetière, dans son compte rendu de La Critique scientifique (Revue des Deux Mondes, juillet-août 1888) ne manquera pas de contester un tel point de vue.

2571. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

VI Mais, malgré les dispositions équitables, équilibrées, et je dirai même heureuses de ma nature, je le dirai avec la sincérité et avec l’audace de Job, tout pesé, tout balancé, tout calculé, tout pensé et tout repensé, en dernier résultat, la vie humaine (si on soustrait Dieu, c’est-à-dire l’infini) est le supplice le plus divinement ou le plus infernalement combiné pour faire rendre, dans un espace de temps donné, à une créature pensante, la plus grande masse de souffrances physiques ou morales, de gémissements, de désespoir, de cris, d’imprécations, de blasphèmes, qui puisse être contenue dans un corps de chair et dans une âme de… Nous ne savons pas même le nom de cette essence par qui nous sommes ! […] Vous déposez votre cœur tout entier, comme un fardeau qui pèse à porter, dans le sein d’une épouse jeune et adorée qui ne doit vous le rendre qu’à la tombe, la mort la cueille dans vos bras, sous vos baisers, et le fossoyeur ensevelit sans le voir deux cœurs dans un seul cercueil ! […] L’isolement d’une idée rend cette idée folle, comme l’isolement d’un prisonnier rend ce prisonnier fou.

2572. (1914) Boulevard et coulisses

Boulevard et coulisses1 En donnant comme titre à cette conférence les mots : Boulevard et Coulisses, je me rends parfaitement compte que j’emploie des termes surannés, car il n’y a plus de boulevard ni de coulisses, au sens où l’entendaient nos ancêtres de 1880. 1880, c’est une époque lointaine, extrêmement lointaine. […] Car, je m’en rends très bien compte aujourd’hui, nous fûmes une génération timide, et nous entrâmes dans la vie comme sur la pointe des pieds, afin de ne déranger personne. […] Il alternait au Figaro avec Montjoyeux, un des brillants chroniqueurs de ces années lointaines qui ont laissé sur elles de véritables pages d’histoire qui en rendent étonnamment l’atmosphère. […] C’est votre génération qui se prépare à entrer en scène et à dire les mots qui rendront à l’esprit français sa clarté et son équilibre.

2573. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Quand elle a ainsi rappelé toutes les conditions imposées et toutes les obligations, ce caractère où se confond le personnage de mère, de sœur aînée et de religieuse, et qui a pour objet de former de pauvres nobles jeunes filles destinées à édifier ensuite des maisons religieuses, mais surtout des familles, et à renouveler le christianisme dans le royaume ; des jeunes filles à qui l’on dit sans cesse : « Rendez-vous à la raison aussitôt que vous la voyez. — Soyez raisonnables, ou vous serez malheureuses. — Si vous êtes orgueilleuses, on vous reprochera votre misère, et si vous êtes humbles, on se souviendra de votre naissance » ; — quand elle a ainsi épuisé la perfection et la beauté de l’œuvre à accomplir, on conçoit que Mme de Maintenon, s’arrêtant devant son propre tableau, ajoute : « La vocation d’une dame de Saint-Louis est sublime, quand elle voudra en remplir tous les devoirs. » Tout ne se fit point en un jour ; il y eut des années de tâtonnement, et même où l’on sembla faire fausse route. […] Mais de mon enfance du moins je rapporte un don de larmes pour adoucir et pour expier ; et vous tous, objets et lieux témoins de mes années bénies, ces larmes me rendront encore une fois tout vôtre ! 

2574. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Il raccommode et réconcilie, après des pourparlers sans nombre, les membres du présidial et ceux de l’élection qui étaient en guerre ouverte et qui, par suite de couplets injurieux, étaient près d’en venir aux derniers éclats ; ayant rendu une sentence arbitrale qui est acceptée et signée des deux partis, il réunit le jour même à un dîner à l’évêché, et fait boire à la santé les uns des autres, ces guelfes et ces gibelins de la ville de Meaux. […] Tant de gens, avant de mourir, traduisent Horace en vers, uniquement parce qu’ils l’ont traduit jeunes, que cela nous fait comprendre que Bossuet ait voulu rendre ce dernier hommage aux psaumes.

2575. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Cette mauvaise fortune, et cette extrême délicatesse morale qu’il y conserve, le rendent un peu susceptible dans ses rapports avec Saint-Vincens ; et lorsque celui-ci, qui paraît encore plus aimé de Vauvenargues qu’il ne l’aime, et qui est assez irrégulier dans ses lettres, tarde un peu trop à lui répondre, Vauvenargues s’alarme, il suppose que le souvenir de l’argent prêté entre pour quelque chose dans ce ralentissement, que son ami en a besoin peut-être et n’ose le lui dire ; il se plaint, il offre de s’acquitter, et il a ensuite à se justifier envers son ami qui a cru voir de l’aigreur dans la chaleur de ses reproches : Je te supplie, du moins, de croire qu’en t’offrant, comme j’ai fait, de m’acquitter avec toi, je n’ai jamais été fâché un seul moment de te devoir. […] Il est encore venu dans mon esprit qu’il a des filles, et que je pourrais m’engager à en épouser une, dans deux ans, avec une dot raisonnable, s’il voulait me prêter l’argent dont j’ai besoin, et que je ne le rendisse point au bout du terme que je prends.

2576. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

J’aime rendre des services ; qui ne serait sensible à la joie d’en rendre ?

2577. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Le portrait vu dans sa première épreuve a pour l’amateur et pour l’homme de goût un prix que rien dans la suite ne peut rendre. […] C’est encore Cicéron qui rend le plus noble hommage à Hortensius.

2578. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Mais non, les hommes de talent s’attaquent entre eux ; Platen tourmente Heine, et Heine Platen ; chacun cherche à se rendre odieux aux autres, et pourtant le monde est assez grand, assez vaste pour que chacun, puisse vivre et travailler en paix, et chacun a déjà dans son propre talent un ennemi qui l’inquiète assez55 ». […] Oui, oui, mon bon, ce n’est pas seulement en faisant des poésies et des pièces de théâtre que l’on est fécond ; il y a aussi une fécondité d’actions qui en maintes circonstances est la première de toutes… Génie et fécondité sont choses très-voisines… » Et une fois lancé, il ne s’arrêtait pas dans cette veine d’idées ; il montrait dans tous les ordres la force fécondante comme le signe le plus caractéristique du génie : Mozart, Phidias et Raphaël, Dürer et Holbein, il les prenait tous, et celui qui a trouvé le premier la forme de l’architecture gothique, et qui a rendu possible par la suite des temps un munster de Strasbourg, un dôme de Cologne ; et Luther, ce génie de la grande race, et dont la force d’action sur l’avenir n’est pas épuisée.

2579. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

« J’écris, je traduis, semblent-ils vous dire, pour ceux qui n’iront jamais à Rome ni à Athènes, et j’ambitionne de leur donner, de leur rendre, par un équivalent habile, le sentiment de ce qu’ils ne verront jamais face à face, facie ad faciem. […] Honneur avant tous les autres au poète Barthélémy, à celui des anciens jours, celui de la Nèmèsis et de tant de poèmes d’une spirituelle et acérée vigueur, qui a remis sur le métier son Virgile, sa traduction envers de l’Énéide, l’a revue, corrigée à fond, et en a fait une œuvre nouvelle de laquelle je pourrais détacher maint passage célèbre rendu avec caractère et énergie dans des vers bien frappés81 !

2580. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Le général Clarke, en sa qualité de gouverneur général de Berlin et de la Marche de Brandebourg, fut chargé de faire les honneurs de la ville au Corps diplomatique, et M. de Senfft, qui se lia alors avec le futur duc de Feltre, lui rend toute justice en ces termes : « Le général Clarke, qui a marqué dans la diplomatie par sa mission à Florence et par sa négociation avec les lords Yarmouth et Lauderdale en 1806, a été certainement l’un des hommes les plus intègres du Gouvernement impérial de France. […] Le duc d’Otrante reconnut que, dans la branche du gouvernement qui lui était commise, la plus grande faute est de faire un mal qui n’est pas nécessaire à la sûreté de l’État ; et ce grand principe, appliqué dans toute son étendue sous un règne despotique, toutes les fois que la volonté absolue de l’Empereur, à laquelle il a souvent osé opposer de la résistance, n’est pas intervenue d’une manière directe, ce principe a rendu son administration bienfaisante pour la France et l’a fait chérir particulièrement des classes les plus exposées à la persécution. » N’oublions pas encore une fois que cela est écrit en 1814 et avant le rôle de Fouché en 1815, rôle que les honnêtes gens d’aucun parti ne sauraient, je pense, envisager sans dégoût.

2581. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Il vivait habituellement dans le quartier Saint-Jacques, près le collège de Saint-Jean-de-Beauvais, tout à la prière, à l’étude et aux services à rendre aux amis. […] Il est dans une réputation de candeur, de droiture, de probité, qui le rend plus précieux à ses amis et aux honnêtes gens que son bel esprit.

2582. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

La bague secrète a fini par rendre, non pas le poison, mais les essences et les senteurs. […] Le plus réel inconvénient du titre abstrait, et de ce qui s’ensuit, c’est de rendre le bord du vase moins accessible pour bien des lèvres délicates et féminines.

2583. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Ils s’attacheront à rendre leurs affections intimes et leurs impressions de la nature : leur lyrisme sera sentimental et pittoresque. […] Écrivains et artistes ont conscience d’être un même monde, de poursuivre pareilles fins par des moyens divers ; et ces rapports tendent à rendre aux écrivains le sens de l’art, leur rappellent qu’ils sont créateurs de formes et producteurs de beauté.

2584. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Son naturel génie lui rendrait enfin le souvenir de lui-même, et il reconquerrait ce qui lui appartient ; mais cette réaction dépasserait probablement à son tour les limites de l’harmonie propre à cet art et le ballet présenterait, pour longtemps, un excès de gestes à l’exclusion de toutes attitudes. […] Verhaeren, — par une sorte de paroxysme qui semble conduire le geste au-delà de notre vision et le rend définitif en même temps que surnaturel ; l’autre par des associations judicieuses de pigments colorés, où le geste s’enveloppe en l’harmonie des clartés.

2585. (1890) L’avenir de la science « XII »

Un grand seigneur comme M. de Maistre devait se trouver en effet humilié d’aussi pénibles investigations, et la vérité était bien irrévérencieuse de se rendre pour lui si difficile. […] Chaque être trouve ensuite en lui des instincts qui lui rendent son rôle aussi doux que possible.

2586. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Nous qui n’y étions pas, nous ne pouvons parler qu’avec une extrême réserve de cette époque comme mythologique de Mme Récamier, où elle nous apparaît de loin telle qu’une jeune déesse sur les nuées ; nous n’en pouvons parler comme il siérait, non pas qu’il y ait rien à cacher sous le nuage, mais parce qu’une telle beauté tendre et naissante avait de ces finesses qui ne se peuvent rendre si on ne les a du moins aperçues. […] Comme elle réussissait parfois aussi à le rendre réellement gai, aimable, tout à fait content, éloquent, toutes choses qu’il était si aisément dès qu’il le voulait !

2587. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

L’idée-force du moi sert donc à rendre possibles des désirs éloignés en les rendant immédiats. […] Ma patrie c’est encore moi, en tant qu’il y a en moi tout un ensemble d’idées, de sentiments et de tendances qui me la rendent présente et intime, et qui sont bien moi.

2588. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Néanmoins, pour rendre à notre pays un hommage fort bien placé dans la solennité qui nous réunit, et comme préparation à mon enseignement annuel de littérature française, je vais tenter de replacer devant vos yeux une revue de ces richesses intellectuelles de notre patrie. […] Voici du reste l’hommage que lui rendait hier, dans une solennité académique, l’un des esprits les plus finement et les plus largement libéraux de notre époque, M. 

2589. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

L’Italie des Italiens est le dernier livre de Mme Colet, et grâce aux événements qu’elle retrace et qu’elle rend très suspects, en les racontant, comme elle les raconte, car quelle est sa moralité pour qu’on la croie ? […] le duc de Bordeaux, serrant la main de Mme Colet comme si l’exil l’avait rendu aussi facile à la poignée de main que Louis-Philippe, l’homme qui l’a le plus prostituée !

2590. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

L’Occident a donc offert, durant dix siècles, le spectacle d’une humanité s’efforçant, par tous les moyens en son pouvoir, de rendre aussi douloureuse, aussi amère que possible, en vue de compensations ultérieures, l’existence que Dieu la condamnait à vivre. […] Il l’a jugée la plus belle, la plus pure, la plus sûre, la plus capable de le rendre heureux.

2591. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

« J’ai, dit-il lui-même dans le sommaire de sa vie, rétabli, à titre de consul et par décret du sénat, quatre-vingts temples dans Rome. » Une autre phrase dénombre les temples qu’il fit bâtir, les lieux nouveaux qu’il consacra dans l’enceinte du Capitole et du palais ; et on ne peut douter, à travers les lacunes des Tables d’Ancyre, que le même zèle n’ait réparé bien d’autres anciens monuments religieux de l’Italie, puisqu’on voit Auguste noter dans un autre passage de cette inscription le soin qu’il avait eu, même dans la Grèce et dans l’Asie, de rendre à tous les temples dépouillés pendant la guerre leurs ornements et leurs richesses. […] Et cependant un merveilleux esprit d’imitation rendra parfois cet enthousiasme au poëte, mais à condition d’être un moment tout à fait Hellène et de traduire ces modèles dont il était ravi.

2592. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Certains critiques ont toujours l’air de juges qui, leur sentence rendue, attendent le bourreau. […] Le ciel, sans abaissement, rendu sensible pour notre imagination : La transparente garenne d’étoiles, chasse brumeuse du Sagittaire. […] Ghil lui a rendu ce rôle impossible. […] Mallarmé, dans l’Eau du Fleuve, il se rend personnel le mode prosodique qui s’est imposé à lui. […] Hello, fourmi de bonne volonté, s’arrête sur la pente du fétu, et rend à Dieu son regard d’amour.

2593. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

. — Guillaume de Schlegel, qui vient de mourir, lui avait rendu souvent ce genre d’hommage, même lorsqu’il était le plus sévère contre les admirations exclusives si ordinaires au goût et à l’esprit français.

2594. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Appendice. »

Grimblot, qui, dans ses missions et ses fonctions consulaires à l’étranger, ne perd jamais de vue la littérature, non content de rapporter du fond de l’Orient toute une bibliothèque sanskrite et sacrée dont il vient d’enrichir, d’armer la science et l’érudition françaises, veut bien lire nos simples essais d’un œil à la fois vigilant et amical, et il m’a souvent aidé par ses bons avis à les rendre moins imparfaits.

2595. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MARIA » pp. 538-542

Il entre en se jouant, innocent et rusé ; Il vole tout d’abord à l’hôtesse connue, En sons vifs et légers lui rend la bienvenue, Et becquête son doigt ou ses cheveux flottants, Comme un gai messager des bonheurs du printemps.

2596. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

Nous y voilà donc ; la singularité s’explique, les Mémoires de madame de Genlis sont et devaient être un acte public, comme tous ceux de sa vie une sorte de compte rendu au monument enfin plus que littéraire ; et qu’on cesse de s’étonner que, consacrant cette publication mémorable, le libraire Ladvocat ait fait frapper une médaille en bronze.

2597. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Ces sortes d’impressions, à un certain moment, sont communes à toutes les âmes : le poète les a rendues pour son compte avec simplicité et mélodie.

2598. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

L’abbé Barthélemy, dans le Voyage d’Anacharsis (si agréable et si utile d’ailleurs), accrédita un sentiment grec un peu maniéré et très parisien, qui ne remontait pas au grand et ne rendait pas même le simple et le pur.

2599. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

C’est là ce qui rend si saisissante la fameuse pièce de Barbier sur Bonaparte.

2600. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchor, Maurice (1855-1929) »

. — La Messe en ré de Beethoven, compte rendu (1886). — Dieu le veut, drame en cinq actes et six tableaux (1888). — Les Symboles, poèmes (1888). — Tobie, légende biblique en vers et cinq tableaux (1889). — Noël ou le Mystère de la Nativité, en vers (1890). — Trois mystères : Tobie, Noël, Sainte-Cécile (1899). — Les Mystères d’Éleusis, pièce en quatre tableaux, en vers (1894). — Les Symboles, nouvelle série (1895). — Les Chansons de Shakespeare (1896). — Conte de Noël, un acte, en vers (1897). — Chants populaires pour les écoles (1897). — Aux femmes d’Alsace (1897). — Lectures et récitations (1898). — La Chanson de Roland, traduction en vers (1898). — Vers la pensée et vers l’action (1899).

2601. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghil, René (1862-1925) »

Ghil lui a rendu ce rôle impossible.

2602. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé aux funérailles de M. Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France »

Stanislas Guyard n’a pas rendu de moindres services.

2603. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 189-194

Sa maniere d’enseigner cette Langue, contribua beaucoup à la renaissance des Lettres, & n’est pas le seul service qu’il leur rendit.

2604. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 139-145

Linguet l’a bien senti lui-même par le désaveu glorieux qu’il en a fait, & par les éloges vrais qu’il a donnés depuis à ce grand homme d’Etat, dont la Nation & les Etrangers admirent également la sagesse & la probité ; qui ne doit son élévation qu’à son mérite ; dont tous les pas dans la carriere politique, où il est entré dès l’âge le plus tendre, ont été marqués par des services rendus à la Patrie ; qui, malgré sa grande modestie, jouit de toute sa réputation ; & dont la gloire, appuyée sur l’estime générale de ses contemporains, ne pourra qu’augmenter par la succession des temps.

2605. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

On ajoute : « qui malheureusement verse dans la caricature. » Mais que l’on me dise un peu quel tableau doit naître sous mon pinceau quand le sentiment que j’ai de la scène que je veux rendre est un sentiment d’ironie ou de colère.

2606. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Théâtre français. » pp. 30-34

À l’instant, parurent plusieurs chevaliers dans le ciel, tous vêtus d’une couleur de flamme, tenant des lances noires, lesquels, ravis aussi de la musique d’Orphée, lui en rendirent une infinité de louanges.

2607. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XI. Le Guerrier. — Définition du beau idéal. »

L’homme très près de la nature, tel que le Sauvage, ne les connaît pas ; il se contente, dans ses chansons, de rendre fidèlement ce qu’il voit.

2608. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

. : on ne peut plus s’occuper que d’elle ; on en est possédé, enivré : on la retrouve partout ; tout en retrace les funestes images ; tout en réveille les injustes désirs : le monde, la solitude, la présence, l’éloignement, les objets les plus indifférents, les occupations les plus sérieuses, le temple saint lui-même, les autels sacrés, les mystères terribles en rappellent le souvenir32. » « C’est un désordre, s’écrie le même orateur dans la Pécheresse 33, d’aimer pour lui-même ce qui ne peut être ni notre bonheur, ni notre perfection, ni par conséquent notre repos : car aimer, c’est chercher la félicité dans ce qu’on aime ; c’est vouloir trouver dans l’objet aimé tout ce qui manque à notre cœur ; c’est l’appeler au secours de ce vide affreux que nous sentons en nous-mêmes, et nous flatter qu’il sera capable de le remplir ; c’est le regarder comme la ressource de tous nos besoins, le remède de tous nos maux, l’auteur de nos biens34… Mais cet amour des créatures est suivi des plus cruelles incertitudes : on doute toujours si l’on est aimé comme l’on aime ; on est ingénieux à se rendre malheureux, et à former à soi-même des craintes, des soupçons, des jalousies ; plus on est de bonne foi, plus on souffre ; on est le martyr de ses propres défiances : vous le savez, et ce n’est pas à moi à venir vous parler ici le langage de vos passions insensées35. » Cette maladie de l’âme se déclare avec fureur, aussitôt que paraît l’objet qui doit en développer le germe.

2609. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VI. Amour champêtre. — Le Cyclope et Galatée. »

Il n’y a pas jusqu’à cet œil effroyable dont Théocrite n’ait su tirer un trait touchant : tant est vraie la remarque d’Aristote, si bien rendue par ce Despréaux, qui eut du génie à force d’avoir de la raison : D’un pinceau délicat l’artifice agréable Du plus affreux objet fait un objet aimable.

2610. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

si tout meurt avec nous, les soins du nom et de la postérité sont donc frivoles ; l’honneur qu’on rend à la mémoire des hommes illustres, une erreur puérile, puisqu’il est ridicule d’honorer ce qui n’est plus ; la religion des tombeaux, une illusion vulgaire ; les cendres de nos pères et de nos amis, une vile poussière qu’il faut jeter au vent, et qui n’appartient à personne ; les dernières intentions des mourants, si sacrées parmi les peuples les plus barbares, le dernier son d’une machine qui se dissout ; et, pour tout dire en un mot, si tout meurt avec nous, les lois sont donc une servitude insensée ; les rois et les souverains, des fantômes que la faiblesse des peuples a élevés ; la justice, une usurpation sur la liberté des hommes ; la loi des mariages, un vain scrupule ; la pudeur, un préjugé ; l’honneur et la probité, des chimères ; les incestes, les parricides, les perfidies noires, des jeux de la nature, et des noms que la politique des législateurs a inventés.

2611. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

On aurait pu lui donner plus de noblesse dans le visage ; rendre ces cadavres fraîchement égorgés moins livides ; écarter la confusion, du groupe d’Enée, d’Apollon, du nuage et des cadavres, en y conservant le désordre, et éviter quelques autres défauts qui échappent dans la chaleur de la composition et qui tiennent à la jeunesse de l’artiste.

2612. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lundberg » pp. 169-170

J’ai vu peindre La Tour, il est tranquille et froid ; il ne se tourmente point ; il ne souffre point, il ne halète point, il ne fait aucune de ces contorsions du modeleur enthousiaste, sur le visage duquel on voit se succéder les images qu’il se propose de rendre, et qui semblent passer de son âme sur son front et de son front sur la terre ou sur sa toile.

2613. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres » pp. 122-127

Les peintures que ce Chigi fit faire dans cette maison par Raphaël, ont rendu le nom de Chigi aussi célebre dans l’Europe que le pontificat d’Alexandre VII.

2614. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 28, du temps où les poëmes et les tableaux sont apprétiez à leur juste valeur » pp. 389-394

Le public tire peu à peu le procès d’entre leurs mains, et l’examinant lui-même, il rend à chacun la justice qui lui est dûe.

2615. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Seulement, comme c’est malgré lui, pour ainsi dire, qu’il est rendu inoffensif, les sentiments d’aversion dont il est l’objet ne laissent pas d’être fondés.

2616. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

En gardant cette forme biographique, que nous aimons, du reste, parce qu’elle rend l’idée plus personnelle et plus humaine, est-ce que Gérard de Nerval pouvait se dispenser de toucher quelque part dans son livre la question de l’illuminisme, au double point de vue psychologique et physiologique ?

2617. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

En effet, pour nous du moins, Furetière romancier est, surtout et avant tout, un réaliste, un réaliste beaucoup plus fort que nos blafards réalistes d’à-présent, car il a de la couleur, du repoussé, du relief, des qualités chaudes qui rendent la copie de la réalité plus intense, et qui, par là, touchent à l’idéal ; — mais c’est un réaliste et rien de plus !

2618. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

On assemblait la famille ; les enfants venaient recevoir des leçons de vertu en entendant louer leur père ; le peuple s’y rendait en foule : le magistrat y présidait.

2619. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Ce caractère hindou de la poésie lamartinienne, je vous le rendrais clair jusqu’à l’évidence par des rapprochements ingénieux. […] Lamartine a rapproché, a rendu contemporains l’un de l’autre, deux états de société radicalement différents en apparence : D’un côté, des tribus de pasteurs nomades, chez qui se dessinent les premiers linéaments de la civilisation. […] Le progrès, s’il se fait, se fera par l’amour, par la charité agissante, par l’empire de l’homme sur soi plutôt que sur la nature, par l’effort de préférer les autres à soi, et par une foi qui nous rende capable de cet effort. […] Pas plus que la chasteté de Lamartine ne sait rendre émouvante leur luxure, sa douceur ne parvient, en nous montrant leur cruauté, à nous faire frissonner d’horreur. […] Ou plutôt je crois qu’il s’en aperçut, et j’en conclus  me souvenant d’ailleurs de certains autres vers  que c’était la première version qui rendait sa vraie pensée.

2620. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Non, mais par hasard il passe devant la tombe du Commandeur ; il s’arrête, encore tout chaud du combat qu’il vient de livrer, et très heureux d’avoir un nouveau rendez-vous d’amour pour le soir. […] Après avoir affaibli, tant qu’il a pu l’affaiblir, le féroce caractère de Don Juan, Thomas Corneille devient tout d’un coup grave, sentencieux, moral, et il s’écrie, dans son épouvante, par la bouche de Sganarelle : …… Je veux me rendre ermite. […] Pauvre Sganarelle, tu auras un maître demain ; mais qui te rendra cette reine, la bienfaisance en personne, cette sainte ici-bas, qui restera le digne objet de tes souvenirs, de ta reconnaissance et de tes respects16 ?  […] — Parce que je suis aveugle, répond l’argent. — Et si on te rendait la vue, ami Plutus ? […] Nouvelles banques qui vous paient trois pour cent. — Je vois ce que c’est. — Elles empochent vos cents et vous rendent trois !

2621. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Il faudrait posséder le talent du plus grand poète pour rendre l’expression de ses gestes, l’harmonie de sa voix et le feu de ses regards. […] il était dans le vrai en pardonnant : pourtant il ne se rendait pas tout à fait compte du procédé de Goethe, quand il l’attribuait à une légèreté de jeunesse. […] Apprenez seulement ceci : je demeure ici et je puis y jouir de la vie à ma façon et de façon à me rendre utile à un des plus nobles cœurs.

2622. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il y a des fleurs, des herbes, des senteurs de vie qui vous inondent malgré vous-même ; il y a une atmosphère d’insouciance qui vous berce et vous rend tout facile, même la souffrance. […] Toutes nos visites sont rendues. […] Elle finit par être une fièvre qui tend la mémoire et rend plus douloureuse la fuite des jours loin des lieux qu’on aimait parce qu’on y a beaucoup aimé. — Ne vous ai-je pas dit que souvent je me lève pour aller chercher tel ou tel objet dans telle ou telle chambre où je ne le trouve pas ?

2623. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Le Ciel en eut pitié, il lui rendit ses tièdes rosées ; puis la bise souffla de nouveau. […] Mais quand il vient à se rappeler que cette société, la première qu’il ait  remarquée, est aussi la première qui ait disparu à ses yeux ; quand il montre la mort dépeuplant par degrés cette maison heureuse, une chambre qui se ferme et puis une autre, et le quadrille de l’aïeule devenu impossible, faute des partners accoutumés, il touche alors à une corde de sensibilité intime dont ses Mémoires nous rendent plus d’un tendre soupir. […] Parce que chaque soir revient funèbre et sombre, chaque matinée de soleil ne nous rend-elle pas un peu de vrai printemps ? 

2624. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Ceux-ci à leur tour, aisément restrictifs et négatifs dans leur prudence, n’hésitant pas au besoin, dans leur système complexe, à limiter, à entamer le droit par la raison d’État, le rendent bien en inimitié aux esprits de nature girondine, que tantôt ils ont l’air de mépriser comme de pauvres politiques, et que tantôt ils confondent en une commune injure avec la secte jacobine pour les montrer dangereux. […] conclut-elle, il n’y a que cela pour ordonner les affaire et pour rendre les peuples heureux. » A travers cette faiblesse et ce manque de science politique positive, percent à tout moment des vues fort justes et fort prévoyantes qui montrent qu’elle ne se faisait pourtant pas illusion sur l’état réel de la société. […] La teinte philosophique et raisonnable qu’elle revêt, qu’elle affecte un peu, la rend même plutôt antipathique et injuste pour les beaux esprits et les littérateurs en vogue, si chers à Mlle Necker : c’est le contraire de l’engouement ; elle ne perd aucun de leurs ridicules, elle trouve la mine de d’Alembert chétive, le débit de l’abbé Delille maussade ; Ducis et Thomas lui paraissent se prôner l’un l’autre, comme les deux ânes de la fable, et elle verrait volontiers un homme de lettres médiocre en celui dont Mme de Staël a dit si parfaitement : « Garat, alors ministre de la justice, et, dans des temps plus heureux pour lui, l’un des meilleurs écrivains de la France. » Qu’on n’aille pas faire de Mme Roland toutefois un pur philosophe stoïque, un citoyen rigide comme son mari, en un mot autre chose qu’une femme.

2625. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Il a fait plus que de montrer au doigt le courtisan, qui autrefois portait ses cheveux, en perruque désormais, l’habit serré et le bas uni, parce qu’il est dévot ; il a fait plus que de dénoncer à l’avance les représailles impies de la Régence, par le trait ineffaçable : Un dévot est celui qui sous un roi athée serait athée ; il a adressé à Louis XIV même ce conseil direct, à peine voilé en éloge : « C’est une chose délicate à un prince religieux de réformer la cour et de la rendre pieuse ; instruit jusques où le courtisan veut lui plaire et aux dépens de quoi il feroit sa fortune, il le ménage avec prudence ; il tolère, il dissimule, de peur de le jeter dans l’hypocrisie ou le sacrilége ; il attend plus de Dieu et du temps que de son zèle et de son industrie. » Malgré ses dialogues sur le quiétisme, malgré quelques mots qu’on regrette de lire sur la révocation de l’édit de Nantes, et quelque endroit favorable à la magie, je serais tenté plutôt de soupçonner La Bruyère de liberté d’esprit que du contraire. […] , il nous dit, dans cet admirable chapitre des Ouvrages de l’Esprit, qui est son Art poétique à lui et sa Rhétorique : « Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n’y en a qu’une qui soit la bonne : on ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant ; il est vrai néanmoins qu’elle existe, que tout ce qui ne l’est point est foible et ne satisfait point un homme d’esprit qui veut se faire entendre. » On sent combien la sagacité si vraie, si judicieuse encore, du second critique, enchérit pourtant sur la raison saine du premier. […] Il y a des endroits où, en marchant dans l’œuvre, dans le poëme, dans le roman, l’homme qui a le pied fait s’aperçoit qu’il est sur le creux : ce creux ne rend pas l’écho le moins sonore pour le vulgaire.

2626. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Nous savions que les deux grands départements du système nerveux, celui en qui s’opèrent les sensations et celui qui produit les images, sont antagonistes ; en d’autres termes, que les sensations faiblissent à mesure que les images se fortifient, et réciproquement ; d’où il suit que la fin de la veille rend l’ascendant aux images en l’ôtant aux sensations, et que la fin du sommeil ôte l’ascendant aux images en le rendant aux sensations. — Mais ici se présente un phénomène nouveau : non seulement le fantôme pâlit, mais il cesse de paraître objet réel. […] Parfois enfin les petites sonnettes qui, en règle générale, reçoivent d’elle leur ébranlement, lui transmettent le leur ; et nous savons les principales conditions de ces effets singuliers. — Dans les hallucinations du microscope, la cloche a été si fortement et si constamment ébranlée en un seul sens, que son mécanisme continue à fonctionner, même lorsque le cordon est devenu immobile. — Dans le rêve et l’hallucination hypnagogique, le cordon est fatigué ; il ne rend plus ; le long emploi de la veille l’a mis hors d’usage ; les objets extérieurs ont beau le tirer, il ne fait plus sonner la cloche ; à ce moment, au contraire, les petites sonnettes dont les sollicitations ont été réprimées perpétuellement pendant la veille, et dont les tiraillements ont été annulés par le tiraillement plus fort du cordon, reprennent toute leur puissance ; elles tintent plus fort et tirent avec efficacité ; leur ébranlement provoque dans la cloche un ébranlement correspondant ; et la vie de l’homme se trouve ainsi divisée en deux périodes, la veille pendant laquelle la cloche tinte par l’effet du cordon, le sommeil pendant lequel la cloche tinte par l’effet des sonnettes. — Dans l’hallucination maladive, le cordon tire encore, mais son effort est vaincu par la puissance plus grande des sonnettes ; et diverses causes, l’afflux du sang, l’inflammation du cerveau, le haschich, toutes les circonstances qui peuvent rendre les hémisphères plus actifs, produisent cet accident ; le tiraillement des sonnettes, plus faible à l’état normal que celui du cordon, est devenu plus fort, et l’équilibre ordinaire est rompu, parce qu’une des fonctions qui le constituent a pris un ascendant qu’elle ne doit pas avoir.

2627. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Blanche, Albert Cahen, Emmanuel Chabrier, Cappelle, Georges Clatrin, Oscar Comettant, Arthur Coquard, Jules Courtier, Léo Delibes, Charles Dettelbach, Auguste Dorchain, Édouard Dujardin, Durand fils, Alphonse Duvernov, Alfred Ernst, Louis de Fourcaud, Louis de Gramont, Adolphe Jullien, Antoine Lascoux, Jules Massenet, Catulle Mendès, André Messager, Oppenheim, Pelisse, Joseph Reinach, Ernest Reyer, Jules Roche, Rousse, Georges Serviures, Victor Souchon, Edmond Stoullig, Thompson, Henri de Valgorge, Teodor de Wyzewa, s’étaient rendus à Bruxelles pour assister à cette solennité, à laquelle prenaient part toutes les notabilités du monde artistique bruxellois. […] Presque tous ceux qui s’occupent aujourd’hui de Wagner, le considèrent comme un artiste puissant, inventeur de nouveaux procédés qui rendent ses drames meilleurs que ceux des auteurs précédents. […] Tout est factice et faux, et l’appareil théâtral suffit à rendre fausses les vérités les plus saisissables.

2628. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Hier il a ouvert son secrétaire devant des amis, leur a montré quinze cents vrais billets de cent francs, les a feuilletés plusieurs fois, a soupiré… et les a fait rentrer dans le tiroir où ils étaient, en disant : « Je sais que je vous dois à tous de l’argent, mais c’est une drôle de chose, ça m’ennuie de vous le rendre ! […] Puis se livrant à nous, ses copains politiques et artistiques, selon son expression, il se met à nous parler de son ambition de décrire les métopes du Parthénon, furieux d’enthousiasme, et désespérant, désespérant de pouvoir dire cela avec des mots, et se lamentant qu’il n’y ait pas dans la langue française de vocables assez religieux pour rendre ces torses « où la divinité circule comme le sang ». — « Le Parthénon, le Parthénon, répète-t-il deux ou trois fois, ça me remplit de l’horreur sacrée du lucus. » Et le voilà, prenant feu sur le beau antique, comme un dévot à propos de sa foi, et il nous conte en riant, mais avec une sorte de peur au fond de lui, la peur d’un païen contemporain des Éginètes, il nous conte l’histoire de ce savant allemand Ottfried Muller, qui avait nié la divinité solaire d’Apollon, et qui fut tué d’un coup de soleil. […] Il y a aussi, dans la fortune des coquins, des complicités de la Providence qui me rendent terriblement incrédule.

2629. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Au latin papaver qui a fourni en français tant de formes singulières, pavot, pavon, papon, paveux, pavoir — le goût populaire substitua en plusieurs régions l’idée de rouge, et le latin du moyen âge appelle rubiola, la plante que la science qualifie de papaver rubeum ; cependant l’idée de rouge se fixa sur la crête de coq, puis sur le coq et enfin sur le chant du coq que rendait l’onomatopée coquelicot ou coquericot. […] L’anglais ant-lion, l’allemand ameiselawe, le flamand mierenleeuw, le danois myretove, le suédois myrlejon, le polonais mrowkolew se traduisent tous avec une exactitude singulière par formica-leo, mais si fourmi-lion veut bien dire en français « fourmi qui est comme un lion », ant-lion signifie en anglais « lion qui est comme une fourmi », ou « lion qui mange les fourmis », etc. ; c’est lion-ant qu’il faudrait pour rendre formica-leo. […] Un des inconvénients de la liberté prise avec dessin, conte, pupille, prunelle et tels autres mots par les grammairiens, c’est de rendre invisible la métaphore et ainsi d’engrisailler la langue.

2630. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

De justice, d’honneur, il ne parle qu’en courant et pour la forme : « Avant tout, dit-il à son fils, ayez des manières. » Il y revient dans chaque lettre avec une insistance, une abondance, une force de preuves, qui font un contraste grotesque. « Mon cher ami, comment vont les manières, les agréments, les grâces, et tous ces petits riens si nécessaires pour rendre un homme aimable ? […] Si pourtant vous en voulez une autre, il ajoutera que « en matière de conscience et de morale moisie il n’est point du tout vulgaire ; cette considération-là rogne aussi peu sur ses profits et sur ses plaisirs que sur ceux d’aucun gentilhomme d’Angleterre811. » Après un tel mot, il faut bien se rendre. […] Et trois fois heureuses les familles où ils daignent prendre leur collation du vendredi, pour prouver au monde quelle abstinence chrétienne, quelle vigueur antique, quel zèle pour les mortifications il y a dans l’abandon d’un dîner qui leur rend l’estomac plus dispos pour le souper834 !  […] C’est le sens moral qui de la conscience publique le fait passer dans le monde littéraire, et de populaire le rend officiel. […] Je le poursuivrais jusqu’au bout de ma vie et je tendrais le dernier effort de ma volonté pour sauver de l’oubli son opprobre éphémère et pour rendre immortelle l’infamie de son nom864. » Excepté Swift, y a-t-il une créature humaine qui ait plus volontairement concentré et aigri dans son cœur le poison de la haine ?

2631. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

. — On voit qu’avec un peu d’aide, quelque chose d’analogue à la Sainte Ampoule pouvait nous être rendu ; et, à l’heure qu’il est, il y a des gens qui ne me pardonnent pas d’y avoir mis obstacle. » On a là un échantillon de la manière piquante et incisive de M.

2632. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

L’épisode de la mère Inès et la peinture du couvent sont semés de traits discrets et justes, sur cet effet mystérieux des religieuses aux formes vagues se perdant dans les corridors, sur cette marche furtive de la jeune fille serrant le mur auquel, de temps en temps, elle s’appuie pour se rendre plus légère ; un art délicat a touché ces points.

2633. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Le sire de Joux, après avoir bien chevauché et guerroyé contre l’infidèle, s’était retiré, vieux, dans ses châteaux et ses donjons ; il avait trois filles belles à rendre un ermite amoureux.

2634. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

Les indifférents, les connaissances intimes mêmes, vous représentent, par leurs manières avec vous, le tableau raccourci de vos infortunes : à chaque instant, les mots, les expressions les plus simples, vous apprennent de nouveau ce que vous savez déjà, mais ce qui frappe à chaque fois comme inattendu ; si vous faites des projets, ils retombent toujours sur la peine dominante ; elle est partout, il semble qu’elle rende impraticable les résolutions mêmes qui doivent y avoir le moins de rapport ; c’est contre cette peine alors qu’on dirige ses efforts, on adopte des plans insensés pour la surmonter, et l’impossibilité de chacun d’eux, démontrée par la réflexion, est un nouveau revers au-dedans de soi.

2635. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Il étrangle la discussion sur la légalité du décret, qu’il glisse au milieu de l’apologie de sa politique, entre deux parties très étendues, dont la seconde est mêlée de toutes les invectives et de toute la diffamation qui peuvent rendre odieux son adversaire Eschine.

2636. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre premier. Du rapport des idées et des mots »

Par cette puissance, l’imagination reproduit et remplace la vue ; le livre tient lieu de l’objet ; la phrase rend présente la chose qui n’est pas là.

