Il y avait là une contradiction très réelle, qu’on a pu noter sensiblement chez les chefs de cette famille aristocratique d’esprits depuis M. […] M. de Vergennes, dans un mémoire confidentiel adressé au roi, s’attachant à définir l’espèce de calme, si difficile à ménager, dont jouissait alors la France, le caractérisait en ces mots : « Il n’y a plus de clergé, ni de noblesse, ni de tiers état en France ; la distinction est fictive, purement représentative, et sans autorité réelle.
Par des artifices simples, servant un génie psychologique singulièrement subtil, il dessine sur ses pages des individus aussi complètement organisés que les êtres réels dont les images se gravent dans notre cerveau ; la vraisemblance atteinte est telle, que ces fantômes d’un livre muet contraignent notre croyance, et finissent par produire en nous une illusion plus idéale mais aussi forte que celle qui enchaîne notre intérêt aux passions fictives d’un personnage scénique. […] Le nihilisme dans Terres vierges est traité en phénomène social, sans plaidoyers et sans polémique, et ainsi, étant véritablement un romancier réaliste que ne trouble dans ses observations aucune thèse, qui ne s’applique qu’à recréer dans ses livres des hommes aussi vivants, individualises, différenciés que dans la vie réelle, Tourguénef formule dans ses livres de véritables observations psychologiques, étudie de véritables cas, avec une impartialité et une profondeur qui surprennent.
Les ressemblances sont beaucoup plus apparentes que réelles. […] Je comprends que la tragédie classique, telle que je viens de la définir et de l’expliquer, ait beaucoup de peine à plaire aux hommes de notre temps : c’est que nous préférons en tout le sensible à l’intelligible ; pour que le cœur humain nous intéresse, il faut qu’il soit mêlé à des événements réels plus ou moins semblables à ceux que nous connaissons.
Dans une théorie où l’on prétendrait qu’il n’y a pas de choses en soi, les systèmes eux-mêmes deviennent les choses en soi, la raison étant alors ce qu’il y a de plus réel, et même la seule chose réelle.
Mais l’avantage réel qu’elles retirent d’un grand nombre d’œufs ou de graines, c’est de pouvoir contre-balancer de grandes causes de destruction à certaine période de l’existence de leurs représentants individuels, période dans la plupart des cas plus ou moins hâtive. […] Mais s’il est aisé de donner ainsi en imagination à une forme quelconque certains avantages sur les autres, fort probablement dans la pratique réelle nous ne saurions en une seule occasion ni ce qu’il faudrait faire, ni comment y réussir.
C’est encore le cas pour La guiloguina et quelques autres contes correspondant à des impressions réelles de gens affolés par un sentiment de la nature que l’on vient d’indiquer. […] Ces contes, que l’on pourrait appeler aussi contes moraux — car leur didactisme s’inspire généralement d’un prosélytisme moral — sont de deux sortes : les contes de morale idéale (religieuse et musulmane le plus souvent) ou théorique et ceux de morale pratique ou réelle.
D’une simplicité toute féconde, cette conception a du moins pour elle l’innocence, si elle n’a pas le réel de la vérité, L’Église, en laquelle nous croyons, nous ; l’Église qui a tiré le voile du mystère sur le bonheur réservé à ses Justes, n’a pas défendu, que je sache, à l’imagination des hommes de se figurer cette félicité des élus, pourvu qu’on n’altérât jamais la pureté sans tache de cette félicité divine. […] « Le paradis de mon Dieu, dit-elle éloquemment, après avoir traversé ces paradis qui ne lui paraissent que des ombres et des effacements spirituels, le paradis réel de mon Dieu ne ressemble pas à ceux-là !
Par un contraste inexplicable, il a choisi Hegel, le triste Hegel et son monstrueux prosaïsme, — Hegel l’antipoète, l’antechrist de toute poésie, qui a osé écrire que « la nature n’est rien en soi, qu’il n’y a rien de réel en elle que le mouvement de l’idée », et qui, répliquant à Kant préoccupé d’un soleil central pour les étoiles que l’astronomie devait un jour découvrir, ne craignit pas de répondre : « Il n’y a point de raison dans les rapports des étoiles entre elles ; elles appartiennent à la répulsion formelle. […] Jamais moquerie d’un sens plus profond et d’une grâce plus humoristique n’a fait plus amusante main basse sur cette philosophie si populaire en Allemagne qui tue Dieu au profit de l’homme, et fait de Nabuchodonosor, avant l’herbe, la seule réelle divinité.
Ici l’enseignement peut être plus direct et plus en relief ; le genre vertueux, pour le nommer par son vrai nom, peut être plus décidément encouragé : mais que le talent y mêle toujours le plus d’observation réelle et de vérité possible, il agrandira et passionnera ses effets.
Des petites difficultés, de celles qui tiennent au goût et que la bonne grâce suffit à délier, il s’en lire à merveille ; mais, en présence des réelles, il faiblit.
La plupart des époques ne présentent pas la vie réelle aussi artistement arrangée que dans cette cour romanesque et intrigante ; elles ont toujours quelque chose de vulgaire et de trivial à quoi l’on est forcé de suppléer ; et, pour les traduire en roman, il est besoin d’un fonds de fiction qui les anime et les soutienne.
De ces causes cachées qui déconcertent nos raisonnements en pareille matière, et en compromettent si fréquemment la certitude, les plus réelles se rapportent à la nature même de l’homme et à sa spontanéité d’action.
Les Anglais de 1590, heureusement fort ignorants, aimèrent à contempler au théâtre, l’image des malheurs que le caractère ferme de leur reine venait d’éloigner de la vie réelle.
