Ce qui nous amène aujourd’hui à vous entretenir de la musique, c’est un petit livre traduit de l’allemand qui vient de tomber par hasard sous nos yeux. […] Abandonné à l’heure de la peine par ceux que sa bonté avait nourris, il est couché sur la terre nue sans qu’une main amie lui ferme les yeux. […] Comme ils sifflent et quelles étincelles s’échappent de leurs yeux ! […] La première de ces lettres est adressée à un ami de Salzbourg, qui suivait du cœur et des yeux les deux pèlerins de l’art et de la gloire. […] Il faut donc l’enlever aux yeux du monde ; et qu’est-ce qui le rendrait plus visible qu’un succès dans une grande et populeuse ville, en plein théâtre ?
il marque de l’œil ceux d’entre nous qu’il a désignés pour ses victimes ! […] Des yeux toujours attentifs, des oreilles toujours ouvertes, me répondront de toutes tes démarches, sans que tu puisses t’en apercevoir. […] L’œil voit et ne voit pas : ainsi notre âme, qui voit tant de choses, ne voit pas ce qu’elle est elle-même ; mais pourtant elle a la conscience de sa pensée et de son action. […] Je n’aperçois même jamais le palais du sénat (j’entends la cour Hastilie, non pas ce palais, nouveau monument bien plus vaste et qui paraît plus petit à mes yeux), que je ne songe à Scipion, à Caton, à Lélius, et surtout à mon aïeul. […] Témoin celui qui dit : « Ici sur Ennius, Romains, jetez les yeux ; Par lui furent chantés vos célèbres aïeux.
Elle portait à leurs yeux, quoique innocente des antécédents, la responsabilité du prince complice de 1793, puni d’un vote fatal par la hache du même bourreau. […] J’y fus prié par le duc d’Orléans, j’y assistai ; mais l’heure de la révolution y sonna pendant la fête par les tumultes populaires et par l’incendie des chaises du jardin sous les fenêtres et sous les yeux du roi. […] Il ne leur manquait que cette victoire pour les convaincre aux yeux du pays d’immoralité et de néant dans leur ligue. […] Cette vérité, sur laquelle le pays a pu se faire illusion pendant la bataille, éclatera à ses yeux dès demain. […] Je voyais les fronts se plisser, les physionomies se tendre, les yeux s’assombrir, les visages pâlir, le doute et la consternation se succéder sur les traits.
Je suis bien aise que Bethsabée existe, mais je ne désire pas l’avoir constamment sous les yeux. […] À les considérer, les plus hardis des beaux esprits se sentent croître des oreilles d’âne, des yeux de cheval et des âmes de pompiers. […] J’aime les animaux, je sympathise peut-être plus avec leurs yeux qu’avec les yeux humains ; ils sont plus limpides, plus doux et quelquefois plus intelligents. […] Et ces petits cobayes aux yeux roses auxquels on a fait toutes sortes de misères ? […] On sait que la Savoie existe, on la traverse mais on ferme sans doute les yeux à ce moment, on ne la voit pas.
D’un paysage indéfini nos yeux ne perçoivent que des juxtapositions. […] Il fut dès lors impossible au même spectateur de contenir en son œil l’écart de leur fuite contraire au ras de l’horizon. […] Et tout de suite mes yeux se reposent sur la forêt dressée à ma droite qui fuit en éventail jusqu’au bord de l’horizon. […] À qui lève les yeux vers ses sommets, elle se présente à pic. […] Bientôt je vois mon virus dans vos yeux ; je vous injecte mon émotion ; ma douleur est vôtre, vous vous traînez sur mes pas.
Que de choses fauves l’œil du poète aperçoit ! […] Je me trompais. — Si nous regardions toute la nature avec les yeux de M. […] Elle vit, portant dans ses yeux et dans son âme le mirage de son fils. […] Ses yeux se mouillèrent de larmes, et il rendit grâces à Dieu. […] Un si clair azur se répand dans leurs yeux qui grandissent !
Mais il avait des yeux et des oreilles, et faut-il croire qu’il ne s’en soit jamais servi ? […] Si le roi daigne parler à un courtisan, c’est avec une condescendance hautaine ; encore n’est-ce que par hasard, « quand il a bien dîné. » Toutefois, lorsqu’on déroge ainsi à l’étiquette, on sent le besoin de s’excuser à ses propres yeux. […] Chacun semble s’oublier pour se donner à lui et l’adorer. « Tous les yeux, dit Louis XIV lui-même, sont fixés sur lui seul, et c’est à lui seul que s’adressent tous les voeux. […] Au premier rang est le petit prince provincial, glorieux d’être parent du roi, et qui croit que le monde a les yeux sur sa bicoque. […] Un beau troupeau à ses yeux est « un troupeau en bon corps, bien broutant, rapportant tous les ans de très-notables sommes. » Il sait les prix de revient, et qu’un cochon coûte cher à engraisser.
Harold Pied de Lièvre, ayant saisi son compétiteur Alfred avec six cents hommes, leur fit crever les yeux et couper les jarrets, ou scalper le crâne, ou dévider les entrailles. […] Elle me menaçait — par jalousie, et me frappait de rudes coups. » — Tout cela est vain, nulle parole ne peut mouiller ces yeux secs ; il faut qu’on mette le corps sanglant sur ses genoux pour lui tirer des larmes. […] Toutes ses faces se sont levées en un instant devant les yeux du barbare, et chaque mot a été comme un accès de la demi-hallucination qui l’obsédait. […] Il faut appeler ici les choses par leur nom, appliquer les yeux des gens sur une grosse idée bien visible. […] Si on leur eût traduit exactement les derniers mots de Boëce, ils auraient ouvert de grands yeux stupides et se seraient endormis.
C’était à mes yeux le saint du royalisme moderne. […] Cette espèce de mémoire fut fait d’inspiration ; il n’y a que peu de mots d’effacés dans le brouillon, qui est sous nos yeux, et que l’auteur ne recopia jamais. […] » Dans cette vie sauvage et vagabonde, ses yeux se cavèrent, son feint jaunit, et sa santé s’altéra de plus en plus. […] Alors sa poitrine s’oppressa, et dans ses yeux à demi sanglants des larmes s’arrêtèrent sans pouvoir couler. […] Son sentiment est dans votre cœur, ainsi que ses ouvrages sont sous vos yeux.
Si je mets la lumière en pleine évidence, je suis certain d’offusquer leurs yeux, et n’ai même quelque conviction d’avoir bien fait que quand ils me déchirent le plus. […] Les archontes et les spectateurs, dont j’ai reçu les prix, et qui m’ont décerné des couronnes, m’ont jugé avec de meilleurs yeux, ayant vu les choses de plus près. […] L’auteur comique lui répondit : c’est que vous ne réfléchissez pas assez sur les événements qui se passent devant vos yeux ; car le moindre fait peut fournir à une ample comédie. […] De là, ces nuances, ces bigarrures du genre humain qui ne peut paraître uniforme à l’œil le moins éclairé. […] Que ne laisse-t-il en repos nos maris, sans leur ouvrir les yeux, et leur faire prendre garde à des choses dont ils ne s’avisent pas ?
Ses yeux étaient gris bleu, petits, mais très vifs. […] Par exemple, la critique de cette expression du poëte « une blanche aux yeux noirs. » Pour moi, je ne vois pas en quoi pèche l’expression, ni par où elle serait moins admissible qu’une brune aux yeux bleus, qui est très-reçue.
Nous ne voulons pas qu’on nous promène par le monde, comme des enfants, pour le simple plaisir des yeux ; en peu d’années l’Europe a grandement vieilli ; sa tardive expérience cherche aujourd’hui partout une instruction sérieuse. […] C’est donc rendre service aux poètes, c’est ouvrir de nouvelles sources à leurs inspirations, que de leur mettre sous les yeux quelques scènes des tropiques envisagées sous cet aspect, et de leur montrer en même temps comme exemple la couleur particulière qu’elles répandent sur la poésie des indigènes. […] C’est de moi qu’elles ont appris les malheurs de leur ancienne patrie ; leurs yeux ont exprimé la douleur lorsque je leur ai parlé de mon aïeul ; mais le plaisir les entraînait, elles ont fini par m’inviter à leurs danses… » Le reste de l’ouvrage n’est qu’à louer.
Que Diderot engraisse, que sa panse s’arrondisse, qu’il ait des indigestions et prenne médecine ; que mademoiselle Voland elle-même paie de quinze mauvais jours un petit verre de vin et une cuisse de perdrix de trop, cela nous choque en eux pour longtemps et gâte à nos yeux bien des effusions encore vives et de fraîches réminiscences d’amour. […] … » En disant ces derniers mots, j’avais les yeux tournés au ciel ; et mon religieux, les yeux baissés, méditait sur mon apologue24. » 24.
Les modèles qui l’ont introduit dans la langue qui n’est pas la sienne et sur lesquels il s’est façonné, ne resteront-ils pas présents à ses yeux et ne lui imposeront-ils pas à chaque instant leur empreinte ? […] Mon regard a suivi leur course circulaire Sans s’éblouir de leur beauté ; Mais, arrivé soudain à l’Étoile polaire, Mon œil errant s’est arrêté. […] Quand, par ces nuits d’hiver, l’homme de la campagne, Si vigilant et soucieux, Veut connaître l’instant de quitter sa compagne Pour le travail, alors ses yeux Cherchent le Chariot qui toujours au ciel reste Exposant ses trains éclatants : Là sept étoiles d’or dans le livre céleste Indiquent le chiffre du temps.
Ce profil si doux, si arrêté pourtant, si pur, — ces yeux innocents et braves, cette longue et angélique chevelure blonde, allaient bien au gentilhomme, au guerrier qui fut de notre race, et qui jetait son manteau de comte sur le corps débile et nu des poètes morts à l’hôpital. […] Il se retira « dans sa tour d’ivoire », et là, sur le plus haut degré, l’œil baigné de ciel, il continuait son œuvre ; il écrivait les Destinées, poèmes philosophiques plus graves peut-être encore, plus sévères que les Poèmes antiques et modernes. […] Le vol de l’aigle est resté dans mon oreille, mais mes yeux en cherchent vainement le sillage aérien.
Qui marche toujours les yeux baissés et qui a toujours un bréviaire sous le bras ? […] Au moins à leurs yeux. […] Une égale débilité d’esprit caractérise les deux chefs de maison, et les valets de Liseo n’ont pas l’œil moins clairvoyant ni la parole moins impertinente que la servante Dorine.
