/ 2355
1042. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Et je relis avec mélancolie cette page de M. de Vogüé, dans la préface de son Roman russe : « Il se crée de nos jours, au-dessus des préférences de coteries et de nationalité, un esprit européen, un fond de culture, un fond d’idées et d’inclinations communs à toutes les sociétés intelligentes ; comme l’habit partout uniforme, on retrouve cet esprit assez semblable et docile aux mêmes influences, à Londres, à Pétersbourg, à Rome ou à Berlin… Cet esprit nous échappe ; la philosophie et la littérature de nos rivaux font lentement sa conquête ; nous ne le communiquons pas, nous le suivons à la remorque ; avec succès parfois, mais suivre n’est pas guider… Les idées générales qui transforment l’Europe ne sortent plus de l’âme française. » C’est peut-être qu’elles en sont sorties il y a cinquante ans. […] Ni les personnages distincts et fortement caractérisés n’y sont moins nombreux ou d’âmes et de conditions moins variées que dans la Guerre et la Paix, ni leur grouillement moins animé ; ni les incidents, tour à tour rares et communs, n’y sont moins divers et moins épars. […] Ils le sont : car une littérature cosmopolite, c’est-à-dire européenne, doit être, par définition, commune et intelligible à tous les peuples d’Europe, et elle ne peut devenir telle que par l’ordre, la proportion et la clarté, qui passent justement, depuis des siècles, pour être nos qualités nationales.

1043. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Ce fut désormais un trésor commun où la Muse tragique vint puiser l’or et l’ivoire, le bronze et le marbre de ses créations. […] Si le théâtre athénien domina et inspira tous les autres, c’est qu’Athènes avait été l’âme de ces grandes luttes ; c’est que seule elle avait eu l’idée d’une Patrie commune se levant en masse contre les Barbares, et que cette patrie était née des efforts magnanimes qu’elle fit pour la concevoir. […] Mais défigurer la face vénérable de la Mère commune par des mutilations sacrilèges, déformer les traits de sa géométrie éternelle, rompre l’équilibre des éléments et des choses, faire craquer leur balance en y portant le poids exagéré du travail humain ; là commençait l’attentat, l’excès prévu par Némésis et sujet à ses châtiments.

1044. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

C’est à cette répartition des diverses sortes de recherches entre différents ordres de savants, que nous devons évidemment le développement si remarquable qu’a pris enfin de nos jours chaque classe distincte des connaissances humaines, et qui rend manifeste l’impossibilité, chez les modernes, de cette universalité de recherches spéciales, si facile et si commune dans les temps antiques. […] Qu’une classe nouvelle de savants préparés par une éducation convenable, sans se livrer à la culture spéciale d’aucune branche particulière de la philosophie naturelle, s’occupe uniquement, en considérant les diverses sciences positives dans leur état actuel, à déterminer exactement l’esprit de chacune d’elles, à découvrir leurs relations et leur enchaînement, à résumer, s’il est possible, tous leurs principes propres en un moindre nombre de principes communs, en se conformant sans cesse aux maximes fondamentales de la méthode positive. […] Tant que les intelligences individuelles n’auront pas adhéré par un assentiment unanime à un certain nombre d’idées générales capables de former une doctrine sociale commune, on ne peut se dissimuler que l’état des nations restera, de toute nécessité, essentiellement révolutionnaire, malgré tous les palliatifs politiques qui pourront être adoptés, et ne comportera réellement que des institutions provisoires.

1045. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Les gens du métier, les habiles ou les vertueux, qui l’ont étudiée et pratiquée à fond, ont gardé ou retrouvé, en l’appréciant, l’admiration qu’elle inspirait autrefois : le commun des lecteurs, je le crois, a besoin de refaire un peu son éducation à cet égard. […] Répandez donc sur sa personne la plénitude de vos lumières et de vos grâces… Le vœu de Bourdaloue fut rempli : peu de temps après ce discours, le prince de Condé se convertit sincèrement, il s’approcha des autels ; cet esprit si brillant, si curieux, si altier, que les impies s’étaient flattés de posséder, leur échappa et se rangea humblement à la voie commune.