On substitue aux objets réels qu’on imaginait d’abord des chiffres qui les remplacent partiellement ; ils les remplacent au seul point de vue qu’on avait besoin de considérer en eux, je veux dire au point de vue du nombre.
Insensiblement l’unité politique devenant plus étroite et plus réelle, la littérature d’autre part se faisant de moins en moins populaire, Paris dut à ses rois et a son université d’être le centre intellectuel du royaume.
Le rêve nous déplaisait, non point parce qu’il nous faisait sentir plus durement le réel ; il nous exaspérait en tant que rêve.
Par un phénomène inexplicable et pourtant bien réel, s’il est vrai que les diverses figures peintes d’un même comédien ne se ressemblent jamais entre elles, il est également vrai que les portraits des comédiens d’une même époque se ressemblent tous, tous comme des frères.
Pendant un quart de siècle, quelques écrivains laborieux et artistes ont fait, pour le roman, pour le théâtre, pour la langue française, de braves efforts et de réelles conquêtes.
Au surplus, ma complète ignorance de la vie réelle m’y rendrait tout à fait incompétent.
Je crois donc qu’en restant fidèles à notre esprit, nous pouvons rendre au monde de réels services.
… Songez qu’elle est le flambeau de toutes les Sciences, l’ame de toutes les vertus, l’existence réelle des êtres, & que sans elle tout n’est qu’illusion… Je ne me suis attaché, dans ces Réflexions, qu’aux vérités relatives à la marche éclairée de l’esprit humain.
Conclusions générales De 1830 à 1888, la plupart et les mieux doués des lettrés français ont accusé fortement ou faiblement une prédominance d’idées verbales sur les idées réelles ; les liseurs : une prédominance semblable moins accusée, atteignant spécialement la jeunesse ; les auditeurs théâtrals : une atonie et une infériorité mentale générale, marquée par un irréalisme, une inexpérience et une irréflexion complètes, accompagnées d’une prédilection sensible pour les moyens d’émotion purement sensuels ; les décors, les costumes, la sonorité des mots.
Cependant, parmi les avantages sans nombre que ce systême procuroit aux avocats, il n’y a peut-être qu’un seul tort réel qu’il leur fasse ; c’est qu’il refroidit l’imagination.
Massillon, peignant cet amour, s’écrie : « Le Seigneur tout seul51 lui paraît bon, véritable, fidèle, constant dans ses promesses, aimable dans ses ménagements, magnifique dans ses dons, réel dans sa tendresse, indulgent même dans sa colère ; seul assez grand pour remplir toute l’immensité de notre cœur ; seul assez puissant pour en satisfaire tous les désirs ; seul assez généreux pour en adoucir toutes les peines ; seul immortel, et qu’on aimera toujours ; enfin le seul qu’on ne se repent jamais que d’avoir aimé trop tard. » L’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ a recueilli chez saint Augustin, et dans les autres Pères, ce que le langage de l’amour divin a de plus mystique et de plus brûlant52.
La faute, réelle ou supposée, se répand avec éclat : le reproche circule de bouche en bouche avec une feinte pitié ; la ville en retentit de toutes parts.
Parcourez toutes les fonctions de la vie, toutes les sciences, tous les arts, la danse, la musique, la lutte, la course, et vous reconnaîtrez dans les organes une aptitude propre à ces fonctions ; et de même qu’il y a une organisation de bras, de cuisses, de jambes, de corps propre à l’état de porte-faix, soyez sûr qu’il y a une organisation de tête propre à l’état de peintre, de poëte et d’orateur, organisation qui nous est inconnue, mais qui n’en est pas moins réelle, et sans laquelle on ne s’élève jamais au premier rang ; c’est un boiteux qui veut être coureur.
Les mouvements souples, gracieux, délicats qu’il donnait aux membres, écartaient l’animal des actions simples, réelles, de la nature, auxquelles il substituait des attitudes de convention, qu’il entendait mieux que personne au monde.
Le plaisir sensible que nous font des beautez renaissantes à chaque periode, nous empêche d’appercevoir une partie des défauts réels de la piece, et il nous fait excuser l’autre.
La raison en est simple : dans ces premiers temps, l’homme, plus indépendant et plus fier, était plus près de l’égalité ; la faiblesse et le besoin ne s’étaient point encore vendus à l’orgueil, et le maître, en enchaînant l’esclave, ne lui avait point encore dit : « Loue-moi, car je suis grand, et je daignerai te protéger, si tu me flattes. » On sent qu’alors pour être loué, il fallait des droits réels, et ces droits ne purent être que des services rendus aux hommes.
Ainsi s’aiguisait en cette passe étroite un esprit que nous allons voir sortir de là ferme, mordant, incisif, très-sensible aux désaccords, allant droit au réel et le détachant nettement en vives découpures. […] Le sentiment continu du réel, du vrai et du bien, dominera et dirigera en tout point l’ingénieux. […] Du milieu de tant de déclamations vaines, où figurent pourtant çà et là quelques difficultés considérables et des griefs réels, le livre de Mme Guizot, qui embrasse l’éducation tout entière, celle de l’homme comme celle de la femme, offre une sorte de transaction probe et mâle entre les idées anciennes et le progrès nouveau.
Enfin, il y aurait lieu, si l’espace nous le permettait, d’examiner l’hypothèse de faits historiques réels, hypothèse de plus en plus vraisemblable, d’après les recherches récentes, et suivant laquelle des templistes d’une espèce particulière, de véritables chevaliers du Gral, auraient existé en Europe. […] Le rôle de Parsifal est encore plus intéressant à étudier au point de vue de la mimique, que celui de Kundry ; car ici le personnage est plus réel et plus humain. […] A quelques rares et mesquines exceptions près, l’on est tombé d’accord en estimant à sa réelle valeur le grand chef-d’œuvre qui vient de s’imposer au public belge.