Rien de plus, car il n’existe pas d’Alexandrin idéal, passant dans les rêves des poètes, dieu suprême de l’Art, orchestre, mot synthétique, geste solennel résumant toutes les phrases et tous les poèmes, sorte de syllabe Om dont certains parlent, les yeux en extase, la voix tremblante, avec des airs de Bouddha contemplant son nombril. […] Fatalement tu es voué à l’emprisonnement dans ces caves, en communion de misère avec une foule d’êtres dont les uns sont comme toi beaux efforts et gardent aux yeux une étincelle de la lumière perdue, dont les autres, nés dans le souterrain, du désir de deux misérables, sont rachitiques, lugubres, et ne roulent au fond de leurs yeux que la morne obscurité d’un désespoir séculaire.
salués d’applaudissements de triomphe, des milliers de savants s’emploieront à des investigations physiques presque infinitésimales ; à rechercher la composition atomique et la structure microscopique du corps ; à explorer les formes innombrables de la vie animale et végétale, invisibles à l’œil tout seul ; à découvrir des planètes qui ont parcouru, inconnues pendant des siècles, leurs orbites obscurs ; à condenser, par la puissance du télescope, en soleils et systèmes, ce qui était regardé récemment encore comme la vapeur élémentaire des étoiles ; à traduire en formules numériques l’inconcevable rapidité des vibrations qui constituent ces rayons, si fermes en apparence que les plus forts vents ne les ébranlent pas ; à mettre ainsi en vue les parties les plus mystérieuses de l’univers matériel, depuis l’infiniment loin jusqu’à l’infiniment petit ; mais l’analyse exacte des phénomènes de conscience, la distinction entre les différences, si fines pourtant et si petites, des sentiments et des opérations ; l’investigation attentive des enchaînements les plus subtils de la pensée, la vue ferme mais délicate de ces analogies mentales qui se dérobent au maniement grossier et négligent de l’observation vulgaire, l’appréciation exacte du langage et de tous ses changements de nuances et de tous ses expédients cachés, la décomposition des procédés du raisonnement, la mise à nu des fondements de l’évidence : tout cela serait stigmatisé comme un exercice superflu de pénétration, comme une perte de puissance analytique, comme une vaine dissection de cheveux, comme un tissage inutile de toiles d’araignées ? […] L’œil ne nous donne que la figure, la position et la grandeur apparentes : le toucher seul nous donne la figure, la position et la grandeur réelles. […] Enfin, il conteste que le fameux opéré de Cheselden, qui disait que tous les objets touchaient ses yeux, soit un argument contre sa doctrine.
On se voit d’un autre œil qu’on ne voit son prochain. […] Ne seroit-il pas honteux pour la gloire des Lettres, que la modestie de Lafontaine, la simplicité de son caractere & de ses mœurs, eussent affoibli l’estime de ses talens aux yeux des deux hommes le plus en état de les apprécier ? […] Le dédale des cœurs en ses détours n’enserre Rien qui ne soit d’abord éclairé par les Dieux : Tout ce que l’homme fait, il le fait à leurs yeux, Même les actions que dans l’ombre il croit faire.
Adam s’éveille à la vie, ses yeux s’ouvrent : il ne sait d’où il sort. […] Adam s’endort : Dieu tire du sein même de notre premier père une nouvelle créature, et la lui présente à son réveil : « La grâce est dans sa démarche, le ciel dans ses yeux, et la dignité et l’amour dans tous ses mouvements. […] Un tremblement le saisit, il reste muet, la bouche entrouverte, et les yeux attachés sur son épouse.
J’avois un grand front, des yeux très-vifs, d’assez grands traits, la tête tout à fait du caractère d’un ancien orateur, une bonne-hommie qui touchait de bien près à la bêtise, à la rusticité des anciens tems. […] J’ai un masque qui trompe l’artiste, soit qu’il y ait trop de choses fondues ensemble, soit que les impressions de mon âme se succédant très-rapidement et se peignant toutes sur mon visage, l’œil du peintre ne me retrouvant pas le même d’un instant à l’autre, sa tâche devienne beaucoup plus difficile qu’il ne la croyait. […] Les larmes qu’elle arrache de nos yeux tombent sur les feuillets froids d’un livre.
Ouvrez donc les yeux ; levez-les, surtout, et regardez ! […] Lamartine intercéda auprès du grand-duc, qui ferma les yeux. […] Les eaux du ciel tracent sur ses murs « ces noirs sillons par où l’on pleure, que les veuves ont sous les yeux. […] Il ne fait jamais de plan ; cela saute aux yeux. […] Douleurs, douleurs, douleurs, fermez vos yeux sacrés !
Enfin, le spectacle, d’un goût parfait, d’une richesse très harmonieuse, est un charme pour les yeux. […] Sa voix est grave, lente et lointaine, et ses yeux couleur de mer fascinent Ellida. […] tes grands yeux pensifs, tout noirs sous ton front blême ! […] Que cette cour sinistre à mes yeux se dérobe ! […] Elle a des yeux qui savent voir, peu d’ignorance, pas beaucoup d’illusions pour son âge.
Il ordonna à ses archers de tirer en l’air ; ses flèches blessèrent beaucoup de Saxons au visage, et crevèrent l’œil d’Harold. […] Encore faut-il noter que le meilleur du fruit, à ses yeux, c’est d’être un fruit défendu. […] Qu’ils se gardent de tuer un cerf, un sanglier ou une biche : pour un délit de chasse, ils auront les yeux crevés. […] C’est Henri II qui, irrité contre un page, saute sur lui pour lui arracher les yeux. […] C’est sur ce fond que les yeux s’attachent ; ils percent la décoration mondaine et négligent la jouissance sensuelle, pour aller jusque-là.
Et il me parle aussi de ses tentatives, pour obtenir des sortes d’instantanés dans le monde, au moyen de planches remisées au fond de son chapeau, et me conte la réussite d’une petite planche, ainsi enlevée, où il a reproduit les yeux concupiscents de Tissot sur un décolletage de femme. […] Mes yeux cherchent des voitures, mais à une petite place, où j’en trouve, les cochers sont introuvables. […] Il me parle de la fièvre jaune dans ces villes, vous faisant repasser, sous les yeux, toute l’horreur épouvantable de la peste de Marseille, et amenant, chez les survivants, un curieux dédain de la vie. […] Jamais tant d’œils tendres de femmes, ne m’ont demandé un dîner, jamais tant de voix mourantes d’hommes, ne m’ont demandé un sou. […] Hervieu, peint à l’aquarelle par Jacques Blanche (1890), sur un exemplaire de : Peints par eux-mêmes, un portrait donnant la douce expression mélancolieuse de ses yeux.
Elle est œil, elle n’est pas un muscle. […] Remarquez que leur premier roman porta sur le monde qu’ils avaient le plus directement sous les yeux. […] Cela saute aux yeux à chaque ligne. […] Que contiennent les yeux de Cléopâtre ? […] Les objets sollicitaient vivement l’œil d’Émile Zola, comme celui d’un peintre.
Gaston Paris, la poésie du moyen âge, et la plus importante à nos yeux. […] J’ai sous les yeux, en ce moment même, les Discours et Plaidoyers de M. […] ou bien alors, Hugo, lui seul, serait-il donc tout le romantisme à ses yeux ? […] Il semble, comme l’on dit, que cela saute aux yeux ! […] C’est une preuve, à ses yeux, de peu de largeur d’esprit.
Sur ce grand vide obscur du passé, ses yeux s’attachent aux rares points lumineux, comme à un trésor. […] À ses yeux ses adversaires ne sont pas de sa taille. […] Et ce masque fixe encore sur vous ses yeux de verre, avec un lugubre simulacre de vie. […] Une pareille habitude bouche les yeux sur la moitié des choses. […] Il lit l’histoire, non pas avec les yeux d’un voyant pieux ou même d’un critique, mais avec une simple paire de lunettes anticatholiques.
Car Charles Cros, il ne faut jamais l’oublier, demeure poète, et poète très idéaliste, très chaste, très naïf, même dans ses fantaisies les plus apparemment terre-à-terre ; cela, d’ailleurs, saute aux yeux dès les premières lignes de n’importe quoi de lui. […] Marcel Fouquier J’ai là, sous les yeux, le seul volume de vers qu’ait publié Charles Cros, le Coffret de santal.
Il se veut un enfant ; il est l’oiseau des légendes qu’un moine écouta pendant plus de cinq cents ans ; et, de même qu’en la légende, lorsqu’on l’a écouté et qu’on revient à la vie, il y a du nouveau dans les gestes des hommes et dans les yeux des femmes. […] Ce sont primitifs qui martèlent leurs dires en sentences, et la naïveté de leurs yeux marque les choses de cernures égales.
Pour revenir au roman dont on publie ici une nouvelle édition, tel qu’il est, avec son action saccadée et haletante, avec ses personnages tout d’une pièce, avec ses gaucheries sauvages, avec son allure hautaine et maladroite, avec ses candides accès de rêverie, avec ses couleurs de toute sorte juxtaposées sans précaution pour l’œil, avec son style cru, choquant et âpre, sans nuances et sans habiletés, avec les mille excès de tout genre qu’il commet presque à son insu chemin faisant, ce livre représente assez bien l’époque de la vie à laquelle il a été écrit, et l’état particulier de l’âme, de l’imagination et du cœur dans l’adolescence, quand on est amoureux de son premier amour, quand on convertit en obstacles grandioses et poétiques les empêchements bourgeois de la vie, quand on a la tête pleine de fantaisies héroïques qui vous grandissent à vos propres yeux, quand on est déjà un homme par deux ou trois côtés et encore un enfant par vingt autres, quand on a lu Ducray-Duminil à onze ans, Auguste Lafontaine à treize, Shakespeare à seize, échelle étrange et rapide qui vous a fait passer brusquement, dans vos affections littéraires, du niais au sentimental, et du sentimental au sublime.
La prononciation vicieuse et la mauvaise écriture sont deux défauts très-analogues, c’est bégayer pour les yeux et pour les oreilles. […] On le creuserait, on poserait les fondements, on élèverait l’édifice assise par assise, jusqu’au faîte ; de là on passerait aux détails de la distribution et de la décoration intérieure, et les élèves s’instruiraient par les yeux, profondément et sans fatigue.
Ces combats ne sont aux yeux du sage que des illusions et des jeux ; la passion domine toujours ; il n’y a point de vrai combat : la passion attaque avec force ; le devoir se défend mal. […] ou vous fermez les yeux. […] Le seul avantage d’Idamé sur Pauline, aux yeux des philosophes, c’est qu’Idamé est femme d’un athée, au lieu que Pauline a pour époux un chrétien, crime que Voltaire n’a jamais pu lui pardonner. […] L’unité d’action échappe à des yeux vulgaires, puisqu’elle s’est même dérobée aux regards perçants de Voltaire et de M. de La Harpe ; mais ce n’est pas la faute de Corneille si Voltaire et M. de La Harpe ont eu des yeux pour ne pas voir. […] Combien est plus touchant et plus digne de nos pleurs le prince qui contemple d’un œil sec les plus affreux dangers, et présente aux coups du sort un front serein, une âme inaltérable !
