Ici nous avons affaire à un nouveau témoin, simple et véridique33 ; chaque déposition se complète de la sorte et se confirme ; qualités et faiblesses, tout s’y voit : « A mon arrivée près de ce nouveau général, nous dit Rochambeau, je me trouvai dans une société qui m’était fort étrangère ; ce prince était entouré d’aides de camp qui lui avaient été donnés dans sa petite maison par la fameuse Leduc, sa maîtresse en titre : tous ces messieurs aimaient leurs chevaux et ne voulaient les fatiguer que quand ils étaient commandés ou que le prince montait à cheval. […] je crois sentir dans ce simple récit de Rochambeau l’homme déjà moderne, l’homme de la guerre d’Amérique et qui a traversé honorablement 89.
» — « Sire, le moyen a été bien simple : j’ai acheté des rentes la veille du 18 Brumaire, et je les ai vendues le lendemain. » Il n’y eut pas moyen de se fâcher ce jour-là ; le renard, par un tour de son métier, s’était tiré des griffes du lion. […] de Talleyrand, qui depuis sa sortie du ministère avait d’abord habité sa petite maison de la rue d’Anjou-Saint-Honoré, « où il recevait fréquemment les étrangers, où il donnait des bals d’enfants, où les voix de Mme Grassini, de Crescentini, les scènes déclamées par Talma et sa femme, par Saint-Prix et Lafon, prêtaient aux simples soirées un air de fête », avait depuis acheté l’hôtel Monaco, rue de Varennes, et il y tenait un état princier de maison ; mais la faillite d’un banquier l’ayant mis subitement dans une gêne relative, l’empereur s’empressa de lui venir en aide, et lui acheta son palais.
Ainsi, dans ce style de couleur exacte et simple, le château de la Wartbourg ne devrait jamais être désigné, ce me semble, comme le centre du mouvement politique et administratif du pays : je n’aime pas non plus voir sainte Élisabeth jeter les bases de la vénération dont ces beaux lieux sont entourés. […] Sainte-Beuve s’était réfugié en Belgique, pour échapper à la simple menace des conséquences très-atténuées de ses doctrines actuelles. » Cette petite allusion à mon séjour en Belgique est une délicatesse de la part de M. de Montalembert, qui a pu savoir mieux que personne, puisqu’il m’a rendu alors un bon office, à quelle fin j’allais en Belgique.
C’était, comme dit Mme de Sévigné, des conversations infinies : « Après le dîner, écrit-elle quelque part à sa fille, nous allâmes causer dans les plus agréables bois du monde ; nous y fûmes jusqu’à six heures dans plusieurs sortes de conversations si bonnes, si tendres, si aimables, si obligeantes et pour vous et pour moi, que j’en suis pénétrée7. » Au milieu de ce mouvement de société si facile et si simple, si capricieux et si gracieusement animé, une visite, une lettre reçue, insignifiante au fond, était un événement auquel on prenait plaisir, et dont on se faisait part avec empressement. […] Jusque-là, rêver, c’était une chose plus facile, plus simple, plus individuelle, et dont pourtant on se rendait moins compte : c’était penser à sa fille absente en Provence, à son fils qui était en Candie ou à l’armée du roi, à ses amis éloignés ou morts ; c’était dire : « Pour ma vie, vous la connaissez : on la passe avec cinq ou six amies dont la société plaît, et à mille devoirs à quoi l’on est obligé, et ce n’est pas une petite affaire.
Il continua à parler en langage divin avec les hommes lettrés, et à s’entretenir, jusqu’à son dernier soupir, avec les hommes simples dont il avait décrit tant de fois les mœurs, les travaux et les misères dans ses poèmes. […] Voilà l’abrégé de l’histoire d’Homère ; elle est simple comme la nature, triste comme la vie ; elle consiste à souffrir et à chanter : c’est en général la destinée des poètes.
Les simples tableaux, les paysages à la plume d’après nature, sont beaux, mais assez rares dans son œuvre. […] La précision pittoresque de certaines descriptions ne doit pas nous faire illusion : la plus simple, la plus vraie, la plus réaliste, est toujours une « légende morale »877, le sujet apparent n’étant que l’équivalent concret du sujet fondamental.
Daudet (et c’est singulier d’avoir à dire une chose si simple) le droit d’éprouver ces sentiments ; je le lui reconnais avec entrain, et je suis enchanté qu’il les ait éprouvés, puisqu’il en a fait ce livre, et qu’il a su répondre si crânement, à travers deux siècles et demi, aux Sentiments de l’Académie sur le Cid par les Sentiments de Tartarin sur l’Académie. […] Mais Astier-Réhu, si simple qu’il soit, ne peut être à ce point la dupe de Fage.
Juda avait sans doute bien d’autres principes, que Josèphe, toujours attentif à ne pas compromettre ses coreligionnaires, passe à dessein sous silence ; car on ne comprendrait pas que pour une idée aussi simple, l’historien juif lui donnât une place parmi les philosophes de sa nation et le regardât comme le fondateur d’une quatrième école, parallèle à celles des Pharisiens, des Sadducéens, des Esséniens. […] À chaque ligne des simples écrits de l’Ancien Testament, on voyait l’assurance et en quelque sorte le programme du règne futur qui devait apporter la paix aux justes et sceller à jamais l’œuvre de Dieu.
Le Geste est un roman simple et assez bien construit. […] Aucun d’eux n’est assez simple pour vous voir ; ils peuvent seulement « voir votre aspect ».
Nous serions, dis-je, étonnés de la manière dont ces sujets étaient traités ; elle nous paraîtrait beaucoup trop aisée, beaucoup trop simple. […] À mesure qu’il était contraint de resserrer le cadre, je ne dis pas des discussions, mais des plus simples réflexions politiques, il développa sa partie littéraire, qui devint désormais le principal ou plutôt l’unique instrument de son succès.
S’il est malade, s’il n’écrit pas assez souvent, elle le menace agréablement des plus violentes extrémités : Remarquez bien, dit-elle, que ce ne sont point des lettres que j’exige, mais de simples bulletins : si vous me refusez cette complaisance, aussitôt je dirai à Viart (son secrétaire) : Partez, prenez vos bottes, allez à tire-d’aile à Londres, publiez dans toutes les rues que vous y arrivez de ma part, que vous avez ordre de résider auprès d’Horace Walpole, qu’il est mon tuteur, que je suis sa pupille, que j’ai pour lui une passion effrénée, et que peut-être j’arriverai incessamment moi-même ; que je m’établirai à Strawberry-Hill, et qu’il n’y a point de scandale que je ne sois prête à donner. […] Beaucoup de ces passions singulières et bizarres, où la sensibilité s’abuse, ne sont souvent ainsi que des revanches de la nature qui nous punit de n’avoir pas fait les choses simples en leur saison.
