/ 1822
1180. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Il n’y a là-dedans ni sentiment, ni passion, ni roman, ni drame, ni comédie. […] Il se peut qu’on ait droit de le faire : en tout cas, on ne pourra contester qu’il y ait un art réaliste ; et c’est cet art réaliste qui a produit au xviie  siècle les vers de Boileau, comme ailleurs il a produit des tableaux et des romans.

1181. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

C’est ainsi que les histoires nous plaisent par la variété des récits, les romans par la variété des prodiges, les pieces de théatre par la variété des passions, & que ceux qui savent instruire modifient le plus qu’ils peuvent le ton uniforme de l’instruction. […] L’ame est étonnée de ce contraste romanesque, de rappeller avec plaisir les merveilles des romans, où après avoir passé par des rochers & des pays arides, on se trouve dans un lieu fait pour les fées.

1182. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Dans les quelques pièces de Marot, d’où l’on a tiré le roman de ses amours avec Marguerite, celle-ci serait désignée sous le nom d’Anne. […] Marot commença par imiter les allégories du Roman de la Rose, et ces tours d’adresse malheureux du xve  siècle, rimes fraternisées, brisées, équivoquées couronnées battelées (vrais tours de bateleurs), vers rétrogrades ou à double face où excellait Guillaume Crétin, Le bon Cretin, aux vers eguivoques.

1183. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Quand donc nous fera-t-on aussi le roman réaliste du bien ? […] Emmeline Nadaud existe aussi bien que telle héroïne pervertie de tel roman pris surnature.

1184. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Huet, évêque d’Avranches, écrit sur le roman une lettre-préface, et c’est pour imposer des règles au roman.

1185. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Dans ses lettres à Ménage, il associe et mêle perpétuellement dans un même hommage et dans une commune admiration Mlle de Scudéry et Mme de La Fayette, c’est-à-dire celle qui égara et noya le roman dans les fadeurs, et celle qui le réforma avec tant de justesse et de goût. Pourtant Huet devait apprécier, ce semble, Mme de La Fayette ; c’est pour lui complaire qu’il écrivit sa dissertation De l’origine des romans, qui parut d’abord en tête de l’histoire de Zayde, qu’elle avait composée.

1186. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

» Mais Goethe est comme Jean-Jacques, comme tout poète : il est amoureux ; mais amoureux de l’héroïne de son roman et de son rêve. […] Il composait durant ce temps-là, durant les jours de Wagram, son froid roman des Affinités électives, afin de détourner sa pensée des malheurs du temps.

1187. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Et embrassant lui-même d’un coup d’œil toute sa vie, il se rappelait avec fierté les deux grandes guerres auxquelles il avait pris part depuis 1688 jusqu’en 1714, celles de Hongrie et de Sicile où il s’était distingué en chef depuis 1716 jusqu’en 1719, la connaissance où il avait été des conseils et des résolutions importantes prises par les plus grands personnages politiques dans tout le temps de cette vie active à l’étranger ; il se représentait ce que pourrait être un tableau ainsi tracé de sa main : Vous jugerez bien, ajoutait-il, que les mémoires d’un homme tel que moi auraient plus de consistance que les romans qu’on m’a faussement attribués. […] Ces articles du lundi ont souvent provoqué des éditions et réimpressions d’ouvrages dont j’avais parlé avec éloge ; cette fois ça été mieux, et il en est sorti toute une aimable inspiration, tout un roman : La Comtesse de Bonneval, histoire du temps de Louis XIV, par lady Georgina Fullerton, livre délicat dans lequel une plume toute française, qu’on dirait contemporaine des personnages qu’elle produit, s’est plu à retracer, à restituer l’enfance de Judith de Biron, à nous raconter les sentiments de la jeune fille ayant son mariage avec le comte de Bonneval, de telle sorte que les lettres qu’on a d’elle n’en soient plus qu’une suite naturelle et qu’on y arrive tout préparé.

1188. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Dans notre jeunesse, et quand le Moyen Âge était à la mode, je me rappelle avoir entendu regretter, au sujet de Volney, qu’au lieu de ce nom qui siérait aussi bien à un personnage de roman, il n’eût point gardé ce premier nom pittoresque de Chassebœuf, qui rappelait un chevalier et haut baron poursuivant dans la plaine le vilain et piquant les troupeaux de sa lance : mais le commun du monde y voyait naturellement le vilain et le bouvier encore plus que le chevalier. […] Volney a peur de tout ce qui est charme ; il semble craindre toujours de rien ajouter aux choses, et de présenter les objets d’une manière trop attachante : Je me suis interdit tout tableau d’imagination, dit-il, quoique je n’ignore pas les avantages de l’illusion auprès de la plupart des lecteurs ; mais j’ai pensé que le genre des voyages appartenait à l’histoire et non aux romans.

1189. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Quand on se rappelle que cette qualité est si rare en Allemagne, qu’il ne la partage qu’avec Lessing, que Goethe lui-même gâte ses romans par d’interminables suites, que le second Meister fait regretter la vérité sereine et profonde du premier, que Jean Paul est illisible, et Immermann incohérent, Hoffmann diffus et lâche, on aperçoit combien est rare et d’emprunt le mérite que s’est acquis Heine par la juste mesure de ses écrits. […] Sur ce prototype de tous les romans, Heine a brodé de nouvelles et charmantes variations dans tous ses poèmes.

1190. (1694) Des ouvrages de l’esprit

L’autre, sans choix, sans exactitude, d’une plume libre et inégale, tantôt charge ses descriptions, s’appesantit sur les détails : il fait une anatomie ; tantôt il feint, il exagère, il passe le vrai dans la nature : il en fait le roman. […] Il semble que le roman et la comédie pourraient être aussi utiles qu’ils sont nuisibles ; l’on y voit de si grands exemples de constance, de vertu, de tendresse et de désintéressement, de si beaux et de si parfaits caractères, que quand une jeune personne jette de là sa vue sur tout ce qui l’entoure, ne trouvant que des sujets indignes et fort au-dessous de ce qu’elle vient d’admirer, je m’étonne qu’elle soit capable pour eux de la moindre faiblesse.

