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2719. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Marie-Joseph Chénier a écrit sur Mme de Souza, avec la précision élégante qui le caractérise, quelques lignes d’éloges applicables particulièrement à Eugène : « Ces jolis romans, dit-il, n’offrent pas, il est vrai, le développement des grandes passions ; on n’y doit pas chercher non plus l’étude approfondie des travers de l’espèce humaine ; on est sûr au moins d’y trouver partout des aperçus très-fins sur la société, des tableaux vrais et bien terminés, un style orné avec mesure, la correction d’un bon livre et l’aisance d’une conversation fleurie…, l’esprit qui ne dit rien de vulgaire, et le goût qui ne dit rien de trop. » Mais indépendamment de ces louanges générales, qui appartiennent à toute une classe de maîtres, il faut dire d’Eugène de Rothelin qu’il peint le côté d’un siècle, un côté brillant, chaste, poétique, qu’on n’était guère habitué à y reconnaître.

2720. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Bien souvent, entre les sentiments humains qui se pour raient compléter et satisfaire dans un mutuel bonheur, il y a pour obstacle… Quoi ?

2721. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Je veux parler de l’imagination psychologique, du don de distinguer les formes générales des caractères et des vies humaines, et de composer les actes et paroles d’un personnage en parfait accord avec ses sentiments.

2722. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Ni cri, ni révolte, ni tension même : une tristesse douce et discrète, toute en demi-teintes, un vif sentiment de l’humaine misère, une déploration sans violence des êtres et des formes qui passent.

2723. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Voici la première : « En cette parfaite association, sans joie… une seule note humaine et naturelle, l’enfant ; et cette note troubla l’harmonie. » Et voici l’autre : « … L’évolution toute naturelle de la douleur débordante à ce complet apaisement s’accentuait ici de l’appareil du veuvage inconsolable, etc…).

2724. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Il faisait donc un acte très périlleux, au point de vue de la prudence humaine ; et, à son propre point de vue, il ne fit jamais, dit-il, un plus grand acte de foi.

2725. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

L’autre, le gentil Sylvinet, reste enfant, plus faible, plus susceptible, âme toute sensible et maladive, toute douloureuse : il y a là des nuances d’analyse et une anatomie du cœur humain où l’auteur a excellé.

2726. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

» qui se croit privilégiée en douleur, en malheur ; qui a des étonnements, des attendrissements sur elle-même, sur ses propres fortunes ; qui, à chaque chance humaine qui lui arrive, se dit : « Cela n’arrive qu’à moi ! 

2727. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Une lettre admirable de lui, et qui le peint dans la sérénité de son rajeunissement final, est celle qu’il adresse à Achille de Harlay, retiré également des charges publiques, sur les douceurs de la retraite, sur les charmes d’une étude paisible et variée, désormais toute confinée à l’intérieur du cabinet, et dont on se dit qu’on ne sortira plus : « J’ai d’un côté mes livres, ma plume et mes pensées ; d’un autre, un bon feu tel que pouvoit souhaiter Martial quand, entre les félicités humaines, il y mettoit ces deux mots : focus perennis.

2728. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

De son jardin, il voyait l’abbaye de Saint-Denis qui lui rappelait la grandeur humaine et la mort ; il avait fait construire une jolie fontaine dont les eaux l’avertissaient de la fuite de la vie, et que surmontait une statue de l’Amour.

2729. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Sept ans sont écoulés : nous sommes au Lycée qui vient de s’ouvrir en 1786, au coin de la rue Saint-Honoré et de la rue de Valois, là même où est aujourd’hui (ô vicissitudes des choses humaines !)

2730. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Il y a donc un âge pour certaines fictions et certaines crédulités heureuses, et, si la science du genre humain s’accroît incessamment, son imagination ne fleurit pas de même.

2731. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Ce qui toucha d’Antin en cette circonstance, c’était moins encore la chose que la manière ; et, repassant tous les événements si contraires qui s’étaient succédé depuis son affront en avril 1707, jusqu’à ce retour bienveillant en septembre de la même année, il écrivait naïvement dans son Journal : « Jamais le cœur humain n’a reçu tant de secousses différentes. » Ce n’est pas la vie de d’Antin que j’écris, je ne fais que profiter de l’ouverture et du jour que lui-même, par ses aveux, nous a donné sur ses pensées.

2732. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Mais il y a un autre point de vue, plus vrai, plus naturel et plus humain, qui, tout en laissant subsister les parties supérieures et de première trempe, permet de voir les défauts, d’entrevoir les motifs, de noter les altérations, et qui, sans rien violer du respect qu’on doit à une noble mémoire, restitue à l’observation morale tous ses droits.

2733. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Les sujets en sont assez petits, ou, quand l’auteur les prend dans l’ordre moral, ils tournent au lieu commun : ainsi la Satire à l’abbé Le Vayer sur les folies humaines, ainsi celle à Dangeau sur la noblesse.

