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494. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

La science de l’acoustique, dit-il, est inutile pour faire de bonne musique : de même, connaître les moyens physiques ou mécaniques qui engendrent ou influencent les phénomènes psychologiques, ce n’est pas en pénétrer la nature.

495. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Ces hardiesses, lorsqu’elles sont bien sauvées, comme les dissonances en musique, font un effet très brillant ; elles ont un faux air de génie : mais il faut prendre garde d’en abuser : quand on les recherche, elles ne deviennent plus qu’un jeu de mots puéril, pernicieux à la langue et au goût.

496. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

Son ouvrage comprend la belle littérature, les productions agréables, telles que les histoires, les romans, les brochures, les piéces d’éloquence & de poésie, les ouvrages dramatiques, particuliérement la musique, la peinture, la sculpture, l’architecture, en un mot, ce qu’on entend par belles-lettres & beaux arts.

497. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

L’arc-en-ciel est en peinture ce que la basse fondamentale est en musique ; et je doute qu’aucun peintre entende mieux cette partie qu’une femme un peu coquette ou une bouquetière qui sait son métier.

498. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

L’expérience les avoit convaincus de ce qu’elle seule peut persuader, c’est qu’une mere qui pleure en musique la perte de ses enfans, ne laisse point d’être un personnage capable d’attendrir et de toucher sérieusement.

499. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Son style est quelquefois mystérieux comme l’être à qui il parle ; son oreille même cherche dans les sons une harmonie inconnue ; et comme pour donner une habitation à la divinité, il a élevé des colonnes, exhaussé des voûtes, dessiné des portiques ; comme pour la représenter, il a agrandi les proportions et cherché à faire une figure imposante ; comme pour en approcher dans les jours de fêtes, il a substitué à la marche ordinaire des mouvements cadencés et des pas en mesure ; ainsi, pour la louer, il cherche, pour ainsi dire, à perfectionner la parole ; et joignant la poésie à la musique, il se crée un langage distingué en tout du langage commun.

500. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Que le lecteur essaye de se figurer cet enfant dans cette rue de commerçants, au milieu de cette famille bourgeoise et lettrée, religieuse et poétique, où les mœurs sont régulières et les aspirations sont élevées, où l’on met les psaumes en musique, et où l’on écrit des madrigaux en l’honneur d’Oriana la reine432, où le chant, les lettres, la peinture, tous les ornements de la belle Renaissance viennent parer la gravité soutenue, l’honnêteté laborieuse, le christianisme profond de la Réforme. […] Partout son érudition, son beau style italien et latin lui conciliaient l’amitié et les empressements des humanistes, tellement que, revenant à Florence, « il s’y trouvait aussi bien que dans sa propre patrie. » Il faisait provision de livres et de musique qu’il envoyait en Angleterre, et songeait à parcourir la Sicile et la Grèce, ces deux patries des lettres et des arts antiques. […] Bientôt paraissent des chants tristes sur la mort d’un jeune enfant, sur la fin d’une noble dame ; puis de graves et nobles vers sur le Temps, à propos d’une musique solennelle, sur sa vingt-troisième année, « printemps tardif qui n’a point encore montré de boutons ni de fleurs. » Enfin le voici à la campagne chez son père, et les attentes, les rêveries, les premiers enchantements de la jeunesse s’exhalent de son cœur, comme en un jour d’été un parfum matinal. […] Nous écoutons les concerts bienheureux de sa musique aérienne, et le cortége changeant de ses apparitions fantastiques se déroule comme une vapeur devant nos yeux complaisants et éblouis. […] Les anges sont des musiciens de chapelle, ayant pour métier de chanter des cantates sur le roi et devant le roi, « gardant leur place tant que dure leur obéissance », se relayant pour faire de la musique toute la nuit autour de son alcôve521.

501. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Je voudrais pouvoir noter de son accent, comme une musique, chaque phrase qui résonne encore à mes oreilles après tant d’années. […] Une musique russe, resserrée entre deux files de rameurs, envoyait au loin le son de ses bruyants cornets. Cette musique n’appartient qu’à la Russie, et c’est peut-être la seule chose particulière à un peuple qui ne soit pas ancienne.

502. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Pitt pendant les anxiétés patriotiques du camp de Boulogne, était mort récemment ; sa mère, qui n’avait d’autre enfant que cette fille, lui avait donné une instruction grave et des talents de peinture et de musique qui dépassaient la portée de l’amateur. […] Il avait conservé ce goût de musique et cet instrument du temps de sa jeunesse où il avait été fifre dans un régiment du roi de Sardaigne. […] À midi, nous rentrions pour déjeuner à l’ombre plus fraîche des terrasses de la Sentinella, puis la sieste napolitaine, la musique, la peinture, abrégeaient les heures du milieu du jour ; quand le soleil baissait et que les grandes ombres dentelées de l’Epoméo se déroulaient sur les flancs de la montagne, nous parcourions, tantôt à pied, tantôt sur des mules aux pieds agiles, les sentiers escarpés de l’île, en contemplant les feux souterrains du Vésuve briller à l’horizon comme un phare tournant, tantôt visible, tantôt flamboyant sur les bords des mers aux yeux des matelots.

503. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Sa mémoire, aussi heureuse que son imagination était émue, s’imprégnait de ces belles harmonies de la poésie grecque, de cette musique passionnée du cœur humain. […] Or, les sentiments doux, habituels, modérés, heureux, de l’âme humaine, sont cependant des notes délicieuses de la poésie, cette musique de l’âme. […] La langue n’est pas moins transformée que l’idée ; de molle et de langoureuse qu’elle était dans Andromaque, dans Bajazet ou dans Phèdre, elle devient nerveuse comme le dogme, majestueuse comme la prophétie, laconique comme la loi, simple comme l’enfance, tendre comme la componction, embaumée comme l’encens des tabernacles ; ce ne sont plus des vers qu’on entend, c’est la musique des anges ; ce n’est plus de la poésie qu’on respire, c’est de la sainteté.

504. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Boissard, qui possède les qualités d’un bon peintre, n’ait pas pu faire voir cette année un tableau allégorique représentant la Musique, la Peinture et la Poésie. […] Gleyre Il avait volé le cœur du public sentimental avec le tableau du Soir. — Tant qu’il ne s’agissait que de peindre des femmes solfiant de la musique romantique dans un bateau, ça allait ; — de même qu’un pauvre opéra triomphe de sa musique à l’aide des objets décolletés ou plutôt déculottés et agréables à voir ; — mais cette année, M. 

505. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Les proportions régulières des statues antiques, l’expression calme et pure de certains tableaux, l’harmonie de la musique, l’aspect d’un beau site dans une campagne féconde, nous transportent d’un enthousiasme qui n’est pas sans analogie avec l’admiration qu’inspire le spectacle des actions honnêtes. […] Les législateurs grecs attachaient une haute importance à l’effet que pouvait produire une musique guerrière ou voluptueuse.

506. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Ce ne sont qu’évêques dégingandés au pas saltateur de Dupré, grands prêtres de bacchanales, anges qui tiennent le saint-ciboire avec le geste d’un arc qu’un Amour détend, saints qui se renversent sur le crucifix avec des attitudes de violonistes, effets de lumière derrière les autels qui ressemblent à une gloire derrière une conque de Vénus : toute une religion descendue du Corrège, et que Noverre semble avoir réglée comme le plus délicieux opéra de Dieu ; — si bien qu’au son des flûtes, des bassons, de la musique la plus chatouillante, la plus enivrante, la plus ambrée, si l’on peut dire, on s’attend à voir un joli homme d’évêque, avec le geste sautillant d’un marquis tirer l’hostie d’une boîte d’or, et l’offrir comme une pastille ou une prise de tabac d’Espagne. […] C’était tout à la fois une mélodie lointaine et proche, s’élevant, montant, mourant parmi nos sensations et nos pensées encore endormies, et qui nous berçait comme dans le rêve d’une musique flottante, aérienne, amoureusement divine et vague, à la façon de la lumière d’une apparition en train de disparaître.

507. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Vous vous rappelez le grand et malheureux Jean-Jacques, copiant le matin de la musique, et se faisant le soir l’apôtre du sentiment moral, l’énergique tribun du spiritualisme ? […] Rousseau : on ne copie plus guère de musique depuis qu’on la lithographie.

508. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Mais nous exagérons, il y a des théories littéraires, universelles et incontestables : Si nous recevons jamais du Kamtschatka ou des îles Orcades cette Poétique qu’attendait Voltaire, il y a à parier que nous nous entendrons avec son auteur sur les points suivants et sur quelques autres : les épigrammes doivent être courtes — la musique religieuse doit être grave — le dénouement d’une tragédie ne doit pas faire rire — celui d’une comédie ne doit pas faire trembler.

509. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

La joie des sens n’est pas à dédaigner, puisque des vins, des femmes, des paysages et des musiques nous offrent des bonheurs fragiles mais renouvelables.

510. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

J’aime peu que ces aveugles partagent en art, en musique, etc., les préférences que nous savons celles de M. 

511. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

C’est du tournage de vocables vides, en chambre ; mais enfin la poésie est au-dessus de ces tourneurs et, par les temps utilitaires qui courent, il me semble qu’elle devrait être, à la suite de Baudelaire et de Verlaine, l’un des factices véhicules des esprits détenus, — quelque chose de vague comme une musique qui permette de rêver sur des au-delà, loin de l’américaine prison où Paris nous fait vivre.

512. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

On l’enterre au fracas des pétarades et des musiques de cette foire mondiale qu’est l’Exposition universelle.

513. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

« L’ancienne nous échappe tous les jours ; &, comme il ne faut point se presser de la rejetter, on ne doit pas non plus faire de grands efforts pour la retenir. » Le changement dans toute matière a des attraits : de même qu’on a changé en grande partie l’orthographe, on a aussi essayé de substituer aux notes ordinaires de la musique d’autres signes ; inventions dont les auteurs n’ont pas été bien reçus du public, & qui les en ont même fait mépriser dès qu’elles ont paru.

514. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Par exemple, les versificateurs sans génie qui écrivent des opera, ne sçavent autre chose que de retourner ces phrases et ces expressions si souvent rebattuës, que Lulli réchauffoit des sons de sa musique, pour parler avec Despreaux.

515. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

Telle était la vie générale, la vie régulière, correcte, irréprochable, réglée comme un papier de musique… militaire et dansante, de toute la noblesse française au temps de Louis XIV, de ce roi qui fut aimé de sa noblesse autant que de La Vallière, et qui ne méritait ni de l’une ni de l’autre le sentiment qu’il eut de leur immortelle fidélité !

516. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

, de jouer une musique à laquelle il n’ajoute, pour celui qui sait discerner partout la ligne droite sous ses courbes, que quelques arpèges ou quelques fioritures, rien de plus.

517. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Il embouche aussi les souffles de la trompette, ce qui est encore de l’Hercule en fait de musique ; car emboucher des souffles, c’est bien fort.

518. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Il y a du Jean-Paul, du Rivarol et du père Castel en vers, du père Castel au clavier et à la musique de parfums !

519. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Il nous a donné sa poétique, qui n’est pas d’une complication bien difficile, mais qui consiste à nous prouver à l’aide de Beethoven et de Claude Lorrain, et de la musique, et des paysages et du dernier progrès des arts, que le poète n’a plus, pour toute ressource d’invention, qu’à faire parler les arbres, les fleurs, tous les objets de la nature, ce que M. 

520. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

On les récite dans les écoles, on les met en musique. […] Joignez à cela le prestige de Mireille, type immortel popularisé par la peinture et par la musique. […] Vive la musique de Boïeldieu ! […] Verlaine, cherche vainement à y découvrir un sens, il n’y perçoit qu’une musique de rêve, plainte indécise dont le charme réside uniquement dans l’harmonie des syllabes accouplées. […] Ses nombreux protecteurs lui ont meublé un hôtel somptueux rue Chantereine, et sa voix fait les délices de l’Académie royale de musique.

521. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Cet état est donné aux uns par la musique, à d’autres par la peinture, le drame. […] Ils croient vraiment que le goût de la peinture, de la musique, de la poésie, cela s’apprend comme l’orthographe ou la géographie ! […] D’ailleurs voilà des milliers d’années qu’on apprend la musique aux femmes, et c’est peut-être là qu’elles ont encore le moins créé. […] Quelle musique est comparable à la sonorité pure des mots obscurs, ô cyclamor ? […] La musique a beaucoup baissé dans l’estime de la jeune fille (2) ; quelques-unes préfèrent la peinture (4) ou même la poésie (6).

522. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Après un succès éclatant à l’Académie nationale de musique, Zélindor, roi des Sylphes, ballet de Moncrif, fut représenté à Versailles, le 18 décembre 1752, devant le Roi. […] Mais cette façon d’agir pouvait bien prouver de sa part un manque de goût, et une science de la musique peu profonde. […] Après les glaces on fit de la musique. […] En attendant le carnaval, De Brosses se grisait de musique. […] Puis on faisait de la musique.

523. (1890) Nouvelles questions de critique

Ou bien encore si nous préférons la musique de Beethoven à celle même de M.  […] Ou du moins, c’est aux accents de Voltaire qu’il a senti pour la première fois vibrer à son oreille la musique intérieure du vers. […] … De la musique encore et toujours ! […] Mallarmé demeure aujourd’hui le meilleur modèle de ce que peut produire la musique des mots. […] — Qui est-ce qui, en mots logiques, peut exprimer l’effet que la musique fait sur nous ?

524. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Nul peut-être n’a été saisi plus pleinement par le sortilège de la musique. […] Plus peut-être que la poésie, la musique est évocatrice et rajeunissante. […] Pensées flottantes, songes sans formes, désirs sans objet et sans limites, voilà le domaine et le sortilège de la musique. […] Huysmans ne rêve plus que musique d’église, blancheurs de cierge, saveurs d’hostie, odeur de sainteté. […] C’est par la musique sacrée, par le plain-chant, que Durtal a été ramené dans le troupeau des justes.

525. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Caërdal aime surtout la musique ; c’est qu’elle évoque et, disons, ramasse tout le détail que les simples mots laissent échapper, gaspillent. […] Les autres arts, celui du peintre, par exemple, ou du sculpteur ou la musique, évitent cette confusion. […] Même il emploie peu de musique, au service de sa pensée. […] Homère nous emmène avec le vaisseau d’Ulysse et nous ne savons plus ce que devient le jeune homme séduit par les musiques de la mer. […] D’ailleurs, je ne nie pas qu’il soit, plus que nos classiques, sensible au son des mots et à la musique que fait leur savante combinaison.

526. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

De retour, presque aussitôt un dîner de quarante-huit couverts, disposé d’une manière charmante, dans deux pièces, où deux grandes tables, fleuries de fleurs d’amandiers, forment un T, et où la table des vieux, a pour tête la table des jeunes, au milieu de laquelle apparaît la mariée, toute jolie avec son clair visage et son rire sonore, — tout le dîner, égayé, animé, fouetté, par des violons tsiganes faisant rage, et dont les chabraques rouges promènent leurs musiques nerveuses derrière le dos des convives. […] Ces chants d’église balancent en moi, tout le douloureux de mon passé, et moi, le sceptique, l’incrédule, sur lequel l’éloquence de la chaire ne pourrait mordre, je sens que je serais convertissable par du plain-chant, ou de la musique qui en descend. […] Et dans les morceaux qu’elle chante, il y a une légende intitulée : Saint-Amour, vraiment originale : une légende — c’est curieux — qui lui a été fournie par une marchande de vins du Midi, rencontrée par hasard, chez un éditeur de musique. […] Parolière et musicienne — ce qui est une faculté toute particulière — Holmès disserte sur la qualité des vers, qu’il faut mettre dans ce qu’elle fait : des vers, dit-elle, « légèrement à l’état de squelette, et dont la chair est faite de sa musique ».

527. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

Claude Terrasse a mis en musique Ubu-Roi, fac-similé autog. […] En préparation. — La Dragonne, roman. — Pantagurel, opéra bouffe (musique de C.  […] DemoIder, musique de C.  […] Œuvres. — Vers la Vie, 1 acte en prose, Montpellier, La Coupe, 1898. — Tiphaine, épisode dramatique, musique de Neuville, Vienne, Breistcliof, 1898, in-4. — À l’Ombre du Portique, poèmes, chez Ed. 

528. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Il en est ainsi non seulement en poésie, mais en musique, mais en peinture. Les dilettantes trouvèrent d’abord, que la musique de Beethoven était celle d’un fou, et celle de Richard Wagner les fit hurler. […] La musique autant que la poésie, et que les autres arts, sinon davantage, est une expression rythmique. […] Mais dans ce vaste effort de l’âme humaine pour atteindre la Réalité absolue et pour rendre sensible la Beauté de la vie, le rôle de la poésie peut être sans doute le plus fécond, parce qu’il est à la fois le plus général et le plus précis, la poésie se servant, pour dire son rêve, en même temps du rythme qui est son essence comme il est celle de la musique, mais aussi d’images, de concepts et de mots.

529. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Leurs écrits sont comme la musique des Écossais, qui composent des airs avec cinq notes, dont la parfaite harmonie éloigne toute critique, sans captiver profondément l’intérêt.

530. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Et ce n’est pas le défaut de la poésie, c’est la faiblesse de nos organes qui nous fait sentir la fatigue au bout de quelque temps ; ce qu’on éprouve alors, ce n’est pas l’ennui de la monotonie, c’est la lassitude que causerait le plaisir trop continu d’une musique aérienne.

531. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Mais peut-être que tout à l’heure la musique de Haydn ou de Beethoven remplira vos yeux de larmes d’admiration, et me passera par-dessus la tête.

532. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Alphonse de Lamartine Alfred de Musset, soit qu’il éprouvât lui-même cette fastidiosité du sublime et du sérieux, soit qu’il comprît que la France demandait une autre musique de l’âme ou des sens à ses jeunes poètes, ne songea pas un seul instant à nous imiter.

533. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Dès qu’un pitre s’installe sur la place publique et y débite des facéties de son cru, dès que l’esprit d’imitation suscite des grimaciers ou des mimes, elle existe, comme la statuaire existe dès qu’on essaye de pétrir l’argile ou de tailler la pierre, comme la musique existe dès qu’on essaye de moduler les sons de la voix.

534. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Après la mort de Monsieur de Molière, le Roi eut dessein de ne faire qu’une Troupe de celle qui venait de perdre son Illustre chef, et des Acteurs qui occupaient l’Hôtel de Bourgogne ; mais les divers intérêts des familles, des Comédies n’ayant pu s’accommoder, ils supplièrent sa Majesté d’avoir la bonté de laisser les Troupes séparées comme elles étaient, ce qui leur fut accordé ; à la réserve de la Salle du Palais Royal qui fut destinée pour la représentation des Opéras en Musique.

535. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Tout ce qu’il dit sur l’opéra et sur la musique est à faire éclater de rire, tant il y met de dénigrement et de partialité.

536. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

-Auguste Martin nous analyse les livres sacrés, les quatre livres de Confucius, le Ta-Hio, le Tchong-young, le Lun-yu, le Yao-King (voilà assez de cette musique, n’est-ce pas ?)

537. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Vacquerie, « tout échevelé dans les étoiles, mais il pourra prendre, sans se mettre à feu et à sang, un engagement de chapeau chinois dans la musique bouffe du Tintamarre… et s’y distinguer.

538. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

IV Il est donc évident qu’il n’est point un Boccace, qu’il n’a aucun des dons exquis de ce roi des conteurs dont le style tient de la musique et l’imagination de l’arc-en-ciel.

539. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Partout le peuple reconnaissait les images de ses grands hommes ; et sous le plus beau ciel, dans les plus belles campagnes, parmi des bocages ou des forêts sacrées, parmi les cérémonies et les fêtes religieuses les plus brillantes, environnés d’une foule d’artistes, d’orateurs et de poètes, qui tous peignaient, modelaient, célébraient ou chantaient des héros, marchant au bruit enchanteur de la poésie et de la musique, qui étaient animées du même esprit, les Grecs victorieux et libres ne voyaient, ne sentaient, ne respiraient partout que l’ivresse de la gloire et de l’immortalité.

540. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

autour de toi, les monstres nageant et respirant dans les flots se forment en cercle, bondissant d’un saut léger, monstres à la crête terrible, chiens de mer à la course rapide, dauphins épris de la musique, nourrissons des déesses Néréides dont Amphitrite est la mère.

541. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il y a ici une musique suave, qui tombe plus doucement — que les pétales des roses épanouies sur le gazon, —  que les rosées de la nuit sur les eaux calmes — entre des parois de granit sombre dans un creux qui luit ; —  une musique qui se pose plus mollement sur l’âme — que des paupières lassées sur des yeux lassés ; —  une musique qui amène un doux sommeil du haut des cieux bienheureux. —  Il y a ici de fraîches mousses profondes, —  et à travers les mousses rampent les lierres, —  et dans le courant pleurent les fleurs aux longues feuilles, —  et sur les corniches rocheuses le pavot pend endormi.

542. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

J’étais déjà prématurément connu littérairement alors ; elle était illustre par son rang, ses malheurs, son goût pour les lettres, son talent pour la musique ; elle voulait me voir ; elle me fit témoigner le désir de me rencontrer, comme par hasard, dans une allée des Cascines, où j’avais l’habitude de me promener à cheval ; elle m’assigna plusieurs fois la place et l’heure. […] Elle dit qu’elle méprise désormais ces musiques, ces danses, ces joies folles de la jeunesse, qu’elle a recueilli toute sa pensée dans la tendresse sévère de son mari, assis sur le buffle, et tout son avenir dans ce nourrisson pressé sur son sein. — Et ce vieillard, maître du champ, accoudé sur les sacs, regardant avec une affectueuse indifférence les musiciens, les danseurs, la moisson, le soleil couchant, que dit-il ? […] S’il en est ainsi, pourquoi donc vous étonneriez-vous que j’aie fait entrer, pour la première fois, la musique et la peinture, et bientôt la statuaire, dans un cours de littérature ?

543. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Le chœur invisible chante en vers et en musique triomphale : Christ est ressuscité ! […] J’entends déjà la musique des ménétriers dans les villages ; c’est le paradis du peuple. » XXV Des paysans chantent une ronde joviale et amoureuse. […] Le père le montre à son enfant ; on s’informe, on s’attroupe, on s’empresse ; la musique s’interrompt, la danse s’arrête.

544. (1909) De la poésie scientifique

Je puis dire, après d’autres d’ailleurs, que la théorie de l’Instrumentation verbale, la première en date, orienta alors la généralité des poètes nouveaux vers leurs recherches de musique verbale et d’expressives Rythmiques, et sur les diverses théories postérieures eut initialement action19. […] et imposantes envolées intuitives et imagées de son aîné, opposé ; maintenant la nécessité de la pensée philosophique en Poésie, dans une expression méthodique de musique verbale et d’adéquate Rythmique. […] « Son livre de début, Légende d’âmes et de sangs, qui révélait un poète ne procédant d’aucun maître, et dont la préface, où il donnait les grandes lignes de l’œuvre qu’il méditait, laissait pressentir les théories de musique verbale que le Traité du verbe devait répandre avec éclat, d’un coup attira sur lui l’attention.

545. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Et cela, il le fait en consultant sa femme qui lui souffle par-ci par-là : un peu de Saturne, un peu de Mercure, des termes de chiromancie… Desbarolles m’a trouvé le sens de la musique ! […] C’est du peuple qui semble avoir appris, tout à l’heure, la victoire d’Austerlitz… Il y a là, le dernier sauvage, sous son diadème de plume, un tapeur de grosse caisse nostalgique, aux paupières lourdes et lassées, exécutant sa musique avec une sorte de suprême indifférence mélancolique. […] » Il y a encore d’autres moyens d’avoir des soldats au Mexique : celui qui réussit le mieux, c’est de faire de la musique sur une place, puis fermer toutes les issues, et organiser une presse au lasso.

546. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

De tout ce que la Grèce touche, divinité, philosophie, politique, poésie, musique, drame, histoire, architecture, marbre, pierre, pinceau, elle fait un art accompli. […] Beauté dans la musique : voyez son Rossini ! […] Aucune langue, même la plus naturellement harmonieuse, n’est arrivée par la perfection du travail de ses plus habiles ouvriers (les poètes) à produire de pareils effets de musique et d’images.

547. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

On goûte, en deux heures, des sensations extrêmes ; car on peut dire qu’il y a un abîme entre la musique de Massenet et les vers de Leconte de Lisle. […] (J’ai un faible pour la musique militaire et je ne déteste pas l’orgue de Barbarie.) […] Je suis sûr qu’il y a des gens que je considère comme des imbéciles, précisément parce qu’ils ont en littérature les goûts que j’ai en musique. […] Les pompiers et la musique ne vont plus à la procession. […] À Mlle X…, élève du Conservatoire de musique et de déclamation.

548. (1921) Esquisses critiques. Première série

L’artificieux violoniste s’amuse à jouer faux — et pour se contredire une fois de plus, c’est d’un vers parfaitement régulier et toujours exact, du moins en apparence, qu’il tire cette musique déconcertante. […] Chose singulière, en un temps où la plupart des œuvres poétiques glissent à la musique, la poésie de M. de Régnier est essentiellement plastique. […] Ses décors, sinon les situations qu’il invente, surprennent : une répétition, un vernissage, un restaurant, une gare, des halls d’hôtel, voici des lieux dont le public se plaît à avoir le spectacle — et toutes ces musiques tziganes, ces valses lentes à la cantonade. […] Elle fait une grande musique d’orgue, d’orage ou de cataracte, et ses rythmes non moins que ses modulations permettent au verbe d’épouser tous les mouvements de la pensée et ses moindres frémissements. […] Non, intrinsèquement semble-t-il, ce style évoque la musique sinon la plus récente, du moins au juste celle de Debussy.

549. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Paul Meurice et Auguste Vacquerie, musique de M.  […] Paul Meurice et Auguste Vacquerie, musique de M.  […] Et quelle musique simple, expressive et grande, à M.  […] Peut-être aussi ce conte bleu demandait-il un peu de musique ; et peut-être… Mais qu’importe ? […] Armand Silvestre et Morand, musique de M. 

550. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Molière, brouillé avec Lulli, demande à Charpentier la musique d’intermèdes pour la reprise du Mariage forcé. […] Les divertissements tombèrent même dans un tel discrédit, que Lulli ayant été chargé, à la première représentation du Bourgeois gentilhomme à Chambord, du rôle du Mufti dans la cérémonie dont il avait fait la musique, les secrétaires du Roi refusèrent pour ce motif de le recevoir dans leur compagnie.

551. (1932) Le clavecin de Diderot

Tarabiscotage, vernis martin écaillé, musique aux bougies, clairs de lune aristocratiques, Trianon et ses trois marches de marbre rose, fichus et bergerie Marie-Antoinette, et ron et ron petit patapon et s’ils n’ont pas de pain qu’ils mangent de la brioche plaisir de vivre et bagatelles, de Louis XV cette pourriture satinée, au comte d’Artois ce dadais, de la Pompadour pédante, phtisique et corsetée à la du Barry née Bécu, du moindre nobliau cul-terreux au prince de Ligne, ce premier des grands Européens, les êtres, les choses qui ont prêté à tant d’évocations abominablement exquises, marquises, abbés de cour, soubrettes, chevaliers, Camargos et tutti quanti, ces bibeloteries, fadaises, fêtes galantes ou non, toute cette pacotille, tous ces accessoires de cotillon, pas un pouce de la belle surface lisse du clavecin de Diderot ne s’en est trouvé sali. […] Un petit coup de musique religieuse. […] Du coup, je décidai qu’elle se promenait nue sous des voiles et résolus de devenir un grand musicien en son honneur, en l’honneur d’elle qui était la musique elle-même c’est-à-dire un mélange de pleureuses, bijoux, inquiétants, accords, arpèges, triolets, pédales appuyées, toutes choses qui me vengeaient de leurs contraires, en ma mère incarnés. […] Aussi, fut-ce une grande joie que de voir venir à ma rencontre, une chanteuse qui, spécialisée dans le Satie, allait savoir animer de sa verve la musique funèbre. […] Et puisque chacun se croit Phœnix, s’il supplie qu’on brûle, anéantisse le guêpier de ses complexes, c’est dans l’espoir que, des cendres, vont renaître les frelons secrets dont le bourdonnement lui semble la plus belle, la vraie, la seule musique, la musique intérieure.

552. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

C’est ainsi que nous parvenons à retenir une langue, des airs de musique, des morceaux de vers et de prose, les termes techniques et les propositions d’une science, bien plus que cela, tous les faits usuels d’après lesquels nous réglons notre conduite. […] Abernethy, à la suite d’une blessure à la tête, il parlait toujours français. » En d’autres cas, la même réviviscence a été observée pour d’autres langues. « Un célèbre médecin de mes amis, dit encore le même auteur, m’apprend qu’ayant un jour la fièvre, mais sans aucun délire, il répéta de longs passages d’Homère, chose qu’il ne pouvait faire étant bien portant. » Un autre, qui, en santé, était fort mal doué pour la musique et avait presque oublié la langue gaélique, chantait, étant malade, des chansons gaéliques, et cela avec une grande précision, quoique la mélodie fût difficile et qu’auparavant il fût tout à fait incapable de les chanter.

553. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

C’est quelque chose comme l’art du musicien ; mais ne croyez pas que la musique dont il s’agit ici s’adresse simplement à l’oreille, comme on se l’imagine d’ordinaire. Une oreille étrangère, si habituée qu’elle puisse être à la musique, ne fera pas de différence entre la prose française que nous trouvons musicale et celle qui ne l’est pas, entre ce qui est parfaitement écrit en français et ce qui ne l’est qu’approximativement : preuve évidente qu’il s’agit de tout autre chose que d’une harmonie matérielle des sous.

554. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Rencontrerait-on, avant Gui d’Arezzo et Jean de Murris, des traités ou des indications sur le système de musique moderne ?

555. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Seulement, le comique est comme la musique : c’est une chose dont la beauté ne dure pas.

556. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Le charme des musiques devra de même être reproduit après leur analyse ; l’intime éclosion de rêves et d’actes que provoque le lent essor d’une voix dans le silence d’une nuit, le ravissement des mélodies, le suspens des longues notes tenues, le heurt douloureux des cris tragiques sera décrit et rappelé, comme les mâles et sobres éclats des pianos, le jeu des souples doigts, les élans atrocement rompus des marches, les prestos envolés, retombants, et voletants, ou la grave insistance de ces andantes qui paraissent exhorter et calmer et apaiser les sanglots qui traînent sur le pas des suprêmes décisions ; les violons nuanceront tout près de l’oreille et de l’âme leur voix sympathique, âpre et chaude, et l’on entendra passer leur chant captif sur les sourds élans des contrebasses, l’embrasement suprême des cuivres, le ricanement sinistre des hautbois, unis en cette gerbe montante de sons, de formes et de mouvements, qui s’échappe des orchestres et porte les symphonies.

557. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Mais les pessimistes de la science et de la pensée, qui veulent supprimer le mal absolu, le mal ontologique de la vie, sont je ne sais quels êtres innommables, abstraits, sans principes, sans entrailles, des espèces de boîtes à logique comme il y a des boîtes à musique !

558. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Lorsque, dans les fêtes de ses triomphes, au retour d’Égypte et de Phénicie, il fit célébrer de grandes représentations avec des chœurs de musique, ce n’était pas l’invention, mais le spectacle qui était l’objet des prix.

559. (1933) De mon temps…

Il n’était sensible ni à la poésie ni à la musique. […] Soudain, comme l’on s’écartait à l’entrée du peintre Jacquet, menant en laisse une couple de dogues danois habilement camouflés en lions et pourvus de magnifiques crinières, la musique se tut et M.  […] La musique y était représentée par Augusta Holmès, et le docteur Evans avait la discrétion de n’y pas paraître. […] Si versé que fût Téodor de Wyzewa en mallarméisme et en wagnérisme, son goût ne se bornait pas à la poésie de Mallarmé et à la musique de Wagner, et il avouait d’autres admirations dont les principales étaient les tragédies de Racine et les compositions de Mozart. […] Pour le voir, le mieux était de l’aller surprendre soit au Weber où il s’attardait volontiers, soit au Bar de la Paix où il fréquentait assidûment, mais il ne manquait guère à venir, le dimanche, avenue Wagram, où Mme Bulteau, l’après-midi, recevait ses amis dans un salon orné de beaux meubles anciens, de tapisseries et d’instruments de musique.

560. (1896) Le livre des masques

D’autres ont sans doute ou eurent une langue plus riche, une imagination plus féconde, un don plus net de l’observation, plus de fantaisie, des facultés plus aptes à claironner les musiques du verbe, — soit, mais avec une langue timide et pauvre, d’enfantines combinaisons dramatiques, un système presque énervant de répétition phraséologique, avec ces maladresses, avec toutes les maladresses, Maurice Maeterlinck œuvre des livres et des livrets d’une originalité certaine, d’une nouveauté si vraiment neuve qu’elle déconcertera longtemps encore le lamentable troupeau des misonéistes, le peuple de ceux qui pardonnent une hardiesse, s’il y a un précédent, — comme dans le protocole — mais qui regardent en défiance le génie, qui est la hardiesse perpétuelle. […] Avec tout ce qu’il doit à l’auteur des Fêtes Galantes (il lui doit moins qu’on ne pourrait croire), Albert Samain est l’un des poètes les plus originaux et le plus charmant, et le plus délicat et le plus suave des poètes : En robe héliotrope, et sa pensée aux doigts, Le rêve passe, la ceinture dénouée, Frôlant les âmes de sa traîne de nuée, Au rythme éteint d’une musique d’autrefois… Il faut lire tout ce petit poème qui commence ainsi : Dans la lente douceur d’un soir des derniers jours… C’est pur et beau, autant que n’importe quel poème de langue française, et l’art en a la simplicité des œuvres profondément senties et longuement pensées. […] Cet autre Samain, plus ancien et non moins véritable, se révèle en les parties de son recueil appelées Évocations ; c’est un Samain parnassien, mais toujours personnel, même dans la grandiloquence : les deux sonnets intitulés Cléopâtre sont d’une beauté non seulement de verbe, mais d’idées ; ce n’est ni la pure musique, ni la pure plastique ; le poème est entier et vivant ; c’est un marbre étrange et déconcertant ; oui, un marbre qui vit et dont la vie agite et féconde jusqu’aux sables du désert, autour du Sphynx pour un instant énamouré. […] Musique de plain-chant grégorien, tel qu’on l’écoute en une somptueuse église flamande, avec de soudaines fugues de prière exaltée qui planent sur les lignes hautes, se jettent vers les voûtes peintes, avivent les vieux vitraux, illuminent d’amour les chemins de la Croix assombris. […] Le talent d’un écrivain n’est souvent que la faculté terrible de redire en phrases qui semblent belles les éternelles clameurs de la médiocre humanité ; des génies même, et gigantesques, comme Victor Hugo ou Adam de Saint-Victor furent destinés à proférer d’admirables musiques dont la grandeur est de recéler l’immense vacuité des déserts ; leur âme est pareille à l’âme informe et docile des sables et des foules ; ils aiment, ils songent, ils veulent les amours, les songes, les désirs de tous les hommes et de toutes les bêtes ; poètes, ils crient magnifiquement ce qui ne vaut pas la peine d’être pensé.

561. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Une légère douillette de taffetas, simplement jetée sur ma personne, aurait eu l’air de me défendre du froid, et je l’aurais cru moi-même13. » Je crains bien qu’en fait de musique, de peinture, de tragédie, ces Français-là et nous, nous ne soyons à jamais inintelligibles les uns pour les autres. […] Paër en musique, depuis que Rossini a fait oublier ses opéras. […] L’admirable libretto de Don Juan, mis en musique par Mozart, fut écrit à Vienne par l’abbé Casti ; certes l’oligarchie viennoise n’a jamais passé pour tolérer la licence au théâtre. […] Les courtisans, dans la juste terreur que leur inspire le rire, permettront-ils qu’on se moque de la classe des avocats, de la classe des médecins, de la classe des compositeurs de musique qui maudissent Rossini, de la classe des vendeurs de croix, et des opticiens qui en achètent ; ou qu’on traite ce sujet si plaisant : L’Homme de lettres ou les Vingt places, ou celui-ci : Le Coureur d’héritages ?

562. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

La caresse des voix, l’intonation des diphtongues, la musique des consonnes l’enchantèrent, il les doua d’une signification étrangère, d’un charme personnel. […] C’est plutôt une forme d’art supérieure, plus complète et dont il nous faudra, peut-être, proclamer bientôt le triomphe : la Prose Rythmée, vibrante et crépitante, de lueurs, de parfums, de musiques, comme un morceau de nature — transverbée. […] Il n’exprima point d’idées, mais ses pleurs et ses joies, les plus fugitives de ses impressions s’essoraient en spontanées musiques. […] Mais un jour que ses amis le sollicitaient d’exprimer ses opinions esthétiques, il écrivit avec une douce ironie les quelques strophes de l’art poétique ; De la musique encore et toujours !

563. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Et Daudet reprend que, pendant toutes ces années, il n’a rien fait, qu’il n’y avait alors chez lui, qu’un besoin de vivre, de vivre, activement, violemment, bruyamment, un besoin de chanter, de faire de la musique, de courir les bois avec une pointe de vin dans la tête, d’attraper des torgnoles. […] Persistance de la froideur de la salle, prête à devenir ricanante pour la pièce, et qui applaudit à tout rompre la musique. […] Longtemps, et avec amour, il m’entretient des sereines soirées conjugales, passées dans cette petite pièce qui a une bonne et grande cheminée, de ces heures après le dîner, où sa femme reprisait les bas de Léon, et où il inventait des contes pour l’enfant tenu sur ses genoux, — puis l’enfant couché, et les travaux de couture abandonnés, le mari et la femme faisaient sur un piano, qui tenait tout l’angle de la chambrette, faisaient de la musique jusqu’au milieu de la nuit. […] Là dedans, un petit homme au front socratique, aux oreilles rouges de sang, au nez sensuel où danse une verrue sur une narine, nous récite de sa poésie, dans la langue de musique du lieu.

564. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Le 4 août suivant, la ville de Douai accomplissait un devoir douloureux envers son cher poète, et la population douaisienne remplissait cette église Notre-Dame, toute voisine de la maison de naissance de la défunte, pour assister à la messe solennelle qui était célébrée en sa mémoire avec le concours du corps de musique de la ville et de la Société chorale de Sainte-Cécile.

565. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

La salle fut décorée en noir ; tous les représentants s’y rendirent en grand costume et en deuil ; une musique douce et lugubre ouvrit La séance ; Louvet prononça ensuite l’éloge du jeune représentant, si dévoué, si courageux, sitôt enlevé à son pays ; un monument fut voté pour immortaliser son héroïsme.

566. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

. — L’architecte héroïque se cache derrière son œuvre, qui semble s’élever toute seule aux sons de sa musique, comme Thèbes aux doux accords de la lyre d’Amphion.

567. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

. — Le Mage, drame lyrique avec musique de Massenet (1891). — Par le glaive, en 5 actes et en vers (1892)

568. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Sans doute il est déjà flatteur d’être imprimé, mais qui est imprimé n’est pas nécessairement lu, et l’esthète qui écrit de littérature au Courrier du Soir, par exemple, ou à La Presse, se peut froisser à la longue de constater qu’on n’achète sa feuille que pour y lire les résultats du sport et les derniers cours de la Petite Bourse, et peut éprouver l’incompressible besoin de confier à une centaine de personnes, dûment enfermées et obligées d’écouter la conception personnelle et distinguée qu’il s’est faite du théâtre de Victor Hugo ou de la musique de Verdi.