1191. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Cette soudaineté initiale, quasi explosive, qui offre plus d’une analogie avec la fécondation sexuelle, assure l’unité du roman, de l’ouvrage de critique, du drame ou du poème. […] Très bien, mais que reste-t-il de ses copieux romans et de ses burlesques drames, et qu’en restera-t-il dans vingt ans ? […] Un personnage de l’Immortel (le célèbre roman d’Alphonse Daudet) déclare, à un moment donné, que « les corps constitués sont lâches ». […] Il y avait certes un substratum, réel et génial, dans le magnifique roman scientifique, échafaudé par l’esprit de Pasteur et embaumé dans son Institut. […] Mais ils ne se sont pas méfiés de leur temps, ni de leurs élèves, qui ont déifié leurs romans, et les ont rangés tout de suite dans la catégorie de l’absolu.

1192. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

Je suis resté, jusqu’à la fin, plus fidèle à sa poésie qu’à sa prose et à ses romans ou à ses drames.

1193. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Je n’ai traité ni de son théâtre, ni de ses derniers romans, ni d’aucun de ses recueils poétiques postérieurs à 1835, ou s’il m’est arrivé d’écrire pour moi quelque chose, je l’ai supprimé.

1194. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Mais de plus, avant le roman contemporain, avant le théâtre du XVIIc siècle et les Caractères de La Bruyère, le Plutarque français fut le recueil des gestes, attitudes, et physionomies d’individus en qui l’humanité réalise la diversité de ses types : ainsi fut-il un répertoire de sujets dramatiques.

1195. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Nous n’aurions pas eu d’école romane.

1196. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Ronsard, qui a déclenché l’évolution parnassienne, va, tout à l’heure, après les excès symbolistes, déclencher la réaction romane ; — Théophile Gautier emporte avec lui la théorie de l’impassibilité dont Heredia sera le dernier représentant ; — Sarah Bernhardt ouvre, pour les poètes qu’elle favorisera, l’ère de la réclame et du brait.

1197. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

Quand les qualités d’ordonnance qui forment la base du caractère français (cela apparaît assez dans notre architecture, la symétrie de nos jardins taillés et les lois de notre équilibre, auxquelles se sont toujours soumis nos grands écrivains classiques) ; quand ces qualités d’ordonnance semblaient tout à fait détruites, au contact de poètes allemands si incohérents dans leur frénésie, Zola en garda le goût, et ses romans en portent l’empreinte.

1198. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

On en conclut que Descartes étoit un très-beau génie, mais qu’il n’est guéres sorti de sa tête que des romans de Philosophie.

1199. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Premier tableau » pp. 180-195

. — Une malle devant la cheminée ; à terre, cinq chaussettes, une botte dépenaillée s’échappant d’un lambeau de journal, deux ou trois chemises finissant à la ceinture… Tout ce qu’il faut enfin pour écrire un roman réaliste. — Midi sonne à l’estomac du locataire.

1200. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Ce que je lui reproche, c’est de ne traîner dans tout son livre, qui commence par cette eau-forte des Réfractaires suivie de l’eau faible des Irréguliers de Paris, qui sont encore des réfractaires, mais des clairs de lune de réfractaires, et qui finit par ce roman de pitres et de monstres, qui sont des réfractaires encore, mais, ceux-là, descendus à la plus basse puissance du dégoût ; oui !

1201. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Nous ne parlons pas du Sacrifice d’Abraham, une grande diablesse d’histoire dont Rembrandt est le héros, laquelle n’a pas de raison pour être plutôt dans ce volume que dans tout autre volume de nouvelles, et qui en aurait une que je sais bien de n’y être pas… Enfin, dans les Contes de la montagne, où l’auteur se détire de son fantastique et commence de s’en dégager, vous ne trouverez que deux contes de cette espèce : Le Violon du pendu et L’Héritage de mon oncle Christian, aussi faibles d’ailleurs que tout le reste ; car pour le Conte qui a presque proportion de roman, et qui envahit, à lui seul, tout le volume, ce très beau Conte de Hugues-le-Loup, je ne le mets point parmi les tentatives fantastiques de l’auteur, malgré la donnée somnambulique qui en fait le dénouement et qui a été si rabâchée depuis Shakespeare, mais je le place plutôt parmi les autres récits, où le talent d’Erckmann-Chatrian, son talent réel et lumineux, — son talent antifantastique — s’est montré avec le plus de suite et d’éclats.

1202. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

Dans ce temps-là, j’écrivais : « La religion et la philosophie sont produites par des facultés qui s’excluent réciproquement, se déclarent impuissantes… Le système qui essayerait de les réconcilier et de les confondre ne sera jamais qu’un roman. » J’allais même plus loin, et je disais : « Affirmer qu’une doctrine est vraie parce qu’elle est utile ou belle, c’est la ranger parmi les machines du gouvernement, ou parmi les inventions de la poésie3‌. » Eh bien !

1203. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Paul Hervieu avait fait de L’Armature un roman à clé. […] C’est donc à la caractéristique odeur des cœurs imaginés du roman, qu’ils ont reconnu l’odeur de leur propre cœur. […] La Faim est le roman d’un jeune homme qui a faim, voilà tout, qui passe des jours et des jours sans manger, et qui n’a pas une plainte, et qui n’a pas une haine. […] Georges Duval, de tous les messieurs Georges Duval de la poésie, du roman et de la peinture. […] Lucien Muhlfeld appliquerait ses qualités au roman.

1204. (1903) Propos de théâtre. Première série

Pour eux, un roman ou un drame, c’est la même chose littéralement. Un drame est un roman débité par des acteurs, rien autre. […] Un roman change de lieu selon les besoins, un drame en fait tout autant. […] Voilà une jeune fille qui n’est pas une héroïne de roman, au moins. […] Elle est farcie de romans, comme Cathos.

