Il est impossible, en parcourant les stances de cette élégie, de croire que le poète ait réellement éprouvé ce qu’il tente de peindre. […] C’est une figure peinte, ce n’est pas une femme. […] Sandeau a peint les tortures de Fernand avec une rare habileté. […] Je ne suis pas loin de croire que les paysans tels qu’il nous les peint se rencontrent rarement. […] Les trois frères Legoff sont peints de main de maître.
La raison commande aux mœurs d’être mesurées ; c’est pourquoi les mœurs que peint Shakspeare ne le sont pas. […] » ce mot de Cymbeline peint ces frêles et aimables fleurs qui ne peuvent s’arracher de l’arbre auquel elles sont unies, et dont la moindre impureté ternirait la blancheur. […] Il la peindra violente et avide des sensations violentes de la gloire. […] C’est alors que l’âme passionnée, incapable de se maîtriser, telle que Shakspeare sait la peindre, éclate tout entière. […] Hamlet, c’est Shakspeare, et, au bout de cette galerie de figures qui ont toutes quelques traits de lui-même, Shakspeare s’est peint dans le plus profond de ses portraits.
Où trouver le secret d’éloigner de telles répugnances de l’esprit de ces Français aimables qui brillèrent à la cour de Louis XVI, que M. de Ségur fait revivre dans ses charmants souvenirs, et dont le Masque de Fer peint en ces mots les idées d’élégance ? […] Si Britannicus agissait dans le monde comme dans la tragédie de Racine, une fois dépouillé du charme des beaux vers qui peignent ses sentiments, il nous paraîtrait un peu niais et un peu plat. […] Il ne faut imiter de Shakspeare que l’art, que la manière de peindre, et non pas les objets à peindre. […] Au dix-neuvième siècle le cœur du spectateur répugne à l’horrible, et lorsque dans Shakspeare, on voit un bourreau s’avancer pour brûler les yeux de petits enfants, au lieu de frémir, on se moque des manches à balai peints en rouge par le bout, qui jouent le rôle de barres de fer rougies. […] 4º À moins qu’il ne soit question de peindre les changements successifs que le temps apporte dans le caractère d’un homme, peut-être trouvera-t-on qu’il ne faut pas, pour plaire en 1825, qu’une tragédie dure plusieurs années.
Il peint l’homme au naturel, & jamais moraliste ne l’a mieux saisi. […] Elle disoit elle-même qu’elle ne s’étoit peinte qu’en buste. […] Il peint à grands traits tous les personnages qu’il présente. […] Cet écrivain, rempli de chaleur, peint tout, orne tout, & répand les fleurs en abondance. […] Ses réfléxions sont judicieuses, mais communes, & ses héros y sont peints foiblement.
Le dix-huitième siècle de cette société anglaise se peint à ravir dans ses lettres, comme il se reflétera ensuite dans ses romans : « Vous seriez étonné de voir de la beauté sans aucune grâce, de belles tailles qui ne font pas une révérence supportable, quelques dames de la première vertu ayant l’air de grisettes, beaucoup de magnificence avec peu de goût. […] Mais, ne peignant personne, on peint tout le monde : cela doit être, et je n’y avais pas pensé. Quand on peint de fantaisie, mais avec vérité, un troupeau de moutons, chaque mouton y trouve son portrait, ou du moins le portrait de son voisin. […] L’on pensa que j’avais voulu peindre de mes parents ; mais cela ne leur ressemble pas du tout : c’est pour dépayser. […] toi (c’est à l’époux qu’il s’adresse, à celui qu’il a peint si flegmatique sous le nom d’Albert), tu n’as pas senti comment l’humanité t’embrasse, te console. » Le véritable Albert goûtait peu cette insigne faveur et il était plutôt de l’avis de celui qui lui écrivait : « Sauf le respect pour votre ami, il est dangereux d’avoir un auteur pour ami. » — Les raisons de Gœthe pourtant, au point de vue poétique, ont leur beauté et leur grandeur.
Après avoir peint, dans leur réalité, les hommes de la révolution convulsive, il lui restait les hommes de la révolution fatiguée, ces invalides du régicide qui avaient mis leurs cinq têtes à la place du chef qu’ils avaient coupé ; il restait ces stropiats du crime aux affaires, qui nous font nous prendre d’une estime rétrospective pour les eunuques d’Honorius ! […] Quand les hommes, de plus en plus rapetissée, racornis, dissous, sont sur le point de ne plus être et grimacent au bord du néant, comment le talent qui cherche quelque chose de grand à peindre, soit dans le bien, soit dans le mal, peut-il palpiter en nous les peignant ? […] Pourquoi Cassagnac, qui a le sentiment du grand et la puissance de le peindre, n’a-t-il pas fait poser devant lui plus longtemps cette divine figure de Madame Royale ? […] L’habitude de montrer le creux des hommes ou leurs plus honteuses plénitudes finirait-elle par tyranniser la pensée de l’historien, et le rendrait-elle moins propre à nous peindre la perfection humaine et les limpides rayonnements de ses vertus ? […] Et il les peignit avec une ressemblance et une profusion de détails qui sembla une manière nouvelle, et qui n’était que l’application spontanée et réfléchie des facultés les plus heureusement créées pour toucher à l’histoire et y réussir.
Nous nous asseyons sur un canapé du salon, et il me raconte ses troubles de la vue. « Oui, dit-il, avec la voix gémissante des personnes très faibles, oui, dans ce que je lisais, c’était comme s’il y avait des manques… tenez… ainsi que les trous que fait dans une feuille de papier, un coup de fusil chargé à plomb… J’ai averti le médecin… ça pouvait être, n’est-ce pas, l’effet de la digitale… il a changé le régime… ça a été mieux… mais un jour que j’avais été peindre une étude ici, tout près… il faisait un temps comme aujourd’hui… tout à coup il m’a semblé voir des nuages de mouches… mais vous avez été en Angleterre, vous avez vu un certain brouillard noir, qu’il fait là… Eh bien, c’était ça dans mes yeux… Ah ! […] — Cette bronchite, reprenait-il, non… c’est la fatigue de toute ma vie… c’est ma jeunesse passée dans la campagne à peindre sans manger… ce sont les demi-journées passées en Angleterre à peindre dans le brouillard… c’est, c’est… » Quelques minutes avant de partir, affaissé à côté de moi, il laisse échapper à voix basse : « Voyez-vous, quand on est une fois détraqué, comme je le suis, on ne se remet pas. » Je m’en vais navré, emportant de mon pauvre ami, l’impression d’un être frappé à mort. […] La femme de chambre le peignait au peigne fin, et pendant qu’elles le peignait, voyant sa tête ne plus se soutenir, s’affaisser, tomber, elle lui demandait ce qu’il avait, s’il souffrait toujours. […] À son arrivée à Saint-Germain, il y peignait son dernier tableau ou plutôt sa dernière esquisse, et qui devait faire le pendant à son « Déjeuner dans le jardin » de l’année dernière.