2734. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Mais précisément, c’est que Richelieu n’est rien moins qu’un Robert Walpole : c’est un homme qui croit à Dieu, au caractère des rois, à une certaine grandeur morale dans les choses publiques, à une vertu propre en chaque ordre de l’État, à une rectitude élevée dans le clergé, à la générosité et à la pureté du cœur dans la noblesse, à la probité et à la gravité dans les parlements ; voilà ce qu’il veut à tout prix maintenir ou restaurer, tandis que l’autre ministre n’a que beaucoup d’habileté, un art de manipulation humaine et de corruption consommée, et de la bonne humeur

2735. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Ou bien ce sera un rythme dont les brisures multipliées sembleront à merveille adoptées à une idée de légèreté et de grâce : L’universel baiser court sur les hautes tiges comme un menu vol de papillons, tendresse brève, espoir long sur la plaine humaine voltigent coquelicots, pivoines, pavots, l’heur est léger, longue est la peine mais partout partent les pollens pour de futurs étés toujours beaux.

2736. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Je vous déclare que ce n’est point à l’aide d’une infinité de petits portraits isolés, qu’on s’élève au modèle original et premier ni de la partie, ni de l’ensemble et du tout ; qu’ils ont suivi une autre voie, et que celle que je viens de prescrire est celle de l’esprit humain dans toutes ses recherches.

2737. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Il croit, me dit-on, que la destruction des nationalités n’amènera pas immédiatement l’unité de la famille humaine ; d’après lui les hommes se grouperont d’abord par races et le Romanisme qui représente l’esprit des peuples latins serait une étape dans l’évolution sociale.

2738. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Les lettres, c’est intellectuellement la pierre de touche de toute supériorité humaine, et si un homme est supérieur dans ses lettres, c’est qu’il l’est partout, et si inférieur, c’est que réellement il l’est au plus profond de sa substance.

2739. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

             L’âme humaine, aisément lassée, Fuit tes sommets de glace et l’ardent équateur !

2740. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Ses livres sont des partitions écrites une octave trop haut pour la voix humaine ; transposez et baissez chaque note de six tons.

2741. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Mardi 12 mars La tour Eiffel me fait penser que les monuments en fer ne sont pas des monuments humains, ou des monuments de la vieille humanité, qui n’a connu pour la construction de ses logis que le bois et la pierre. […] Et les intéressantes et humaines choses dont elle a été spectatrice. […] Non, il n’y a décidément qu’un siècle où l’on prie, qui puisse donner la figuration morale de la montée amoureuse d’une pensée humaine au ciel.

2742. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Depuis les Césars, aucune vie humaine n’a tenu tant de place au soleil. […] Il faut cent mille roses, dit-on, pour faire une once de cette essence unique qui sert aux rois de Perse ; tel est ce salon, mince flacon d’or et de cristal ; il contient la substance d’une végétation humaine.

2743. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

II Au commencement, un cri de reconnaissance et d’admiration s’éleva unanimement à la gloire de Macpherson, l’inventeur patient et laborieux de ce nouveau monde, le Christophe Colomb de cette terre des découvertes ; nul n’osait contester à cet homme extraordinaire l’authenticité et le mérite de son invention ; comment un seul homme aurait-il recomposé un monde évanoui, des paysages, des histoires, des mœurs, des héros, des chanteurs lyriques ou épiques, des sentiments et des tristesses inconnus jusqu’alors du genre humain et fait par une misérable supercherie ce qu’un Dieu seul pouvait faire, la résurrection d’un monde inconnu ? […] Esprits de ces héros, naguère pleins de vie, venez visiter Cuchullin dans sa solitude, venez sur les vents qui font gémir l’arbre de la grotte de Tura, venez converser avec moi ; c’est là qu’éloigné des humains, je vais habiter ignoré.

2744. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

» dis-je à l’auteur de La Bête Humaine, qui vient s’asseoir dans la soirée, à côté de moi : — « Mais rien… je ne puis pas décidément m’y mettre… Puis l’Argent, c’est tellement vaste, que je ne sais par quel bout le prendre… et les documents de ce livre, pour les trouver, pour savoir où il faut frapper, je suis embarrassé plus que jamais je ne l’ai été… Ah ! […] Renan appartient à la famille des grands penseurs, des contempteurs de beaucoup de convictions humaines, que des esprits plus humbles, des gens comme moi, vénèrent encore un peu, estomaqués, quand ils entendent un penseur de la même famille proclamer que la religion de la patrie, à l’heure présente, est une religion aussi vieille que la religion du Roi sous l’ancienne monarchie.

2745. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Ce Poëte connoissoit le cœur humain. […] c’est à cause de leurs belles descriptions, de leur saine morale, de leurs tableaux admirables de la vie humaine.