Ce sentiment de volupté et d’abandon suprême, qui, chez les anciens, chez Homère, chez les Patriarches, chez la bonne Cérès ou chez Booz, comme chez le bon Jupiter aux bras de Junon, est si simple, si facile, qui coûte si peu à la nature, qui est si doux, qui fait naître des fleurs à l’entour, et qui voudrait dans sa propre félicité féconder la terre entière, se raffine avec les âges ; il devient plus senti, plus délicat, plus sophistiqué aussi, chez les épicuriens des siècles plus avancés. […] Il ne se piqua jamais d’être fidèle : les dieux le sont-ils avec les simples mortelles qu’ils honorent ou consument en passant ?
Je me suis demandé quelquefois l’effet que produirait un livre de M. de Balzac sur un honnête esprit, nourri jusqu’alors de la bonne prose française ordinaire dans toute sa frugalité, sur un esprit comme il n’y en a plus, formé à la lecture de Nicole, de Bourdaloue, à ce style simple, sérieux et scrupuleux, qui va loin, comme disait La Bruyère : un tel esprit en aurait le vertige pendant un mois. […] Bette toute la première, qui donne son nom au roman, est une de ces exagérations : il ne semble pas que cette pauvre personne qu’on a vue d’abord une simple paysanne des Vosges, mal vêtue, mal mise, rude, un peu envieuse, mais non pas méchante ni scélérate, soit la même qui se transforme à un certain moment en personne du monde presque belle, et de plus si perverse et si infernale, un vrai Iago ou un Richard III femelle !
Dès qu’il le connaîtra mieux, le mot de génie va se mêler à tout moment et revenir sous sa plume à côté du nom de Vauvenargues, et c’est le seul terme en effet qui rende avec vérité l’idée qu’imprime ce talent simple, élevé, original, né de lui-même, et si peu atteint des influences d’alentour. […] Une telle conséquence choqua d’abord Vauvenargues ; son âme simple et grande sentit s’élever en elle-même une protestation contre ce dénigrement universel de l’humanité : « L’homme est maintenant en disgrâce chez les philosophes, dit-il, et c’est à qui le chargera de plus de vices ; mais peut-être est-il sur le point de se relever et de se faire restituer toutes ses vertus. » Et sans système, sans parti pris, mais par la seule considération de l’homme complet, il mit le premier la main à l’œuvre de cette réhabilitation.
Montaigne avait l’âme simple, naturelle, populaire, et des plus heureusement tempérées. […] Et élevant de plus en plus sa pensée et son cœur, réduisant sa propre souffrance à ce qu’elle est dans l’immense sein de la nature, s’y voyant non plus seulement soi, mais des royaumes entiers, comme un simple point dans l’infini, il ajoute en des termes qui rappellent d’avance Pascal, et dont celui-ci n’a pas dédaigné d’emprunter le calque et le trait : Mais qui se représente comme dans un tableau cette grande image de notre mère nature en son entière majesté : qui lit en son visage une si générale et constante variété ; qui se remarque là-dedans, et non soi, mais tout un royaume, comme un trait d’une pointe très délicate, celui-là seul estime les choses selon leur juste grandeur.
En y réfléchissant, il trouva que la plus simple manière de lui témoigner cet intérêt et de lui faire du bien était encore de l’épouser. […] Mme Du Deffand, qui est littérairement de la même école, a très bien rendu l’effet que font les lettres de Mme de Maintenon, et on ne saurait mieux les définir : Ses lettres sont réfléchies, dit-elle ; il y a beaucoup d’esprit, d’un style fort simple ; mais elles ne sont point animées, et il s’en faut beaucoup qu’elles soient aussi agréables que celles de Mme de Sévigné ; tout est passion, tout est en action dans celles de cette dernière : elle prend part à tout, tout l’affecte, tout l’intéresse ; Mme de Maintenon, tout au contraire, raconte les plus grands événements, où elle jouait un rôle, avec le plus parfait sang-froid ; on voit qu’elle n’aimait ni le roi, ni ses amis, ni ses parents, ni même sa place ; sans sentiment, sans imagination, elle ne se fait point d’illusions, elle connaît la valeur intrinsèque de toutes choses ; elle s’ennuie de la vie, et elle dit : « Il n’y a que la mort qui termine nettement les chagrins et les malheurs… » Il me reste de cette lecture beaucoup d’opinion de son esprit, peu d’estime de son cœur, et nul goût pour sa personne ; mais, je le dis, je persiste à ne la pas croire fausse.
En fait de législation, il a déjà de ces idées simples et unes qui de Colbert iront se rejoindre à l’Assemblée constituante, à la Convention et au Conseil d’État sous Bonaparte : J’étudiai, dit-il, et appris sans maître les Institutes avec le secours des commentaires de Borcholten. […] Mais sa rédaction est simple, courante, d’une bonne foi naïve, quelque peu malicieuse pourtant et légère ; elle est telle que tout le monde la répète et croit l’avoir trouvée.
J’aime les femmes modestes, sobres, gaies, capables de sérieux et de badinage, polies, railleuses d’une raillerie qui enferme une louange, dont le cœur soit bon et la conversation éveillée, et assez simples pour m’avouer qu’elles se sont reconnues à ce portrait que j’ai fait sans dessein, mais que je trouve très juste. […] Et cependant, en quittant ces deux personnages de haute représentation, Mme des Ursins et Mme de Maintenon, ces deux sujets habiles et du premier ordre, me sera-t-il permis de rappeler au fond, en arrière et au-dessous d’elles, d’une époque un peu plus ancienne, une simple spectatrice de cette belle comédie de la Cour, une personne qui n’a eu en rien le génie de l’intrigue et de l’action, mais d’un bon sens égal, doux et fin, d’un jugement calme et sûr, la sage, la sincère et l’honnête femme véritablement en ce lieu-là, Mme de Motteville ?
Il se trouvait ainsi, simple mortel, le demi-frère du duc du Maine, du comte de Toulouse, enfin de ces sept enfants qui avaient nom Bourbon, et qui étaient traités comme de la pure race de l’Olympe. […] Cherchant à rassembler dans sa raison toutes ses forces et tous ses motifs de renoncement, il se dit qu’il n’a guère plus de quarante ans ; qu’il y a moyen, après avoir consacré sa jeunesse au service du roi et de sa patrie, de vivre chez soi en honnête homme ; il se trace le plan d’une vie heureuse et privée : « Avoir du bien honnêtement, n’avoir rien à se reprocher (et, pour cela, commencer par payer toutes ses dettes), avoir mérité d’avoir des amis, et savoir s’amuser des choses simples. » Toutes ces conditions pourtant ne laissent pas d’être difficiles à rencontrer dans le même homme, et il suffit d’une seule qui échappe, ou d’un goût étranger qui se réveille, pour faire tout manquer, et pour corrompre ce tranquille bonheur.