2637. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

Il seroit à souhaiter qu'on pût louer le sujet de toutes ses Epigrammes, comme on admire la maniere dont il l'a traité ; mais on ne doit pas oublier qu'il s'est reproché ces écarts ; & en ne considérant ces petites Pieces que du côté de la poésie, qui n'applaudira à la simplicité, à la briéveté, à la justesse & à l'énergie de l'expression, au sel piquant, au tour original, qui le rendent un Auteur presque unique en ce genre, sans excepter Martial, lequel, à beaucoup près, n'est ni aussi précis, ni aussi nerveux, ni aussi agréable que lui ?

2638. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

Au lieu de rendre des arrêts par prétention, au lieu de se borner à omettre, dans un dictionnaire inconnu du public et déjà démodé quand il paraît, les mots de figure trop étrangère, elle agirait dans le présent, et les formes refusées ou bannies par elle seraient proscrites de l’écriture et du parler.

2639. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Ce but, on ne lui supposera pas la présomption de croire qu’il l’a jamais atteint, ou même qu’il pourra jamais l’atteindre ; mais on lui permettra de se rendre à lui-même publiquement ce témoignage, qu’il n’en a jamais cherché d’autre au théâtre jusqu’à ce jour.

2640. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

On voudroit qu’ils apprissent à se respecter eux-mêmes, à craindre les écarts & le sort de leurs semblables ; à mieux user des dons qu’ils ont reçus de la nature ; à ne se point rendre le jouet du public.

2641. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Au talent de rendre en vers l’amour & ses fureurs avec toute la vérité possible, elle joignoit celui de chanter admirablement & de jouer du luth.

2642. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

On reconnaît l’imposteur à la caricature : les fripons déliés l’évitent soigneusement : et voilà ce qui rend le monde si dangereux et si difficile à connaître.

2643. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

nous répondrons qu’il doit encore ce talent, ou du moins le développement de ce talent, au christianisme ; car cette religion, chassant de petites divinités des bois et des eaux, a seule rendu au poète la liberté de représenter les déserts dans leur majesté primitive.

2644. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVI. Des Livres nécessaires pour connoître sa Religion. » pp. 346-352

Il est écrit avec plus de précision, que le grand ouvrage ; mais il y a moins d’érudition ; & l’on a omis plusieurs remarques, que les attaques continuelles des incrédules rendent nécessaires dans ce siécle.

2645. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

Et ce Temps revenu sur ses pas pour rendre Euridice à la vie et à son époux, n’est-il pas d’une belle poésie ?

2646. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

Par exemple, Achile, impatient de partir pour aller faire le siege de Troïe, attire bien l’attention de tout le monde, mais il interesse bien davantage à sa destinée un jeune homme avide de la gloire militaire, qu’un homme dont l’ambition est de se rendre le maître de soi-même pour devenir digne de commander aux autres.

2647. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

L’âpreté du climat sous lequel nous vivons les rend grossiers, et les injures de ce climat multiplient encore leurs besoins.

2648. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

La composition poëtique d’un tableau, c’est un arrangement ingenieux des figures inventé pour rendre l’action qu’il répresente plus touchante et plus vrai-semblable.

2649. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 36, de la rime » pp. 340-346

L’architecte à qui l’on donne un bâtiment gothique à raccommoder, peut bien y faire quelques ajustemens qui le rendent logeable ; mais il ne sçauroit corriger les défauts qui viennent de la premiere construction.

2650. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

La statuë qui représente le Nil, et que Le Bernin a rendu reconnoissable par les attributs que les anciens ont assignez à ce fleuve, se couvre la tête d’un voile.

2651. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

Pour être simple, je deviens banal ; la concision engendre la sécheresse ; l’abondance rend diffus ; l’amour de l’économie fait les avares, l’émulation les jaloux.

2652. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

Quelques détails de toilette assez gracieux et vivement rendus, et qui révèlent une main de femme dans un temps où l’on ne décrivait pas, ne sont point assez pour qu’on nomme hardiment madame de la Fayette, cette platonicienne sans le savoir, qui ne voit absolument rien dans le monde que l’expression chaste des sentiments.

2653. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Remarque finale. Le Temps de la Relativité restreinte et l’Espace de la Relativité généralisée »

Mais, dans le cas actuel, la réflexion affermit notre conviction et finit même par la rendre inébranlable, parce qu’elle nous révèle dans les Temps de la Relativité restreinte — un seul d’entre eux excepté — des Temps sans durée, où des événements ne sauraient se succéder, ni des choses subsister, ni des êtres vieillir.

2654. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Quant à la dislocation de l’ancien vers français, telle que d’aucuns l’ont mise en œuvre, je vous avoue très humblement qu’elle me rend assez pénible la lecture ou audition de leurs poésies, si belles qu’elles soient. […] Comme je me rendais au théâtre de l’Œuvre où l’on donnait Brand, je rencontre Clovis Hugues, Clovis Hugues le député, le Provençal, le poète… C’était le cas ou jamais de saisir l’occasion par les cheveux ! […] Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux. […] Ce travail de sélection une fois accompli, il recherche les images qui rendent ce rythme évident à tous et il les revêt de l’expression qu’il leur juge adéquate. […] les répétitions ineptes des mots, qui non seulement nuisent au rythme de la phrase, mais à l’idée elle-même, qu’elles rendent parfois incompréhensible !

2655. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Nous en avons, pour rendre nos idées et nos émois, plus qu’il n’en faut. […] Mais il a combiné ainsi la famille des Fabrecé pour rendre plus concluante sa démonstration. […] Et il appauvrit même sa phrase, afin de la rendre moins orgueilleuse, plus docile : petite servante de la réalité. […] Les preuves manquent : on lui rend sa liberté. […] Puis un autre poème reprend le thème ; il le modifie ; il le rend plus intime.

2656. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

« Au moment de la section des nerfs dans une amputation, dit Mueller, les douleurs les plus vives se font sentir en apparence dans les parties qu’on retranche et auxquelles se rendent les nerfs que coupe l’instrument. […] Et cela est vrai de toutes les sensations, même des sensations de la vue, du moins au premier stade de leur localisation ; en effet, nous montrerons tout à l’heure que les aveugles-nés, au moment où une opération chirurgicale leur rend la vue, situent les couleurs vers l’extrémité de leur nerf optique ; c’est plus tard, par un apprentissage ultérieur, qu’ils les reportent au-delà, jusqu’à l’endroit où sont les objets. — En troisième lieu, on voit que le jugement localisateur ne doit point situer la sensation à l’endroit exact où se trouve l’extrémité du nerf ébranlé, mais aux environs, et, en général, un peu au-delà ; car le toucher n’atteint pas à cet endroit exact. […] C’est pourquoi, d’un coup d’œil, nous évaluons des centaines de mètres et même des lieues ; il nous semble alors que toutes les sensations que nous avons eues pendant ce coup d’œil sont simultanées, et, de cette façon, tous les objets extérieurs qu’elles nous révèlent sont perçus, pour ainsi dire, ensemble ; ce qui nous rend bien plus facile la tâche de les rappeler, de les comparer, bref de pratiquer sur eux toutes les opérations ultérieures dont nous avons besoin. […] C’est donc le jugement qui corrige et rend claire cette idée ou perception des objets visibles. » 50. […] L’ouïe et les autres sens peuvent acquérir une délicatesse égale : « Le docteur Rush mentionne le cas de deux frères aveugles à Philadelphie, qui, lorsqu’ils traversaient une rue, savaient s’ils approchaient d’un poteau, par le son particulier que le sol rendait sous leurs pieds dans le voisinage du poteau.

2657. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Ainsi la raison qui rend effectivement sonores ces vibrations initiales, c’est la possibilité où elles sont de se propager, propriété incluse en elles, et plus générale qu’elles, puisqu’elle se rencontre ailleurs, par exemple dans les vibrations de l’éther lumineux. […] Ainsi la raison qui rend effectivement sonores les vibrations propagées jusqu’au nerf acoustique, c’est la possibilité où elles sont de se propager au-delà, jusqu’aux centres cérébraux, propriété incluse en elles, et plus générale qu’elles, puisqu’elle se rencontre ailleurs, notamment dans les vibrations lumineuses transmises à la rétine, et, en général, dans tous les ébranlements que les corps extérieurs impriment à nos nerfs sensitifs. […] L’une, mentionnée plus haut114, et exposée tout au long par Cuvier, est la propriété d’être utile, ce qui emporte, pour l’organe, l’obligation d’accorder ses caractères avec ceux de tous les autres organes associés, de manière à opérer tel effet total et final, c’est-à-dire à rendre possible tel genre de vie, carnivore, frugivore, insectivore, dans l’eau, dans l’air ou sur la terre, en présence de telles proies et de tels ennemis, bref dans tel milieu ; nous avons indiqué les suites infinies de cette propriété de tout organe ; elles sont si nombreuses et si certaines que les anatomistes ont reconstruit des animaux fossiles d’après quelques-uns de leurs fragments. […] Tout le secret des services que les sciences de construction rendent aux sciences d’expérience est là ; c’est ainsi que les premières ont leur application dans les secondes. Étant donnés deux composés, l’un mental, l’autre réel, ils s’adaptent l’un à l’autre, sauf cette différence que le second, outre les éléments constitutifs du premier, renferme des éléments supplémentaires et perturbateurs, ce qui rend le premier plus simple et le second plus compliqué.

2658. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Enfin toujours, pour rendre cette chienne de pensée, il avait mis au bas du dessin : Nous avons eu tort d’ôter nos bottines… y a pas de tire-boutons : traduction dernière de sa pensée, qu’il avouait trouver tout à fait inférieure. […] Comme je lui parle du travail laborieux de son pinceau sur mon front, il me dit : « Quand je fais un être, j’ai la pensée tout le temps, que j’ai à rendre des formes habitées. » Jeudi 9 juillet Déjeuner chez Jean Lorrain, avec Mlle Read, Ringel le sculpteur, de Régnier, le poète. […] Mardi 25 octobre Aujourd’hui, à l’enterrement de Lavoix, j’étais frappé du rendu illusionnant d’une pluie battante, dans l’eau-forte de Buhot, ayant pour titre : Les Fiacres. […] Et à la fin de chaque acte, c’est aux mots : « un, deux, trois », un flamboiement à vous rendre aveugle, et où apparaissent les canailles de ma pièce, dans une apothéose paradisiaque. […] » Donc rendez-vous à sept heures chez Marguery.

2659. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

La France, fécondée tour à tour par chacun de ses voisins, a toujours su rendre à tous ce qu’elle avait pris à l’un. […] Le déterminisme nous a par trop habitués à considérer chaque auteur comme le produit fatal de son époque et de son milieu ; il est temps de rendre toute sa valeur à la personnalité, en conflit avec son temps et son milieu. […] De nos jours, personne n’a mieux affirmé sa puissance, n’a rendu un plus grand hommage à son action persistante, que, sans le vouloir, M.  […] Trois fois, c’est-à-dire aux origines féodales, à la Renaissance et lors de la Révolution, la France s’est inspirée d’idées nées ailleurs en Europe, mais non encore ramenées à leur principe essentiel et vital ; elle a pris ces idées, se les est assimilées, les a appliquées dans la réalité de la nation, et rendues au monde en une forme universelle. […] On sauverait ainsi l’unité d’impression lyrique ; et, ne sortant pas du rêve, de la féérie, on rendrait en même temps les états d’âme dramatiques.

2660. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Elle avait un air caressant et tendre, un regard très doux, un sourire angélique, des cheveux cendrés d’une beauté peu commune, et auxquels elle donnait un tour négligé qui la rendait très piquante. […] Ses prétentions déplacées et ses dénigrements amers contre son patron le rendent promptement insupportable à M. de Montaigu. […] Son humeur s’aigrit : il commence à verser ses soupçons et son ingratitude sur Diderot, coupable seulement de légèreté, de déclamation, et de zèle pour lui ; il outrage Grimm, coupable de trop d’abandon et de trop de confiance dans son ami ; il calomnie indignement ces deux hommes de cœur et d’honneur pour prix des services qu’ils lui ont rendus ; il paye par la diffamation la célébrité qu’ils lui ont faite. […] Voilà le maître d’une véritable esclave de ses plaisirs, qui ne laisse pas même à cette femme, victime de sa débauche comme maîtresse, victime de sa cruauté comme mère, l’illusion d’un amour exclusif, mais qui la rend, sans délicatesse, confidente ou témoin de ses infidélités avec des femmes vénales, ou de ses passions quintessenciées pour des femmes aristocratiques, qui lui permettaient les équivoques adorations de l’imagination pour leur beauté, ne voulant pas être amantes, mais consentant à être idoles !

2661. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Tout se réduit toujours à des manières différentes de vibrer, et l’organisme tout entier pourrait être comparé à une lyre vivante dont les cordes, d’abord à l’unisson, finiraient par se tendre de diverses manières et par rendre des sons divers sous la diversité des ondes vibratoires qui viennent les ébranler du dehors. […] Toutefois, ce n’est pas le mécanisme seul qui peut rendre raison ni des qualités mêmes des objets, ni des sensations par lesquelles elles s’expriment dans la conscience. […] En vertu de cette loi, c’est le rapport des sensations aux émotions agréables ou pénibles, d’une part, et, d’autre part, aux mouvements correspondants, — mouvement en avant ou mouvement de recul, — qui a déterminé, parmi toutes les sensations possibles, le triage des plus avantageuses à l’individu : celles-ci, par une série de différenciations et d’intégrations, sont parvenues à un degré d’intensité, de durée et de qualité capable de les rendre distinctes dans la conscience. […] Ces éléments, que nous ne pouvons séparer et rendre discontinus comme des molécules mentales, ne sont pas pour cela en dehors de la conscience21.

2662. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Sans doute, pour rendre probables et acceptables les explications qu’il nous donne, l’auteur du Scarabée d’or montre un talent très particulier ; il déploie une force d’intelligence qui briserait tous les casse-têtes chinois, et on perd l’haleine à le suivre dans ses inductions audacieuses ; mais le fantastique a disparu, et on ne voit plus à la place du rêveur qu’une nature robuste, ingénieuse, acharnée, qui lutte contre la difficulté et qui veut la vaincre. […] Terrible supplice qui le rend sinistre, même quand il taille de petites babioles pour les enfants ! […] Voilà ce qui le rend plus coupable qu’un autre de cette Bohème sinistre et funèbre, dont, par la supériorité de ses facultés et de ses fautes, il est actuellement le Roi ! […] Infortuné dès le berceau, il avait deux ans quand son père et sa mère moururent, et il allait mourir comme eux, quand un monsieur Allan, homme très riche, à l’instigation charitable de sa femme, prit l’orphelin pour se faire un enfant qui lui manquait, et il l’éleva dans un luxe et dans l’espérance d’une fortune qui devait rendre plus tard la pauvreté de Poe plus cruelle.

2663. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Je n’en veux pour exemple que M. de Montyon, qui, en obéissant à des mobiles dont quelques-uns au moins étaient nobles, a su se rendre utile jusque dans l’avenir et perpétuer honorablement sa mémoire. […] Ce sont les idées qui me venaient à l’esprit en lisant les lettres de Mme de Créqui à M. de Meilhan, et en réfléchissant sur cette ancienne société dont elles nous rendent un moment la note rapide et précise, le dernier mot aigu et arrêté.

2664. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Faites-les commander, prenez les officiers que vous voudrez ; et, en suivant l’armée ennemie pendant trois ou quatre jours, vous verrez ce qu’elle deviendra, et ce que vous pourrez faire sans vous commettre. » Le lendemain soir, au retour, Villars ramenant bon nombre de prisonniers qu’il avait enlevés, le maréchal lui dit : « Nous aurions été brouillés ensemble, si je ne vous avais pas donné un détachement pour suivre vos amis que vous ne sauriez perdre de vue. » En 1677, à la bataille de Mont-Cassel près Saint-Omer, commandant une réserve de cinq escadrons, Villars conseilla sur la droite des ennemis une charge qui, faite à temps, eût rendu la victoire décisive ; mais un ordre précis, apporté par l’aide de camp Chamlay, homme de confiance de la Cour, le força de s’abstenir et de se diriger ailleurs. […] Ayant obtenu la commission de porter à l’empereur un compliment de condoléance sur la mort de l’impératrice sa mère, il se rendit à Vienne, y fut reçu agréablement, se mit au fait des intrigues de cour et de cabinet, se hâta d’en informer le roi, et travailla dès lors, par tous moyens auprès de l’électeur de Bavière à le détacher de l’empereur, dont il s’était fait le général, et à le ramener vers la France où sa sœur était dauphine.

2665. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Ce que l’homme d’État hollandais rendu à la retraite se plaisait à se dire dans une promenade aux environs de Leyde ou de La Haye, Guillaume Favre le sentait à plus forte raison, lui possesseur et connaisseur plus fin, en vue de son Léman et dans l’exercice délicieux de sa faculté curieuse à travers les domaines de l’histoire. […] Les compatriotes de Favre l’ont célébré et pleuré pour les services généreux qu’il n’a cessé de rendre jusqu’à sa dernière heure et pour ses vertus : sa famille, en recueillant ses principaux écrits et en lui élevant, par les soins d’un digne éditeur, ce monument littéraire, a pourvu à la durée de son nom.

2666. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

On peut rire du bonhomme de traducteur tant que l’on voudra, il a rendu, à titre de collectionneur d’images21, un service signalé dont la postérité profite et dont elle lui sait gré. […] À peine le précédent abbé avait-il rendu le dernier soupir, que Marolles, alors sur les lieux, en donna avis en toute hâte à son père, grâce à l’obligeance d’un maître de poste qui par un très mauvais temps, à dix heures du soir, expédia un courrier qui devança tous les autres.

2667. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Sayous a rendu au personnage sa vie et sa réalité. […] Barni : elle vient de nous rendre, après des années de séjour, M. 

2668. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Sayous, Rousseau trace de sa plume éloquente un tableau de la venue du Christ où la figure du Christ est peinte avec amour : pour ce portrait du juste persécuté, c’est Rousseau lui-même qui a posé devant le peintre ; on ne peut s’y tromper. » Mille pardons : Rousseau a pu être troublé dans sa raison et se montrer maniaque assez d’autres fois, mais il ne l’a pas été ce jour-là, et j’ai beau prendre tous mes verres de lunettes, il m’est impossible de voir dans la belle page de Rousseau autre chose que le plus sincère hommage rendu à ce qu’il a appelé ailleurs « la sainteté de l’Évangile ». […] J’ai des torts avec lui, je me les reproche ; je crains de lui avoir fait injustice, et je n’ai sûrement pas le cœur injuste ; mais j’avoue que des malheurs sans exemple et sans nombre, et des noirceurs d’où j’en craignais le moins, m’ont rendu défiant et crédule sur le mal.

2669. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Il y réussit d’abord au-delà de toute espérance : il maria le duc d’Orléans ; il fit l’amnistie ; il rendit l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois au culte ; cependant on prenait d’assaut Constantine, on enlevait le fort de Saint-Jean d’Ulloa. […] Guizot, même aujourd’hui et après l’événement, se rend bien compte de cet effet général d’alors, moralement désastreux.

2670. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Le premier des Évangiles est aussi le plus naïf, le plus naturel, si l’on peut dire, celui qui nous rend le plus abondamment les discours de Jésus, comme le pouvait faire un témoin qui les avait entendus, qui les avait recueillis à la source, et qui s’est attaché à en conserver le caractère populaire, innocent et bienfaisant. […] On reprochait à Aristote d’avoir secouru un homme qui ne le méritait pas : « Ce n’est pas l’homme que j’ai secouru, répondit-il, c’est l’humanité souffrante. » L’imagination de Platon avait fait plus et semblait s’être portée spontanément au-devant du christianisme : on le voit, dans un de ses dialogues, se plaire à figurer en face du parfait hypocrite, honoré et triomphant, le modèle de l’homme juste, simple, généreux, qui veut être bon et non le paraître : « Dépouillons-le de tout, excepté de la justice, disait un des personnages du dialogue, et rendons le contraste parfait entre cet homme et l’autre : sans être jamais coupable, qu’il passe pour le plus scélérat des hommes ; que son attachement à la justice soit mis à l’épreuve de l’infamie et de ses plus cruelles conséquences et que jusqu’à la mort il marche d’un pas ferme, toujours vertueux, et paraissant toujours criminel… Le juste, tel que je l’ai représenté, sera fouetté, mis à la torture, chargé de fers ; on lui brûlera les yeux à la fin, après avoir souffert tous les maux, il sera mis en croix… » C’est une vraie curiosité que ce passage de Platon, et même, à le replacer en son lieu et à n’y chercher que ce qui y est, c’est-à-dire une supposition à l’appui d’un raisonnement, sans onction d’ailleurs et sans rien d’ému ni de particulièrement éloquent, ce n’est qu’une curiosité.

2671. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Cependant son coup d’œil militaire se formait à un tel spectacle et acquérait toute son Rendue, toute sa sûreté et sa justesse. […] Je reconnaîtrai même que Frédéric n’était point dans une situation à jouer un si gros jeu, et qu’en bornant ses plans à gagner du temps et à empêcher tout concert entre ses formidables ennemis, il prit le parti le plus sage. » Ce qu’il avait retiré à Frédéric comme général, il le lui rendait amplement comme politique et comme caractère.

2672. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Un poëte lyrique, c’est une âme à nu qui passe et chante au milieu du monde ; et selon les temps, et les souffles divers, et les divers tons où elle est montée, cette âme peut rendre bien des espèces de sons. […] On peut rendre encore cette justice à J.

2673. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Le service qu’il réclamait de ses amis, pour ses vers à sauver du naufrage, Millevoye le rendait alors même, autant qu’il était en lui, à ceux d’André Chénier. […] J’avais lu la plupart de ces petits chants, j’avais lu ce Charlemagne, cet Alfred, où il en a inséré ; je trouvais l’ensemble élégant, monotone et pâli, et, n’y sentant que peu, je passais, quand un contemporain de la jeunesse de Millevoye et de la nôtre encore, qui me voyait indifférent, se mit à me chanter d’une voix émue, et l’œil humide, quelques-uns de ces refrains auxquels il rendit une vie d’enchantement ; et j’appris combien, un moment du moins, pour les sensibles et les amants d’alors, tout cela avait vécu, combien pour de jeunes cœurs, aujourd’hui éteints ou refroidis, cette légère poésie avait été une fois la musique de l’âme, et comment on avait usé de ces chants aussi pour charmer et pour aimer.

2674. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

On voudrait rendre les hommes heureux et jouir délicieusement de leur reconnaissance. […] En prison, hommes et femmes s’habilleront avec soin, se rendront des visites, tiendront salon ; ce sera au fond d’un corridor, entre quatre chandelles ; mais on y badinera, on y fera des madrigaux, on y dira des chansons, on se piquera d’y être aussi galant, aussi gai, aussi gracieux qu’auparavant : faut-il devenir morose et mal appris parce qu’un accident vous loge dans une mauvaise auberge   Devant les juges, sur la charrette, ils garderont leur dignité et leur sourire ; les femmes surtout iront à l’échafaud avec l’aisance et la sérénité qu’elles portaient dans une soirée.

2675. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

Elle fut jadis très peuplée, « mais les guerres civiles du seizième siècle et surtout l’émigration des protestants l’ont rendue déserte, au point que, de 3 000 habitants qu’elle renfermait, il s’en trouve actuellement à peine 300802 ; c’est le sort de toutes les villes du pays ». […] 8° Droit de bourgeoisie (voy. article 4) d’après la charte de 1255, et le terrier de 1484. — Les plus riches doivent payer par an chacun 12 boisseaux d’avoine de 40 livres et 12 deniers parisis ; les moyens, 9 boisseaux et 9 deniers ; tous les autres, 6 boisseaux et 6 deniers. « Ces droits de bourgeoisie sont bien établis, énoncés dans tous les terriers et aveux rendus au roi et perpétués par une infinité de reconnaissances : on ne peut pénétrer les motifs qui ont engagé les anciens régisseurs ou fermiers de cette terre à en interrompre la perception.

2676. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Tous les vers de la strophe et de l’antistrophe étant égaux, la correspondance rythmique n’est plus marquée que par la succession des rimes qui ne la fait pas sentir suffisamment : la strophe et l’antistrophe se fondent en une longue strophe, assez longue pour rendre insensible l’identité des épodes qu’elle sépare. […] Le tempérament était voluptueux, sensuel, mélancolique, de cette mélancolie que la brièveté et la relativité des instables voluptés imposent aux sensuels : il subissait fortement l’impression des choses extérieures et la rendait en images, qui exprimaient la concordance ou le contraste de la nature visible avec les dispositions intimes de la nature subjective.

2677. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Mais il a de la vigueur, un enchaînement solide et efficace de raisons, et je ne sais pourquoi, quand on a ses discours du temps de la Ligue, notamment son Exhortation à la paix, ou sa Suasion de l’arrêt rendu en Parlement pour la manutention de la loi salique, on va chercher dans la Harangue de d’Aubray un modèle de l’éloquence politique du temps. […] Mais il faut noter qu’ici encore la guerre civile et l’actualité ont aidé les esprits à secouer le joug de l’érudition, et fait passer en quelque sorte l’imitation de l’extérieur à l’intérieur de l’œuvre littéraire ; la nécessité d’être lu, compris et goûté de tous a fait que les auteurs de la Ménippée, et parmi eux un lecteur royal, n’ont plus pris aux anciens que ce qu’ils ont senti être conforme à leur raison, ce qui pouvait rendre leur pensée ou plus forte, ou plus sensible, ou plus agréable aux simples Français.

2678. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Angle et Saxon, rends-toi (c’est M.  […] Il voit comment un homme qui a vu et rendu le réel d’une certaine façon est à son tour compris et traduit par un autre homme.

2679. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Mais il y mettait un accent plein d’onction, qui rendait nouveaux des aphorismes trouvés depuis longtemps. […] L’hypocrisie des pharisiens, qui en priant tournaient la tête pour voir si on les regardait, qui faisaient leurs aumônes avec fracas, et mettaient sur leurs habits des signes qui les faisaient reconnaître pour personnes pieuses, toutes ces simagrées de la fausse dévotion le révoltaient. « Ils ont reçu leur récompense, disait-il ; pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite, afin que ton aumône reste dans le secret, et alors ton Père, qui voit dans le secret, te la rendra 252.

2680. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Il faut surtout varier ses inversions : Dante dessine quelquefois l’attitude de ses personnages par la coupe de ses phrases ; il a des brusqueries de style qui produisent de grands effets ; et souvent dans la peinture de ses supplices il emploie une fatigue de mots qui rend merveilleusement celle des tourmentés. […] La traduction seule lui rendra de tels services.

2681. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

S’étonnant de n’être pas sensible, comme elle devait l’être, à l’arrivée prochaine d’un ami, elle dira de ses malheurs : « Ils m’ont rendu l’âme si noire, que je ne sens plus le plaisir, je ne fais que le penser. » — Et plus loin : « Le croiriez-vous ? […] Le fait est que la belle dame rend au poète la vie un peu dure.

2682. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

C’est une idylle rustique empruntée à la vie réelle, et peut-être imitée des Grecs, dans laquelle le poète nous représente un pauvre laboureur se levant avant l’aube et préparant avec peine, avant de se rendre à l’ouvrage, son mets frugal composé d’ail et d’autres ingrédients : c’est ce mets qui avait nom Moretum. […] Je prendrai une image que je crois fidèle pour rendre la manière dont le xviiie  siècle apparaît à travers le dernier roman de M. 

2683. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Mais ici la méfiance, déjà propre à cette jeune nature, se marqua à l’instant ; sa physionomie se ferma : « Mais je ne connais personne à Paris », répondit-il ; — et après une pause d’un instant : « Je n’y connais plus que la colonne de la place Vendôme. » Puis s’apercevant qu’il avait interprété trop profondément une parole toute simple, et pour corriger l’effet de cette brusque réponse, il envoya le surlendemain à M. de La Rue, qui montait en voiture, un petit billet où étaient tracés ces seuls mots : « Quand vous reverrez la Colonne, présentez-lui mes respects. » Au maréchal Marmont, comme à toutes les personnes avec qui il parlait de la France, le jeune prince exprimait l’idée qu’il ne devait, dans aucun cas, jouer un rôle d’aventure ni servir de sujet et de prétexte à des expériences politiques ; il rendait cette juste pensée avec une dignité et une hauteur déjà souveraines : « Le fils de Napoléon, disait-il, doit avoir trop de grandeur pour servir d’instrument, et, dans des événements de cette nature, je ne veux pas être une avant-garde, mais une réserve, c’est-à-dire arriver comme secours, en rappelant de grands souvenirs. » Dans une conversation avec le maréchal, et dont les sujets avaient été variés, il en vint à traiter une question abstraite ou plutôt de morale, et comparant l’homme d’honneur à l’homme de conscience, il donnait décidément la préférence à ce dernier, « parce que, disait-il, c’est toujours le mieux et le plus utile qu’il désire atteindre, tandis que l’autre peut être l’instrument aveugle d’un méchant ou d’un insensé ». […] Ces questions politiques ont aujourd’hui perdu de l’intérêt actuel qui les rendait encore si vivantes il y a douze ans ; je ne fais que les indiquer en passant ; mais dans ces volumes du duc de Raguse, je voudrais citer pourtant, comme pages durables et dignes d’un moraliste social aussi judicieux que fin, l’appréciation qu’il fait de la race arabe, des Arabes du désert et des qualités essentielles qui les caractérisent : D’abord, dit-il, la patience qu’ils montrent en tout.

2684. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Nous avons vu ainsi des ministres qui, après leur chute, disaient volontiers à tous ceux qu’ils rencontraient en chemin : « J’ai eu bien des torts envers vous, je ne vous ai pas traité comme je l’aurais dû. » Rendez-leur le pouvoir demain, ils en feront autant52. […] Les générations ne sont pas à la veille de tomber dans la barbarie parce qu’elles apprendront un peu plus de sciences et un peu moins de lettres proprement dites, parce qu’on saura des mathématiques, de l’astronomie physique, de la botanique et de la chimie, qu’on se rendra mieux compte de cet univers où l’on vit et qu’il était honteux d’ignorer.

2685. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Le fait qu’une société est demeurée très longtemps Sans varier, durcie dans une même forme pendant des siècles, — plus que le fait de s’être écartée de ses origines par un grand nombre de transformations, — la rend impropre à des métamorphoses nouvelles. […] Entre ces deux mesures extrêmes, il y a place pour un lent pouvoir de métamorphose où la faculté de se concevoir autre fait preuve du caractère d’excellence que ce chapitre avait pour objet de rendre manifeste.

2686. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle Comme un devoir m’est de répondre à l’heur qui m’est offert de résumer en cette Revue l’égoïste vouloir de ma Poésie, en même temps de rendre à chacun ce qui lui est dû avec l’impartialité de qui admire et de qui, d’autre part, ne peut être ému devant choses lui étant indifférentes. […]   Étant donné tel état de l’esprit à exprimer, il n’est donc pas seulement à s’occuper de la signification exacte des mots qui l’exprimeront, ce qui a été le seul souci de tout temps et usuel : mais ces mots seront choisis en tant que sonores, de manière que leur réunion voulue et calculée donne l’équivalent immatériel et mathématique de l’instrument de musique qu’un orchestrateur emploierait à cet instant, pour ce présent état d’esprit : et de même que pour rendre un état d’ingénuité et de simplesse, par exemple, il ne voudrait pas évidemment dès saxophones ou des trompettes, le poète instrumentiste pour ceci évitera les mots chargés d’O, d’A et d’U éclatants.

2687. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Le spiritualisme lui-même, souvent trop timide et qui craint trop d’ennuyer, plus occupé d’ailleurs de se défendre que de développer ses doctrines, n’a pas rendu jusqu’ici à son vrai maître, Maine de Biran, tout l’honneur qui lui était dû28. […] Ce que l’on appelle le moi, c’est cette union de l’un et du plusieurs rendue intérieure à soi-même par la conscience, et par une conscience continue.

2688. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Rien, en effet, ne rend les hommes plus sociables, n’adoucit plus leurs mœurs, ne perfectionne plus leur raison, que de les rassembler pour leur faire goûter ensemble les plaisirs purs de l’esprit. […] La comédie fait rire ; et c’est ce qui la rend comique ou comédie.

2689. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Il fallait rendre la demi-teinte, où l’on a tenu la tête du saint, peut-être un peu moins forte, parce qu’elle voile son expression. […] rendit la chose par les gestes d’une personne qui mesurait une grande taille, et que le pantomime Pylade qui était présent au spectacle lui cria : tu le fais haut, et non pas grand. l’application est facile.

2690. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Collin, pour se rendre maître du métier d’écrire, c’est à l’étude de cette question que M.  […] Personne ne pense à exposer la méthode et à préciser comment on fait une bonne phrase, par quel travail acharné on parvient à la rendre excellente, définitive, comment on traduit, on pousse, on fait resplendir une idée.

2691. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Dieu qui a voulu aussi que l’homme social eût des serviteurs parmi les animaux, a dit au taureau : « Tu abaisseras tes cornes menaçantes sous le joug, pour rendre fertile la terre que j’ai donnée à l’homme. » Il a dit au cheval : « Sois son noble compagnon dans ses travaux et dans ses dangers » ; au chameau, doué de sobriété : « Tu traverseras avec lui les déserts, en t’abstenant de boire et de manger » ; au renne : « Tu traîneras le Lapon autour des glaces du pôle ». […] L’universalité de la science rend peut-être la science aussi stationnaire que la concentration.

2692. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Ce rythme a de la cadence, une allure vive et sautillante, et, bien que la place, toujours la même, imposée aux césures, nécessite de nombreux enjambements, l’usage judicieux de ce mètre peut rendre de vrais services. […] Qu’on rime pour l’oreille et non pour les yeux ; qu’on ait le droit d’appareiller un singulier avec un pluriel, si du moins ils rendent tous deux le même son, car on ne voit pas pourquoi enfant et triomphants ne seraient pas des rimes admissibles, lorsque enfants et faons sont des rimes certainement admises ; qu’on se moque de la césure et de l’hémistiche, mais non de l’accent tonique ; qu’on se permette certains hiatus lorsqu’ils sont une liaison plutôt qu’un heurt ; qu’on supprime enfin les difficultés inutiles de la poétique, comme on le fait ailleurs pour celles de l’orthographe, mais de même qu’on doit respecter les lois primordiales de la syntaxe française, qu’on respecte aussi les lois organiques du vers français.

2693. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Les vérités moyennes sur lesquelles il s’exerce sont les lieux communs ; et, comme il les développe, il les rend plus communs encore. […] Si vous n’avez pas ces visions, si vous n’êtes pas obsédé par les tout-puissants fantômes des morts que vous voulez rendre à la lumière, si les personnages ressuscites n’habitent pas votre esprit, avides d’en sortir et de rentrer dans la vie, n’essayez pas d’être peintre.

2694. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires sur Voltaire. et sur ses ouvrages, par Longchamp et Wagnière, ses secrétaires. »

., ce qui en rend la lecture assez pénible.

2695. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

Boissy-d’Anglas, a depuis longtemps rappelé les titres littéraires et politiques de son ami, et l’a presque confondu avec Malesherbes dans le même culte pieux qu’il leur rend.

2696. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur. Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome II. »

Après de justes hommages rendus en passant à l’hospitalité polonaise, notre ambassadeur arrive enfin à Saint-Pétersbourg, et nous introduit avec lui à la cour de Catherine le Grand.

2697. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Gilbert Augustin-Thierry »

Moyennant quoi l’on voit se dégager à demi des ténèbres qui les rendent redoutables quelques-unes des lois qui semblent présider au développement moral du monde : lois de solidarité, de réversibilité, de responsabilité collective, d’expiation familiale ; et par suite on entrevoit d’étranges communications, non encore définies, des âmes entre elles et de celles des vivants avec celles des morts, de subites et effrayantes lacunes de la personnalité et de l’identité du moi, et des sortes de substitutions de consciences

2698. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bornier, Henri de (1825-1901) »

Il a fait entendre à Caen, au rendez-vous de la Pomme, la chanson paternelle des Cigaliers… Enfin il a payé sa dette avec un gracieux apologue aux fêtes données en l’honneur de Florian, tout près de ce parc de Sceaux où la duchesse du Maine avait tenu sa cour de petits poètes et présidé l’ordre de la Mouche à miel. — À la suite de ces poésies lyriques, parmi lesquelles se détache encore l’hymne éclatant à la mémoire de Paul de Saint-Victor, se placent des poèmes philosophiques qui ont aussi leur grande valeur, d’un symbolisme profond et d’une émotion communicative ; quelques-uns m’ont rappelé, avec une langue plus moderne, certaines inspirations très heureuses d’Émile Deschamps, qui présente quelques analogies avec notre poète, ne serait-ce que par un caractère commun dans leur talent, caractère de conciliation et de transaction.

2699. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

À force de vouloir l’homme heureux, il parviendrait à le rendre tel, par un miracle de charité.

2700. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

Que n’eût pas été cet ouvrage, qui abonde, d’ailleurs en beautés de premier ordre et à qui toute justice n’a pas été rendue, si le poète, en l’écrivant, n’eût pas senti peser sur lui sa précoce gloire de chef de l’école de bon sens ?

2701. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une petite revue ésotérique » pp. 111-116

Le Sagittaire dut effectivement rendre l’âme après quatorze mois d’une existence assez orageuse.

2702. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — II »

Ils n’entrent en effet en relation avec tous ces objets du monde extérieur, ainsi qu’on vient d’en faire la remarque, qu’autant que leur sensibilité est encore affectée par eux : quelque joie à considérer les formes et les couleurs leur rend seule perceptibles les formes et les couleurs, quelque émotion, au contact des passions humaines leur permet seule de connaître les passions humaines.

2703. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre IV. De quelques poèmes français et étrangers. »

III, 10, 3) dit, sur le témoignage de différents auteurs, qu’il rendit la vie à Capanée, à Lycurgue, à Tyndare, à Hyménéus, à Glaucus.

2704. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

sont pleines de chaleur ; autant elles remuent le cœur, autant elles rendent déchirantes les paroles qui suivent.

2705. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVIII. Des Livres sur l’Art Militaire & sur les sciences qui y ont rapport. » pp. 370-378

Traité des moyens de rendre les rivieres navigables, à Amsterdam 1696.

2706. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Les personnages allegoriques parfaits sont ceux que la poësie créé entierement, ausquels elle donne un corps et une ame, et qu’elle rend capables de toutes les actions et de tous les sentimens des hommes.

2707. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler » pp. 103-111

Comme nous n’avons point dans notre langue un mot generique qui rende celui de canere, le lecteur voudra bien me pardonner les frequentes periphrases dont je me suis déja servi pour le traduire, et celles dont je serai encore obligé de me servir, afin d’éviter les équivoques où je tomberois, si j’allois emploïer le mot de chanter absolument, tantôt pour dire executer un chant musical, et tantôt pour dire en general executer une déclamation notée.

2708. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

C’était rond, poli, pesant, et cela rendait un bruit sec !

2709. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

Mais ce qui le rend différent, ce qui appartient à Barbara, et ce que cet écrivain n’a trouvé qu’en creusant dans la nature humaine, c’est le besoin, subsistant avec une égale force dans les âmes criminelles, de taire son crime et de l’avouer !

2710. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

L’écrivain futur est au fond de ce style solide, rapide et ferme, lequel n’a pas, il est vrai, le coup de lime définitif qui donne au fer l’éclat de l’acier, mais qui brille de force à plus d’un endroit et semble mépriser toutes les petites gentillesses littéraires de ce temps d’énervation et de prétention intellectuelle pour aller au fait, l’appréhender et le rendre avec un relief vigoureux.

2711. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Une épreuve si effroyable devait rendre les gens de l’arrière meilleurs, comme ils se sentaient eux-mêmes.

