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3309. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Leurs créations réunirent les trois caractères qui distinguent la haute poésie dans l’invention des fables, la sublimité, la popularité, et la puissance d’émotion qui la rend plus capable d’atteindre le but qu’elle se propose, celui l’enseigner au vulgaire à agir selon la vertu. — De cette faculté originaire de l’esprit humain, il est resté une loi éternelle : les esprits une fois frappés de terreur, fingunt simul credunt que , comme le dit si bien Tacite.

3310. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Mais les changements géographiques ou climatériques qui ont certainement eu lieu depuis des époques géologiques relativement récentes, doivent avoir interrompu et brisé la continuité d’extension primitive de beaucoup d’espèces ; de sorte que nous n’avons plus qu’à examiner si les exceptions à la continuité d’extension des espèces sont assez nombreuses et d’une assez grande importance pour nous faire abandonner la croyance, rendue probable par tant de considérations générales, que chaque espèce s’est produite en une seule région, d’où elle a ensuite émigré aussi loin qu’il lui a été possible. […] Nous comprendrons de plus ce fait singulier, constaté par plusieurs observateurs : c’est que, pendant les derniers étages tertiaires, les productions d’Europe et d’Amérique étaient en plus étroite connexion qu’aujourd’hui ; car, durant les chaudes périodes, les parties septentrionales de l’Ancien Monde et du Nouveau auraient été presque continuellement réunies par des terres qui pouvaient alors leur servir de ponts, mais que le froid a rendues depuis infranchissables aux migrations réciproques de leurs habitants. […] Ch.Lyell a bien démontré, dans ses Principes de géologie, que la distribution générale des terres et des mers pouvait influer beaucoup sur la distribution climatérique, et même sur la température générale ou plutôt moyenne du globe ; cependant, lors même que toutes les terres seraient émergées vers les pôles et toutes les mers accumulées vers l’équateur, ce qui, selon le géologue anglais, devrait causer le plus grand froid possible, une telle hypothèse n’expliquerait pas encore complétement tous les phénomènes de la période glaciaire, et, d’ailleurs, elle rendrait impossibles ces migrations des formes organiques d’un pôle à l’autre que suppose M. 

3311. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Le diable lui a rendu, à Gœthe, le coup de pied dans le ventre qu’il reçut, dit-on, autrefois, de saint Michel. […] Le plaisant, ici, mais qui n’est point un plaisant neuf, c’est que le voleur caché reconnaît, au rendez-vous, sa femme, et ne peut se trahir et se faire prendre comme voleur. […] » Et il la baisait, cette vieille main ridée et sèche, comme un vieillard amoureux eût baisé la main rose de la jeune maîtresse qui l’aurait rendu insensé.

3312. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Un jour, à Harrow, un grand brimait son cher Peel, et, le trouvant récalcitrant, lui donnait une bastonnade sur la partie charnue du bras, qu’il avait tordu afin de le rendre plus sensible. […] Quand j’étais sous leur prise directe, —  c’est étrange, —  j’étais agité et non abattu. —  Pour le vin et les spiritueux, ils me rendent sombre et sauvage jusqu’à la férocité, —  silencieux pourtant et solitaire, point querelleur, si on ne me parle pas. […] Parle-moi, —  car je t’ai appelée dans la nuit silencieuse, —  j’ai effrayé les oiseaux endormis dans les rameaux muets, —  j’ai éveillé les loups des montagnes et rendu — ton nom familier aux échos des cavernes, —  qui me répondaient ; bien des choses m’ont répondu, —  esprits et hommes ; mais tu as toujours été muette. —  Parle-moi ; j’ai erré sur la terre, —  et je n’ai jamais trouvé ta ressemblance. […] Le papier ne suffirait pas, s’il fallait transcrire les injures des revues décentes « contre ces hommes (entendez cet homme) au cœur gâté, à l’imagination dépravée, qui, se forgeant un système d’opinions accommodées à leur triste conduite, se sont révoltés contre les plus saintes ordonnances de la société humaine, et qui, haïssant cette religion révélée dont avec tous leurs efforts et toutes leurs bravades ils ne peuvent entièrement déraciner en eux la croyance, travaillent à rendre les autres aussi misérables qu’eux-mêmes en les infectant d’un poison moral qui les rongera jusqu’au cœur. » Emphase de mandement et pédanterie de cuistre : dans ce pays, la presse fait l’office de gendarme, et jamais elle ne l’y a fait plus violemment qu’alors.