En attendant que la nuit vienne, elle darde stupidement sur le soleil ses grands yeux ronds, couleur jaune d’œuf, avec une mince ligne noire cernée de vert sale, ses grands yeux ronds de hibou prévus par le poète. […] Seul il voyait juste le poète qui, voilà quelques lustres, baptisa notre époque, encore à naître : « Une France aux yeux ronds ! […] J’entrevoyais pourtant le docteur en chef hochant la tête et regardant son interne d’un drôle d’œil. […] » Et à moi : « Enfin, vous avez retrouvé vos yeux, méchant ! […] Mais le premier devoir à ses yeux c’est d’être un bon citoyen.
Nous étions froids devant la nature, parce que nous la regardions de nos yeux ; ici nous la voyons par les siens. […] Nous ne le regardons plus qu’avec des yeux vagues. […] Que signifient cette femme aux yeux fixes, montée sur une hideuse licorne, qui passe dans le silence de la forêt ? […] Nous aussi nous contemplerons son œuvre d’un œil calme ; elle nous restera étrangère, ne nous touchant pas le cœur. […] On s’irrite contre la nuit qui tombe, et l’on se crève les yeux dans le crépuscule en attendant la lampe qui ne vient pas.
Cornélie Goethe, malgré des yeux magnifiques, — et, du reste, quand on est intelligent, on a toujours des yeux magnifiques, — était laide. […] Yeux tirés par les combats intérieurs. […] » — Diablement clairvoyant cet œil de femme ! […] Une femme trop voilée, on la parcourt des yeux des pieds à la tête. […] Si la femme lorgnée a de beaux yeux, vous ne manquez pas de dire : « Surtout les yeux !
C’est-à-dire qu’elle a mal agi au jugement de la loi, afin de bien agir à ses propres yeux. […] Les images qui flottent sans doute devant ses yeux, elle ne peut les traduire par des mots. […] Quand elle le comprend, elle conseille à Septmonts d’avoir l’œil sur la duchesse. […] Cette femme, qui a été sa femme, ne peut être à ses yeux qu’une gourgandine et une coquine. […] Il la secoue et la bouscule un peu, lui ouvre les yeux sur son involontaire hypocrisie : « Mais, cabotine !
Le seul évangélisme qu’il leur doive, c’est de les forcer à lever les yeux s’ils veulent l’apercevoir. […] Et puis, peut-être serons-nous pleinement compris par les petits-fils de ceux qui nous lisent aujourd’hui d’un œil distrait et défiant. […] On le lut avec des yeux plus jeunes, non pas plus pénétrants. […] Mais sa main, ses yeux sont extraordinaires. […] Poe voit le grotesque, dans le cœur et surtout dans la tête ; c’est à notre âme, et non plus à nos yeux, qu’il s’adresse.
L’un et l’autre ont de gros yeux saillants. […] Les sourcils chus, les yeux éteints. […] Mais elle l’est de la façon la plus caractéristique : ses yeux ouverts ne sont pas sensibles à la lumière. […] Soit embarras de montrer la faute avec assez d’exactitude, soit embarras de gronder, elle lève les yeux et songe. […] Les yeux des réalistes de toute école sont comme braqués sur la réalité.
Au temps des vignes, ils ont chanté Mes yeux entreclos qui rayonnent, Mes yeux alanguis et voilés Comme des ciels d’automne.
Elle fera revivre aux yeux des foules le fantôme des héroïnes évanouies. […] Elle sera « l’Empire à la fin de la décadence », comme Verlaine, et les poètes nouveaux la suivront des yeux comme une éblouissante vision de rêve.
Ce n’est pas sans avoir eu à vaincre quelque pudeur que je me suis décidé à dévoiler ainsi mes pensées de jeunesse, pour lesquelles peut-être à un autre âge je me ferai critique, et qui auront sans doute bien peu de valeur aux yeux des personnes avancées dans la carrière scientifique. […] C’est votre image que j’ai eue sans cesse devant les yeux, quand j’ai cherché à exprimer l’idéal élevé où la vie est conçue non comme un rôle et une intrigue, mais comme une chose sérieuse et vraie.
On montre un chien à un très jeune enfant, et on lui dit, dans le langage des nourrices, en imitant, tant bien que mal, l’aboiement de la bête : « C’est un oua-oua. » Ses yeux suivent le geste indicateur ; il voit le chien, entend le son, et, après quelques répétitions qui sont son apprentissage, les deux images, celle du chien et celle du son, se trouvent, d’après la loi d’association des images, associées à demeure dans son esprit. […] Le manuel qu’il livre aux commençants a mille pages, et il faudrait je ne sais combien d’atlas et de volumes pour contenir la figure et l’énumération de toutes les parties qu’à l’œil nu il a constatées. — S’il arme son œil du microscope, ce nombre se multiplie au centuple ; Lyonnet n’a pas eu trop de vingt ans pour décrire la chenille du saule. — Au-delà de notre microscope, des instruments plus puissants accroîtraient encore notre connaissance ; il est visible que dans cette voie la recherche n’a pas de terme. — Pareillement, voici un corps inorganique, de l’eau ; l’idée que j’en ai est celle d’un liquide, sans odeur ni couleur, transparent, bon à boire, qui peut devenir glace ou vapeur ; rien de plus ; du groupe énorme des caractères ou propriétés physiques et chimiques qui s’accompagnent et constituent l’eau, je ne sais pas autre chose. […] Mais, si on l’écrit pour les yeux, elle occupe une ligne et demie et exige cinquante-cinq caractères ; c’est beaucoup, et, à cet égard, on peut l’améliorer. — Aux noms écrits, on substitue des caractères plus simples, qui, au lieu de remplacer directement les noms de nombre et indirectement les nombres, remplacent directement les nombres. […] Quand nous armons notre œil d’un microscope puissant, nous constatons des inflexions dans les lignes qui nous semblaient les plus droites, des rugosités dans les plans qui nous semblaient les plus unis, des irrégularités dans les formes qui nous semblaient les plus régulières. […] Sous nos yeux et tous les jours, une quantité prodigieuse de corps sont en repos ou en mouvement, de sorte qu’à ce point de vue l’expérience nous fournit tous les matériaux nécessaires pour que nous puissions isoler les deux idées élémentaires de repos et de mouvement.
On peut imaginer qu’en quelqu’un de ces jours anciens, parmi les fêtes qui remplissaient la cité de splendeurs, quelque divin philosophe isolé dans la multitude sur les gradins de marbre d’un Panathénée, ayant été subitement étonné par la magnificence de quelque maxime qu’énonçait le protagoniste, une fois ferma les yeux aux merveilles des décorations et des chorégraphies ; et, comme l’on dit, il ferma les yeux pour mieux entendre ; en effet, aveugle aux tableaux du théâtre, il s’aperçut qu’il entendait mieux, qu’il comprenait mieux, qu’il se faisait plus fortes, plus profondes, plus belles, les sentences qui arrivaient à son oreille ; et supposons qu’à ce moment, par quelque bizarre incident, les musiques accompagnatrices des paroles et des mimiques se soient tues, alors le philosophe, n’ayant plus en son esprit que la sensation des paroles récitées et donnant à ces paroles toute l’attention de son esprit auparavant divisée aux visions et aux harmonies, médita qu’il jouissait, plus intensément de ces littératures que seules il percevait ; ainsi pouvait-il conclure que l’œuvre d’art serait plus puissante à l’émouvoir qui, au lieu d’occuper tous les moyens de perception, en occuperait un seul et, de ce fait, avec une triple intensité. […] Car le moindre vice de la décoration scénique est de s’imposer aux yeux et à l’esprit incessamment ; tandis que ce n’est que par moments, et quand l’orchestre le commande, que l’on doit, au cours de l’action psychologique, songer à ces sites de grèves et de flots qui l’encadrent. Ainsi, aux chers jours de Bayreuth dont l’anniversaire maintenant se solennise, ainsi, pendant que l’orchestre bayreuthien en cette salle privilégiée chantait le flux de ces véhémentes harmonies ; par fois, tournant le dos à la risible scène, oubliant les balourds occupés à représenter celui-ci un sieur Tristan, celle-là une dame Isolde, celui-là un Kurwenal graisseux et ventru ; négligeant les cocasseries du navire en carton peint et des matelots en zinc et tant de sottes polychromies ; oui, les yeux clos à ces sottises, et solitaire en mon attention tout dévouée aux uniques sonorités qui d’un centre invisible dans l’absolue nuit de mes sens s’éparsemaient : ainsi, parfois, ai-je écouté, ai-je quéri, ai-je entendu la symphonie qui se nomme Tristan et Isolde… Alors le préludial appel résumateur des suggestions où voguera ce conte d’âmes, et son apaisement. (chant du matelot) en ce chant de naïve tristesse d’une âme que bercerait un doux amour éloigné et plein d’espérances ; puis, surgissante la passion, et ses cris où elle s’épanche, ses féroces silences, sa vie jubilante et désespérée… Oh, comme par les yeux de l’esprit je les vois, les âmes aimantes qu’attire et qu’emmène et qu’engouffre le gouffre du désir d’aimer, les pauvres âmes mortellement saisies et qui vainement se débattent sous le philtre spirituel de l’advenu irrévocable ! […] Je vis de la mémoire de l’infinie tristesse de son œil sur moi fléchi.
La nuit douce s’étalait autour d’eux ; des nappes d’ombre emplissaient les feuillages, Emma, les yeux demi-clos, aspirait avec de grands soupirs le vent frais qui soufflait. […] Et parmi ces architectures, entre l’embrasement des catastrophes, sous les yeux droits et mâles, d’étranges femmes passent. […] La Tentation de saint Antoine à son début, les voix qui susurrent aux oreilles de l’ascète des phrases insidieuses de crépuscule, les images qui passent sous ses yeux, continues et disconnexes, ont l’illogisme du rêve et l’appréhension de l’inconnu ; les visions se suivent et se lient imprévues ; des communions subites ont lieu : « Elle sanglotte, la tête appuyée contre une colonne, les cheveux pendants, le corps affaissé dans une longue simarre brune. […] Ils se regardent, et leurs yeux s’envoient comme un flot de pensées, mille choses anciennes, confuses et profondes… » D’autres scènes, l’apparition d’Hélène Ennoia, le culte des Ophites, se passent en demi-ténèbres, et apparaissent vagues et passagères comme des songes, persuasives comme des hallucinations. […] Quand l’œil de Flaubert était braqué sur la réalité, les détails importants des choses et des hommes fidèlement enregistrés trouvaient dans le vocabulaire de l’écrivain une série de mots exactement adaptés, qui les rendaient d’une façon précise et du premier coup, en phrases telles que chacune enveloppant l’idée à exprimer, entière, il ne fût nul besoin d’y revenir.