2712. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

A une époque où les renommées littéraires se font et s’entretiennent par d’habiles réclames, où nous voyons avec tristesse des hommes que leur talent seul suffirait à rendre glorieux, pris de la rage de s’exhiber en public, eux, leur famille et leurs animaux domestiques, — c’était un spectacle salutaire que celui de ce philosophe sans cesse occupé à dérober aux regards des marchands de publicité sa vie de labeur et d’étude. »‌ Voilà qui est parfaitement dit ; je me hâte d’y souscrire, pour reprendre bien vite le droit de présenter quelques objections.‌

2713. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

C’est par l’effet de ce défaut de réflexion, qui rend les barbares incapables de feindre, que Dante, tout profond qu’il était dans la sagesse philosophique, a représenté dans sa Divine Comédie, des personnages réels et des faits historiques.

2714. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Toute cette première partie est dominée par une scène très simple, impossible à rendre au théâtre : nous voulons parler de cette soirée où les contrebandiers poursuivis, après avoir achevé eux-mêmes un des leurs, s’arrêtent dans un hallier épuisés de faim et de fatigue ; quelques-uns d’entre eux, tirant un paquet de cartes, jouent à la lueur d’un feu qu’ils allument. « Pendant ce temps-là, moi, j’étais couché, regardant les étoiles, pensant au Remendado (l’homme massacré) et me disant que j’aimerais autant être à sa place. […] Il n’arrive pas à la synthèse de l’intelligence et du sentiment, qui rend seule la vie, exprime l’homme complet dans son fond le plus obscur connue dans son être le plus conscient. […] Certes, nous ne demandons pas au romancier de nous représenter le « libre arbitre » ; mais au moins devrait-il, outre la force des appétits, nous montrer aussi la force des sentiments et des idées, — même celle des beaux sentiments et des belles idées, qui ne laissent pas d’en avoir une ; il devrait, en un mot, mettre en jeu ce qu’on a appelé les « idées-forces », qui n’excluent pas le déterminisme, mais qui le complètent, le rendent flexible et, en le rapprochant de la liberté, permettent la réalisation progressive de l’idéal moral et social. […] On doit lui rendre cette justice qu’on ne rencontre nulle part autant que dans ces romans une persistance pareille à rechercher les sujets scabreux et à les détailler. […] Son roman et son drame vivent du coup de théâtre, que la plupart du temps il ne prend même pas la peine de ménager, de rendre plus ou moins plausible.

2715. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Pour que la parole intérieure devienne exclusive de la sensation actuelle, il faut et il suffit qu’elle nous intéresse ; or le drame que nous imaginons peut nous intéresser faiblement : il n’est souvent qu’une rêverie qui nous repose et à laquelle nous ne nous attachons pas ; et, si notre passion nous intéresse toujours, le moindre problème de science ou de conduite peut tout aussi bien concentrer sur lui la totalité de la conscience ; une méditation purement intellectuelle peut rendre momentanément aveugle et sourd celui qui s’y livre. […] Mais, s’il ne nous dit que des paroles bonnes et sensées, alors, bien loin d’être troublés par sa venue, nous lui rendrons amitié pour amitié, nous aimerons sa présence et nous respecterons sa voix175. […] Enfin, si, comme il est vraisemblable, Platon a rendu plus fidèlement que Xénophon certains côtés du caractère de Socrate, celui-ci a dû souvent évoquer en souriant le signe divin et le mêler par ironie à des événements sans importance205 ; il a pu quelquefois présenter à ses amis les conseils réfléchis de sa prudence comme des avis mystérieux de la sagesse divine, afin d’éviter une discussion qui, malgré toute son habileté, eût risqué d’être moins persuasive206 ; sans doute aussi, il y avait une part d’ironie dans les rapprochements qu’il aimait à faire entre les grossiers procédés de divination de ses contemporains et le subtil oracle qu’il savait si bien interpréter. […] Nous conservons provisoirement l’expression consacrée ; elle ne rend pas exactement […], littéralement le divin, seul terme employé (avec […], un dieu, comme synonyme) par Xénophon et Platon. […] ne se rencontre pas, dans les écrits sur ce sujet, avant Plutarque (Fouillée, La philosophie de Socrate, t.  […] Pierre-Georges Castex, 1976, Le Père Goriot, p. 94 (peu après le début, la première fois que Rastignac se rend chez Mme de Restaud).

2716. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

. — Mais indépendamment des services qu’elles peuvent rendre par leur association à une perception présente, les images emmagasinées par la mémoire spontanée ont encore un autre usage. […] Le seul service régulier et certain que la seconde puisse rendre à la première est de lui montrer les images de ce qui a précédé ou suivi des situations analogues à la situation présente, afin d’éclairer son choix : en cela consiste l’association des idées. […] Or, entre ces deux conditions extrêmes, l’une où la perception n’a pas encore organisé les mouvements définis qui l’accompagnent, l’autre où ces mouvements concomitants sont organisés au point de rendre ma perception inutile, il y a une condition intermédiaire, où l’objet est aperçu, mais provoque des mouvements liés entre eux, continus, et qui se commandent les uns aux autres. […] Notre système nerveux est évidemment disposé en vue de la construction d’appareils moteurs, reliés, par l’intermédiaire des centres, à des excitations sensibles, et la discontinuité des éléments nerveux, la multiplicité de leurs arborisations terminales capables sans doute de se rapprocher diversement, rendent illimité le nombre des connexions possibles entre les impressions et les mouvements correspondants. […] D’un côté, l’attention a pour effet essentiel de rendre la perception plus intense et d’en dégager les détails : envisagée dans sa matière, elle se réduirait donc à un certain grossissement de l’état intellectuel 32.

2717. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Une espèce qui surgit apporte avec elle, dans l’indivisibilité de l’acte qui la pose, tout le détail de ce qui la rend viable. […] On répondra que la vérification était possible en droit, sinon en fait, que d’autres voyageurs étaient libres d’y aller voir, que d’ailleurs la carte dressée sur les indications d’un voyageur unique était provisoire et attendait que des explorations ultérieures la rendissent définitive. […] Or il se trouve précisément que l’approfondissement d’un certain ordre de problèmes, tout différents du problème religieux, nous a conduit à des conclusions qui rendaient probable l’existence d’une expérience singulière, privilégiée, telle que l’expérience mystique. […] Tout ce qu’elle fournirait d’information à la philosophie lui serait rendu par celle-ci sous forme de confirmation. […] Quant à la souffrance morale, elle est au moins aussi souvent amenée par notre faute, et de toute manière elle ne serait pas aussi aiguë si nous n’avions surexcité notre sensibilité au point de la rendre morbide ; notre douleur est indéfiniment prolongée et multipliée par la réflexion que nous faisons sur elle.

2718. (1932) Les idées politiques de la France

Le pouvoir sans contrôle, a dit Alain, rend fou. […] Mais il s’agit alors de rendre la jeunesse docile, d’en extirper les poisons, comme le baptême a extirpé Satan, de la ployer à une tradition, de lui communiquer le plus possible de l’expérience des vieillards. […] La formation d’une nation italienne rendit plus paradoxal et d’aspect plus difficile l’internationalisme constitutif de la papauté. […] Il le rend au courant de la vie. […] Ou bien il militera pour le libéralisme, c’est-à-dire pour les conditions sociales qui rendent sa critique possible.

2719. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

Son âge même était gravé dans toutes les mémoires, et la date, lorsque l’on s’interrogeait ces jours derniers, revenait voltiger en chanson : Dans ce Paris plein d’or et de misère, En l’an du Christ mil sept cent quatre-vingts, Chez un tailleur, mon pauvre et vieux grand-père, Moi nouveau-né, sachez ce qui m’advint… Sa vie fut simple ; par son bon sens, par sa probité, par la modération de ses mœurs et de ses goûts, il sut la rendre constante et digne.

2720. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

croit-elle qu’on lui rendra Tous les encens qu’elle rejette ?

2721. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Tissot, déjà honoré à sa première publication du suffrage de Chénier, nous paraît un service de plus rendu par le respectable écrivain à la poésie et aux lettres latines, dont il fait passer dans notre langue une des plus agréables productions.

2722. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemercier, Népomucène Louis (1771-1840) »

Le Portugal délivré de ses oppresseurs avec tant de courage et d’activité ; une révolution durable et complètement faite en quelques heures ; une seule victime, Vasconcellos ; la multitude agissante, et soudain le calme rendu à cette multitude redevenue corps de nation : tout cela ne paraissait guère susceptible de ridicule.

2723. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

Ce même Ecrivain avoit dit auparavant, en parlant de l’Esprit des Loix : « Le genre humain avoit perdu ses titres ; Montesquieu les a retrouvés, & les lui a rendus ».

2724. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

Vous ne lui rendrez pas le souffle qui lui manque.

2725. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Il a fallu que le christianisme vînt chasser ce peuple de faunes, de satyres et de nymphes, pour rendre aux grottes leur silence, et aux bois leur rêverie.

2726. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Il y a des passions bien difficiles à rendre.

2727. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 4, du pouvoir que les imitations ont sur nous, et de la facilité avec laquelle le coeur humain est ému » pp. 34-42

L’amour de soi-même qui se change presque toujours en amour propre immoderé à mesure que les hommes avancent en âge, les rend trop attachez à leurs interêts presens et à venir, et trop durs envers les autres, lorsqu’ils prennent leur resolution de sens rassis.

2728. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Il est vrai que ces artisans sçavent enrichir leurs sujets, ils peuvent rendre les sujets qui sont naturellement denuez d’interêt, des sujets interessans : mais il arrive plusieurs inconveniens à traiter de ces sujets qui tirent tout leur pathétique de l’invention de l’artisan.

2729. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 11, les romains partageoient souvent la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont l’un prononçoit tandis que l’autre faisoit des gestes » pp. 174-184

En troisiéme lieu, comme les masques des comédiens servoient alors pour augmenter la force de la voix, ainsi que nous l’exposerons plus bas, ces masques devoient en alterer le son assez pour rendre difficile de connoître si, par exemple, la voix que Micion avoit euë dans le cantique étoit la même voix que Micion avoit dans les dialogues.

2730. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

Mais rend-on responsable de L’Amer Boulanger le « brav’ général » de Clermont-Ferrand ?

2731. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ii »

Après les avoir vus à l’œuvre deux ans sous les obus, à Reims, le cardinal Luçon leur rend ce témoignage : « Mêlés à leurs camarades dans le rang, les Jeunes Catholiques ont certainement exercé par leurs discours et leurs exemples un véritable apostolat et secondé très efficacement celui du prêtre soldat. » Rares seront les survivants, constate l’un de leurs chefs, et relevant avec fierté une phrase effroyable, il dit : « Il est trop vrai que la jeune génération catholique est enterrée dans les tranchées.

2732. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

De ces cinq motifs les deux premiers et le dernier impliquaient une louange de la sagesse divine, qui a ordonné le monde civil, et un témoignage que lui rendaient les philosophes, même au milieu de leurs erreurs.

2733. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

On se rendait, une fois par semaine seulement, à ces prédications de la philosophie ; on y arrivait comme avec ferveur et discrétion ; il semblait qu’on y vînt puiser à une science nouvelle et défendue, qu’on y anticipât quelque chose de la foi épurée de l’avenir. […] Jouffroy a justifié ce qu’on attendait de lui ; mais pour ceux qui l’ont entendu dans l’enseignement privé, rien n’a rendu ni ne rendra le charme et l’ascendant d’alors113.

2734. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Les vrais auteurs de ces coups d’État sont ceux qui les rendent possibles et quelquefois inévitables. […] Cette royauté suspendue sur la tête du roi passe à l’Assemblée constituante ; une constitution règne métaphysiquement à sa place ; l’Assemblée constituante rend un trône presque aboli à ce fantôme de roi captif. […] Il m’avait tout offert, avec des instances qui rendaient le refus difficile à un cœur touché de ses embarras ; j’avais tout refusé.

2735. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

II C’est ainsi que le disciple de Socrate, après la mort de Socrate, l’homme pratique, son inspirateur ; c’est ainsi que Platon écrivit sa République idéale, pandémonium de toutes les chimères, capable de donner le vertige à toute la démagogie d’Athènes, si Périclès n’était pas né pour rendre le bon sens aux philosophes, et la discipline volontaire au peuple qui vit de bon sens. […] J’allai au-devant d’eux dans une vaste enceinte, et, me plaçant devant une grande table qui rompait la colonne et qui m’empêchait d’en être submergé, j’attendis que la plénitude du lieu rendît la foule immobile, et, m’adressant aux premiers rangs, composés des chefs, au milieu desquels rayonnaient quelques belles figures d’artisans plus éclairées que les autres des rayons du bon sens qui transperce l’ignorance et la force brutale des masses : « — Que demandez-vous de nous ?  […] Je suis pressé ; vous me déposerez à la hauteur de la rue des Capucines ; il faut que je me rende au ministère des affaires étrangères.

2736. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Certes, M. de Ruder eût été son Lamartine en peinture ; un habile burin lui aurait rendu cette figure qui n’a besoin ni de couleurs, ni de tons, ni de nuances pour passionner le regard. […] C’est que je suis allée me confesser ce matin : et comme il y avait du monde, et que j’avais froid à l’église, je suis sortie et me suis assise au soleil dans le cimetière ; et là les réflexions sont venues, et les pensées vers l’autre monde, et le compte qu’on rend à Dieu. […] Qui sait si les oiseaux les consultent, s’ils ne règlent pas sur des fleurs leur coucher, leur repas, leurs rendez-vous ?

2737. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Le Christianisme n’était pas libre ; mais déjà il avait la force de rendre libre : celui qui dans le Christianisme comprenait bien la doctrine du Dieu Homme gagnait la liberté de son âme. […] Au temps de la plus grande misère des cœurs, c’est par le sang Aryen que fut rendu possible le plus haut élan de l’Art vers la représentation parfaite de l’homme idéal. […] Or pour les spectateurs la compréhension de la musique est souvent rendue ou difficile ou tout à fait impossible, s’ils ne peuvent se faire une idée claire du drame qui tout d’abord s’offre à eux, s’ils ne comprennent pas les paroles par lesquelles les personnes du drame unissent dans leur sphère le cœur musical à la tête dramatique, pour former l’entier organisme artistique.

2738. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Une vingtaine de nos compatriotes, venant de Bayreuth, s’y sont rendus ; l’un d’eux nous a envoyé quelques notes. […] C’est là que nous nous sommes également rendus, après avoir assisté, en deux jours, à la dépopulation soudaine et complète de Bayreuth. […] Et je me félicite de cette occasion, de rendre honneur et justice à qui honneur et justice sont dûs.

2739. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Nous ne voyons pas les rayons du soleil se jouer sur les feuilles dans un jour nébuleux, et cependant ce sont ces rayons qui rendent les feuilles et les autres objets visibles. […] L’éclat plus grand du soleil peut rendre inappréciable la lumière stellaire, mais elle n’empêche pas son action. […] Ce caractère d’intériorité qui la distingue rend impossible l’explication de son objectivité, de son extériorité.

2740. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Il faut qu’il s’affranchisse de ces fausses évidences qui dominent l’esprit du vulgaire, qu’il secoue, une fois pour toutes, le joug de ces catégories empiriques qu’une longue accoutumance finit souvent par rendre tyranniques. […] Ce qui rend cet affranchissement particulièrement difficile en sociologie, c’est que le sentiment se met souvent de la partie. […] Il est vrai que la complexité plus grande des faits sociaux en rend la science plus malaisée.

2741. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Pour s’en convaincre tout de suite, on n’a qu’à rendre effectivement indécomposables les deux systèmes considérés, à en faire par exemple deux points matériels. […] Car le Temps ralenti du système mouvant n’est que du Temps attribué ; ce temps simplement attribué est le temps marqué par l’aiguille de l’horloge mouvante aux yeux d’un physicien simplement représenté ; l’horloge devant laquelle ce physicien est placé n’est alors qu’une horloge fantasmatique, substituée pour toute la durée du voyage à l’horloge réelle : de fantasmatique elle redevient réelle à l’instant où elle est rendue au système immobile. […] Dès qu’il s’en rend explicitement compte, la réciprocité de l’accélération lui apparaît, car le système où il s’installe est interchangeable avec tout autre système qu’il considère, quel qu’en soit le mouvement, pourvu que ce système soit pris en lui-même et non pas dans la représentation perspective qu’il s’en donne provisoirement.

2742. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

S’ils ne sont pas encore du monde, ils en seront bientôt, et pour s’en rendre dignes, ils en prennent, ou plutôt ils en ont déjà les manières. […] Nous lui en savons encore gré, si c’est le signe du grand écrivain que de rendre ainsi « littéraire » ce qui ne l’était pas ; de le faire entrer d’un seul coup, dans la circulation de l’usage ; et de l’y maintenir, après lui, par la seule autorité de son œuvre et de son nom. […] Le mépris que mes profondes méditations m’avaient inspiré pour les mœurs, les maximes et les préjugés de mon siècle me rendait insensible aux railleries de ceux qui les avaient, et j’écrasais leurs petits bons mots avec mes sentences, comme j’écraserais un insecte entre mes doigts » [Cf.  […] Ils ont senti frémir dans la Nouvelle Héloïse cette ardeur de passion qu’ils ne connaissaient plus eux-mêmes, mais dont ils se rendaient si bien compte que le théâtre et le roman ne leur donnaient qu’une impuissante et misérable parodie. […] Encore ici c’est Voltaire qui mène la campagne, et le Traité de la tolérance, 1763, rend à lui seul son nom plus populaire en un jour que toute son œuvre en un demi-siècle.

2743. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Ils sentent qu’au-delà des vérités limitées de l’âge oratoire, il y a des explications plus profondes ; ils vont au-delà de Descartes et de Locke, comme les alexandrins au-delà de Platon et d’Aristote ; ils comprennent qu’un grand ouvrier architecte ou des atomes ronds et carrés ne sont point des causes, que des fluides, des molécules et des monades ne sont point des forces, qu’une âme spirituelle ou une sécrétion physiologique ne rend point compte de la pensée. […] Les uns sont pleins d’amour divin, les autres sont pleins d’eau-de-vie1160. » Les jeunes gens ont pris rendez-vous avec les filles, et le diable a fait ses affaires encore mieux que le bon Dieu. […] Il était de ceux auxquels les femmes se dévouent, qu’elles aiment maternellement, par compassion d’abord, par attrait ensuite, parce qu’elles trouvent en eux seuls les ménagements, les attentions minutieuses et tendres, les respects délicats que notre rudesse ne sait leur rendre, et dont leur être plus sensible a pourtant besoin. […] » Voilà, pour cette sorte d’hommes, la pensée maîtresse qui les rend sérieux, méditatifs et ordinairement tristes1217. […] Qu’importe que mon vers soit une ligne de prose rimée, si cette ligne rend visible une émotion noble ?

2744. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Les microbes qui fixent l’azote de l’atmosphère et ceux qui, tour à tour, convertissent les composés ammoniacaux en composés nitreux, ceux-ci en nitrates, ont rendu à l’ensemble du monde végétal, par la même dissociation d’une tendance primitivement une, le même genre de service que les végétaux en général rendent aux animaux. […] Il fournit ensuite à l’animal la chaleur dont il a besoin pour se rendre aussi indépendant que possible des variations de la température extérieure. […] L’intérêt bien entendu de l’animal était donc de se rendre plus mobile. […] Il sera toujours aisé de rendre ensuite les formes plus floues, de corriger ce que le dessin aurait de trop géométrique, enfin de substituer à la raideur d’un schéma la souplesse de la vie. […] Fabriquer consiste à informer la matière, à l’assouplir et à la plier, à la convertir en instrument afin de s’en rendre maître.

2745. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

XXIX La perte de son ami causa une profonde douleur à Robert ; cette douleur même le rendit plus empressé à consoler le deuil de la princesse. […] La mère est infirme et ne peut vivre longtemps ; la fille est menacée de se voir bientôt seule au monde, ce qui rend sa position si intéressante. […] écrit-il encore trois mois avant sa mort, cet attachement ne me rend pas malheureux autant que vous le pouvez penser, et, vous le dirai-je ? […] On conçoit tout ce qu’il devait en coûter à cette femme, qui recevait de Léopold plus qu’elle ne pouvait rendre, de lui faire un pareil aveu ; cet aveu ne se fait jamais que par l’événement à un ami jeune et passionné, qui regarde toujours comme dérobé à son espérance ce qu’on a donné de tendresse à un autre.

2746. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Mon habitude des patois latins parlés uniquement par moi jusqu’à l’âge de douze ans, dans les montagnes de mon pays, me rendait ce bel idiome intelligible. […] car la cueillette veut et inspire les chants. — Beaux sont les vers à soie quand ils s’endorment de leur troisième somme ; les mûriers sont pleins de jeunes filles que le beau temps rend alertes et gaies, telles qu’un essaim de blondes abeilles qui dérobent leur miel aux romarins des champs pierreux. […] Les mûriers sont pleins de jeunes filles que le beau temps rend gaies et rieuses, telles qu’un essaim de blondes abeilles qui dérobent leur miel dans les champs pierreux. » X Ici Vincent, dans des stances timides et indirectes, compare la beauté de sa sœur à celle de Mireille, et, à chaque compliment qui l’étonne et la flatte, laissant de nouveau échapper la branche de l’olivier : « Oh ! […] Déjà Mireille, sous l’étoffe que la nichée rendait bouffante, envoie la main, et dans la coiffe déjà, une à une, rapporte les mésanges.

2747. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Cousin a rendus à la philosophie a été d’introduire parmi nous cette distinction et de l’exposer avec son admirable lucidité. […] Mille causes de respect et de timidité empêchent sur ce point la franchise, sans laquelle il n’y a pas de discussion rationnelle, et rendent au fond la position de ces grands systèmes plus défavorable qu’avantageuse aux yeux de la science. […] Ne serait-il pas possible de réaliser ce prodige par un progrès de l’esprit scientifique, qui rendrait profondément sympathique à tout ce qu’a fait l’humanité ? […] Combien il s’en faut encore que les mines du passé aient rendu tous les trésors qu’elles renferment !

2748. (1894) Textes critiques

[Compte rendu d’une conférence de Gabriel Randon]‌ Le 6 décembre en la salle des Concerts d’Harcourt, très simple malgré les lumières baissées, et le lampe cryptogamique en sa lumière souterraine, Gabriel Randon expose le programme de ses Conférences, d’un ton voulu de commissaire-priseur ou de qui lirait un mémoire. […] [Compte rendu de plusieurs choses de Paul Fort]‌ Plusieurs choses, par Paul Fort, ourdies, comme l’une d’elles s’avoue, du noir, blanc, rouge et bleu des tapisseries, mais où gelèrent en cristaux polymorphes une goutte de sang mordoré, un pleur glauque du Lac oculaire, et de l’écaille du ciel gris un morceau translucide de cristal cassé qui coupe blanchement. […] Il est très absurde que j’aie l’air de faire cette sorte de compte rendu ou description de ces peintures. […] Pour le rendre acceptable aux Français, on le fait se dérouler en Grèce.

2749. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

l’arbre qu’on a coupé n’est pas encore sans espérance ; il peut reverdir, il peut végéter de nouveau ; lors même que ses racines auraient été desséchées sous la poussière, l’humidité de l’eau lui rendrait la sève, et ses feuilles renaîtront comme au jour où il fut planté. […] … et le Seigneur m’a rendu la vie ! […] Pour nous en rendre bien compte, résumons-nous, en nous-même, notre propre philosophie naturelle, abstraction faite de ce que nos croyances, nos dogmes, nos cultes divers peuvent y ajouter de symboles de vérités ou de ténèbres. […] qui de nous ne l’a commis mille fois dans la vie, s’il a ces fibres fortes et sensibles auxquelles les tortures de la vie et de la mort font rendre des gémissements et des hurlements qui vont du suicide du corps jusqu’au blasphème, ce suicide de l’âme ?

2750. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Veut-on trouver dans son Histoire le contrecoup même de la dédicace et de l’éloge adressé à Richelieu au sujet de la prise de Perpignan : qu’on ouvre le règne de Charles VIII ; Mézeray y montre ce roi assez souvent victorieux, mais peu politique, restituant à la maison d’Autriche une partie de l’Artois et la Franche-Comté : Ce ne fut pas, remarque-t-il, sans un grand étonnement des sages politiques que le roi restitua ces deux comtés : mais ce fut avec murmure et indignation de la France, et à la risée de toute l’Europe, qu’il rendit encore celle (la comté) de Roussillon au roi d’Aragon. […] Mézeray est modeste sur les erreurs ; il reconnaît qu’il a dû en commettre beaucoup : « Et vraiment il n’est pas au pouvoir d’un homme mortel de faire une course de douze siècles sans broncher. » De son style il déclare qu’il ne dira rien ; mais on voit qu’il y tient et qu’à ce début il l’a soigné : « C’est à vous, dit-il aux lecteurs désintéressés, à prononcer si j’ai écrit d’une belle manière, si j’ai découvert quelques lumières qui n’eussent pas encore été démontrées ; là où j’ai touché au but, et là où je m’en suis éloigné. » Il nous rappelle ce que nous ne devons jamais oublier quand nous nous reportons à la première époque où parurent ces ouvrages une fois en vogue, et dès longtemps vieillis : c’est que, si la matière était déjà vieille alors et semblait telle, la forme qu’il lui donnait à son heure la rendait toute nouvelle.

2751. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Cette bouche d’or, qui avait rempli le Temple, ce beau vase sonore et qui rendait des sons si humains et si divins tout ensemble, n’était point destiné à être la colonne pour porter le faix. […] Nous en sortions transportés, et nous regrettions des moments que sa solitude et ses occupations rendaient tous les jours plus rares.

2752. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Il accordait à l’Académie française la gloire un peu exagérée d’avoir la première institué la discussion littéraire dans ces termes philosophiques, et d’avoir conclu de l’admiration mal fondée que l’on avait eue pour les vieux philosophes, qu’il fallait examiner de plus près celle que l’on avait encore pour les anciens poètes : « L’ouverture de cette dispute, disait-il un peu magnifiquement, a achevé de rendre à l’esprit humain toute sa dignité, en l’affranchissant aussi sur les belles-lettres du joug ridicule de la prévention. » C’était par là que Terrasson croyait qu’il nous appartenait de devenir littérairement supérieurs aux Latins, lesquels, supérieurs de fait aux Grecs, n’avaient jamais osé en secouer le joug. […] Après avoir négocié la paix entre eux, il en rendit l’acte solennel dans cette assemblée, où les chefs des deux partis furent convoqués.

2753. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Et pourtant, ayant été refusé pour son âge, qui le rendait impropre aux austérités, par le prieur de la Chartreuse de Paris d’abord, comme aussi par le provincial des célestins vers qui ensuite il se tourna, on le voit plein d’inquiétude et de scrupule jusqu’à ce que des docteurs autorisés l’aient rassuré et lui aient dit qu’il pouvait, en conscience, se regarder comme relevé de son vœu. […] Ayant bien battu et gagné ce point et rendu les hommes comme académiciens et pyrrhoniens, il faut proposer les principes du christianisme comme envoyés du ciel et apportés par l’ambassadeur et parfait confident de la divinité, autorisé et confirmé en son temps par tant de preuves merveilleuses et témoignages très aulhentiques.

2754. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Je voudrais rendre mon impression et donner mon avis avec plus de liberté que je ne l’aurais pu faire convenablement ailleurs7 sur quelques hommes et quelques écrits qui ont occupé l’attention publique en ces dernières années. […] Aujourd’hui qu’il est couché dans le tombeau et que l’idée entière de l’homme plane et surnage, rendons-lui son nom véritable : c’est le soldat de l’avenir, le soldat démocratique croyant et fervent, sans paix ni trêve, ne connaissant que le cri En avant !

2755. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Je n’en pensais pas plus que je n’en ai dit alors sur les défauts mêlés aux mérites, et, ces réserves faites, ces correctifs apportés, et, si l’on veut, ces malices rendues, je restais dans ma mesure d’admiration et de respect pour le caractère de l’homme et pour le talent du poëte. […] Il donne encore d’autres raisons plus justes de son refus, son peu d’habitude du théâtre, son peu de fonds en connaissances classiques : « Enfin, j’ai bien fouillé dans tous les plis de mon cerveau, et il ne me semble point y trouver cette forme légère, ces tournures piquantes, cette facilité de style qui rendent un article agréable aux lecteurs, et permettent à celui qui les possède de parler cent fois de la même chose en paraissanttoujours nouveau.

2756. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

La pensée de 1816 était que l’Académie restaurée, et très reconnaissante de ces faveurs rendues, l’Académie redevenue fille ou filleule des rois, avait à cœur, en retour, d’être particulièrement agréable au monarque et de le lui témoigner en chaque occasion, facie ad faciem. […] Nous les rend-il, mais vivants, mais rajeunis, et non pas seulement assagis, attiédis, intimidés et comme mortifiés en ses écrits et en sa personne ?

2757. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Considérez notre littérature depuis le Moyen-Age, rappelez-vous l’esprit et la licence des fabliaux, l’audace satirique et cynique du Roman de Renart, du Roman de la Rose dans sa seconde partie, la poésie si mêlée de cet enfant des ruisseaux de Paris, Villon, la farce friponne de Patelin, les gausseries de Louis XI, les saletés splendides de Rabelais, les aveux effrontément naïfs de Régnier ; écoutez dans le déshabillé Henri IV, ce roi si français (et vous aurez bientôt un Journal de médecin domestique, qui vous le rendra tout entier, ce diable à quatre, dans son libertinage habituel) ; lisez La Fontaine dans une moitié de son œuvre ; à tout cela je dis qu’il a fallu pour pendant et contrepoids, pour former au complet la langue, le génie et la littérature que nous savons, l’héroïsme trop tôt perdu de certains grands poëmes chevaleresques, Villehardouin, le premier historien épique, la veine et l’orgueil du sang français qui court et se transmet en vaillants récits de Roland à Du Guesclin, la grandeur de cœur qui a inspiré le Combat des Trente ; il a fallu bien plus tard que Malherbe contrebalançât par la noblesse et la fierté de ses odes sa propre gaudriole à lui-même et le grivois de ses propos journaliers, que Corneille nous apprît la magnanimité romaine et l’emphase espagnole et les naturalisât dans son siècle, que Bossuet nous donnât dans son œuvre épiscopale majestueuse, et pourtant si française, la contrepartie de La Fontaine ; et si nous descendons le fleuve au siècle suivant, le même parallélisme, le même antagonisme nécessaire s’y dessine dans toute la longueur de son cours : nous opposons, nous avons besoin d’opposer à Chaulieu Montesquieu, à Piron Buffon, à Voltaire Jean-Jacques ; si nous osions fouiller jusque dans la Terreur, nous aurions en face de Camille Desmoulins, qui badine et gambade jusque sous la lanterne et sous le couteau, Saint-Just, lui, qui ne rit jamais ; nous avons contre Béranger Lamartine et Royer-Collard, deux contre un ; et croyez que ce n’est pas trop, à tout instant, de tous ces contrepoids pour corriger en France et pour tempérer l’esprit gaulois dont tout le monde est si aisément complice ; sans quoi nous verserions, nous abonderions dans un seul sens, nous nous abandonnerions à cœur-joie, nous nous gaudirions ; nous serions, selon les temps et les moments, selon les degrés et les qualités des esprits (car il y a des degrés), nous serions tour à tour — et ne l’avons-nous pas été en effet ? […] Je ne puis concevoir Rome que telle qu’elle est, musée de toutes les grandeurs déchues, rendez-vous de tous les meurtris de ce monde, souverains détrônés, politiques déçus, penseurs sceptiques, malades et dégoûtés de toute espèce ; et si jamais le fatal niveau de la banalité moderne menaçait de percer cette masse compacte de ruines sacrées, je voudrais que l’on payât des prêtres et des moines pour la conserver, pour maintenir au-dedans la tristesse et la misère, à l’entour la fièvre et le désert. » Un des plus avancés d’entre les esprits modernes, et des plus voués à l’idée du progrès quand même, M. 

2758. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Son panégyriste Le Beau a raconté comme une gentillesse qu’à une ou deux années de là, lorsqu’il fut nommé à un emploi d’inspecteur des fermes en Provence, il y eut à Marseille une grande attente à la nouvelle que le fils de Racine arrivait ; les dames surtout en espéraient beaucoup : dans leur curiosité, elles se rendirent en nombre dans une maison où il devait passer la soirée ; mais le désappointement fut extrême. […] Je me trouvai un jour avec lui chez M. de Voltaire, qui nous lisait sa tragédie d’Alzire ; Racine crut y reconnaître un de ses vers, et répétait toujours entre ses dents : « Ce vers-là est à moi. » Cela m’impatienta ; je m’approchai de M. de Voltaire en lui disant : « Rendez-lui son vers et qu’il s’en aille ! 

2759. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Ce témoignage sincèrement rendu à ce qu’on appelle le haut moyen âge, il faut voir le drame religieux se détachant par degrés de l’autel, traduit, délayé en langue vulgaire (et bien vulgaire en effet) ; il nous paraîtra déchu. […] Moland, à qui nous sommes heureux de rendre en ce moment toute justice pour les lumières qu’il a répandues à son tour sur ces questions littéraires du moyen âge, a donné une fort bonne analyse de ce drame et de toute la légende d’Adam, dont il a suivi les progrès ou altérations en ces siècles de crédulité active et d’invention sourde et continue67.

2760. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Le Saint-Simonisme rendit à l’esprit français d’alors cet éminent service d’implanter dans le camp de la Révolution et dû progrès quelques-unes des pensées élevées de M. de Maistre, et de les y naturaliser en bonne terre et d’une manière vivante. […] Cependant vous avez eu le temps de remarquer que les chœurs mollissent et que les voix de femmes surtout manquent de vigueur dans l’attaque, qu’un trombone a émis un son d’une justesse douteuse ; et, la messe finie, vous sortez en vous demandant comment il se fait que les chœurs français soient si inférieurs à ceux de l’Allemagne et en regrettant vivement qu’une musique aussi belle ne soit pas rendue avec toute la perfection désirable.

2761. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Dans sa traduction légère, il nous a rendu avec une fraîcheur et un charme infini les débuts de la prédication galiléenne, les paraboles le long des blés et au penchant des collines. […] Alors des esprits chagrins et sombres se seront levés et y auront passé à leur tour, abattant et dévastant tout avec rudesse autour d’eux, et, en ce temps-là, ceux qui seront plus attachés à l’esprit qu’à la lettre, plus chrétiens de cœur encore qu’orthodoxes de forme, s’écrieront : « Qu’on nous rende la Vie de Jésus de Renan !

2762. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Et rend visible aux yeux une éternelle nuit ; Et d’instant en instant la goutte d’eau qui tombe De cette immense tombe Est seule tout le bruit. […] Une telle poésie existe de droit et se justifie à elle seule. — Poésie modérée, bien que depuis lors nous en connaissions une autre, grande, magnifique, souveraine, et que nous nous inclinions devant, et que nous l’admirions en ses sublimes endroits ; — poésie d’entre-deux, moins vive, moins imaginative, restée plus purement gauloise ou française, plus conforme à ce que nous étions et avant Malherbe et après ; — poésie qui n’es pas pour cela la poésie académique ni le lieu commun, et qui as en toi ton inspiration bien présente ; qui, à défaut d’images continues, possèdes et as pour ressources, à ton usage, le juste et ferme emploi des mots, la vigueur du tour, la fierté du mouvement ou la naïveté du jet ; poésie qui te composes de raison et de sensibilité unies, combinées, exprimées avec émotion, rendues avec harmonie ; puisses-tu, à ton degré et à ton heure, à côté de la poésie éclatante et suprême, te maintenir toujours, ne cesser jamais d’exister parmi nous, et d’être honorée chez ceux qui t’ont cultivée avec amour et candeur !

2763. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Bernardin de Saint-Pierre écrivait le 1er janvier 1772 ce qu’il aurait pu redire aussi exactement soixante ans après : « L’art de rendre la nature est si nouveau, que les termes mêmes n’en sont pas inventés. […] Vous ne trouverez que des périphrases : c’est la même difficulté pour les plaines et les vallons… « Il n’est donc pas étonnant que les voyageurs rendent si mal les objets naturels.

2764. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

sa vénérable mère dans cette mise antique et simple, avec cette physionomie forte et profonde, tendrement austère, qui me rappelait celle des mères de Port-Royal, et telle qu’à défaut d’un Philippe de Champagne, un peintre des plus délicats nous l’a rendue ; cette mère du temps des Cévennes, à laquelle il resta jusqu’à la fin le fils le plus déférent et le plus soumis, celle à laquelle, adolescent, il avait adressé une admirable lettre à l’époque de sa première communion dans la Suisse française20 ; je la crois voir encore en ce salon du ministre où elle ne faisait que passer, et où elle représentait la foi, la simplicité, les vertus subsistantes de la persécution et du désert : M.  […] Pour la décrire, je voudrais posséder le burin d’un Albert Durer et rendre l’allégorie sensible aux yeux.

2765. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Quand on est assez vieux pour avoir vu une grande destinée individuelle s’accomplir à travers ses inégalités, ses caprices, ses luttes, ou même ses scandales, il est bon de vieillir encore pour voir comment tout cela se réduit et se capitalise dans une somme de qualités éminentes et de gloire consacrée. » Se peut-il un jugement plus élevé et mieux rendu ? […] Il en est de l’orthographe comme de la société : on ne la réformera jamais entièrement ; on peut du moins la rendre moins vicieuse.

2766. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Le despotisme dispense de la science politique, comme la force dispense des lumières, comme l’autorité rend la persuasion superflue ; mais ces moyens ne peuvent être admis lorsqu’on discute les intérêts des hommes. […] Si vous laissez échapper une seule circonstance, votre résultat sera faux, comme la plus légère erreur de chiffre rend impossible la solution d’un problème.

2767. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Cela lui faisait d’abord passer six jours à Saint-Lazare, et rendait ensuite le ministère plus coulant avec lui sur leurs règlements de comptes. […] Il travaille pour lui ; il traite d’égal avec le comte, qui s’est fait son rival, il lui rend menace pour menace, crainte pour crainte.

2768. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

La comparaison de cette triple étude des émotions dans le règne animal, le progrès de la civilisation et le développement individuel, rendraient plus facile une analyse vraiment scientifique des phénomènes affectifs. […] Mais la plupart des chercheurs ont été le jouet d’une méprise, qui a rendu leur discussion vaine quant à ses résultats analytiques.

2769. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Dans l’épitre à Racine, il se demande : Et qui, voyant un jour la douleur vertueuse De Phèdre, malgré soi perfide, incestueuse, Ne bénira d’abord le siècle fortuné Qui, rendu plus fameux par tes illustres veilles, Vit naître sous ta main ces pompeuses merveilles ? […] Cette circonstance rend assez difficile de deviner qu’elle est la belle à qui Boileau en voulait ; dans un espace de seize années, il se rencontre bien des contemporaines entre lesquelles Boileau a pu choisir.

2770. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Tantôt il choisit un sujet exceptionnel, invente de l’absurde et tente par des analyses captieuses de le rendre vraisemblable. […] Il n’est pas sorti des Confessions les mains vides et, sans nommer saint Augustin, il paraphrase en une page, qu’il réussit à rendre inepte, l’admirable « amabam amare ».

2771. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Pour rendre ces simples cours intéressants, pour savoir être à la fois clair et agréable sur de tels sujets, en s’adressant à des auditeurs qui ne sont pas de tout jeunes esprits, mais des adultes déjà faits et plus exigeants, ce ne serait pas trop d’un talent capable d’emplois en apparence très supérieurs et qui ne le sont point. […] Mais voilà que, dans un banquet, quelqu’un des convives s’avise de chanter un des plus beaux chœurs d’Euripide, et aussitôt tous ces vainqueurs farouches se sentent le cœur brisé, et il leur parut que ce serait un crime d’exterminer une cité qui avait produit de tels hommes. » Voilà ce qu’on trouverait à chaque page dans Plutarque, et il fournirait, à lui seul, de quoi rendre vivante et sensible par des exemples toute l’Antiquité dont on aurait besoin.