3313. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Songeons à rendre ce corps le plus alerte, le plus fort, le plus sain, le plus beau qu’il se pourra, à déployer cette pensée et cette volonté dans tout le cercle des actions viriles, à orner cette vie de toutes les beautés que des sens délicats, un esprit prompt, une âme vive et fière peuvent créer et goûter. » Au-delà ils ne voient rien, et, s’il y a un au-delà, il est pour eux comme ce pays des Cimmériens dont parle Homère, pâle contrée des morts sans soleil, enveloppé des brouillards mornes où, pareils à des chauves-souris, les fantômes débiles viennent par troupeaux, avec des cris aigus, remplir et réchauffer leurs veines en buvant dans la fosse le sang rouge des victimes. […] L’homme n’est pas forcé, comme dans nos climats du Nord, de se défendre contre l’inclémence des choses à force d’inventions compliquées et d’employer le gaz, les poêles, l’habit double, triple et quadruple, les trottoirs, les balayeurs et le reste pour rendre habitable le cloaque de boue froide dans lequel, sans sa police et son industrie, il barboterait. […] Deux sortes de culture les forment en tout temps et en tout pays : la culture religieuse et la culture laïque, et l’une et l’autre opèrent dans le même sens alors pour les garder simples, aujourd’hui pour les rendre compliqués. […] » — Ainsi par-delà le tombeau, c’est encore la vie présente qui le préoccupe. « L’âme du rapide Achille s’éloigne alors marchant à grands pas dans la prairie d’asphodèles, joyeuse parce que je lui avais dit que son fils était illustre et brave. » A toutes les époques de la civilisation grecque reparaît avec diverses nuances le même sentiment ; leur monde est celui que le soleil éclaire ; le mourant a pour espoir et consolation la survivance en pleine lumière de ses fils, de sa gloire, de son tombeau, de sa patrie. « Le plus heureux homme que j’aie connu », disait Solon à Crésus, c’est Tellus d’Athènes ; car, sa cité étant prospère, il a eu des enfants beaux et bons qui ont eu tous des enfants et conservé leurs biens, lui vivant ; ayant ainsi prospéré dans vie, sa fin a été glorieuse ; car les Athéniens ayant combattu contre leurs voisins d’Eleusis, il a porté aide, et il est mort en faisant fuir les ennemis, et les Athéniens l’ont enseveli aux frais de l’État à l’endroit où il est tombé, et ils l’ont honoré grandement. » Aux temps de Platon, Hippias, interprète de l’opinion populaire, dit de même : « Ce qu’il y a de plus beau en tout temps, pour tout homme et en tout lieu, c’est d’avoir des richesses, de la santé, de la considération parmi les Grecs, de parvenir ainsi à la vieillesse, et, après avoir rendu honorablement les derniers devoirs à ses parents, d’être conduit soi-même au tombeau par ses descendants avec la même magnificence. » Lorsque la réflexion philosophique vient à s’appesantir sur l’au-delà, il ne paraît point terrible, infini, disproportionné à la vie présente, aussi indubitable qu’elle, inépuisable en supplices ou en délices, comme un gouffre épouvantable ou comme une gloire angélique. « De deux » choses la mort est l’une, disait Socrate à ses juges ; ou bien celui qui est mort n’est plus rien et n’a aucune sensation d’aucune chose, quelle qu’elle soit ; ou bien, comme on le dit, la mort se trouve être un changement, le passage de l’âme qui va de ce lieu-ci en un autre lieu. […] Les conjectures grandioses des premiers physiciens laissaient le monde aussi vivant et le rendaient plus auguste ; c’est peut-être pour avoir entendu Anaxagore parler du Noûs que Phidias a conçu son Jupiter, sa Pallas, son Aphrodite céleste, et achevé, comme disaient les Grecs, la majesté des dieux.

3314. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Ainsi la consanguinité du fils avec le père et la mère, consanguinité aussi mystérieuse dans l’âme que dans les veines ; ainsi la loi de solidarité génératrice, qui enchaîne la cause à l’effet dans les parents, et l’effet à la cause dans les enfants ; ainsi la loi d’équité, autrement dit la reconnaissance, qui impose l’amour, non seulement affectueux, mais dévoué, au fils, pour la vie, l’allaitement, les soins, la tendresse, l’éducation, l’affection souvent pénible dont il a été l’objet dans son âge de faiblesse, d’ignorance, d’incapacité de subvenir à ses propres besoins ; ainsi la loi de mutualité, qui commande à l’homme mûr de rendre à sa mère et à son père les trésors de cœur qu’il en a reçus enfant ou jeune homme ; ainsi la piété filiale, nommée de ce nom dans toutes les langues pour assimiler le culte obligatoire et délicieux des enfants envers les auteurs de leur vie et les providences visibles de leur destinée au culte de Dieu ! […]  » Idéalité abstraite substituée à toute réalité pratique, et qui rend tout gouvernement impossible en le rendant purement idéal.

3315. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

« — Je le veux bien, continua le conventionnel, rendu clément par la conviction de son triomphe de logique, et consentant à épargner un peu l’évêque, par politesse ; en dehors de la Révolution, qui est une immense affirmation humaine, 93 est une réplique. […] Cela est peu conforme au christianisme, qui est économe en gros comme en détail du sang des hommes, et qui dit : Rendez à César ce qui est de César !

3316. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

On est ainsi, tout à la fois, très près et très loin de l’art : ou, si l’on veut, on a un art d’agrément, et non d’expression, un art tout orienté vers le public, pour lui plaire à sa mode, et non vers la nature, pour la rendre selon la vérité. […] La longueur de tous ces romans, s’ajoutant à leur fausseté, les rend illisibles : une invention inépuisable et banale les pousse d’aventure en aventure et d’histoire en histoire, jusqu’au 10e tome ; et l’on retrouve partout cette improvisation négligée à laquelle Malherbe avait essayé d’arracher les écrivains.