1205. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

rien du symbolisme ni de l’École romane, son avatar tout frais pondu. […] Qu’on se reporte aux tout à fait premières œuvres, la Robe du moine, Ludine, et qu’on se rappelle les d’ailleurs très simples et très intéressantes affabulations de ces romans. […] Je ne sache rien, sauf l’Iliade et quelques très rares histoires justement classiques, de plus ennuyeux, les contes de fées ou alors et surtout la Vie des Saints, pieux roman armé de toutes pièces avec les nécessaires épisodes et l’indispensable et détestable Psychologie. […] Il y a quelque peu trop de Gothique chez nos voisins (et cependant même leur Gothique moderne est plein de charme) tout comme chez nous se voit beaucoup trop de Roman ! […] *** Le Roman avait toujours tenté Vermersch.

1206. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

II Si vous ajoutez à cela le goût passionné et intelligent des lettres qu’il avait puisé dans la société des philosophes, des orateurs, des écrivains de l’Assemblée constituante ou de madame de Staël, son amie de jeunesse, et si vous revêtez ces qualités du cœur et de l’âme de l’extérieur d’un héros de roman sous le plus beau nom de France, vous comprendrez l’homme. […] Le prince Auguste, neveu du grand Frédéric, était jeune et beau comme un héros de guerre et de roman. […] Les plus assidus alors étaient : le comte de Bristol, frère de la duchesse de Devonshire ; l’illustre et élégant chimiste anglais Davy ; miss Edgeworth, auteur de romans de mœurs ; Alexandre de Humboldt, l’homme universel et insinuant, recherchant de l’intimité et de la gloire dans toutes les opinions et dans tous les salons propres à répandre l’admiration dont il était affamé ; M. de Kératry, écrivain et publiciste de bonne foi ; M. 

1207. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Car si je vous dis que le caractère d’une époque poétique est tel ou tel, et que vous me citiez en opposition des auteurs dramatiques ou des romanciers, il faudra bien que je cherche ce qu’il y a de plus poétique en eux, la pensée avec laquelle ils font du drame et des caractères, il faudra bien que je leur demande leur pensée lyrique ; ce qui suppose que nous nous entendons, moi et le lecteur, sur cette question : À quelle condition le drame et le roman sont-ils de l’art ? […] Il n’a manqué à leurs auteurs que d’avoir été élevés dans quelque pays de civilisation arriérée, et nourris dès leur enfance de ballades et d’histoires merveilleuses : avec cela ils auraient pu faire des romans historiques, non seulement sur les traditions de leur nourrice, mais sur d’autres pays et d’autres temps. […] Byron dans tous ses ouvrages et dans toute sa vie, Goethe dans Werther et Faust, Schiller dans les drames de sa jeunesse, Chateaubriand dans René, Benjamin Constant dans Adolphe, Senancourf dans Oberman, Sainte-Beuve dans le livre que nous venons de caractériser, une innombrable foule d’écrivains anglais et allemands, et toute cette littérature de verve délirante, d’audacieuse impiété et d’affreux désespoir qui remplit aujourd’hui nos romans, nos drames et tous nos livres, voilà l’école ou plutôt la famille de poètes que nous appelons Byronienne : poésie inspirée par le sentiment vif et profond de la réalité actuelle, c’est-à-dire de l’état d’anarchie, de doute et de désordre où l’esprit humain est aujourd’hui plongé par suite de la destruction de l’ancien ordre social et religieux (l’ordre théologique-féodal) et de la proclamation du principe de l’Égalité, qui doit engendrer une société nouvelle.

1208. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Cela n’est pas seulement visible dans cette espèce de roman historique qui se nomme la Cyropédie ; on le reconnaît également dans les Helléniques, dans la Retraite des dix mille, dans les Républiques de Sparte et d’Athènes. […] A qui veut voir dans leur intime personnalité tous ces acteurs de l’histoire ancienne, un grand et beau livre est ouvert, ni histoire ni roman, dans lequel se résume toute la pensée des historiens de l’antiquité. […] Le mot de Charles Nodier, attribué à Mme de Staël, est devenu de plus en plus, par les études de la critique esthétique, la formule de cette méthode : « La littérature est l’expression de la société. » Là surtout la réalité esthétique, art, éloquence, poésie, roman, n’est plus considérée seulement comme une œuvre libre et toute personnelle du génie d’un homme, ainsi que l’avaient compris Platon, Aristote, Horace, Quintilien, dans l’antiquité.

1209. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Ce sont des lettres de toutes sortes de personnages, ecclésiastiques, gens du peuple, hommes du monde, qui chacun gardent leur style et déguisent le conseil sous l’apparence d’un petit roman. […] Il y en a plusieurs dans Addison : l’observateur taciturne, William Honeycomb, le campagnard tory, sir Roger de Coverley, qui ne sont pas des thèses satiriques, comme celles de La Bruyère, mais de véritables individus semblables et parfois égaux aux personnages des grands romans contemporains. En effet, sans s’en douter, il invente le roman en même temps et de la même façon que ses voisins les plus illustres. […] Addison revient vingt fois sur son vieux chevalier, découvrant toujours quelque nouvel aspect de son caractère, observateur désintéressé de la nature humaine, curieusement assidu et perspicace, véritablement créateur, n’ayant plus qu’un pas à faire pour se lancer, comme Richardson et Fielding, dans la grande œuvre des lettres modernes, qui est le roman de mœurs.