2772. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Son livre écrit de ce style diapré, qui rend la lecture de Banville si charmante à tout poète garde pour nous en dehors de sa séduction de forme une haute valeur ; pour deux raisons : d’abord pour cette affirmation de liberté, qu’il faut qu’un nouveau poète détruise des barrières que Victor Hugo a laissées debout et par un conseil vrai inclus dans son chapitre l’Inversion et ainsi lapidaire : il n’en faut jamais. […] J’entre donc dans le détail théorique et pour ce faire je vous citerai ce que je publiais sur la question en 1888 dans la Revue Indépendante 1 : « Il faut bien admettre que, ainsi des mœurs et des modes, les formes poétiques se développent et meurent, qu’elles évoluent d’une liberté initiale à un dessèchement, puis à une inutile virtuosité ; et qu’alors elles disparaissent devant l’effort des nouveaux lettrés préoccupés, ceux-ci, d’une pensée plus complexe, par conséquent plus difficile à rendre au moyen de formules d’avance circonscrites et fermées.

2773. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Dans l’esprit des fondateurs de l’œuvre, le vœu au Sacré-Cœur est avant tout un témoignage d’expiation des révoltes de la nation contre le joug catholique, et des crimes de libre pensée dont la France s’était rendue coupable ; c’est l’amende honorable du peuple qui s’était ouvertement éloigné de Dieu depuis la fin du siècle dernier, et qui implorait le pardon de ses offenses. […] Chaigneau, dont j’ai tout à l’heure cité l’opinion sur l’œuvre de la Basilique, a, dans un petit roman d’une poignante intensité, rendu d’une façon très pénétrante l’impression que l’on ressent, quand, du sommet de la butte, le regard domine l’immense et chaotique étendue : « Une vapeur de clarté où se fondaient les fumées blanches essaimées de toitures, enveloppait Paris d’un vague et radieux frémissement qui noyait les détails rectilignes, pour n’accuser, en ébauche, que les ressauts capricieux des faîtages.

2774. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Après s’être échauffés pour l’humanité, les uns voulurent l’affranchir, d’autres l’organiser, d’autres la rendre heureuse, d’autres la rendre honnête, et ces entreprises se faisaient encore hier.

2775. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

J’ai rendu bien mal le discours si clair et si coulant de M. Pierre ; je suis tout à fait incapable de rendre les paroles de M. 

2776. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Il n’est pas démontré que l’enfant qui s’est cogné à une table, et qui lui rend le coup reçu d’elle, voie en elle une personne. […] Les primitifs qui ont été soignés par des médecins européens ne leur en savent aucun gré ; bien plus, ils attendent du médecin une rétribution, comme si c’étaient eux qui avaient rendu le service. […] Demandons à notre propre conscience, débarrassée de l’acquis, rendue à sa simplicité originelle, comment elle réplique à une agression de la nature. […] Si l’intelligence primitive avait commence ici par concevoir des principes, elle se fût bien vite rendue à l’expérience, qui lui en eût démontré la fausseté. […] Cette solidarité du dieu et de l’hommage qu’on lui rend fait de la vérité religieuse une chose à part, sans commune mesure avec la vérité spéculative, et qui dépend jusqu’à un certain point de l’homme.

2777. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

L’esprit dans lequel le livre est conçu est un bon esprit ; j’appelle ainsi celui qui consiste à ne pas arriver sur le sujet avec une prévention et un système, à se pénétrer de l’esprit même de l’époque qui est en cause, à recueillir tous les témoignages, à s’éclairer de toutes les dépositions et à nous rendre avec gravité, avec bon sens et modération, le résultat de cette enquête si délicate et si compliquée.

2778. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

Diodati et Gaffarelli, auxquels je voudrois vous prier d’écrire confidemment que vous avez entendu parler des différends qui se passent entre lui et moi, et que, sachant assurément que le Père m’a donné juste sujet de me plaindre de lui, vous les priez de le réduire et persuader à me donner quelque satisfaction par lettre de sa propre main, conçue en telle sorte qu’il montre au moins d’avoir regret de m’avoir offensé à tort et légèrement contre tant de services que je lui avois rendus.

2779. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Mais, en y regardant de plus près, on reconnut que le travail de M. de Saint-Victor, pour être supérieur à celui de ses devanciers, ne rendait guère mieux son modèle, et que le plus souvent la pensée grecque, si pure et si simple, disparaissait sous un amas d’épithètes oiseuses et d’élégances communes.

2780. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Il est inépuisable à rendre ces impressions vagues et profondes.

2781. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

Délivrer la femme, avec son consentement et par des moyens qui, dans ce premier moment, ne présentent aucun danger pour elle, c’est supprimer un je ne sais quoi de pas encore vivant ou qui, dans l’échelle de la vie, occupe le plus bas degré, est tout proche de la vie purement végétative ; et c’est, d’autre part, conjurer une terrifiante possibilité d’angoisse et de souffrance, épargner à la mère et au père putatif de ce je ne sais quoi des années de géhenne, et de ces douleurs sans recours, qui rendent injuste et méchant.

2782. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

Chaque jour ils enverront l’éloge de leur produit : ils y joindront pour les gens d’affaires un bulletin des valeurs et des marchandises, pour les hommes de sport les comptes rendus des hippodromes, pour les oisifs la chronique du monde et du théâtre.

2783. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

Émanciper le musulman de sa religion est le meilleur service qu’on puisse lui rendre.

2784. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Que pouvaient sur elles ces tableaux satiriques qui représentaient des habitudes misérables auxquelles elles étaient absolument étrangères, l’affectation dont elles étaient exemptes, et que leur excellent ton rendait si clinquante par le contraste ?

2785. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

Au contraire, le seul fait de réfléchir sur une sensation élémentaire contribue à la rendre plus agréable en même temps que consciente de soi ; on commence alors à sentir esthétiquement.

2786. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IX »

C’est ainsi qu’il faut que la langue dévore tous les mots étrangers qui lui sont nécessaires, qu’elle les rende méconnaissables : qui, sans un tel hasard, en supposant que le mot eût vécu, aurait jamais retrouvé early dans lirlie ?

2787. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

Le plus grand service qu’il ait rendu à la littérature, est d’avoir imaginé le premier une chronologie complette & méthodique, & d’avoir cherché des principes sûrs pour ranger l’histoire en un ordre exact & fondé sur des règles.

2788. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VI. Des dictionnaires Historiques » pp. 220-228

L’enthousiasme, l’emportement, l’esprit de parti, dit M. de Querlon, rendent l’usage de ce Dictionnaire assez dangereux ou peu sûr.

2789. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

Cette dernière observation peut être ajoutée à un feuillet que j’ai laissé à Sa Majesté Impériale sur les moyens de rendre les ambassadeurs bons à quelque chose98.

2790. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Les premiers inventeurs du bain n’ont pas songé qu’il fût un remede propre à guerir de certains maux, ils ne s’en sont servis que comme d’un rafraîchissement agréable durant la chaleur, lequel on a découvert depuis être utile pour rendre la santé dans certaines maladies : de même les premiers poëtes et les premiers peintres n’ont songé peut-être qu’à flater nos sens et notre imagination, et c’est en travaillant pour cela qu’ils ont trouvé le moïen d’exciter dans notre coeur des passions artificielles.

2791. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 34, du motif qui fait lire les poësies : que l’on ne cherche pas l’instruction comme dans d’autres livres » pp. 288-295

On a rendu en cela un grand service au public, car on ne lit pas deux fois L’Arioste de suite, et en passant du premier chant au second, et de celui-là aux autres successivement, mais bien en suivant independamment de l’ordre des livres les differentes histoires qu’il a plûtôt incorporées qu’unies ensemble.

2792. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

Le public lorsqu’il a entre les mains autant de poesies qu’il en peut lire, rend alors trop difficilement justice à ces ouvrages excellens qui se produisent, et pendant un temps assez long, il les place à une trop grande distance des ouvrages consacrez.

2793. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVIII. La bague aux souhaits »

Elle appelle le chat et le chien et leur dit : « Mettez-vous à l’eau immédiatement, traversez le fleuve et rendez-vous à la case de votre maître.

2794. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Il est devenu sensible pour tous que les idées anciennes non seulement étaient décréditées, mais encore qu’elles étaient frappées d’une sorte d’obscurité qui les rendait inintelligibles au plus grand nombre ; comme les paroles de cette fille de Priam, qui étaient empreintes du sentiment de l’avenir, mais à qui le don d’imposer la croyance avait été refusé.

2795. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Je crois qu’il vient de mourir sans s’être rendu un compte fort exact du cul-de-sac où nous a menés la forte impulsion qu’il nous donna sous le Second Empire, — de 1848 à 1875, car c’est là, ce me semble, la période philosophique où il faut le situer.‌

2796. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

Il aurait continué à prouver que « le vice interne dont souffre notre société française, c’est l’émiettement des individus, isolés, diminués aux pieds de l’État trop puissant, rendus incapables par de lointaines causes historiques et plus encore par la législation moderne, de s’associer spontanément autour d’un intérêt commun ».‌

2797. (1927) André Gide pp. 8-126

Bien entendu, ces « traités » ne sont pas des exposés de doctrine en termes abstraits et dogmatiques, mais des contes ou des dialogues philosophiques : c’est ce qui les rend légèrement obscurs. […] Anthime Armand Dubois, savant matérialiste et franc maçon, souffrant de rhumatismes et à demi impotent, se rendit à Rome pour consulter un médecin spécialiste. […] Mais son talent, l’un des premiers d’aujourd’hui, a des séductions auxquelles il faut se rendre, et l’on ne peut reprocher à cette Symphonie pastorale, si suggestive et si attachante, que de manquer de longueurs. […] Et c’est déplorable, parce que la hausse artificielle qui en résulte rend beaucoup de vieux et de beaux ouvrages inaccessibles à des lettrés de condition modeste, mais qui, eux, les liraient. […] Barrès a un peu élargi son égotisme pour le rendre national, mais c’est toujours un égotisme, comme le pur individualisme subjectif de ses débuts, auquel M. 

2798. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

11 avril J’ai écrit ces jours-ci au directeur du Vaudeville, lui demandant un rendez-vous pour lui lire notre pièce : Henriette Maréchal. […] Le peintre de la Turquie d’Asie veut bien nous communiquer, pour notre futur roman (Manette Salomon), les lettres qu’il a écrites à sa femme ; et voici celle-ci, qui apporte un paquet de ces longues grandes lettres, rendues presque vénérables par une dizaine de timbres. […] Et de là, passant au méli-mélo de la religion avec ces choses-là, il cite comme un modèle une lettre qu’il aurait bien voulu copier, — un chef-d’œuvre du genre, à ce qu’il dit — une lettre qui commençait par l’invitation à l’amant d’aller au mois de Marie, à la suite un petit sermon, puis une petite infamie à laquelle on l’invitait après, et en post-scriptum un rendez-vous avec quelques jolies polissonneries. […] Du premier coup elle comprend et elle rend. […] Toutes les modes actuelles, avec leur tapage, me semblent habiller la femme de scandale : le cachemire me paraît envelopper le mystère et le secret de la femme du monde qui sort de chez son mari, — pour aller à son premier rendez-vous.

2799. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Tout bavard qu’il fût, comme Diderot, il aurait avalé ore profundo Diderot tout entier, mais pour nous le rendre. Et il nous l’a rendu une fois. […] Thiers, il aurait aussi tapé sur le ventre de lord Grey… Et on raconte que sur ce point il était si incorrigible que l’impératrice de Russie lui dit un jour, avec une condescendance et une impertinence également impériales : « Ne vous rendez pas malheureux, monsieur Diderot, et gardez votre mauvais ton si cela vous gêne de le quitter. » Certes ! […] Au théâtre, l’impression se double et se multiplie de l’impression de chacun, et l’ennui, qui est une impression, et la plus insupportable, l’ennui y est rendu plus accablant par l’ennui de tous. […] Pour ceux, en effet, que n’a pas rendus fous le vent qui souffle du xviiie  siècle, le Diderot de la Correspondance n’est pas essentiellement plus petit que le Diderot des Œuvres, et le Diderot des Œuvres n’est pas plus grand que le Diderot de la Correspondance.

2800. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Or, Messieurs, remarquez-le, ceux des écrivains qui ont su peindre les beautés de la nature, qui ont su rendre le charme de la campagne, c’est qu’ils y ont vécu tout enfants. […] Le siècle les avait déposées en lui, pour qu’il les lui rendît amplifiées et magnifiées. […] Cela veut dire qu’il est sensible aux choses, aux objets, à l’extérieur et que, dans la façon dont il rend l’extérieur, il s’occupe plus qu’un autre de la précision. […] Ils frissonnent sous l’œil du maître, Son ombre les rend malheureux. […] Le poète veut dire ceci : ce qui nous rend si malheureux, c’est que souvent nous nous sentons seuls, nous ne trouvons pas d’âme avec laquelle la nôtre soit entièrement en rapport, en correspondance.

2801. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

que cette traduction ne rendrait pas fidèlement le cri, en y joignant je ne sais quelle tournure bourgeoise : mais ici c’est gratuit : il y a dans le texte malheureuse mère !

2802. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Les à-peu-près, dont on ne se rend plus compte, sont un symptôme invariable de décadence en littérature.

2803. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre I »

Max Nordau, d’épiloguer sur la valeur séméiologique de ladite impassibilité, d’en faire un dérivé morbide et un symptôme de déchéance, de la considérer comme une « obtusion qui leur rend impossible de se représenter assez vivement un processus du monde extérieur. » Max Nordau, Dégénérescence, I, p. 67.

2804. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Si l’avare, si l’égoïste sont incapables de ces retours sensibles, il est un malheur particulier à de tels caractères auquel ils ne peuvent jamais échapper ; ils craignent la mort, comme s’ils avaient su jouir de la vie : après avoir sacrifié leurs jours présents à leurs jours avenir, ils éprouvent une sorte de rage, en voyant s’approcher le terme de l’existence ; les affections du cœur augmentent le prix de la vie en diminuant l’amertume de la mort : tout ce qui est aride fait mal vivre et mal mourir : enfin, les passions personnelles sont de l’esclavage autant que celles qui mettent dans la dépendance des autres ; elles rendent également impossible l’empire sur soi-même, et c’est dans le libre et constant exercice de cette puissance qu’est le repos et ce qu’il y a de bonheur.

2805. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Ainsi il ne faut pas craindre de répéter un mot, quand le sens le rend deux fois ou plusieurs fois nécessaire.

2806. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Chirurgie. » pp. 215-222

Et cela nous rend modestes sur la littérature.

2807. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delavigne, Casimir (1793-1843) »

Il est impossible de rencontrer deux natures plus semblables ; chez tous deux, le satin, la paille, la hache seront toujours rendus scrupuleusement avec une minutie hollandaise ; il ne manquera à l’œuvre, pour être parfaite, que des éclairs dans les yeux et du souffle dans les bouches.

2808. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Qui donc les lui rendra les accords sans apprêt, Les cris jumeaux des siens dans la fibre sonore ? 

2809. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

Le même souci du bien dire les rendait impitoyables aux fabricants de vers, aux rhéteurs maladroits.

2810. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Hartley »

En définitive, c’est de l’association primitive des vibrations que tout dérive, puisque seule elle rend possible celle des sensations, des vibrationcules, des idées.

2811. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

L’auteur, dit encore Patru, a mêlé ces histoires de fictions pour les rendre plus agréables, et les a, pour ainsi dire, romancées.

2812. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

La qualification de naïf, que Corneille donne au style de ses interlocuteurs, style fort différent de celui des personnages de Molière, qui est aussi estimé naïf, m’a paru rendre nécessaires quelques observations sur la naïveté.

2813. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

On ne peut les supprimer, mais on peut tenter de les rendre moins laids : cela sera l’objet d’un des chapitres que j’ai le dessein d’écrire.

2814. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Pour se venger & justifier l’indécence qui se trouve dans plusieurs descriptions de l’Histoire des flagellans, il composa un recueil de cas de conscience, métaphysiques & singuliers, exposés & rendus très librement par Sanchès.

2815. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

L’homme que l’adversité a rendu sensible aux peines d’autrui ne dit pas avec assurance : Je connais les maux, mais il dit, comme Didon : Non ignara mali .

2816. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

En vain, excusait-on tout par ce principe émis dans une préface de Thérèse Raquin : « Je ne sais si mon roman est moral ou immoral ; j’avoue que je ne me suis jamais inquiété de le rendre plus ou moins chaste.

2817. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

Ce sac plus cruel dans toutes ses circonstances que les précedens, et qui fut la cause qu’on vit des femmes patriciennes mandier à la porte de leurs propres maisons, dont les barbares s’étoient rendus les maîtres, est la véritable époque de l’anéantissement presque total des lettres et des arts, que du moins on cultivoit toujours, quoique ce fut sans beaucoup de fruit.

2818. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « V »

« Mais, affirme-t-on, le vrai style consiste à ne rien ajouter, à ne pas surenchérir à ne rien surchauffer ; le mot ordinaire suffit quand il rend ce qu’on veut signifier. » Les mots ordinaires !

2819. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

Henri IV choisissait, pour rendre témoignage de son règne, Mathieu, l’écrivain de génie, que, par parenthèse, on devrait bien rééditer.

2820. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

Il écrit, dans la dédicace de l’Étang de Berre (1915) : « Ce petit livre — dit — la ville et la province — épanouies — dans le royaume — pour les progrès — du genre humain » ; dans la préface de Quand les Français ne s’aimaient pas (1916), mettant en lumière « les services rendus à la beauté et à la vérité par les hommes de sang français », il spécifie que cela doit être considéré « sans perdre un seul instant de vue que la raison et l’art ont pour objet l’universel ».

2821. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Elles nous rendent aussi moins exigeants vis-à-vis de la paléontologie. […] Mais la vérité est que la position du vitalisme est rendue très difficile par le fait qu’il n’y a ni finalité purement interne ni individualité absolument tranchée dans la nature. […] Et cet élément commun pourra se rendre sensible aux yeux d’une certaine manière, peut-être par la présence d’organes identiques dans des organismes très différents. […] Car la variation isolée d’une partie va rendre la vision impossible, du moment que cette variation n’est plus infinitésimale. […] Précisément parce que le fonctionnement est simple, la plus légère distraction de la nature dans la construction de la machine infiniment compliquée eût rendu la vision impossible.

2822. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Mais où il excelle surtout, c’est dans la description pittoresque du pays ; il sait rendre avec une merveilleuse exactitude les mouvements les plus imperceptibles, et jusqu’aux traits fugitifs qui caractérisent inopinément la physionomie mobile et expressive de la nature. […] Parmi les traits qui le distinguent, il en est un malheureusement général chez le peuple russe ; c’est un dédain, un mépris pour les femmes qui rend le sort de celles-ci des plus tristes. […] La brave dame se recula d’un air mécontent. — Tu te hâtes trop, mon petit père, — lui dit-elle d’une langue déjà épaissie, — tu auras encore le temps. — Puis elle baisa dévotement le crucifix, fourra la main sous son oreiller, et rendit l’âme […] Un autre jour, vous faites atteler un drochki léger et vous vous rendez dans les bois pour chasser la gelinotte. […] Un peuple littéraire qui commence par le naturel et qui sait se rendre intéressant est bien sûr d’arriver au sublime ; il ne lui faut que du temps.

2823. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

La prétendue immoralité de nos œuvres nous dessert auprès de l’hypocrisie du public, et la moralité de nos personnes nous rend suspects au pouvoir. […] * * * — Les souverains ne rendent officiellement visite qu’à l’argent. […] Et cette idée me rend triste. […] 9 septembre Cela m’a rendu rêveur. […] Quel est le fait de la Révolution que le patriotisme, la passion des partis, le journalisme, n’ont pas rendu légendaire ?

2824. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

(Ou bien encore cette variante de la même pensée :) Il arrive bien souvent que l’idée qui triomphe parmi les hommes est une folie pure : mais, dès que cette folie a éclaté, le bon sens d’un chacun s’y loge insensiblement, l’organise, la rend viable, et la folie ou l’utopie devient une institution qui dure des siècles. […] Le poëte, l’artiste, l’écrivain, n’est trop souvent que celui qui sait rendre : il ne garde rien. […] M. de La Rochefoucauld n’était pas sans se rendre très-bien compte, sous d’autres noms, de ces différences.

2825. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Après avoir rendu plus « humain » le motif du printemps en substituant à la seconde qui le termine une tierce, majeure ou mineure, Wagner l’attribue à Sachs, mais obtient une gravité plus douce et plus noble en étendant la quarte qui sépare la première note de la seconde, à l’intervalle d’une quinte. […] Eva l’emploie pour rendre l’espoir à Walther, et Sachs quand il demande à David chargé de ses fleurs si par hasard ce serait jour de noce. […] Et cette vie si puissante, participant du sentiment populaire et du sentiment féminin, cet art « pur simple » devenant le sauveur de l’art vieillissant, n’est-ce pas cette jeunesse que l’espèce, peuple et femme, doit rendre continuellement à notre vie vieillie par l’artificialisme, ne renaissant que par le naturalisme, à travers les cahots de l’évolution individuelle, sociale et sexuelle ?

2826. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Il y a une histoire de lieutenante générale de Château-Thierry, il y en a une autre d’une certaine abbesse, il y en a d’autres encore sur les châtelaines du voisinage, il y a La Fontaine — premier trait de distraction — sortant, au milieu de la nuit, en bottes blanches et une lanterne allumée par un clair de lune magnifique, pour aller à un rendez-vous nocturne. […] Lorsque Mme de La Sablière, d’abord, eut fait sa grande conversion qui rendit sa maison un peu plus froide, un peu plus solitaire, beaucoup moins brillante, beaucoup moins gaie ; lorsque ensuite elle fut morte, La Fontaine fut un peu dépaysé et décontenancé, et il se réfugia, comme vous le savez, chez M. d’Herwart, qui était un homme de haute magistrature, surtout un homme très fastueux, depuis longtemps son ami. […] Je le crois, parce que d’abord, la vérité a peut-être ses droits ; il est bon de dire toujours la vérité  toute la vérité, je n’en suis pas sûr  mais enfin il est possible que la vérité n’ait pas de comptes à rendre.

2827. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Je le rends immobile, et la terre chemine. […] Nous rendre dans les biens déplaisirs incapables ? […] Je n’ai guère besoin de vous citer, après la biographie de La Fontaine que je vous ai faite, les hommages rendus à La Fontaine par Mme de Sévigné, par Mme de Thianges, par Mme de La Sablière, c’est-à-dire par les femmes les plus intellectuelles, les plus distinguées de son temps.

2828. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Gargantua, Pantagruel, Jehan des Entommeures, Bridoie, Panurge, ressemblent aux créations d’un monde antédiluvien, mais vivant d’une vie immortelle, ce qui les rend supérieurs aux fossiles rongés de Cuvier. […] C’est nous, les derniers venus d’ici-bas, qui avons blanchi sous le faix de la science et des sensations de la vie, c’est nous qui pouvons posséder dans toute sa force et sa plénitude cette vertu de bonhomie, inhérente à tous les talents, qui nous prend le plus à la poitrine et qui rend humain l’idéal ! […] Mais, précisément, ce qui le fait si splendide et si fée dans l’animation des choses matérielles, le rend parfois mesquin quand il s’agit des choses de l’âme.

2829. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

La superstition qui remplit de terreur l’âme des magiciennes, les rend en même temps cruelles et barbares ; au point que souvent pour célébrer leurs affreux mystères, elles égorgent sans pitié et déchirent en pièces l’être le plus innocent et le plus aimable, un enfant. […] Cette ressemblance rendait infaillible la convenance des fables antiques. […] La présence du peuple constituait la loi qui rendait les testaments authentiques, calatis comitiis.

2830. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

À travers cette sévérité apparente et en partie réelle, il s’attachait à reconnaître ceux qu’il appelait des esprits superbes, ceux « qui se regardaient et se faisaient un secret plaisir d’être regardés comme les justes, comme les parfaits, comme les irrépréhensibles ; … qui de là prétendaient avoir droit de mépriser tout le genre humain, ne trouvant que chez eux la sainteté et la perfection, et n’en pouvant goûter d’autre ; … qui, dans cette vue, ne rougissaient point, non seulement de l’insolente distinction, mais de l’extravagante singularité dont ils se flattaient, jusqu’à rendre des actions de grâces à Dieu de ce qu’ils n’étaient pas comme le reste des hommes : Gratias tibi ago, quia non sum sicut cœteri hominum ». […] La princesse de Conti, présente au sermon et ayant cru reconnaître ses amis « dans ces hommes zélés, mais d’un zèle qui n’est pas selon la science, dans ces esprits toujours portés aux extrémités, qui, pour ne pas rendre la pénitence trop facile, la réduisent à l’impossible et n’en parlent jamais que dans des termes capables d’effrayer », témoigna par quelque geste qu’elle était blessée de l’allusion : ce que Bourdaloue ayant remarqué, il alla après le sermon voir la princesse, qui s’en expliqua avec lui et qui lui dit très nettement que la seconde partie l’avait fort scandalisée.

2831. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Je passe rapidement sur ces gentillesses, sur les progrès de la chaise que le jonc de l’Inde a rendue plus flexible, à laquelle on ajoute des bras, et à ces bras encore on ne donne pas d’emblée la parfaite et commode courbure : rien, dans les arts de la vie, ne se trouve du premier coup. […] car j’ai aimé les promenades rurales à travers les chemins creux d’un vert sombre, que tond de près la dent grapilleuse des brebis, et que borde un épais entrelacement de branches épineuses ; j’ai aimé la promenade rurale sur les collines, à travers les vallées et le long des rivières, depuis le temps où, enfant vagabond, je franchissais mes limites pour faire une école buissonnière sur les bords de la Tamise ; et toujours je me souviens, non sans regretter ces heures que le chagrin, depuis, m’a rendues bien plus chères, combien il m’arriva souvent, ma provision de poche épuisée, mais affamé encore, sans argent et loin de la maison, d’apaiser ma faim avec des baies d’églantier sauvage et avec le fruit pierreux de l’aubépine, ou de petites pommes rouges, ou la mûre noire comme le jais qui garnit la ronce, ou l’âcre petite prune qui se cueille dans la haie !

2832. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Taine oppose à la fable philosophique, sera celle où le poète ne courra pas tout droit à son but moral, où il s’oubliera et se complaira à animer ses personnages, à les faire parler, à les rendre vraisemblables et vivants. […] Il excelle à rendre ces paysages compliqués et laborieux, à leur arracher leur secret, à traduire idéalement leur sens confus comme celui d’une âme obscure.

2833. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Delécluze, son point lumineux et son petit foyer central dans le mouvement moderne, qu’il nous a rendu avec assez de vivacité dans ses Souvenirs. […] Ces mots, ajouta-t-il en devenant presque furibond ; marchant à grands pas, ces mots le rendent digne du feu, et les cinquante mille bûches de l’Inquisition ne suffiraient pas pour le rôtir ! 

2834. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Aussi il a fallu, en ce qui est du célèbre dominicain, qu’on le tirât de son cadre, qu’on l’amenât, bon gré, mal gré, dans l’arène académique (c’est trop souvent une arène aujourd’hui), pour que je me permisse de mêler quelques restrictions de forme et de fond aux hommages que je me suis plu toujours à rendre à ses talents92. […] On rend aux familles des jeunes gens aussi bien élevés en apparence et mieux conservés : il ne s’y laisse à désirer qu’un certain souffle mâle que l’éducation publique développe et qui manque trop souvent à cette jeunesse fleurie.

2835. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Enfin, tant aimer Racine, c’est risquer d’avoir trop de ce qu’on appelle en France le goût et qui rend si dégoûtés. Aimer Boileau… mais non, on n’aime pas Boileau, on l’estime, on le respecte ; on admire sa probité, sa raison, par instants sa verve, et, si l’on est tenté de l’aimer, c’est uniquement pour cette équité souveraine qui lui a fait rendre une si ferme justice aux grands poètes ses contemporains, et en particulier à celui qu’il proclame le premier de tous, à Molière.

2836. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Évidemment, et à simple vue de bon sens, il fait rendre aux choses plus qu’elles ne contiennent et qu’elles ne signifient. […] C’était un homme doux, gai, salé, sans vouloir l’être, et qui répandait naturellement les grâces dans la conversation ; très-sûr et extrêmement aimable… » Quand on a le bonheur d’avoir quelques lignes tout à fait particulières de la main d’un tel homme, et qui nous rendent le fond de son jugement, comment se plaire à le déprimer ?

2837. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Il y a longtemps que l’on dit que les prêtres et les médecins rendent la mort douloureuse. […] Il venait de rendre un grand service en imprimant en toute hâte la Déclaration de l’empereur Alexandre à la nation française ; mais en même temps il se présentait avec le poème de la Pitié de Delille sous le bras, et il tenait absolument à l’offrir en personne à l’empereur Alexandre au débotté, attendu que dans ce poème, qui datait de 1804, Delille avait adressé des vers prophétiques à ce même empereur. — On recevait les uns, on éconduisait les autres : les émissaires se succédaient à chaque minute ; Laborie, le secrétaire, l’homme affairé entre tous, y contractait cette agitation haletante et essoufflée qui ne l’a plus quitté depuis.

2838. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Au milieu de ses courses au bois, de ses batailles autour des feux de la Saint-Jean, de ses escapades dans les jardins ravagés, il avait ses tristesses ; le mot d’école, prononcé devant lui, le rendait muet ; il aurait voulu y aller et s’instruire ; cette idée confuse lui faisait mal quand Sa mère qui filait, le regardant d’un air de tristesse, parlait tout bas d’école à son grand-père. […] Vous nous accusez, nous autres d’ici, d’être enfants de Du Bartas, et voilà que du pays de Du Bartas, tout à côté, naît à l’improviste un poëte vrai, franc, naturel et populaire, qui nous ressemble peu, direz-vous, mais que nous saluons parce qu’il nous rend aussi et nous chante à sa manière cette même espérance que nous avons : « Non, la poésie n’est pas morte et ne peut mourir. » La publication de l’Aveugle a mis, dans le pays, le comble à la gloire de Jasmin.

2839. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

On pardonne pour être pardonné ; on pardonne parce qu’on se reconnaît digne de souffrir, c’est le pardon de l’humilité ; on pardonne pour obéir au précepte de rendre le bien pour le mal : mais aucun de ces pardons ne comprend l’excuse des peines qu’on nous a faites. […] Mais ces différents degrés dans le pardon chrétien, ce premier degré où l’on pardonne pour être pardonné, c’est-à-dire par crainte ou par espoir, cet autre degré où l’on pardonne parce qu’on se reconnaît digne de souffrir, c’est-à-dire par humilité, celui enfin où l’on pardonne par égard au précepte de rendre le bien pour le mal, c’est-à-dire par obéissance, ces trois manières, qui ne sont pas encore le pardon tout-à-fait supérieur et désintéressé, m’ont remis en mémoire ce qu’on lit dans l’un des Pères du désert, traduit par Arnauld d’Andilly : « J’ai vu une fois, dit un saint abbé du Sinaï, trois solitaires qui avoient reçu ensemble une même injure, et dont le premier s’étoit senti piqué et troublé, mais néanmoins, parce qu’il craignoit la justice divine, s’étoit retenu dans le silence ; le second s’étoit réjoui pour soi du mauvais traitement qu’il avoit reçu, parce qu’il en espéroit être récompensé, mais s’en étoit affligé pour celui qui lui avoit fait cet outrage ; et le troisième, se représentant seulement la faute de son prochain, en étoit si fort touché, parce qu’il l’aimoit véritablement, qu’il pleuroit à chaudes larmes.

2840. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

CHRISTEL Durant l’hiver de 1819, vers la fin de février, dans une petite ville du Perche, arrivèrent, pour s’y établir, une mère et sa fille ; elles venaient tenir le bureau de poste aux lettres, que de graves plaintes portées contre le prédécesseur avaient rendu vacant. […] Une femme du grand monde, à laquelle il avait rendu de longs soins, avait paru l’accueillir, lui promettre quelque retour ; elle avait même semblé lui accorder, lui permettre sans déplaisir quelqu’un de ces gages qui ne se laissent pas effleurer impunément.

2841. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Ainsi, n’ayant pu repousser de front l’assaut du fisc, ils l’ont esquivé ou atténué jusqu’à le rendre presque inoffensif. […] VIII. — Philippe Ier ne s’était rendu maître du château de Montlhéry qu’en mariant un de ses fils à l’héritière du fief.

2842. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Et il recevait aussi, comme La Fontaine et comme Racine, l’influence de l’art antique par la conversation et la critique de son ami Despréaux, qui écartant résolument tous les Italiens et tous les Espagnols, comme trop brillants et trop « pailletés », détruisant l’autorité que l’illusion ou la complaisance de la génération précédente leur avait accordée aux dépens de la nature et de la pure beauté, proposait partout et toujours pour modèles les Grecs et les Latins, dont les œuvres contenaient toute la vérité, rendue avec toute la perfection que l’esprit humain était susceptible d’atteindre. […] Charles Perrault ne sembla pas d’abord pressé d’accepter l’héritage de Desmarets, et la chose se passa d’abord en escarmouches entre ses deux frères et Despréaux ou Racine, jusqu’à ce que, rendu par la disgrâce à la littérature, il donna son Saint Paulin, orné d’une Préface où l’Art poétique était saisi par son côté faible, je veux dire par son insoutenable théorie du merveilleux païen.

2843. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

En revanche, il suppléera aux insuffisantes analyses du drame espagnol : il ajoutera la seconde entrevue de Rodrigue et de Chimène, qui rend sensible le progrès de l’action morale, en enregistrant les plus légers changements de sentiment et même d’accent des deux amants. […] Car si cette dévotion de l’amour et cette exaltation de l’honneur sont réellement espagnoles, elles ne le sont pas pourtant exclusivement ; et c’est vraiment en tout pays qu’on peut voir deux volontés, éprises d’amour, éprises aussi d’honneur, subordonner l’amour à l’honneur par respect pour cet amour même, et se rendre dignes du bonheur en le refusant.

2844. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Sorti de race calviniste, il en a conservé un certain tour austère, l’affinité pour comprendre et rendre ces naturels tenaces, ces inspirations énergiques et sombres. […] Il croit que le malheur de Cromwell fut d’avoir eu d’abord, par la nécessité de sa position, à embrasser et à pratiquer cette politique dont l’alliage rendit son pouvoir toujours précaire.

2845. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Qui, enfin, a mieux pris sur le fait et rendu dans sa plénitude le genre bourgeois, triomphant sous la dynastie de Juillet, le genre désormais immortel et déjà éclipsé, hélas ! […] Chasles l’a très bien dit : « On a répété à outrance que M. de Balzac était un observateur, un analyste ; c’était mieux ou pis, c’était un voyant. » Ce qu’il n’avait pas vu du premier coup, il le manquait d’ordinaire ; la réflexion ne le lui rendait pas.

2846. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Il parle ensuite des savoureuses heures de sa jeunesse, des heures, où couché sur l’herbe, il écoutait les bruits de la terre, et des heures passées à l’affût dans une observation rêveuse de la nature qu’on ne peut rendre. […] » Vendredi 12 décembre De Béhaine, en attendant le dîner, et Stoffel qui est en retard, me parle de l’espèce de susceptibilité maladive de Bismarck, de ses fureurs à la moindre attaque d’un journal français, de sa gallophobie, de la chance, qu’a la France de trouver dans le comte d’Arnim — tout prussien qu’il est — un sentiment aristocratique, qui le rend hostile au radicalisme français et non à la France.

2847. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Du reste, rendons-lui cette justice, il n’y a rien de formel ni de bien audacieux dans Mme Stern. […] … Et ce n’est pas seulement leur sensibilité, leur imagination et leurs nerfs qui rendent les femmes parfaitement incapables de se mesurer avec les difficultés de l’histoire ; car Mme Daniel Stern n’a ni feu d’imagination, ni sensibilité, ni nerfs, et elle n’a pas plus réussi dans son Histoire des commencements de la République aux Pays-Bas (quel titre !)

2848. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Si les plaisirs qu’elle a donnés sont vifs, comme ceux que donnent les enfants, les services qu’elle a rendus sont assez minces ; car les enfants n’en rendent pas.

2849. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

ces cinq essais auxquels Macaulay mit son amour et qu’il crut sa gloire, sont bien tout ce qu’il y a de moins aperçu, de moins approfondi et de moins fortement rendu dans son recueil. […] Le critique peut se tromper et défaillir, mais l’écrivain, lui, ne défaille jamais et rend toujours notre imagination heureuse.

2850. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

L’imagination, dont son système était l’ennemi, ne lui rendit pas le coup pour coup qu’il méritait. […] la pantoufle dont riait Rabelais est écrasée encore d’assez de baisers pour rendre sérieux les ennemis de la papauté.

2851. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

On ne l’accusera pas de les avoir rendus aimables. […] Assurément, on n’a pas vu cela encore dans les comptes rendus qu’on a faits de ce livre curieux.

2852. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

« Le monde ne nous rend rien pour une seule des joies qu’il nous ôte », a dit lord Byron avec son inexprimable mélancolie. Il ne nous rend rien non plus pour nos mérites, quand une fois il nous les a pris.

2853. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Ils savaient que la chaleur fond le plomb, et qu’une pierre abandonnée à elle-même tombe vers la terre ; nous savons que toute résolution est précédée par la vue d’un motif, que tout souvenir est précédé et suscité par une idée associée, que l’attention rend le souvenir plus sûr et plus prompt. […] Lorsque Reid, ayant décrit l’émulation et l’envie, les explique par un penchant naturel qui rend pénible à l’homme la supériorité d’autrui, nous nous jugeons aussi avancés qu’avant d’ouvrir son livre.

2854. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Cette honorable famille d’esprits a pour chefs des moralistes immortels, et qui rendent après eux le travail difficile si l’on veut être neuf en même temps que rester judicieux.

2855. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR » pp. -

Tant de batailles, tant de victoires éclatantes, remportées depuis, ont rendu, de leur propre aveu, les plus illustres contemporains encore debout invulnérables aux petites piqûres.

2856. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

— Quant à Phèdre, elle a complètement réussi… Je n’ai pas vu encore mademoiselle Rachel dans ce rôle : mais tout ce qui me revient prouve que si elle n’a pas rendu la Phèdre grecque que personne ne connaît ici, elle a compris admirablement la Phèdre française, la Phèdre chrétienne, celle de Boileau et d’Arnauld, … la douleur vertueuse De Phèdre, malgré soi, perfide, incestueuse.

2857. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

Ainsi un feuilletoniste, qui s’efforce de m’être agréable, dira par exemple : « Jeune, quand vous alliez à l’Abbaye-au-Bois, vous écoutiez ; maintenant, c’est votre tour de parler, on vous écoute… » Il semblerait en vérité que, dans ce charmant salon où présidaient la politesse et le goût, M. de Chateaubriand eût charge de rendre des oracles et que le rôle des autres fût de l’écouter bouche béante.

2858. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

Sans qu’au fond nos jugements du passé et nos prévisions de l’avenir se soient détournés ni déconcertés, l’expérience plus vraie que nous avons faite des choses, dans le sens même de nos convictions, nous a rendu plus tolérant pour tous.

2859. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

On ramasse chaque jour ses idées du lendemain ; dès l’enfance on s’est habitué à ne rendre au public que ce qu’on lui a pris.

2860. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

Malapert, ayant pour principe « qu’on ne doit jamais accepter ce qu’on ne peut pas rendre », refusait   impitoyablement toute invitation.