Aussi bien chacun voit dès à présent par où la poésie peut entrer dans le monde réel, et la réalité dans l’art. […] S’il était autrefois nécessaire pour rappeler au monde réel les enthousiastes d’idées et de sentiments, il ne l’est pas moins à l’heure présente pour ramener à la poésie et aux croyances idéales ces esprits secs, légers et décisifs qui les jugent incompatibles avec les Vrais intérêts du monde réel, qui ne regardent comme réel que ce qui se touche, qui prennent la courte vue pour le bon sens, qui se disent positifs quand ils sont grossiers et qui feraient volontiers consister tous les progrès humains dans une plus grande vitesse et une plus grande expansion de la vapeur. […] Pour ce qui touche l’application de la philosophie à l’amour, l’auteur franchit toutes les bornes ; le monde réel n’a plus ni lois ni usages qui le retiennent. […] Pourquoi les préférer aux biens réels si c’est vers ceux-ci que nous poussent le plus vivement nos facultés ? […] La part que nous prenons aux infortunes d’un personnage, fictif ou réel, l’engage à notre égard.
Le génie de l’ironique et mordante gaieté a son lyrique aussi, ses purs ébats, son rire étincelant, redoublé, presque sans cause en se prolongeant, désintéressé du réel, comme une flamme folâtre qui voltige de plus belle après que la combustion grossière a cessé, — un rire des dieux, suprême, inextinguible. […] Jourdain, Argant, c’est le côté de Sganarelle continué, mais plus poétique, plus dégagé de la farce du Barbouillé, plus enlevé souvent par-delà le réel. […] Or, maintenant, entre ces deux points extrêmes du Malade imaginaire ou de Pourceaugnac et du Barbouillé, du Cocu imaginaire, par exemple, qu’on place successivement la charmante naïveté (expression de Boileau) de l’École des Femmes, de l’École des Maris, l’excellent et profond caractère de l’Avare, tant de personnages vrais, réels, ressemblant à beaucoup, et non copiés pourtant, mais trouvés, le sens docte, grave et mordant du Misanthrope, le Tartufe qui réunit tous les mérites par la gravité du ton encore, par l’importance du vice attaqué et le pressant des situations, les Femmes savantes enfin, le plus parfait style de comédie en vers, le troisième et dernier coup porté par Molière aux critiques de l’École des Femmes, à cette race des prudes et précieuses ; qu’on marque ces divers points, et l’on aura toute l’échelle comique imaginable. […] Lorsqu’il donna le Misanthrope, Molière, brouillé avec sa femme, ne la voyait plus qu’au théâtre, et il est difficile qu’entre elle, qui jouait en effet Célimène, et lui, qui représentait Alceste, quelque allusion à leurs sentiments et à leurs situations réelles ne se retrouve pas. […] Il aura pris l’idée de ce dialogue dans un entretien réel, rapporté par Grimarest, et où le poète dissuada un jeune homme qui le venait consulter sur sa vocation pour le théâtre.
Cependant, cette trêve est plus apparente que réelle. […] Cette analyse sera parfaite, si elle ne laisse échapper aucun des éléments réels du fait total, et si elle n’en introduit aucun qui n’y soit pas renfermé. […] L’idée qu’un philosophe s’est formée du fait de la perception est vraie, si elle représente exactement les éléments réels de ce fait ; fausse, si elle ne les représente pas exactement. […] D’autant de manières qu’elle peut être inexacte, et elle ne peut l’être que de deux : ou elle a omis quelques-uns des éléments réels du fait, ou elle a introduit dans ce fait un élément qui n’y est pas. […] Ce livre pourrait être comparé à un de ces portraits peints en beau, mais cependant ressemblants, dans lesquels un rayon de l’idéal semble luire derrière la beauté réelle.
D’ordinaire, on ne connaît l’Espagne que par son drame, ses romans picaresques et sa peinture ; quand, sur de tels documents, on essaye de se figurer la vie réelle, on hésite et on n’ose conclure ; de pareilles mœurs semblent fabuleuses. […] En ceci les créatures imaginaires sont soumises à la même loi que les créatures réelles. […] Pour lui, ce sont des figures manquées, des ébauches mal venues, il n’y a de réel que les formes dessillées ou modelées par les maîtres. […] Dans les figures réelles, ce caractère était obscur, incomplet, fragmentaire ; c’est la figure idéale qui le dégage, le précise et le manifeste à tous les yeux. […] Chaque école a représenté un tempérament, le tempérament de son climat et de son pays, et chaque école l’a représenté avec une plénitude et une saillie que les hommes réels n’ont jamais atteinte.
Il veut amasser des faits réels, et il se soumet à cette réalité. […] » Cette foi dans la présence réelle qui répète à chaque minute le drame du Calvaire pour chaque Conscience de croyant, cette « vitalité chrétienne », disait M. […] Je n’aperçois guère le profit que l’homme du peuple tirera d’un contact qui ne peut que le faire participer aux incohérences d’une pensée, elle-même si faible encore, si peu réelle. […] Rien n’est indifférent de ce qui colore, de ce qui anime ce souvenir, de ce qui le rend présent, réel, comme concret. […] La force de l’éloquence et, pour tout dire, de la rhétorique, n’y déformera-t-elle pas la réalité des événements au point de rendre très difficile le départ de l’imaginaire et du réel ?