1210. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Qu’est-ce que le Télémaque, sinon le premier roman philosophique de notre langue ? […] La morale de Mentor est celle des Directions pour la conscience d’un roi, et le trop grand nombre de prescriptions fatigue dans le roman comme dans l’ouvrage de direction. Télémaque en est accablé, et peut-être faut-il voir une image du découragement où tombait le duc de Bourgogne lui-même, dans cette tristesse du fils d’Ulysse disant naïvement à Mentor : « Si toutes ces choses sont vraies, l’état d’un roi est bien malheureux ; il est l’homme le moins libre et le moins tranquille de son royaume : c’est un esclave qui sacrifie son repos pour la liberté et la félicité publiques174. » Ce mélange du roman et de l’allusion dans le Télémaque est une des causes du froid qu’on y sent, quoique le plan en soit si heureux, les incidents si variés, et que l’ouvrage soit écrit de verve. […] L’objet du roman y fait excuser pareillement le mélange des deux morales.

1211. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

S’il insiste, à la fin, sur le caractère extérieur de la voix qu’il vient d’interpréter, c’est en des termes où la métaphore n’est pas douteuse : « Sache, mon ami, que je crois entendre ces choses, comme les Corybantes croient entendre les flûtes ; le son de ces discours retentit en moi […] et m’empêche d’en entendre aucun autre ; ainsi…, tout ce que tu me diras contre, tu le diras en vain. » Socrate symbolise par une feinte hallucination l’inébranlable conviction qui l’anime ; ce qu’il fait entendre à Criton par ce détour se dirait ainsi en langage exact : « Toutes ces raisons, je les conçois si fortement que je ne puis même arrêter mon esprit sur les objections que tu voudrais m’opposer. » La parole intérieure morale, avec son apparente extériorité, est un fait psychique naturel, fréquent surtout aux époques primitives ; la voix d’un dieu apparent ou caché en est l’imitation consacrée dans les ouvrages d’imagination (drame, épopée, roman) ; la prosopopée remplit le même office dans les ouvrages où l’écrivain parle en son nom propre ; le fait ne contenant qu’un précepte catégorique, sans motifs à l’appui, l’art de l’écrivain ajoute ces motifs et les développe en conservant au discours sa forme extérieure. […]  » On passe en souriant, non sans pitié pour « ces inconscients possédés d’une idée fixe, que le rêve conduit, tirés par une laisse invisible. » « Un matin que notre imaginaire avait quitté sa maison à l’heure habituelle, il commença au détour de la rue Saint-Ferdinand un de ses petits romans intimes. […] Il rêve éveillé ; entre son rêve et ceux qu’il fait endormi, il n’y a d’autre différence que la vraisemblance ; les rêves du sommeil sont toujours incohérents, ils n’imitent pas vraiment la réalité, car, pendant la durée du sommeil, les lois de la nature sont suspendues ; tandis que les rêves de l’homme éveillé sont des drames analogues à ceux que le roman raconte ou que le théâtre représente aux yeux, avec cette différence que l’auteur même du drame y joue toujours le rôle principal. […] Roman ayant eu un grand succès.

1212. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Lefèvre (1842) les Odes d’Anacréon, et pour le volume des Romans grecs, publié par le même éditeur, ce joli conte de L’Âne, attribué à Lucius de Patras ; il a traduit Properce en prose dans la collection des Auteurs latins, dirigée par M. 

1213. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Nous parlions tout-à-l’heure de l’ancien Balzac ; mais qu’on lise le Balzac d’aujourd’hui, le fécond auteur de tant de romans bien commencés et mal finis.

1214. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Denis et de la littérature portugaise, et des ouvrages du poète, il devait oser se passer des combinaisons du roman, et ne chercher l’intérêt que dans la simple réalité.

1215. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Les sujets de ces « romans » en vers étaient presque tous tirés de l’histoire moderne, et ornés d’un « merveilleux » emprunté à la religion chrétienne.

1216. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

L’effet de ce petit roman fut immense en 1787.

1217. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Tel est le fond du poème, tel est le motif de roman ou de romance qui, par le détail, devient épique et qui fait jaillir de la pensée du poète tout un monde grandiose, passionné, héroïque, infini, où passent des lueurs à la

1218. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Paul Bourget Après les poésies, après les romans, voici que paraît le Journal d’un poète, ce précieux recueil de pensées intimes, choisies, avec un tact irréprochable, dans les papiers de l’écrivain mort, par M. 

1219. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

« Puis un roman, tout d’analyses et de notules psychologiques.

1220. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Dans la seconde moitié du siècle dernier renaissent en France des goûts qu’on n’y connaissait plus ; on s’y éprend à la fois des voyages, de l’agriculture, des idylles, des jardins anglais, des romans champêtres, des sites sauvages qualifiés de « romantiques », des tableaux représentant la vie du village : choses d’ordre différent, mais qui se ressemblent et qu’on peut réunir sous une seule formule en disant : la France revient à la nature extérieure.

1221. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

« Il y a l’École romane on l’on t’apprendrait à tisser des tapisseries avec de vieilles laines et des ors ternis, où l’on t’imposerait le respect des mythologies défraîchies — ou tu deviendrais un néo-grec douteux et un gracculus véritable.

1222. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

On ne peut reprocher un anachronisme à un Roman historique ; cependant la transposition de certains faits en change tout-à-fait le caractère et leur fait perdre l’importance qu’ils tiennent souvent de leur enchaînement à d’autres qui suivent ou qui précèdent.

1223. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Les Grecs l’avoient rejetée, comme indigne de la majesté de Melpomene ; & Racine en a fait le principal ressort de ses Pieces : ce qui leur donne un air de Roman, & annonce trop la marche de l’intrigue.

1224. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

La preuve en est qu’on trouve dans les chansons de geste — voire le roman de Pépin et de Berte — de longues laisses monorimes ; je dis monorimes.

1225. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

Son ouvrage comprend la belle littérature, les productions agréables, telles que les histoires, les romans, les brochures, les piéces d’éloquence & de poésie, les ouvrages dramatiques, particuliérement la musique, la peinture, la sculpture, l’architecture, en un mot, ce qu’on entend par belles-lettres & beaux arts.