1046. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

La Fare ne se gouverne pas comme Chaulieu, il s’abandonne, et le fond de la philosophie qui leur est commune se trahit ici à nu. […] Cette commune loi qui veut que notre cœur       De son bonheur même s’ennuie,       Me fit tomber dans la langueur       Qu’apporte une insipide vie.

1047. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Peu importe ici la part qui revient à chaque groupe complice : tout cela se confondait pour le dehors dans un même esprit et une collaboration commune. […] C’est, redirai-je d’après lui à mon tour, c’est être ou avoir été amis, avoir eu, à une certaine heure de jeunesse, des sentiments vifs et purs en commun ; avoir eu volontiers mêmes vues à l’horizon, mêmes perspectives et mêmes vœux, par le seul fait de cohabitation morale dans un même navire ; ou, dans des navires différents, avoir fait route quelque temps de conserve sous les mêmes astres, avoir jeté l’ancre un moment côte à côte dans de belles eaux ; s’être connus et goûtés dans des saisons meilleures ; sentir, même en s’éloignant, qu’on est, malgré tout, de la même escadre, qu’on flotte ensemble, qu’on est à bord d’une même expédition, qui s’appelle pompeusement le siècle, qui comprend environ un quart, de siècle et qui, pour la plupart, n’ira guère au-delà.

1048. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

A force de remuer les choses dans la pensée, elles changent de valeur et on éprouve cette lassitude de l’intelligence qui ne la fait se reposer que dans le paradoxe ; et il arrive que parfois le distingué vous devient si commun, l’esprit vous paraît si bête, et qu’enfin tout ce qu’on préconise vous est si peu, qu’on irait volontiers boire au cabaret avec des charbonniers pour trouver quelque distinction, — et qu’on y va plus ou moins. » Tantôt il y met plus de tendresse et un accent ému, éloquent, qui élève et passionne le regret : « Oh ! l’on ne voudrait pas surtout que le monde prît rien à votre amour ni qu’il lui donnât rien ; que le cher enfant ne vous apportât rien le soir des dégoûts, des ennuis du jour ; qu’il ne fût ni dandy, ni bourgeois, ni goujat, ni vilain, ni gentilhomme, rien de commun !

1049. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Ce n’est pas un grammairien rectiligne ; il est pur et nullement précieux ; il est pour les irrégularités naïves, pour quantité de ces petits mots qui se disent en parlant et qui ajoutent de la grâce quand on écrit ; le commun des grammairiens les retranche : lui, il les goûte et tient à les conserver ; il est, en un mot, pour les gallicismes et les atticismes. […] Il insiste sur ce qu’il y a de juste, et de nécessaire en même temps, à se ranger à la discipline, à la règle commune et à ce qui prévaut, à ne pas faire bande à part en telle matière contre le sentiment universel.

1050. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Le poète compare Cromwell encore modeste, selon lui, et fier seulement d’obéir à la République et aux Communes, au généreux oiseau de proie, docile au chasseur, et qui n’ensanglante les airs que pour lui : « Ainsi, quand le faucon s’abat pesamment des hauteurs du ciel, une fois sa proie mise à mort, il ne pense plus qu’à percher sur la branche verte voisine où, au premier appel, le fauconnier est sûr de le trouver. » Ainsi la République est sûre de son Cromwell. — Rapprochez cette ode du généreux et fervent sonnet que Milton adressait à Cromwell vers le même temps : « Cromwell, notre chef d’hommes, qui, à travers un nuage non seulement de guerre, mais de détractions violentes et de calomnies, guidé par la foi et par une fortitude incomparable, as enfoncé ton glorieux sillon vers la paix et la vérité ! […] Il dut à sa condition de papiste de n’être point élevé dans les universités et de ne point passer par la voie commune et par les méthodes ordinaires.