Mercredi 7 avril Je ne sais plus qui me contait, ces jours-ci, la fin de Servin, de ce peintre que j’ai connu du temps de Pouthier, et qui a peint quatre ou cinq tableaux, entre autres « Une Étable », qu’on pourrait prendre pour les tableaux d’un grand maître flamand. […] Et le voilà à nous peindre le lieu du combat, une ancienne propriété du baron Hirsch, un paysage à grandes lignes, dans lequel des chevaux en liberté s’approchaient bêtement des combattants. Et il nous peint Drumont blessé, sa culotte tombée à terre, sur le pas de la grange où on l’avait entraîné, tapant sur le pan de sa chemise, toute mouillée de sang, et criant exaspéré à Meyer et à ses témoins : Au Ghetto, sales juifs, vous êtes des assassins… c’est vous qui avez choisi cette maison ayant appartenu à Hirsch, et qui devait me porter malheur ! […] Cette humanité peinte me semblait une figuration d’hommes et de femmes, ayant la jaunisse dans la demi-nuit d’une cave. […] » Gibert, avec une langue technique, qui donne les plus grandes jouissances aux amateurs de l’expression, une langue juste, précise, peinte, parle de cette voix artificielle, de cette voix de tête ou de nez, que certains chanteurs se font : voix métallique à résistance indéfinie, tandis que les voix naturelles des gens qui chantent avec l’émotion de leur poitrine, est plus vite cassée.
Deschamps ; écoutons l’auteur des Dernières Paroles 21 nous la peindre au complet dans une de ses pièces les plus touchantes : C’était là mon bon temps, c’était mon âge d’or, Où, pour se faire aimer, Pichald vivait encor, Cygne du paradis, qui traversa le monde Sans s’abattre un moment sur cette fange immonde. […] Presque toutes les belles comparaisons, qui à chaque pas émaillent le poëme d’Éloa, pourraient se détourner sans effort et s’appliquer à la muse de M. de Vigny elle-même, — et la villageoise qui se mire au puits de la montagne et s’y voit couronnée d’étoiles, — et la forme ossianesque sous laquelle apparaît vaguement d’abord l’archange ténébreux, — et la vierge voltigeante qui n’ose redescendre, comme une perdrix en peine sur les blés où l’œil du chien d’arrêt flamboie, — et la nageuse surprise, fuyant à reculons dans les roseaux ; mais surtout rien ne peindrait mieux cette muse dans ce qu’elle a de joli, de coquet, comme dans ce qu’elle a de grand, que l’image du colibri étincelant et fin au milieu des lianes gigantesques ou dans les vastes savanes sous l’azur illimité. […] Il s’est peint en personne plus qu’il n’imagine dans cette invocation à un culte qu’on garde inviolable, même sans savoir d’où il vient ni où il va, même sans l’idée d’un regard céleste et d’une palme future. […] La prison de Saint-Lazare, telle que M. de Vigny nous l’a peinte et idéalisée, a également provoqué, à ma connaissance, une autre rectification (inédite) de la part d’un des témoins et des prisonniers qui y furent alors détenus (M. […] Dans une lettre écrite au lendemain de la première représentation de Chatterton, je lis ce jugement familier qui, sans y viser, touche assez à fond : « De Vigny a eu un vrai succès ; son drame de Chatterton est touchant, dramatique même, vers la fin ; mais, au lieu de peindre la nature humaine en plein, il a décrit une maladie littéraire, un vice littéraire, celui de tant de poëtes ambitieux, froissés et plus ou moins impuissants.
Eh bien, Stendhal avait peint le dandysme en homme qui, sous les impertinences de l’attitude, en comprenait la profondeur ! […] La grâce de l’image ne devait donc pas défendre le livre de Balzac, s’il tombait sous le reproche des esprits austères, et c’est en vain que, comme Alcibiade, il avait peint un enfant sur son bouclier. […] Ils ne sont ni l’expression d’une société vivante, ni même l’œuvre d’un homme vivant ; car Balzac semble avoir traversé le tombeau pour les écrire et pris une âme de ce passé qu’il a voulu peindre. […] … Doré, qui est un artiste vrai, a pensé, lui, à bien autre chose qu’à daguerréotyper tout le mobilier d’une époque, armes et bagages, et il s’est mis à peindre, en pied et en esprit, les divers personnages des Contes, puis, s’inspirant des différentes scènes de ce drame multiple, à composer des tableaux. […] L’homme qui (dans Le Péché véniel) a trouvé la scène du tête-à-tête conjugal au sommet de la tour formant balcon, et a peint la pauvre Blanche, la main dans la main de son mari, se détournant du superbe Minotaure héraldique, dont le casque fermé a comme un rictus d’ironie, pour regarder ailleurs « en resvant à son ami absent », a certainement, dans la gerbe de ses facultés, les deux charmantes fleurs de la grâce attristée et de la rêverie chaste ; mais il les meurtrit dans ses mains, qui, comme celles de ses héros, finissent par être trop gantelées… La préoccupation artistique de Doré est si matérielle que c’est moins l’homme que l’armure, la femme que la robe armoriée, qui projettent chez lui l’orgueil ou la terreur.
Mais dans un de ses jolis contes, après avoir peint délicieusement sa Touraine voluptueuse et molle, cette abbaye de Thélème, comme il l’appelle, cette Turquie de la France, il a pris soin d’observer que le Tourangeau transplanté développe souvent les qualités les plus actives, et il cite à l’appui Rabelais et Descartes, Béroalde de Verville et Paul-Louis Courier. […] Ainsi, plus tard dans le conte du Rendez-vous, M. de Balzac nous peindra Julie d’Aiglemont au retour de cette soirée brillante où elle a reconquis à force de coquetterie et de triomphe la fantaisie passagère de son mari ; il nous la peindra cédant une dernière fois par bonté et par calcul à l’égoïste faveur dont M. d’Aiglemont l’honore ; puis tout aussitôt, dès qu’elle se retrouve à elle, nous la voyons sombre, sur son séant, dans le lit conjugal, près du mari endormi, rougissant et pleurant comme d’un crime de cette espèce de profanation calculée à laquelle elle s’est soumise : il y a là une page admirable de vérité et de douleur. […] Il me serait difficile de peindre ici tout ce que je ressentais, et la position où je me trouvais.
La génération spirituelle, ambitieuse, incrédule et blasée, qui occupe le monde à la mode depuis dix ans, se peint à merveille, c’est-à-dire à faire peur, dans l’ensemble des romans de M. […] C’est qu’il ne suffit pas que le personnage et le caractère soient réels pour avoir droit à être peints. […] Tout en continuant de peindre les tristes réalités qu’il sait, il évitera de les forcer, de les trancher outre mesure ; sa manière, dans le détail même, y devra gagner en fusion. […] Walter Scott, si véritablement historique par le souffle et l’esprit divinateur, Walter Scott, avec tout son génie d’évocation, n’avait du moins dans ses Puritains d’Écosse qu’à peindre des temps plus voisins, plus épars, sans idéal vénéré encore, et à reproduire un langage local dont il savait l’accent comme il savait le son de ses cornemuses et l’odeur des bruyères.