2746. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Les phénomènes psychiques de la vie animale nous échappent complétement et nous échapperont peut-être toujours, ou du moins ne pourrons-nous jamais les connaître que par induction ou par analogie ; mais il faut pour cela que même la psychologie humaine soit plus avancée et plus sûre d’elle-même, qu’elle ait procédé pendant longtemps de fait en fait par observation et par expérience, et non en se laissant dominer, comme elle l’a toujours fait jusqu’aujourd’hui, par des données à priori sur l’essence de l’âme, sur son origine et ses destinées. […] Cette règle s’applique même aux diverses races humaines, et aux divers représentants de ces races ; car les nations les moins avancées comme civilisation, et les individus les moins développés sous le rapport intellectuel, multiplient plus rapidement que les autres, ou plutôt comptent plus de naissances avec plus de morts, ce qui leur donne une vie moyenne moins élevée, et les soumet ainsi à une sélection naturelle plus rigoureuse.

2747. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

En homme humain et excellent, il s’inquiète avant tout de la position qu’on fera à ses secrétaires et à ceux qui l’ont servi.

2748. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

J’aime à croire que si Richelieu avait poursuivi ses Mémoires jusqu’à l’année de la mort de Sully, laquelle ne précéda que de peu la sienne, il aurait trouvé d’autres paroles pour rendre justice à un si méritant prédécesseur, et que la pensée morale et humaine exprimée par lui, et qui redouble de valeur sous sa plume, n’aurait pas étouffé les autres considérations d’équitable et haute louange que le nom de Sully rappelle.

2749. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

À partir de là, il y eut d’aussi beaux faits d’armes, mais en vue de l’honneur et du los, en vue de la gloire humaine, et non plus dans la seule idée de Dieu.

2750. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

On a donc pu noter un coin de faiblesse humaine dans ce qui était néanmoins un acte véritable de conscience.

2751. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Timide lui-même et si sujet à la terreur, Cowper faisait de ces animaux à lui un rapprochement naturel : il leur appliquait le mot miséricordieux et humain du poète : « non ignora mali… », et il eût volontiers répété aussi avec un poète de l’Orient : « Ne fais point de mal à une fourmi qui traîne un grain de blé, car elle a une vie, et cette douce vie lui est chère.

2752. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Je voudrais, dans ce rapide exposé et dans l’appréciation des faits principaux, ne choquer aucun sentiment vrai, généreux, ne méconnaître aucun des titres de la conscience humaine ; et pourtant j’ai à maintenir la ligne qui reste la plus droite, la seule française, celle du large et royal chemin.

2753. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Ce ne sont point de ces détails qui nous déplaisent chez Le Dieu, pas plus que ceux qu’il donne sur la faiblesse tout humaine et plus touchante de Bossuet, sur son désir de guérir ou du moins de continuer de vivre, même avec ses maux.

2754. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Un Mirabeau n’y va pas de main morte ; les demi-aveux, les faux-fuyants de Vauvenargues, ses airs de paresse, ne satisfont pas le marquis ; il continue son obsession obligeante ; il y emploie le reproche, il y emploie la louange ; il se sert de toutes les clefs pour ouvrir ce cœur qu’un respect humain enchaîne, et il le tire tant qu’il peut du côté de ses propres penchants : Quand vous auriez plus de santé et de goût pour la gloire, vous ne sauriez faire naître la guerre, et ne seriez pas capable des bassesses qu’il faut pour s’avancer à la Cour.

2755. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Si la vie humaine n’était destinée qu’à être plaisir et fête, féerie continuelle dans un cercle magique et dans une île enchantée, je ne saurais pas de destinée plus enviable dans l’ancienne société et sur le déclin de l’antique monarchie que celle de ces princes de Conti, nés proche du trône, à distance suffisante pour n’en pas être trop gênés et offusqués, jouissant des prérogatives du sang sans avoir les ennuis de la charge ni même ceux du trop de représentation ; pas d’obligation étroite, nulle responsabilité, popularité facile et à peu de frais.

2756. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Quand on a eu une vraie distinction, on ne meurt jamais entièrement au sein de la société et du régime dont on a été, qui vous a produit et qui vous survit, et où se transmettent tant bien que mal les souvenirs ; mais là où on court le risque à peu-près certain de périr et d’être abîmé tout entier, c’est quand le déluge fatal qui survient tôt ou tard, le tremblement ou le déplacement des idées et des conditions humaines envahit et emporte l’ordre de choses même et tout le quartier de société et de culture qui vous a porté.

2757. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Les écuyers et un berger qui accompagnent Rodrigue n’osent approcher de ce malheureux : Rodrigue seul va droit à l’affligé, le retire, lui baise même la main avec charité, le couvre de son manteau, le fait manger au même plat que lui, le fait boire à son flacon, le fait dormir près de lui sous sa garde, et attire ainsi sur sa tête les bénédictions les plus tendres de ce malheureux qui le proclame le plus humain et le plus pieux des chevaliers, et le salue du nom de bon Rodrigue, un nom qui vaut bien celui de Cid ou Seigneur que lui ont donné les Maures soumis.