Montesquieu regarde la France par les yeux d’un Persan, et Voltaire, revenant d’Angleterre, décrit les Anglais, espèce inconnue. […] Regardons en bas sur la terre ; considérons l’homme lui-même, tel qu’il est aux yeux du naturaliste, c’est-à-dire le corps organisé, l’animal sensible, avec ses besoins, ses appétits et ses instincts. […] À cela d’ailleurs l’amour-propre trouve son compte ; on est bien aise d’être le type de l’homme ; la statue qu’on se dresse en prend plus d’importance ; on se relève à ses propres yeux quand, en se confessant, on croit confesser le genre humain. Rousseau convoque les générations par la trompette du jugement dernier et s’y présente hardiment aux yeux des hommes et du souverain juge : « Qu’un seul te dise, s’il l’ose : Je fus meilleur que cet homme-là411 ! […] Avec tout cela, je mourrai persuadé que, de tous les hommes que j’ai connus en ma vie, nul ne fut meilleur que moi. » — À Mme B. 16 mars 1770. « Vous m’avez accordé de l’estime sur mes écrits ; vous m’en accorderiez plus encore sur ma vie si elle vous était connue, et davantage encore sur mon cœur s’il était ouvert à vos yeux.
Quel est l’amant qui imprimerait sous l’œil de son amie un sonnet où il attesterait lui-même sa propre infidélité cynique ? […] Il est vrai qu’il ajoute ce correctif précieux, oublié ou dédaigné par Chateaubriand : “Mais ses yeux avaient une lumière, ses cheveux cendrés une teinte, sa bouche un accueil, toute sa physionomie une intelligence et une grâce d’expression qui faisaient souvenir, si elles ne faisaient plus admirer. […] Ses yeux étaient beaux et limpides, mais ses traits n’avaient aucune noblesse et aucune distinction naturelle de ces visages desquels la race ou le génie écrit d’avance l’origine. […] La comtesse, l’abbé de Caluso, Fabre, recueillirent en une seule édition les œuvres d’Alfieri et livrèrent tout ce fatras à l’œil du public avec un soin religieux. […] Mme d’Albany recevait avec grâce et bonté ces hommages qui la relevaient à ses propres yeux.
Ce fut une autre nation qui les révéla à ses yeux. […] Il n’adressa jamais la parole à son chambellan ; son esprit tout sensuel ne s’élevait pas à la hauteur d’une idée, il n’aimait de la royauté que ses vices, une réforme aurait dégradé le trône à ses yeux. […] Au-dessous de lui, dans la nue, L’étendard de sa mort, la croix brille à mes yeux. […] Elle est donc confondue dans l’espèce, et ses vertus ou ses crimes individuels sont donc sans importance aux yeux de Dieu, sans criminalité ou sans mérite aux yeux du sage suprême. […] Il n’a rien créé, mais il a tout éclairé : esprit et lumière, luire sur toute chose fut sa création ; la lumière ne crée pas le monde, mais elle le manifeste ; manifester, c’est créer pour les yeux.
— Deux grands génies, que la tyrannie surveillait d’un œil inquiet, protestaient seuls contre cet arrêt de mort de l’âme, de l’intelligence et de la poésie, Mme de Staël et M. de Châteaubriand. […] Quelques-uns de ces monuments déserts semblaient intacts et sortis d’hier des mains de l’ouvrier ; d’autres ne présentaient plus que des restes encore debout, des colonnes isolées, des pans de muraille inclinés, et des frontons démantelés ; l’œil se perdait dans les avenues étincelantes des colonnades de ces divers temples, et l’horizon trop élevé nous empêchait de voir où finissait ce peuple de pierre. […] Ce spectacle nous saisit tellement d’abord que nous n’arrêtâmes nos regards sur aucun détail de la vallée ; mais quand le premier éblouissement fut passé et que notre œil put percer à travers la vapeur flottante du soir et des eaux, une scène d’une autre nature se déroula peu à peu devant nous. […] Sur certains rebords des précipices l’œil ne pouvait apercevoir aucun accès, mais, là même, un couvent, une croix, une solitude, un oratoire, un ermitage et quelques figures de solitaires circulant parmi les roches ou les arbustes, travaillant, lisant ou priant. […] Partout où l’œil tombait, il voyait la vallée, la montagne, les précipices s’animer pour ainsi dire sous son regard, et une scène de vie, de prière, de contemplation, se détacher de ces masses éternelles, ou s’y mêler pour les consacrer.
Ô ces yeux verts rêvant, ces aigues inhumaines. […] albugo, petites taches blanches de l’œil. […] Dans ses gros yeux bleus des larmes fluctuaient. […] La lune en son halo ravagé n’a qu’un œil. […] Sur l’orbe de son œil levé.
La facilité qui était sienne, et qu’il avait en maint sujet pour venir à bout des choses avec beaucoup de travail, mais sans le laisser voir, lui manquait pour les langues : s’il les comprenait, c’était des yeux, jamais de l’oreille ; jamais il ne put s’accoutumer à l’accentuation ni à la prononciation. […] Je me souviens, pour l’avoir vu faire sous mes yeux, du premier de ces bulletins et des moindres circonstances qui l’accompagnèrent. […] J’ai sous les yeux et je viens de parcourir la plupart de ses articles au National : l’impression que j’en reçois est bien mélangée. […] Combien d’œuvres spirituelles et déjà comiques d’auteurs anonymes il nous fait passer sous les yeux ! […] il savait bien qu’il n’avait pas en lui de quoi la tenter ; — pour faire bruit pendant les huit ou quinze jours qu’une Revue reste exposée dans sa primeur aux yeux du public ?
Figurez-vous qu’en ce moment j’ai sous les yeux un véritable jardin de deux lieues de large et de quatre de long, arrosé par une grande rivière et entouré de coteaux boisés, où, grâce aux abris du nord, le printemps se montre trois semaines plus tôt qu’à Paris, et où maintenant tout est verdure et fleurs. […] M. de Talleyrand avait pu connaître avant de mourir et lire de ses yeux le terrible portrait que George Sand avait fait du Prince dans une des Lettres d’un voyageur, insérée dans la Revue des Deux Mondes (octobre 1834). […] J’ai sous les yeux des billets de lui à un ami, à un homme de la société, M. de Giambone56 : il y est plus d’une fois question de travail, du moins pendant la première partie de l’été. […] La lettre de M. de Talleyrand, écrite de Londres vers le moment de la mort de Casimir Perier, qu’on a pu lire dans le précédent article, a été supposée par moi adressée à Mme de Dino, sa nièce : mais l’autographe que j’ai eu sous les yeux ne porte en effet aucune suscription, et ce n’est que par induction et conjecture que j’ai cru pouvoir indiquer la destinataire. […] » — Ne nous lassons jamais de remettre sous nos yeux les deux faces de la vérité, surtout quand la plus agréable pourrait faire oublier la plus essentielle.
Elles remettent incontinent devant les yeux ce qu’elles ont tant aimé. […] Ne permettez fascher celle que vous avez conservée jusques ici sans rides, et sans pas un poil blanc ; et n’ostez, à l’appétit de quelque colère, le plaisir d’entre les hommes. » L’arrêt de Jupiter qui remet l’affaire à huitaine, c’est-à-dire à trois fois sept fois neuf siècles, et qui provisoirement commande à Folie de guider Amour, clôt à l’amiable le débat : « Et sur la restitution des yeux, après en avoir parlé aux Parques, en sera ordonné. » Cet excellent dialogue, élégant, spirituel et facile, mis en regard des vers de Louise Labé, est un exemple de plus (cela nous coûte un peu à dire) qu’en français la prose a eu de tout temps une avance marquée sur la poésie. […] Quelquefois, en attachant mes yeux sur toi, j’allais jusqu’à former des désirs aussi insensés que coupables : tantôt j’aurais voulu être avec toi la seule créature vivante sur la terre ; tantôt, sentant une divinité qui m’arrêtait dans mes horribles transports, j’aurais désiré que cette divinité se fût anéantie, pourvu que, serrée dans tes bras, j’eusse roulé d’abîme en abîme avec les débris de Dieu et du monde ! […] Mais quand mes yeux je sentirai tarir, Ma voix cassée et ma main impuissante, Et mon esprit en ce mortel séjour Ne pouvant plus montrer signe d’amante, Prîrai la Mort noircir mon plus clair jour ! Ce dernier vers pourra sembler un peu serré, un peu dur, mais le sentiment général, mais l’expression vive du morceau, ces yeux qui tarissent, montrer signe d’amante, ce sont là des beautés qui percent sous les rides et qui ne vieillissent pas.
Cette gloire-là est, à mes yeux, toute pareille à celle du convive intrépide qui jouit lui-même de la fête et met en train les autres. […] Que les sots te méprisent, que les fakirs du bon ton te proscrivent, que les femmes des patriciens détournent les yeux avec horreur en te voyant mouiller les lèvres de la divine Malibran ! […] Une lettre de notre voyageur, que nous avons sous les yeux, nous le montre au naturel, tel qu’il était en ces années d’hilarité et d’insouciance, tel qu’il eut l’heureux privilége de rester toujours. […] Quand il était au piano, il finissait volontiers, au bout d’un certain temps, par tomber dans la pure romance sentimentale ; mais dans l’habitude, et dès qu’il voyait des visages et des yeux humains, il souriait, il étincelait au premier choc, et la gaieté ne tarissait pas. […] Une fois au piano, on aurait dit que la chanson lui sortait par tous les pores, par les doigts, par les cheveux légèrement en désordre, par ses yeux brillants comme par ses lèvres riantes.
elle n’est plus recouverte à mes yeux d’un voile funèbre… En reprenant mes facultés, en recouvrant mes souvenirs, ma pensée a volé vers vous200… Quelle est votre existence dans un moment de troubles si universels ? […] Quand Mme de Staël en pleine célébrité, et hautement accueillie par l’école française du dix-huitième siècle, commençait à tourner à l’Allemagne, Mme de Krüdner, du sein de la patrie allemande, et malgré la littérature alors si glorieuse de ce pays, n’avait d’yeux que vers le nôtre. […] Une petite rivière brillante, aux ondes perlées, encaissée à merveille, et courant sur un lit de sable fin sous une atmosphère transparente, a son prix, et comme beauté, à l’œil du peintre, elle est supérieure au fleuve plus large, mais inégal, brisé, et tout d’un coup vaseux ou brumeux. […] Dans les premiers jours de septembre de cette année, une grande revue des troupes russes eut lieu, sous les yeux d’Alexandre, dans les plaines de Vertus en Champagne. […] En ces moments de craquement universel, il arrive, j’imagine, que l’idéal, qui est derrière ce monde terrestre, se révèle, apparaît rapidement à quelques yeux, et l’on croit qu’il va s’introduire : mais la fente se referme aussitôt, et l’œil qui avait vu profondément et juste un instant, en continuant de croire aux rayons disparus, s’abuse et n’est plus rempli que de sa propre lumière.
Jadis, enfant chéri, dans la maison d’un père Qui te regardait naître et grandir sous ses yeux, Tu pouvais sans péril, disciple curieux, Sur tout ce qui frappait ton enfance attentive Donner un libre essor à ta langue naïve. […] Leur voix est pure et tendre, et leur âme innocente, Leurs yeux doux et sereins, leur bouche caressante. […] Il s’avance, il voit au bord d’un ruisseau une jeune femme échevelée, tout en pleurs, assise sur un tombeau, une main appuyée sur la pierre, l’autre sur ses yeux. […] » Disant ces mots, il sort… Elle était interdite ; Son œil noir s’est mouillé d’une larme subite ; Nous l’avons consolée, et ses ris ingénus, Ses chansons, sa gaieté, sont bientôt revenus. […] Arts dignes de nos yeux !