1226. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Sur le pupitre vert placé devant lui sa main tient encore la lettre perfide : « Citoyen, il suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre bienveillance. » L’eau de la baignoire est rougie de sang, le papier est sanglant ; à terre gît un grand couteau de cuisine trempé de sang ; sur un misérable support de planches qui composait le mobilier de travail de l’infatigable journaliste, on lit : « A Marat, David. » Tous ces détails sont historiques et réels, comme un roman de Balzac ; le drame est là, vivant dans toute sa lamentable horreur, et par un tour de force étrange qui fait de cette peinture le chef-d’œuvre de David et une des grandes curiosités de l’art moderne, elle n’a rien de trivial ni d’ignoble.

1227. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

On en fit des sermons et des réquisitoires ; On en fit des romans, on en fit des histoires ; Et la gauche et la droite, adoptant ce jargon, En font à la tribune au nez de Cicéron.

1228. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

C’est, par endroits, le roman mondain dans toute sa grâce, dans toute son indiscrétion. […] Est-ce le roman d’un romancier ? […] qui nous rendra le roman qui allège le poids du jour, le rêve qui éblouit, l’illusion plus réelle que la réalité, la chanson qui berce la misère humaine, le beau livre d’images qui fait pleurer et qui console ? […] Ceci, c’est un roman religieux. […] Il écrivit, en ce temps-là, un roman, l’Art en exil, où il criait son violent désir de gloire, et dénonçait la torpeur malfaisante des petites villes.

1229. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

On désirait avoir un roman du spirituel conteur. […] Une fois qu’il a abordé ce sujet, on ne peut plus le lui faire abandonner, ou bien alors c’est un travail aussi difficile que de faire quitter le piano à un pianiste qui s’est fait prier pour s’y mettre, et ils se font tous prier. — Roman, théâtre, critique, il a tout vu, tout lu. Il est même dans le secret des ouvrages inédits— il assistait le matin à la lecture intime du roman de notre célèbre romancier… . […] Il fait du roman et de la nouvelle. […] Le caudataire intime obtiendra alors de temps en temps une mention dans un roman.

1230. (1900) Molière pp. -283

Est-il possible de peindre l’effet des romans mauvais, des romans extravagants, par une circonstance plus saisissante ? […] Je ne crois pas, bien entendu, que l’émancipation de la famille et des rapports de famille date seulement de Molière ; cela date de bien plus haut chez les peuples d’origine romane. […] Vous le connaissez tous, vous avez assisté à son éclosion et à ses manifestations dans la vie de tous les jours, dans le drame ou le roman de tous les jours. […] Tout vieillit, tout s’épuise, même le roman historique et le roman bourgeois, nouveau-venus parmi nous, qui n’ont voulu connaître aucune règle, et qui tombent, frappés de langueur, pour avoir usé de la jeunesse avec trop de force et de liberté. […] ——— De certaines femmes romanesques et vaines savent calculer leurs romans sans faire tort à leur vanité.

1231. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

J’y avais, je crois, déjà critiqué Balzac, ou ne l’avais pas loué suffisamment pour quelqu’un de ses romans, et, dans un de ces accès d’amour-propre qui lui étaient ordinaires, il s’était écrié : « Je lui passerai ma plume au travers du corps. » Je n’attribue pas exclusivement à ces diverses raisons le succès moindre des Pensées d’Août ; mais à coup sûr elles furent pour quelque chose dans l’accueil tout à fait hostile et sauvage qu’on fit à un Recueil qui se recommandait par des tentatives d’art, incomplètes sans doute, mais neuves et sincères. […] Sainte-Beuve publiait un roman en deux volumes in-8° qui avait titre Volupté. […] Villemain, etc. ; une surtout qui, sous forme de lettre, est la critique la plus complète et peut-être la plus remarquable qu’on ait écrite sur le roman de Volupté, due à la plume du marquis Aynard de La Tour du Pin (mor depuis colonel) 17.

1232. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

e Rémusat proclamait récemment la première des femmes, en est atteinte ; et, sans sortir de notre connaissance et de notre littérature, je retrouve quelques traits irrécusables chez un certain nombre de personnages de la réalité ou du roman (j’aime à les confondre), chez Louise Labé, chez la Religieuse portugaise, la princesse de Clèves, Des Grieux, le chevalier d’Aydie, mademoiselle de Lespinasse, Virginie, Velléda, Amélie. […] Je me rappelle, dans un roman, dans la Princesse de Clèves, une situation assez analogue à celle qu’on vient de voir. […] Et qu’on ne dise pas que les amants sont assis et non debout, et que c’est dans un roman et non dans un poëme que je prends mon exemple ; on ne dirait pas mieux ni par d’autres images s’ils étaient debout ; on dirait moins bien dans un poëme, à moins de sortir du cadre convenu.

1233. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Baudelaire, qui a pris possession du poète et du conteur américain par sa manière de le traduire, doit nous donner successivement, ses œuvres complètes : d’abord la suite des Contes dont nous avons le commencement, et qu’il fera précéder de l’analyse des opinions littéraires et philosophiques de l’auteur, puis le poème d’Eureka et le roman d’Arthur Gordon Pym, et enfin, pour le petit nombre d’esprits à qui la poésie est encore chère dans sa forme et dans son essence, des poésies individuelles. […] IX Et, en effet, l’originalité vraie d’Edgar Poe, ce qui lui gardera une place visible dans l’Histoire littéraire du xixe  siècle, c’est le procédé qu’on retrouve partout dans ses œuvres, aussi bien dans son roman d’Arthur Gordon Pym que dans ses Histoires extraordinaires, et qui fait du poète et du conteur américain ce qu’il est, c’est-à-dire le plus énergique des artistes volontaires, la volonté la plus étonnamment acharnée, froidissant l’inspiration pour y ajouter. […] Il y aurait quelque chose de plus à faire que ses Contes, ce serait sa propre analyse, mais pour cela, il faudrait son genre de talent… Quand on résume cette curieuse et excentrique individualité littéraire, ce fantastique, en ronde bosse, de la réalité cruelle, près duquel Hoffmann n’est que la silhouette vague de la fumée d’une pipe sur un mur de tabagie, il est évident qu’Edgar Poe a le spleen dans des proportions désespérées, et qu’il en décrit férocement les phases, la montre à la main, dans des romans qui sont son histoire.