3317. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

» Le plus grand des trois fut certainement celui qu’on a appelé : M. de Guise le Grand, qui rendit Calais à la France et qui s’appela aussi le Balafré. […] Quand il s’agit de la Révolution française, par quelque bout qu’on la prenne et de quelque côté qu’on l’envisage, le moraliste révolté doit planer au-dessus de l’historien et le rendre implacable ; car les crimes contre l’humanité et la morale universelle y furent plus grands et plus nombreux que les crimes de la politique.

3318. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Le Proudhon de la Correspondance détournerait trop de l’autre Proudhon, et rendrait doux et miséricordieux pour ce grand coupable de l’esprit, qui ne doit point être pardonné. […] est d’avoir rendu impossible et même inconcevable un autre Proudhon.

3319. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Scherer ; il ne tâtonne pas, il n’hésite pas ; c’est un esprit assis et ferme qui a en soi de quoi prendre l’exacte mesure de tout autre esprit, c’est un pair qui rend son verdict sur ses pairs, un vrai juge.

3320. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Il tend à rendre au Corps législatif quelques-unes des attributions vitales qui lui manquaient.

3321. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

⁂ Les qualités de vie, de puissance, signalées plus haut comme spéciales à l’auto-observation rendirent jaloux ceux qui n’en pouvaient disposer.

3322. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

« Le sublime, dit Michelet, n’est point hors nature ; c’est, au contraire, le point où la nature est le plus elle-même, en sa hauteur, profondeur naturelles. » Vous avez lu Andromaque, et vous avez une mère qui vous aime ; vous savez ce que vous êtes pour elle ; vous le sentez, et que par votre amour de fils vous ne lui rendez pas encore tout ce qu’elle vous donne.

3323. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

« Les alexandrins tiennent la place en notre langue, telle que les vers héroïques entre les Grecs et les Latins. » Voilà la vraie trouvaille de Ronsard en fait de rythme, et le grand service rendu par la Pléiade à la poésie : sous l’influence de l’hexamètre latin, l’alexandrin, création du moyen âge, et dont Rutebeuf avait montré la force et la souplesse, l’alexandrin, délaissé au xive et au xve siècle, ignoré ou à peu près de Marot, est retrouvé, relevé, remis à sa vraie place, qui est la première : ce n’est pas tant le vers noble de notre poésie, que le vers ample ; et c’est par là qu’il vaut.

3324. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Les deux volumes où il a consigné ses impressions du Sahara et du Sahel contiennent des tableaux étonnants, dont la couleur intense fait pâlir les finesses charmantes de sa peinture : ces descriptions sont en un sens de la critique, la critique des sujets, si je puis dire ; car on y voit la réflexion de l’artiste analyser à l’aide des mots des sensations pittoresques dont sa main ne saurait rendre la puissance.

3325. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Comme leur sexe les rend très malléables aux influences extérieures, elles représentent avec moins de mélange peut-être que les hommes, l’esprit des temps où elles ont vécu ; et, en outre, comme la vocation littéraire chez les femmes suppose, plus que chez nous, par son caractère d’exception, un don spontané et original ou une vie un peu en dehors de la règle commune, presque toutes nous offrent, en effet, dans leur caractère ou dans leur existence, des traits imprévus et piquants.

3326. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Sully Prudhomme Maître, qui, du grand art levant le pur flambeau, Pour consoler la chair besoigneuse et fragile, Rendis sa gloire antique à cette exquise argile, Ton corps va donc subir l’outrage du tombeau !

3327. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

La beauté musicale propre à la poésie de Lamartine, et qui la rend d’abord reconnaissable entre les toutes les autres, va se dégageant de plus en plus pour éclater sans nul reste d’alliage classique dans les Nouvelles méditations, dans les Harmonies.

3328. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

On raconte que Cicéron proposait parfois des défis à Roscius à qui rendrait le mieux une même pensée et avec plus d’éloquence, l’un avec le seul geste et l’autre avec la parole.

3329. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

Dans le dessein de recevoir la récompense qu’il espérait, il se rendit un matin chez le duc ; mais le suisse, se doutant du sujet de sa visite, ne voulut point le laisser entrer.

3330. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

« La simplification logique et géométrique est une conséquence de l’augmentation de force ; d’autre part, la perception de pareilles simplifications rend intense le sentiment de la force… Sommet de l’évolution : le grand style. » (Volonté de puissance, § 359.)

3331. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

L’individu regimbe rentre le groupe, se cabre contre la solidarité ; il a le sentiment qu’il peut traiter avec le groupe d’égal à égal et que le groupe n’est rien de moralement supérieur à lui ; il lui rend à l’occasion mépris pour mépris, sarcasme pour sarcasme.