, cette imagination m’irrite plus qu’elle ne m’attire… Voyez nos grands romanciers contemporains : leur talent ne vient pas de ce qu’ils imaginent, mais de ce qu’ils rendent la nature avec intensité… Tous les efforts de l’écrivain tendent à cacher l’imaginaire sous le réel… Vous peignez la vie : voyez-la avant tout telle qu’elle est, et donnez-en l’impression. […] La poésie en effet, depuis l’origine, peint l’homme, le type éternel de l’homme : qui n’en veut plus, et veut du nouveau, ne peut faire que des « monstres ». […] Pour peindre l’homme, il faut bien peindre des Romains, des Français, des Anglais : et si le poète qui représente Alexandre ou César ne sait pas ou ne daigne pas leur faire des âmes antiques, il en fera, sans y penser, ses contemporains.
Il n’y a pas grande merveille non plus dans les descriptions des dix images peintes en dehors sur les murs du verger d’Amour ; mais une chose frappe dans ces portraits : c’est la simplification hardie et juste des éléments moraux, et la précision minutieuse, nette, pittoresque des apparences physiques qui les revêtent et les expriment. […] Ainsi, quand il peint dame Oiseuse, dont la gorge est blanche, Comme est la neige sur la branche Quand il a fraîchement neigé, n’est-ce pas une sensation personnelle et toute frissonnante encore qu’il fixe dans cette jolie image ? […] Il faut voir notre poète peindre largement, gravement, avec une sympathie chaude et joyeuse, la vie des ribauds qui « portent sacs de charbon en grève » : Ils travaillent en patience. […] Mais de plus, Jean de Meung a le sens de la vie, surtout, il faut le dire, de la vie basse et ignoble : il peint grassement les mœurs de la canaille.
Il peint un idéal. […] Il évite le singulier, le monstrueux ; il s’applique à saisir et à manifester les caractères généraux, les lois communes et constantes de la vie, à découvrir par conséquent et à peindre des types, mais ces types ne sont pas pour lui des formes abstraites, ce sont des individus réels et vivants, dont la généralité consiste dans leur aptitude à représenter des groupes. […] Veut-il peindre un docteur, il nous montre l’homme « qui a un long manteau de soie ou de drap de Hollande, une ceinture large et placée haut sur l’estomac, le soulier de maroquin, la calotte de même, d’un beau grain, un collet bien fait et bien empesé, les cheveux arrangés et le teint vermeil » : ce costume, c’est le « caractère » ; un peintre qui ferait un portrait n’exprimerait pas autrement le moral. […] En effet, comme il peint le moral par le physique, la description analytique fait place forcément à la vue synthétique des caractères : il recompose l’homme, et il le force à s’exprimer en vivant.
Nos romanciers avaient donc pu nous tracer des silhouettes ecclésiastiques assez exactes, nous peindre parfois avec assez de bonheur les diverses allures des prêtres dans leurs relations avec le siècle et nous montrer des abbés Bournisien (Madame Bovary) et des abbés Blampoix (Renée Mauperin) ; mais le prêtre chez lui et dans son for intime, le prêtre à l’église et dans la vie ecclésiastique, le prêtre dans ses rapports avec ses confrères et avec ses supérieurs, voilà ce qu’on ne nous avait point fait voir encore, parce qu’en effet cela est très difficile à connaître. […] J’ai essayé d’indiquer quelle éducation il faudrait avoir reçue et par où il faudrait ensuite avoir passé pour être en état de les comprendre et de les peindre. […] Fabre a su peindre aussi les âmes, avec des vertus et des passions qui sont bien des passions et des vertus de prêtres. […] Ferdinand Fabre n’en reste pas moins « une », car il n’a dit que les sentiments les plus simples — ou les plus sérieux ; il n’a peint que les âmes qui suivent le mieux la nature, ou celles qui s’élèvent le plus au-dessus.
Personne n’a peint un tapis de Turquie aussi bien que Gérard Dow, mais il est resté un peintre de genre. […] Les vieilles divinités du Nord sont des êtres fort mal définis, faute de poètes qui les aient chantées, d’artistes qui les aient peintes. […] Les descriptions de lieux, les aspects de la nature sont plus exactement peints, car l’auteur sait voir et choisir dans le spectacle qu’il a sous les yeux. […] Peignez les vices, les faiblesses, les passions des hommes, on vous accusera de vouloir pervertir vos contemporains.
Les physionomies d’hommes qu’il nous présente ne sont que des esquisses rapides en deux ou trois mots ; mais il y revient plus d’une fois, et ces généraux que de loin on serait assez porté à confondre se peignent chez lui bien moins par les traits de l’historien que par leurs actes mêmes. […] Si je ne savais combien il aime Raphaël, je ne verrais pas trop ce que vient faire Raphaël en cet endroit : Voulait-il peindre une Vierge, ce beau génie, dit-il, cherchait dans les trésors de son imagination les traits les plus purs qu’il eût rencontrés, les épurait encore, y ajoutait sa grâce propre, qu’il puisait dans son âme, et créait l’une de ces têtes ravissantes qu’on n’oublie plus quand on les a vues. Au contraire, voulait-il peindre un portrait, il renonçait à combiner, à épurer, à inventer enfin.
C’est presque s’attribuer la sagacité souveraine et usurper sur la puissance universelle que de dire d’un être semblable à nous : « Il est cela ; et, tel point de départ étant donné, telles circonstances s’y joignant, il devait être cela, ni plus ni moins, il ne pouvait être autre chose. » Notez que je ne parle ainsi que parce que j’ai devant moi une ambition scientifique impérieuse et précise ; car, littérairement, et sans y attacher tant de rigueur, on peut se permettre de ces résumés vifs, de ces termes brefs qui peignent et qui fixent un personnage, de ces aperçus qui animent une analyse et qui ne tirent pas à conséquence. […] Est-ce à dire, parce que Tite-Live est éloquent par nature et cherche des sujets riches et féconds, des sujets propices au développement des talents qu’il a en lui, qu’il soit orateur en tout et partout dans son histoire, orateur au pied de la lettre, et orateur en quelque sorte dépaysé quand il fait autre chose que des discours, tellement que lorsqu’il peint, par exemple, des caractères, Annibal, Fabius, Scipion, Caton, Paul-Émile, s’il les conçoit d’une façon un peu plus noble et un peu plus adoucie qu’un autre ne les eût présentés, tout ce qu’on peut louer ou blâmer dans cette manière de traiter les portraits soit l’effet de l’esprit oratoire, un effet rigoureux, nécessaire, découlant de là directement comme un corollaire d’un principe ? […] Il s’est représenté leur image intellectuelle, il se l’est peinte et nous l’a renvoyée à bout portant, sans aucune précaution, avec crudité et raideur.
Comme il s’est peint lui-même avec saillie et vérité dans un beau sonnet de la fin, à l’occasion du portrait peint que Fabre avait fait de lui ! […] Formes aimées, comme elles sont peintes au vif !