Simple ouvrier dans une œuvre si générale, je continuerai donc, comme par le passé, cette espèce de cours public de littérature que j’ai entrepris depuis plus de trois ans. […] La partie sérieuse du mérite de l’abbé Barthélemy comme antiquaire, et avant son Voyage d’Anacharsis, échappe à mon appréciation : ce qu’on peut dire en général, c’est qu’il a rendu surtout de vrais services dans la science des médailles, et qu’il a contribué à la tirer de l’état de simple curiosité pour en faire un des appuis suivis et réguliers de l’histoire.
L’amitié de Frédéric pour ce pur littérateur et cet honnête homme simple a quelque chose qui rentre tout à fait dans l’ordre des amitiés vraies entre particuliers. […] Aussi souvent battu que victorieux ; seul, ayant la moitié de l’Europe sur les bras ; forcé de tenir tête avec cent vingt mille hommes (quand il est au complet) à trois cent mille ; calomnié par d’odieux libelles dont sa mémoire n’a triomphé encore aujourd’hui qu’imparfaitement, il a bien des paroles simples et magnanimes.
Elle a pourtant le mérite d’avoir présidé à de belles œuvres serrées, à de nobles tragédies ; elle suggère, par son existence, l’idée d’une étude de crise morale, sans péripéties, à beaux plis simples, brève, serrée comme la nature ; elle peut fournir au théâtre aussi bien que l’esthétique diverse et variée du drame. […] Il nous paraît donc plausible de le scander, en le considérant entre les syllabes environnantes comme un simple intervalle, et en cela nous sommes d’accord avec la déclamation instinctive du langage qui est la vraie base de la rythmique, et même la constitue dès qu’elle se met d’accord avec l’accent d’impulsion qui est son élément de variation, et l’intonation poétique, subordonnée à l’accent d’impulsion, accent et intonation qui comptent, puisque le vers et la strophe sont tout ou partie de phrase chantée et sont de la parole avant d’être une ligne écrite.
Chez quelques-uns, il est vrai, l’antagonisme n’était qu’apparent, simple amour du paradoxe, besoin effréné de faire parler de soi par des dires étranges. […] Simple dans sa mise, correct dans ses mœurs, il a pour idéal le Beau dans le Bien et cherche à conformer ses actes avec ses théories.
Pour ceux qui savent voir d’un coup d’œil tout ce que cette grande notion d’Infaillibilité étreint dans les six syllabes qui l’expriment, il y a là, Sous ce simple mot, toute la philosophie de l’Église et toute son histoire. […] Ce livre immense d’analyse ontologique et psychologique, et de portée, conclut à quelque chose de bien plus grand vraiment qu’à l’acceptation pure et simple de la douleur !
— Cette cause, c’est le moi et ses facultés. « Il y a dans le monde interne, il y a dans l’objet complexe saisi à chaque instant par la conscience, deux éléments distincts : l’un qui est nous, l’autre qui n’est pas nous ; l’élément qui est nous est simple dans chaque moment, identique à lui-même dans tous les moments, tandis que l’élément qui n’est pas nous est multiple dans chaque cas et variable d’un moment à l’autre. » Ce second élément se compose de nos actions et de nos opérations. « Le moi ne se reconnaît pas dans les modifications inétendues et sans forme qu’il éprouve. » — « Le monde interne renferme donc une réalité simple et identique à elle-même, qui est nous, et qui subsiste et persiste par elle-même ; et, de plus, une phénoménalité multiple et changeante, qui dépend de la réalité d’où elle émane et qu’elle modifie77. » — J’entends : vous croyez au bâton d’ambre de M. de Biran78.
Il cherche ce qui est simple, réglé, contenu dans de justes bornes. […] Il n’admet pas qu’une femme se tiraille ainsi les mains, par la raison toute simple que l’émotion dramatique s’adresse à l’intelligence et non pas aux sens. […] Le suicide est la maladie des raffinés et des philosophes, il n’atteint pas les simples de cœur et d’esprit. […] L’histoire de ma femme est simple et touchante, et j’ai grand-peur de la gâter. […] Elle était naturelle et simple comme toute douleur qui vient du fond de l’âme ; elle était dégagée de toute vengeance et de tout remords.
La réponse de l’auteur et de ses amis aux questionneurs trop curieux fut alors fort simple.
On a ainsi dans la fortune et la destinée d’un simple couvent-pensionnat de quoi rêver sur les empires.
La poésie, en se faisant simple auxiliaire à la suite des idées philosophiques, avait perdu ses qualités éminentes les plus énergiques et les plus châtiées ; Voltaire, son dernier représentant illustre, avait été son plus grand corrupteur L’entreprise de Chénier fut une œuvre d’étude et de long silence, pleine de secrets labeurs au sein d’une vie de plaisirs, et animée d’un profond amour de cette France, qu’il voulait doter de palmes plus rares.
Robespierre, ou plutôt le Comité de saint publie dont il était devenu membre, ne croyait pas encore la France sauvée, et, par politique autant que par habitude, voulait la continuation pure et simple du régime révolutionnaire.
En voilà bien assez, j’espère, si tout est prouvé et nous renvoyons nos lecteurs à la réfutation pour faire descendre cette production si prônée de son haut rang d’histoire, et pour la réduire à la simple condition des Mémoires piquants et Suspects, dont on peut retirer quelque profit, quand on les consulte avec beaucoup de défiance.
Cette Révolution, contrariée dans son développement le plus simple et le plus direct en apparence, contrariée par la Terreur, par l’Europe en armes, par un dictateur de génie, par une dynastie restaurée, a, toutefois et sans interruption aucune, poursuivi sa voie et son œuvre, sous la Terreur, dans les camps, sous la dictature, sous la Restauration.
La vie de Walter Scott est fort simple dans son ensemble ; des Mémoires abondants qu’il a laissés en dérouleront bientôt les anecdotes, les accidents variés et toutes les richesses.
La nature humaine, par bien des côtés exorbitants, échappe, ce nous semble, et pour son malheur, à cette simple, chaste et indulgente théorie.
Sa conduite, en cette année 1815, pour être bien simple, n’en mérite que plus d’être appréciée.
Souvent cependant on ne se contente pas de ces mots trop simples.
La condition de simple particulier convient mieux à mes goûts.
Mais, cela dit, il me sera peut-être permis, à l’occasion d’un événement récent, de hasarder une remarque fort simple.
Quelques-unes de ses poésies, grâce à leur personnalité et à leur beauté, le désignent à ma profonde admiration, et son caractère fier et simple me le fait aimer.
C’est une heureuse illusion que celle des âmes simples qui croient que ce poète est religieux ; n’a-t-il pas gardé de la religion la seule chose essentielle : l’amour et le respect de l’homme ?