1234. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

C’est une branche charmante et bien variée de la littérature française dès le Moyen Âge que le conte, depuis les auteurs de fabliaux jusqu’à La Fontaine, en passant par les nouvelles de la cour de Bourgogne, par les jolis romans d’Antoine de La Sale, par les contes de Marguerite de Navarre, de Des Périers. […] Mais voilà, quand les batailles du roi sont bel et bien ordonnées (trois grosses batailles et deux moindres, mais d’élite, placées en tête), voilà qu’arrive au galop, piquant des deux et venant de Poitiers, le bon cardinal de Périgord, qui va se démener tout le jour à vouloir faire la trêve entre les deux armées : rôle honorable, mais vain, et qui le fait un peu ressembler à l’archevêque Turpin dans les romans des douze pairs26.

1235. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Un jour à Coppet, en 1672, c’est-à-dire à vingt-cinq ans, dans son moment de plus grande galanterie, il prêta à une demoiselle le roman de Zayde ; mais celle-ci ne le lui rendait pas : « Fâché de voir lire si lentement un livre, « je lui ai dit cent fois le tardigrada, domiporta et ce qui s’ensuit, avec quoi on se moque de la tortue. […] La Fleur des Pois, un de ces romans à la Balzac, qui promettent et qui ne tiennent pas.

1236. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Je trouve Zadig et Candide, que nous avons tous lus, messieurs (tous ceux du moins qui ont eu le loisir de lire), deux romans philosophiques qui ont paru à beaucoup de bons esprits les productions d’une raison charmante encore, lors même qu’elle est le plus amère. […] Si vous étiez une Académie, je vous demanderais encore si, entre tant d’œuvres qui vous effrayent, vous ne pourriez faire une exception, au moins pour ce chef-d’œuvre, la Mare au Diable, pour la Petite Fadette, pour toute une branche de romans champêtres, purs et irréprochables.

1237. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

C’est cet Art poétique, bien entendu, qu’il faut prendre pour base en essayant de dégager le véritable caractère de la théorie de Boileau ; mais comme il s’agit moins d’analyser un ouvrage que tout le monde à peu près sait par cœur, que d’en indiquer l’esprit et la portée, je mettrai à profit dans cette exposition toutes les indications, parfois d’une importance capitale, que nous fournissent les autres ouvrages de notre critique, comme la Satire II et l’Épître IX, la Dissertation sur Joconde et le Dialogue des héros de roman, enfin les Réflexions sur Longin, surtout la septième, dont l’intérêt est tout particulier. […] Il n’y pense même pas ; et l’épopée qu’il définit, ce roman mythologique, allégorique et moral, n’a rien de commun avec l’Iliade ni l’Énéide.

1238. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Mais il n’est pas même sûr que ce découpage de Darès le Phrygien et de Benoît de Sainte-More ait jamais été joué, et qu’il y ait là autre chose qu’un roman dialogué destiné au divertissement des lettrés qui lisaient. […] Du moins Patelin me paraît-il plus proche de certains fabliaux, de certaines nouvelles, et du Roman de la Rose, que de la farce, à la prendre même dans ses meilleurs échantillons.

1239. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

On avoit déjà de lui un Roman pastoral intitulé Daphnis, traduit en 1764. […] On pourra prendre aussi une idée de la poésie chinoise dans une espêce de Roman, traduit par M.

1240. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Sa vie se passa de la sorte, à penser d’abord, à penser surtout et toujours, puis à parler de ses pensées, à les écrire à ses amis, à ses maîtresses ; à les jeter dans des articles de journal, dans des articles d’encyclopédie, dans des romans imparfaits, dans des notes, dans des mémoires sur des points spéciaux ; lui, le génie le plus synthétique de son siècle, il ne laissa pas de monument.

1241. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Qu’on prenne le genre qu’on voudra, discours, histoires, romans, comédies, on verra qu’il y a peu d’œuvres qui réussissent, encore moins qui durent à travers les siècles, sans une bonne économie : et pour peu qu’on ait de curiosité, on découvrira dans la multitude innombrable des écrits oubliés, pour peu qu’on ait d’attention, on notera dans le passage incessant des écrits qui ne naissent que pour mourir, plus d’une œuvre que les plus hautes qualités, que des morceaux admirables, des beautés singulières, semblaient adresser à l’immortalité.

1242. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Voltaire écrivait3 : « Vers l’an 1750, la nation rassasiée de vers, de tragédies, de comédies, d’opéra, de romans, d’histoires romanesques, de réflexions morales plus romanesques encore et de disputes théologiques sur la grâce et les convulsions, se mit enfin à raisonner sur les blés.

1243. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Est-ce que l’apparition d’un poème ou d’un roman, pour peu qu’il remue des idées, ne suscite pas de violents conflits d’admiration et de colère ?

1244. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

Les Lettres de la nouvelle Héloïse, considérées comme un Roman, n’ont presque rien de commun avec les regles qu’on doit observer dans ces sortes d’Ouvrages ; plan mal ordonné, intrigue vicieuse, développement pénible & trop lent, action foible & inégale, caracteres hors de nature, personnages dissertateurs, & par-là même ennuyeux.

1245. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Vous vous habituerez — transportons-nous à une autre époque pour ne blesser personne — vous vous habituerez à lire Delille qui assurément n’offre aucune difficulté ; vous en viendrez peu à peu, fuyant l’effort et le redoutant, à ne lire que les romans de Mme Cottin, et vous ne pourrez jamais aborder le Second Faust, ce qui vraiment sera dommage.

1246. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

La meilleure preuve de cette impuissance critique, c’est cette comparaison qu’il fait, et dont nous avons déjà parlé, du livre de Tourgueneff et du célèbre roman de madame Beecher-Stowe, dont les lauriers d’or empêchent, peut-être, bien des éditeurs de dormir.