Là, dans un dédain exagéré du fait et dans une indifférence réelle à l’histoire, est le principal défaut du livre de M. […] C’est cette philosophie qui constitue, par-dessous la flagrante immoralité des actes, ce que l’on peut appeler la réelle moralité de Gil Blas. […] L’amour, descendu des hauteurs où l’avait placé l’hôtel de Rambouillet, entre avec lui dans la vie réelle. […] Très expert à trouver des justifications, Marivaux, sur un pareil reproche, eût sans doute répondu que, s’il n’a pas peint plus souvent la passion, c’est qu’au fait il ne l’a pas plus souvent rencontrée dans la vie réelle. […] Quelques-uns seulement, de même que quelques autres pour le malheur ou pour le crime, sont créés pour l’amour : telle fut, dans la vie réelle, Mlle de Lespinasse, tel peut-être Prévost lui-même, et tel est bien son des Grieux.
(1844) V Salin est gentil, aimable, fin, il a de l’aménité ; mais nulle vigueur réelle, nulle source puissante ; il n’aurait en aucun temps, ni en aucune situation, rien créé. […] La soie reparaît à tout instant par quelque bout, et quand il veut la cacher et prendre le détail agreste et réel, il n’a plus de mesure, il en met trop : trop de soie et trop de souquenille. […] — Toute une moitié, et la plus réelle, de ses qualités distinctives et de ses traits saillants n’est nullement représentée dans cette manière d’écrire. […] LXXXVI Quand je vois combien la plupart de ceux qu’on appelle savants sont peu propres à pénétrer la vie du présent, je me demande si ce qu’ils nous disent du passé, est quelque chose de réel. […] Royer-Collard était réelle et même à quelques égards profonde.
Sa sympathie pour les écrivains et les artistes était réelle. […] La hauteur intellectuelle et littéraire de Villiers accablait d’un souverain mépris ce qu’il y avait, dans le réel talent de Mendès, d’artificiel et d’un peu équivoque. […] L’invisible commençait à lui masquer le réel. […] Verhaeren est l’évocateur d’une réalité idéalement déformée, où l’apport du réel est amplifié par une optique imaginative d’une rare et magnifique puissance. […] C’est ce sentiment que l’on éprouve à la lecture de ces étonnants romans où l’érudition la plus minutieuse concourt à l’évocation la plus intense et où apparaissent tant de figures puissamment vivantes qui nous imposent, à travers les siècles, leur présence réelle avec une prodigieuse force de vérité.
» Il se demande pourquoi ces livres traduits de l’anglais ont tant d’attrait pour lui ; il s’aperçoit bien de ce qui y manque pour l’ordre, pour la méthode, et combien « à décliner les choses par les règles » les écrivains français paraissent supérieurs ; il sent le besoin de s’expliquer cette action si réelle sur les esprits sérieux : C’est qu’ils raisonnent avec grande force, dit-il, et qu’il n’y a jamais de lieux communs comme dans nos auteurs, même comme dans ceux des nôtres qui raisonnent le plus à l’anglaise. […] Ces dernières réflexions ont l’air d’illusions si vous voulez, mais convenons que les apparences sont grandes, qu’il y a quelque chose de caché sous cette disproportion réelle et sensible ; nous avons l’air de rois détrônés et emprisonnés.
Toutes mes poésies sont des poésies de circonstance ; c’est la vie réelle qui les a fait naître, c’est en elle qu’elles trouvent leur fond, et leur appui. […] Ne déracinez pas les pensées sous prétexte de les montrer plus nettes et plus dégagées ; elles y perdent de leur sève et de leur fraîcheur. — Je reviens à la poésie d’après Gœthe, et à ce qui la fait naître et l’alimente : « Que l’on ne dise pas, ajoutait-il, que l’intérêt poétique manque à la vie réelle, car justement on prouve que l’on est poëte lorsque l’on a l’esprit de découvrir un aspect intéressant dans un objet vulgaire.
Sans doute, dans le monde réel, il n’y a pas tant de millions ni tant de beaux colonels que cela ; mais cette comédie est l’idéal pas trop invraisemblable, le roman à hauteur d’appui de toute notre vie de balcon, d’entresol, de comptoir ; toute la classe moyenne et assez distinguée de la société ne rêve rien de mieux. […] Laissant donc cette scène gracieuse qu’il avait fondée aux soins de ses plus réels collaborateurs et de ses successeurs très-dignes, M.
Pierre Corneille En fait de critique et d’histoire littéraire, il n’est point, ce me semble, de lecture plus récréante, plus délectable, et à la fois plus féconde en enseignements de toute espèce, que les biographies bien faites des grands hommes : non pas ces biographies minces et sèches, ces notices exiguës et précieuses, où l’écrivain a la pensée de briller, et dont chaque paragraphe est effilé en épigramme ; mais de larges, copieuses, et parfois même diffuses histoires de l’homme et de ses œuvres : entrer en son auteur, s’y installer, le produire sous ses aspects divers ; le faire vivre, se mouvoir et parler, comme il a dû faire ; le suivre en son intérieur et dans ses mœurs domestiques aussi avant que l’on peut ; le rattacher par tous les côtés à cette terre, à cette existence réelle, à ces habitudes de chaque jour, dont les grands hommes ne dépendent pas moins que nous autres, fond véritable sur lequel ils ont pied, d’où ils partent pour s’élever quelque temps, et où ils retombent sans cesse. […] Mais il n’avait pas le génie assez artiste pour étendre au drame entier cette configuration concentrique qu’il a réalisée par places ; et, d’autre part, sa fantaisie n’était pas assez libre et alerte pour se créer une forme mouvante, diffuse, ondoyante et multiple, mais non moins réelle, non moins belle que l’autre, et comme nous l’admirons dans quelques pièces de Shakspeare, comme les Schlegel l’admirent dans Calderon.