Une définition nominale est simple, presque inutile, mais une définition réelle n’est pas possible, parce que la chose n’existe pas.
Moi qui ne suis pas un républicain a priori, qui suis un simple libéral, s’accommodant volontiers d’une bonne monarchie constitutionnelle, je serais plus fidèle à la République que des républicains de la veille.
Quand nous disons Poésie, nous ne prétendons pas la réduire à la simple versification : on sait en particulier que Mallebranche n’a fait que deux vers en sa vie, qui l’ont même rendu ridicule : nous parlons de cette Poésie, qui bien loin d’être ennemie de la prose, en est l’ame & l’ornement.
Tous les traits de son éloquence simple & rapide sont mâles & sublimes.
On voulut jetter du ridicule sur toutes ses beautés ; prouver qu’il n’avoit réussi dans aucun genre : Qu’il avoit manqué le pastoral dans ses bucoliques, ouvrage admirable par les graces simples & naturelles, par l’élégance & la délicatesse, par cette pureté de langage qui le caractérisent ; le didactique dans ses géorgiques, poëme le plus travaillé de tous ceux qu’il nous a laissés, & qu’on peut appeller le triomphe de la poësie Latine ; l’épique dans son énéide, chef-d’œuvre de l’esprit humain, qu’Auguste ne pouvoit se lasser de lire, & la tendre Octavie de récompenser, jusqu’à faire compter à l’auteur dix grands sesterces pour chaque vers, ce qui montoit à la somme de 325 000 livres.
L’emportement d’un general ne doit pas être le même que celui d’un simple soldat.
L’experience prouve suffisamment que tous les hommes ne naissent pas avec un génie propre à les rendre peintres ou poëtes : nous en voïons qu’un travail continué durant plusieurs années, plûtôt avec obstination qu’avec perseverance, n’a pû élever au-dessus du rang de simples versificateurs.
Ce n’est rien, — un simple alexandrin d’outre-tombe.
Homme de son temps et, il faut bien le dire, de sa fonction, Feugère n’a pas choisi par simple caprice d’intelligence cette vie d’Henri Estienne pour nous la raconter et cet ouvrage de la Conformité du langage français avec le grec 8 pour nous en donner une édition qu’on ne lui demandait pas.
Il n’est pas inutile de remarquer que lorsque ces éloges parurent, quelques hommes trouvèrent mauvais qu’on eût déshonoré des cardinaux et des princes, jusqu’à les mettre à côté de simples artistes.
C’est dans sa recherche du style simple, dans son horreur pour les rhéteurs, pour les pédants, pour ceux qui voulaient enrégimenter les idées, réglementer l’inspiration, et uniformer l’expression de la pensée. […] Malheureusement le grand poète lyrique ne sut pas descendre comme un simple mortel sur le terrain de la critique, et il resta lyrique, même en dogmatisant. […] Il fallait rester simple dans la description de la nature, tout en en faisant ressortir le charme pénétrant, les fraîches senteurs, les splendeurs enivrantes. […] Mais la nouveauté des costumes et des personnages ôtée, approchez, prenez ces scènes, lisez-les, c’est la régularité pompeuse de notre tragédie ; rien de simple, de familier ; nulle naïveté de fanatisme, nulle vérité de crime ne vous transporte dans ce siècle et dans cette cour. […] La ruine du comte George de Germany, le héros du drame moderne, n’est plus une simple espièglerie dont on rit, — c’est la honte et le désespoir.
Ce serait pour nous, Français et catholiques, pis qu’une simple faute contre la charité : ce serait de l’ingratitude. » C’est ce qui nous dispense d’insister sur ses dernières années. […] La place est grande ; l’influence a été, n’est encore, de nos jours même, que trop considérable ; et de plus illustres que Baudelaire, de mieux doués, de plus simples surtout et de plus sains, n’en ont certainement pas exercé de semblable. […] Rien n’est plus simple, on le voit, ni d’ailleurs ne se confectionne à moins de frais. […] Renan, parce que, telles qu’il nous les rapporte, elles sont à la fois plus complexes et plus claires, moins simples, et par cela même plus vraies. […] Combien ici je préfère, aux brillantes variations de l’auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg, la parole toute simple de celui de la Politique tirée des paroles de l’Écriture sainte !
Ce procédé bien simple exclut toute tricherie. […] Bourget croit devoir se reprocher, et qu’il appelle sa volupté préférée ; tout au contraire, l’ensemble m’y apparaît très simple de ligne, très juste de proportions et ne laissant voir de détails que ce qu’il en peut contenir, les fixant chacun à leur plan, dans la dimension qu’impose la perspective. […] Je ne nie pas qu’un roman bien échafaudé, bien construit, ait un grand charme pour moi, mais je dois dire que quelquefois un simple croquis pris sur le vif m’a causé plus de plaisir qu’un tableau longtemps travaillé dans l’atelier. […] « Dès ce moment, la rupture était effectuée et l’axe de l’équilibre européen déplacé. » Le dialogue de cette scène, quoique à peine indiqué et donné comme une simple supposition dans le livre de M. […] Est-ce un simple saltimbanque ?
Les œuvres des gens de « talent » seront depuis longtemps en poudre que celles des gens de la nature, des simples, des mauvais travailleurs, seront encore pleines de force et de jeunesse. […] Pas une hésitation, pas un frisson de peur dans ces cœurs courageux et simples. […] C’est le récit de la vie très simple d’un curé de campagne, qui adore les oiseaux et à qui cette passion occasionne mille tribulations. […] Prudhomme dans leur simple couleur de chair ordinaire, bien qu’un pinceau logique y eût glissé du vrai violet. […] Nous descendîmes à la maison d’Abd el-Kader ; c’est une construction mauresque assez simple, avec la fontaine de marbre et les deux galeries.
La situation lui parut fort simple. […] Simple. — 1891. […] Et sur ce simple titre, tout le monde se tordit sans savoir pourquoi. […] Quelle page d’histoire dans le récit de ce simple chirurgien ! […] Jusque-là tout avait été fait pas la simple pensée, sans qu’il y mît la main.
Créations charmantes et douloureuses de la poésie familière, vous avez une place dans mon imagination fraternelle au-dessous de la simple et sainte Eugénie Grandet. […] Homais, Rodolphe Boulanger, Léon, le comice agricole, ces êtres et ces choses odieux ou ridicules, nous les connaissions déjà, nous les avions rencontrés dans bien des livres, dans de simples croquis même, dans des articles de genre ; nous en avions la perception entière, sur eux M. […] Mais n’eût-il pas été plus simple d’écrire : Le style de Jules Janin est un style à rallonges ? […] La raison en est toute simple. […] Le malheur est qu’ils les font également : rien ne se ressemble comme deux formistes, et cela par la raison toute simple que la forme est chose artificielle et convenue, qui s’apprend comme l’orthographe ou le trapèze.