Trahir l’aventurière dont il a été l’amant, ou laisser un galant homme marcher, les yeux bandés, à un mariage sinon déshonorant, du moins ridicule ? […] Justement elle a une lettre à écrire ; Raymond, penché sur son épaule, dévore des yeux les lettres à peine formées, puis il déchire le paquet maudit… Ô bonheur ! […] N’est-ce que cela, et les billets de banque sont empaquetés, pliés et renvoyés sous ses yeux… Ah ! […] Plus de doute, il l’aime encore, et elle attend, l’oeil sec et les nerfs tranquilles, l’en-cas conjugal que lui enverra le hasard. […] La femme se pétrifie sous vos yeux et se change en une statue dépravée, mais elle garde encore de la grâce et de la tournure.
cette théorie, parfaitement impuissante, a vainement essayé de donner la loi des faits, que les vues faibles prennent pour le dévergondage du hasard, et, désespérée de ne pouvoir la dégager, cette loi entrevue, a fermé les yeux, s’est assise par terre et a proclamé la fatalité. […] C’est dans le règne du passé et de la mort que la fatalité révèle sa force inexorable à l’œil le plus vulgaire. […] Mais il n’y a rien compris, ou peut-être n’y a-t-il rien voulu comprendre ; et l’aveugle volontaire ou involontaire a nié le soleil dont il portait et sentait le poids sur ses yeux. […] Ferrari n’en est pas moins un historien, qui voit souvent, quand il n’a pas sur les yeux de son esprit le bandeau de sa métaphysique. […] Quand on a regardé deux minutes l’Italie avec des yeux historiques, l’assertion qui fait le mérité absolu de l’ouvrage de M.
… » met d’une manière vivante sous nos yeux le sentiment de ceux qui tiennent leur terre pour un sanctuaire et reçoivent leur loi des morts qu’ils révèrent. […] J’en extrais la pensée centrale et animatrice, mais pour éprouver toute sa force admirable, il nous faudrait, dans le même temps que nous en tenons le texte sous nos yeux, voir, respirer, sentir l’horreur du décor : « La nuit, dans la forêt éclairée par les fusées, sous le fracas de la mitraille, je m’abandonne à la volupté de penser. […] Que l’enthousiasme monte vos têtes, que l’honneur électrise vos cœurs, que le feu sacré de la victoire brille dans vos yeux, qu’en arborant les marques insignes de la gloire vos âmes soient exaltées ! […] Ses yeux, sous l’ombre de ses sourcils que fronçait sa résolution, ses yeux que tu te rappelles, luisaient d’un sombre éclat d’acier. […] C’est si bon de sentir derrière soi toute une famille, et quand je suis en ligne, dans ma cagna, je ferme les yeux une fois la lettre lue, et je me figure être avec vous tous.
» Pendant deux années il trouva en Danemark dans la famille Brun le degré et comme la température d’affection qui lui convenait le mieux, et il eut aussi devant les yeux tout un monde nouveau qui se découvrait à son intelligence. […] Bonstetten y part de ce principe que « la poésie chez les anciens était si peu faite pour mentir qu’elle était au contraire comme une révélation de faits trop éloignés pour être aperçus par les yeux du vulgaire » ; elle les ressaisissait en vertu d’une double vue et avec un caractère plus intime de vérité. […] Prenez l’habitude de ne fixer aucune pensée, gardez-vous de tout travail sérieux et suivi, tâchez de ne rien observer, d’être les yeux ouverts sans voir, de parler sans avoir pensé : alors, dans l’ennui qui vous dévore, laissez-vous aller à toutes vos fantaisies, et vous verrez les progrès rapides de voire imbécillité. […] La dernière des lettres que j’ai sous les yeux, et d’où je tire cette pensée, est du 4 novembre 1831, de trois mois seulement avant la mort de Bonstetten. Dans les tout derniers temps, l’âge l’avait atteint, ses yeux le quittaient ; sa vie intérieure restait la même.
Rien n’était, à ses yeux, plus respectable et plus significatif qu’un fait, rien aussi de plus amusant quand le fait était puisé à bonne source et environné de tout ce qui l’explique et ce qui l’appuie. […] Le malheur ne serait pas grand à ses yeux, non plus qu’aux yeux de M. de Montausier, Quand de ces médisants l’engeance tout entière Irait, la tête en bas, rimer dans la rivière. […] Le dernier mot de Marais sur Voltaire, le sentiment qu’il partage avec le président Bouhier et qui était, à cette date, l’opinion presque universelle, c’est que « le talent de l’homme est merveilleux, mais que le jugement n’y répond point. » La faculté judicieuse et la raison de Voltaire ne commencèrent à se dégager et à se dessiner nettement à tous les yeux que dans la seconde moitié de sa carrière et depuis sa retraite à Ferney ou aux Délices. […] Il n’obtient pourtant pas entièrement grâce aux yeux de Marais. […] Il me resterait un devoir désagréable à remplir : ce serait de me plaindre, au nom de tous les lecteurs, des nombreuses fautes d’impression qui sautent aux yeux dans ces volumes sortis d’une imprimerie célèbre ou qui du moins en portent le nom.
Cette écriture, presque illisible pour ceux qui ne l’ont pas étudiée, a quelque chose du trait impatient et fougueux de Napoléon ; mais, quoiqu’à demi formés, les caractères ont la fermeté et la netteté du burin. » C’est moins, on le conçoit, avec les yeux mêmes qu’avec la sagacité comparative et par la pénétration du tour, du jet habituel à Pascal, qu’on arrive à déchiffrer une écriture aussi elliptique ; aussi, à quelqu’un qui lui disait que ce travail devait bien lui fatiguer les yeux, M. Faugère put répondre : « Non, te n’est pas aux yeux qu’est la fatigue, c’est au cerveau. » Je n’ai point dessein de raconter ici par le menu le plan d’une édition dont chacun va demain se pourvoir : dans le premier volume, M. […] La feuille de papier du portrait avait été collée sur l’intérieur de la couverture d’un gros livre, d’un Corpus juris dont Domat se servait habituellement ; de sorte que, chaque fois qu’il feuilletait le livre, l’image de son ami lui repassait sous les yeux. […] Je l’aime ainsi : je l’aime tombant à genoux, se cachant les yeux à deux mains et criant : Je crois, presque au même moment où il lâche d’autres paroles qui feraient craindre le contraire. […] Je le vois ; mais les larmes sont interdites à mes yeux.
. — À leurs yeux le moment décisif est arrivé. […] En effet, on le croyait raisonnable et même bon par essence Raisonnable, c’est-à-dire capable de donner son assentiment à un principe clair, de suivre la filière des raisonnements ultérieurs, d’entendre et d’accepter la conclusion finale, pour en tirer soi-même à l’occasion les conséquences variées qu’elle renferme : tel est l’homme ordinaire aux yeux des écrivains du temps : c’est qu’ils le jugent d’après eux-mêmes. […] Contre leurs débordements et leurs dévastations, il a fallu installer une force égale à leur force, graduée selon leur degré, d’autant plus rigide qu’elles sont plus menaçantes, despotique au besoin contre leur despotisme, en tout cas contraignante et répressive, à l’origine un chef de bande, plus tard un chef d’armée, de toutes façons un gendarme élu ou héréditaire, aux yeux vigilants, aux mains rudes, qui, par des voies de fait, inspire la crainte et, par la crainte, maintienne la paix. […] Un enfant, en ouvrant les yeux, doit voir la patrie, et, jusqu’à la mort, ne doit voir qu’elle… On doit l’exercer à ne jamais regarder son individu que dans ses relations avec le corps de l’État. » Telle était la pratique de Sparte et l’unique but du « grand Lycurgue » « Tous étant égaux par la constitution, ils doivent être élevés ensemble et de la même manière. » — « La loi doit régler la matière, l’ordre et la forme de leurs études. » À tout le moins, ils doivent tous prendre part aux exercices publics, aux courses à cheval, aux jeux de force et d’adresse institués « pour les accoutumer à la règle, à l’égalité, à la fraternité, aux concurrences », pour leur apprendre « à vivre sous les yeux de leurs concitoyens et à désirer l’approbation publique ». […] Par nature, il est hostile aux associations autres que lui-même ; elles sont des rivales, elles le gênent, elles accaparent la volonté et faussent le vote de leurs membres. « Il importe, pour bien avoir l’énoncé de la volonté générale, qu’il n’y ait pas de société partielle dans l’État, et que chaque citoyen n’opine que d’après lui449. » Tout ce qui rompt l’unité sociale ne vaut rien », et il vaudrait mieux pour l’État qu’il n’y eût point d’Église Non seulement toute Eglise est suspecte, mais, si je suis chrétien, ma croyance est vue d’un mauvais œil.
II Une femme fait des gestes violents, essuie ses yeux avec son mouchoir, sanglote en se cachant la tête dans les mains. […] Un homme, les yeux ouverts ou fermés, voit à trois pas de lui une tête de mort parfaitement distincte, quoiqu’il n’y ait devant lui aucune tête de mort. […] L’halluciné qui voit à trois pas de lui une tête de mort éprouve en ce moment-là une sensation visuelle interne exactement semblable à celle qu’il éprouverait si ses yeux ouverts recevaient au même moment les rayons lumineux qui partiraient d’une tête de mort réelle. […] Des fragments de vos sensations anciennes ont ressuscité en vous ; vous avez revu, les yeux fermés, des bouts de vert, de bleu, de luisant sombre ; il vous est revenu des restes de sons ; et, toutes proportions gardées, en petit, incomplètement, ces débris survivants de la sensation primitive ont eu le même effet que la sensation primitive ; le travail hallucinatoire s’est fait à demi. […] Ce fauteuil qui est à trois pas de moi ne donne à mes yeux que la sensation d’une tache verte diversement ombrée selon ses diverses parties ; et cependant, sur cette simple indication visuelle, je juge qu’il est solide, moelleux, qu’il a telle grandeur et telle forme, qu’on peut s’asseoir dessus ; en d’autres termes, j’imagine comme certaine une série de sensations musculaires et tactiles que mes mains et mon corps auront, si j’en fais l’expérience à son endroit. — Enfin, dans la conscience de nos sensations présentes, il y a des images : car, lorsque nous avons conscience d’une douleur, d’une saveur, d’un effort musculaire, d’une sensation de froid ou de chaud, nous la situons en tel ou tel endroit de nos organes ou de nos membres ; en d’autres termes, ma sensation éveille l’image des sensations tactiles, visuelles et musculaires que j’emploierais pour reconnaître l’endroit où se produit l’ébranlement nerveux.
qui pourra prêter à mes yeux une source intarissable de larmes ? […] donnez à mes yeux une source intarissable de larmes ! […] Je repris bientôt ma place, après avoir, autant que je le pouvais, essuyé mes yeux. […] Il le pria d’abord de l’excuser de lui avoir donné cette peine et de la mettre sur le compte de l’affection et de la bienveillance qu’il avait pour lui ; qu’il rendrait plus volontiers l’âme s’il avait d’abord rassasié ses yeux mourants de la vue d’un ami qui lui était si cher. […] Par le mouvement de ses lèvres, par ses yeux vers le ciel, par l’agitation de ses doigts, il montrait qu’il en savait par cœur toutes les pensées et tous les mots.