2861. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

C’est égal, la vaillance et la fierté de ces fillettes me ravissent  À huit ans, Mlle de Montmorency « eut un entêtement très fort vis-à-vis de madame l’abbesse (c’était alors Mme de Richelieu), qui lui dit en colère : « Quand je vous vois comme cela, je vous tuerais. » Mlle de Montmorency répondit : « Ce ne serait pas la première fois que les Richelieu auraient été les bourreaux des Montmorency. » — Six ans après, cette enfant, mourant d’un bras gangrené, disait avec une tranquillité merveilleuse : « Voilà que je commence à mourir. »   Ce qui rend plus intéressant encore, et même hautement dramatique, le tableau que la petite Hélène nous trace de l’Abbaye-au-Bois, c’est que, à l’heure même où elle écrit son journal, l’organisation sociale en vue de laquelle ces jeunes filles sont expressément élevées craque de toutes parts.

2862. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Corruptio optimi… Si, à coup sûr, sa candeur l’excuse, elle ne le justifie pas complètement, et elle lui rend plus dangereux le poison de la louange.

2863. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

Le doux et pieux autocrate que je me figure rendrait à ces hommes leur patrie, ou, du moins, leur indépendance.

2864. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

et s’il fut plus coupable que nous ne souhaiterions, dans quelle mesure fut-il excusé par l’agacement si naturel que donne un homme de génie à un homme extrêmement intelligent, et par l’impossibilité où étaient les deux amis de se comprendre et de se pénétrer, impossibilité que leur intimité même devait rendre plus irritante ?

2865. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Même aux esquisses qu’il s’amuse à rendre, Saint-Pol-Roux met toute sa palette, et quelle palette !

2866. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Silvestre, Armand (1837-1901) »

Armand Silvestre, en qui le prosateur rendrait injuste pour le poète, — le poète éperdu de seul lyrisme, — a écrit, dans les Paysages métaphysiques notamment, quelques-uns des plus beaux vers que je sache.

2867. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Les Fedeli se rendirent à son invitation ; ils vinrent à Paris et y demeurèrent jusqu’en 1618, jouant soit à la cour, soit, d’accord avec les comédiens français, sur le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne.

2868. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Quand l’adolescent a fini un nombre suffisant de phrases commencées par son maître, quand il les a ornées d’adjectifs modérés, quand il a, en temps convenable, emmailloté des idées qu’il n’avait point conçues, le grade de bachelier ès lettres vient témoigner qu’il a appris par là à se rendre maître de ses propres pensées.

2869. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

Eh bien, en présence de l’univers, le principe de la conservation de l’énergie peut nous rendre le même service.

2870. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

Le faux système d’après lequel la noblesse dut son origine à un privilège conféré par le roi pour de grands services rendus à la nation, si bien que tout noble est un anobli, ce système est établi comme un dogme dès le XIIIe siècle.

2871. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

Hors de là, la critique n’a pas de raison à demander, le poëte pas de compte à rendre.

2872. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Les Athéniens lui rendirent les honneurs qu’il méritoit.

2873. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

Sa patrie lui rend la justice qu’on ne lui a jamais refusée dans tout le reste de l’Europe.

2874. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Avertissement » pp. -

Une méthode est une discipline, à laquelle il faut que l’on commence par se soumettre si l’on veut qu’elle rende tout ce que l’on en attend de services et d’utilité.

2875. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

L’élégance de ses mœurs, ses belles manières, son goût pour la société, et surtout son humanité, l’auraient vraisemblablement rendu un des plus grands ennemis du régime révolutionnaire.

2876. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Il suffit aux poëtes tragiques de faire de belles têtes, et ils peuvent pour les rendre plus admirables s’écarter à un certain point des proportions que la nature observe ordinairement.

2877. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Ainsi quoique les hommes soient plus capables que les femmes d’une application forte et d’une attention suivie, quoique l’éducation qu’ils reçoivent les rende encore plus propres qu’elles à bien apprendre tout ce que l’art peut enseigner, on a vû néanmoins depuis quarante ans sur la scéne françoise un plus grand nombre d’actrices excellentes que d’excellens acteurs.

2878. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Ses expressions rendent aux scénes des opera le pathétique que le manque de vrai-semblance devroit leur ôter.

2879. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 7, que les genies sont limitez » pp. 67-77

Tel peintre demeure confondu dans la foule qui seroit au rang des peintres illustres, s’il ne se fût point laissé entraîner par une émulation aveugle, qui lui a fait entreprendre de se rendre habile dans des genres de la peinture, pour lesquels il n’étoit point né, et qui lui a fait négliger les genres de la peinture ausquels il étoit propre.

2880. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 18, qu’il faut attribuer la difference qui est entre l’air de differens païs, à la nature des émanations de la terre qui sont differentes en diverses regions » pp. 295-304

C’est elle qui rend encore certaines années plus sujettes aux maladies que d’autres.

2881. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Ces dix mille Adams se donnèrent, spontanément, bien entendu, un rendez-vous commun, on ne sait quand (la date est restée supra-historique et métaphysique, comme il convient à une bonne philosophie de l’histoire), on ne sait comment (car alors il n’y avait ni courriers ni télégraphie : on a mis quatre mille ans, dit Jean-Jeannot Fourier, l’aîné des fils de Jean-Jacques, pour inventer l’étrier), on ne sait où (le point est resté vague sur la mappe monde, et si ce fut partout, ce fut difficile à trouver), et enfin pourquoi ?

2882. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Une société est comme un grand jardin : on l’aménage pour lui faire rendre des pêches, des oranges ou des carottes et des choux.

2883. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Nous avons essayé de rendre manifeste, par un type présent et familier pour nous, ce génie du poëte thébain si difficile à expliquer et à traduire : ajoutons-y quelques souvenirs de l’antiquité sur sa vie.

2884. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Jeudi 31 janvier Aujourd’hui, je lisais dans le compte rendu d’un livre, je crois du docteur Richet, qu’il définissait le génie par l’originalité. […] Or, un avoué qui avait une bicoque au Point-du-Jour, et qui tous les jours, pour se rendre au Palais, longeait le mur de la propriété, le jour de l’adjudication, où il voit que la mise à prix est de 130 000 francs, disait, comme en plaisantant, de mettre 50 francs de surenchère en son nom et de là allait à ses affaires, et au moment de s’en aller, passait savoir à qui elle était adjugée. […] Samedi 15 juin Ce soir, je me rends au Dîner de la Banlieue, dont, à ce qu’il paraît, je suis le président honoraire, et qui a lieu aujourd’hui à l’Exposition. […] » Une nuit, après une de ces gronderies, Mistral se rappelant une toute petite fille, qui le regardait avec de beaux grands yeux, lors de la visite qu’il avait faite à la dame de Dijon, et qui était sa tante, il se demandait quel âge elle pouvait bien avoir, calculait qu’elle avait dix-neuf ans, partait pour Dijon, se rendait à la maison, où il avait fait une visite, une dizaine d’années avant, demandait en mariage la jeune fille, qui lui était accordée. […] Étrange maison, où se succèdent des peintres, où l’hospitalité est donnée à des montreurs d’ours, où le préfet vient déjeuner, où les gens d’alentour se rendent à la pharmacie : maison faisant l’étonnement des Berrichons de la localité.

2885. (1896) Études et portraits littéraires

Anatole France, qui fut jadis un de ses fervents, lui a rendu un bel hommage. […] C’est pour l’avoir sentie et rendue, cette splendeur, que David l’enchante. […] N’est-ce donc rien que de pouvoir se rendre pareil témoignage ? […] Et de ce que j’ai relevé, peu de chose a trouvé place dans ce compte rendu sommaire. […] Car le glacier rend ses morts, comme la mer.

2886. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Le pessimisme est la moitié de la sainteté : c’est, dans l’Imitation, cette moitié-là qui nous rend indulgents à l’autre. […] Autant que La Fontaine, elle aime la nature et sait en jouir ; mieux que lui peut-être, et par de plus neufs assemblages de mots (« la feuille qui chante »), elle en rend l’impression directe, celle qui suit immédiatement la sensation elle-même. […] La théorie qui est censée former le support de l’Histoire de la littérature anglaise ne rend bien compte que des individus médiocres ; elle n’éclaircit par conséquent que ce qui nous intéresse le moins. […] Lui-même s’en, rend parfaitement compte.

2887. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

. — La sentence est dure, et les remontrances qu’Héphestos y mêle doivent la rendre plus odieuse encore au patient. […] Enfin, il se rend à ses instances, et la Destinée parle par sa voix. […] Mais, le matin, l’enfant doit les rendre sous la contrainte du dieu dépouillé, les faire sortir de la noire étable où il les avait enfermées ; et c’est maintenant le petit Jour restituant au maître de la lumière ses feux dérobés. […] — Jusqu’ici, j’avais entendu parler de toi, — mais maintenant mon œil t’a contemplé. — C’est pourquoi je fais pénitence — sur la poussière et sur la cendre. » — Frappé de ces éclairs, percé par ces grêles, le Titan proteste et ne se rend pas.

2888. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Spencer reconnaît lui-même qu’une certaine durée des impressions est une condition de la conscience : si le tison enflammé qui tourne en occupant des points successifs nous fait l’effet d’un cercle de feu simultané, c’est en raison de la durée qui fait persister la première impression dans la seconde et rend ainsi simultané le successif. […] Non seulement, en fait, nous ne percevons que des durées, si bien qu’il faut une série d’états pour composer le présent apparent à la conscience et le rendre ainsi perceptible, mais c’est ce caractère composé et successif du présent apparent qui rend possible la représentation de la durée même. […] Dans ses essais pour expliquer la genèse de l’idée du temps, Guyau suppose l’expérience avec les lois physiologiques et psychologiques qui la rendent possible, et qui elles-mêmes rentrent dans les lois générales de l’univers.

2889. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Les changements d’instincts peuvent être surtout rendus faciles, lorsque les mêmes espèces ont des instincts très différents à différentes époques de la vie, selon les saisons de l’année, ou lorsqu’elles se trouvent placées en des circonstances différentes. […] Tout ce qu’on peut supposer, c’est qu’un Pigeon quelconque, ayant montré des dispositions naturelles à prendre cette étrange habitude, et ayant légué la même tendance à sa race, la sélection longtemps continuée à travers les générations successives des sujets chez lesquels cette tendance prit de plus en plus de force, a pu rendre peu à peu les Pigeons culbutants tels que nous les voyons aujourd’hui. […] Or, la sélection naturelle ne pourrait-elle conserver chaque légère variation tendant à adapter de mieux en mieux son bec pour une telle fonction, jusqu’à ce qu’il se produisît un individu, pourvu d’un bec aussi bien construit pour un pareil emploi que celui du Casse-noix, en même temps que l’habitude héréditaire, la contrainte du besoin ou l’accumulation des variations accidentelles du goût, rendraient cet oiseau de plus en plus friand de cette même graine ? […] Il sera à jamais impossible de rendre complétement compte du travail des Abeilles, tant qu’on leur refusera toute intelligence, toute liberté d’action et surtout le sentiment esthétique de la forme et de la mesure.

2890. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Il a détruit la prison où le positivisme nous enfermait dans des cellules numérotées, et il nous rend à l’anarchie pure et simple. […] … Ceux qui t’ont bâtie t’ont rendue parfaite en beauté  (Ézéchiel, XXVII, 4) ; … tous les navires de la mer et leurs mariniers ont été avec toi pour trafiquer et pour faire ton commerce (XXVII, 9) ; … tu as rassasié plusieurs peuples et tu as enrichi les rois de la terre (XXVII, 33) ; … tu es un sujet d’étonnement (36). […] Toutefois, on pouvait espérer que la vie le mûrirait, et rendrait sa vision individuelle plus riche et plus profonde. […] S’il disait que le lyrisme et le drame peuvent se combiner, je serais parfaitement d’accord ; mais dire qu’ils sont identiques, c’est rendre inutiles les mots mêmes de « lyrisme » et « drame », mots que M. 

2891. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

De qui sont-ils donc, et de quelle manière peut-on se rendre un compte vraisemblable de ce singulier livre ? […] Elle a très bien rendu le mouvement qui la porta vers lui et qui fut le principe de leur liaison : Je me sais très bon gré d’avoir vaincu ma timidité.

2892. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Duruy la combattit avec une respectueuse vigueur ; mais l’empereur ne se rendit point et maintint le passage, ainsi qu’un autre où il expliquait qu’en certains cas on peut légitimement violer la légalité. « On fait quelquefois ces choses-là, avait dit M.  […] Plus qu’un grand ministre et plus qu’un historien illustre, Victor Duruy fut un de ces hommes qui, par la façon dont ils ont vécu, nous rendent plus claires et augmentent même à nos yeux les raisons que nous avons de vivre.

2893. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Elle a marié sa fille Mathilde à un brave homme, nommé Hubert, qui vit du vin qu’il vendange et du blé qu’il sème dans son champ, et elle raille ce gendre rustique, qui le lui rend bien. […] Mais il y a, dans ses raisonnements, un bruit de sabots qui les rend grossiers.

2894. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Mme de La Tour écrit un jour à Rousseau : « Si mon cœur n’était pas hors de la classe commune, je n’oserais m’avouer jusqu’à quel point je m’occupe de vous. » Ce témoignage qu’elle se rend est juste, et certes elle avait le cœur hautement placé. […] Mme de La Tour ne savait pas que depuis Mme d’Houdetot, le cœur de Rousseau n’avait plus à rendre de flamme.

2895. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Il faut absolument que je fasse ce qu’il détestait le plus quand cela n’était pas à deux siècles au moins de distance, une biographie ou du moins quelque chose qui y ressemble, et qui rende quelque vie, quelque physionomie, à ce qui de soi seul parlerait peu. […] Il m’eût été facile de donner de lui un portrait en apparence plus favorable de tout point, et aussi plus effacé ; mais je crois que la plus grande faveur qu’on puisse faire à un homme distingué et qui a de belles et hautes parties, le plus vrai service à rendre à sa mémoire d’homme de Lettres, c’est-à-dire d’homme qui veut, en définitive, qu’on se souvienne de lui, c’est de le montrer le plus au vif qu’on peut, et le plus saillant dans les lignes de la vérité.

2896. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Un jour Grimm, qui écrivait à plusieurs souverains du Nord des nouvelles de la littérature et des beaux-arts, demanda à Diderot de lui faire un compte rendu du Salon de 1761. […] Cette chaleur d’accueil, de la part d’un homme célèbre, rendit courage à David, et fut pour son talent un bienfait.

2897. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Jamais les Condorcet en politique, les Saint-Lambert en morale, les Condillac en analyse philosophique, n’ont rencontré un jouteur plus serré et plus démontant ; car notez que, pour les réfuter, il ne dédaigne pas de prendre un peu de leur méthode ; il mêle un peu d’algèbre à son raisonnement, il a des formules pour revenir au ciel, et il se sert des mots exacts avant tout, il les presse et les exprime pour leur faire rendre tout l’esprit qu’ils recèlent et toute la pensée. […] « Il n’aimait pas les Grecs, a dit quelqu’un, et les Grecs le lui ont bien rendu : il manque d’atticisme. » Il manque de grâce, de délicatesse et de charme.

2898. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Cependant Courier, une fois sorti de prison et rendu aux champs, jure qu’on ne l’y prendra plus. […] J’en conclus seulement que Courier n’évitait pas les vers quand ils se présentaient dans sa prose, et qu’il les recherchait plutôt ; cela lui rendait le style plus alerte et plus sautant : Il aimait mieux, en écrivant, le pas des tirailleurs de Vincennes, que la marche plus uniforme et plus suivie de la ligne, — de la phrase française ordinaire.

2899. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Il est l’âme de ce premier petit ministère, composé d’hommes assez obscurs, mais fortement unis entre eux ; cabinet vigoureux, énergique, auquel il ne manqua, pour accomplir de grandes choses, que de durer plus longtemps, et de n’être pas né à l’ombre du patronage du maréchal d’Ancre et avec cette enseigne qui le rendait impopulaire. […] Du fond de sa retraite grondeuse et tournée vers le passé, il ne lui rendra jamais justice ; mais, dans ce premier moment, l’erreur peut-être était permise : le maréchal d’Ancre masquait encore Richelieu.

2900. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Enfin on peut aller plus loin encore et se demander s’il n’y a pas une réalité inconnaissable non seulement pour nous, mais en soi et pour toute intelligence, une réalité qui existerait parce qu’elle existerait, sans qu’on en pût donner aucune raison, sans qu’on pût en aucune manière rendre son existence intelligible. […] Il s’agit de savoir si cette possibilité constante de progrès que nous déduisons de la constante égalité « des raisons » (comme pour l’infini de l’espace et du temps), sans nous rendre réellement parfaits, ne suffit pas cependant à nous fournir l’idée de la perfection.

2901. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

A la vérité, parmi les passions, il en est une surtout que l’on a rendue responsable de toutes les erreurs et qui n’est pas inconciliable avec la noblesse du caractère : c’est l’orgueil. […] Locke, moins profond ou moins sublime que les cartésiens, a plus de bonhomie, et par là même plus de largeur ; il s’est plus rapproché de la pratique de la vie, ce qui ouvre toujours l’esprit et le rend moins intolérant.

2902. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Elle n’inspire que la terreur, et c’est la faute de l’artiste, qui n’a pas su rendre les incidents pathétiques qu’il avait imaginés. […] J’abandonne une thèse, faute de mots qui rendent bien mes raisons ; j’ai au fond de mon cœur une chose, et j’en dis une autre.

2903. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Ce n’est pas que les animaux ne figurent dans les contes mais, dans ce cas, ils y sont dépeints avec des caractéristiques qui les rendent essentiellement différents du type, qui leur est attribué dans les fables. […] C’est, d’ailleurs, en les exagérant que l’humeur gaillarde du noir parvient à rendre comiques ces actes-là.

2904. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Seulement les Anglais nous rendirent le salut et allaient devenir des héros, tandis que M. Renan garde le salut sans le rendre, et dans l’ordre intellectuel, n’est, je l’ai dit déjà, qu’un poltron d’idées qui, comme le lièvre chez les grenouilles, ne fera jamais peur qu’à de plus poltrons que lui… Telle est, en deux mots, l’histoire de M. 

2905. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Cicéron, si jaloux de rendre en iambes latins des monologues de Sophocle, pouvait-il oublier le poëte grec qui aurait uni à l’enthousiasme de l’ode la puissance du drame tragique ? […] C’est, je crois, un des plus beaux traits qu’il soit possible d’enlever à cette sublime poésie, et de rendre sensible et vivant pour nous, en le détachant de l’ode sur la victoire athlétique de Cléandre, enfant d’Égine, la cité favorite de Pindare, parmi les glorieux confédérés de la liberté grecque.

2906. (1874) Premiers lundis. Tome I « [Préface] »

Nous avons tâché de rendre cette collection aussi complète et définitive que possible.

2907. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Réception à l’Académie Française »

D’heureux choix récents l’avaient relevée dans l’estime publique et lui avaient rendu quelque vie ; elle devait réparation à M. de Lamartine, et elle le nomma, quoique absent.

2908. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

La satisfaction que donne la possession de soi, acquise par la méditation, ne ressemble point aux plaisirs de l’homme personnel ; il a besoin des autres, il exige d’eux, il souffre impatiemment tout ce qui le blesse, il est dominé par son égoïsme ; et si ce sentiment pouvait avoir de l’énergie, il aurait tous les caractères d’une grande passion ; mais le bonheur que trouve un philosophe dans la possession de soi, est de tous les sentiments, au contraire, celui qui rend le plus indépendant.

2909. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Chénier eût vécu, cet homme d’esprit nous eût débarrassés de l’unité de lieu dans la tragédie, et par conséquent des récits ennuyeux ; de l’unité de lieu qui rend à jamais impossibles au théâtre, les grands sujets nationaux : l’Assassinat de Montereau, les États de Blois, la Mort de Henri III.

2910. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Aussi Pascal, dont la vive imagination saisissait avec force tous les rapports et toutes les oppositions des idées, et qui excellait à les rendre sensibles par des rapports et des oppositions pareilles de mots, comparait les vaines antithèses faites pour arrondir les phrases aux fausses fenêtres qu’on peint sur les murs pour la symétrie.

2911. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Il put celer aux autres les émotions de son âme trop tendre ; mais, les renfermant en lui-même, il se les rendit cent fois plus cruelles.

2912. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Mais, s’il apprit à « voir » et à rendre ce qu’il voyait, il n’apprit rien de plus  heureusement.

2913. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Craignons qu’une certaine paresse d’esprit ou la peur d’être dupes ne nous rende aveugles ou étroits.

2914. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Mallarmé, je devine mieux et j’admire davantage les causes qui rendent ces poèmes parfois si obscurs.

2915. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Je crois donc qu’en restant fidèles à notre esprit, nous pouvons rendre au monde de réels services.

2916. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Ce qui le rend plus compréhensible, c’est que la cour donna hautement son approbation à la pièce : la cour, dis-je, toute la cour.

2917. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Les Philosophes, dont il a été l’Eleve, l’Explorateur & le Héraut, se sont efforcés d’en faire un Grand Homme, & leurs efforts n’ont abouti qu’à le rendre ridicule : ses Adversaires, indisposés sans doute par le ton de suffisance, qui se manifeste dans ses moindres Ecrits, en ont fait un Nain, un Pygmée, un Lilliputien, & il faut convenir qu’ils l’ont un peu trop raccourci.

2918. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Ses injustices ne m’ont point fait commettre, à son égard, l’erreur dont son emportement le rendit coupable envers moi.

2919. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

À vrai dire la destruction de l’idée du moi à laquelle avait conclu déjà l’une de ces analyses précédentes avait bien pour effet de rendre sans objet toute l’amertume que semblait devoir entraîner après elle la découverte du caractère illusoire inhérent à l’effort humain.

2920. (1888) La critique scientifique « Appendice — Plan d’une étude complète d’esthopsychologie »

Vérification de ces explications sur la série des ouvrages : elles sont d’autant plus exactes que ces œuvres sont le moins appliquées à rendre la réalité.

2921. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Il s’y rend bien vîte.

2922. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

Elle chercha quelqu’un qui pût la venger d’un tel outrage, & qui fit rendre à l’objet de son admiration la justice qu’elle croyoit lui être due.

2923. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

On dirait même que l’impiété, qui rend tout stérile, se manifeste aussi par l’appauvrissement de la nature physique.

2924. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Cependant Marius, à peine officier subalterne, n’avoit encore fait aucun exploit, il n’avoit mis encore en évidence aucune qualité qui le rendît digne dès-lors aux yeux des hommes ordinaires d’être le successeur de Scipion.

2925. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Généralement ces bonnes farces se terminent tragiquement pour la bête couarde féroce et stupide qui en est l’objet, mais la bassesse de son caractère nous l’a rendue, par avance, si antipathique et ridicule qu’on applaudit de tout cœur à la victoire du kékouma (le rusé compère).

2926. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XV »

Faguet n’estime pas que les répétitions exagérées des auxiliaires rendent banal le style de George Sand.

2927. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Transporté de honte pour le compte du genre humain, cet homme, qui était un écrivain du talent le plus élevé, résolut d’arracher, dans la mesure de ses forces, Christophe Colomb à la destinée de silence et d’ingratitude qui pesait depuis près de quatre siècles sur sa mémoire, et qui avait mis la grandeur de l’oubli en proportion avec la grandeur du service rendu par lui au monde tout entier.

2928. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

La raison en est simple : dans ces premiers temps, l’homme, plus indépendant et plus fier, était plus près de l’égalité ; la faiblesse et le besoin ne s’étaient point encore vendus à l’orgueil, et le maître, en enchaînant l’esclave, ne lui avait point encore dit : « Loue-moi, car je suis grand, et je daignerai te protéger, si tu me flattes. » On sent qu’alors pour être loué, il fallait des droits réels, et ces droits ne purent être que des services rendus aux hommes.

2929. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Cette investiture était donnée avec la formule que nous a laissée Tite-Live, savoir, que le roi allié servaret majestatem populi Romani  ; précisément de la même manière que le jurisconsulte Paulus dit que le préteur rend la justice servatâ majestate populi Romani .

2930. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Puisse-t-il vous rendre à vous-même le bien qui nous arrive par vous ! […] Je veux voir cette bouche dont un baiser et un oui me rendront heureux à tout jamais, et dont un non peut me perdre aussi à tout jamais. […] Ces confidences et ces révélations de la science suprême avaient longtemps éclairé et régi le monde oriental ; puis elles s’étaient égarées, troublées, taries dans les sables, et, pour leur rendre leur pureté, il fallait, par des révélations purement humaines, les passer de siècle en siècle au filtre de la science et de la raison.

2931. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Il veut y corrompre d’avance tout germe vivant, éteindre à son aurore toute forme d’idéal qui pourrait éclairer ou consoler la planète maudite ; il imagine tous les supplices, la vie, qu’il rend plus sensible pour en faire une proie plus vulnérable à la douleur, l’amour, avec la mort pour en détruire toutes les joies, la Beauté souillée, la Vérité se montrant à l’homme pour l’égarer dans une vaine poursuite, la Liberté ignorante et profanée par ses propres œuvres. […] Le Chercheur représente la science ; il est décidé à s’armer pour savoir, à se rendre fort contre toutes les illusions et tous les prestiges qui pourraient amollir son cœur. […] Semble aspirer au but que leur montre son geste, Et par son attitude altière leur atteste                        L’effort colossal des aînés : L’homme, en levant un front que le soleil éclaire, Rend par là témoignage au labeur séculaire                        Des races qu’il prime aujourd’hui ; Et son globe natal ne peut lui faire honte.

2932. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Il y a là, dans cette blanche peau de la duchesse Josiane, bourrée à froid de cantharides, un affreux pédant qui s’appelle Victor Hugo, et qui, de cette femme, rend tout à coup grotesque la tragique monstruosité ! […] Mais l’engoulevent n’est qu’une grive en comparaison du poète dramatique qui avale, lui, des choses bien plus difficiles à avaler que le vent, quand ces choses peuvent se réduire en drame, en effets à produire, en applaudissements… Or, la Lucrèce Borgia d’Hugo est une de ces choses-là… Lucrèce Borgia avait été, comme son père Alexandre VI, arrangée de longue main, pour le scandale et pour l’horreur, par des drôles, ennemis de la Papauté, qui trouvaient joli de faire la Renaissance des crimes de l’Antiquité en même temps que la Renaissance littéraire ; et l’engoulevent dramatique avala cette Lucrèce comme Gargantua avala ses six pèlerins en salade, et nous la rendit, cette Lucrèce, en cette chose qu’on joue pour apprendre au peuple la véritable histoire. […] des pygmées, même Robespierre, même Danton, même Marat, qu’il nous fait voir une fois seulement dans une conversation qui les rapetisse en les gonflant (manière de rapetisser de Victor Hugo), et les rend grotesques, ces hommes terribles, ces dieux tonitruants de la Révolution, qui ne sont plus là que les marionnettes sanglantes de leurs ridicules vanités !

2933. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

« Il y a des paralysies dans lesquelles les membres sont absolument insensibles aux irritations extérieures, bien que les douleurs les plus aiguës s’y fassent sentir. » C’est que les nerfs qui se rendent à ces membres, insensibles à leurs extrémités, sont encore irritables et irrités dans les portions supérieures de leur trajet. […] Si, au moyen d’un tourniquet, vous comprimez votre bras jusqu’à le rendre insensible aux excitations du dehors, et si alors vous pressez le tronc nerveux qui est entre les deux os du coude, vous éprouvez une vive sensation, semblable à celle d’une commotion électrique, et cette sensation vous paraît située dans la main dont les nerfs sont engourdis. […] Nous apercevons ici le mécanisme qui rend possible la propriété fondamentale des images, je veux dire leur aptitude à durer et à renaître. […] L’éternuement, la toux, le vomissement, ce sont là chez nous-mêmes autant de mouvements systématiquement compliqués et utiles que des excitations, parties de la pituitaire, des voies respiratoires ou de l’estomac, provoquent, sans volonté de notre part, par l’entremise du bulbe147 — En général, étant donné dans un animal un segment de moelle épinière avec les nerfs sensitifs qui s’y rendent et les nerfs moteurs qui en proviennent, si l’on excite les nerfs sensitifs, le segment, entrant en action, mettra en jeu les nerfs moteurs, et l’on verra des contractions musculaires. […] J’ai montré par les expériences 6, 7 et 8, qu’une simple section transversale de la moelle, quoiqu’elle interrompe sa continuité, laisse subsister le pouvoir réflexe, l’excitabilité des nerfs, la contractilité et la nutrition des muscles, dans toutes les parties paralysées de la sensibilité et du mouvement… Chaque segment de la moelle est donc un véritable centre d’innervation… Ainsi on peut considérer le cordon médullaire comme constitué par une série de centres nerveux, à propriétés identiques, mais pourtant affectés à des fonctions différentes suivant les organes auxquels se rendent les nerfs qui en proviennent… Cela serait d’accord avec l’anatomie comparée, qui montre la moelle se segmentant peu à peu, à mesure qu’on descend des mammifères aux poissons, et de ceux-ci aux animaux plus inférieurs encore, les crustacés par exemple… » 150.

2934. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Vendredi 23 janvier Ici, je retrouve Sarcey tout entier : après avoir fait un assez bénin compte rendu de La Fille Élisa, le voilà rédigeant l’article le plus éreinteur de la pièce, pour noblement fournir au ministre et à la censure, des armes pour l’interdiction. […] Ainsi aujourd’hui, ayant sous les yeux une image de Toyokouni, représentant le bureau d’une Maison Verte, d’une maison de prostitution, et me faisant donner une explication japonaise de tous les objets, grands ou petits, garnissant ce bureau, j’avais la conviction que j’apporterais au lecteur, avec ma description, une sensation du rendu de l’endroit, tout aussi photographique, que la donnerait une description d’après nature de Loti. […] » Je me rendais au Jardin des Plantes, pour le dîner que fait à quatre heures et demie, tous les deux mois, le boa. […] Puisque j’intente action contre Poëris et Phtônis son frère, je demande qu’ils soient cités devant toi, et qu’après mûr examen, on rende la décision convenable. […] Car, les arbres que je vois, sont plutôt avec le fourmillement de la feuillée, les arbres de la photographie, ou encore les arbres des petites eaux-fortes de Fragonard, où ce fourmillement de la feuillée est rendu par le grignotis du travail.

2935. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Si un géant blessé tombe, il le trouve semblable à un arbre antique qui a crû sur le plus haut sommet d’une montagne rocheuse, dont l’acier tranchant a déchiré le cœur, et qui, fléchissant tout d’un coup sur son pied qui craque, roule le long des rochers avec un fracas épouvantable ; puis à un large château qui, miné par un art perfide, s’enfonce sur ses fondations croulantes, et dont les tours exhaussées et accumulées jusqu’au ciel rendent la chute plus lourde324. […] Il n’a point l’air étonné des choses étonnantes ; il les rencontre si naturellement qu’il les rend naturelles ; il défait les mécréants comme si de sa vie il n’avait fait autre chose. […] L’Espérance essaya de parler ; mais le vin rendait ses efforts si faibles qu’elle se retira, espérant que le roi excuserait sa brièveté… La Foi quitta la cour dans un état chancelant… Toutes deux étaient malades et allèrent vomir dans la salle d’en bas… Pour la Victoire, après un lamentable bégaiement, on l’emmena comme une pauvre captive, et on la déposa, pour qu’elle fît un somme, sur les marches extérieures de l’antichambre. […] Car la science et la philosophie ne font que traduire par des formules précises la conception originale que l’art et la poésie rendent sensibles par des figures imaginaires ; une fois que l’idée d’un siècle s’est manifestée en vers par des créations idéales, elle arrive naturellement à s’exprimer en prose par des raisonnements positifs. […] Toujours pour lui l’objet d’une science est l’établissement d’un art, c’est-à-dire la production d’une chose active et utile ; quand il veut rendre sensible par un roman la nature efficace de sa philosophie, il décrit dans sa Nouvelle Atlantide, avec une hardiesse de poëte et une justesse de devin, presque en propres termes, les applications modernes et l’organisation présente des sciences, académies, observatoires, aérostats, bateaux sous-marins, amendements des terres, transformations des espèces, reviviscences, découverte des remèdes, conservation des aliments.

2936. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Après cette justice rendue à des efforts et à des travaux qui me semblent si bien concourir et s’accorder, j’en viens à mon sujet même. […] Mais à côté de ces remarques justes et si bien rendues, il y a de singulières erreurs de fait, comme lorsque l’auteur suppose qu’on jouit à Venise d’une liberté républicaine complète dans le sens vulgaire du mot, et qu’il méconnaît et ignore le caractère de cette aristocratie mystérieusement constituée. — Le petit traité de La Boétie a, du reste, été fort bien apprécié récemment dans le savant ouvrage que M. 

2937. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Par dédain pour les qualités tempérées qui suffisent aux conditions d’une société vieillie, il disait : « Mêlez un peu d’orgueil qui empêche d’oublier ce qu’on se doit, de sensibilité qui empêche d’oublier ce qu’on doit aux autres, et vous ferez de la vertu dans les temps modernes. » Mais pour les anciens, tout en sachant en quoi nous les surpassons, il les montre bien supérieurs en énergie, en déploiement de facultés de tout genre : forcés par la forme de leur gouvernement de s’occuper de la chose publique d’en remplir presque indifféremment tous les emplois de paix et de guerre, de s’y rendre propres et de s’y tenir prêts à tout instant, de parler devant des multitudes vives, spirituelles, mobiles et passionnées : Quelle devait être, dit-il, l’explosion des talents animés, stimulés par d’aussi puissants motifs ! […] Il peut servir à représenter à nos yeux toute une classe et une race de gens du monde, de gens d’esprit et d’administrateurs distingués, qui existaient tout formés à la fin de l’Ancien Régime, qui succombèrent avec l’ordre de choses, et qui ont péri dans l’intervalle, avant que la société reconstituée pût leur rendre une situation ou même leur donner un asile.

2938. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Ils étaient au coucher, au lever du prince, à son dîner, à sa chambre, à son cabinet et à toutes ses heures privées : je ne dis pas seulement des principaux à qui le respect que les capitaines rendent aux capitaines eût pu permettre cette bonne chère ; cela eût été bienséant si le duc de Mayenne ou celui de Parme eussent été prisonniers. […] C’est l’achèvement de cette mission glorieuse, le développement de l’œuvre de Henri IV, qu’on trouvera rendu dans l’Histoire de M. 

2939. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Ceci rappelle et l’Ode de Sapho assez bien rendue, quoi qu’on en ait dit, par Boileau, et ces vers de Catulle que Fénelon donnait comme un modèle de simplicité passionnée : « Odi et amo… J’aime et je hais à la fois, etc… » Mais ce que ce vigoureux sonnet rappelle plus nécessairement encore, c’est le tableau que Louise a tracé ailleurs des mêmes symptômes amoureux, et qui avait sa place tout indiquée dans le plaidoyer de Mercure, quand celui-ci réplique à Apollon en faveur de la Folie et de sa liaison si naturelle avec Amour. […] Nous le savons, tu peux donner encor des ailes Aux âmes qui ployaient sous un fardeau trop lourd : Tu peux, lorsqu’il le plaît,, loin des sphères mortelles Les élever à toi dans la Grâce et l’Amour ; Tu peux parmi les chœurs qui chantent tes louanges A tes pieds, sous tes yeux nous mettre au premier rang, Nous faire couronner par la main de tes Anges, Nous revêtir de gloire en nous transfigurant ; Tu peux nous pénétrer d’une vigueur nouvelle, Nous rendre le désir que nous avions perdu ; Oui, mais le Souvenir, cette ronce immortelle Attachée à nos cœurs, l’en arracheras-tu ?

2940. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Il y a bien un Gautier universellement accepté, qui est celui des voyages ; celui-là, on le vérifie à chaque pas, dès qu’on met le pied dans les pays qu’il nous a rendus et exprimés en traits si saillants et si fidèles. […] C’est un ogre lascif qui dans ses bras infâmes A son repaire affreux porte sept jeunes femmes ; Renaud de Montauban, illustre paladin, Le suit l’épée au poing : lui, d’un air de dédain, Le regarde d’en haut ; son œil sanglant et louche, Son crâne chauve et plat, son nez rouge, sa bouche Qui ricane et s’entr’ouvre ainsi qu’un gouffre noir, Le rendent de tout point très singulier à voir : Surprises dans le bain, les sept femmes sont nues ; Leurs contours veloutés, leurs formes ingénues Et leur coloris frais comme un rêve au printemps, Leurs cheveux en désordre et sur leur cou flottans, La terreur qui se peint dans leurs yeux pleins de larmes Me paraissent vraiment admirables ; les armes Du paladin Renaud faites d’acier bruni, Étoilé de clous d’or, sont du plus beau fini : Un panache s’agite au cimier de son casque, D’un dessin à la fois élégant et fantasque ; Sa visière est levée, et sur son corselet Un rayon de soleil jette un brillant reflet.

2941. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Je ne saurais rendre l’effet désagréable que produit sur moi, par instants, ce style bizarre, baroque, bariolé de métaphores et de termes abstraits, à phrases courtes, à paragraphes secs, décharnés, qui sentent encore le résumé du contentieux, et qui poussent par soubresauts l’éloquence du factum jusqu’à une sorte d’élancement lyrique. […] lecteur, j’aurais pu affiler ma bonne lame, donner de la pointe à ce Scythe, à ce barbare, et lui rendre blessure pour blessure. — Mais nous autres, Grecs d’Athènes, si nous avons du sel aux lèvres, nous n’avons pas de fiel dans le cœur, etc., etc. » J’abrége la parodie : il ne manque à ce choc, à ce cahotage de tous les styles, que d’y avoir fait entrer plus au long ma bonne lame de Tolède ; l’amalgame eût été complet.

2942. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Mais on conçoit quelle délicatesse de goût, quelle légèreté de touche il faudrait pour ne point dépasser la mesure sous prétexte de rendre la peinture plus comique ou plus maligne par la précision des ressemblances. […] Le personnage ne nous est pas inconnu : sous sa rousse fourrure, nous n’avons pas de peine à ressaisir une physionomie que la geste des Lorrains nous a rendue familière : ce Bernart de Naisil toujours acharné à semer la discorde, et prêt à pêcher en eau trouble, perfide, subtil, insaisissable, et retombant sur ses pieds où tout autre se fût rompu les reins, c’est Renart ou son frère jumeau.

2943. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Octave Feuillet avec ses intentions, ou bien encore un mélange de réalité quelquefois brutale et de convention souvent insupportable : voilà ce qui rend, à partir de Monsieur de Camors, l’œuvre de M.  […] Feuillet lui-même nous montre, par l’exemple du vertueux docteur Tallevaut, qu’une doctrine vaut exactement ce que vaut l’âme qui l’embrasse : alors pourquoi rendre la philosophie du bonhomme responsable des crimes de Sabine ?

2944. (1890) L’avenir de la science « II »

La science, et la science seule, peut rendre à l’humanité ce sans quoi elle ne peut vivre, un symbole et une loi. […] On trouve à chaque page, dans la littérature de nos jours, la tendance à regarder les souffrances individuelles comme un mal social et à rendre la société responsable de la misère et de la dégradation de ses membres.

2945. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Ils dureront jusqu’au moment où le xviiie  siècle (dans sa seconde moitié principalement) viendra rendre à la sensibilité, au Moi, au monde extérieur la part d’attention qu’ils méritent…   Certes, je ne prétends pas que les quatre caractères, dont je viens de montrer la coexistence, suffisent à exprimer dans sa complexité la littérature de l’époque choisie comme champ d’études. […] C’est encore un moyen de rendre plus visibles les goûts dominants.