2758. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

J’ai entendu cet autre railleur d’une qualité si distinguée, si rare, l’inimitable Vivier, le lendemain d’une de ces soirées où l’étonnant artiste avait su, comme nulle lèvre humaine avant lui, attendrir les sons du cor et faire pleurer le cuivre ; je l’ai vu dans cette autre partie de lui-même, dans cette mimique délicate, dans ce jeu spirituel, ironique, d’un délicieux comique à huis clos, et je renonce à définir pour qui n’y a pas goûté cette moquerie en action, fine, pénétrante, légère.

2759. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Sur ce point délicat je me borne encore à dire, en écartant tout ce qui est indigne d’être entendu, que si, vers l’âge de trente ans, Marie-Antoinette en butte à toutes sortes d’intrigues et d’inimitiés, entourée d’amis qui la compromettaient fort et qui n’étaient pas tous désintéressés ni bien sincères, avait cherché et distingué dans son monde et dans son cercle intime un homme droit, sûr, dévoué, fidèle, un ami courageux, discret, incapable d’épouser d’autre intérêt que le sien, et si elle s’était appuyée sur son bras à certain jour, même avec abandon, il n’y aurait à cela rien de si étonnant ni de fait pour révolter ; et de ce qu’on admettrait, sur la foi des contemporains d’alors les mieux informés, cette sorte de tradition qui, à son égard, me paraît, si j’ose l’avouer, la plus probable, il ne s’ensuivrait pas qu’elle dût rien perdre dans l’estime de ceux qui connaissent le cœur humain et la vie, ni qu’elle fût moins digne de tout l’intérêt des honnêtes gens aux jours de l’épreuve et du malheur.

2760. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

J’ai ordonné que l’on eût un peu de cruauté pour ceux que l’on trouve cachés dans les montagnes, qui donnent la peine de les aller chercher, et qui ont soin de paraître sans armes lorsqu’ils se voient surpris étant les plus faibles.Ceux que l’on peut prendre les armes à la main et qui ne sont pas tués, passent par les mains du bourreau. » Atrocité à jamais regrettable chez un guerrier humain l'erreur chez un esprit sage !

2761. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Il est comme le parti auquel il appartient et qui se formait peu à peu en s’essayant ; il ne sait pas très bien ce qu’il veut ; mais ce à quoi il tend est, en somme, généreux, humain, libéral.

2762. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

En somme, il y avait dans ce jeune talent une connaissance prématurée de la passion humaine, une joute furieuse avec elle, comme d’un nerveux écuyer cramponné, à force de jarret et d’ongles, au dos d’une cavale fumante.

2763. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

S’il nous fallait pourtant nous prononcer, nous dirions qu’à part la forme idéale, harmonieuse, unique, où un art divin s’emparant d’un sentiment humain le transporte, l’élève sans le briser, et le peint en quelque sorte dans les cieux, comme Raphaël peignait au Vatican, comme Lamartine a fait pour Elvire, à part ce cas incomparable et glorieux, toutes les formes intermédiaires nuisent plus ou moins, selon qu’elles s’éloignent du pur et naïf détail des choses éprouvées.

2764. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Mais pourtant ici l’initiative humaine est en première ligne et moins sujette aux causes générales ; l’énergie individuelle modifie, et, pour ainsi dire, s’assimile les choses ; et d’ailleurs, ne suffit-il pas à l’artiste, pour accomplir sa destinée, de se créer un asile obscur dans ce grand mouvement d’alentour, de trouver quelque part un coin oublié, où il puisse en paix tisser sa toile ou faire son miel ?

2765. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

J’ai vu dans le dépôt de Rennes plusieurs maris arrêtés sur la seule dénonciation de leurs femmes, et autant de femmes sur celle de leurs maris ; plusieurs enfants du premier lit à la sollicitation de leur belle-mère ; beaucoup de servantes grosses des œuvres du maître qu’elles servaient, enfermées sur sa dénonciation, et des filles dans le même cas, sur la dénonciation de leur séducteur ; des enfants sur la dénonciation de leur père, et des pères sur la dénonciation de leurs enfants : tous sans la moindre preuve de vagabondage et de mendicité… Il n’existe pas un seul jugement prévôtal qui ait rendu la liberté aux détenus, malgré le nombre infini de ceux qui ont été arrêtés injustement. » — Supposons qu’un intendant humain, comme celui-ci, les élargisse : les voilà sur le pavé, mendiants par la faute de la loi qui poursuit la mendicité et qui ajoute aux misérables qu’elle poursuit les misérables qu’elle fait, aigris de plus, gâtés de corps et d’âme. « Il arrive presque toujours, dit encore l’intendant, que les détenus, arrêtés à vingt-cinq ou trente lieues du dépôt, n’y sont renfermés que trois ou quatre mois après leur arrestation, et quelquefois plus longtemps.