La jeune Circassienne est la proche parente de Gulnare et de Haïdée, et c’est une belle personne qu’on ne voit guère que par les yeux de l’imagination lorsqu’on a vingt-cinq ans. Les descriptions de lieux, les aspects de la nature sont plus exactement peints, car l’auteur sait voir et choisir dans le spectacle qu’il a sous les yeux. […] Probablement les yeux noirs de Zemfira, la fille du chef de la horde, sont pour quelque chose dans le choix de sa retraite. […] Le père de Zemfira, après avoir déposé les deux amants dans une fosse creusée sous les yeux d’Aleko, lui adresse la parole : « Loin de nous, homme orgueilleux ! […] Tes yeux nous feraient peur, timides que nous sommes.
Car ce qui est partiel est plus fort ; les hommes ne se passionnent que pour ce qui est incomplet, ou, pour mieux dire, la passion, les attachant exclusivement à un objet, leur ferme les yeux sur tout le reste. […] Changarnier eussent été aussi critiques que moi, ils ne nous eussent pas rendu le service de nous sauver en juin ; car j’avoue que, depuis Février, la question ne s’est jamais posée assez nettement à mes yeux pour que j’eusse voulu me hasarder d’un côté ou de l’autre. […] Aux yeux des scolastiques, Goethe est un sceptique ; mais celui qui se passionne pour toutes les fleurs qu’il trouve sur son chemin et les prend pour vraies et bonnes à leur manière ne saurait être confondu avec celui qui passe dédaigneux sans se pencher vers elles. […] Ce qu’il y a de sûr, c’est que les bergers et les mages l’apercevront encore les premiers, c’est que le germe est déjà posé et que, si nous savions voir le présent avec les yeux de l’avenir, nous démêlerions dans la complication de l’actuel la fibre imperceptible qui portera la vie à l’avenir. […] Dans la secte orthodoxe elle-même, que de taches à nos yeux.
Quoi qu’il en soit, quand Bussy, jeune, lisait cette ode qui faisait partie à ses yeux de l’héritage et de l’illustration domestique, il la lisait bien dans le premier texte, et son objet le plus cher fut, tant qu’il put d’associer les deux choses que séparait le poète, les plaisirs et la gloire, les entreprises de guerre et celles d’amour. […] Roger de Rabutin, a-t-il dit de lui-même, avait les yeux grands et doux, la bouche bien faite, le nez grand tirant sur l’aquilin, le front avancé, le visage ouvert et la physionomie heureuse, les cheveux blonds, déliés et clairs (tous les signes de haute et fine race). […] Je lui demandai s’il n’était point blessé. — Non, me dit-il,-c’est du sang de ces coquins… Et jusque dans cette satirique Histoire des Gaules, il nous le représente ainsi : Le prince Tiridate (le Grand Condé) avait les yeux vifs, le nez aquilin et serré, les joues creuses et décharnées, la forme du visage longue, et la physionomie d’une aigle 34 les cheveux frisés, les dents mal rangées et malpropres ; l’air négligé, et peu de soin de sa personne, la taille belle. […] Pour peindre la comtesse de Fiesque, par exemple, il dira : « Elle avait les yeux bruns et brillants, le nez bien fait, la bouche agréable et de belle couleur, le teint blanc et uni, la forme du visage longue : il n’y avait eu qu’elle au monde qui s’était embellie d’un menton pointu. » Ce n’est qu’un rien, mais remarquez-vous comme cela est dit ? […] Cette Mme de Montglat, qu’il a le plus aimée, est présentée avec une complaisance toute particulière : Mme Bélise a les yeux petits, noirs et brillants, la bouche agréable, le nez un peu troussé, les dents belles et nettes, le teint trop vif, les traits fins et délicats, et le tour du visage agréable.
Le Beau est ce qui paraît abominable aux yeux sans éducation. […] Il est très grand, très large d’épaules, avec de beaux gros yeux saillants aux paupières un peu soufflées, des joues pleines, des moustaches rudes et tombantes, un teint martelé et plaqué de rouge. […] Ici il ne mange plus, — car nous dînions, — sa voix devient amoureuse, son œil, plus vif, prend de la fixité, et avec sa haute parole, il nous emporte comme dans un monde de rêves et d’idées, où il fait jaillir, sous des mots, des éclairs qui nous montrent des sommets. […] Ici rayonne, enveloppée de gaze comme une fiancée d’Abydos, Gisette, à côté de la femme du célèbre dramaturge Grangé ; Dennery est derrière avec son petit œil éteint. […] Doche montre ses doux yeux d’enfant et sa mine chiffonnée, un peu écrasée par la grande passe bleue de son chapeau.
Elle se bouche les yeux et les oreilles devant ces tueries autorisées qu’on nomme batailles. […] Basile II, empereur d’Orient, fait prisonniers quinze mille bulgares ; il les partage par bandes de cent auxquels il fait crever les yeux, à l’exception d’un, chargé de conduire ces quatre-vingt-dix-neuf aveugles. Il renvoie ensuite en Bulgarie toute cette armée sans yeux. […] Elle ferme les yeux quand une altesse lui dit : Histoire, ne regarde pas. […] Regardez, levez les yeux, l’épopée suprême s’accomplit.
Écoutez la mélodie en fermant les yeux, en ne pensant qu’à elle, en ne juxtaposant plus sur un papier ou sur un clavier imaginaires les notes que vous conserviez ainsi l’une pour l’autre, qui acceptaient alors de devenir simultanées et renonçaient à leur continuité de fluidité dans le temps pour se congeler dans l’espace : vous retrouverez indivisée, indivisible, la mélodie ou la portion de mélodie que vous aurez replacée dans la durée pure. […] Le Temps impersonnel et universel, s’il existe, a beau se prolonger sans fin du passé à l’avenir : il est tout d’une pièce ; les parties que nous y distinguons sont simplement celles d’un espace qui en dessine la trace et qui en devient à nos yeux l’équivalent ; nous divisons le déroulé, mais non pas le déroulement. […] Si maintenant j’ouvre les yeux, je vois que mon doigt trace sur la feuille de papier une ligne qui se conserve, où tout est juxtaposition et non plus succession ; j’ai là du déroulé, qui est l’enregistrement de l’effet du mouvement, et qui en sera aussi bien le symbole. […] La simultanéité qui est absolue à nos yeux serait relative aux siens, car il reporterait la simultanéité absolue aux indications de deux horloges microbiennes qu’il apercevrait à son tour (qu’il aurait d’ailleurs également tort d’apercevoir) « au même endroit ». […] Nous avons dit ailleurs pourquoi nous voyons dans la durée l’étoffe même de notre être et de toutes choses, et comment l’univers est à nos yeux une continuité de création.
» Dans les dernières années de sa vie enfin, étant revenu habiter à Lausanne, sa conversation habituelle était en français, et il craint que les derniers volumes de son Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, composés durant cette époque, ne s’en ressentent : « La constante habitude, dit-il, de parler une langue et d’écrire dans une autre peut bien avoir infusé quelque mélange de gallicismes dans mon style. » Si ce sont là pour lui des inconvénients et peut-être des torts aux yeux des purs Bretons, que ce soit au moins à nos yeux une raison de nous occuper de lui et de lui rendre une justice plus particulière, comme à un auteur éminent qui a été en partie des nôtres. […] Dans son premier écrit (l’Essai sur l’étude de la littérature), et quinze ans avant de publier sa grande composition historique, il décelait déjà sa préférence pour ce grand tout continu et pacifique de l’Empire romain ; il le place presque au niveau de ce que l’Europe est devenue depuis ; il fait remarquer de plus, à l’avantage de cet ancien état du monde, que des pays, aujourd’hui barbares, étaient éclairés alors et jouissaient des bienfaits de la civilisation : Du temps des Pline, des Ptolémée et des Galien, dit-il, l’Europe, à présent le siège des sciences, l’était également ; mais la Grèce, l’Asie, la Syrie, l’Égypte, l’Afrique, pays féconds en miracles, étaient remplis d’yeux dignes de les voir. […] Il fait voir que la connaissance véritable de l’Antiquité est le résultat d’un ensemble très varié, très détaillé, sans lequel on ne fait qu’entrevoir les beautés des grands classiques : « La connaissance de l’Antiquité, voilà notre vrai commentaire ; mais ce qui est plus nécessaire encore, c’est un certain esprit qui en est le résultat ; esprit qui non seulement nous fait connaître les choses, mais qui nous familiarise avec elles et nous donne à leur égard les yeux des anciens. » Il cite des exemples tirés de la fameuse querelle des anciens et des modernes, et qui prouvent à quel point, faute de cette connaissance générale et antérieure, des gens d’esprit comme Perrault ont décidé en aveugles de ce qu’ils n’entendaient pas. — Il y a, chemin faisant, des vues neuves et qui sentent l’historien. […] Au milieu de son visage, pas plus gros que le poing, la racine de son nez s’enfonçait dans le crâne plus profondément que celle du nez d’un Kalmouck, et ses yeux très vifs, mais très petits, se perdaient dans les mêmes profondeurs.
Ajoutez comme fond du tableau la cour de Louis XIV, telle qu’elle se dessinait à cette heure aux yeux d’un chrétien, Mme de La Vallière pâlissante, mais non encore éclipsée, à côté de Mme de Montespan déjà radieuse ; Molière, au comble de sa faveur et de son art, et se permettant toutes les hardiesses, pourvu qu’il amusât. […] » Des deux portraits originaux qu’on a de Bourdaloue, il en est un qui, plus répandu et reproduit en tête des Œuvres, pourrait, ce me semble, à première vue, induire en erreur ; de ce que, dans ce portrait fait après la mort, Bourdaloue est représenté les yeux exactement fermés et les mains jointes, « dans la posture d’un homme qui médite », on en a trop conclu que c’était là son attitude et sa tenue habituelle ou constante en prêchant. C’est s’en faire une idée trop contrite et trop recueillie : pour se représenter avec vérité Bourdaloue vivant et éloquent, et pour corriger une impression trop monotone, il faut y joindre le portrait peint par Mlle Chéron et gravé par Rochefort : Bourdaloue y a les yeux ouverts, vifs, le nez assez aquilin, la figure maigre et un peu longue, la bouche fine, la physionomie animée, spirituelle et pénétrante ; enfin il n’a pas les yeux fermés, la lèvre close et la physionomie morte (ou au repos) du portrait peint par Jouvenet et gravé par Simonneau. J’ai tâché, dans ce que j’ai dit aujourd’hui à son sujet, de prouver que ce grave et puissant prédicateur, dont il ne faut pas faire un talent triste et une parole terne, avait, en effet, la finesse, la pénétration, l’à-propos et la science de l’occasion, autant que les plus fortes armes de la démonstration oratoire, et qu’à travers ce qu’il semblait ignorer et ce qu’il aimait mieux ne pas voir pour marcher comme à l’aveugle et plus hardiment, il avait l’œil très ouvert et très clairvoyant sur les hommes et les choses qui l’entouraient. — Il resterait à citer et à discuter un portrait de Bourdaloue tracé par Fénelon dans ses Dialogues sur l’éloquence, portrait où la diversité et presque l’antipathie des natures se fait sentir, et où Fénelon exprime déjà sur ce talent trop réglé et trop uni à son gré quelques-uns des dégoûts modernes : mais il s’y juge peut-être lui-même encore plus que Bourdaloue, et c’est en parlant de Fénelon qu’il y aurait à y revenir un jour.