1247. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

Taillandier, qui a la prétention de remuer ses petites idées générales tout comme un autre, s’efforce de résumer et de bloquer celles qu’il a dispersées dans les articles de son livre, et comme ici nous n’avons pas de romans allemands à exposer ou des cancans d’érudition allemande à faire, nous montrons mieux ce que nous sommes par nous-même dans cette introduction, d’une clarté tout à la fois innocente et cruelle.

1248. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Pathétique et sarcastique à la fois, Lionel d’Arquenay est un roman profond et amer, ironique et tendre, dont le premier volume a été écrit avec la plume du lord Byron de Don Juan, et le second… on ne sait plus avec quelle plume !

1249. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Il appela les étrangers, disent les vieux auteurs, « et fit un seul peuple de tant de gens de natures diverses. » Ce ramassis de barbares, de réfugiés, de brigands, de colons émigrés, parla si promptement roman ou français, que le second duc voulant faire apprendre à son fils la langue danoise, fut obligé de l’envoyer à Bayeux où elle était encore en usage. […] Le goût leur était venu tout de suite, c’est-à-dire l’envie de plaire aux yeux, et d’exprimer une pensée par des formes, une pensée neuve : l’arche circulaire s’appuyait sur une colonne simple ou sur un faisceau de colonnettes : les moulures élégantes s’arrondissaient autour des fenêtres ; la rosace s’ouvrait simple encore et semblable à la rose des buissons, et le style normand se déployait original et mesuré entre le style gothique dont il annonçait la richesse, et le style roman dont il rappelait la solidité. […] Telle était la dévotion du moyen âge, non pas seulement dans les romans, comme ici, mais dans l’histoire : à la prise de Jérusalem, toute la population, soixante-dix mille personnes, fut massacrée. […] Pareillement ici, la machine à la mode, l’allégorie du roman de la Rose, est mise en usage : on voit s’avancer, Bien-Faire, Corruption, Avarice, Simonie, Conscience, et tout un peuple d’abstractions parlantes. […] Robert Wace, roman de Rou.

1250. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Il a fait des scènes de roman, austères si l’on veut, mais aussi intéressantes qu’une séance du Parlement ou du Conseil. […] Vous sentez, à chaque instant, que l’Angleterre vous revient ou vous échappe, et vous n’êtes point disposé à écrire un drame, ni une comédie, ni un roman. […] Balzac courait comme lui après des romans pratiques ou non pratiques. […] La Princesse de Clèves, le plus beau roman du siècle, en offre aux yeux toutes les beautés. C’est une femme qui parle ; il est naturel qu’elle ait bien choisi ; d’ailleurs elle faisait un roman.

1251. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Mais en 1827 Walter Scott, l’Arioste sérieux, mais l’Arioste en prose, de l’Écosse, remplissait l’Europe entière de ses romans historiques. […] C’est un roman ; du moment où vous quittez le terrain solide et précis de l’histoire, il ne faut pas prétendre à y rentrer. Le roman historique est un mensonge, et le plus dangereux de tous, puisque l’histoire ici ne sert que de faux témoin à l’invention ; c’est mentir avec vraisemblance, c’est tromper avec autorité. […] Il peut écrire la comédie et l’oraison funèbre, le roman et l’histoire, l’épître et la tragédie, le couplet et le discours politique.

1252. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Il arrive d’Autriche, de Hongrie, de Bohême…. il parle de Pesth où on l’a joué en hongrois, de Vienne où l’empereur lui a prêté une salle de son palais pour faire une conférence ; il parle de ses romans, de son théâtre, de ses pièces qu’on ne veut pas jouer à la Comédie-Française, de son Chevalier de Maison-Rouge qui est interdit, puis d’un privilège de théâtre qu’il ne peut pas obtenir, puis encore d’un restaurant qu’il veut fonder aux Champs-Élysées. […] Le ciel est devenu d’un bleu sourd, d’un bleu de savonnage, mettant comme un reflet déteint sur le luisant des parapets polis par la main des passants, sur les romans à quatre sous dans la boîte du bouquiniste. […] Les œuvres, les livres, les romans, où les sermons sortent du paysage, me font revoir ce monsieur-là. […] 6 mai Flaubert me disait hier : « Il y a deux hommes en moi, l’un dont vous voyez la poitrine étroite, le cul de plomb, l’homme fait pour être penché sur une table ; l’autre un commis voyageur, avec sa gaîté voyageuse et le goût des exercices violents… 15 mai Ce soir, la maréchale *** sous sa coiffure métallique jetant des lueurs de cantharides, avait un sourire de l’œil d’un charme indéfinissable… Se sentant regardée, elle a pris, ainsi que c’est commun aux femmes qui sont l’objet de l’attention, une fausse pose naturelle… Et cela m’a donné l’idée de commencer mon futur roman d’amour par une grande étude de la mimique, de l’approche électrique, de la communication des fluides, du mariage des effluves, entre deux corps prêts à s’aimer.

1253. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Les poésies, les romans sont arrivés à un tel degré d’individualité, comme on dit, à un tel déshabillé de soi-même et des autres ; — le style, à force d’être tout l’homme, est tellement devenu non plus l’âme, mais le tempérament même, — qu’il est à peu près impossible de faire de la critique vive et vraie sans faire une opération inévitablement personnelle, sans faire presque de la physiologie à nu sur l’auteur et parfois de la chirurgie secrète ; ce qui frise à tout moment l’offensant.

1254. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Vous aimez les romans de Balzac et de George Sand ; moi aussi.

1255. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Il fait reparaître Moïse et saint Paul, comme d’autres au même temps ressaisissent Homère ou Tite-Live par-delà les abrégés et les romans.