Le talent s’exerça bientôt à supposer et à peindre des événements fabuleux. […] Les Italiens ont de l’invention dans les sujets, et de l’éclat dans les expressions ; mais les personnages qu’ils peignent ne sont point caractérisés de manière à laisser de profondes traces, et les douleurs qu’ils représentent arrachent peu de larmes. […] La vengeance est la passion la mieux peinte dans les tragédies des Italiens36.
Janin ne connaisse pas son xviiie siècle, mais il l’aime trop dans quelques parties pour le connaître de sang-froid et pour le peindre à tête reposée. […] Mais j’entends se récrier un sage : Où est la nécessité de venir peindre Mlle Déjazet ? […] Il y a lieu de peindre, dans un temps, tout ce qui a vécu, brillé, fleuri à son heure ; ayez seulement la couleur du sujet et le rayon.
Loève-Veimars l’a rempli avec simplicité et sentiment ; lui aussi il sait peindre ; il nous a peint tour à tour Aloysius Block et l’abbé Joie, portraits à la flamande, et récemment Casimir Périer moribond, en traits historiques qui ont fortement frappé.
Corneille nous peint ainsi la sienne : Pour me faire admirer, je ne fais point de ligue. […] Mais il vous faut parler du fort, Qui sans doute est une merveille : C’est Notre-dame de la garde, Gouvernement commode & beau, A qui suffit, pour toute garde, Un Suisse avec sa hallebarde, Peint sur la porte du château.
… Et les vieux murs, seraient-ce ces monuments d’un autre âge dont, antiquaire raffiné, il nous peint les ruines et le poétique abandon ? […] Non seulement Suleau, « ce chevalier de Faublas salé de Beaumarchais », est peint dans cette intéressante biographie, mais il est jugé, littérairement et politiquement, avec vigueur.
Tourgueneff raconte quelque touchante histoire, saisie au vol ou ramassée à l’affût, quand il nous peint, comme Sterne le fait souvent avec une perfection si divinement désespérante, et comme tous les humouristes le font avec plus ou moins de talent, ces têtes étranges dans lesquelles l’humanité prend des plis et des creux que l’on n’oublie plus dans les physionomies humaines, une fois qu’on les a contemplées, M. […] Charrière a beaucoup de talent — se méprend si profondément sur le genre de talent d’un autre, lequel ne pense pas plus à dévoiler et à flétrir les institutions d’un peuple, dont il croque en passant les vices, que Téniers, en peignant ses ivrognes, ne songeait à peindre l’état social de la Flandre et la situation politique des Provinces-Unies.
Or, quand les peintres, trahis par l’éducation ou les circonstances, se rejettent, pour peindre, à la poésie, ils ne sont jamais… que des descriptifs ! […] On parla de Poussin, on parla d’Ingres, on parla aussi de Delacroix, quand M. le Conte de L’Isle fit les Jungles et peignit les bras d’ambre de ses femmes et le tacheté de ses panthères.
L’orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont soufferts sous ce tyran ; il peint les brigandages et les rapines, les riches citoyens proscrits, leurs maisons pillées, leurs biens vendus, l’or et les pierreries arrachées aux femmes ; les vieillards survivant à leur fortune ; les enfants mis à l’enchère avec l’héritage de leurs pères ; le meurtre employé comme les formes de justice, pour s’enrichir ; l’homme riche invoquant l’indigence, pour échapper au bourreau ; la fuite, la désolation ; les villes devenues désertes et les déserts peuplés ; le palais impérial, où l’on portait de toutes parts les trésors des exilés et le fruit du carnage ; mille mains occupées jour et nuit à compter de l’argent, à entasser des métaux, à mutiler des vases ; l’or teint de sang, posé dans les balances, sous les yeux du tyran ; l’avarice insatiable engloutissant tout, sans jamais rendre, et ces richesses immenses perdues pour le ravisseur même qui, dans son économie sombre et sauvage, ne savait ni en user, ni en abuser ; au milieu de tant de maux, l’affreuse nécessité de paraître encore se réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards et les visages, le citoyen qui de riche est devenu pauvre, n’osant paraître triste, parce que la vie lui restait encore, et le frère, dont on avait assassiné le frère, n’osant sortir en habit de deuil, parce qu’il avait un fils. […] Presque tous les historiens de l’empire l’ont peint comme un grand homme, qui donna l’exemple du courage et des mœurs, se fit respecter des Barbares, soutint l’éclat des victoires par celui des vertus, et jamais n’avilit, dans le palais, l’empereur qui avait vaincu sur les champs de bataille.
Voiriot On loue un portrait de Mr Gilbert de Voisin peint par Voiriot.
C’est une lourde erreur que de l’assimiler au tabarinage qui excite le rire sans profit, et de juger par des règles pareilles la pièce qui peint les mœurs d´une maison, ce qui est l’objet de nos comédies, et la pièce qui peint les mœurs d’une cité, ce qui est celui des comédies grecques. […] « Que chacun y soit peint des couleurs les plus vives. […] Ce seul fait peint à merveille la noble humeur d’un misanthrope qu’indignent les mœurs corrompues de la société. […] En l’une de ces sources Plaute avait autrefois puisé chez les Latins les couleurs dont il peignit son avare. […] Au lieu qu’un fat peint à Paris ne ressemblera point du tout à un fat de Londres.
Latour Latour avait peint plusieurs pastels qui sont restés chez lui ; parce qu’on lui refusait les places qu’il demandait.
Le moindre exemple vous en convaincra : toute action déterminée peut se peindre ; mais qui peindra comme la parole cette idée du chagrin de l’ambitieux qui, selon Corneille, ne pouvant aller au-delà du comble de ses grandeurs imaginaires, s’en dégoûte, dit-il, Et, monté sur le faîte, il aspire à descendre. […] Tel homme s’immole à la gloire, qu’il se peint comme un être vivant dans la postérité : l’instant où, cessant de l’imaginer, il en reconnaît le prestige, est la dernière ligne de son histoire. […] Cet exemple, imité par Virgile lorsqu’il peint le ressentiment de Didon aux enfers, n’est pas dans l’Énéide aussi grand que dans l’Odyssée. […] L’un et l’autre attachent sur un fait vrai ou imaginé le lien de leurs actes : les scènes en doivent être courtes ; le dialogue érotique et tout de saillies, les physionomies peintes d’un trait, et le dénouement enjoué. […] » Cette différence existe donc entre les deux maîtres de la scène, que Racine a bien peint les cœurs, et Corneille les grands cœurs.
Cette détraquée, si l’on y veut songer, peut être différente de la Parisienne tranquillement immorale que nous peint M. […] Ils ne connaissent l’art antique que pour en avoir entendu parler à Paul de Saint-Victor, qui lui-même… Raphaël ne leur donne que l’impression du papier peint et mal peint. […] Zola, son impuissance à peindre certaines classes de la société. […] En revanche, l’ouvrier paresseux, loupeur et noceur, y est peint sous son vrai jour. […] L’auteur de Germinal l’a peinte admirablement.