C’est un bon homme, dont la réelle élévation d’âme, le désintéressement, la bonté, la loyauté s’enveloppent de formes un peu âpres et brusques : économe, soigneux de son bien, un peu sensuel du côté de la table, aimant les bons dîners, les bons vins, les bons compagnons, rieur et railleur, éclatant en originales et plaisantes saillies, peu dévot et toujours prêt à se gausser des gens d’Église, très indépendant d’esprit et très soumis à l’autorité : le plus doux des hommes avec sa mine de satirique. […] Il n’a pas saisi non plus le lien plus délicat, mais non moins réel, du bucolique à l’épique.
Il souffrit des maux tour à tour imaginaires et réels et, comme il arrive aux âmes bien situées, il sortit de cette longue crise plus doux, plus indulgent aux hommes et à la vie ; il en rapporta une vertu qui, tout compte fait, a crû notablement dans ce siècle : la pitié. […] Il est une autre attitude, une autre façon de prendre la vie, qui est bien de ce temps : une espèce de pessimisme stoïque, une affectation de voir toutes les duretés et toutes les absurdités du monde réel et tout ce qu’il y a d’inhumain dans, ses lois, et d’y opposer une résignation ironique.
Car la poésie est évidemment beaucoup plus large ; elle a pour matière tout le monde réel, y compris ses laideurs et ses discordances ; elle fait résider la beauté moins dans les objets (spectacles de l’univers physique, êtres vivants, sentiments et passions) que dans une vision particulière de ces objets et dans leur expression. […] Il y a une Mme d’Hermany qui reçoit, la nuit, un bellâtre dans le salon d’un hôtel de bains, et qui, surprise par Jeanne Bérengère, lui fait la plus jolie profession de nihilisme moral. « Elle s’est résignée à déchoir, à accepter les seuls plaisirs réels dont ce monde dispose. » — Jacques de Lerne raconte à Jeanne son premier amour, si pur, si poétique !
La société, s’assurera si elles correspondent à des besoins « réels » c’est-à-dire suffisamment généraux. […] Confinés dans leur bureau, relégués dans leur domaine spécial à l’écart de la vie réelle, privés des joies saines d’une activité extérieure, et portant des fruits visibles, ils s’étiolent, perdent toute sûreté d’instincts, et souvent dégénèrent : c’est dans leurs rangs que se recrute l’armée sans cesse plus nombreuse des décadents — mécontents ou résignés, pessimistes ou dilettantes — qui constituent un danger des plus sérieux pour l’avenir de notre vieille Europe87. » Ainsi la désintégration des individualités, la dissociation en elles de l’intelligence et de l’instinct, de la pensée et de l’action, de la théorie et de la pratique ne font que s’accentuer sous l’influence de notre mécanisme social.
Une foi brûlante, sacrée, précise, inaltérable, est le signe premier qui marque le réel artiste : — car, en toute production d’Art digne d’un homme, la valeur artistique et la valeur vivante se confondent : c’est la dualité mêlée du corps et de l’âme. […] Cette séance, si vraiment curieuse et d’un si réel intérêt wagnérien, a obtenu le succès le plus sincère.
La présence réelle est une des lois de l’intérêt, au théâtre ; là surtout les absents ont tort. […] Huit cent mille francs de billets fictifs, souscrits par lui à une marquise dont il a été l’amant appointé, et qui redeviennent réels et valables lorsque la dame, devenue dévote, les lègue, avec sa fortune, à la Compagnie.
Grâce à des mérites si réels et si divers, à Châtenay, à Sceaux, à Saint-Maur, on requérait que le facétieux abbé fût de toutes les fêtes champêtres et bucoliques : Parmi les dieux des bois, surtout n’oubliez pas Celui vêtu de noir qui porte des rabats. […] Lorsqu’elle en sortit pourtant et qu’elle eut affaire aux difficultés réelles, elle s’y heurta, elle s’y brisa.
Les poètes surtout, ceux qui se groupaient dans le recueil de La Muse française, Guiraud, Vigny, Hugo, Deschamps, aimaient alors à prédire à Delphine, comme on l’appelait tout fraternellement, la couronne de l’élégie lyrique : Son talent tout jeune, me dit un de ces fidèles témoins que j’ai voulu interroger pour être juste, nous paraissait devoir être un mélange de vigueur masculine avec une sensibilité de femme du monde, plus affectée des choses de la société que des spectacles de la nature ; plus nerveuse que tendre, plus douloureuse que mélancolique : le tout marchant de concert avec beaucoup d’esprit réel, sans prétentions, et se manifeste tant sous une forme de versification pure, correcte, savante même et assez neuve alors. […] On perd le sentiment du vrai, du vrai réel comme du vrai idéal.
Il ne se guérit point de cette disposition à Paris, lors même que les privations les plus réelles, les souffrances positives et poignantes vinrent y joindre leur aiguillon. […] De 1834 à 1838, sa vie ne fut qu’une lutte pénible et haletante, où son talent de plus en plus réel, et qui achevait de se dégager chaque jour, ne put triompher de la dureté des circonstances ni suppléer aux infirmités du caractère4.
Je ne juge pas ici cette philosophie de l’histoire qui donne aux événements un sens tout nouveau ; mais si l’on croit bien réellement à la Providence, à sa présence réelle et à son action efficace en toutes choses, on sera plus ou moins amené à des explications de ce genre. […] Son ton, en écrivant ces lignes, pouvait paraître tranchant, sa modestie intérieure était réelle.