1256. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

. — La Confession d’un enfant du siècle, roman (1836). — Poésies complètes : 1re partie, Contes d’Espagne et d’Italie (1830) ; Poésies diverses : 2e partie, Un spectacle dans un fauteuil ; 3e partie, Poésies nouvelles (1835-1840) — Les Deux Maîtresses ; Frédéric et Bernerette (1840). — Comédies et Proverbes (1840-1848-1851), contenant : André del Sarto ; Lorenzaccio ; Les Caprices de Marianne ; Fantasio ; On ne badine pas avec l’amour ; Une nuit vénitienne ou les Noces de Laurette ; La Quenouille de Barberine ; Le Chandelier ; Il ne faut jurer de rien ; Un caprice. — Dans une deuxième édition (1857) sont ajoutés : Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ; Louison ; On ne saurait penser à tout ; Carmosine ; Bettine. — Nouvelles (1841-1846) : Les Deux Maîtresses ; Emmeline ; Le Fils du Titien ; Frédéric et Bernerette ; Croisilles ; Margot. — Nouvelles, avec M. 

1257. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

Qui ne se le rappelle, dressant au milieu du brouillard des pipes, dans le vacarme des soucoupes, sa silhouette 1830, et chantant d’une voix réfractaire, sans trop se soucier du piano, Struggle for life ou les Bigorneaux de l’École romane.

1258. (1890) L’avenir de la science « I »

Béranger a pu tout dire sous forme de chansons, tel autre sous forme de romans, tel autre sous forme d’histoire.

1259. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Les Zélateurs du sentiment, qui en ont eux-mêmes si peu, voudroient-ils qu’il eût perverti les genres ; qu’il nous eût donné des doléances aussi déplacées que celles qui nous endorment dans leurs Romans, dans leurs Tragédies, dans leurs Œuvres philosophiques, dans leurs Comédies…. ?

1260. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Est-ce que vous lui avez découvert quelque rapport bien évident et bien intime avec la langue romance ou romane ?

1261. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Moraliste, d’ailleurs, parce qu’il était historien, et précisément parce qu’il était l’un et l’autre, il écrivit des romans, des histoires de cœur, un genre d’histoire pour lequel il n’y a pas d’École des Chartes, mais beaucoup d’autres écoles, dont l’enseignement est plus dur et qui n’ont pas été fondées par Guizot.

1262. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Cette partie de sa vie qui a l’intérêt des romans où l’on a le mieux peint la lutte de l’homme contre les choses, le danger, l’obstacle, l’ennemi, fait regretter amèrement qu’aux jours difficiles où les gouvernements qu’il servit curent besoin de fortes épaules, sur lesquelles ils pussent s’appuyer, on n’eut pas pensé à la sienne.

1263. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Les retracer fidèlement, mais sous l’impression de ce coup porté à l’esprit, qui doit toujours le féconder, semble une chose aisée ; et cela l’est si peu, néanmoins, que, depuis Hérodote jusqu’à nos jours, on trouve bien sur son chemin quelques bons romans historiques et quelques essais (good historical romances and good historical essays), mais, dans toute la rigueur du mot, pas une irréprochable histoire. » Et, pour mieux creuser sa pensée, le critique anglais ajoutait : « Dans les sciences, il est des œuvres qu’on peut appeler parfaites.

1264. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Walter Scott, pour prendre un grand nom, c’est toujours Harold ou Marmion, ou la Dame du lac, ou le Lay du dernier Ménestrel, et il l’est dans les romans les plus supérieurs à ses poèmes.

1265. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Tel est le fond du poème, tel est le motif de roman ou de romance qui, par le détail, devient épique et qui fait jaillir de la pensée du poète tout un monde grandiose, passionné, héroïque, infini, où passent des lueurs à la Corrége sur des lignes à la Michel-Ange !

1266. (1911) Études pp. 9-261

* *    * Plus sévère, plus dénué, plus sec est le style des romans, celui que l’on trouve pour la première fois dans l’Immoraliste. […] * *    * On retrouve dans les romans quelque chose de cette composition distincte. — Le drame que racontent l’Immoraliste ou La Porte Étroite, est contenu à l’avance dans l’âme des héros. […] Elle a je ne sais quoi de rompu dont son auteur lui-même s’amuse à s’excuser : — Je vous raconterais volontiers le roman dont la maison que vous vîtes tantôt fut le théâtre, commença Gérard, mais outre que je ne sus le découvrir, ou le reconstituer qu’en partie je crains de ne pouvoir apporter quelque ordre dans mon récit qu’en dépouillant chaque événement de l’attrait énigmatique dont ma curiosité le revêtait naguère…. […] Cependant la composition des romans n’est plus la même que celle des premiers livres. […] * *    * Après Saül, qui est encore un traité de morale et déjà une œuvre d’imagination, Gide, nous le savons, quitte la littérature subjective, et n’écrit plus — Amyntas mis à part — que des drames et des romans.

1267. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Il ne me faut rien de plus que votre amitié, avec une petite assurance que vous n’êtes pas fâché du détail que je viens de vous faire. » Mettez en regard de cet amant mortifiant et froid un mari jaloux, l’esprit toujours en éveil, qui se sent d’autant mieux servi par sa femme qu’il en est moins aimé, et qui s’en inquiète ; placez entre les deux une âme délicate, sensible, tendre à l’excès, qui elle-même a ses scrupules, ses réserves et ses réticences, qui est toute douloureuse en dedans, et vous aurez idée du petit roman qui se file, se mêle et se démêle, sans se dénouer jamais, dans la vie de Mme de Verdelin. […] Il est question, dans une lettre de Grimm à Mme d’Épinay, d’un roman « ni bon, ni mauvais », que Mme de Verdelin avait composé dans sa première jeunesse ; mais elle-même paraît l’avoir complètement oublié, et il ne perce pas le plus petit bout d’oreille de la femme auteur dans tout le cours de sa Correspondance avec Jean-Jacques. […] Je ne sais si vous avez ouï conter cette anecdote de leur roman, qui est singulière.

/ 1822