3332. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Ces moments solennels, où la nature humaine exaltée, poussée à bout, rend les sons les plus extrêmes, sont les moments des grandes révélations.

3333. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Il faut pour cela que les courants nerveux puissent être isolés et rendus indépendants.

3334. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Elle en avait besoin dans l’exercice de son office de gouvernante, pour conserver la liberté de se retirer et en trouver un prétexte dans ses devoirs religieux, si la mère des enfants qu’elle allait élever lui rendait la vie désagréable, et que le roi ne la dédommageât point de ses disgrâces.

3335. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Quel beau décret à rendre !

3336. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

Les phrénologistes ont rendu célèbres les circonvolutions du cerveau, manifestées, selon eux, par les bosses du crâne, en localisant dans chacune d’elles des facultés différentes.

3337. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Cuvillier-Fleury qui parle), — c’est le Roi de la phrase sonore, colorée, aérienne, — c’est le Roi de la phrase pour la phrase, du style pour le style, pour l’amour de la langue française qu’il adorait et qui le lui rendait bien, — le Roi du coloris, mettant sur des riens des touches d’Albane », eh bien, à la bonne heure !

3338. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Il est évident que beaucoup de livres comme celui-ci auraient leur éloquence contre ce genre de littérature égoïste et facile, et rendraient impossible toute illusion.

3339. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Hélène, qui intéresse au moins par ses défauts, — parce qu’elle est une femme très bien observée de ce temps anémique et épuisé, qui n’a plus de passion réelle, qui voudrait en avoir ou s’en donner et qui ne peut, et qui n’a pas même la rage de son impuissance, — Hélène est, en somme, un type qu’on ne peut admirer que parce qu’il est ici admirablement exprimé ; mais, tel qu’il est cependant, il nous prend plus fort, à cause de sa réalité, que le type de l’Orpheline, de cette impeccable Madelaine, qu’on pourrait appeler la mécanique du devoir continu, remontée par son père pour sonner le dévouement et les services à rendre à toute heure de jour et de nuit.

3340. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

La réalité stupidement méconnue se ménage tôt ou tard des revanches formidables qui rendent impossible, pour longtemps et quelquefois pour toujours, la pratique exclusive de l’idéalisme en matière nationale.

3341. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Mais, quoi qu’il arrive, la conception du mouvement spatial que nous trouvons chez Descartes, et qui s’harmonise si bien avec l’esprit de la science moderne, aura été rendue par Einstein scientifiquement acceptable dans le cas du mouvement accéléré comme dans celui du mouvement uniforme.

3342. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Ces deux instants, soulignés par les deux horloges marquant la même heure, cessent par définition d’être simultanés, puisque les deux lignes de lumière sont rendues inégales, d’égales qu’elles étaient d’abord.

3343. (1915) La philosophie française « I »

On commence seulement à rendre à Lamarck 5 la justice qui lui est due.

3344. (1896) Le livre des masques

Mais cela est peu important, car l’esprit souffle où il veut, et, quand il souffle sous la peau des grenouilles et les rend démesurées, c’est pour se distraire, car le monde est triste. […] Tailhade se rendit tout à coup célèbre et redouté par les cruelles et excessives satires qu’il appela, souvenir et témoin d’un voyage que nous faisons tous sans fruit, Au pays du Mufle. […] Cycle patibulaire, qui, réimprimé, vient d’être rendu au public, Mes communions, parues l’an passé, semblent les deux livres de M.  […] Comme sa vie, les rythmes qu’il aime sont des lignes brisées ou enroulées ; il acheva de désarticuler le vers romantique et, l’ayant rendu informe, l’ayant troué et décousu pour y vouloir faire entrer trop de choses, toutes les effervescences qui sortaient de son crâne fou, il fut, sans le vouloir, un des instigateurs du vers libre.

3345. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Elle nous rend impossible la compréhension de la vie contemporaine, et l’on ne saurait s’imaginer l’influence néfaste qu’elle eut sur la récente littérature. […] Zola nous a rendu agréable la société de l’Homme. […] Ce n’est pas une iniquité de plus ou de moins qui rendra votre société de sycophantes et de bourreaux plus ou moins haïssable ; votre société féroce, aboutissant suprême et superbe vraiment de dix-huit siècles de christianisme, religion d’amour, est à jamais condamnée par quiconque a la force de penser et d’aimer.

3346. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Enfin un beau jour il l’embrassait… « La première fois, tu me diras tout ce qu’une femme peut faire, pour rendre un homme heureux », lui disait la jeune fille au moment de la rentrée de son frère. […] » Oui, il y a vraiment dans le temps de critique et d’analyse où nous vivons, abus d’ingénuité en ce génie de 1830 : le masque à bandeau qui rend Triboulet sourd et aveugle à la fois, et lui fait encore perdre le sentiment de sa droite et de sa gauche, est une invention dramatique par trop enfantine.