569. (1890) L’avenir de la science « VI »

Quand on songe que chaque petite ville d’Italie au XVIe siècle avait son grand maître en peinture et en musique, et que chaque ville de 3 000 âmes en Allemagne est un centre littéraire, avec imprimerie savante, bibliothèque et souvent université, on est affligé du peu de spontanéité d’un grand pays, réduit à répéter servilement sa capitale.

570. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

« Quelle oreille, ajoute l’abbé Desfontaines, insatiable de musique, pourroit écouter, jusqu’au bout, un opéra tout entier sur la même mesure, & dont chaque mesure seroit constamment composée de quatre notes égales. » A l’égard des petites pièces, comme les églogues, les idylles, les élégies, les épigrammes, &c. il convient que cette raison n’est pas valable.

571. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Les splendeurs de cette salle étincelante, que la musique du roi remplissait d’harmonie, exaltèrent l’imagination des jeunes militaires, déjà disposés à l’enthousiasme.

572. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Nous parlions récemment de ce pauvre petit bon diable de docteur Feuchsterleben, ce divertissant médecin d’Allemagne qui enseigne qu’avec l’Apollon du Belvédère et de la musique on peut guérir de tout, comme avec un air de violon on guérit de la tarentule.

573. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

C’est lui et son frère qui ont donné le la de l’horrible musique qu’à présent on chante.

574. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

, qui égara l’esprit français — si clair même quand il est profond — dans la brume épaisse de ces systèmes où l’on voit tout ce qu’on veut y voir, comme dans la musique et les nuages… De son côté, le Romantisme, en train d’accomplir, vers ce temps, la révolution dont nous sommes sortis, accepta, dans l’ébriété de sa jeune vie, — car il était la vie alors !

575. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

ce doux Pelletan, cette brillante couleuvre sans venin, pâmée si longtemps dans la musique de Lamartine, s’est tortillée et retortillée pour remuer la queue et piquer comme ce scorpion de Voltaire Pelletan, ne pouvant se faire puissant, a pris le part de se faire léger contre le grave de Maistre.

576. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Quand on relit le volume de 1820, inouï de niaiserie et de platitude, mais où ça et là, pourtant, on rencontre un accent juste dans l’ardeur ou la profondeur de l’amour, on se demande comment le bruit put venir à ce nom de Valmore, si ce nom qui pouvait faire rêver « comme les orangers de Grenade » n’avait pas encapricé cette faiseuse de musique, la Gloire !

577. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Absolument comme mademoiselle Mars, ce timbre de cristal dans du velours, qui aurait fait, si elle les avait prononcés, des jurons d’un cocher de fiacre une céleste musique, Alfred de Vigny relevait par le langage les choses les plus vulgaires.

578. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

L’imagination ardente et fougueuse de Néron se livra à la poésie comme à la musique.

579. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Je ne sais quel voyageur nous parle d’une nation qui faisoit de la musique un de ses plus grands plaisirs. […] Ne sentez-vous pas combien les diverses inflexions de la musique relevent les choses indifférentes, et ce qu’elles ajoutent de force aux sentimens et à la passion ? […] Pourquoi ce reste de musique dans la représentation des choses ordinaires ? […] Je dirai plus : il faut se défier, si j’ose parler ainsi, de cet orgüeil de profession : il peut nous jetter dans le mépris de bien des choses qui valent souvent mieux que celles que nous faisons ; et c’est ce qui arrive dans le bourgeois gentilhomme au maître à danser et au maître de musique. Tout ne va mal dans le monde selon eux, que parce qu’on n’y sait pas assez la musique et la danse.

580. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Jadis il voulait l’exprimer, cette musique profonde, en bâtiments, en cérémonies, en fondations, et maintenant il en jouit mieux que s’il l’eût réalisée dans une forme sensible. […] La culture indispensable manque à la plupart des édiles dévastateurs, qui souvent, de très bonne foi, n’aperçoivent pas plus la valeur de leur église qu’un novice en musique ne distingue celle d’un oratorio de Bach ou d’un motet de Palestrina. […] Un poète lyrique, un philosophe, un peintre paysagiste, un architecte, un musicien de symphonie et de musique de chambre, ne pourrait donc jamais être un créateur ! […] Gide veut « de la musique avant toute chose ». […] Il est bon de contrôler par une seconde lecture les impressions qu’il nous donne, et l’on en retire généralement le même profit que d’une seconde audition de musiques difficiles.

581. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

La première partie, qui comprendrait la Régence et le règne de Louis XV, formerait un opéra-comique, dont les paroles et la musique seraient faciles à trouver. […] Cela n’est point impossible, et pourrait s’expliquer, quant aux romans : par la facilité avec laquelle ils parviennent entre les mains du peuple, au moyen des publications périodiques à bon marché ; et quant à la poésie : par la tradition purement auditive de la musique dans une population de musiciens. […] La musique des vers de V.  […] La difficulté n’est vaincue que grammaticalement, pour ainsi dire, puisqu’on peut reproduire en allemand la même série de syllabes longues ou brèves qu’en latin ou en grec ; mais où est l’harmonie, où est la musique du vers ? […] Pour l’admirer, tel qu’on le joue dans la patrie du grand poète, il faut s’attendre à assister à une lecture poétique avec accompagnement de décors, de costumes, et de musique, non à un drame.

582. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

C’est donc désormais un fait acquis que le peuple de Paris aime la bonne musique au moins autant que la mauvaise. […] Je suis persuadé que l’audition de la bonne musique révélera chez bien des gens des aptitudes qu’ils ne soupçonnaient pas eux-mêmes, et que des ouvriers qui se réuniront pour faire de la musique trouveront moins de plaisir à aller boire au cabaret. […] Ne comptons pas trop sur la musique, si populaire qu’elle soit. […] La musique adoucit les mœurs, nous dit-on : nos mœurs sont-elles donc si rudes, si austères ? […] Pasdeloup, vous y entendrez la plus belle musique du monde, admirablement exécutée ; vous en sortirez charmé ; enivré, consolé.

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