Schlangenbad est un jardin ravissant ; pas de places, pas de rues, çà et là des maisonnettes propres et simples. […] Et alors, je fais l’enfant, la simple. […] Bastien dit que ce serait de l’art, même si c’était un simple fusain. […] J’aurais un air de bienfaitrice bête, tandis que c’est une chose toute simple entre artistes. […] Alors vous pensez qu’après avoir écrit, rien n’est plus simple que de venir dire : c’est moi.
Et la raison n’en est-elle pas bien simple ? […] C’est bien simple ; je la supprime ; — et du domaine de la réalité, je prends sur moi de la rejeter dans celui de la légende38. […] Par une conséquence de la même transformation, l’intrigue devient plus simple. […] Non, il ne faut pas faire d’un plaisir une fatigue, et une œuvre de théâtre n’est jamais assez claire. — Soyons donc simples pour être clairs, et, pour être simples, soyons vrais ! […] Elles les rediront moins beaux, et peut-être surtout moins simples, mais elles les rediront !
Le langage de Cassius, plus figuré parce qu’il est plus passionné, et d’une élévation moins simple que celui de Brutus, est cependant également exempt de trivialité. […] Cette pièce est une des plus simples de Shakspeare : contre son ordinaire, le poëte est sérieusement occupé de son sujet jusqu’au dernier acte ; et, fidèle à l’unité de son plan, il ne se permet aucune excursion qui nous en éloigne. […] En revanche, l’expression, dans Pétrarque, est presque toujours aussi naturelle que le sentiment est raffiné ; et tandis que Shakspeare présente, sous une forme étrange et affectée, des émotions parfaitement simples et vraies, Pétrarque prête à des émotions mystiques, ou du moins singulières et très-contenues, tout le charme d’une forme simple et pure. […] Qui ne sent combien la forme est plus simple et plus belle dans Pétrarque ? […] Le style de Richard III est assez simple et, si l’on en excepte un ou deux dialogues, il offre peu de ces subtilités qui fatiguent quelquefois dans les plus belles pièces de Shakspeare.
O toi qu’appelle encor ta patrie abaissée, Dans ta tombe précoce à peine refroidi, Sombre amant de la Mort, pauvre Leopardi, Si, pour faire une phrase un peu mieux cadencée, Il t’eût jamais fallu toucher à ta pensée, Qu’aurait-il répondu, ton cœur simple et hardi ? […] de lui que j’ai sous les yeux, et qui a pour titre Supplemento generale a lutte le mie carte, je lis une dernière indication relative à un projet d’hymnes chrétiennes : le simple canevas respire encore les mêmes sentiments de piété affectueuse qu’exprimait la conclusion précédente134 Ce papier doit être d’une date peu postérieure à 1819. […] Il croyait que là seulement l’homme avait eu une vue simple des choses, un déploiement heureux et naturel de ses facultés. […] Souvent, lorsqu’à l’excès le soupir enflammé Ne laisse plus de souffle au mortel consumé, Ou bien le frêle corps, mourant de ce qu’il aime, Sous l’effort du dedans se dissout de lui-même ; Et la Mort, par son frère, en ce cas-là prévaut ; Ou bien l’Amour au fond redouble tant l’assaut, Que, n’y pouvant tenir et fatigués d’attendre, Le simple villageois, la jeune fille tendre, D’une énergique main, jettent leurs nœuds brisés, Et couchent au tombeau leurs membres reposés.
Virginie, Valérie, Nathalie, Sénange, Clermont, Princesse de Clèves, créations enchantées, abaissez-vous, — baissez-vous un peu, pour donner à cette simple, élégante, naïve et généreuse fille, un baiser de sœur ! […] Permets, ma chère Eugénie, que je n’en dise pas davantage jusqu’à ce qu’il se soit un peu débrouillé et que je sois rentrée dans mon état ordinaire, supposé que j’y puisse rentrer. » En extrayant ces simples paroles, je ne puis m’empêcher de remarquer que je les emprunte précisément à l’exemplaire des Lettres Neuchâteloises qui a appartenu à Mme de Montolieu, et je songe au contraste de ce ton parfaitement uni et réel avec le genre romanesque, d’ailleurs fort touchant, de Caroline de Lichtfield. […] Je me perds dans ce vaste Tout si étonnant, je ne dirai pas si sage, je suis trop ignorante ; j’ignore les fins, je ne connais ni les moyens, ni le but, je ne sais pas pourquoi tant de moucherons sont donnés à manger à cette vorace araignée ; mais je regarde, et des heures se passent sans que j’aie pensé à moi, ni à mes puérils chagrins. » Depuis que le panthéisme est devenu chez nous un lieu commun, une thèse romanesque et littéraire, je doute qu’il ait produit quelque chose de plus senti que ces simples mots d’aperçu comme échappés à la rêverie d’une jeune femme227. […] Déjà cette conversation me fait quelque bien ; mais j’étais au désespoir quand je vous voyais tout occupée de vous et d’un certain mérite que vous voulez avoir, et avec lequel vous laisseriez tranquillement souffrir tout le monde… » Ainsi encore, quand Émilie, sur l’aveu de Mme de Vaucourt que ses biens avaient été mal acquis, cherche à lui donner des scrupules, celle-ci, après une justification de son motif, ajoute en souriant : « Cependant, permettez-moi de vous dire que l’on pourrait vous chicaner à votre tour sur bien des choses que vous trouvez toutes simples, et cela parce qu’elles vous conviennent et que vos principes s’y sont pliés peu à peu. — Que voulez-vous dire ?
Honnête homme , au xviie siècle, ne signifiait pas la chose toute simple et toute grave que le mot exprime aujourd’hui. […] Pour lui, il le juge assez au vrai, surtout son style, dont il marque ainsi la physionomie : « On sent son mérite et sa grandeur aux plus petites choses qu’il dit, non pas à parler pompeusement, au contraire sa manière est simple et sans parure, mais à je ne sais quoi de pur et de noble qui vient, de la bonne nourriture41 et de la hauteur du génie. […] Et, voilà bien peu de mots, et bien simples, pour une si grande chose. — César étoit né avec deux passions violentes : la gloire et l’amour, qui l’entraînoient comme deux torrents42… » Quant à Pétrone, il était fort à la mode en ce moment. […] Je ne m’étonne pas que ce grand homme53 ait eu tant d’ennemis ; la véritable vertu se confie en elle-même, elle se montre sans artifice et d’un air simple et naturel, comme celle de Socrate.