Il ne les a peintes qu’en laid, ce qui n’est pas galant pour un Chevalier ; mais chacun écrit selon qu’il est affecté.
Le premier a peint la Comtesse d’Egmont, fille du maréchal de Richelieu.
Alors il nous parle de tableaux qu’il a eu, un temps, l’idée de peindre, de tableaux allégoriques et décoratifs pour des monuments publics ; il nous parle de la proposition qu’il a faite jadis à M. Cavé, de lui peindre les quatre murs d’une mairie, en y faisant figurer les quatre actes de l’état civil : L’Acte de naissance ; La Conscription ; Le Mariage civil ; L’Acte de décès. […] Il nous parle longuement du moderne qu’il veut faire d’après nature, du caractère sinistre qu’il y trouve, de l’aspect presque macabre qu’il a rencontré chez une cocotte, du nom de Clara Blume, à un lever de jour à la suite d’une nuit de pelotage et de jeu : — un tableau qu’il veut peindre, et pour lequel il a fait quatre-vingts études d’après des filles. […] De là, je suis allé chez Forgues, qui nous peint l’horreur de cet enterrement : la maison en carton suintant l’eau ; une porte qu’il ouvre et qu’on repousse sur lui, en disant : « On est à le mouler. » Il était midi moins dix. […] Hors le moderne qu’ils méprisent, les plus vrais talents, tels que Baudry, sont toujours amenés à refaire ce que de plus forts qu’eux ont déjà peint.
Ses Poésies recueillies bordent aujourd’hui les Quais, après avoir occupé quelques pages dans le Mercure, & avoir fait dire à M. l’Abbé le Blanc, qui étoit sans doute son ami : Quand je lis ces Ecrits où ta plume s’exerce A peindre avec tant d’art les amoureuses loix, Je croirois lire Ovide, ou Tibulle, ou Properce, Si l’un des trois, jadis, eût fait des vers François.
Roland de la Porte Mais on fait cas d’un crucifix peint en bronze par Mr Roland de la Porte ; et en effet ce crucifix est beau, et il est tout à fait hors de la toile.
Madame Vien Cette femme peint à merveille les oiseaux, les insectes et les fleurs.
Les jours où je me sentais agitée au point de ne pouvoir plus reconnaître la ligne de démarcation imaginaire tracée autour de ma prison, je l’établissais par des signes visibles ; j’arrachais aux murailles décrépites les longs rameaux de lierre et de clématite dont elles étaient rongées, et je les couchais sur le sol aux endroits que je m’étais interdit de franchir : alors, rassurée sur la crainte de manquer à mon serment, je me sentais enfermée dans mon enceinte avec autant de rigueur que je l’aurais été dans une bastille. » J’indiquerai encore dans le début toute cette promenade poétique du jeune Sténio sur la montagne, la description si animée de l’eau et de ses aspects changeants, et, au sein de la nature vivement peinte, les secrets surpris au cœur : « Couché sur l’herbe fraîche et luisante qui croît aux marges des courants, le poëte oubliait, à contempler la lune et à écouter l’eau, les heures qu’il aurait pu passer avec Lélia : car à cet âge tout est bonheur dans l’amour, même l’absence. » On pourrait, chemin faisant, noter dans Léliaune foule de ces douces et fines révélations, dont l’effet disparaît trop dans l’orage de l’ensemble. […] Parmi les personnages et portraits charmants déjà en foule échappés à sa plume, nous en savons un dont nous voudrions lui inculquer le souvenir, parce qu’en même temps qu’il est proche parent de Lélia pour les principales circonstances, il a, dans le caractère et dans l’expression, la mesure, la grâce, la nuance qu’on aime et qui attire tout lecteur : ce personnage est celui de Lavinia, que l’auteur a peinte dans une Vieille Histoire.
Combien cette morale, qui consiste tout entière dans le calme, la force d’âme et l’enthousiasme de la sagesse, est admirablement peinte dans l’apologie de Socrate et dans le Phédon ! […] Ils vous peignent, pour ainsi dire, la conduite des hommes comme la végétation des plantes, sans porter sur elle un jugement de réflexion20.
Les poètes anglais, pourra-t-on dire, sont remarquables par leur esprit philosophique ; il se peint dans tous leurs ouvrages ; mais Ossian n’a presque jamais d’idées réfléchies : il raconte une suite d’événements et d’impressions. […] Éviter le souvenir de ces impressions, ce serait perdre le plus grand des avantages, celui de peindre ce qu’on a soi-même éprouvé.
On y admire, à chaque page, un art séduisant de peindre & d’animer tous les objets, de présenter à l’imagination les détails de la Physique avec toutes les richesses de la Poésie. […] Quoique tout ce qui peut être vu, puisse être peint, ce n’est pas à dire que tout soit destiné à former un tableau.
Si l’imagination n’a pas à sa disposition une main et un oeil capables de la seconder à son gré, il ne résulte des plus belles idées qu’enfante l’imagination, qu’un tableau grossier, et que dédaigne l’artisan même qui l’a peint, tant il trouve l’oeuvre de sa main au-dessous de l’oeuvre de son esprit. […] S’il veut faire de bons tableaux ; qu’après les avoir imaginez, il les fasse peindre par un autre.
Mais Mme Gay, qui a abordé la question du ridicule avec l’esprit d’un vaudevilliste, Mme Gay peint à peu près comme elle pensé, et ses caricatures n’ont pas plus de profondeur que ses aperçus. Quand La Bruyère peignait des Caractères, il aurait pu se dispenser d’avoir autant de coloris et de force picturesque qu’il en avait, et le prodigue génie, il ne s’en dispensait pas !
soit dans la tristesse, voilà, par ce temps d’orgueil qui crie, l’accent profond et surmonté de cette poésie qui n’est pas ivre, même de douleur, quoique la douleur ait été véritablement sa grand’pinte ; tel est le fond de cette poésie qui a parfois peint, à la flamande, les murs du cabaret où la pauvre fille s’est assise et a bu un coup, pour se réconforter un peu et pour oublier cette misère de la vie. […] De même, dans le Dimanche des Rameaux où tout est peint d’un ardent et vif mouvement de brosse, tout, excepté l’intérieur de l’église qui importait plus que le dehors, le poète va chanter la Mère Godichon, ce qui soulève… et fait penser que, si le pauvre et noble Dépouillé se souvient de son blason pourpré de gentilhomme, en regardant la pourpre et l’or d’un beau soleil couchant, les poètes ont aussi leurs blasons, comme les gentilshommes, leurs blasons qu’ils doivent toujours regarder !