Très jeune à la Cour, très en posture de tout dire, on l’avait accepté sur ce pied-là, et quand, plus tard, après ses disgrâces passées et son retour, il eut prouvé son habileté et son utilité réelle dans les affaires de son ordre, on ne lui demanda pas de supprimer ses vivacités naturelles et ses craqueries, qui faisaient de lui un prélat qui ne ressemblait à nul autre. […] Cosnac écoute les agents, ne les croit qu’autant qu’il faut, démêle ce qui est possible et réel, et en parle à son maître ; il ne peut obtenir de lui qu’il applique sa pensée à ce dessein, ni qu’il s’en ouvre sérieusement au roi son frère.
Berger cherche à y faire la double part en Volney, celle du mérite réel et celle des opinions erronées. […] Il y avait chez Volney un côté pratique, économique et réel, qu’on ne s’attendrait pas à trouver chez un érudit si passionné pour l’étude et pour le travail du cabinet.
La rose chantée par le poète surpasse en grâce toute rose, elle est la rose véritable et réelle, et les merveilles de toutes les autres s’y cristallisent et y chantent. […] Par un violent effort ils ont voulu se placer au centre même du réel, et par une sorte de sympathie intellectuelle, communier avec la nature.
Cette jeunesse enseigne la destruction de la réalité en bloc, qui n’est que la cristallisation de la bêtise et de l’infériorité soushumaine, Tous les maux dont nous souffrons peuvent être dérivés de la prédominance de la matière et le réel est synonyme de vide mental. […] C’est pourquoi elle néglige comme moyen de sensation, la description naturaliste de la réalité quoique ce réel pourri fût si tangible ; mais elle se crée elle-même avec une énergie inouïe et brutale ses moyens d’expression et les trouve dans la force accélératrice de l’esprit (ne s’efforçant nullement d’ailleurs d’en éviter les abus !)
Amédée Thierry a parfois bénéficié de la gloire de son frère, et nous ne disons point ceci pour rabaisser en quoi que soit son mérite réel, mais pour en faire comprendre mieux la nature. […] Il a cette nette supériorité de la forme qui rompt, d’un coup, toutes les égalités et passe par-dessus bien des qualités très réelles, même des qualités nécessaires.
Nous ne lui reprocherons pas, nous, la violence de sa manière de peindre, qui n’est que de la netteté flamboyante dans ce sujet d’un enfer réel, où l’ignominie des Sept Péchés Capitaux force le poète à matérialiser sa pensée, comme l’âme a matérialisé son péché, comme Dieu a matérialisé le châtiment. […] Le spectacle est là, réel et visible, mais le sentiment du poète domine le spectacle.
Et peut-être les socialistes pourront-ils prouver, — étant donnée la façon dont se distribuent, en fait, les richesses, — que cette liberté est « illusoire », que cette égalité des droits économiques n’est pas « réelle ». […] Ils sont dès à présent assez engagés dans les institutions publiques pour qu’on puisse les dire portés, non pas seulement par quelques individus, mais par la masse des peuples mêmes ; l’idée de l’égalité telle que nous l’avons définie, postulant la valeur de l’individualité en même temps que celle de l’humanité, demandant par suite qu’on tienne compte des différences en même temps que des ressemblances des hommes, peut être à bon droit regardée, dans nos sociétés occidentales, comme une idée sociale réelle.
Cette déconcertante crédulité n’est même pas ébranlée par les chocs et les contre-chocs du réel. […] Il a infligé à l’expression lyrique la même monotonie que le naturalisme a infligée à l’expression du réel. […] Un mouvement réel, saisi par un œil exercé, paraît faux au commun public. […] Leur pouvoir théraporadiant était réel. […] Comme si, à l’origine de toute action réelle et durable, il n’y avait pas, non seulement une pensée, mais une doctrine !
J’ai entendu plusieurs personnes soutenir que la peinture de cet orage n’était pas réelle, que c’était de pure imagination.
Quelle impression profonde, intime, toute chrétienne, d’un christianisme tout réel et spirituel !
Mickiewicz et en les retournant en un sens plus général, la France réelle, celle qui a tant aimé la Pologne, qui a tant saigné pour elle, la France qui a vaincu aux trois jours, et qu’on a liée par surprise, et qui souffre et qui attend, cette France dont nos gouvernants enhardis s’accoutument à nier l’existence, croyant l’avoir confisquée dans leurs petites Sibéries, cette France ne pourrait-elle pas répondre au poète : « Oh !
La tour de porcelaine ne lui fait pas mirage à l’horizon, il ne laisse jamais le réel pour le fantastique ; quand une fois il tient nos originaux, nos travers, nos ridicules, il ne les lâche pas.
Il est moins facile à duper que Pantalon, mais il a aussi plus de bonté réelle.
Croyez au bien ; le bien est aussi réel que le mal, et seul il fonde quelque chose ; le mal est stérile.
La seule difficulté réelle des rapports entre l’esprit et le corps, c’est qu’il est impossible, contradictoire, de concevoir cette union sous la forme de l’étendue (puisqu’il nous est impossible de penser à l’esprit, sans nous placer en dehors du monde de l’espace) ; et que, d’autre part, toutes les unions ordinaires nous sont données sous la forme d’une connexion dans l’espace.
La force, la ruse, les jeux heureux ou tricheurs du commerce et des affaires, le mensonge de l’or richesse représentative acceptée comme richesse réelle, l’usure : voilà quelques-uns des nombreux éléments de la réponse.