Ils y verront les difformités du temps disséquées jusqu’au dernier nerf et jusqu’au dernier muscle, avec un courage ferme et le mépris de la crainte… Ma rigide main a été faite pour saisir le vice d’une prise violente, pour le tordre, pour exprimer la sottise de ces âmes d’éponge qui vont léchant toutes les basses vanités137. » Sans doute un parti pris si fort et si tranché peut nuire au naturel dramatique ; bien souvent les comédies de Jonson sont roides ; ses personnages sont des grotesques, laborieusement construits, simples automates ; le poëte a moins songé à faire des êtres vivants qu’à assommer un vice ; les scènes s’agencent ou se heurtent mécaniquement ; on aperçoit le procédé, on sent partout l’intention satirique ; l’imitation délicate et ondoyante manque, et aussi la verve gracieuse, abondante de Shakspeare. […] Les combattants s’acquittent tour à tour du salut simple, de la révérence empressée, de la déclaration solennelle, de la rencontre finale. […] Car une idée n’est pas un simple chiffre intérieur employé pour noter un aspect des choses, inerte, toujours disposé à s’aligner correctement avec d’autres semblables pour former un total exact. […] Figurez-vous, au lieu de cette pauvre idée sèche, étayée par cette misérable logique d’arpenteur, une image complète, c’est-à-dire une représentation intérieure, si abondante et si pleine qu’elle épuise toutes les propriétés et toutes les attaches de l’objet, tous ses dedans et tous ses dehors ; qu’elle les épuise en un instant ; qu’elle figure l’animal entier, sa couleur, le jeu de la lumière sur son poil, sa forme, le tressaillement de ses membres tendus, l’éclair de ses yeux, et en même temps sa passion présente, son agitation, son élan, puis par-dessous tout cela ses instincts, leur structure, leurs causes, leur passé, en telle sorte que les cent mille caractères qui composent son état et sa nature trouvent leurs correspondants dans l’imagination qui les concentre et les réfléchit : voilà la conception de l’artiste, du poëte, de Shakspeare, si supérieure à celle du logicien, du simple savant ou de l’homme du monde, seule capable de pénétrer jusqu’au fond des êtres, de démêler l’homme intérieur sous l’homme extérieur, de sentir par sympathie et d’imiter sans effort le va-et-vient désordonné des imaginations et des impressions humaines, de reproduire la vie avec ses ondoiements infinis, avec ses contradictions apparentes, avec sa logique cachée, bref de créer comme la nature.
« J’avais désiré et j’ai obtenu que cet ensemble offrît l’aspect sévère et simple d’un tableau flamand, et j’ai pu ainsi faire sortir quelques vérités morales du sein d’une famille grave et honnête ; agiter une question sociale, et en faire découler les idées de ces lèvres qui doivent les trouver sans effort, les faisant naître du sentiment profond de leur position dans la vie. […] « Laurette était ce jour-là si jolie, que je ne voulus pas m’approcher d’elle : elle avait une petite robe blanche toute simple, les bras nus jusqu’au col, et ses grands cheveux tombants comme elle les portait toujours. […] Or, durant quatorze années que j’ai vécu dans l’armée, ce n’est qu’en elle, et surtout dans les rangs dédaignés et pauvres de l’infanterie, que j’ai retrouvé ces hommes de caractère antique, poussant le sentiment du devoir jusqu’à ses dernières conséquences, n’ayant ni remords de l’obéissance ni honte de la pauvreté, simples de mœurs et de langage, fiers de la gloire du pays, et insouciants de la leur propre, s’enfermant avec plaisir dans leur obscurité, et partageant avec les malheureux le pain noir qu’ils payent de leur sang. […] « Pesez ce que vaut, parmi nous, cette expression populaire, universelle, décisive et simple cependant : — Donner sa parole d’honneur.
Mais l’éducation française — et du léger siècle — rendit sa métaphysique fort simple, aisément explicable dans la forme, encore, du Roman. […] D’après Wagner, l’Univers, que nous croyons formé d’êtres multiples, est, dans la réalité, simple et un. […] Heureux est, seul, le Pur Simple, qui s’ignore plus humble. […] Le simple vêtement qui le couvrira lui sera un abri des froidures et des pluies, non l’entrave douloureuse de ses membres.
Et puis l’ambition lui est venue : du moment qu’il n’est plus un simple particulier, jouissant à son gré des douceurs et des agréments de la société, il n’y a plus qu’à être un homme public occupé et utile ; il résume en termes parfaits cette alternative : « Être libre et maître de son loisir, ou remplir son temps par des travaux dont l’État puisse recueillir les fruits, voilà les deux positions qu’un honnête homme doit désirer ; le milieu de cela ressemble à l’anéantissement. » De Versailles, certains ministres, qui craignaient son retour, lui tendaient des pièges ; on employait toutes sortes de manèges dont le détail nous échappe, pour l’immobiliser là-bas dans ses lagunes : « Je vois clairement, disait-il, que, par ces artifices, on trouvera le secret de me faire rester les bras croisés dans mon cul-de-sac. » Duverney le conseillait et le calmait dans ces accès d’impatience, qui sont toujours tempérés de philosophie chez Bernis, et qui ne vont jamais jusqu’à l’irritation : Tout ici-bas dépend des circonstances, lui écrivait Duverney, et ces circonstances ont des révolutions si fréquentes, que ce que l’on peut faire de plus sage est de se préparer à les saisir au moment qu’elles tournent à notre point. […] [NdA] Cela veut dire en termes ecclésiastiques que Bernis prit le premier des ordres majeurs en avril 1755 : il en était encore à ce simple degré de sous-diacre, lorsqu’il fut promu au cardinalat en octobre 1758.
Rien d’abord ne paraît plus simple ; on se met en campagne ; on trouve bien des chemises de gens qui l’offrent d’eux-mêmes, et qui se piquent de parfait bonheur : aucune n’opère. […] Lorsque Horace nous montre le sage qui sait vivre de peu et qui est content si la salière de ses pères brille sur sa petite table (« cui paternum splendet in mensa tenui salinum »), Daru ne nous nomme pas cette salière, il ne la fait pas luire de sa propreté nette et brillante, il se contente de parler en général de table frugale et de simple mets.
Une fois appelé sur le terrain par Balzac et mis en situation de répondre à M. de Girac, il semble qu’il n’y avait rien de plus simple que le rôle de Costar : il n’avait qu’à relever ce qui lui paraissait peu juste dans la critique du savant ami de Balzac, à balancer lui-même les éloges entre le mort et le vivant, et à se faire honneur par un ton d’impartialité généreuse et un air de fidélité envers une chère mémoire. […] Boileau, qui de bonne heure en fut investi, devait rendre au procès son vrai caractère et y apporter la vraie conclusion : il mit les parties dos à dos, et prononça l’arrêt sans appel par un tour, et un procédé bien simple, en contrefaisant la manière de l’un et de l’autre écrivain dans deux lettres charmantes.