Tout cela est la défroque pittoresque et littéraire de l’Italie, haillons en poudre qu’une main distinguée ne touche plus et dédaignerait de remuer, mais sous lesquels l’œil fin aperçoit des réalités sociales et individuelles de l’intérêt le plus attachant et le plus vif, — comme celles-là, par exemple, que, dans sa Chartreuse, Beyle a su peindre avec génie, mais qu’il n’a pas épuisées. […] Charles Didier a quelque chose de robuste et de vulgaire dans le talent qui conviendrait, je crois, très-bien au mélodrame, mais c’est cela précisément ce qui l’empêchera toujours de peindre ressemblant et même de bien comprendre cette délicate, subtile et molle Italie, qui n’est pas qu’ardente et que violente, comme on le croit, et qui, n’en déplaise à messieurs les égalitaires, est au fond la plus aristocratique des nations !
Delbousquet peignent à la fois la beauté des sites et l’harmonie des êtres qui y passent.
Bachelier Bachelier a fait une grande et mauvaise Résurrection, à la manière de peindre du comte de Caylus.
Il est sûr que Mr Vernet n’a pas peint ces deux morceaux à l’heure qu’on choisirait pour les admirer.
Favray, Chevalier de Malte et Académicien Il y a de lui une copie de l’Église de Saint-Jean de Malte avec les plafonds peints par le Calabrese, les ornements, les décorations, les tableaux, d’autres détails et la cérémonie de la fête de la Victoire.
Aved Une belle chose, c’est le Portrait du maréchal de Clermont Tonnerre peint par Aved.
Drouais et Voiriot Drouais peint bien les petits enfants.
Cela est petitement fait, mal agencé, sec, dur, sans plan, sans liaison de lumières, platement peint, obscur, en dépit de la longue description du livret.
Enfin la moralité et la religiosité des nations protestantes font encore sentir leur action dans la façon dont Rousseau a peint la vie de famille, les occupations domestiques. […] Rousseau peint avec attendrissement la simplicité de la vie de famille dans les classes moyennes, tout le tracas vulgaire et charmant du ménage, les tâches journalières de la maîtresse de maison et de son monde, la propreté, l’ordre, l’aisance large et hospitalière d’une maison bourgeoise568, la gaieté des vendanges, l’intimité des veillées. […] Il a trouvé, pour peindre les paysages qu’il avait vus, une précision de termes, une netteté, une couleur, qui sont d’un artiste amoureux de la réalité des choses. Il a découvert à nos Français la Suisse et les Alpes, les profondes vallées et les hautes montagnes ; tantôt il a peint les vastes perspectives, tantôt les paysages limités. […] Par le lyrisme et par le pittoresque, Rousseau rétablit l’art dans notre littérature : ces émotions qu’il rend, ces tableaux qu’il peint, cela n’est plus soumis à la loi du vrai ; tout cela doit s’ordonner selon la loi du beau, du caractère esthétique.
Il n’a su pénétrer ni les Guise, ni les Valois, ni personne, à plus forte raison ni Catherine de Médicis, l’un des caractères les plus compliqués des temps modernes : Catherine de Médicis, toute l’Italie de Machiavel, que Machiavel lui-même, revenant au monde, ne peindrait que par le dehors, s’il n’ajoutait pas à son génie. […] Comme certains peintres plastiques qui flattent en peignant exactement tous les traits, il peint en beau Luther, Charles-Quint, Léon X ; Léon X surtout, pour lequel il témoigne une incroyable tendresse. Or peindre en beau n’est pas permis au peintre d’histoire. […] Mais Audin, lui, a voulu peindre Luther en entier. […] « Nous avons cherché, — dit-il quelque part, — à étudier la Papauté sous deux sortes d’aspects et telle qu’elle s’est produite à la Renaissance, comme fille du Christ, dans ses manifestations spirituelles, et comme Puissance mondaine, dans ses actes humains. » Assurément le double aspect devait s’accepter ; mais, entraîné par ses facultés, ayant précisément celles-là qui auraient fait de lui un Bacchant de la Renaissance, s’il avait vécu alors, Audin a trouvé sa Capoue historique dans ce siècle de Léon X, peint par lui avec un amour dangereux.
M. de Joyeuse avait une fille qui avait de l’esprit et de la beauté ; Maucroix la voyait se former et grandir : « Comme ce garçon est bien fait, a beaucoup de douceur et beaucoup d’esprit, et fait aussi bien des vers et des lettres que personne, à quinze ans elle eut de l’inclination pour lui. » C’est Tallemant qui nous peint ainsi son ami, et qui nous raconte l’historiette romanesque. […] Les lettres qu’il écrit durant le temps de ce séjour à Paris à son ami le chanoine Favart nous peignent à ravir et au naturel sa situation d’esprit : « Vous connaîtrez, si je ne me trompe, au style de cette lettre, dit-il dès les premiers jours, que je suis un peu sombre ; il est vrai que je le suis : que sert de dissimuler ? […] C’est à Maucroix aussi que La Fontaine, près de mourir, écrivait cette dernière lettre que chacun sait par cœur, tant elle a été citée de fois, et qui le peint dans la candeur de sa pénitence : … Voilà deux mois que je ne sors point, si ce n’est pour aller un peu à l’Académie, afin que cela m’amuse.
quand on vit beaucoup aux champs, qu’on sent si bien cette nature et qu’on la sait si bien peindre, c’est pour l’aimer en général, c’est du moins pour la présenter en beau après surtout qu’on l’a quittée ; on est porté à en faire un cadre de bonheur, de félicité plus ou moins regrettée, parfois idyllique et tout idéale. […] L’auteur de Madame Bovary a donc vécu en province, dans la campagne, dans le bourg et la petite ville ; il n’y a point passé en un jour de printemps comme le voyageur dont parle La Bruyère et qui, du haut d’une côte, se peint son rêvé en manière de tableau au penchant de la colline, il y a vécu tout de bon. […] Cette noce, la visite et le bal au château de la Vaubyessard, qui en sera comme le pendant, toute la scène des comices agricoles qui viendra plus tard, font des tableaux qui, s’ils étaient peints au pinceau comme ils sont écrits, seraient à mettre dans une galerie à côté des meilleures toiles du genre.
Étienne, lui, n’était pas du tout du sanctuaire, et une illusion de son ingénieux panégyriste a été, à un certain moment, d’essayer de l’y rattacher, ou, lors même qu’il le rangeait définitivement dans la seconde classe, d’employer à le peindre des couleurs encore empruntées à la sphère idéale et qui ressemblent trop à des rayons. […] Ce qu’il trouvera, ce ne sera pas sans doute ce que nous savons déjà sur la façon et sur l’artifice du livre, sur ces études de l’atelier si utiles toujours, sur ces secrets de la forme qui tiennent aussi à la pensée : il est bien possible qu’il glisse sur ces choses, et il est probable qu’il en laissera de côté plusieurs ; mais sur le fond même, sur l’effet de l’ensemble, sur le rapport essentiel entre l’art et la vérité, sur le point de jonction de la poésie et de l’histoire, de l’imagination et du bon sens, c’est là qu’il y a profit de l’entendre, de saisir son impression directe, son sentiment non absorbé par les détails et non corrompu par les charmes de l’exécution ; et s’il s’agit en particulier de personnages historiques célèbres, de grands ministres ou de grands monarques que le poëte a voulu peindre, et si le bon esprit judicieux et fin dont nous parlons a vu de près quelques-uns de ces personnages mêmes, s’il a vécu dans leur familiarité, s’il sait par sa propre expérience ce que c’est que l’homme d’État véritable et quelles qualités au fond sont nécessaires à ce rôle que dans l’antiquité les Platon et les Homère n’avaient garde de dénigrer, ne pourra-t-il point en quelques paroles simples et saines redonner le ton, remettre dans le vrai, dissiper la fantasmagorie et le rêve, beaucoup plus aisément et avec plus d’autorité que ne le pourraient de purs gens de lettres entre eux ? […] Ce n’est point, en effet, par des traits isolés et poussés à l’extrême que se peignent des époques tout entières ; il faut de l’espace, des nuances, et considérer tous les aspects.