2946. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

C’est bien lui encore qui, même revenu à une sorte de résipiscence dans son Vieux Cordelier, dira : « Je mourrai avec cette opinion, que pour rendre la France républicaine, heureuse et florissante, il eût suffi d’un peu d’encre et d’une seule guillotine ?  […] Je me suis rendu à ces raisons dont j’ai senti la force et la vérité.

2947. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

 » Le souffle poétique, ce qui est rare chez Mirabeau, semble avoir passé en cet endroit, et en cet autre encore : « Si vous me redonnez la liberté, même restreinte, que je vous demande, la prison m’aura rendu sage ; car le Temps, qui court sur ma tête d’un pied bien moins léger que sur celle des autres hommes, m’a éveillé de mes rêves. » Ailleurs, parlant non plus à son père, mais de son père, il dira par un genre d’image qui rappelle les précédentes : « Il a commencé par vouloir m’asservir, et, ne pouvant y réussir, il a mieux aimé me briser que de me laisser croître auprès de lui, de peur que je n’élevasse ma tête tandis que les années baissent la sienne. » On a refusé l’imagination proprement dite à Mirabeau ; il a certainement l’imagination oratoire, celle qui consiste à évoquer les grands noms historiques, les figures et les groupes célèbres, et à les mettre en scène dans la perspective du moment : mais, dans les passages que je viens de citer, il montre qu’il n’était pas dénué de cette autre imagination plus légère, et qui se sent de la poésie. […] Il fait sonner bien haut le mot de parricide, et donne à entendre à M. de Maurepas que s’y prêter comme il le fait, c’est s’en rendre complice.

2948. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Pour rendre à Mlle de Scudéry toute la justice qui lui est due, et pour lui assigner son vrai titre, on doit la considérer comme l’une des institutrices de la société, à ce moment, de formation et de transition. […] Mais ce qu’il y a de plus nécessaire pour la rendre douce et divertissante, c’est « qu’il y ait un certain esprit de politesse qui en bannisse absolument toutes les railleries aigres, aussi bien que toutes celles qui peuvent tant soit peu offenser la pudeur… Je veux encore qu’il y ait un certain esprit de joie qui y règne. » Tout cela est assurément aussi bien dit et aussi agréable que judicieux, comme ne manque pas de le remarquer l’un des personnages de l’entretien.

2949. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Le jour des funérailles il lui rendit, en cette demi-colonne de journal, un expressif et véridique hommage. […] La pratique suivra : La révolution de Juillet ne nous a rendu ni plus ni moins ardents que nous ne l’étions sous le dernier gouvernement… L’obstacle est écarté… il n’y a plus qu’à marcher avec un juste sentiment de ce qu’il y a d’avenir dans ce seul fait : Plus de royauté ennemie des institutions ; et l’on arrivera à tous les biens que tant de systèmes successivement essayés ont promis sans jamais tenir. — Ce n’est pas là de l’optimisme, ajoute Carrel, c’est une juste confiance dans le principe essentiel de notre gouvernement : la souveraineté du peuple représentée par la souveraineté des majorités parlementaires.

2950. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Par-là, ils méconnaissent le sentiment de la transition et rendent impossible la conception du temps. […] De même que, psychologiquement, tout état de conscience enveloppe à des degrés divers les trois fonctions essentielles de sensation, d’émotion et d’appétition, mais que les rapports mutuels des états de conscience les rendent tantôt plus passifs, tantôt plus actifs, tantôt plus excitateurs, tantôt plus dépressifs, de même, physiologiquement, il y a dans tous les mouvements cérébraux et nerveux des effets essentiellement sensoriels et moteurs, accidentellement excitateurs ou inhibiteurs.

2951. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Les auteurs sont d’autant plus heureux de se rendre à ce vœu du public, que le public appréciera plus nettement ainsi ce que coûte de recherches la petite histoire. […] Nous l’avons évoqué dans ces monuments peints et gravés, dans ces mille figurations qui rendent au regard et à la pensée la présence de ce qui n’est plus que souvenir et poussière.

2952. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Car la manifestation des caractères qu’il produit peu à peu rend les hommes compatissants pour tous les autres hommes et les empêche de haïr sauvagement qui que ce soit. […] Ceux-ci distingueront entre les ouvrages qui tendent à suggérer des sentiments qui doivent décroître, s’il faut que la race ou l’Etat vive, et ceux qui contribuent au contraire à rendre l’homme plus sain, plus joyeux, plus moral, plus noble.

2953. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Il a, lui aussi, au-dessus de sa tête, la chauve-souris qui vole éventrée, et à ses pieds la science, la sphère, le compas, le sablier, l’amour, et derrière lui à l’horizon un énorme soleil terrible qui semble rendre le ciel plus noir. […] Le poëte rend ce service à votre esprit.

2954. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Peut-être même celle-cy est-elle plus difficile à imaginer, et imaginée, plus difficile à rendre. […] Si mes pensées sont justes, vous les fortifierez de raisons qui ne me viennent pas, et de conjecturales qu’elles sont vous les rendrez évidentes et démontrées.

2955. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Positive, elle est plus utile à l’intelligence qu’à l’imagination ; élégante, elle reconnaît pour législateur le goût plus que le génie ; noble, mais dédaigneuse, si elle sait rendre l’expression des sentiments généreux et élevés, elle se refuse peut-être à la naïveté sublime. […] Les sujets historiques furent d’abord pris hors de notre histoire, ce qui était un hommage rendu à la vérité du sentiment qui avait dicté les préceptes anciens.

2956. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Trelawney n’a pas rendu à lord Byron sa politesse… Un poète impuissant et jaloux n’aurait pas dit plus de mal de Byron que M.  […] Mais ce qui est bien pis que d’être épileptique, il était avare ; il empruntait et oubliait de rendre. — Avare !

2957. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Thierry lui a appliqué cette vue moderne, enfantine, orgueilleuse, qui ne veut être dupe de rien, qui tyrannise tous les historiens de ce temps et qui leur rend suspects tous les grands courants de la tradition historique. […] Ferrari, passent pour le moment sur le ventre aux idées de l’abbé du Bos et de Montesquieu, qui se relèveront et le rendront à qui les foule ; seulement, ses idées une fois jetées parterre, qu’on me fasse le plaisir de me dire ce que deviendra le très honorable M. 

2958. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Le vrai Joseph Delorme ne commence qu’à la quinzième pièce du volume (et il y en a cinquante-six en tout) ; il ne se révèle pour la première fois que dans celle-là que le poète a intitulée Bonheur champêtre, et dans laquelle pourtant le vieux lyrisme du moment, jeune alors, mais connu, usé, poncif à présent, et qui retentissait en métaphores sur la lyre des Hugo et des Lamartine, couvre encore la voix neuve, la note unique qui, tout à coup, çà et là, y vibre : Lorsqu’un peu de loisir me rend à la campagne Et qu’un beau soir d’automne, à travers champs, je gagne Les grands bois jaunissants, etc., etc. […] Sainte-Beuve, en ces Pensées d’août qu’aucun soleil d’août n’avait besoin de brûler pour les rendre arides.

2959. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

… J’entends en moi naître et s’élever la mélodie des élus du silence… Et le solitaire, abîmé sans la contemplation de sa beauté, dont la simple clarté du jour ruinerait l’infinie délicatesse incomprise, se perd de plus en plus dans les abîmes de jouissance qu’il découvre en lui-même, en sculptant sa propre image, d’une main que l’art rend toujours plus mystérieusement habile. […] De la généralité des objections que nous avons examinées une à une, nous ne voulons retenir que la principale, autour de laquelle, à notre avis, se précise le débat, à savoir celle-ci : que la concentration cérébrale, produite par la chasteté, peut rendre plus intense la pensée, et plus puissant le cerveau.

2960. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

Molé avait déjà dit autrefois à M. de Tocqueville entrant dans la vie publique, il a paru croire que l’expérience seule avait manqué à ce dernier, pour le rendre plus équitable et plus indulgent envers le pouvoir, et que M. de Tocqueville, après en avoir tâté lui-même, après en avoir senti le poids, aurait été moins rigide pour ceux qu’un abîme ne séparait pas de lui.

2961. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

Dans le mois de juillet 1823, notre régiment reçut l’ordre de se rendre de Strasbourg à Bordeaux pour y tenir garnison.

2962. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Hugo étant venu chez moi sans me rencontrer et m’ayant laissé sa carte, j’allai lui rendre sa visite le lendemain vers midi, et je le trouvai à déjeuner.

2963. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Creusez en vous-même, étudiez et sondez votre propre duplicité, plongez en tous sens au fond de l’abîme de votre cœur, et vous n’y trouverez pas autre chose que ce que Pascal vous a rendu en des traits si énergiques et si saillants.

2964. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Soumet, sur le ton solennel d’un prône ou d’un ordre du jour : « Les lettres sont aujourd’hui comme la politique et la religion ; elles ont leur profession de foi, et c’est en ne méconnaissant plus l’obligation qui leur est imposée que nos écrivains pourront se réunir, comme les prêtres d’un même culte, autour des autels de la vérité ; ils auront aussi leur sainte alliance ; ils n’useront pas à s’attaquer mutuellement des forces destinées à un plus noble usage ; ils voudront que leurs ouvrages soient jugés comme des actions, avant de l’être comme des écrits ; ils ne reculeront jamais devant les conséquences, devant les dangers d’une parole courageuse, et ils se rappelleront que le dieu qui rendait les oracles du temple de Delphes, avait été représenté sortant d’un combat. » Une fois qu’on en venait à un combat dans les formes avec les idées dominantes, on était certain de ne pas vaincre.

2965. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Voyez Davanzati, avec quelle simplicité unie et franche il a rendu Tacite dans la langue de Machiavel !

2966. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Selon lui, en effet, « la Constitution de l’an III eût été acceptée volontiers par la nation en général, si les thermidoriens n’avaient voulu, par un artificieux égoïsme, la mutiler et la rendre illusoire dès son principe, en y glissant  le moyen de se continuer dans l’exercice de leur autorité arbitraire. » Oubliant que les hommes les plus modérés et les plus sages de l’époque redoutaient une transition trop brusque et voulaient en amortir le choc, il se déclare violemment contre les décrets de prudence, qui maintenaient les deux tiers de la Convention dans la législature suivante.

2967. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Un moment, son désespoir est au comble ; l’ironie va le saisir, et, prenant l’existence pour l’amer sarcasme d’un maître jaloux, il est prêt à lui rendre mépris pour mépris, à le maudire et à le railler ; — ou bien, à d’autres instants, la défaillance le poussant à la mollesse, il se demande s’il n’est pas mieux de prolonger les voluptés jusqu’à la tombe et de se noyer l’âme sur des seins embaumés de roses.

2968. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Après tout, M. de Bernard, en se livrant vers cette fin au terrible à la mode, a pu se dire qu’il avait, dans les trois autres quarts du roman, payé assez largement sa dette à l’observation fine et franche, à la vérité amusante des mœurs, à cette nature humaine d’aujourd’hui, vivement rendue dans ses sentiments tendres ou factices, ses élégances et ses ridicules, ses affectations naïves ou impertinentes ; car il a fait de tout cela dans Gerfaut, et bon nombre de ces pages, de ces conversations et de ces scènes scintillantes ou gaies, entraînantes ou subtiles, et parfois simplement plaisantes, auraient pu être écrites par un Beaumarchais romancier, ou même par un Regnard.

2969. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Il est possible que, dans une telle situation, les écrivains tombent dans l’affectation, parce qu’il leur importe trop de rendre piquantes les formes de leur style.

2970. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Obligés d’étudier sans cesse ce qui pouvait nuire ou plaire en société, cet intérêt les rendait très observateurs.

2971. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

On ne recherche et l’on ne sent que l’exactitude scientifique de la pensée et de l’expression ; on n’a que des idées abstraites à exprimer, et on ne les rend que par des signes abstraits.

2972. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Je crois son âme souple, obligeante et docile ; elle se rend de bonne grâce aux sollicitations du paysage, et leur contact ne me semble jamais brutal, soit que le décor informe son âme, soit qu’il repose aux principes extérieurs son allégresse préférable ou son souci.

2973. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Le radium seul leur prendrait un peu de leur énergie et il nous la rendrait ensuite sous diverses formes.

2974. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

On rend directement ses impressions sans les transposer.

2975. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

Ainsi la vie d’un individu est tout à coup métamorphosée par l’effet d’un legs qui le rend y possesseur d’une richesse inattendue.

2976. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Il les préviendra d’abord que ce mot, seconde édition, est ici assez impropre, et que le titre de première édition est réellement celui qui convient à cette réimpression, attendu que les quatre liasses inégales de papier grisâtre maculé de noir et de blanc, dans lesquelles le public indulgent a bien voulu voir jusqu’ici les quatre volumes de Han d’Islande, avaient été tellement déshonorées d’incongruités typographiques par un imprimeur barbare, que le déplorable auteur, en parcourant sa méconnaissable production, était incessamment livré au supplice d’un père auquel on rendrait son enfant mutilé et tatoué par la main d’un iroquois du lac Ontario.

2977. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Deux hypothèses célèbres ont été proposées pour expliquer les fonctions cérébrales, l’hypothèse de esprits animaux et l’hypothèse des libres vibratoires La première, qui date de l’antiquité, a été rendu célèbre par Descartes et par son école ; la seconde paraît avoir été introduite par le docteur Briggs professeur d’anatomie de Newton.

2978. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Ce livre trop fameux & trop digne de l’être, a été proscrit par les deux Puissances, & l’on peut citer contre lui les Arrêts du Conseil & des Parlemens, les comptes rendus des gens du Roi, les Mandemens de plusieurs Evêques, &c.

2979. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

C’est l’instant du jour, la saison, le climat, le site, l’état du ciel, le lieu de la lumière qui en rendent le ton général fort ou faible, triste ou piquant.

2980. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

À rendre petite et commune, une grande chose ?

2981. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Sa belle tête est d’un caractère si touchant ; il paraît si sensible aux services qu’on lui rend ; il a tant de peine à parler, sa voix est si faible, ses regards si tendres, son teint si pâle, qu’il faut être sans entrailles pour ne les pas sentir remuer.

2982. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

Le chevalier Temple qui a été frappé de la difference du caractere des bataves et des hollandois, et qui a voulu en rendre raison, attribuë cette difference au changement de nourriture.

2983. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

Il arrive donc que ceux qui ont la vûë courte, hésitent quelque-temps à se rendre au sentiment de celui qui a les yeux meilleurs qu’eux, mais dès que la personne qui s’avance s’est approchée à une distance proportionnée à leur vûë, ils sont tous d’un pareil avis.

2984. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Au moment précis où un peuple entreprend de se refaire un système d’idées, il peut bien, dans une crise d’enthousiasme et de confiance juvénile, croire que la tâche est aisée ; mais il ne tarde pas à en éprouver toutes les difficultés, et les illusions qu’il peut avoir eues ne font que rendre son désenchantement plus amer.

2985. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

Voilà la vérité vraie, contre laquelle tous les livres de réfutation ne pourront rien. » Pour rendre cet enseignement clair et pratique, nous avons cru devoir distinguer d’abord deux sortes de style : le style d’idées, ou abstrait, et le style d’images, ou de couleur.

2986. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Il n’a point essayé de rendre l’adultère ou joli, ou imposant, ou intéressant, ou excusable à quelque degré que ce soit.

2987. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Cette vie que l’auteur des Mémoires a, pendant des années, arrangée comme un piège pour y prendre l’absolution de la postérité, a suffi au franc historien pour déconcerter l’homme et son piège et rendre toute absolution impossible.

2988. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Le conscrit social en révolte, qui ne voulait pas être soldat parce qu’on ne le faisait pas tout d’abord Maréchal de France, a rejoint le régiment, sans gendarmes, et il ne s’est pas coupé le doigt qui tire la languette dans le coup de fusil, pour se rendre impropre au service… Non !

2989. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Ils sont coupables de cécité. « Ils ont cru qu’ils n’avaient qu’à jouir de la centralisation qui s’était formée sous leurs prédécesseurs, et non à en généraliser l’action, afin de la rendre de plus en plus juste et féconde. » Dès que le Premier Consul paraît, au contraire, la centralisation sort tout organisée de son gouvernement.

2990. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Paul Jove a fait l’éloge ou le portrait de tous ces hommes, la plupart plus courageux que saints ; mais dans cette foule de noms, on aime à retrouver à Florence, les Médicis ; à Milan, ces fameux Sforces, dont l’un simple paysan, devint un grand homme ; et l’autre, bâtard de ce paysan, devint souverain ; à Rome, les Colonnes, presque tous politiques ou guerriers ; à Venise plusieurs doges et quelques généraux ; à Gênes, ce célèbre André Doria, qui vainquit tour à tour et fit vaincre Charles-Quint, redoutable à François Ier et à Soliman, mais grand surtout pour avoir rendu la liberté à sa patrie, dont il pouvait être le maître.

2991. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Ce style gracieux, mais inégal, ces mètres faciles et simples, nous rendent-ils la poésie hardie et savante de celui que les anciens avaient rangé parmi leurs grands lyriques ?

2992. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Vicovaro ; le torrent de la Digentia qui écume encore sous les chênes disséminés au fond de la vallée d’Ustica ; le site parsemé de débris de briques de la maison rurale du poète ; Rocca-Giovanni qui s’élève avec ses ruines de forteresse féodale comme une sentinelle à l’ouverture de la vallée ; la plaine de Mandéla fumante çà et là au soleil ; des feux d’herbes sèches allumés et oubliés par les bergers ; la grotte des nymphes au bord de laquelle rêve le poète endormi dont on voit danser les songes sous la figure des femmes qu’il aima ; la fontaine de Blandusie en Calabre, qui a changé tant de fois de nom depuis Horace, et à laquelle un vers du lyrique rend éternellement son premier nom ; la barque pleine de musique et pavoisée de voiles qui portait Mécène, Horace et leurs amis pendant le voyage de Brindes ; la treille de Tibur entre deux colonnes à l’ombre desquelles le nonchalant ami de Mécène écrit une strophe entre deux sommeils ; l’entretien du maître d’Ustica avec son métayer, au milieu de ses troupeaux de chèvres ; Horace, ses tablettes sur ses genoux dans sa bibliothèque de Tibur, écrivant au milieu de ses rouleaux de livres grecs les préceptes de son épître aux Pisons, chacun de ces tableaux est une évocation vivante d’un passé de deux mille ans, mais auquel ces deux mille ans n’ont enlevé ni un rocher, ni une source, ni un arbre aux paysages, ni un vers au génie aimable du poète. […] Rendue plus fière par la certitude d’une mort volontaire et délibérée, elle ravit à nos vaisseaux victorieux l’orgueil d’emmener une reine supérieure à sa destinée au char des triomphateurs à Rome !  […] Écoutez comment une hôtellerie romaine est décrite dans ce tumultueux rendez-vous des bouviers et des marins fournisseurs de Rome : « Fourmilière de marins et de cabaretiers fripons, l’eau y est insalubre ; je préférai faire jeûner mon estomac débile, et j’assistai, sans y prendre part, au repas de mes compagnons de route.

2993. (1930) Le roman français pp. 1-197

Ils sont imprégnés de La Nouvelle Héloïse, ils la rendent par tous les pores. […] Et, chose curieuse qu’on n’a pas jusqu’ici assez bien marquée, cet héroïsme, même dans son Michel-Ange, rend un son wagnérien. […] Personne alors en France, sauf quelques jeunes universitaires qui rendirent pendant la guerre de considérables services, ne la connaissait plus. […] Elle rend des sons étranges, furieux, hautains, tels qu’on n’en avait pas entendus depuis Barbey d’Aurevilly. […] Sa première erreur qui est d’ordre général, est de vouloir rendre la « bourgeoisie » cause de tout le mal — si mal il y a.

2994. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

Et vous, confrère et médecin, qui trouvez d’ailleurs, dites-vous, mes éloges du docteur Paulin justes et mérités, vous venez, après neuf ans, relever, par une diatribe bruyante, qui vise au grotesque et qui prend en s’affichant des airs de mascarade, quelques négligences et des rapidités inévitables de diction : vous venez en faire une sorte d’éclat et comme de découverte dans un journal quotidien, de telle sorte qu’il ne tenait qu’aux lecteurs de l’Événement, ce jour-là, de croire que je m’étais rendu coupable d’un méfait littéraire assez récent, d’une harangue tout à fait ridicule.

2995. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Il le surpasse de beaucoup par le ton et la couleur, lorsque, parlant d’une femme de sa connaissance que mademoiselle Voland jugeait coquette, il dit : « Vous vous trompez ; elle n’est point coquette ; mais elle s’est aperçue que cet intérêt vrai ou simulé que les hommes portent aux femmes, les rend plus vifs, plus ingénieux, plus affectionnés, plus gais ; que les heures se passent ainsi plus rapides et plus amusées ; elle se prête seulement : c’est un essaim de papillons qu’elle assemble autour de sa tête, le soir elle secoue la poussière qui s’est détachée de leurs ailes, et il n’y paraît plus. » C’est avec madame Legendre surtout que notre philosophe aime à marivauder, comme il dit, à l’égal de la fée Taupe de Crébillon.

2996. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Turquety a bien consulté et rendu son inspiration secrète, c’est qu’il a trouvé dans d’autres cœurs une réponse.

2997. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

La justice des hommes se promettait par avance une de ces satisfactions d’amour-propre qu’au dire des comptes rendus elle éprouve chaque fois qu’il lui est donné de présider à une cérémonie de cet ordre, et le tout-Paris des dernières, friand de tout bruit de coulisse  et notamment de celui que fait le sinistre couperet en glissant dans sa rainure  retenait déjà ses places, etc… » Ne croyez pas, je vous en supplie, que ces lignes soient l’indice d’un mauvais cœur.

2998. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Frédéric Mistral, qui n’en serait pas moins ce qu’il est, quand il serait signé par le Gazonal de Balzac, n’existe, comme toutes les œuvres vraiment poétiques, que par le détail, l’observation, le rendu et l’intensité du détail.

2999. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Pour la rendre, Musset avait dressé l’image du pélican qui nourrit ses petits de sa propre chair.

3000. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

J’écarterai les problèmes de quantité et les considérations métaphysiques, et je ne parlerai que du rythme, prétendant qu’il suffit à rendre l’émotion lyrique et qu’il peut obtenir son maximum d’intensité dans des strophes comprenant un nombre variable de vers, ceux-ci étant formés d’un nombre variable de syllabes — au gré de l’individu-poète délivré des influences et des Règles.

3001. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

L’événement rend tout permis. » Le 28, elle écrit : « Jo est chez Madame tout comme elle était.

3002. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Mais leur grandeur elle-même les rend inaccessibles.

3003. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

À défaut de cette vérité objective qui eût pu être prise comme but, comme principe directeur et comme terme de comparaison, l’intelligence ne saurait rencontrer en effet aucun motif rationnel d’élire et de réaliser quelque état de la substance phénoménale de préférence à un autre : elle assisterait impassible à son écoulement indéfini, et rien ne saurait la déterminer à faire jamais le geste qui, modérant la vitesse du flux phénoménal, rend perceptible quelqu’un de ses aspects.

3004. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

C’est lorsque ces deux auteurs se rencontrent le plus pour le fond des choses, qu’on remarque mieux combien ils diffèrent pour la manière de les rendre.

3005. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Adam et Ève s’endorment ; mais ils n’ont plus cette innocence qui rend les songes légers.

3006. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Cette objection contre l’usage de composer et d’écrire en note la déclamation, auroit pû paroître considerable avant qu’on connût les opera, mais le succès de ce spectacle, où l’acteur est astreint, comme nous venons de le dire, à suivre la note et la mesure, rend l’objection frivole.

3007. (1762) Réflexions sur l’ode

Que le soleil vienne éclairer tout à coup les habitants d’une caverne obscure, qu’il darde impétueusement ses rayons dans leurs yeux non préparés, il ne fera que les aveugler pour jamais ; il fera pis encore ; il leur rendra pour jamais odieux l’éclat du jour, dont ils ne connaîtront que le mal qu’il leur aura causé.

3008. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

La maison Dumas, pour l’esprit qui l’a habitée, est la guérite de l’adultère, du duel, de toutes les rengaines dramatiques sur lesquelles cette grande pauvreté qui se croit un luxe, Je théâtre vit depuis des siècles, et quand on y a passé une partie de sa jeunesse, on reste imprégné de ces idées de duels et d’adultères, on les respire ; on les transpire ; on n’est plus capable de rendre autre chose, de créer autre chose que cela.

3009. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Même dissolues, il fallait qu’elles fussent hypocrites, — qu’elles rendissent ce dernier hommage à la vertu qu’elles n’avaient pas, sous peine d’être chassées immédiatement, par l’opinion, de tout honnête milieu social.

3010. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

. — L’immoralité des tableaux est une fière chance de succès, sans doute, mais la déclamation rend tout insupportable, même le vice, pour les vicieux qui l’aiment.

3011. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Ce n’est plus l’Histoire de la Littérature anglaise, qui, nul dans l’idée générale sur laquelle il repose, n’en est pas moins un livre très intéressant dans sa partie littéraire, et d’un écrivain qui martèle son style, mais qui, à force de le marteler, le rend brillant et solide.

3012. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Paul Meurice n’est pas dépourvu de talent, — et je dirai tout à l’heure le talent qu’il a, — mais entre son adoration génuflexoire pour Hugo et sa collaboration avec madame Sand, son talent est assez mal placé pour produire un grand effet et pour qu’on lui rende une justice entière.

3013. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Le divin Marat, un bras pendant hors de la baignoire et retenant mollement sa dernière plume, la poitrine percée de la blessure sacrilège, vient de rendre le dernier soupir.

3014. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

La critique kantienne devint alors nécessaire pour rendre raison de cet ordre mathématique et pour restituer à notre physique un fondement solide, — à quoi elle ne réussit d’ailleurs qu’en limitant la portée de nos sens et de notre entendement.

3015. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Et pourtant dans cette abondance il y avait un vide : quand je lisais les comptes rendus, je croyais assister à un congrès de chefs d’usines ; tous ces savants vérifiaient des détails et échangeaient des recettes. […] C’est à nous de renverser cet ordre en logique, puisque nous l’avons renversé dans les sciences, de relever les expériences particulières et instructives, et de leur rendre dans nos théories la primauté et l’importance que notre pratique leur confère depuis trois cents ans. […] Nous sommes tentés de répondre que non, car qui est-ce qui le rendrait plus froid ? […] L’abstraction rend aux axiomes leur valeur en montrant leur origine, et nous restituons à la science la portée qu’on lui ôte en restituant à l’esprit la faculté qu’on lui ôtait. […] Ce surplus ou résidu de vitesse est un conséquent et suppose un antécédent ; Laplace trouva l’antécédent dans la chaleur que développe la condensation de chaque onde sonore, et cet élément nouveau introduit dans le calcul le rendit parfaitement exact.

3016. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Et pourtant dans cette abondance il y avait un vide : quand je lisais les comptes rendus, je croyais assister à un congrès de chefs d’usines ; tous ces savants vérifiaient des détails et échangeaient des recettes. […] C’est à nous de renverser cet ordre en logique, puisque nous l’avons renversé dans les sciences, de relever les expériences particulières et instructives, et de leur rendre dans nos théories la primauté et l’importance que notre pratique leur confère depuis trois cents ans. […] Nous sommes tentés de répondre que non, car qui est-ce qui le rendrait plus froid ? […] L’abstraction rend aux axiomes leur valeur en montrant leur origine, et nous restituons à la science la portée qu’on lui ôte en restituant à l’esprit la faculté qu’on lui ôtait. […] Ce surplus ou résidu de vitesse est un conséquent et suppose un antécédent ; Laplace trouva l’antécédent dans la chaleur que développe la condensation de chaque onde sonore, et cet élément nouveau introduit dans le calcul le rendit parfaitement exact.

3017. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Mais chaque fois qu’on ouvrait le livre où sont les comédies et les drames de Musset, chaque fois que le théâtre nous rendait l’une de ces pièces, il y avait une tristesse de désillusion. […] Comme il s’inquiète quand celle dont il est épris n’est point venue au rendez-vous ! […] Cependant il est des choses si viles et des êtres si bas, que la plus clémente rêverie ne saurait les magnifier jusqu’à les rendre intéressants aux penseurs. […] n’a point le droit de le rendre responsable des fautes, c’est-à-dire des basses promiscuités, des misères, dont elle ne le tira point. […] Il rendit l’âme sans trop de souffrance.

3018. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Comme Shakspeare, il imagine à tous propos, hors de propos même, et scandalise les classiques, et les Français. « Les corrupteurs de la foi, dit-il, ne pouvant se rendre eux-mêmes célestes et spirituels, ont rendu Dieu terrestre et charnel ; ils ont changé son essence sacrée et divine en une forme extérieure et corporelle ; ils l’ont consacrée, encensée, aspergée ; ils l’ont revêtue non des robes de la pure innocence, mais de surplis et d’autres habillements déformés et fantastiques, de palliums, de mitres, d’or, de clinquant, ramassés dans la vieille garde-robe d’Aaron ou dans le vestiaire des flamines. […] L’extase seule rend visibles et croyables les objets de l’extase. […] Une femme sage, aux explications d’un étranger, « préfère les explications de son mari. » Cependant Adam écoute un petit cours d’astronomie : il finit par conclure, en Anglais pratique, « que la première sagesse est de connaître les objets qui nous environnent dans la vie journalière, que le reste est fumée vide, pure extravagance, et nous rend, dans les choses qui nous importent le plus, inexpérimentés, inhabiles et toujours incertains514. » L’ange parti, Ève, mécontente de son jardin, veut y faire des réformes, et propose à son mari d’y travailler, elle d’un côté, lui d’un autre. « Ève, dit-il avec un sourire d’approbation, rien ne pare mieux une femme que de songer aux biens de la maison, et de pousser son mari à un bon travail515. » Mais il craint pour elle, et voudrait la garder à son côté. […] Quel plaisir aurais-je retiré d’une obéissance ainsi payée, si la volonté et la raison (la raison aussi est choix), inutiles et vaines, toutes deux dépouillées de liberté, toutes deux rendues passives, eussent servi la nécessité et non pas moi ? […] Dans la seconde, épique et protestant, enchaîné par une théologie stricte, privé du style qui rend le surnaturel visible, dépourvu de la sensibilité dramatique qui crée des âmes variées et vivantes, il accumule des dissertations froides, change l’homme et Dieu en machines orthodoxes et vulgaires, et ne retrouve son génie qu’en prêtant à Satan son âme républicaine, en multipliant les paysages grandioses et les apparitions colossales, en consacrant sa poésie à la louange de la religion et du devoir.

3019. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Vicq d’Azyr prétendait que les singes ne sont pas éducables parce qu’on ne peut pas les rendre attentifs (ce qui est faux d’ailleurs). […] Cette intermittence réelle dans une continuité apparente rend seule possible une • longue attention. […] Il agit par la peur, la privation d’aliments, la violence, la douceur, les caresses et parvient ainsi à faire contracter des habitudes, à rendre par artifice l’animal attentif. […] Prenons un état quelconque d’attention spontanée ; supposons que, par des procédés artificiels, on puisse le renforcer et surtout le rendre permanent, la métamorphose en idée fixe sera consommée ; tout cet ensemble de conceptions déraisonnables qui lui font cortège et qui ont un faux air de folie, s’y ajoutera nécessairement, par le seul effet du mécanisme logique de l’esprit. […] Nulle puissance de coordination ni de contrôle. « Les imbéciles, les idiots, dit Esquirol, sont privés de la faculté d’attention, ce qui les rend incapables d’éducation, j’ai souvent répété cette observation sur eux.

3020. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

On cause de nos revers, et Berthelot, que notre humiliation vis-à-vis de l’Europe a rendu malade et éloquent, véritablement éloquent, parle, avec une voix éteinte, de l’impéritie générale, du favoritisme, de la diminution des hommes par le pouvoir personnel. […] 4 septembre Ici, ce matin, sous un ciel gris qui rend tout triste, un silence de la terre, qui fait peur. […] » Cette phrase me réveille, et me donne immédiatement le soupçon que Strasbourg s’est rendu : pressentiment dont j’ai la confirmation, en achetant un journal sur le boulevard. […] Du Panthéon, je me rends à la place d’Italie par la rue Mouffetard. […] Je veux, avant qu’il ne disparaisse, peut-être, m’y promener toute la journée, et me voici ce matin, dans le chemin tournant, surmonté de l’homme à la lunette, jetant aux passants : « Qui veut voir les Prussiens, on les voit très bien, messieurs, rendez-vous compte ? 

3021. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

En la faisant expliquer, ils eurent dispute ensemble touchant l’explication d’un passage, et ni l’un ni l’autre ne vouloit se rendre au sentiment de son compagnon ; Mme de La Fayette leur dit : Vous n’y entendez rien ni l’un ni l’autre. — En effet, elle leur dit la véritable explication de ce passage ; ils tombèrent d’accord qu’elle avoit raison. […] Ce que sa maîtresse lui aura dit en termes polis, il va le rendre grossièrement, il l’estropie ; plus il y avoit de délicatesse dans le compliment, moins ce laquais s’en tire bien : et voilà en un mot la plus parfaite image d’un mauvais traducteur. » Boileau paraît donc certifier, en quelque sorte, lui-même cette ressemblance, cet accord d’elle à lui, que nous indiquons. […] La Beaumelle, dans les Mémoires qui précèdent son édition des Lettres de Mme de Maintenon, suppose à Mme de La Fayette je ne sais quels torts de caractère et quelles prétentions de vouloir remplacer Mme de Sablé, qui éloignèrent d’elle ses amis et rendirent sa maison déserte : on ne peut trancher avec plus d’impertinence à l’encontre de tous les témoignages.

3022. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Et notez que la forme est ce qui nous rend suspects à la Justice, aux tribunaux qui sont classiques… Classiques, oh ! […] Un rendez-vous de la force moderne, depuis l’athlète de la lutte à main plate et l’hercule du Nord, jusqu’au gymnaste de l’« Adresse française ». […] M. de Manteuffel rendait ainsi, par des voies mystérieuses, un signalé service aux puissances occidentales, en même temps qu’à son pays, car si le dernier mot de la guerre était resté à la Russie, la Prusse serait retombée sous la pesante tutelle de la cour de Saint-Pétersbourg.

3023. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Or, tout avait concouru aussi, dans les mœurs et dans les règnes, à enrichir la langue française d’alluvions d’idiomes ou antiques ou modernes, qui la rendaient propre à devenir à son tour monumentale. […] La latinité lui constituait un nerf, une solidité, une brièveté concentrée de construction qui presse les mots, comme Tacite, pour leur faire rendre avec plus d’énergie le sens. […] La Fontaine, esprit naïf, gracieux, discinctus, pour nous servir de l’expression latine qui rend seule le débraillement de ce caractère, faisait déjà partie, souvent inaperçue, toujours muette, de cette société de grands esprits.

3024. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Nous allons essayer, après M. de Lescure, de le bien définir et de donner de lui l’idée qui pourra le rendre jusqu’à un certain point reconnaissable à ceux même qui le liront peu, mais qui aiment assez les Lettres pour vouloir qu’un nom cité à la rencontre leur représente quelque chose. […] Bayle qui, le premier, a rendu dans notre langue les livres d’érudition agréables et la critique lisible.

3025. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Et quant à la religion, se rendait-il bien compte, au moment où il l’invoquait pour auxiliaire des conditions de l’alliance catholique et des conséquences qu’elle recélait ? […] Les libres jugements que j’v porte et sur mes contemporains et sur moi-même rendraient cette publication impraticable, quand même il serait dans mon goût de produire ma personne sur un théâtre littéraire quelconque, ce qui assurément n’est, pas. » Ainsi il y a de lui un livre commencé sur la Révolution de 1848 ; les Œuvres dites complètes aujourd’hui ne le sont que provisoirement : il restera encore beaucoup à y ajouter, et pour la Correspondance et pour les fragments d’histoire.

3026. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Je fais tout ce que je puis pour lui rendre un peu de force et d’espérance, mais j’ai des idées et une façon de voir si différentes des siennes, que je m’y prends sans doute fort mal ; et puis on ne calme pas l’eau agitée en y trempant la main. […] Loin de m’applaudir du succès de mon livre, j’y vois la ruine du seul bien qui me restait pour me rendre la vie supportable, une profonde obscurité ; et je ne me connais pas seulement l’ombre d’une petite consolation. » Il répète le même refrain presque dans chaque lettre.

3027. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il s’attacha à elle, lui rendit des soins de chaque jour, et perdit tout en la perdant. […] Gidel, a su échapper à cet inconvénient, et il nous a rendu un Saint-Évremond assez vrai dans sa diversité et son étendue.

3028. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Quoi de plus sévèrement pensé, de plus sérieusement rendu que ce point d’une méditation sur la mort ? […] Elle cultiva précieusement Fléchier, qui le lui rendit ; Fléchier, caractère noble, esprit galant, qui n’a d’autre tort que d’avoir été trop comparé par les rhéteurs à Bossuet, qu’il fallait seulement (à part son éclair sur Turenne) rapprocher de Bussy, de Pellisson, de Bouhours, et dont le portrait par lui-même est bien la plus jolie pièce sortie de la littérature Rambouillet.

3029. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Il se rend, sous des apparences de paix, à Bethléem, qui était la ville sainte (le Reims de la Judée). […] On se rend parfaitement compte, à l’aspect des lieux, de la situation des deux armées et de la stratégie très militaire de Saül, pour couvrir les villes et les pâturages de son petit peuple.

3030. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Sur 18 000 vers qu’il a écrits, on en a pu rendre 12 000 à ses auteurs, dont 2 000 au seul Ovide. […] De même, quoi qu’il doive à Alain de Lille, il a certainement vu d’une vision de poète, et rendu avec une fantaisie vigoureuse cette grande allégorie de la Nature travaillant en sa forge, taudis que l’Art à ses genoux s’efforce de lui dérober ses secrets et d’imiter son œuvre.

3031. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Le plus sûr moyen d'y parvenir, est de dévoiler leur charlatanisme, & les ressorts qu'ils ont mis en œuvre, pour séduire les esprits ; de faire connoître leurs usurpations, leurs injustices, leur mauvaise foi, l'absurdité de leurs principes, les dangers de leur doctrine, & la fausseté de leurs raisonnemens ; de prouver, en un mot, à la multitude qui les admire, qu'ils ont corrompu le goût, perverti les genres, dénaturé les sentimens, dégradé les ames, & rendu les hommes plus malheureux. […] Aujourd'hui, plus combinés, plus réfléchis, couverts du masque de la décence, ils sont devenus très-communs, & l'on n'en blâme & punit que la forme ; aujourd'hui les méchans ont acquis l'art funeste de donner un libre essor à leur perversité ; l'art de la rendre plus active, d'en faire mouvoir plus fûrement les ressorts, & le talent plus funeste encore de se dérober au glaive vengeur des Loix.

3032. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Cet éloge du Grand Condé transporta Bussy, et il faut lui rendre cette justice que, si maltraité qu’il fût de ce prince en d’autres occasions, nul ne l’a peint avec plus d’enthousiasme et de feu dans sa beauté martiale. […] Il s’était trouvé en tant d’occasions à la guerre, qu’avec un bon jugement qu’il avait et une application extraordinaire au métier, il s’était rendu le plus grand capitaine de son siècle.

3033. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

L’acte même par lequel un esprit veut se rendre attentif et susciter dans le champ de la conscience des motifs de se résoudre nouveaux et plus forts, cet acte même ne suppose aucune liberté, car il est accompli par celui-ci et ne l’est pas par celui-là, bien que celui-ci et celui-là aient un intérêt identique à l’accomplir. […] Dupe de ce mirage, l’homme s’ingénie et le souci constant de rendre son existence meilleure le conduit à créer les sciences.