Légendes invraisemblables en apparence et pourtant réelles !
Cette influence peut devenir imperceptible ; mais elle n’en est pas moins réelle : Combien de règles et de productions qui ne doivent notre aveu qu’à notre paresse, notre inexpérience, notre ignorance et nos mauvais yeux !
L’éléphant se gonfla pour accroître sa taille, le bœuf imita l’éléphant ; la grenouille eut la même manie, qui remonta d’elle à l’éléphant ; et, dans ce mouvement réciproque, les trois animaux périrent : triste, mais image réelle d’une nation abandonnée à un luxe, symbole de la richesse des uns, et masque de la misère générale du reste.
Albalat n’arrivera-t-il jamais à comprendre que La Bruyère, écrivain français, n’a pu, au sens réel et péjoratif du mot, imiter Théophraste, écrivain grec16.
Nous en avons déjà dit la raison, mais il ne faut pas craindre de la redire ; c’est parce que le christianisme est la perfection même des institutions religieuses, et que le genre humain ne peut avoir que le sentiment de ses besoins réels.
Mais nous l’avons dit déjà, c’est par cette infériorité très réelle et que la Critique doit indiquer, que Topffer plaira davantage à cette moyenne d’âmes pour lesquelles il a écrit, et qui ne comprendraient rien d’ailleurs au troisième dessous du génie.
De fécondité réelle et saine, il n’y en eut pas.
cette chimère du passé, des réalités la plus terriblement réelle, cette inévitable fatalité du souvenir que Manfred maudit, dans Byron, et qu’il appelle l’impossibilité d’oublier, voilà, malgré les tours de force du linguiste et les travaux de joaillier que Gramont exécute sur le rhythme, ce qui distingue ses poésies et communique un charme profond à ce recueil, qui est, on le sent à travers les ciselures passionnées du poète et de l’idolâtre matériel, un fragment rompu de la vie et non un livre de vers écrit seulement pour montrer qu’on sait faire des vers !
Le vieux Littré a magnifiquement parlé, me rappelait Bourget, de cet océan de mystère qui bat notre rivage, que nous voyons devant nous réel et pour lequel nous n’avons ni barque, ni voile…1 .
Il semble en effet que la vertu et le génie souvent opprimés, se réfugient loin du monde réel, dans ce monde imaginaire, comme dans un asile où la justice est rétablie.
Un autre grand mérite de cet orateur, c’étaient des finesses et des grâces de style ; or, ces finesses et ces grâces tiennent ou à des idées ou à des liaisons d’idées qui nous échappent ; elles supposent l’art de choisir précisément le mot qui correspond à une sensation ou délicate, ou fine ; d’exprimer une nuance de sentiment bien distincte de la nuance qui la précède ou qui la suit ; d’indiquer par un mot un rapport, ou convenu, ou réel entre plusieurs objets ; de réveiller à la fois plusieurs idées qui se touchent.
Comment faire un démon qui paraisse aussi réel qu’un homme ? […] Vous reconnaissez en lui l’âme d’un poëte qui est fait non pour agir, mais pour rêver, qui s’oublie à contempler les fantômes qu’il se forge, qui voit trop bien le monde imaginaire pour jouer un rôle dans le monde réel, artiste qu’un mauvais hasard a fait prince, qu’un hasard pire a fait vengeur d’un crime, et qui, destiné par la nature au génie, s’est trouvé condamné par la fortune à la folie et au malheur. […] Ce monde poétique qui s’agite dans son cerveau ne s’affranchira-t-il jamais des lois du monde réel ? […] Il est doux de quitter le monde réel ; l’esprit se repose dans l’impossible. […] Le drame reproduit sans choix les laideurs, les bassesses, les horreurs, les détails crus, les mœurs déréglées et féroces, la vie réelle tout entière telle qu’elle est, quand elle se trouve affranchie des bienséances, du bon sens, de la raison et du devoir.
Il semble qu’ayant arrêté le contour perceptible et précis de l’homme et de la vie, ils aient omis le reste et se soient dit : « Voici l’homme réel, un corps actif et sensible avec une pensée et une volonté ; et voici la vie réelle, soixante ou soixante-dix années, entre les vagissements de l’enfance et le silence du tombeau. […] Délicatesse de la perception, aptitude à saisir les rapports fins, sens des nuances, voilà ce qui lui permet de construire des ensembles de formes, de sons, de couleurs, d’événements, bref, d’éléments et de détails si bien reliés entre eux par des attaches intimes, que leur organisation fasse une chose vivante et surpasse dans le monde imaginaire l’harmonie profonde du monde réel. […] Nous n’avons pas besoin de nous forcer et de nous exalter pour retrouver en nous les sentiments qu’il exprime, ni pour imaginer le monde qu’il peint, combats, voyages, festins, discours publics, entretiens privés, toutes les scènes de la vie réelle, amitié, amour paternel et conjugal, besoin de gloire et d’action, colères, apaisements, goût, des fêtes, plaisir de vivre, toutes les émotions et toutes les passions de l’homme naturel. […] III En effet, en tout temps l’œuvre idéale a résumé la vie réelle. […] Aristoclès, les sculpteurs d’Égine, Onatas, Kanachos, Pythagore de Rhégium, Kalamis, Agéladas, copiaient encore de tout près la forme réelle, comme Verocchio, Pollaiolo, Ghirlandajo, Fra Filippo, Perugin lui-même ; mais entre les mains de leurs élèves, Myron, Polyclète, Phidias, la forme idéale se dégage, comme entre les mains de Léonard, de Michel-Ange et de Raphaël.