2766. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Ainsi, le théâtre qui n’était, avons-nous vu, propre qu’à l’évocation des vies humaines et sociales, n’est, voyons-nous maintenant, apte qu’à l’évocation de celles de ces vies, qui sont (coïncidence significative avec la terminologie dramatique) théâtrales et décoratives.

2767. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Ainsi, le théâtre qui n’était, avons-nous vu, propre qu’à l’évocation des vies humaines et sociales, n’est, voyons-nous maintenant, apte qu’à l’évocation de celles de ces vies qui sont (coïncidence significative avec la terminologie dramatique) théâtrales et décoratives.

2768. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Au sortir du collège, la Nécessité passe à l’enfant sa robe virile, l’uniforme d’un métier ou d’une profession, et elle le pousse dans la mêlée humaine, comme les soldats orientaux qu’on chassait au combat, à coups de fouet.

2769. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

L’inconséquence est flagrante et elle est humaine.

2770. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Quelque jour, écrivait-elle à son ami, je vous conterai des choses qu’on ne trouve point dans les romans de Prévost ni dans ceux de Richardson… Quelque soirée, cet hiver, quand nous serons bien tristes, bien tournés à la réflexion, je vous donnerai le passe-temps d’entendre un récit qui vous intéresserait si vous le trouviez dans un livre, mais qui vous fera concevoir une grande horreur pour l’espèce humaine… Je devais naturellement me dévouer à haïr, j’ai mal rempli ma destinée.

2771. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

En un mot, on se pose, bon gré, mal gré, cette question : Jeanne d’Arc peut-elle s’expliquer comme un personnage naturel, héroïque, sublime, qui se croit inspiré sans l’être autrement que par des sentiments humains ?

2772. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Bazin, sans afficher de réflexions et sous un air d’impartialité indifférente, sont volontiers disposés de manière à donner, à qui sait les comprendre, le sentiment habituel et le mépris de la versatilité et de la sottise humaine.

2773. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

s’est à jamais logé, comme un seul et même trésor d’antique prud’homie et de vertu, dans la mémoire et dans la reconnaissance humaine.

2774. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Napoléon, qui se connaissait en héros et qui savait l’étoffe dont ils sont faits, insiste sur ce point que le héros d’une tragédie ne doit pas l’être de pied en cap, qu’il doit, pour intéresser, rester un homme ; et ici, sans s’en douter et en croyait n’être que classique, Napoléon se rapproche du point de vue de Shakespeare, chez qui il y a des hommes toujours, et point de héros : L’auteur, dit-il, paraît surtout avoir oublié une maxime classique, établie sur une véritable connaissance du cœur humain : c’est que le héros d’une tragédie, pour intéresser, ne doit être ni tout à fait coupable ni tout à fait innocent.

2775. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Il est des erreurs et des fautes si bien confessées qu’elles deviennent à l’instant contagieuses pour l’imagination humaine.

2776. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Nous montrant la reine Marie de Médicis forcée alors de quitter le Louvre, accompagnée de tous ses domestiques qui portaient la tristesse peinte en leur visage : « Il n’y avait guère personne, se plaît-il à faire observer, qui eût si peu de sentiment des choses humaines, que la face de cette pompe quasi funèbre n’émût à compassion. » Et parlant de l’odieux et barbare traitement infligé à la maréchale d’Ancre et de son supplice, quand elle fut condamnée comme sorcière à avoir la tête tranchée sur l’échafaud, et ensuite le corps et la tête brûlés et réduits en cendres, il a des paroles d’une haute pitié : Sortant de sa prison et voyant une grande multitude de peuple qui était amassé pour la voir passer : « Que de personnes, dit-elle, sont assemblées pour voir passer une pauvre affligée ! 

2777. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Toute sa correspondance, à cette date, témoigne d’une âme droite et humaine, qui reçoit l’expérience, mais sans se fermer ni s’endurcir.

2778. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles, ces noirceurs et ces transparences, ces végétations propres au gouffre, cette démagogie des nuées en plein ouragan, ces aigles dans l’écume, ces merveilleux levers, d’astres répercutés dans on ne sait quel mystérieux tumulte par des millions de cimes lumineuses, têtes confuses de l’innombrable, ces grandes foudres errantes qui semblent guetter, ces sanglots énormes, ces monstres entrevus, ces nuits de ténèbres coupées de rugissements, ces furies, ces frénésies, ces tourmentes, ces roches, ces naufrages, ces flottes qui se heurtent, ces tonnerres humains mêlés aux tonnerres divins, ce sang dans l’abîme ; puis ces grâces, ces douceurs, ces fêtes, ces gaies voiles blanches, ces bateaux de pêche, ces chants dans le fracas, ces ports splendides, ces fumées de la terre, ces villes à l’horizon, ce bleu profond de l’eau et du ciel, cette âcreté utile, cette amertume qui fait l’assainissement de l’univers, cet âpre sel sans lequel tout pourrirait ; ces colères et ces apaisements, ce tout dans un, cet inattendu dans l’immuable, ce vaste prodige de la monotonie inépuisablement variée, ce niveau après ce bouleversement, ces enfers et ces paradis de l’immensité éternellement émue, cet infini, cet insondable, tout cela peut être dans un esprit, et alors cet esprit s’appelle génie, et vous avez Eschyle, vous avez Isaïe, vous avez Juvénal, vous avez Dante, vous avez Michel-Ange, vous avez Shakespeare, et c’est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l’Océan.