3034. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

J’ai la pensée, quand je fais un roman, de rendre une coloration, une nuance. […] Dans Madame Bovary, je n’ai eu que l’idée de rendre un ton, cette couleur de moisissure de l’existence des cloportes.

3035. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

S’ils se publient dans les conditions ordinaires, ces importants ouvrages, pressentant peu d’acheteurs, s’établiront à très haut prix, ce qui les rendra moins accessibles encore : l’effet, comme toujours, réagira sur sa cause et en doublera l’énergie. […] Il nous reste à effleurer une partie délicate de notre sujet, une question qui, bien ou mal résolue, rend les autres solutions possibles ou chimériques.

3036. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Tous ces secours manquaient aux premiers essais de la pensée ; plus on est jeune, plus l’expression première est incomplète et inexacte ; plus on est jeune, moins on a les moyens d’être inspiré ; plus on est jeune, moins la parole peut aider la pensée, plus on cherche ses mots, moins vite on les trouve, moins appropriés ils sont à bien rendre les découvertes de l’entendement. […] Pour y parvenir, il faudrait avoir fait de la langue qu’on parle et qu’on écrit une étude approfondie, en connaître à fond toutes les ressources, l’avoir assouplie par un exercice prolongé à rendre des pensées pour lesquelles elle n’était pas faite 254; plus la pensée est neuve, moins le langage usuel est prêt à l’exprimer ; sans doute il le peut ; il peut tout dire et bien dire ; mais, en attendant, il garde ses secrets.

3037. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Si le grand orateur que nous venons de citer, avait fait un livre de synonymes latins, comme l’abbé Girard en a fait un de synonymes français, et que cet ouvrage vînt à tomber tout à coup au milieu d’un cercle de latinistes modernes, j’imagine qu’il les rendrait un peu confus sur ce qu’ils croyaient si bien savoir. […] Nicole, pour bien traduire les Provinciales en latin, avait lu et relu Térence, et se l’était rendu si familier que sa traduction paraît être Térence même : à cela je n’ai qu’une question à faire.

3038. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Thierry meurt, rend l’esprit avant que son esprit ait conquis la maîtrise de ces grandes hauteurs. […] Nous nous défendons premièrement contre des monstres, des monstres sensés qui vont au fond de tout, même du crime. » — « Cette race est basse, elle sera vaincue et déshonorée. »‌ Au 19 novembre 1914, il fait cette réflexion : « La plus grande grandeur de cette guerre, il me semble, je la vois dans ceci qu’elle rend immédiat, universel l’ordre de la mort, et possible l’ordre de la justice.

3039. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Rends ma vision saine et claire Que je puisse voir quelle beauté s’attache ‌ Aux formes communes et trouver l’âme Des choses non regardées ? […] La haine de tous, de tous ceux qu’elle a trahis, dont elle a trompé la cordiale confiance ne fait que sanctionner et rendre manifeste sa déchéance intérieure.

3040. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Je me disais : « Ce qu’ils échangent là contre un sou, ces pauvres, est-ce la paix, est-ce un peu de joie qui dure seulement autant que la fraîcheur d’un bonnet de tulle, est-ce de quoi les rendre meilleurs ?  […] Elle remplit toute sa destinée quand elle va au-delà, quand elle élève l’homme, le rend meilleur, le porte à la vaillance, au sacrifice et à Dieu.

3041. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Ce qui me fait dire que la vie en commençant ressemble à un labyrinthe, à un dédale de verdure où ceux qui marchent, perdus dans une foule de petits sentiers, se croient à cent lieues les uns des autres, tandis qu’ils ne sont séparés en effet que par une charmille ; au bout du labyrinthe, et quand les erreurs en sont épuisées, les promeneurs surpris se trouvent tous s’être comme donné rendez-vous sur un espace de terrain assez borné, aride et nu.

3042. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Cette opinion aujourd’hui ne serait soutenable que pour un petit nombre de meneurs subalternes ; car la conviction et, si l’on veut, la frénésie sincère et profonde des principaux ne saurait être révoquée en doute : eux aussi ils ont rendu témoignage sur l’échafaud.

3043. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Condorcet, dans son bel éloge de Franklin, où perce toutefois une velléité de réticence, n’a pu s’empêcher de dire de ce dernier : « Il croyait à une morale fondée sur la nature de l’homme, indépendante de toutes les opinions spéculatives, antérieure à toutes les conventions ; il pensait que nos âmes reçoivent dans une autre vie la récompense de leurs vertus et de leurs fautes ; il croyait à l’existence d’un Dieu bienfaisant et juste, à qui il rendait dans le secret de sa conscience un hommage libre et pur. » Tel fut aussi Jefferson, tel Washington ; tels ont dû être, en effet, sur cette terre d’Amérique, en présence de cette vaste nature à demi défrichée, au sein d’une société récente, probe, industrieuse, où les sectes contraires se neutralisaient, tels ont dû être ces grands et stables personnages, nourris à l’aise, au large, sous un ciel aéré, loin du bagage des traditions, hors des encombrements de l’histoire, et dont pour quelques-uns, comme pour Washington, par exemple, l’éducation première s’était bornée à la lecture, l’écriture et l’arithmétique élémentaire, à laquelle plus tard il avait ajouté l’arpentage.

3044. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Cette espèce de critique est le refuge de quelques hommes distingués qui ne se croient pas de grands hommes, comme c’est trop l’usage de chaque commençant aujourd’hui ; qui ne méconnaissent pas leur époque, sans pour cela l’adorer ; qui, en se permettant eux-mêmes des essais d’art, de courtes et vives inventions, ne s’en exagèrent pas la portée, les livrent, comme chacun, à l’occasion, au vent qui passe, et subissent, quand il le faut, avec goût, la nécessité d’un temps qu’ils combattent et corrigent quelquefois, et dont ils se rendent toujours compte.

3045. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Il y a six mois environ, il nous donnait ses Lettres berlinoises, coup d’œil rapide et enflammé, jugement plein de verve sur l’époque présente et les divers systèmes qui s’y agitent, qui y rendent l’âme ou s’efforcent d’y éclore.

3046. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Aujourd’hui que le Globe est placé plus qu’il ne l’a jamais été depuis la révolution de Juillet sur un terrain solide et nettement dessiné ; aujourd’hui que sa nouvelle position en politique, en économie, en philosophie, en art et en religion, devient de plus en plus appréciable et notoire ; aujourd’hui enfin, pour tout dire, que le Globe est le journal reconnu et avoué de la doctrine saint-simonienne ; nous, qui ne l’avons abandonné dans aucune de ses phases, nous qui avons assisté et contribué à sa naissance il y a sept ans, coopéré à ses divers travaux depuis lors, qui avons provoqué et produit plus particulièrement ses transformations récentes ; nous qui avons suivi toujours, et, dans quelques-unes des dernières circonstances, dirigé sa marche ; qui, sciemment et dans la plénitude de notre loyauté, l’avons poussé et mis là où il est présentement, nous croyons bon, utile, honorable de nous expliquer une première et dernière fois par devant le public, sur les variations successives du journal auquel notre nom est demeuré attaché ; de rendre un compte sincère des idées et des sentiments qui nous ont amené où nous sommes ; et de montrer la raison secrète, la logique véritable de ce qui a pu sembler pur hasard et inconsistance dans les destinées d’une feuille que le pays a toujours trouvée dans des voies d’honneur et de conviction.

3047. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

On l’oblige ainsi à passer de notre côté, on l’intéresse à ce qu’on veut démontrer : ou pour le moins on l’embarrasse, et on lui rend la réponse difficile.

3048. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

L’un est Montaigne : son désordre est une partie de son génie : le décousu rend sa fantaisie plus charmante et convient à son propos.

3049. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

C’est toujours la même lucidité infaillible, la même prodigieuse faculté de saisir dans la réalité les traits significatifs, de ne saisir que ceux-là et de les rendre sans effort.

3050. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Ils n’avaient d’yeux que pour le procédé, pour le rendu.

3051. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

D’ailleurs vous n’arriverez jamais à rendre exactement l’aspect des choses, étant données l’imperfection du verbe, l’impuissance de la langue.

3052. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Avec ses palais et sa population hétéroclites, ses noubas, ses aimées, ses danses nègres, ses derviches tourneurs et ses cortèges javanais, elle nous rend l’image du monde en raccourci.

3053. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

L’extrême simplicité de la vie dans de telles contrées, en écartant le besoin de confortable, rend le privilège du riche presque inutile, et fait de tout le monde des pauvres volontaires.

3054. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Quand je me rappelle que telle Lettre Provinciale a été refaite jusqu’à treize fois ; quand je vois surchargé de ratures le brouillon d’une fable de La Fontaine ; quand je pense à l’implacable, acharnement avec lequel Rousseau et Flaubert retournaient une phrase dans leur tête pour la rendre conforme à leur idéal esthétique, je me dis qu’au nombre des influences qui développent les facultés contenues dans l’organisme initial, qui font sortir la fleur et le fruit du germe où ils étaient cachés, cette action de la pensée sur la pensée ne saurait être laissée de côté comme une quantité négligeable.

3055. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

Cet académicien me rend optimiste : je suis maintenant certain que la saison prochaine produira quelques chefs-d’œuvre.

3056. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

Tout ce que nous avons gagné en devenant plus instruits, c’est d’avoir appris à être méchans avec art, & à conserver dans le mal une sorte de décence qui le rend plus épidémique & plus dangereux.

3057. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

On dirait que La Fontaine, déjà vieux et attendri par le rapport qu’il a lui-même avec le vieillard de sa fable, se plaise à le rendre intéressant, et à lui prêter le charme de la douce philosophie, et des sentimens affectueux avec lesquels lui-même se consolait de sa propre vieillesse.

3058. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Elle est aussi de ronde-bosse ; ses bras étendus, ouverts, rendent bien sa résignation.

3059. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

IV Il n’en avait pas… Je sais bien que ce n’est pas là tout à fait l’opinion de de Lescure, qui n’est pas biographe pour rien et qui a surfait de toute manière La Grange-Chancel, sur son livre même, — ce livre qui atteste le néant de l’auteur et rend l’illusion impossible.

3060. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

Seulement, Harpagon est fou dans le moment de la pièce, et lui, Louis XVI, dans son Journal, a le calme, la raison, la méthode, la clarté, la mémoire, la ponctualité d’un homme d’ordre, qui, chaque soir, fait sa caisse et épluche son budget ; — et je doute même que le fameux compte rendu de Necker fût aussi exact, aussi pointilleux que le sien.

3061. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Philippiques ; Lettres sur la Liste civile ; Bilan du 15 mars 1831 ; Lettres sur la condamnation de la « Tribune » ; Pétition pour le droit électoral ; Rendez-moi mes lapins ; Questions scandaleuses d’un Jacobin au sujet d’une dotation (1840) ; Avis aux contribuables (1842) ; Ordre du jour sur la corruption électorale et parlementaire ; Défense de l’évêque d’Angers, de l’évêque de Périgueux, du cardinal de Bonald ; Feu !

3062. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Il comprend et rend merveilleusement son auteur, et il ne sait pas le juger.

3063. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Il abattit souvent mainte tête qu’il eut la cruauté de relever pour bien montrer qu’elle était vide… » Ironique et spirituel, il tournait dans ses feuilletons contre la France, les théâtres et les influences françaises, les deux qualités françaises qui le rendent si cher à Heine, lequel les avait aussi !

3064. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

Il n’y a que la Revue qui puisse récompenser par un éloge, semblable à celui qu’il fait de toute sa rédaction, les services que lui rend M. 

3065. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Théophile Gautier était le poète de la matière, somptueux ou dégoûtant comme elle, la prenant toute dans le terrible contraste de ses phénomènes, n’ayant pas plus d’horreur que le chimiste qui ne voit, lui, que des compositions ou des décompositions de gaz où nos sens voient des choses qui les font cabrer, indiffèrent enfant de la terre, comme dit Shakespeare, à tout ce qui n’est pas le rendu plastique de l’objet matériel, quel qu’il soit.

3066. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

La seule pièce élégiaque du recueil est le Manchy, — un souvenir créole, — et tous les détails de ce morceau, qui sont charmants et délicieusement rendus, sont descriptifs.

3067. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Guiraud dont le Savoyard disait : Un petit sou me rend la vie !

3068. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Paul Deltuf a la légèreté, cette faculté qui donne des ailes à tout, cette faculté-femme que les lourdauds appellent « la Frivolité », en croyant que c’est une malice, et qui lui fait dire si joliment et si naturellement dans sa Confession d’Antoinette : « Je ne demandais plus rien à la vie que ce dernier hommage rendu à la beauté dont j’avais été si fière, que cette dernière caresse à mon péché mignon, la vanité, mais je les voulais, il me les fallait, après quoi je ne songerais plus qu’à tricoter pour mes petits-enfants ! 

3069. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Il s’en inspire, il l’imite, il lui rend sa pensée.

3070. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Depuis, il avait été témoin des honneurs extraordinaires rendus à sa mémoire ; il avait vu les Athéniens, ce peuple léger, cruel et sensible, qui tour à tour féroce et tendre, après l’avoir laissé périr, le vengeait.

3071. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

L’orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont soufferts sous ce tyran ; il peint les brigandages et les rapines, les riches citoyens proscrits, leurs maisons pillées, leurs biens vendus, l’or et les pierreries arrachées aux femmes ; les vieillards survivant à leur fortune ; les enfants mis à l’enchère avec l’héritage de leurs pères ; le meurtre employé comme les formes de justice, pour s’enrichir ; l’homme riche invoquant l’indigence, pour échapper au bourreau ; la fuite, la désolation ; les villes devenues désertes et les déserts peuplés ; le palais impérial, où l’on portait de toutes parts les trésors des exilés et le fruit du carnage ; mille mains occupées jour et nuit à compter de l’argent, à entasser des métaux, à mutiler des vases ; l’or teint de sang, posé dans les balances, sous les yeux du tyran ; l’avarice insatiable engloutissant tout, sans jamais rendre, et ces richesses immenses perdues pour le ravisseur même qui, dans son économie sombre et sauvage, ne savait ni en user, ni en abuser ; au milieu de tant de maux, l’affreuse nécessité de paraître encore se réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards et les visages, le citoyen qui de riche est devenu pauvre, n’osant paraître triste, parce que la vie lui restait encore, et le frère, dont on avait assassiné le frère, n’osant sortir en habit de deuil, parce qu’il avait un fils.

3072. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

L’Empereur Conrad III ayant forcé à se rendre la ville de Veinsberg qui avait soutenu son compétiteur, permit aux femmes seules d’en sortir avec tout ce qu’elles pourraient emporter ; elles chargèrent sur leur dos leurs fils, leurs maris et leurs pères.

3073. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Pufendorf méconnaît cette providence ; Selden la suppose ; Grotius en veut rendre son système indépendant.

3074. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Étant donné le diapason muet, on tend et on lâche subitement ses petites lames, ce qui leur rend leur vibration ; aussitôt, le son recommence. […] Nous sommes tentés de répondre que non, car qu’est-ce qui le rendrait plus froid ? […] En d’autres termes, ce sont des propositions analytiques, où le sujet contient l’attribut soit d’une façon très visible, ce qui rend l’analyse inutile, soit d’une façon très masquée, ce qui rend l’analyse presque impraticable. […] Voilà la réminiscence sourde qui s’ajoute à la suggestion des yeux et devance les vérifications de l’équerre, pour rendre inutile l’emploi de l’équerre et pour autoriser, par une évidence plus forte, le témoignage insuffisant des yeux.

3075. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

C’est une grande délicatesse à un historien d’être ainsi sensible aux premiers symptômes des temps, et, en y étant sensible, de savoir les rendre avec cette vivacité, avec cet atticisme.

3076. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

À ses moments perdus, il cultive la muse, et la muse le lui rend.

3077. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Deux ou trois passages de Lélia pouvaient mériter, à coup sûr, des reproches et soulever des scrupules par une grande nudité d’aveu ; mais le sérieux continu et l’élévation du sentiment rendaient ces passages mêmes beaucoup plus chastes que les trois quarts des scènes triviales qu’admirent et célèbrent nos critiques dans les romans de chaque jour.

3078. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

Jouffroy manifeste de la répugnance pour la forme religieuse, sa raison ne se rend pas bien compte du sentiment qu’il éprouve.

3079. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Une certaine fierté d’âme, un détachement de la vie, que font naître, et l’âpreté du sol, et la tristesse du ciel, devaient rendre la servitude insupportable ; et longtemps avant que l’on connût en Angleterre, et la théorie des constitutions, et l’avantage des gouvernements représentatifs, l’esprit guerrier que les poésies erses et scandinaves chantent avec tant d’enthousiasme, donnait à l’homme une idée prodigieuse de sa force individuelle et de la puissance de sa volonté.

3080. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Le repos du despotisme produirait un effet absolument contraire ; il laisserait subsister les besoins actifs de l’amour-propre individuel, et ne rendrait indifférent qu’à l’intérêt national.

3081. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Il peut sembler qu’il y ait contradiction entre sa théologie et sa morale : n’est-ce pas la liberté qui fonde la bonne vie et rend la vertu possible ?

3082. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Il ne pouvait non plus m’accuser d’inexactitude grave dans le compte rendu de sa pièce, et en effet il ne m’en accuse point.

3083. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Une causerie d’artistes qui plaisantent dans un atelier, une belle jeune fille qui se penche au théâtre sur le bord de sa loge, une rue lavée par la pluie où luisent les pavés noircis, une fraîche matinée riante dans les bois de Fontainebleau, il n’y a rien qui ne nous le rende présent et comme vivant une seconde fois.

3084. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Pour tout ce qui est forme, M. de Régnier ne doit se défier que de sa facilité même, si elle est bien telle que je l’ai supposée ici — et rendre parfait ce qui l’est presque.

3085. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Vielé-Griffin s’éclaire à la haute flamme de la Joie, mais M. de Régnier s’appuie à la stature de la Douleur que la résignation rend encore plus humaine et si la Fatalité n’est plus, dans ses écrits, le geste pétrifiant qui se tendait soudain sur les héros de la tragédie grecque, sa forme lointaine a gagné en mystère ce qu’elle perdait en majesté.

3086. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Comme la Franceschina des Gelosi, elle rendrait des points aux Marinette et aux Dorine du théâtre français ; elle est surtout beaucoup moins sage que celles-ci.

3087. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

Giraton entreprit de restaurer ce type fameux de Pedrolino ou Pierrot ; il lui rendit son ancien caractère, à la fois niais et badin, son bon sens mélangé de sottise et de crédulité, et il eut un très grand succès.

3088. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

On y reconnaît Sophie Harlay, Rachilde, Gabriel Vicaire, Henri d’Argis, Jean Moréas, Villiers de l’Isle-Adam, Tailhade, Jules Tellier, Paterne Berrichon, Ary Renan, Lefèvre, Fernand Clerget, Alain Desveaux… Le croquis est curieux parce qu’il nous rend le désordre, sur la table, des verres à liqueur, la détresse de la chambre d’hôtel, au mobilier fripé, que deux bougeoirs seuls éclairent, et son atmosphère de tabagie.

3089. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Comment rend-il l’impression que fait sur lui un paysage, un monument, un intérieur, un costume, un visage, un tableau, que sais-je encore ?

3090. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Mais quand on considère les immenses services rendus à la langue et aux lettres par nos premiers grands poëtes, on s’humilie devant leur génie, et on ne se sent pas la force de leur reprocher un défaut de goût.

3091. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Qu’on nous passe, seulement pour rendre claire notre idée, une comparaison infiniment trop ambitieuse : le mont Blanc, vu de la Croix-de-Fléchères, ne ressemble pas au mont Blanc vu de Sallenches.

3092. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Mais comme la méthode de dicter consume en pure perte un temps précieux, que je la bannis de toutes les écoles et que l’étendue des matières la rend souvent impraticable, il faut y suppléer par clés ouvrages imprimés.

3093. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

J’appelle ici causes morales, celles qui operent en faveur des arts, sans donner réellement plus d’esprit aux artisans, et en un mot sans faire dans la nature aucun changement physique, mais qui sont seulement pour les artisans une occasion de perfectionner leur génie, parce que ces causes leur rendent le travail plus facile, et parce qu’elles les excitent par l’émulation et par les recompenses, à l’étude et à l’application.

3094. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Vieillir rend les hommes positifs.

3095. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Cette puissance du retrouvé et du rendu dans la peinture historique, personne parmi les écrivains modernes ne la possède à un plus haut degré que Saint Victor, si ce n’est Michelet.

3096. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Comme tous les esprits qui se froidissent en montant, — car l’esprit est soumis dans sa sphère aux lois que subit le corps dans la sienne, — Guizot a touché cette période de la vie morale qui faisait dire à un grand esprit calmé, l’illustre Goethe : « Le temps m’a rendu spectateur. » Pour tout homme, c’est la disposition qui le met le plus près de l’accomplissement de tout son être, qu’il s’appelle d’ailleurs Shakespeare, Machiavel, Walter Scott, trois grands hommes qui eurent aussi, tous les trois, cette froideur d’impartialité qui n’est pas la glace de l’âme, mais la sérénité du génie.

3097. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Par une de ces anomalies, par une de ces ironies de la puissance qui se joue de l’esprit de l’homme, c’est le côté sombre et poignant de la mort que ces riants historiens de la vie, dépaysés cette fois, ont le mieux rendu et le mieux compris !

3098. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Par une de ces anomalies, par une de ces ironies de la puissance, qui se joue de l’esprit de l’homme, c’est le côté sombre et poignant de la mort que ces riants historiens de la vie, dépaysés cette fois, ont le mieux rendu et le mieux compris !

3099. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Ils rendent des services ; mais on ne taille pas dans un mâle esprit comme Vaublanc, qui parle toujours pour dire quelque chose, comme on taille dans les bavardages d’une commère de lettres comme Mme de Genlis.

3100. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

Les pamphlets, qui ne sont pas le journalisme, quoiqu’ils s’y soient souvent mêlés avec une tartufferie d’impartialité qui ne les a rendus que plus redoutables, les pamphlets, quand ils n’étincellent pas de génie ou de talent, ne sont, dans tous les temps et dans toutes les littératures, que des injustices ou des injures, et cette poussière de la poussière, laissons-la où elle est tombée ; il convient de ne plus la remuer.

3101. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Sismondi, — rendons-lui cette justice, — malgré son épaisseur, fut encharmé de ces conversations parisiennes, comme l’ours de Berne qui entendrait l’harmonica, et il n’oublia jamais cette sensation quand il fut revenu dans son pays.

3102. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

L’abbé Galiani fit les délices d’une société charmante qui les lui rendit, et quand, par suite d’une indiscrétion diplomatique, car ce pétulant intellectuel, cette tête à feu et à fusées, ne pouvait pas être la tirelire à serrure des petits secrets politiques qu’il faut garder, il fut forcé de quitter cette société qui était devenue la patrie de son esprit, il la quitta comme on quitte une maîtresse aimée, et la Correspondance que voici atteste à chaque page ce sentiment presque élégiaque dans une nature si peu tournée à l’élégie, mais dont l’esprit souffre de regret comme un cœur !

3103. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Eh bien, c’est cette même voix qui circule et qu’on entend dans les poésies de Bouchor, de ce poète athée qui pleure son dieu, comme Hécube pleurait ses enfants perdus, et que son athéisme rend tour à tour morne ou effaré… Seulement, le tableau effrayant de Jean-Paul ne dure que l’instant d’une page, zigzag de feu terrible qui tombe dans le gouffre sans fond du néant et nous éclaire ce trou vide !

3104. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

………………………………………… Et encore : Notre jeunesse est enterrée Au fond du vieux calendrier, Ce n’est plus qu’en fouillant la cendre Des beaux jours qu’il a contenus Qu’un souvenir pourra noua rendre La clef des paradis perdus.

3105. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

d’aucune façon, un rabelaisien, un homme de franche lippée, un de ces rouleurs de futailles à qui les futailles le rendent bien !

3106. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Le Normand a rendu ce service au plus grand des Normands, et c’est un Normand qui l’en remercie·

3107. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

les hommes ne sauront jamais ce qu’elle leur rend quand ils se donnent à elle !

3108. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

il faut qu’à la fin il le rende aussi commun que tous les autres, mené qu’il est par la misérable idée de son école que, plus on est commun, plus on est vrai.

3109. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

« Mais cette probabilité naturelle se change en certitude, quand nous faisons entrer en ligne de compte cette loi universelle de notre expérience, qu’on nomme loi de causalité, et qui nous rend incapables de concevoir le commencement d’une chose quelconque sans une condition antécédente ou cause. […] Partant, ce n’est pas aux sensations actuellement éprouvées, c’est à leurs possibilités permanentes que l’idée de cause vient à être identifiée ; et, par un seul et même mécanisme, nous acquérons l’habitude de considérer la sensation en général, de même que toutes nos sensations individuelles, comme un effet, et en outre l’habitude de concevoir, comme causes de la plupart de nos sensations individuelles, non pas d’autres sensations, mais des possibilités générales de sensation… On dira peut-être que la précédente théorie rend bien quelque compte de l’idée d’existence permanente qui est une partie de notre conception de la matière, mais qu’elle n’explique point une de nos croyances, la croyance que ces objets permanents sont extérieurs ou hors de nous-mêmes. […] Cette boule de cire est sphérique, dure, odorante, capable de rendre un petit son ; placée sur le poêle ardent, elle devient molle, elle perd toute sonorité et toute odeur, elle s’étale en bouillie plate.

3110. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Au fond, il n’y a peut-être là qu’une de ces manifestations d’outrance verbale qui rendent les polémiques politiques si divertissantes, de loin. […] Lucien Descaves, de l’Académie Goncourt (Extrait d’un article paru dans La Lanterne) Le Blond a raison de rendre les auteurs de manuels scolaires en grande partie responsables de la mauvaise opinion qu’on a du siècle dernier. […] Outre leur incontestable valeur esthétique, les chefs-d’œuvre romantiques ont encore pour l’historien littéraire une valeur documentaire de premier ordre sur l’esprit en France : pendant vingt-cinq ans, sous la Révolution et l’Empire, comme un sol qui absorbe lentement les pluies pour les rendre plus tard à l’état de sources, de fraîcheur, et de richesse, l’âme française s’était profondément pénétrée de toutes les larmes et de tout le sang qui avaient longuement coulé sur le pays.

3111. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Toute sensation est comme un tressaillement qui contient en germe le plaisir ou la douleur, et il suffît d’augmenter l’intensité de cet élément agréable ou pénible pour le rendre évident à la conscience réfléchie. […] Darwin n’a pas assez considéré les nécessités intérieures, soit physiologiques, soit psychologiques, qui agissent avant toute sélection et rendent la sélection même possible. […] Au contraire, l’état passif de la sensibilité interne la rend plus propre à la douleur qu’au plaisir.

3112. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

cela me rendrait fol ! […] Ce rendez-vous de l’imprévu, ce coudoiement de rencontres, cette foire de romans d’aventure, ce feu roulant de reparties, ce carnaval de la gaieté et de l’amour, cette folie, cette joie démente d’une jeunesse furieuse, qui sautait douze heures sous l’archet de Musard, la fouettant et la refouettant des fifres et des tonnerres de son orchestre : ce n’est plus tout cela qu’un trottoir. […] * * * — On parlait au café d’un journaliste bien connu, et je ne sais qui racontait qu’aussitôt que quelqu’un entrait un peu dans son intimité, le journaliste le couchait sur un livre, un vrai livre de banquier, avec d’un côté la recette, de l’autre la dépense, et au premier service qu’il lui rendait, marquait un chiffre à la dépense, et si l’autre ripostait, marquait un point à la recette : faisant la balance, tous les mois, pour que son amitié fût toujours à la tête d’un actif considérable.

3113. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Elle était vêtue de loques de modèle, arrangées par Eugène Giraud, et avait la figure couverte d’un affreux masque en fil de fer, qui l’a rendue méconnaissable pour tout le monde… Elle parle, avec une effusion charmante, du plaisir qu’elle a eu de rencontrer des hommes impolis, elle qui est, dit-elle, toujours habituée à les trouver la bouche en cœur, — et de s’entendre dire par les femmes, qu’elle était vieille et laide… Sur la défense que prend le peintre Hébert, d’une femme vivement maltraitée par quelqu’un de la société, le pratique Emile de Girardin lui dit à demi-voix : « Mais vous voulez donc la voir complètement éreintée ? […] Il a rendez-vous avec une cocotte qui doit l’emmener, dans sa voiture à elle, à Saint-Germain. […] Juillet Le cidre une boisson qui fait rentrer en soi, qui rend sérieux, ferme et solide, qui fait la tête froide et le raisonnement sec, une boisson qui ne grise que la dialectique des intérêts.

3114. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Mardi 11 août Le jeune comte de Balloy est venu passer deux ou trois jours ici, avant de se rendre en Perse, où il est nommé second secrétaire. […] princesse, vous ne savez pas quel service vous avez rendu aux Tuileries, combien votre salon a désarmé de haines et de colères, quel tampon vous avez été entre le gouvernement et ceux qui tiennent une plume… Mais Flaubert et moi, si vous ne nous aviez achetés, pour ainsi dire, avec votre grâce, vos attentions, vos amitiés, nous aurions été tous deux des éreinteurs de l’Empereur et de l’Impératrice. » Samedi 14 novembre Fin de journée assez grise. […] Vendredi 4 décembre Aujourd’hui, après avoir déclaré de Lindau à Chennevières, que je n’entendais nullement travailler pour sa commission, je trouve poli d’y faire acte de présence, pour lui rendre une visite.

3115. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Tu rends la honte visible par l’horreur, tu forces l’ignominie à détourner la tête en se reconnaissant dans l’ordure, tu montres qu’accepter un homme pour maître, c’est manger le fumier, tu fais frémir les lâches de la suite du prince en mettant dans ton estomac ce qu’ils mettent dans leur âme, tu prêches la délivrance par le vomissement, sois vénéré ! […] Cette vue le rend terrible. […] Cette demi-possession de la mort lui donne une certitude personnelle et souvent distincte et séparée du dogme, et une accentuation de ses aperçus individuels qui le rend presque hérétique.

3116. (1884) Articles. Revue des deux mondes

La vie tout entière du peuple juif est une aspiration, une préparation, et, sans attribuer à la Perse et à la Judée une conception réfléchie du progrès, ne peut-on pas dire qu’elles en ont pressenti et rendu possible l’avènement dans le monde par leur indestructible confiance en un meilleur avenir ? […] » III Si l’existence d’une prétendue force vitale au sein des nations et de l’humanité ne rend pas suffisamment compte du progrès, à plus forte raison devrons-nous être en garde contre les théories qui placent au dehors, et dans ce qu’on appelle les milieux, les conditions essentielles du développement humain. […] « Mais, ajoute le philosophe, il y a aussi quelques hommes qui, après la puberté, donnent un peu de lait si l’on presse leurs mamelles et qui même en donnent en quantité quand un enfant les tette. » Ce simple rapprochement rend déjà le prodige moins merveilleux.

3117. (1926) L’esprit contre la raison

L’essai de Crevel réagit à des articles, livres et chroniques, qui sont dans l’actualité la plus récente : diatribes de Henri Massis contre l’Orient, et les Bolcheviksg, comptes rendus critiques de la traduction du Journal de Keyserling ou encore d’Anabase par Aragon dans La Révolution surréaliste… À travers l’opposition esprit/raison, Crevel reprend d’un point de vue philosophique le récit de l’avènement du surréalisme, après les grands récits de fondation mythique de Breton et d’Aragon. […] C’est par le plus grand des hasards en apparence qu’a été récemment rendue une partie du monde intellectuel et de beaucoup la plus importante dont on affectait de ne plus se soucier. […] Avenues insensibles d’une cité creusée au centre même de la terre, son ciel ignorant du chaud et du froid, l’ombre de ses arcades, de ses cheminées, en nous donnant le mépris des apparences, des phénomènes, déjà, nous rendaient plus dignes du rêve absolu où un Kant put sentir son esprit s’amplifier en plein vertige nouménalcc.

3118. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

On paralyse les muscles des membres en coupant les nerfs qui les animent, on ne paralyse jamais les mouvements du cœur en divisant les nerfs qui se rendent dans son tissu ; au contraire, ses mouvements n’en deviennent que plus rapides. […] Chez l’homme et chez les animaux supérieurs, cette force vitale semble avoir pour résultat de soustraire le corps vivant aux influences physico-chimiques générales et de le rendre ainsi tout à fait inaccessible aux procédés ordinaires d’expérimentation. […] « Dans l’organe, disait-il, il y a un rapport visible et nécessaire entre la structure anatomique et la fonction ; dans le cœur, organe de la circulation, la conformation et la disposition des orifices et de leurs valvules rend parfaitement compte de la circulation du sang. […] La divergence entre ces deux ordres de sciences doit les laisser étrangères les unes aux autres et les rendre incapables de se prêter aucun secours. […] Il n’y a aucune différence scientifique dans tous les phénomènes de la nature, si ce n’est la complexité ou la délicatesse des conditions de leur manifestation qui les rendent plus ou moins difficiles à distinguer et à préciser.

3119. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Ainsi le problème de la connaissance est compliqué, et peut-être rendu insoluble, par l’idée que l’ordre comble un vide, et que sa présence effective est superposée à son absence virtuelle. […] Tous ces mots courent maintenant les uns derrière les autres, cherchant en vain, par eux-mêmes, à rendre la simplicité de l’idée génératrice. […] Ce qui y paraît de nouveau sort d’une poussée intérieure qui est progrès ou succession, qui confère à la succession une vertu propre ou qui tient de la succession toute sa vertu, qui, en tous cas, rend la succession, ou continuité d’interpénétration dans le temps, irréductible à une simple juxtaposition instantanée dans l’espace. […] Le premier genre de connaissance a l’avantage de nous faire prévoir l’avenir et de nous rendre, dans une certaine mesure, maîtres des événements ; en revanche, il ne retient de la réalité mouvante que des immobilités éventuelles, c’est-à-dire des vues prises sur elle par notre esprit : il symbolise le réel et le transpose en humain plutôt qu’il ne l’exprime. […] Il faudrait, pour que la correspondance fût équivalence, qu’à une partie quelconque de la machine correspondît une partie déterminée de l’écrou, — comme dans une traduction littérale où chaque chapitre rend un chapitre, chaque phrase une phrase, chaque mot un mot.

3120. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Hendreich (Carthago, seu Carth. respublica, 4 664), a réuni des textes pour prouver que les Carthaginois avaient coutume de mutiler les cadavres de leurs ennemis, et vous vous étonnez que des barbares qui sont vaincus, désespérés, enragés, ne leur rendent pas la pareille, n’en fassent pas autant une fois et cette fois-là seulement. […] La presse de nos jours, qui s’occupe de tant de choses, la chronique en particulier, qui ne craint pas de descendre jusqu’aux plus petites, a parlé quelquefois de mes secrétaires et des services qu’ils me rendaient.

3121. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Montesquieu par l’Esprit des Lois, Rousseau par l’Émile et la Contrat social, Buffon par l’Histoire naturelle, Voltaire par tout l’ensemble de ses travaux, ont rendu témoignage à cette loi sainte du génie, en vertu de laquelle il se consacre à l’avancement des hommes ; Diderot, quoi qu’on en ait dit légèrement, n’y a pas non plus manqué88. […] Pourtant, dans un ouvrage qu’il composa durant sa vieillesse et peu d’années avant de mourir, l’Essai sur la Vie de Sénèque, il s’est plu à traduire le passage suivant d’une lettre à Lucilius, qui le transporte d’admiration : « S’il s’offre à vos regards une vaste forêt, peuplée d’arbres antiques, dont les cimes montent aux nues et dont les rameaux entrelacés vous dérobent l’aspect du ciel, cette hauteur démesurée, ce silence profond, ces masses d’ombre que la distance épaissit et rend continues, tant de signes ne vous intiment-ils pas la présence d’un Dieu ? 

3122. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

et ma verdeur Te doit rendre, ô vieux Drame ! […] Notes sur Lohengrin Mes succès comme « compositeur d’opéra » reposent, en grande partie, sur un malentendu qui rend directement impossible le vrai succès, le seul que je souhaitais.

3123. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

» — Deux figures sont incrustées sur son bouclier nouvellement forgé ; un Guerrier d’or qu’une Femme majestueuse conduit par la main ; et cette femme dit par son inscription : « Je suis la justice, je ramenerai cet homme, je lui rendrai sa ville, et il commandera dans la demeure de son père ». […] On n’a pas besoin de comprendre, le cœur, saisi par l’oreille, reconnaît dans de tels accords les sons que rendent des âmes qui se brisent.

3124. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Je n’ai personne dans le moment, le petit Andral est si paresseux… Avez-vous un ami qui pourrait faire ce compte rendu ? […] À la fin il n’en lisait plus que la moitié, mais ça suffisait pour le mettre en gaieté. « Oui, oui, reprend-il, il faudra que je brûle ces rames de lettres de bourgeoises… Celle-là, qui était cependant de la première catégorie des bourgeoises, me donne un jour un rendez-vous pour dans cinq mois et huit jours.

3125. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Je me rappelle maintenant, après les heures sans repos passées au remaniement, à la correction d’un morceau, après ces efforts et ces dépenses de cervelle, vers une perfection, cherchant à faire rendre à la langue française tout ce qu’elle pouvait rendre, et au-delà… après ces luttes obstinées, entêtées, où parfois entrait le dépit, la colère de l’impuissance ; je me rappelle aujourd’hui l’étrange et infinie prostration, avec laquelle il se laissait tomber sur un divan, et la fumerie à la fois silencieuse et accablée, qui suivait.

3126. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

» — et il lui rendait un billet. […] C’est singulier, comme cette Sarah Bernhardt me rappelait aujourd’hui, par ce jour gris et pluvieux, ces élégantes et efflanquées convalescentes, qui, dans un hôpital, passent devant vous, en le crépuscule de cinq heures, pour se rendre à la prière du fond de la salle.

3127. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Si donc celle-ci est plus forte, si elle a assez d’autorité pour rendre ces divergences très faibles en valeur absolue, elle sera aussi plus sensible, plus exigeante, et, réagissant contre de moindres écarts avec l’énergie qu’elle ne déploie ailleurs que contre des dissidences plus considérables, elle leur attribuera la même gravité, c’est-à-dire qu’elle les marquera comme criminels. […] Cependant, ce critère écarté, non seulement on s’expose à des confusions et à des erreurs partielles, comme celles que nous venons de rappeler, mais on rend la science même impossible.

3128. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

C’est un curieux de détails ; et il y a plus : quelquefois même, quand on le lit avec attention, on pourrait croire que son admiration pour la duchesse est un parti pris, une espèce de cadre fait pour réunir des idées plus ou moins justes et plus ou moins neuves sur les hommes et les choses du xviie  siècle, et mettre mieux en saillie des documents historiques qu’une position presque officielle lui a rendus faciles à trouver. […] est-ce pour lui qui a tant donné à ces femmes, ou pour elles qui lui ont si peu rendu en inspiration et en talent ?)

3129. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan tire tant sur celles qu’il porte, qu’il les fait grimacer et les rend ridicules et grotesques… Jusqu’alors, M.  […] Renan avale et rend des dictionnaires… Le mot le grise comme l’opium grise le Chinois, et perpétuellement, dans ses Dialogues, — où il n’a plus la ressource des petits paysages, comme dans ses Histoires, — il se plonge en des margouillis de paroles (cela ne vaut pas un nom plus noble) dans le genre de celui-ci, par exemple : « L’idéal apparaît comme le principe de l’évolution déifique et comme le créateur par excellence. » Et cela pour ne pas dire : Dieu !