Les nombreux amis auxquels il lut, cahier par cahier, ces mémoires dont il était si fier, eurent raison d’en féliciter l’auteur, de lui donner des encouragements et des conseils ; de lui recommander « de les continuer dans le plus grand détail qu’il pourrait », de ne rien retrancher « de ce qui peint l’homme dans les moindres circonstances de sa vie », de ne pas trop céder sur ces points au goût simple et un peu nu du trop classique abbé Fleury, lequel en fut d’ailleurs très satisfait. […] Le prélat était en habits longs violets, soutane et simarre avec des parements, boutons et boutonnières d’écarlate cramoisi : il ne me parut pas à sa ceinture ni glands ni franges d’or, et il y avait A son chapeau un simple cordon de soie verte ; des gants blancs aux mains, et point de canne ni de manteau.
Lui-même Collé, il nous dit et redit tout cela en vingt endroits de son Journal, et comme un Gaulois d’autrefois, dans le langage le plus simple et le plus uni du monde : « Je n’avais de mes jours pensé à être auteur ; le plaisir et la gaîté m’avaient toujours conduit dans tout ce que j’avais composé dans ma jeunesse. […] Il s’appuie d’une opinion de Marivaux qui, ayant connu Rousseau plus jeune et quinze ans avant sa célébrité, lui avait assuré « qu’il l’avait vu l’homme du monde le plus simple, le plus uni et le moins enthousiaste », comme si cet enthousiasme couvant dans l’âme de Rousseau n’avait pas pu se dérober et se cacher à tous jusqu’au jour où il éclata.
Catinat écrivait au roi au mois d’octobre 1694, en insistant sur la nécessité d’assurer ses communications : « Il ne faut plus regarder les Barbets comme les simples Vaudois retirés dans les montagnes : c’est un grand nombre de sujets de Sa Majesté, des vagabonds de toute nation, des déserteurs de ses troupes, qui n’ont ni feu ni lieu, ni établissement, bien armés, bien vêtus, qui pendant douze lieues peuvent entreprendre sur vos convois, sur vos entrepôts. » Il écrivait encore au roi le 25 mars 1695 : « On peut détruire les habitations des Barbets, on ne réduira jamais les Barbets ». […] Ce rapport est des plus simples, et le vainqueur y paraît surtout occupé de rendre justice à tous ; après qu’il a nommé tout le monde, il craint encore d’avoir oublié quelqu’un : « Je puis manquer dans cette Relation, disait-il, à rendre les bons offices que plusieurs particuliers, et même des troupes, méritent dans cette occasion où tout le monde s’est bien employé ; je dois à leur bonne volonté et à leur secours la gloire qui peut retomber sur moi de ce combat. » Il faut lire d’autres relations que la sienne pour apprendre que Catinat, voyant que la lutte s’opiniâtrait, se mit à la tête de troupes fraîches tirées de la brigade Du Plessis-Bellière, les mena à la charge, et décida la victoire.
Soit qu’il fût ou non de bonne foi dans l’ouverture qu’il me faisait, je n’eus garde de la repousser, et je lui dis : « Monsieur, j’ai une telle opinion de vos lumières, que je ne balance pas à croire ce que vous me dites, et je suis très impatient d’attendre ce que vous allez y ajouter. » — « Ce que j’ai à ajouter est fort simple, me dit M. de Mirabeau. […] Demander à l’Assemblée, par une motion spéciale, le rappel à Paris d’un écrivain célèbre, frappé d’un arrêt injuste sous le précédent régime, était chose toute simple et jouable, de la part surtout d’un ami de quinze ans ; mais voir là une occasion de faire la leçon à l’Assemblée, présenter, ériger tout d’un coup un pareil homme en censeur de la Révolution, lui l’écrivain en nom et l’endosseur avoué de tant de tirades révolutionnaires, ce n’était pas une idée heureuse ni un à-propos.
Je vis en entrant une jeune femme aux beaux yeux, au beau front, aux cheveux noirs un peu courts, vêtue d’une sorte de robe de chambre sombre des plus simples. […] Mais il m’a pénétré le cœur comme eût fait le récit d’une vie douloureuse et puissante, dite avec des mots simples et profonds… Comme vous valez mieux que moi, mon ami !
Ce sont des livres qui ne ressemblent pas à des livres, et qui quelquefois même n’en sont pas ; ce sont de simples et discrètes destinées jetées par le hasard dans des sentiers de traverse, hors du grand chemin poudreux de la vie, et qui de là, lorsqu’en s’égarant soi-même on s’en approche, vous saisissent par des parfums suaves et des fleurs toutes naturelles, dont on croyait l’espèce disparue. […] Pour qui se complaît à ces ingénieuses et tendres lectures ; pour qui a jeté quelquefois un coup d’œil de regret, comme le nocher vers le rivage, vers la société dès longtemps fabuleuse des La Fayette et des Sévigné ; pour qui a pardonné beaucoup à Mme de Maintenon, en tenant ses lettres attachantes, si sensées et si unies ; pour qui aurait volontiers partagé en idée avec Mlle de Montpensier cette retraite chimérique et divertissante dont elle propose le tableau à Mme de Motteville, et dans laquelle il y aurait eu toutes sortes de solitaires honnêtes et toutes sortes de conversations permises, des bergers, des moutons, point d’amour, un jeu de mail, et à portée du lieu, en quelque forêt voisine, un couvent de carmélites selon la réforme de sainte Thérèse d’Avila ; pour qui, plus tard, accompagne d’un regard attendri Mlle de Launay, toute jeune fille et pauvre pensionnaire du couvent, au château antique et un peu triste de Silly, aimant le jeune comte, fils de la maison, et s’entretenant de ses dédains avec Mlle de Silly dans une allée du bois, le long d’une charmille, derrière laquelle il les entend ; pour qui s’est fait à la société plus grave de Mme de Lambert, et aux discours nourris de christianisme et d’antiquité qu’elle tient avec Sacy ; pour qui, tour à tour, a suivi Mlle Aïssé à Ablon, où elle sort dès le matin pour tirer aux oiseaux, puis Diderot chez d’Holbach au Granval, ou Jean-Jacques aux pieds de Mme d’Houdetot dans le bosquet ; pour quiconque enfin cherche contre le fracas et la pesanteur de nos jours un rafraîchissement, un refuge passager auprès de ces âmes aimantes et polies des anciennes générations dont le simple langage est déjà loin de nous, comme le genre de vie et de loisir ; pour celui-là, Mlle de Liron n’a qu’à se montrer ; elle est la bienvenue : on la comprendra, on l’aimera ; tout inattendu qu’est son caractère, tout irrégulières que sont ses démarches, tout provincial qu’est parfois son accent, et malgré l’impropriété de quelques locutions que la cour n’a pu polir (puisqu’il n’y a plus de cour), on sentira ce qu’elle vaut, on lui trouvera des sœurs.