2779. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Les préceptes sur les figures de Rhétorique lui paroissent encore plus inutiles ; parce que ces figures sont, selon lui, des tours si naturels à tous les discours humains, que l’art ne fait qu’y prêter des noms, pour faire souvenir que leur variété sert à en mettre dans les discours, ce qui se présente, ajoute-t’il, comme de soi-même à tout homme qui n’a pas une imagination froide.

2780. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Il n’y a point de circonstances où les hommes soient plus exposés à faire le sophisme, post hoc, … etc. que celles où les longues calamités et l’inutilité des secours humains les contraignent de recourir au ciel.

2781. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

J’entends tout éternel humain. […] Non seulement c’est ce qui le fait humain, mais c’est ce qui le fait, exactement, chrétien. […] Autrement non seulement elle n’est pas humaine, mais elle n’est pas chrétienne. […] Des analyses intégrales, des analyses (métaphysiquement) épuisantes que les vrais savants ne recherchent même pas en matière scientifique, dont ils ne se soucient pas, eux, plus malins, ils vous les obtiennent en matière humaine, en matière d’homme. […] Mais pour une analyse intégrale (de matière d’homme, en matière humaine), c’est peu ; pour une analyse infinie c’est infiniment peu.

2782. (1802) Études sur Molière pp. -355

Nous serons de ce dernier sentiment, si nous ne consultons que la marche du cœur humain, et si nous nous rapprochons du temps où le prince, si digne à tous égards que son règne fût celui du génie, permettait que La Fontaine vécût aux dépens de ses amis, pour avoir dit : Notre ennemi, c’est notre maître, Je vous le dis en bon français. […] Enfin, si je joue le rôle de Célimène, j’observe d’abord que je suis ce qu’on appelait une coquette du grand monde, et non une bourgeoise qui tient cercle ; que je dois être mise noblement, et non comme une marchande de modes : si je descends ensuite avec Molière dans le cœur humain, j’y lis qu’il y a loin d’une coquette à une femme facile ; que la première, par système, se garde bien d’affranchir ses esclaves en les rendant heureux ; j’y vois que si mes regards, ma contenance assurée avec décence, ne démentent pas leur ton avantageux, mon personnage est non seulement tout à fait manqué, mais que je porte un coup mortel à tous ceux de la pièce : ma cousine Éliante aura tort de m’excuser ; la prude Arsinoé aura dit vrai ; le courroux des deux petits maîtres sera moins comique ; enfin, Alceste ne pourra, sans se dégrader, oublier mes torts et m’inviter à le suivre dans son désert ; disons plus, si je suis une femme perdue, je dois accepter sa proposition. […] Molière, en homme qui connaissait le cœur humain, a-t-il voulu intéresser au succès de sa pièce l’amour-propre du souverain qui en avait le plus ? […] La scène dans laquelle Harpagon, après qu’on l’a volé, vient peindre son malheur, son chagrin, son désespoir, est entièrement imitée de Plaute ; peut-être Harpagon eût-il mieux fait de ne pas demander, comme Euclion, aux spectateurs, si son voleur n’est pas caché parmi eux : je trouve même le poète latin plus excusable que le français, puisque, chez le dernier, la scène se passe dans un appartement ; que, chez l’autre, la scène est dans la rue, et qu’Euclion peut, sans invraisemblance, y appeler à son secours toutes les personnes assez humaines pour vouloir lui sauver la vie66. […] Remarquons que Molière a bien mieux fouillé dans les replis du cœur humain, que l’auteur du dénouement latin ; chez celui-ci, l’Avare se corrige, et Molière a senti que l’avarice est un vice incorrigible.