3347. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Ce fait, joint à ce que les graines et les œufs de beaucoup de formes inférieures sont très petits, et conséquemment susceptibles d’être fréquemment transportés au loin, rend probablement compte d’une loi qu’on a constatée depuis longtemps, et que M.  […] Mais comme d’autre part la grande complication de leur organisme les rend beaucoup plus sujets à souffrir d’un changement dans leurs conditions de vie ; qu’il résulte de la raison géométrique moins élevée de leur reproduction une moindre destruction de germes, c’est-à-dire une sélection naturelle moins sévère dans le jeune âge ; que l’étendue plus bornée de leurs stations suppose, avec un nombre d’individus, des variations moins fréquentes, et que les moyens de transport et de dispersion plus difficiles, surtout pour les espèces terrestres, en général supérieures dans toutes les classes aux espèces marines, ne leur permettent pas de prendre une extension rapide et de réparer leurs pertes en s’emparant de nouvelles contrées où elles pourraient vivre en se modifiant plus ou moins ; il se pourrait que l’ensemble de ces causes d’invariabilité des types supérieurs compensât, sinon en totalité, du moins en partie, les causes d’invariabilité des types inférieurs actuels.

3348. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

On pourrait d’ailleurs se demander si aucune des hypothèses, même du premier genre, rend réellement compte du rejet, et si la faiblesse ou la subconscience d’une perception suffit à lui donner l’aspect d’un souvenir. […] D’autre part, une paresse de la mémoire associative, comme celle que suppose Heymans, rendrait simplement pénible la reconnaissance de l’entourage : il y a loin de cette reconnaissance pénible du familier au souvenir d’une expérience antérieure déterminée, identique de tout point à l’expérience actuelle.

3349. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Jamais l’unité de l’être humain n’avait été rendue aussi manifeste que depuis ces merveilleuses découvertes. […] Si ce n’est pas la raison et la réflexion qui constituent proprement la liberté, elles en rendent le jeu plus manifesté.

3350. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

C’est précisément ce genre de service que le duc de Luynes aura rendu à l’historien du xviiie  siècle.

3351. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Le poète sent la nature, il aime à la chercher sur les sommets et s’applique à la rendre ou plutôt à l’interpréter.

3352. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Il y a dans ce concert voluptueux de la maîtresse et des suivantes un entrain, une certaine rage de mondanité qui est très-bien rendue.

3353. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

La nature étudiée, attaquée par tous les points, poursuivie dans ses détails, embrassée dans ses ensembles, décrite, dépeinte, admirée, connue ; — ce qui reste de barbarie cerné de toutes parts ; — les antiques civilisations rendues de jour en jour plus intelligibles, plus accessibles ; — le contact des religions considérables amenant l’estime, l’explication et jusqu’à un certain point la justification du passé, et tendant à amortir, à neutraliser dorénavant les fanatismes ; — une tolérance vraie, non plus la tolérance qui supporte en méprisant et qui se contente de ne plus condamner au feu, mais celle qui se rend compte véritablement, qui ménage et qui respecte ; — au dedans, au sein de notre civilisation européenne et française, un adoucissement sensible dans les rapports des classes entre elles, un désarmement des méfiances et des colères ; un souci, une entente croissante des questions économiques et des intérêts, ou, ce qui revient au même, des droits de chacun ; le prolétaire en voie de s’affranchir par degrés et sans trop de secousse, la femme trouvant d’éloquents avocats pour sa faiblesse comme pour sa capacité et ses mérites divers ; les sentiments affectueux, généreux, se réfléchissant et se traduisant dans des essais d’art populaire ou dans des chants d’une musique universelle : — tous ces grands et bons résultats en partie obtenus, en partie entrevus, les transportent ; ils croient pouvoir tirer de cet ordre actuel ou prochain, de cette conquête pacifique future, un idéal qui, pour ne pas ressembler à l’ancien, n’en sera ni moins inspirant, ni moins fécond.

3354. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Et plus loin, en des vers d’ailleurs bien élégants, le poëte ajoute : Mais ces riches climats fleurissent en silence ; Jamais un chantre ailé n’y porte sa cadence : Ils n’ont point Philomèle et ses accents si doux, Qui des plaisirs du soir rendent le jour jaloux.

3355. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

. — Cela fait, pour comprendre la connaissance que nous avons des corps et de nous-mêmes, on a trouvé des indications précieuses dans les analyses profondes et serrées de Bain, Herbert Spencer et Stuart Mill, dans les illusions des amputés, dans toutes les illusions des sens, dans l’éducation de l’œil chez les aveugles-nés auxquels une opération rend la vue, dans les altérations singulières auxquelles, pendant le sommeil, l’hypnotisme et la folie, est sujette l’idée du moi. — On a pu alors entrer dans l’examen des idées et des propositions générales qui composent les sciences proprement dites, profiter des fines et exactes recherches de Stuart Mill sur l’induction, établir contre Kant et Stuart Mill une théorie nouvelle des propositions nécessaires, étudier sur une série d’exemples ce qu’on nomme la raison explicative d’une loi, et aboutir à des vues d’ensemble sur la science et la nature, en s’arrêtant devant le problème métaphysique qui est le premier et le dernier de tous.

3356. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Mais le mépris des pédants est impliqué par la bonté : c’est une justice rendue aux modestes.