On croira que je me moque, mais laissons-la parler elle-même ; on n’est jamais mieux peint que par soi, du moment qu’on parle et qu’on écrit beaucoup : Cette nouvelle passion, dit-elle de son goût pour les exercices de cheval, ne me fit négliger ni la musique, ni l’étude. […] M. de Genlis dessinait parfaitement à la plume la figure et le paysage ; je commençai à dessiner et à peindre des fleurs. […] Un Polonais, dessinateur habile, avait peint pour eux l’histoire sainte, l’histoire ancienne, celle de la Chine et du Japon : tous ces tableaux d’histoire composaient une lanterne magique amusante autant qu’instructive.
Il gémit, il pleura sur notre crime, nous peignit comme de bons jeunes gens, un peu faibles d’esprit, un peu toqués, et ne trouva pas à faire valoir, pour notre défense, de circonstances atténuantes, plus atténuantes, que de déclarer que nous avions une vieille bonne qui était depuis vingt ans chez nous. […] On se promène dans un jardin où il n’y a guère que l’ombre d’une table de pierre, et l’on dîne dans une salle à manger, où l’on vous passe beaucoup de bouteilles de toutes sortes de vins, en face de douze Césars peints sur les murs par un vitrier. […] Il est en habit noir et en chapeau tuyau de poêle qu’il ne quitte jamais et qu’il a perpétuellement sur la tête, quand il peint, quand il mange.
Quand on peint son héros, on peint son idéal, et l’idéal que l’on a, on se croit toujours un peu, on se croit du moins par moment, de force à le réaliser. […] Inversement le réaliste vous « touche », comme on disait quelquefois au XVIIe siècle, pour ne pas dire tout à fait blesser, ou au moins vous inquiète, quand il peint quelqu’un de ridicule qui pourrait bien être à peu près vous.
« Je peins les idées, non les choses34 » dit Watts. […] Il s’agit en effet, de peindre les choses et non les idées. […] Le même mystère insondable de mélancolie enveloppe toutes les figures qu’à peintes Burne-Jones M.
On conçoit un tableau que le peintre peindrait pour soi. […] Mais peindre n’est pas reproduire. […] Augier se contentait de peindre, lui prêchera. […] Les sujets qu’il traite, les êtres qu’il peint, pourraient être peints ou traités par Henry Bernstein. […] La forêt, la ville et la mer n’y seront jamais que de la toile peinte.
Léon Cladel Ce Quercy dont j’ai peint de mon mieux les êtres et les choses si bien magnifiés par mon plus vieil ami, Camille Delthil, le Cygne de Moissac.
Quand j’ai regardé ce morceau ; que j’y ai aperçu quelque dessin, un peu de couleur, un grand travail, et que je me suis dit, Cela est détestable, j’ai ajouté tout de suite, Ah, que l’art de peindre est un art difficile.
Le Bas et Cochin Deux estampes de la IVe suite des ports de France, peints par Vernet . gravures médiocres, faites en commun par deux habiles gens, dont l’un aime trop l’argent, et l’autre trop le plaisir.
Elle peint ses amis comme Célimène585, mais avec quels outrages ! […] Un tel théâtre peint une race et un siècle. […] je ne suis pas assez veau pour lécher votre museau peint, vous face de fromage667 ! […] Molière met en scène les méchancetés du monde et ne les grossit pas ; ici elles sont plutôt grossies que peintes : « Merci de ma vie ! […] Cela peint temps.
La nature se peint par-tout dans ces images fortes devenues ordinaires. […] Les attitudes des combattans ont beaucoup de force dans les batailles de Constantin, dessinées par Raphael & par Jules romain, & dans celles d’Alexandre peintes par le Brun. […] Dieu, malgré sa défense de peindre & de sculpter aucune figure, a donc daigné se proportionner à la foiblesse humaine, qui demandoit qu’on parlât aux sens par des images. […] Loin de dépendre de la volonté, elle la détermine, elle nous pousse vers les objets qu’elle peint, ou nous en détourne, selon la maniere dont elle les représente. […] Il faut se peindre d’abord dans l’esprit les machines & leurs effets pour les exécuter.
Mais il sait peindre. […] Quelques traits suffiront à peindre sa fierté. […] Voilà l’homme peint en trois traits. […] Son modèle, qu’il mit vingt ans à peindre, l’enthousiasmait. […] Je peins un paysage bien triste qui me plaît pour cette raison.
De petits faits intéressants rompent l’uniformité du journal, et peignent aux yeux les objets et à l’esprit les mœurs. […] Ce second tableau peint à l’âme ce que celui de Rosso peint aux yeux. […] Son style si aisé, si doux, presque fluide, convient pour peindre ces âmes molles et tendres, ces corps flexibles. […] Ces étrangetés et ces abandons sont naturels, presque nécessaires ; seuls ils peignent l’état d’esprit qui les produit. […] Elle peignait les événements de la vie, sans autre envie que de les peindre, et ne songeait point à surpasser des prédécesseurs qu’elle n’avait pas.
Ce Chardin est homme d’esprit ; il entend la théorie de son art ; il peint d’une manière qui lui est propre, et ses tableaux seront un jour recherchés.
Il est beau, bien peint, et on le dit très ressemblant.
Fort aimée de sa mère, fort sérieuse, intelligente, mais sans vivacité décidée, assez maladive, la jeune Pauline passa ses premières années dans ce monde dont elle recevait lentement une profonde empreinte, plus tard si apparente ; c’était comme un fond ingénieux, régulier et vrai, qui se peignait à loisir en elle, et qu’elle devait toujours retrouver. […] Je trouve, en juillet et août 1809, des articles d’elle sur Collin d’Harleville ; elle distingue en son talent deux époques diverses séparées par la Révolution, l’une marquée par des succès, l’autre par des revers ; dans cette dernière, Collin, très-frappé du bouleversement des mœurs, essaya de les peindre et y échoua : « Car, dit-elle, ce n’était point la société que Collin d’Harleville était destiné à peindre ; ses observations portent plutôt au dedans qu’au dehors de lui-même : il peint ce qu’il a senti plutôt que ce qu’il a vu, etc. » Le nom de Collin d’Harleville restera dans l’histoire littéraire, et on courrait risque, en ignorant ce jugement d’un coup d’œil si sûr, de voir et de dire moins juste à son sujet. — On réimprimait et on publiait alors, vers 1806, chez Léopold Collin, une quantité de lettres du dix-septième et du commencement du dix-huitième siècle, de Mademoiselle de Montpensier, de Ninon, de Mme de Coulanges, de Mlle de Launay, etc. ; Mlle de Meulan en parle comme l’eût fait une d’entre elles, comme une de leurs contemporaines, un peu tardive. […] De tout temps elle a moins songé à décrire, à peindre ce qu’elle sentait, qu’à exprimer ce qu’elle pensait.