2783. (1774) Correspondance générale

Voilà ce qui me réconcilie avec le genre humain ; c’est pour cette raison que je vous exhortais à la philanthropie. […] Il y a bien de la différence entre se séparer du genre humain et le haïr. […] Monsieur et cher maître, je sais bien que quand une bête féroce43 a trempé sa langue dans le sang humain, elle ne peut plus s’en passer ; je sais bien que cette bête manque d’aliment, et que, n’ayant plus de Jésuites à manger, elle va se jeter sur les philosophes. […] La lutte contre un homme de génie qui connaît le monde et les hommes, le cœur humain, la nature de la société, l’action et la réaction des ressorts opposés qui la composent, la force de l’intérêt, la pente des esprits, la violence des passions, les vices des différents gouvernements, influence des plus petites causes, et les contre-coups des moindres effets dans une grande machine, est une lutte périlleuse, comme M.  […] J’ai vu dans l’un la justice, la vérité, le courage, la dignité, la raison, le génie, employer toutes leurs forces pour réprimer la tyrannie des hommes puissants, et dans l’autre la bienfaisance et la pitié tendre leurs mains secourables à la partie de l’espèce humaine la plus à plaindre, les malades indigents.

2784. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Comme disait le bon Taine : « Je vois les bornes de mon esprit, et je ne vois pas les bornes de l’esprit humain » ; et je reconnais que c’est plus facile. […] Dans Corneille, dans Racine, les pièces devraient porter la didascalie suivante : « La scène est au fond du cœur humain. […] La passion pure menant l’être humain rudement et brutalement, droit vers son but. […] À peine dans Dumas père, à travers le drame historique, le drame simplement humain par endroits, mais distinctement, se fait jour. […] Du cœur humain telle est sans doute la nature.

2785. (1933) De mon temps…

C’était un chant nouveau, d’une irrésistible allégresse lyrique, d’une abondance si aisée qu’on en écoutait avec ravissement l’harmonie naturelle et comme involontaire, un chant qui, en son divin désordre, restait toujours humain, mais qui, triomphal, était déjà douloureux et pathétique en sa juvénile ivresse, un chant d’aurore sur qui planait déjà, comme un encore lointain, mais inévitable présage, l’ombre des jours. […] A l’époque de Balzac, ces rues étaient séparées de la rue Fortuné où mourut l’auteur de la Comédie humaine. […] Au mur était encadrée une peinture représentant, dans un décor de grande ville moderne, un corps de femme descendant au fil de l’eau le cours d’un fleuve nocturne, épave macabre, débris de débâcle humaine, sorte d’Ophélie désespérée et symbolique et qui était comme une allusion peinte, comme une image de la poésie du poète.

2786. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Sans doute les grands génies dont s’honore l’intelligence humaine ont subi cette épreuve, et l’une de leurs gloires est d’y avoir résisté ; mais les Sonnets de La Boétie ne le classeront pas avec Pindare, Anacréon, Horace… J’accorde qu’il ne perdra pas à être envisagé de près ; mais je crois qu’il gagnerait à être entrevu à distance.

2787. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Ce que nous avons aujourd’hui d’hommes d’esprit à la Cour ou à la ville ne le sont qu’avec une telle malignité, qu’ils ressemblent à des singes ou à des diables qui ne prennent leur plaisir qu’au mal d’autrui et à la confusion du genre humain ; et s’il leur reste quelque franchise, c’est pour ne pas cacher leurs grands défauts, de malice.

2788. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

De même qu’il a eu quelquefois des velléités d’immortalité spirituelle, il éprouvait aussi, bien que rarement, des aiguillons de gloire humaine.

2789. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

André Chénier a eu raison de célébrer Ce langage sonore aux douceurs souveraines, Le plus beau qui soit né sur les lèvres humaines.

2790. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

» Le matin, au balcon, Mlle Newton lisait de l’anglais, Le Lay du dernier ménestrel de Walter Scott, alors sous sa première forme de poète et avant le roman ; Le Voyage du pèlerin de Bunyan, « ce livre que ma mère m’a donné, et qu’elle aimait tant, qui présente une ingénieuse allégorie des progrès que peut faire un pèlerin chrétien à travers les misères humaines ; et plus on le relit, mieux on le comprend. » Elle lisait et relisait Shakespeare, c’était son livre de chaise de poste : « Bientôt je le saurai tout entier par cœur.

2791. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Ô Jupiter chéri, la mille fois aimable et humaine déesse !

2792. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

La retraite allait commencer ; le 18 octobre (1812), à Moscou, dans la cour du Kremlin, l’empereur passant une revue du 3e corps, Ney lui propose Pelleport pour le grade de général de brigade ; l’empereur répondit : « Après la campagne ; j’ai besoin de mes bons colonels pour me sortir d’ici. » À tous les pas de cette retraite terrible, Pelleport fit office du plus brave et du plus humain des colonels.

2793. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Laissons-nous faire à la poésie ; relisons, redisons-nous tout haut la pièce entière… Heureux celui qui a su ainsi trouver un accent pour une situation immortelle et toujours renouvelée de la nature humaine !

2794. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Et que de variétés effectivement alors, dans cette moitié la plus changeante et ondoyante de l’espèce humaine !