Le christianisme était chose vivante à ses yeux, et il lui semblait que 89 n’avait été qu’un fort coup de cloche pour séculariser décidément la charité. […] Il n’y a que la peur des ovations qui merévèle que, malgré tout mon bon sens, je suis, comme beaucoup dont je me moque, atteint de cette vanité ridicule qui vous fait penser que le monde entier a les yeux sur vous. » Il obéissait, en quittant Paris, puis Passy, à des mobiles divers : l’économie d’abord, le dégoût que lui inspiraient les sottises des partis, à commencer par celui qui le revendiquait comme sien, la fatigue et l’ennui des visites ; tantôt il en avait besoin, et tantôt il les craignait. […] Écrivez, écrivez… » C’est, sous une autre forme, le conseil que se donnait également Nicole, et la recette qu’il avait trouvée pour se délivrer l’esprit quand il était obsédé de pensées qui lui ôtaient le sommeil : il se hâtait de les jeter sur le papier ; — et Gœthe, le grand poëte, disait aussi, dans une bien vivante image ; « Mettez au monde cet enfant qui vous tourmente, et il ne vous fera plus mal aux entrailles. » Un autre jour, lisant avec admiration les trois volumes de Philosophie de Lamennais, et l’en louant à son tour et même à outrance, Béranger fait cependant une réserve sur un point bien important ; c’est à propos de l’espèce d’analyse que le philosophe a essayé de donner de l’idée de Dieu : « Je me suis toujours élevé vers Dieu, lui dit Béranger, autant que mes ailes fangeuses me l’ont permis, mais toujours les yeux fermés, me contentant de dire : “Oh ! […] Bien que je sache que mon Dieu ne finira pas en poussière sous les yeux d’un puissant génie, toujours est-il que je suis tenté de crier au génie : “Croyez, et fermez les yeux !”
Il ne l’effleure pas d’un œil d’artiste ; il la caresse à pleins bras, comme l’amoureux du Cantique des cantiques : Veni, et inebriemur uberibus… « Quel plaisir autrefois de me rouler dans les hautes herbes, que j’aurais voulu brouter, comme mes vaches ; de courir pieds nus sur les sentiers unis, le long des haies ; d’enfoncer mes jambes, en rehaussant (rebinant) les verts turquies, dans la terre profonde et fraîche ! […] Je te trouvais plus savant que moi, surtout lorsqu’un peu plus tard tu me citais Virgile, ces Églogues que j’aimais tant et qui semblaient faites pour tout ce qui était sous nos yeux. […] Elle en vint par la suite à admirer, mais elle ne put jamais prendre sur elle d’aimer et de goûter ces autres génies incontestables, mais dont les écrits ont des laideurs qui choquent l’œil d’une femme . « Je déteste de rencontrer, disait-elle, ce que je ne veux pas voir. » Bientôt elle fit des vers elle-même ; elle avait reçu de la nature le rythme intérieur et la mélodie. […] Mais ce qui est beau, attachant, ce qui caractérise Mlle de Guérin à mes yeux, c’est la passion et le culte qu’elle a pour son frère. […] Douce image qui des deux côtés est charmante, quand je pense qu’une sœur est fleur… » Aussitôt qu’il est parti, elle rentre dans la chambrette qu’il occupait ; elle prend le livre qu’il a lu : c’est un Bossuet où il a mis des signets de sa main, souvent aux mêmes endroits qu’elle avait notés elle-même : « Ainsi nous nous rencontrons partout comme les deux yeux ; ce que tu vois beau, je le vois beau. » Quand il est près de se marier, elle semble que cela ne réussisse pas et ne vienne à manquer par quelque côté, car ce frère chéri est, comme elle l’appelle, « un mauvais artisan de bonheur. » Elle se met à sa place et craint qu’il ne recule au dernier instant. « Toujours me semble « effrayant pour toi, aigle indépendant, vagabond.
Mais la figure surtout est parfaitement étudiée ; la lèvre fine, un peu mince, retroussée à l’angle, l’œil petit et brillant, le nez un peu mutin, tout respire dans cette physionomie douceur, finesse, malice. […] Vous passez à Van Loo, à son grand portrait en pied, de cérémonie et d’apparat : c’est la même physionomie ; l’œil est d’une extrême finesse. […] Elle est charitable par bigoterie et dévote d’une superstition étrangère, ce qui est plus ridicule qu’édifiant aux yeux des Français. […] « Sa Majesté commence à manger sans regarder personne, tenant les yeux baissés sur son assiette. Ayant trouvé bon un mets qu’on lui avait servi, elle y revint, et alors elle parcourut des yeux le cercle devant elle, sans doute pour voir si, dans le nombre de ses observateurs, il n’y avait pas quelqu’un à qui elle dût compte de sa friandise.
L’œil amoureux de découvertes les déniche, mais elles ne changent rien à la couleur générale du vallon. […] Les feuilles de la haie qui venaient à l’aventure, feuille d’églantier, feuille d’aubépine, feuille d’aune, feuille de saule, toutes étaient cirées, vernies, brillantes à faire fermer les yeux. […] Le fait est qu’en lisant et en regardant cette suite de tableaux, il y a un peu de fatigue à la longue, et si chez Mlle Eugénie de Guérin on sent quelque monotonie et par suite un peu de langueur due à cette douce uniformité de ton, on éprouve avec Mme de Gasparin cette sorte de brisement des yeux et du cerveau qui naît du heurt fréquent des couleurs et du trop de cahotement. […] L’autre s’avoisine tout à fait ; elle est simple et grave ; il ne reste pas, on le dirait, une parcelle de sang dans les fibres de sa peau mate ; ses grands yeux s’arrêtent sur nous, amortis par le verre de ses lunettes ; ses manches, larges et pendantes, couvrent presque entièrement la main ; elle parle d’une voix égale, et nous montre, l’un après l’autre, par les trous de ta grille, les souris en pelote, les porte-montre brodés de perles, les coques d’œufs remplies de fleurs microscopiques, les coquilles d’escargots avec des saintes dedans, ces mille prodiges d’adresse et de laideur par quoi de pauvres recluses trompent leur ennui. […] Ce ne paraît pas difficile, mais on tape les yeux bandés et souvent on frappe en l’air. » Remarquez-vous comme le trait est court, léger, la plaisanterie discrète, et quelle manière différente de celle qu’affecte l’intrépide Vaudoise et qui nous aurait frappés bien plus encore si nous l’avions suivie plus loin dans ses courses de touriste, par-delà le Saint-Gothard, à travers le Tessin et jusqu’aux lacs d’Italie ?
Grote a pris résolument son parti : à ses yeux, il n’y avait rien à faire pour l’histoire dans de telles époques et dans les fictions de tout genre qui les remplissent ; il s’est contenté de les exposer en détail comme se les figuraient les Grecs et comme les premiers auteurs les ont transmises. […] Malgré tout, l’Iliade, non pas lue comme la lisait Ronsard, en trois jours, avec ce degré de chaleur et d’intérêt qui s’attache à une lecture plus ou moins courante, mais examinée et relue avec des yeux ennemis, avec des yeux de critique, armés du microscope, l’Iliade laisse voir bien des contradictions, en effet, des disparates, des hors d’œuvre, des superfétations, des sutures plus ou moins habiles. […] La colère d’Achille, qui est annoncée au début comme en devant faire le sujet, semble oubliée et mise de côté après le IIe livre ; elle n’est rappelée qu’à peine et comme par acquit de conscience dans les livres suivants ; elle ne se représente sérieusement à l’esprit que dans le courant du VIIIe et ne reparaît sous les yeux qu’au IXe, pour s’éclipser de nouveau dans le chant suivant, et elle ne reprend d’une manière ininterrompue qu’à partir du XIe livre jusqu’à la fin. […] Et de loin, à la distance où nous sommes, et où était déjà un Solon ou un Pisistrate, ces deux grands Homères ne faisaient qu’un seul et même astre, qu’une étoile : il a fallu l’instrument des modernes pour les décomposer, pour découvrir que ce qui de loin paraissait simple, et qui le paraît encore à l’œil nu, n’est qu’une réunion, un rapprochent de deux astres, une étoile double.
Qu’on nous excuse de nous être allé prendre tout droit à ces détails, mais ils sautent aux yeux. […] En voici les dernières stances : Le Sommeil, aise de t’avoir, Empêche tes yeux de me voir, Et te retient dans son empire Avec si peu de liberté. […] Là49, je soupire auprès de toi, Et considérant comme quoi Ton œil si doucement repose, Je m’écrie : O ciel ! […] et ces autres encore : Ils s’en vont ces rois de ma vie, Ces yeux, ces beaux yeux, etc., etc Il y a déjà du grand Corneille dans ce lyrique-là.
si alors, un peu après, quelque pauvre jeune fille paysanne venait apporter, en la tournant dans ses mains, une lettre de sa façon pour un soldat du pays, et la remettait, pour l’affranchir, avec, toute sorte d’embarras et rougissant jusqu’aux yeux, elle aussi, tout bas, rougissait en la prenant et se disait : C’est comme moi ! […] La mère n’insista pas, mais, à la chaleur du refus et à mille autres signes que son œil silencieux depuis quelque temps saisissait, elle avait compris. […] Christel reprit ses sens avec lenteur ; elle vit, en rouvrant les yeux, Hervé près d’elle, comme s’il eût attendu son retour à la vie, et elle répondit à ce premier regard par un indéfinissable sourire. […] La faiblesse de Christel continuait ; la pâleur et le froid du marbre n’avaient pas quitté ses joues ; seulement elle souriait désormais, et ses yeux, d’un bleu plus céleste, semblaient remercier d’un bonheur. […] Après un certain temps, tout d’un coup la domestique entra, sans qu’on l’eût appelée, apportant un flambeau : mais la brusque lumière éclaira d’abord le front blanc de Christel renversé en arrière, et ses yeux calmes à jamais endormis.