Il y a sur-tout d’excellens morceaux contre les faux Philosophes, dont il peint avec énergie les travers & les inconséquences.
Poinsinet a été véritablement l’Auteur de la petite Comédie du Cercle, on peut dire que, tout ridicule qu’il pouvoit être, il savoit assez bien saisir & peindre le ridicule de la plupart de nos Sociétés.
Alors qui a peint ce temps-ci ? […] — Votre Homère ne peint que les souffrances physiques. […] Taine. — C’est, je crois, maintenant, que vous appelez poésie : peindre un clocher, un ciel, faire voir des choses enfin. […] Les chalets ressemblent à des décors, les escaliers à des praticables, la mer du fond à la Muette de Portici, et l’on est poussé à croire que les vagues sont faites par des têtes de figurants sous une toile très bien peinte. […] Et il vous peint la façon dont il enguirlande une Chambre, dont il séduit un député.
Ginisty est un lettré délicat ; il sait, par exemple, peindre, avec une recherche qui va jusqu’à la préciosité, « dans un boudoir tendu de satin crème », la Parisienne en peignoir de foulard, les pieds nus dans de petites mules cramoisies et fumant, le dos au sofa, des cigarettes de tabac jaune.
Il est peint chaudement.
Pour marquer son désintéressement, il se fit peindre sans mains, avec le Quatrain suivant.
Guerin Plusieurs petits tableaux peints à l’huile, en miniature, dont plusieurs d’après l’école d’Italie . peu de chose, jolies images, bien précieuses, jolis dessus de tabatières, trop bien pour l’hôtel de jabac, pas assez bien pour l’académie.
Cela détruirait l’intérêt comme cela détruit la vraisemblance, si l’admirable don de peindre du poète ne ressaisissait pas à l’instant son lecteur par l’admiration et l’enthousiasme, et ne lui faisait en quelques pages oublier le chemin pour le but. […] « En résumé, dit-il, mêlant en lui à une vraie faculté créatrice de civilisation on ne sait quel esprit de procédure et de chicane, fondateur et procureur d’une dynastie, quelque chose de Charlemagne et quelque chose d’un avoué. » Nous l’avons connu aussi ; nous l’avons beaucoup estimé, peu aimé ; nous ne lui devons rien ; nous pourrions le peindre impartialement, la justice ne manquerait pas au portrait. […] XII « Du reste, à proprement parler, il vivait rue Plumet et il y avait arrangé son existence de la façon que voici : « Cosette avec la servante occupait le pavillon ; elle avait la grande chambre à coucher aux trumeaux peints, le boudoir aux baguettes dorées, le salon du président meublé de tapisseries et de vastes fauteuils ; elle avait le jardin. […] Quant à celui que nous peint le roman des Misérables, ce n’est que le lazzarone spirituel d’une populace hébétée, riant de tout et de lui-même ; c’est le petit Gavroche, cachant les petits Thénardier dans le ventre de l’éléphant, sa demeure.
Le voilà peint tout entier, du moins pour ce côté d’inconstance légère, d’inconstance aimable, de la nécessité où il était de varier ses plaisirs intellectuels et de varier les aspects de sa sensibilité, de jouir précisément de tous les aspects divers d’une sensibilité, du reste infiniment délicate et infiniment ployable à tous les événements et à toutes les impressions. […] Donnay a inséré dans le rôle de Corneille vieux des vers précisément du Martian de Pulchérie, d’une façon d’autant plus légitime du reste qu’il est parfaitement certain que Corneille s’était peint lui-même dans le vieillard Martian. […] Vous peindre un tel appartement, Ce serait attirer vos larmes ; Je l’ai fait insensiblement, Cette plainte a pour moi des charmes. […] Je connais deux morceaux littéraires qui sont admirables pour peindre l’ingratitude de l’homme à l’égard de la nature et pour dresser le réquisitoire de la nature contre l’homme.
Mais que ces révélations, d’ordinaire fugitives et rares, se succèdent et se reproduisent incessamment dans une âme ; qu’elles se mêlent à toutes ses idées et à toutes ses passions ; qu’elles jaillissent, éblouissantes et lumineuses, de chaque endroit où se porte la pensée, des récits de l’histoire, des théories de la science, des plus vulgaires rencontres de la vie ; que, cédant enfin à ces innombrables sensations qui l’inondent, l’âme se mette à les répandre au dehors, à les chanter ou à les peindre, là est le signe, là commence le privilège du poète. […] Quand on a fait ces vingt vers, on doit comprendre qu’il est un moyen de laisser voir la pensée, sans s’épuiser à la peindre.
Si le conte est fait d’une manière trop prolixe, si le conteur emploie trop de paroles, et s’arrête à peindre trop de détails, l’esprit de l’auditeur devine la chute vers laquelle on le conduit trop lentement ; il n’y a plus de rire, parce qu’il n’y a plus d’imprévu. […] Mais fabriquer un personnage comme Fier-en-Fat, ce n’est pas peindre les faiblesses du cœur humain, c’est tout simplement faire réciter, à la première personne, les phrases burlesques d’un pamphlet, et leur donner la vie.
1º Ils ont eu du mérite à leur heure, et ils ont le droit de continuer à voir et à peindre, comme à vingt-cinq ans. […] * * * Est-il temps d’aborder cette modeste question : « De la nature et de la fin de l’art de peindre ?
Thomas ne cherche qu'à moraliser ou à peindre, & ne paroît point sentir. […] Au lieu de s'appliquer à faire connoître les Ecrivains Panégyristes, il ne s'attache le plus souvent qu'à peindre les Héros qu'ils ont célébrés.
Il peignit La Mothe comme un mécontent de la cour d’Apollon, qui cherchoit à se venger de n’avoir pas eu ses faveurs, en détournant les autres de les recevoir. […] Il est peint dans le Temple du goût.
Dès qu’elle apparaît, spectre vague, dans son clair obscur ensanglanté, l’Imagination, effarée et rêveuse, s’assied, pour mieux la contempler, la tête dans sa main et l’œil fixe, comme la hagarde Mélancolie que nous a peinte Albert Durer. […] Blaze de Bury, qui se souvient trop des types officiels et classiques quand il faudrait analyser, creuser ou peindre, appelle tour à tour madame de Platen Phèdre, Médée ou Messaline, pour nous donner une juste idée des fureurs d’amour, de jalousie et de vengeance, qui luttèrent en elle.