2795. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Il eut, à son début, sa journée d’éclat (28 octobre 1815), lorsque répondant à M. de Kergorlay qui s’attaquait à l’inviolabilité des biens nationaux et qui prétendait l’infirmer au nom de mille exemples historiques, anciens et modernes, allégués en preuve de l’éternelle vicissitude des choses et de l’instabilité des institutions humaines, il éleva et opposa, en face de ce spectacle philosophique trop décourageant, le point de vue du vrai politique et de l’homme d’État, qui doit se placer, au contraire, et raisonner constamment dans la supposition de la stabilité et, s’il se pouvait, de l’éternité des lois sur lesquelles la société repose, et qui doit d’autant plus paraître s’y fier et les proclamer durables, que l’on vient d’échapper à de plus grands orages : « Voilà, s’écriait-il, voilà ce qu’il faut espérer, ce qu’il faut vouloir, voilà ce qu’il faut, s’efforcer de voir et de démontrer comme le résultat possible et même assuré d’une conduite où la sagesse se trouvera heureusement combinée avec la fermeté.

2796. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Bouilly et se déshonorer, si l’on s’était permis de s’attendrir ;  on arborait, peu s’en faut, pour devise le vers de Térence ainsi retourné : « Je suis homme, et en conséquence je ne m’intéresse à rien d’humain. » Mais, tout compte fait et tout balancé, la rue des Canettes me paraît d’ailleurs fort inférieure en visée à l’impasse du Doyenné : elle vit au jour le jour, elle n’a pas l’horizon du passé, l’enthousiasme exalté pour tous les vieux maîtres gothiques et non classiques, le mépris du médiocre, l’horreur du lieu commun et du vulgaire, l’ardeur et la fièvre d’un renouvellement.

2797. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Et aussi la partie humaine, éternelle, s’y retrouve : c’est l’amour.

2798. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Alceste paraît avoir été un Philinte auprès de ce Rubentel qu’on ne put garder au service malgré son mérite et qui s’en alla vivre et mourir seul à Paris, disgracié, irrité, pestant contre les humains et gardant une dent contre quiconque était plus heureux que lui.

2799. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

encore une fois, sans doute, il est certaines beautés naturelles, simples, éternelles, de ces grands peintres du cœur humain, qui ont été senties de tout temps ; mais, dans les intervalles et pour l’ensemble de l’œuvre, que de restrictions, que de méprises, que de blâmes ou d’admirations à côté, avant que la critique historique fût venue pour éclairer les époques, les mœurs, le procédé de composition et de formation, tout le fond et les alentours de la société au sein de laquelle se produisirent ces grands monuments littéraires !

2800. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

. ; tout le monde y restera quinze jours ; on dit à Paris que ces belles dames sont allées trouver des houlans, parce qu’ils sont affamés de chair humaine et qu’ils vivent comme des reclus dans ce désert ; mais ce n’est que par envie que les autres femmes aboient ainsi. » Maurice n’y allait pas de main morte avec le sexe. — Ce régiment de houlans ne se contentait pas de houspiller les belles dames, il tourmentait et pillait un peu trop, dit-on, tous les villages aux environs de Chambord.

2801. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Il ne se dit point que l’autorité de Raynal (si autorité il y avait) ne pouvait se séparer du fond des doctrines qu’il avait si ostensiblement soutenues et proclamées ; que son changement d’idées graduel et sincère, remontant à quelques années et connu seulement de quelques amis, ne pouvait que lui nuire en éclatant comme une conversion subite et en s’étalant comme un exemple de plus de la versatilité humaine ; que les hommes célèbres et les personnages publics ne sont pas seulement ce qu’ils sont, mais ce qu’ils paraissent ; que l’auteur de l’Histoire philosophique était le dernier des hommes qui eût le droit de rappeler si solennellement à la modération ceux qu’il avait de longue main excités et échauffés ; que c’était tout au plus ce qu’aurait pu tenter un Mirabeau, se transformant de tribun séditieux en tribun conservateur : et encore aurait-il eu de terribles difficultés personnelles à vaincre : Quis tulerit Gracchos de seditione querentes ?

2802. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Désenchanté de toutes les illusions humaines, je ne désire qu’une retraite que je ne puis pas décemment demander, ayant si peu servi depuis ma démarche ; je traînerai donc par reconnaissance et par devoir ma triste carcasse sur le premier champ de bataille où il me sera possible de courir au-devant d’un boulet bienfaiteur.

2803. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

On sait comment son royalisme lui était venu : quant à la religion, elle lui était entrée dans le cœur par l’imagination et l’intelligence ; il y voyait avant tout la plus haute forme de la pensée humaine, la plus dominante des perspectives poétiques.

2804. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Tandis que la nuit embaumée Nous dérobe aux yeux des humains, Viens, regarde, ô ma Bien-aimée, Ces Cieux, livre de nos destins.

2805. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

L’humain entendement serait-il un mensonge, L’existence un néant, la conscience un songe ?

2806. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Un sentiment moral, sympathique, humain s’exhale partout de ces pages, qui n’affectent point de rester froides en se montrant plus colorées.

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