3357. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Oui, on donne une recette : « Ayez à gogo des sensations subtiles et obscures, mais rendez-les clairement. » Je la connais !

3358. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

C’est une entreprise sur quelque chose d’inconnu et d’inconnaissable ; un nivellement par principe pour rendre l’être nouveau, quel qu’il soit, conforme aux habitudes et aux usages régnants.

3359. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

C’en est assez pour les rendre de jour en jour plus dissemblables.

3360. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

. ; ce sont les faits élémentaires qui servent à nos constructions ; mais il est impossible de comprendre un sentiment dont on n’a pas en soi la source : c’est ce qui rend inintelligibles, pour tant de gens, les formes religieuses ou artistiques différentes de celles qui leur sont habituelles.

3361. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Dans le groupe sacré des champs Élysées de Virgile, où les plus grands des mortels figurent, il y a place au premier rang pour les poètes pieux, c’est-à-dire pleinement humains, et qui ont rendu avec émotion et tendresse les larges accents de la nature : Quique pii vates et Phoebo digna locuti.

3362. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

L’adversité lui rendit des vertus ; l’élévation du cœur et la dignité du caractère se dessinèrent avec d’autant plus d’éclat qu’elles n’étaient point portées par un esprit tout à fait à la hauteur des circonstances.

3363. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Anselme avait, je l’ai dit, l’âme tendre, la conscience délicate ; ces reproches de son père et ceux qu’il se faisait à lui-même le portèrent à un grand parti : il résolut de quitter le pays ; accompagné d’un seul clerc pour serviteur, il traversa le Mont-Cenis ; épuisé de fatigue et défaillant, on raconte que, pour réparer un peu ses forces, il ne trouvait à manger que la neige du chemin : Un âne portait leur mince bagage ; le serviteur inquiet chercha s’il n’y trouverait pas quelque nourriture, et, contre son attente, il trouva du pain blanc qui leur rendit la vie.

3364. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Souvent même le plaisir est secondaire, et on n’y songe pas tout d’abord : il y a simplement un effort accompagné de peine, puis un objet ou un ensemble de mouvements qui se révèle comme changeant la peine en plaisir ; plus tard, nous pourrons désirer l’objet en tant que causant du plaisir, mais c’est toujours la relation de l’objet à notre activité antécédente qui l’a rendu bon pour nous.

3365. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Jamais on ne se rendra mieux compte des prétentions, des chimères et des fantasmagories qui peuvent éclore dans les cerveaux humains qu’à parcourir un catalogue de libraire ou les boîtes poudreuses des bouquinistes.

3366. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Un homme de talent, quel que soit d’ailleurs son talent, ne peut rendre poétique une chose qui ne l’est pas, une chose qui n’est pas déjà de la poésie.

3367. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Que l’anthropologie soit hors d’état de faire cette preuve, on s’en rend trop aisément compte.

3368. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

C’est le secret de Judith Walter, pseudonyme transparent sous lequel se dérobe la brillante personnalité d’une jeune femme que recommande au public lettré ce double titre d’être la fille d’un poète illustre et la femme d’un autre poète qui a extrêmement de chances pour rendre bientôt célèbre un nom déjà retentissant parmi le jeune romantisme. […] Barbey d’Aurevilly rend, avouons-le, un franc et loyal hommage à cette superbe épopée où Victor Hugo a mis toutes ses qualités, et aussi tous ses défauts. […] Mon ami Catulle Mendès, dans une belle série de conférences, a rendu un hommage des mieux compétents au groupe dit Parnassien, qui me dispense d’avoir la prétention de revenir, après lui, sur ce sujet. […] Rendons-nous seulement compte des œuvres et de leur rôle dans ce 1830 qui nous occupe.

3369. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Son attitude et sa fonction, le paysage qui l’enveloppe, l’air qui le frôle et l’éclaire, tout cela le rend sublime. […] Le but à atteindre n’est plus de conter, de mettre des idées ou des faits les uns au bout des autres, mais de rendre chaque objet qu’on présente au lecteur, dans son dessin, sa couleur, son odeur, l’ensemble complet de son existence. De là, une intensité de rendu, inconnue jusqu’ici, une méthode qui tient du spectacle et qui fait toucher du doigt toutes les matérialités du sujet.

3370. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Toute la journée je me suis dit : « Il faut aller ce soir à l’Odéon… il faut par ma présence encourager, échauffer mes acteurs… mais dans la perspective de trouver une salle comme celle d’avant hier, je n’ai pas le courage de me rendre à l’Odéon. […] Vous vous rendez bien compte, ajoute-t-il en me jetant un regard, que je ne parle en ce moment que de ce que j’ai vu. » Un dîner tout plein de quasi-ministres. […] » phrase qui faisait naître dans l’esprit de l’enfant, l’idée d’une localité, où son oncle se rendait la nuit.