IV À l’exception de l’extrême douleur qui brise les cordes de l’instrument et qui leur arrache un cri inarticulé, cri qui n’est ni prose, ni vers, ni chant, ni parole, mais un déchirement convulsif du cœur qui éclate, quand l’émotion de l’homme est modérée et habituelle, l’homme se sert pour l’exprimer d’un langage simple, tempéré et habituel comme son émotion. […] Il ne tarda pas à captiver la cour tout entière, à l’exception des envieux et du roi, qui avait contre le génie les préventions du plus simple bon sens, et qui n’aimait pas qu’on regardât trop un autre homme que lui dans sa cour.
La forme antique, qui lui plaît et qu’il essaie d’imiter ; c’est une forme révélatrice d’un caractère antique, de la gravité simple et de la sublimité habituelle. […] Il veut dégoûter les grands et les hommes d’État de se mettre au-dessus de la simple morale : comment les y décider ?
Le simple sensitif, le dilettante est impuissant à le faire ; même c’est pour lui la plus douloureuse amertume. […] Henry Céard, par la vision aiguë qu’ils découvrent de la vie, par l’impitoyable philosophie qu’il révèlent, par l’eurhythmie de leur composition et la maîtrise de leur style, Les Résignés ne sont pas un simple essai de cet art nouveau, ils en sont le premier, l’incontestable chef-d’œuvre.
Le simple sensitif, le dilettante est impuissant à le faire ; même c’est pour lui la plus douloureuse amertume. […] Henry Céard, par la vision aiguë qu’ils découvrent de la vie, par l’impitoyable philosophie qu’ils révèlent, par l’eurhythmie de leur composition et la maîtrise de leur style, les Résignés ne sont pas un simple essai de cet art nouveau, ils en sont le premier, l’incontestable chef-d’œuvre.
Il leur parla du christianisme, de Tacite, de cet historien, l’effroi des tyrans, dont il prononçait le nom sans peur, disait-il en souriant ; soutint que Tacite avait chargé un peu le sombre tableau de son temps, et qu’il n’était pas un peintre assez simple pour être tout à fait vrai. […] J’ai vu quelques bons esprits partager cette idée de Napoléon, que Tacite, dans ses tableaux, a peut-être un peu forcé les couleurs, et qu’il n’était pas assez simple pour être tout à fait vrai.
Elle n’était pas précisément simple, tout en étant très naturelle. […] aux aimables personnes de notre nation : c’est une simple remarque que d’autres ont exprimée avant moi.
Il est tout simple que l’adversité dérange des esprits qui n’y ont pas été élevés ; il est tout simple qu’elle ne leur ait donné ni une leçon, ni une idée, ni une notion de rien.
Lorsqu’elle revient à la Cour en 1643, Mme de Motteville nous décrit les divers personnages en scène, les divers intérêts des cabales ; elle se montre à nous au milieu de ces grandes intrigues comme un simple spectateur placé dans un coin de la meilleure loge et parfaitement désintéressé : Ainsi je ne songeais pour lors qu’à me divertir de tout ce que je voyais, comme d’une belle comédie qui se jouait devant mes yeux, où je n’avais nul intérêt. — Les cabinets des rois, dit-elle encore, sont des théâtres où se jouent continuellement des pièces qui occupent tout le monde ; il y en a qui sont simplement comiques ; il y en a aussi de tragiques dont les plus grands événements sont toujours causés par des bagatelles. […] Cette Renommée qui est une grande causeuse me rappelle une des grâces du style de Mme de Motteville, style simple, assez uni, assez peu correct dans l’arrangement des phrases, retouché peut-être en bien des endroits par l’éditeur, mais excellent et bien à elle pour le fond de la langue et de l’expression.
Augustin Thierry, qu’on a pu appeler « un traducteur de génie des anciens chroniqueurs », et qui a porté dans cette mise en œuvre le sentiment simple de l’épopée. […] Ses articles étaient courts pour la plupart ; ce sont de simples entrefilets.
— Nous ne croirons pas que notre imagination s’élance au-delà des temps pour nous fournir un simple jouet ; nous ne valions pas la peine d’être trompés, de l’être avec tant d’éclat, si nous ne devions avoir qu’une existence éphémère. […] Mais comme le génie d’une nation, à la longue, l’emporte toujours, il s’est trouvé que, peu à peu, le simple usage a ramené la netteté et a rétabli le courant.
Tête faible, mais saine, Hurter aime l’ordre, comme toute tête saine doit l’aimer, et cette autorité des Papes, de ces grands juges de paix de la chrétienté au Moyen Âge, qui pouvaient le réaliser d’une façon si simple et si rapide, lui paraît une belle et regrettable chose. […] Çà et là on rencontre des choses incroyables, des paradoxes dépaysés et que cet honnête Hurter vous dit de l’air le plus simple du monde.
Comme beaucoup d’autres dieux déconfits par la révolution de Février, je dus abdiquer ma divinité et je redescendis à l’état de simple mortel. […] supérieur peut-être aux martyrs de Dieu par la souffrance ; car les martyrs de Dieu ont l’extase qui les arrache à leurs bourreaux, en leur entr’ouvrant le ciel sur la tête, et qui peut miraculeusement changer leurs brasiers en des lits de roses, tandis que pour ces simples Déchirés de la vie à l’inspiration éternelle, des roses, de la masse de roses qui fleurissent dans leurs esprits et qu’ils sèment pour nous dans leurs œuvres, pas une seule ne tombe sur leur lit de douleur pour en atténuer la flamme, et il reste pour eux impitoyablement un lit de feu… Oui !
Aucune peine ne l’affligeant, son visage était simple et uni, et le rire qui agite maintenant les nations ne déformait point les traits de sa face. […] La caricature est double : le dessin et l’idée : le dessin violent, l’idée mordante et voilée ; complication d’éléments pénibles pour un esprit naïf, accoutumé à comprendre d’intuition des choses simples comme lui.
De ce que la « recherche psychique » ne peut pas procéder comme la physique et la chimie, on conclut qu’elle n’est pas scientifique ; et comme le « phénomène psychique » n’a pas encore pris la forme simple et abstraite qui ouvre à un fait l’accès du laboratoire, volontiers on le déclarerait irréel. […] Au contraire, les maladies de la mémoire des mots — ou, comme on dit, les aphasies — correspondent à la lésion de certaines circonvolutions cérébrales : de sorte qu’on a pu considérer la mémoire comme une simple fonction du cerveau et croire que les souvenirs visuels, auditifs, moteurs des mots étaient déposés à l’intérieur de l’écorce — clichés photographiques qui conserveraient des impressions lumineuses, disques phonographiques qui enregistreraient des vibrations sonores.