C’est l’étude intime et réelle de l’âme humaine et de la vie humaine. […] Il règne dans ces nouvelles, surtout dans la première, une terreur réelle, et pourtant l’impression qu’éprouve le lecteur est une impression pénible plutôt qu’une impression d’effroi. […] Il importe assez peu qu’un tel caractère ait vécu ou n’ait pas vécu, ait été pris dans la vie réelle ou soit sorti de l’imagination de l’auteur. […] Chaque jour elle le verra, et, rivale discrète, mais réelle de sa fille, son cœur sera sans cesse ému d’un chatouillement de tendresse qui pourra bien être une sensation des plus fines, mais qui sera à coup sûr une sensation des plus malsaines. […] Victorien Sardou sont faites pour être joué beaucoup plus que pour être lues, et que quiconque ne les voit pas au théâtre ne peut se rendre un compte exact de leurs réels mérites.
Il faut, en un mot, headendre dans les profondeurs de l’organisme par une analyse de plus en plus intime, et arriver aux conditions organiques élémentaires dont la connaissance nous explique le mécanisme réel des phénomènes vitaux. […] À la vérité, quel que soit dans les circonstances ordinaires l’engourdissement dans lequel soit plongé le végétal ou l’animal à sang froid, la vie n’a pas cessé en lui, l’organisme n’est pas tombé dans l’inertie absolue, dans l’état réel d’indifférence chimique. […] Croire autre chose, c’est commettre une erreur de fait et de doctrine ; c’est être dupe de métaphores et prendre au réel un langage figuré. […] Ce principe suffit à l’ambition de la science, car au fond il révèle les rapports entre les phénomènes et leurs conditions, c’est-à-dire la seule et la vraie causalité immédiate réelle et accessible. […] Elle est à la fois la plus vaste et la plus conforme à la réelle nature des choses.
L’individualisme apparaît partout ; le genre et l’espèce se fondent presque sous l’analyse du naturaliste ; chaque fait se montre comme sui generis ; le plus simple phénomène apparaît comme irréductible ; l’ordre des choses réelles n’est plus qu’un vaste balancement de tendances produisant par leurs combinaisons infiniment variées des apparitions sans cesse diverses. […] Je l’avoue, il y a dans ces vieilles productions de l’Asie une réelle et incontestable beauté. […] Homère serait un personnage réel et unique, qu’il serait encore absurde de dire qu’il est l’auteur de l’Iliade : une telle composition sortie de toutes pièces d’un cerveau individuel, sans antécédent traditionnel, eût été fade et impossible ; autant vaudrait supposer que c’est Matthieu, Marc, Luc et Jean qui ont inventé Jésus. « Il n’y a que la rhétorique, a dit M.
Le poëte le conçoit à l’image du nôtre, mais plus beau, plus harmonieux ; la vie y est plus pleine et plus largement savourée : il y contemple des formes visibles et palpables, concrètes, vivantes, plus réelles pour lui que la réalité. […] De là, en psychologie, un premier résultat qui consiste à substituer une étude verbale (celle des facultés) à une étude réelle (celle des phénomènes). […] Il semble que le mieux à souhaiter pour la psychologie c’est qu’elle entre dans cette période de désordre apparent et de fécondité réelle, où chaque question est étudiée à part et creusée à fond.
Inversement, quand on s’efforce de dissimuler une émotion réelle, il est bien difficile que le courant de l’émotion, qui ne peut alors s’épancher par l’expression mimique naturelle, ne se dépense pas d’une autre manière, tantôt en surexcitation intellectuelle, tantôt en mouvements qui ne semblent avoir aucun rapport avec ce qu’on éprouve. […] Au point de vue mécanique, cette sympathie est une réelle communication de mouvements, comme lorsque les vibrations d’une cloche font vibrer la cloche voisine ; au point de vue psychologique et social, elle est une réelle solidarité de sensations, d’impressions et de volitions.
Voulant mettre un de ses ouvrages sous le nom d’un jeune Père Jésuite, réel ou imaginaire, il écrit au duc de Praslin en 1704 : « Vous pèserez, quand il en sera temps, l’importance extrême de mettre cela sous le nom d’un jeune Jésuite, qui, grâce à la bonté du Parlement, est rentré dans le monde et qui, comme Colletet et tant d’autres, attend son dîner du succès de son ouvrage. […] Nous n’avons qu’à le suivre dans ces variations réelles ou apparentes. […] Il dira par exemple : « L’égalité réelle, quoique, en démocratie, elle soit l’âme de l’Etat, est cependant si difficile à établir qu’une exactitude extrême à cet égard ne conviendrait pas toujours. […] C’est à ces deux signes qu’on reconnaît qu’un peuple est en république, de nom ou de fait, mais réelle ; ou qu’il est en monarchie, déclarée ou déguisée, mais réelle. […] Evidemment c’est un progrès ; mais il est beaucoup plus apparent que réel, parce que, partout où la religion chrétienne est admise, elle domine ; et s’en faire le chef, c’est beaucoup plus se soumettre à elle que la soumettre à soi.
Us ont morcelé, éparpillé, déchiqueté la vision réelle de Madame Bovary, mais, pour être plus aiguë, leur sensation n’est pas plus forte. […] Cette littérature sentimentale n’eût pas persisté, si elle n’eût répondu à quelque chose de très réel qui est eu nous. […] Et Tolstoï, plus impitoyable et plus réel que Balzac, faut-il faire aussi son éloge ? […] Etudiées à ce moment précis de leur existence, ces deux femmes en sont-elles moins réelles et moins vraies ? […] Personne n’a plus obstinément gaspillé des aptitudes plus réelles.