3371. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

Si un rayon simple n’éveillait en nous qu’une seule sensation de couleur, elle aurait un maximum, un minimum et des degrés intermédiaires, rien de plus ; et, faute de pouvoir l’opposer à une autre, nous ne la remarquerions pas79 ; nous n’aurions pas l’idée de couleur ; les ondes lumineuses ne feraient, en croissant ou en décroissant de vitesse et de longueur, que rendre la sensation plus intense ou plus faible ; les objets ne différeraient que par leur teinte plus ou moins foncée ; ils ressembleraient aux diverses parties d’un dessin où toutes les différences sont celles du blanc, du gris et du noir. — D’autre part, si chaque rayon simple éveillait seulement deux sensations de couleur, nous aurions encore l’idée de couleur ; nous distinguerions encore deux couleurs principales, leurs maxima, leurs minima, leurs intermédiaires et leurs composés ; mais quantité de sensations de couleur nous manqueraient, et toute l’économie de nos sensations de couleur serait renversée. — C’est ce que l’on observe en étudiant divers cas de maladie ou d’infirmité congénitale, et la théorie qui réduit nos sensations élémentaires de couleur aux trois sensations du rouge, du violet et du vert, reçoit ici de l’expérience la plus frappante confirmation80. — Certaines personnes n’ont pas la sensation du rouge81 ; d’autres n’ont pas celle du vert82 ; en prenant de la santonine, on perd pour plusieurs heures la sensation du violet. […] « Les personnes affectées d’achromatopsie ne distinguent que les degrés du clair et du sombre, ne voient les objets que tels qu’ils sont rendus par la photographie. » (Wecker, Maladies des yeux, II, 432.)

3372. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Il dit que ce que vous appelez meurtre et carnage n’est rien ; que, en égorgeant quinze ou vingt mille hommes, on ne leur fait aucun mal, que la partie immortelle de leur être non seulement se conserve, mais passe dans un meilleur monde, que l’homme assassiné qui adresserait des reproches à son assassin se rendrait coupable d’ingratitude, puisque ce dernier n’a fait que lui procurer un logement plus commode et une existence plus parfaite. […] Je veux mouvoir mon bras, et je prévois qu’il se mouvra ; je secoue une sonnette, et je prévois qu’elle rendra un son clair ; j’allume du feu sous la chaudière d’une locomotive, et je prévois que la vapeur dégagée poussera le piston ; je lis et relis avec attention un morceau de poésie, et je prévois que tout à l’heure je pourrai le répéter par cœur ; j’adresse une question à mon voisin, et je prévois qu’il me répondra.

3373. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Pareillement, chez les animaux, à travers toutes les diversités de structure et d’office, on trouve dans toute la classe des mammifères un même plan de squelette, dans toute la classe des crustacés, comme dans toute celle des insectes, un même plan des segments, de la bouche et des membres ; et ce plan est si tenace que, chez plusieurs espèces, on voit subsister ou apparaître, pour témoigner de sa présence, des dispositions ou des pièces inutiles ; une suture, une dentition, un ongle, un bourrelet osseux, des organes passagers ou rudimentaires le rendent visible en présentant son mémorial transitoire ou son reliquat survivant. […] Et les substituts que nous avons adoptés pour le point, la ligne et la surface nous rendent cette construction sensible.

3374. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

La terre, la mer, la pierre s’entrouvrent pour rendre au jour, sous les bandelettes des momies ou dans les sépulcres de marbre, les squelettes des hommes qui vivaient sur la terre avant que le marbre lui-même fût formé. […] « Je renonçai pour jamais à ce brutal plaisir du meurtre, à ce despotisme cruel du chasseur qui enlève sans nécessité, sans droit, sans pitié, l’existence à des êtres auxquels il ne peut pas la rendre.

3375. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Quand l’unité du saint-empire eut péri, et que le titre d’empereur fut devenu un titre vain qui n’était plus en réalité que celui d’empereur d’Autriche, les électeurs et les princes, rendus à l’indépendance, devinrent peu à peu des monarques absolus, et au despotisme régulier d’un seul succéda une foule de despotismes particuliers. […] L’esprit humain a eu beau vouloir se condamner et se résigner, non-seulement à l’ignorance, mais à l’indifférence en métaphysique ; il a été forcé de casser les arrêts qu’il avait rendus contre lui-même.

3376. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Nous ne pourrions donc décider, avec connaissance de cause, si le retour à ce type est ou non parfait ; et, afin de prévenir les croisements qui troubleraient l’expérience, il serait nécessaire qu’une seule variété fût rendue à la liberté de nature dans la contrée qu’elle habite actuellement. […] Cette importante intervention du pouvoir sélectif de l’homme rend aisément compte des adaptations si extraordinaires de la structure ou des habitudes des races domestiques à nos besoins ou à nos caprices.

3377. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

a repris en sous-œuvre pour toute nouveauté cette vieille figure qu’il a seulement rendue plus blême, plus inanimée, plus exsangue… Quoi d’étonnant, du reste ? […] Constructeur de l’équilibre européen, mais créateur de l’ordre, lucidus ordo, qui vaut mieux que tous les équilibres, il rendit possible Louis XIV ; dictateur, par-là, de l’espérance, et non pas, comme l’a dit M. 