3130. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Si je puis comparer les sensations de l’oreille à celles de la vue, le silence répandu sur les grands espaces est plutôt une sorte de transparence aérienne, qui rend les perceptions plus claires, nous ouvre le monde inconnu des infiniment petits bruits, et nous révèle une étendue d’inexprimables jouissances. » Fromentin ira dans cette voie jusqu’à noter le souffle aigu du vent dans les canons du fusil qu’il porte à la bretelle. […] Nous sommes, nous serons toujours des primitifs, et trois ou quatre notes simples, dans tous les arts, résumeront cette perception, et suffiront à rendre toute la grandeur, toute la valeur poétique de cette apparition de la beauté.

3131. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Malgré la vanité toujours latente, il en est beaucoup parmi nous qui ne voient aucune honte à changer d’opinion, à se rendre à l’évidence, à céder devant la force d’une date, devant la logique d’un raisonnement ; entre honnêtes gens de cette sorte, la discussion sera toujours féconde, même si elle ne menait pas à une entente parfaite ; et, quoi qu’en pensent les positivistes et les amateurs d’inédit, il sera toujours plus utile de discuter sur la mission de l’humanité que de savoir quel fut le premier amant de Mlle de Lespinasse. […] Pendant plusieurs années, j’ai renoncé à l’angoisse du pourquoi essentiel, me contentant du comment extérieur ; jusqu’au jour où j’ai dû me rendre à l’évidence : simplifier ainsi le problème, c’est en fausser les données ; c’est scinder violemment en deux le mystère de la nature universelle ; et c’est ravaler notre pensée que de renoncer à ce mystère.

3132. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Si Louise était une toute jeune sœur de Valentine, une sœur de huit à dix ans au plus ; si, dans son bonheur de retrouver son aînée, et au milieu des baisers reçus et rendus avec ivresse, l’enfant naïve s’écriait : « Et ce pauvre Bénédict, il n’y a donc rien pour lui, ma sœur, pour lui qui a été assez bon pour vous amener à moi ! 

3133. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

La renommée de madame de Staël était due également à l’opposition politique, à la persécution qui la rendait intéressante, et à la philosophie sentimentale qui était en vogue alors dans tout un certain monde ; l’art n’entrait presque pour rien dans leur gloire ; à ce titre d’artistes, on était disposé plutôt à les railler.

3134. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Plusieurs avantages d’une grande importance pour la morale et le bonheur d’un pays, se trouveraient perdus si l’on parvenait à rendre les femmes tout à fait insipides ou frivoles.

3135. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Je pourrais faire voir cette unité dans Othello ou dans Macbeth : j’aime mieux la rendre sensible dans une des pièces où l’on s’attendrait le moins à la trouver, dans un de ces drames que sa fantaisie découpait dans les vieilles chroniques, et où il ne semblait guère songer à mettre un autre ordre que l’ordre historique des événements : dans Richard III.

3136. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Elle ne consent pas non plus à rendre des arrêts en théorie, pour les voir annulés dans la pratique : elle prononce a priori, et veut que sa vue idéale des choses détermine la réalité.

3137. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Je crois aussi qu’on est bon et juste (quand on l’est) naturellement, par un sentiment qui commande et rend le plus souvent facile le sacrifice à autre chose que soi et, comme on l’a dit, par une « duperie » profitable à l’ordre universel et qui dès lors n’est plus duperie : mais pour croire que ce n’en est pas une, il faut faire effort, et sans doute la morale doit commencer par un acte de foi, formulé ou non.

3138. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

J’y veux toucher au contraire et qu’on me les ait rendus palpables.

3139. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

Outre que ces garanties sont difficilement utilisables et toujours incertaines dans leurs effets, elles peuvent être rendues de plus en plus vaincs et finalement annihilées par un État devenu trop fort.

3140. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Les personnes qui résident en Orient sont parfois surprises de se trouver, au bout de quelque temps, en possession d’une grande renommée de médecin, de sorcier, de découvreur de trésors, sans qu’elles puissent se rendre bien compte des faits qui ont donné lieu à ces bizarres imaginations.

3141. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Les satrapes le dénoncent au roi, qui veut le sauver ; mais ils lui disent : « — Sache, ô roi, que la loi des Perses est qu’aucun arrêt rendu par le roi ne puisse être ni révoqué, ni changé. » Darius, qui aimait Daniel, se désole : il n’en fait pas moins jeter aux lions le prophète, et il scelle de son anneau la dalle de la fosse.

3142. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

En outre, nous avons vu qu’ils assimilent métaphoriquement et géométriquement la conscience à un intérieur, à un dedans, le monde à un extérieur, à un dehors ; ils posent donc le problème en termes d’espace, — ce qui le rend insoluble, puisqu’il faudrait alors sortir hors de soi.

3143. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

C’est par-là qu’il fait passer ce propos populaire, arrive en trois bateaux ; on pardonne ce trait en faveur de 146 l’argent qu’on rendra à la porte.

3144. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Cicéron et Sénèque et tous les autres, avec leurs Traités sur la vieillesse, orgueilleux et impuissants, qui, quand on les a lus, ne rendent que plus folles les âmes ardentes, les voilà effacés par quelques mots, écrits au crayon, sur son papier à papillotes, par une main de vieille femme, qui, ce soir-là, peut-être encore avait la goutte !

3145. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Toujours est-il que, s’il ne confesse pas de repentir, il ne retombe pas dans sa faute, et qu’il nous donne — grâces lui en soient rendues !

3146. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Pour Thureau-Dangin, ce jeu, sans fin en ce moment encore, aurait eu son accomplissement et son triomphe sans les partis extrêmes qui à toutes les époques ont tout empêché, tout bouleversé, rendu tout impossible ; et c’est contre les partis extrêmes qu’il élève son livre.

3147. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Cela nous charme de voir le philosophe, dans Daly (malheureusement il y est), faire toujours paraître l’histoire à travers et derrière l’art, comme derrière un cristal qui la purifie et la rend plus belle !

3148. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Campaux a détordu les cordes du vieil instrument dont la sonorité nous fait tressaillir encore, et il a trouvé que ce qui les rendait si vibrantes, c’était, en fin de compte, les plus beaux sentiments que la poésie pût exprimer !

3149. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Et on l’a rendue alléchante par l’inattendu très combiné des titres de chapitres qui sont pour les lecteurs que le grand Nelson n’attirerait pas, avec ses miracles de guerre et de marine, de la confiture sur le pain et tout cela a été préparé, travaillé, charpenté de main de libraire encore plus que de main d’auteur !

3150. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Les faits et les raisons y brillent, comme des fers de lance, à l’usage de ceux qui cherchent des armes pour défendre le gouvernement temporel de la Papauté, qui, tel qu’il fut, et sous les coups qu’on lui porta et qui l’auraient rendu furieux et terrible s’il n’avait été qu’un gouvernement comme un autre, fut imperturbablement le plus juste et le plus serein des gouvernements que l’on ait vus parmi les hommes !

3151. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Et on l’a rendue alléchante par l’inattendu très combiné des titres de chapitres qui sont, pour les lecteurs que le grand Nelson n’attirerait pas avec ses miracles de guerre et de marine, de la confiture sur le pain !

3152. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

… Il est véritablement incroyable que MM. de Goncourt n’aient pas vu une chose si facile à voir, — et cela est d’autant plus regrettable que, s’ils l’avaient vue et s’ils l’avaient dite, leur livre y aurait gagné au moins un accent de tristesse, qui l’aurait rendu plus éloquent et plus beau !

3153. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

Pour qui la lit, en effet, avec le genre d’esprit et d’attention qui pénètre les livres, celui-ci, pâle, exsangue, d’un amour exténué, avec son expression bien plus métaphysique que vivante, s’adresse formellement et essentiellement à des moines, tournant le dos au monde proprement dit ; voulant rendre le correct plus correct, proposant — et il ne faut pas s’y tromper, car la méprise serait grossière — la vie parfaite et de conseil, et non pas la vie de précepte.

3154. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Seulement, rendons cette justice à M. 

3155. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Pour eux, Balzac remplacerait Pie IX dans la justice tardive à rendre à ce grand Indigent volontaire et obscur, — lumineux seulement devant Dieu, — qui vécut dans la palpitation prolongée de l’amour sans bornes, et dont l’âme emporta le corps, émacié dans une étisie sublime, et le répandit devant Dieu comme une fumée d’encens… Au lieu de cela, ils continueront de ricaner, et peut-être le livre de M. 

3156. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Eux, ils croient à ce flot qui monte, à la supériorité scientifique des Renan et des Darwin ; mais, pour nous, qui n’y croyons pas, Darwin et Renan ne sont pas plus que tous les philosophes du xviiie  siècle, pris en masse ou séparément, et une ou deux cabrioles différentes dans l’impiété ne la rendent pas plus redoutable.

3157. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

J’aime à lui rendre cette justice.

3158. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

— Mais, brisé, je n’en aurai pas moins de l’admiration pour son naufrage, et je n’en rendrai pas moins justice à la beauté de ses débris.

3159. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

et à nous le rendre dans un livre, non pas copieusement, mais intégralement, tel qu’on l’aurait avalé, absorbé, fondu en soi ; je n’en conviendrai pas, et je ne la reconnaîtrai, cette capacité, qu’à la dernière extrémité, dans Vacquerie !

3160. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

On ne l’accusera pas de les avoir rendus aimables.

3161. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Mais la tête coupée a fait mieux que de marcher, comme saint Denis avec la sienne elle a rendu le coup et elle a tranché celle de son bourreau.

3162. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Voilà ce qui le rend plus coupable qu’un autre de cette Bohême sinistre et funèbre, dont, par la supériorité de ses facultés et de ses fautes, il est actuellement le roi !

3163. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Votre mort vous rend à Celui qui a dit : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie ».‌

3164. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Un an après, il rendit le même honneur à ce fameux duc de Bourgogne, élève de Fénelon.

3165. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Il n’y a point de loi ; on déterre une vieille loi dans le code romain, rendue par des ministres despotes, sous deux princes imbéciles, employée une seule fois en France, sons un tyran.

3166. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Les purs classificateurs n’inventent pas, ils sont trop secs. « Pour connaître une chose, ce que nous pouvons appeler connaître, il faut d’abord aimer la chose, sympathiser avec elle1419. » — « L’entendement est ta fenêtre ; tu ne peux pas la rendre trop nette, mais l’imagination est ton œil. —  L’imagination est l’organe par lequel nous percevons le divin1420. » En langage plus simple, cela signifie que tout objet, animé ou inanimé, est doué de forces qui constituent sa nature et produisent son développement ; que pour le connaître, il faut le recréer en nous-mêmes avec le cortége de ses puissances, et que nous ne le comprenons tout entier qu’en sentant intérieurement toutes ses tendances et en voyant intérieurement tous ses effets. […] Ils ont rendu sensibles des thèses morales, des périodes historiques ; ils ont fabriqué et appliqué des esthétiques ; ils n’ont point eu de naïveté, ou ils ont fait de leur naïveté un usage réfléchi ; ils n’ont point aimé leurs personnages pour eux-mêmes ; ils ont fini par les transformer en symboles ; leurs idées philosophiques ont débordé à chaque instant hors du moule poétique où ils voulaient les enfermer ; ils ont été tous des critiques1421, occupés à construire ou à reconstruire, possesseurs d’érudition et de méthodes, conduits vers l’imagination par l’art et l’étude, incapables de créer des êtres vivants, sinon par science et par artifice, véritables systématiques qui, pour exprimer leurs conceptions abstraites, ont employé, au lieu de formules, les actions des personnages et la musique des vers. […] Par exemple, les théologiens1423, ayant voulu se représenter avec une netteté et une certitude entière les personnages du Nouveau Testament, ont supprimé l’auréole et la brume dans lesquelles l’éloignement les enveloppait ; ils se les sont figurés avec leurs vêtements, leurs gestes, leur accent, avec toutes les nuances d’émotion que leur style a notées, avec le genre d’imagination que leur siècle leur a imposé, parmi les paysages qu’ils ont regardés, parmi les monuments devant lesquels ils ont parlé, avec toutes les circonstances physiques ou morales que l’érudition et les voyages peuvent rendre sensibles, avec tous les rapprochements que la physiologie et la psychologie modernes peuvent suggérer ; ils nous en ont donné l’idée précise et prouvée, colorée et figurative1424 ; ils les ont vus non pas à travers des idées et comme des mythes, mais face à face et comme des hommes. […] Le rude effort pratique en Scandinavie et ailleurs, depuis Odin jusqu’à Walter Raleigh, depuis Ulfila jusqu’à Cranmer, a rendu Shakspeare capable de parler. […] Ces pauvres gens, boutiquiers et fermiers, croyaient de tout leur cœur à un Dieu sublime et terrible, et ce n’était pas une petite chose pour eux que la façon de l’adorer1460. « Supposez qu’il s’agisse pour vous d’un intérêt vital et infini, que votre âme tout entière, rendue muette par l’excès de son émotion, ne puisse en aucune façon l’exprimer, en sorte qu’elle préfère le silence à toute expression possible, que diriez-vous d’un homme qui s’avancerait pour l’exprimer à votre place au moyen d’une mascarade et à la façon d’un tapissier décorateur ?

3167. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Et non seulement il a rendu conscientes des impressions inexprimées, mais il a doué de vertus pathétiques l’incohérent langage des amants. […] C’est pourtant la mission de la poésie de faire vibrer nos démocraties, de les rendre plus harmonieuses, d’éclairer leurs conceptions encore obscures, à l’aide de belles proses et de radieux poèmes. […] Merrill se rend coupable à notre égard. […] Mais on ne peut nier, toutefois, la beauté plastique de certains passages : Autrefois je tirais de mes flûtes légères Des fredons variés qui plaisaient aux bergères, Et rendaient attentifs, celui qui dans la mer Jette ses lourds filets, et celui qui dans l’air Dresse un piège invisible et ceux qui d’aiguillons Poussent parmi les champs les bœufs-creuse-sillons. […] Rendons donc nommage à Léon Dierx !

3168. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Je l’aurais aimée comme une mère et à vous en rendre jaloux, si mon âge ne m’avait permis de l’aimer comme une sœur.

3169. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Je l’aurais aimée comme une mère, et à vous en rendre jaloux, si mon âge ne m’avait pas permis de l’aimer comme une sœur.

3170. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

L’esprit philosophique rend plus sévère sur l’emploi du temps ; et loin que les peuples à imagination exigent de la rapidité dans les tableaux qu’on leur présente, ils se plaisent dans les détails, et se fatigueraient bien plus tôt des abrégés.

3171. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Il vaudrait mieux rendre plus profond encore l’abîme qui sépare le vice de la vertu, réunir l’amour des lumières à celui de la morale, attirer à elle tout ce qu’il y a d’élevé parmi les hommes, afin de livrer le crime à tous les genres de honte, d’ignorance et d’avilissement ; mais, quelle que soit l’opinion qu’on ait adoptée sur ces conquêtes du temps, sur cet empire indéfini de la raison, il me semble qu’il est un argument qui convient également à toutes les manières de voir.

3172. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

On dirait d’un fait exprès pour assembler les contrastes et aigrir l’irritation. « La médiocrité de la solde du soldat, dit un économiste, la manière dont il est habillé, couché et nourri, son entière dépendance, rendraient trop cruel de prendre un autre homme qu’un homme du bas peuple783 ».

3173. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Mais il ne rend que le mouvement extérieur avec des développements trop suivis et trop longs, des strophes tout en gestes, pour ainsi dire, où sont loin de paraître les jolies sentimentalités et les traits mystérieux du lyrisme rustique.

3174. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

C’est ça qui vous rend petit garçon… II On sait surtout de M. 

3175. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Pourquoi beaucoup vont-ils à la conférence plus volontiers qu’ils ne se rendent au théâtre ou qu’ils ne restent à lire chez eux ?

3176. (1890) L’avenir de la science « VI »

Ce scrupule a été poussé si loin qu’on a vu des critiques de l’esprit le plus distingué rendre à dessein leur expression incomplète, plutôt que d’employer le mot de l’école, alors qu’il était le mot propre.

3177. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

La /orme de Souvenirs m’a paru commode pour exprimer certaines nuances de pensée, que mes autres écrits ne rendaient pas.

3178. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Les beaux esprits avoient dit dans leurs vers que le soleil, pour se rendre encore plus semblable au feu roi qui l’avoit pris pour le corps de sa dévise, se défaisoit de ses taches.

3179. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Cette pièce avait pour titre, De l’Éducation d’un prince 1 : tout m’a charmé dans cet ouvrage ; pensées, sentiments, images, harmonie, facilité, noblesse, mais surtout de grandes leçons, et des vérités utiles, qui n’en ont que plus de mérite pour être mises en beaux vers, parce qu’à leur mérite propre elles en joignent deux autres, celui de la difficulté vaincue sans que l’empreinte du travail y reste, et celui d’être exprimées dans un langage sonore qui les rend plus faciles à retenir.

3180. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Fut-ce pour lui un pistolet de poche, toujours armé et mis sur la gorge de tous ces amours-propres que la lâcheté rend si charmants ?

3181. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Un autre petit homme dans l’Histoire avait, comme Carlyle, écrit précisément celle de la Révolution française, n’ayant souci de rien que de se montrer révolutionnaire dans cette histoire, — le long de laquelle il passa à travers toutes les opinions, comme le singe de la Fable à travers son cerceau, avec les souplesses d’un esprit que le scepticisme rend plus souple encore ; — Thiers, qui grimpe sur toutes les idées comme il en dégringole, avec la même facilité, n’est que l’écureuil de la Politique et de l’Histoire ; mais quelle que soit l’alacrité des mouvements de l’écureuil, son genre historique, sobre de couleur, n’en a pas moins la gravité, il faut bien dire le mot, d’un homme qui est souvent un Prud’homme littéraire.

3182. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Le grand esprit du Christianisme, qui rend plus grands les plus grands esprits, André Chénier ne s’en doutait pas.

3183. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

Il y a, en effet, pour nous autres Européens, qui n’émigrons pas et qu’on n’a point à ramasser au bout du chemin de toutes les révoltes, quelque chose d’assez insolemment orgueilleux dans l’attitude que l’Amérique, en toute occasion, aime à prendre vis-à-vis de l’Europe, pour la rendre moins facile aux admirations… Malheureusement, les publicistes ne sont pas si fiers !

3184. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Un badinage de cette force, introduit, sans rire, dans l’histoire, mériterait d’être relevé comme une impudence digne de John Falstaff, si Pelletan, maladroit au pamphlet, n’en ayant ni le génie, ni la mesure qui le rend dangereux, ne s’enfilait lui-même sur cette plaisanterie effrontée !

3185. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Malgré son fond de piété sincère, — la piété des femmes de l’ancien monde qui ne s’étaient pas enversaillées, comme disait le vieux marquis de Mirabeau, — elle a les haines et les mépris un peu altiers des femmes comme elle, à qui la Révolution a cassé sur la tête le dais sous lequel elles rendaient la justice féodale autrefois.

3186. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Mais, s’il avait plus songé à l’éducation à faire de l’intelligence du public, qu’il doit, avec ses convictions, vouloir rendre hégélien, qu’à l’éducation toute faite des philosophes comme lui, il eût commencé par les autres œuvres d’Hegel, moins cruellement abstraites (par exemple, les idées sur la Religion, sur l’État, sur l’Art, etc.), et il serait remonté de là vers les principes philosophiques d’où dépend toute la philosophie de son maître, et il eût placé ainsi le lecteur, familiarisé avec les idées et le langage hégélien, à la source même du système.

3187. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

C’était un pauvre souffreteux de naissance, mort, à quarante-huit ans, plus vieux que Fontenelle, qui en avait cent, mais qui s’était tout doucettement trempé dans un égoïsme meilleur que le Styx pour rendre un homme invulnérable.

3188. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Mais, si majestueuse qu’elle ait été, cette sécurité, elle pourrait bien être trompée, et même voilà précisément ce qui la rend si belle, c’est d’être trompée !

3189. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Il y a des différences dans la gloire de Bossuet, comme il y a des places plus rayonnantes, plus condensées, plus blanches dans la lumière, mais de l’absence de lumière, mais de l’ombre positive à un seul endroit de cette vie étonnante, on la cherche en vain… Seulement, cette lumière qui partout l’inonde, et dont l’écrivain qui la retrace finirait par être ébloui, passant à travers les mœurs simples et fortes de cet homme trop grand pour n’être pas un bon homme, donne à cette vie, aveuglante d’éclat, des tons doux, charmants, attendris, qui nous reposent et qui nous touchent, et qui ont influé, sans qu’on s’en soit rendu bien compte jusqu’ici, sur ce qu’il y avait de plus beau et de plus profond dans sa pensée.

3190. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Les amours historiques dont il a trop, selon nous, enguirlandé sa vieillesse, nous l’ont rendu absolument incapable de toute autre chose que de rabâcher des éditions !

3191. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

En comparaison du Ludovic d’Ernest Hello, ils ne sont plus avares que comme les eunuques sont des hommes… Et ils sont, en effet, des eunuques d’avares, mutilés dans leur personnalité d’avares par un sentiment qui n’est pas l’avarice et qui se mêle à leur passion pour les rendre adultères à l’or… Harpagon est amoureux.

3192. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Caché sous le masque diaphane d’une initiale qu’un prénom et un titre rendent plus transparent encore, l’auteur jettera son dernier masque lorsqu’il le faudra, soyez-en sûr !

3193. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Grâces lui soient rendues !

3194. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Je sais bien qu’il est une École qui conteste assez hautainement la supériorité de cette poésie spirituelle, une École puissante et qui mérite de l’être, _ car elle a rendu de grands services à la langue poétique de ce temps.

3195. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Mais ce sont exclusivement ses Fables, dans lesquelles on plonge, depuis qu’elles sont faites, les enfants de toutes les générations comme dans leur premier bain d’intelligence, ce sont ses Fables qui l’ont rendu aussi populaire que s’il ne méritait pas de l’être, et donné à sa popularité un caractère aussi particulier que son génie.

3196. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

c’est de la poésie d’écrasés, que ces Idylles mœlibéennes qui rendent un si effroyable hommage de reconnaissance au Dieu qui nous fit ces loisirs.

3197. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

C’est le commencement du volume, ce que le poète appelle La Clé rose : À l’inspiration qui dort, La vie est lentement rendue.

3198. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

que du rendu des faits extérieurs et de l’exactitude de leur description, Mais il y a bien d’autres choses encore qui vous étonneront dans le roman de M. 

3199. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

…), une chose effroyable dont personne de nous ne se doutait : c’est que le roman de madame Sand, le malheureux Alfred le prévoyait… qu’il l’avait porté toute sa vie sur son cœur, comme une arme qu’on ne devait décharger contre sa mémoire que quand il ne serait plus là pour tirer à son tour et rendre le coup… Mais si cela fut, et si l’opinion présente accepte une telle assertion comme tout le reste, ce n’est pas qu’il y ait dans le livre de madame Sand de ces pages, belles d’outrance, qui ajoutent par l’intensité du ressentiment ou l’atrocité de la haine — de cette haine après l’amour qui est peut-être de l’amour encore ! 

3200. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

…), une chose effroyable dont personne de nous ne se doutait, c’est que le roman actuel de Mme Sand, le malheureux Alfred le prévoyait… qu’il l’avait porté toute sa vie sur son cœur comme une arme qu’on ne devait décharger contre sa mémoire que quand il ne serait plus là pour tirer à son tour et rendre le coup… Mais si cela fut, et si l’opinion présente accepte une telle assertion, comme tout le reste, ce n’est pas qu’il y ait dans le livre de Mme Sand de ces pages, belles d’outrance, qui ajoutent par l’intensité du ressentiment ou l’atrocité de la haine, — de cette haine, après l’amour, qui est peut-être de l’amour encore, — au poids accablant de la formidable déclaration de M. 

3201. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

C’est le nom d’un des plus vaillants poètes romantiques, qui n’a pas, lui, rendu son épée a l’Académie française, comme tant d’autres, et qui est toujours l’homme de la première heure, le clairon d’or pur que rien n’a faussé, et qui joue maintenant, dans cette misérable défaite littéraire dont nous sommes les témoins, les airs à outrance du cor de Roland à Roncevaux.

3202. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.

3203. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Ces belles contrées entre le Danube et la côte d’Asie seront laissées aux races chrétiennes ; Sainte-Sophie sera redevenue chrétienne ; cette ville de Constantinople, cette entrée orientale de l’Europe lâchement livrée aux Turcs il y a quatre siècles, conquise de leurs mains par droit de massacre, restée désormais sous leur joug par droit de stupidité, d’après ce titre d’être la nation la plus propre à posséder inutilement un grand empire, sera rendue à la fédération chrétienne d’Europe.

3204. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Pour bien comprendre ce qu’est le rythme poétique, il faut faire abstraction de l’écriture, qui rend la poésie presque abstraite, presque silencieuse : la poésie est, en réalité, le rythme musical du poète, c’est un geste musculaire nécessaire à la vie cellulaire de son organisme. […] Aucun poète, peut-être, ne s’est approché aussi près de la nature que Mme Marie Dauguet : elle a le don de nous rendre sensibles, palpables, des impressions odorales qui nous semblaient insaisissables. […] Le jeu des mots comme le jeu des couleurs est infini, et de même que le peintre peut mettre du sentiment dans ses couleurs, le poète peut, par la combinaison des mots, peindre toutes ses sensations de son être, et les rendre palpables, visibles, sensibles. […] Dans ce poème : Roues de Moulin, le poète a cherché à rendre musicalement le bruit obstiné de l’eau se jetant sur les roues ; les mots ont la souplesse et les courbes mêmes d’une cascade : Et la roue en tournant sent le cours et le poids d’un mys     tère Terrifique, comme un rêve volubile, lunatique, qui sur place La soulève, et l’oblige au tapage Agitant, aux sursauts et fracas Cahotants des volants, dont les brefs ronflements se suc- cèdent, Cédant vite, tour à tour, tant la chute torrentielle les      obsède ! […] Un instant encore chez Gérôme « elle vécut tout ce qu’elle avait lu des démarches amoureuses des femmes, elle revoyait en pensée l’escalier qui est dans Saphio, et celui par où Mme Bovary, à Rouen, se rend chez le jeune clerc ».

3205. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

À voir ces mots si choisis, ces arrangements exquis de syllabes mélodieuses, cette science des coupes et des rejets, ce style si coulant, si pur, ces gracieuses images que la diction rendait encore plus gracieuses, et toute cette guirlande artificielle et nuancée de fleurs qui se disaient champêtres, on pensait aux premières églogues de Virgile. […] Par exemple, sir Petre, voulant se rendre les dieux propices, « bâtit un autel à l’Amour avec douze vastes romans français proprement dorés sur tranche, pose dessus trois jarretières, une demi-paire de gants, et tous les trophées de ses anciennes amours ; puis, avec un tendre billet doux il allume le feu et ajoute trois soupirs amoureux pour attiser la flamme1116. » Nous demeurons désappointés, nous ne devinons pas ce que cette description a de comique. […] Ils les ont rangées en compartiments ; ils les ont développées avec méthode ; ils les ont rendues sensibles par des groupements et des symétries ; ils les ont ordonnées en processions régulières qui, dignement, magistralement, s’avancent avec discipline et en corps.

3206. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Il importe assez peu, en définitive, que nous vivions quelques années de plus ou de moins, avec un peu plus ou un peu moins de plaisir ou de souffrance ; ce qui importe, c’est d’accomplir notre destinée, c’est d’aimer et de penser, c’est de rendre un grand témoignage de notre humanité. […] Il y a quelques quinze ans Banville l’observait déjà : « Ce n’est plus un duel courtois, c’est un combat sérieux que le poète doit soutenir contre l’Isis éternelle ; il ne veut plus seulement soulever ses voiles, il veut les déchirer, les anéantir à jamais, et, privé de ses dieux évanouis, posséder du moins l’immuable nature : car il sent que les dieux renaîtront d’elle et de nouveau peupleront les solitudes du vaste azur et les jardins mystérieux où fleurissent les étoiles. » Ainsi l’art et la science restent en présence et à eux deux se proposent de rendre à l’humanité tous les biens dont les religions mortes l’ont déshéritée. […] Le chef-d’œuvre a deux sens : il est, d’abord le plus haut témoignage que nous puissions rendre de notre humanité.

3207. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Enfin, les articulés ont une structure qui les rend propres à démontrer cette dispersion de la vie psychique. […] Chaque nouvelle intégration rend l’organe apte à être de nouveau différencié ; chaque nouvelle différenciation rend l’organe apte à intégrer de nouveau.

3208. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

C’est le riche qui se pique, encore aujourd’hui, d’ouvrir une allée en pleine forêt, d’amener une eau courante à travers les sables en feu, de meubler une ménagerie ; aussi inhabile que les seigneurs d’autrefois, les autres, ceux de La Bruyère, le riche d’aujourd’hui, à rendre une âme contente, à remplir d’une douce joie un cœur blessé, à faire que la pauvreté soit apaisée, heureuse, et que le pauvre puisse mourir en paix. […] Le critique lui-même, un critique, un sans-cœur par métier, une bête féroce, remué par cette douleur si naturelle, si vive, si bien rendue, était sur le point de pleurer, lui aussi ! […] Scribe à dater du jour où ce charmant esprit avait imaginé de couvrir d’un voile, et de charger d’un nuage, les deux beaux yeux de Valérie, afin que bientôt le voile tombant rendit une force inattendue à ce regard, perçant comme l’esprit, et tendre comme l’amour.

3209. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Il y a l’entente bien plus profonde du grand homme qui commence à poindre, et dont Μ. de Cassagnac a très bien saisi et rendu le trait caractéristique, à ce moment de son action. […] De tels actes étaient son seul langage dans un temps où la France, épuisée de cris et de phrases, rendait l’âme dans l’éloquence de ses tribuns. […] L’habitude de montrer le creux des hommes ou leurs plus honteuses plénitudes finirait-elle par tyranniser la pensée de l’historien, et le rendrait-elle moins propre à nous peindre la perfection humaine et les limpides rayonnements de ses vertus ?

3210. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

En effet, par l’arbitraire et l’énormité de sa créance, le fisc rend toute possession précaire, toute acquisition vaine, toute épargne dérisoire ; de fait, ils n’ont à eux que ce qu’ils peuvent lui dérober. […] Ce qui rend la charge accablante, c’est que les plus forts et les plus capables de la porter sont parvenus à s’y soustraire, et la misère a pour première cause l’étendue des exemptions.

3211. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Terre où, dans mon berceau, les chênes m’ont parlé, Ta sève et ton murmure en ma veine ont coulé ; Il faut qu’un cri d’amour aujourd’hui te les rende. […] « Épargne, ô vieux Caton, tes stoïques entrailles, Survis, et tu vaincras, fallût-il cent batailles ; Survis, et tu rendras par ta seule fierté Des autels à nos dieux, à nous la liberté ! 

3212. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Je reçois un charmant billet de M. de Sainte-Beuve, cet homme exquis dont je reçois l’écriture vivante. » M. de Sainte-Beuve avait rendu à son frère Maurice une justice qui eût été bien plus juste si elle s’était adressée à la sœur ! […] Nous avons vu souvent de grands peintres faire leur propre portrait en se contemplant devant une glace : mais la peinture ne peut rendre l’image du peintre que dans une seule expression, une seule attitude, tandis que la plume peint la nature morale dans toute sa mobilité, dans les mille émotions secrètes que la vie donne à ceux qui pensent, qui sentent, qui jouissent, qui souffrent, qui pleurent ou qui prient.

3213. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Qu’on s’imagine un mélange de subtilités italiennes et de ce que Du Bellay appelait fort justement mignardises françaises, cousues à des idées grecques ou latines, dont le traducteur rendait emphatique la sévère grandeur, ou enfantine la mâle simplicité ; qu’on s’imagine le badinage de Marot, s’enveloppant des vers repliés de Pindare et affectant les fureurs de la lyre94 : telle est l’ode dans Ronsard. […] Enfin, c’est encore par des moyens matériels qu’il pensait rendre harmonieuse cette langue que les cicéroniens et les Italiens trouvaient barbare.

3214. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

L’artiste aujourd’hui est maître de son outil ; il a su le rendre docile tout en le gardant farouchement personnel. […] Trois mois plus tard, un mendiant qui passe sur la route, s’agenouille devant le Christ, lui demande quelle loi rendra, enfin, les hommes meilleurs.

3215. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Au point de vue mécanique, l’habitude qui rend possible la répétition des images en l’absence même des objets peut s’expliquer de trois manières principales, entre lesquelles les physiologistes se divisent : 1° comme un mouvement persistant dans le cerveau ; 2° comme une trace persistante dans le cerveau ou résidu ; 3° comme une disposition persistante dans le cerveau. […] L’idée nous semble précisément le compte rendu qu’on se fait de tel état mental en rapport avec tel objet : pour être une idée réelle et non pas seulement possible, elle implique une aperception à quelque degré, et cette aperception, à son tour, implique toujours un processus appétitif dont elle est la conscience finale.

3216. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Là se donnaient rendez-vous toutes sortes de mondes. […] Et l’on se promène dans de la nature, dont on vous crie aux oreilles : « Ceci a été peint par ***, ceci a été fusiné par ***, ceci aquarellé par ***. » Ici, dans l’île d’Aligre, devant les deux catalpas formant un A sur le ciel, on vous avertit que vous êtes devant le premier tableau de Français, et l’on vous fait revoir la petite femme nue, couchée sur une peau de tigre, en la légère et gaie verdure de la campagne parisienne ; là — l’histoire est vraiment plaisante — là, c’est là que se dressait une magnifique et orgueilleuse plante, entrevue au coucher du soleil par Français, rêvant toute la nuit d’en rendre, le lendemain, l’élancement vivace et la délicate dentelure des feuilles.

3217. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Il est vrai qu’en revanche, dans les Nouvelles de la République des lettres, de Bayle, les comptes rendus des ouvrages de mathématiques ou de physique, d’histoire naturelle ou de médecine, tiennent presque autant de place que la littérature et la philosophie. […] Mais de la conception d’Auguste Comte, ce qu’il faut pourtant retenir, c’est que, s’il appartient à quelqu’un d’approfondir et de préciser la notion de l’Inconnaissable, c’est à ceux qui font de la destinée de l’humanité le principal objet de leurs préoccupations ; qui ne sont curieux ni de l’art, ni de la science en soi, mais des services que l’art ou la science peuvent rendre à l’éducation morale de l’humanité ; et qui considèrent enfin que la sociabilité faisant le premier caractère de l’homme, c’est elle que notre perpétuel effort doit avoir pour ambition de développer, d’assurer, et de perfectionner.

3218. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Le tumulte des passions qui les agitent, ne les rend eux-mêmes attentifs, dans le désordre d’un premier mouvement, qu’aux traits les plus frappants de ce qui s’est passé sous leurs yeux. […] L’art consiste à rendre l’aparté intéressant par la situation du personnage qui laisse voir les mouvements dont il est combattu, ou qui révèle quelque secret terrible.

3219. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

. — Ces résultats déjà connus d’une méthode divergente et confuse, qui étourdit l’esprit au lieu de le former et le rend inappliqué sur plusieurs points au lieu de le fixer utilement sur un seul, nous est un garant d’un retour prochain à la vérité dans une question… » La phrase est si longue qu’on l’abrège. […] Pindare, dont on peut comprendre la lettre, mais dont l’esprit évaporé sous le souffle des siècles rend la gloire incompréhensible, est presque un sujet vierge en littérature Longin et Boileau l’ont touché, mais le peu qu’ils en ont dit, ces porte-respects formidables, a suffi pour empêcher la petite critique familière de l’approcher ; et il est resté, ce fameux Pindare, sans traduction intégrale ou convenable, sous le balustre de son texte : mystérieux, fermé, mais n’ayant plus la vie, — absolument comme un tombeau, Certes, pour qui y voit la vie encore, il n’est rien de plus attirant que ce sépulcre fermé de Pindare, qu’il s’agit d’ouvrir pour nous montrer qu’il est plein de choses immortelles et que la Gloire n’a pas menti !

3220. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

La sœur de l’abbé Mouret est une grande et forte fille que l’Église n’a point rendue idiote comme son frère. […] Je ne veux lui rappeler que ce qu’il oublie, c’est que l’emploi des matières ignobles abaisse l’art et le rend impossible.

3221. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Il aura cru qu’en agissant ainsi il aura ménagé à son héroïne une excuse, il a diminué le mépris pour elle, et rendu plus probable la lâcheté de sa trahison. […] Mais encanailler un grand type terrible ne le rend pas plus formidable.

3222. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Il y avait (je ne parle que des morts) une petite revue littéraire66 très honnête, très honorablement dirigée, qui rendait des services aux jeunes auteurs dont elle accueillait les essais, et aux lecteurs qu’elle entretenait encore de poésie.

3223. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il a été frappé, avant tout, de l’état d’indifférence en matière de religion, de la tiédeur égoïste et de la corruption matérielle de la société ; tout son effort a tendu à rendre la vie et le souffle à ce qu’il voyait comme un cadavre.

3224. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Hugo publia Bug-Jargal modifié de la sorte, il venait de donner son deuxième volume d’Odes et Ballades qui reluit de couleurs pareilles et nous rend en rhythmes merveilleux le même point de vue doublement tranché. 

3225. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

En s’y reportant lui-même à son tour, en repassant sur ses anciennes traces, le maître vient d’y répandre la lumière qui est inséparable de sa plume comme de sa parole ; il n’a pu sans doute rendre à ces premiers canevas tout le développement et tout le souffle qui s’est évanoui avec l’improvisation même ; mais il a su y mettre partout la précision, la netteté, l’élégance, indépendamment de quelques riches et neuves portions dont il les a relevés ; il a su faire enfin de cette suite de volumes sérieux un sujet de vive et intéressante lecture.

3226. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

« L’Assemblée (constituante) abolit toutes les distinctions honorifiques, toutes les armoiries, jusqu’aux titres insignifiante de monsieur et de madame, locutions de pure courtoisie, si l’on veut, mais qui, réunies à d’autres semblables, rendent plus douces les relations ordinaires de la vie, et entretiennent cette urbanité de mœurs que les Français désignaient par l’expression heureuse de petite morale. » Notez ce mot en passant, MM. de l’Académie ; et vous tous qui étudiez l’histoire, n’oubliez pas que l’Assemblée constituante abolit les titres de monsieur et de madame.

3227. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Le côté amoureux, mystique et insinuant du saint-simonisme est assez fidèlement rendu ; le côté politique et économique n’est pas même soupçonné.

3228. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Viardot a rendues avec un relief, avec un cachet de style qui porte en lui la garantie de sa propre fidélité, la plus considérable et la plus intéressante est la première intitulée : Tarass Boulba.

3229. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

L’histoire de ces temps peut donc servir à la nôtre, ou plutôt le spectacle de ce que nous avons eu sous les yeux et le sentiment de ce que nous avons observé nous-mêmes peuvent nous servir à entendre complètement cette histoire du passé ; car c’est moins l’histoire ancienne qui, en général, éclaire le présent, que l’expérience du présent qui sert à rendre tout leur sens et toute leur clarté aux tableaux transmis et plus ou moins effacés des anciennes histoires.

3230. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

. — Pardonnez-moi, mon ami ; mais ce que vous me dites là est la défaite d’un homme qu’une longue habitude de se payer de phrases élégantes a rendu incapable de raisonner d’une manière serrée.

3231. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Mais « son imitation n’est pas un esclavage. » « Il prend l’idée », et la repense de façon à lui rendre l’âme une seconde fois.

3232. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

L’idée à laquelle le mot correspond exactement, a des affinités naturelles ou habituelles avec d’autres idées : chaque fois qu’elle est présente, elle tend à les rendre présents ; elle les évoque et les suscite.

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