Il faut ensuite qu’il soit philosophe, c’est-à-dire qu’il ne se borne pas à la surface des faits, mais qu’il les creuse et qu’il les interroge pour leur faire rendre le sens caché qui est en eux, ou la sagesse des choses humaines ; car les événements ne sont pas une vaine accumulation de faits et de personnages, passant devant les yeux de Dieu et devant les yeux des hommes, sans autre langage que ce fracas du temps, qui roule tumultueusement dans son cours les religions, les institutions et les empires. […] Il faut qu’il ait pratiqué lui-même les conseils, les assemblées, les négociations, les délibérations, les affaires publiques, afin d’avoir observé de ses propres yeux le jeu des passions, des intérêts, des ambitions, des intrigues, des caractères, des vertus ou des perversités qui s’agitent dans les cours, dans les camps, dans les comices, dans la place publique. […] « Que Néron soit toujours devant tes yeux, lui qui, superbe de sa longue série d’aïeux dans les Césars, ne fut pas renversé par Vindex avec une seule province sans armes, ni par moi avec une seule légion, mais par sa férocité et par sa luxure, qui le précipitèrent du faîte des grandeurs publiques. […] Ses vices, qui sont à ses yeux le seul titre de gloire, ont renversé l’empire, même quand il était la créature et l’ami de l’empereur.
L’oreille, l’œil, trouvent leur plaisir dans le rapport harmonique de deux sons ou de deux couleurs ; mais ici c’est pour ainsi dire le plus haut degré de consonance que l’âme puisse percevoir, car en même temps toutes ses puissances sont en jeu : l’imagination, les sens sont séduits, satisfaits par un des termes de la comparaison ; la raison spéculative ou le sens du beau moral, par l’autre ; et ce double plaisir est encore surpassé par celui qui naît simultanément du rapport entre les deux termes, c’est-à-dire de la similitude même. […] Nous en prendrons un autre exemple dans René : « Souvent j’ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête… Un secret instinct me tourmentait : je sentais que je n’étais moi-même qu’un voyageur ; mais une voix du ciel semblait me dire : — Homme, la saison de ta migration n’est pas encore venue ; attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton cœur demande. — Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie… » Nous pourrions multiplier les citations à l’infini ; car pour trouver des exemples de cette forme de style, il suffit presque de jeter au hasard les yeux sur quelques-uns des écrits qui ont fait bruit dans notre siècle, tandis qu’on se fatigue à en chercher dans la littérature classique. […] Hugo en particulier, ont encouru le reproche de faire de la poésie pour les yeux et d’introduire une sorte de matérialisme poétique. […] Ils invoquaient leurs dieux : mais le feu qui punit Frappait ces dieux muets, dont les yeux de granit Soudain fondaient en pleurs de lave.
On trouverait bien encore, au commencement du xviiie siècle, cette autre Mme de Staal (Mlle de Launay), auteur des charmants Mémoires, esprit élevé et ferme autant que fin ; mais elle n’a pas assez longtemps vécu, et, par les circonstances de sa condition première, elle n’a jamais été assez avant mêlée dans le plein milieu de la société, pour la personnifier de loin à nos yeux. […] Une des personnes de sa société qu’elle appréciait le plus était la duchesse de Choiseul, femme du ministre de Louis XV, personne bonne, vertueuse, régulière à la fois et charmante, et qui n’avait d’autre défaut à ses yeux que d’être trop parfaite ; elle lui écrivait un jour : Vous ne vous ennuyez donc point, chère grand-maman (c’était un sobriquet de société qu’elle lui donnait), et je le crois, puisque vous le dites. […] Du fond de son fauteuil, aveugle qu’elle était, elle voyait tout ; elle emploie perpétuellement ce mot voir ; elle oublie qu’elle n’a plus d’yeux, et on l’oublie en l’écoutant. […] Walpole va souper avec elle et ne la quitte qu’à deux heures et demie dans la nuit, et le matin, avant d’avoir les yeux bien ouverts, il avait déjà une lettre à lire de sa part. […] Je fais tous les jours la résolution d’être bonne, je ne sais si j’y fais des progrès… » Rapprochez de cela, en contraste, un de ces mots terribles comme elle en dit, à la manière de La Rochefoucauld : « Il n’y a pas une seule personne à qui on puisse confier ses peines sans lui donner une maligne joie, et sans s’avilir à ses yeux. » Eh bien !
Nous voyions près de nous des montagnes couvertes de neige, qui nous faisaient frais aux yeux… On a dit du président de Brosses qu’il savait peu écrire ; le fait est qu’il n’y songe pas ; son style en lui-même n’est rien, mais l’esprit lui donne à tout moment de ces expressions heureuses, pittoresques, qui disent tout en deux mots. […] S’il a pu souvent paraître accorder trop à l’esprit gaulois et à la gausserie gaillarde de toutes choses, il sait ici s’élever à un sentiment digne du spectacle qu’il a sous les yeux, et il s’inspire des mânes d’autrefois. […] On y est si bien, si doucement, il y a tant à voir et à revoir, que ce n’est jamais fait. » Pourtant de Brosses se décide ; il a ses amis, ses devoirs qui le rappellent ; durant ce voyage, ses yeux sont satisfaits, son cœur est ennuyé. […] De telles conceptions pourtant sur les origines et la fabrique intérieure des choses et sur les méthodes humaines naturelles, témoignent d’un esprit qui, de bonne heure, selon l’expression de Buffon, s’était trouvé porté au plus haut point de la métaphysique des sciences, et en avait occupé les sommets : de là sa vue s’étendait sur l’ensemble, et les détails se rangeaient à ses yeux sous de certaines lois. […] La ligne du président de Brosses se dessine suffisamment à nos yeux : il est, dans le xviiie siècle, au premier rang des hommes indépendants, éclairés et spirituels de la province.
Il se voit, je ne sais à propos de quel petit méfait, à la suite duquel il avait été sermonné par son précepteur, puis fouetté, puis privé de dîner, il se voit se promenant dans le jardin, et buvant, avec une espèce de plaisir amer, l’eau salée qui de ses yeux, le long de ses joues, lui tombait dans les coins de la bouche. […] Dans l’humide jardin de la petite maison, François Hugo est couché dans un fauteuil, le teint cireux, les yeux à la fois vagues et fixes, les bras contractés dans un pelotonnement frileux. […] C’étaient Delacroix, Musset, nous autres… Eh bien là, nous avons beaucoup bu de ce petit vin, qui a une si jolie couleur de groseille : ça n’a jamais fait de mal à personne. » Depuis quelque temps, la petite Jeanne porte sa cuisse de poulet à ses yeux, à son nez, quand tout à coup elle laisse tomber sa tête dans la paume de sa main, tenant toujours la cuisse à moitié mangée, et s’endort, sa petite bouche entrouverte, et toute grasse de sauce. […] Une dureté implacable monte à sa figure, allume le noir de ses yeux, quand il parle de l’Assemblée, de l’armée de Mac-Mahon. […] Son teint d’une blancheur à peine rosée, sa bouche découpée, comme une bouche de primitif, sur l’ivoire de larges dents, ses traits purs, et comme sommeillants, ses grands yeux, où des cils d’animal, des cils durs et semblables à de petites épingles noires, n’adoucissent pas d’une pénombre le regard, donnent à la léthargique créature l’indéfinissable et le mystérieux d’une femme-sphinx, d’une chair, d’une matière, dans laquelle il n’y aurait pas de nerfs modernes.
Les Ouolof se les représentent comme des géants à membres grêles76 ayant un seul œil fendu dans le sens vertical et placé sur le front au-dessus d’un nez très allongé. […] 77 Enfin ils leur font jeter le feu par les yeux et par la bouche. […] On peut rapprocher de la croyance aux sorciers la foi en l’efficacité néfaste du mauvais œil. Voir le Kitâdo vengé, — La chèvre au mauvais œil, etc., etc. Les possesseurs du mauvais œil sont d’ailleurs considérés comme des jettatori conscients, ce qui n’est pas toujours le cas, en Italie par exemple.
Quoiqu’il y ait sur plusieurs d’entre eux des vérités cruellement exquises, l’auteur a trop l’air d’en demander pardon dans les éloges atténuants qui les suivent… « Jamais visage d’homme ne m’a fait trembler », disait Chateaubriand, à propos de Washington, qu’il avait regardé à vingt ans avec ces beaux yeux que nous lui avons connus à soixante, et qui avaient toujours été si noirs de mélancolie indifférente. […] Ce sont des bossues qui ont de jolies têtes, mais le défaut à la taille crève les yeux. […] Dans les appréciations souvent exquises de son livre de Chez nous et chez nos voisins, il y a beaucoup de choses que je crois vues avec des yeux qui feraient honneur à un aigle ou à un lynx, mais il y en a d’autres aussi sur lesquelles j’oserais discuter. […] … Il y eut, au commencement de ce siècle, une jeune fille, peut-être moins phénoménale, qui avait sur l’azur de deux beaux yeux bleus le nom de Napoléon Empereur, écrit en lettres d’or, le jour, et, le soir, en lettres de feu. C’est Henri de Latouche, l’auteur de Fragoletta, qui nous a raconté dans ses œuvres l’histoire de ces yeux étonnants, et cette histoire est belle comme un poème, — un poème au fond duquel il y a des larmes… Latouche dit qu’elle était très triste, cette jeune fille qui répondait : Napoléon Empereur à tous les sentiments de la vie !
. — Les fleuves ne remontent pas vers leur source ; les événements accomplis ne rentrent pas dans le néant. » Il disait à la Sorbonne : « A mesure que la réflexion retire la causalité que l’ignorance avait répandue sur les objets, les volontés locales, exilées du monde matériel, sont successivement rassemblées et concentrées par la raison en une volonté unique, source commune de toutes les volontés contingentes, cause première et nécessaire que la pensée de l’homme affirme sans la connaître, et dont elle égale le pouvoir à l’étendue, à la magnificence, à l’harmonie des effets qu’elle produit sous nos yeux. » Il invente des expressions superbes, qu’on n’oublie plus, images puissantes qui condensent sous un jet de lumière de longues suites d’abstractions obscures. […] La psychologie à ses yeux n’était point un but, mais un moyen. […] Que le lecteur daigne examiner une idée, celle de triangle, en elle-même, toute seule, sans considérer avec les yeux aucun triangle effectif et réel. […] Je vois entre les tas de feuilles mortes des primevères, des violettes, des pervenches bleues comme des yeux de jeune fille ; il y a aussi des euphorbes déjà pleins de lait, si gonflés de sève, que leur pyramide verte fléchit sous le faix de leur tête. […] On les voit trembler sous ses coups d’aile, et les yeux, malgré eux, suivent le miroitement des feuilles, qui tour à tour montrent et cachent au soleil leur dessous blanchâtre et leur dos luisant. — Que s’est-il passé en moi-même ?