3378. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Et le moment d’après, il se représente avec son luth allant porter, son harmonie au creux de cette grotte « fraîche », où l’Amour se pourrait « geler » et où Écho ne cesse de « brûler », combinant de la sorte tous les genres de pointe et de mauvais goûtr : il réussit très médiocrement, malgré ses accords soi-disant célestes, à nous rendre attrayante par sa fraîcheur une grotte où il dit qu’on gèle et où il vient de nous montrer des crapauds.

3379. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Sur Henri IV, Sully, Richelieu, sur les plus anciens que lui et qui le dépassent par tant de côtés, il n’a ramassé que des miettes (et encore sont-elles tombées de bonne table) ; il n’est à écouter que comme un écho et un assembleur de bruits : mais sur les gens qu’il a vus et qu’il a fréquentés, dont il a mesuré et pressé la taille, il y a mieux de sa part, il compte autant que personne ; il a lu dans les physionomies, et il nous les rend.

3380. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Il expliquait en moraliste consommé les défections dont il avait été l’objet et s’en rendait compte par des intérêts, des vues, des illusions qui rendaient les hommes moins haïssables et moins coupables : « Ils ne m’ont point trahi », disait-il, « ils m’ont abandonné, et c’est bien différent. » — « Les traîtres, répétait-il encore, sont plus rares que vous ne le croyez.

3381. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Il faut bien aussi que je fasse mon métier de critique grave, d’écrivain de grand journal, et que je ne donne pas raison en tout, que je ne paraisse pas rendre les armes à mon auteur d’aujourd’hui, à ce « premier d’entre les petits journalistes », ainsi que je l’ai entendu qualifier, et qui sans cela pourrait bien se rire de nous.

3382. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Au commencement de ma vie, je me trouvai, comme Dante au milieu de la sienne, dans une forêt obscure où mon droit chemin était perdu… « Cependant si dur qu’ait été pour moi l’enseignement de la vie, si lourde la nécessité qui m’a fait marcher par les plus âpres sentiers de l’expérience, je n’accuse pas les événements et les douleurs qui m’ont enfin rendu à moi-même.

3383. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

C’est dommage, vraiment, que de telles strophes n’aient pas été faites il y a deux siècles, au lendemain de Malherbe : on s’en souviendrait peut-être ; mais elles viennent trop tard ; c’est trop de mots pour trop peu de sens : Ô Rose, en toi que l’amour rende Hommage aux fragiles destins !

3384. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Le procédé continu d’analyse dont Racine fait usage, l’élégance merveilleuse dont il revêt ses pensées, l’allure un peu solennelle et arrondie de sa phrase, la mélodie cadencée de ses vers, tout contribue à rendre son style tout à fait distinct de la plupart des styles franchement et purement dramatiques.

3385. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Il atteignait leur squelette, s’assurait de sa solidité, puis par un travail inverse, replaçait les tendons dans leurs gaines, les muscles dans leurs aponévroses et rendait vie à ses créations ainsi martyrisées.

3386. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Le Boyard, qui est le premier auteur du genre que l’Arioste a rendu si célèbre, a beaucoup d’analogie, dans son poème, avec les contes orientaux.

3387. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Les belles dents rendent gaie.

3388. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

VI Une bonne part du charme de tous ces récits est dans le choix merveilleux des détails, des traits, des mots typiques, de ceux qui résument un caractère, qui rendent visible une attitude, qui fixent une situation dans la mémoire.

3389. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Bien des gens, faute de documentation sans doute, ne se rendent pas un compte exact de l’état d’esprit actuel.

3390. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Comme Rousseau lui expédiait son second Discours (contre le progrès et la civilisation), Voltaire lui répondait : « On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes. » L’éloge serait exagéré si on le copiait à l’adresse de M. 

3391. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Ces diverses sortes de marques rendent possibles la prédication ou affirmation.

3392. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Le sérieux et l’élévation de ses goûts, la liberté naturelle et généreuse de ses inclinations, le rendirent bientôt un objet déplacé dans un couvent de cet ordre, en cet âge de décadence.

3393. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

La religion, la philosophie, la poésie, contribuèrent à perfectionner les mœurs et les lois, mais toujours d’une manière spontanée, sans que l’on s’aperçût encore que l’homme peut par la science se rendre maître de la nature et de la société elle-même, et donner à ses progrès une direction choisie et voulue.

3394. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Or elle ne peut être connue par simple observation intérieure puisqu’elle n’est tout entière en aucun de nous ; il faut donc bien trouver quelques signes extérieurs qui la rendent sensible.

3395. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Tu avais mal vu, mon pauvre ami : c’est que la mauvaise foi rend myope.

3396. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Seulement, en Angleterre, pays fortement hiérarchisé où l’orgueil supprime la vanité et où la supériorité n’est pas une insulte, tant l’orgueil doublant leur égoïsme fondamental rend les Anglais contents d’eux-mêmes, cela n’avait pas d’inconvénient et n’offensait personne, tandis qu’en France cela devait, en y pensant bien, blesser tout le monde.

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