1051. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

En un mot, toutes les nuances possibles d’opinion, comprises dans une admiration commune pour le caractère et la destinée d’une pure et illustre victime, étaient sorties au grand jour et se maintenaient en présence. […] toi que l’on connaîtra mieux un jour en plaignant nos communs malheurs, toi que la plus terrible des passions n’empêche pas de respecter les barrières de la vertu, t’affligerais-tu de me voir te précéder aux lieux où nous pourrons nous aimer sans crime, où rien ne nous empêchera d’être unis ?

1052. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

S’ils furent des artistes, ils ne furent en rien des artistes originaux, et Mme Roland, supérieure à la plupart, et je dirais hardiment, à tous s’il n’y avait Vergniaud, n’échappe point en cela à la condition commune. […] Victime lui-même de la persécution et de la calomnie, Buzot se montre d’une extrême injustice pour tous ses adversaires et les confond dans une commune et banale injure : ce sont d’inévitables représailles ; et il serait encore plus élevé d’intelligence que de cœur, celui qui saurait s’en abstenir.

1053. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Autrefois les eaux qui descendaient du massif des montagnes, habitées aujourd’hui par les Touareg du Nord, se réunissaient probablement pour former un fleuve que les Anciens paraissent avoir eu en vue sous le nom de Gir ou Niger (qui n’a rien de commun avec l’autre Niger) et qui n’est plus qu’un lit desséché. […] Parmi les nombreuses variétés de coutumes que présentait le régime féodal, on peut relever cette singularité que, dans notre ancienne province de Champagne, la noblesse Utérine faisait partie dit droit, commun.

1054. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Le critique, en voulant rapprocher, sans justice, André Chénier de Roucher, de Delille et des descriptifs du temps, recherche et accumule les métaphores d’ivoire, d’albâtre et de rose qu’il extrait de ses vers, pour les confondre dans un blâme commun. […] C’est un présent que j’offre surtout à mes amis, mais tous les initiés ont part commune à cette gracieuse couronne des Muses. » Chénier avait lu d’abord cette pièce attrayante qui ouvre le recueil de Brunck, et qui est comme l’enseigne du jardin des Hespérides ; il semble s’être dit : Et moi aussi, pourquoi donc ne ressaisirais-je pas quelque chose de tout cela ?

1055. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Cependant, et sans prétendre nier cette profonde dissemblance originelle entre deux âmes, dont l’une n’a connu que l’amour maternel, et dont l’autre a ressenti toutes les passions, jusqu’aux plus généreuses et aux plus viriles, on trouve en elles, en y regardant de près, bien des faiblesses, bien des qualités communes, dont le développement divers n’a tenu qu’à la diversité des temps. […] « Le seul art dont j’oserais soupçonner Mme de Sévigné, dit Mme Necker, c’est d’employer souvent des termes généraux, et par conséquent un peu vagues, qu’elle fait ressembler, par la façon dont elle les place, à ces robes flottantes dont une main habile change la forme à son gré. » La comparaison est ingénieuse ; mais il ne faut pas voir un artifice d’auteur dans cette manière commune à l’époque.

1056. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Un cinquième du sol est à la couronne et aux communes, un cinquième au tiers état, un cinquième au peuple des campagnes, un cinquième à la noblesse, un cinquième au clergé. […] Tels sont, en Auvergne, en Flandre, en Hainaut, dans l’Artois, dans la Picardie, l’Alsace et la Lorraine, les droits de poursoin ou de sauvement qu’on lui paye pour sa protection générale ; ceux de guet et de garde qu’il réclame pour sa protection militaire ; l’afforage qu’il exige de ceux qui vendent de la bière, du vin et autres boissons en gros ou en détail ; le fouage, en argent ou en grains, que, dans plusieurs coutumes, il perçoit sur chaque feu, maison ou famille ; le pulvérage, fort commun en Dauphiné et en Provence, sur les troupeaux de moutons qui passent ; les lods et ventes, droit presque universel, qui est le prélèvement d’un sixième, parfois d’un cinquième ou même d’un quart sur le prix de toute terre vendue et de tout bail qui excède neuf ans ; le droit de rachat ou relief, équivalent à une année de revenu et qu’il reçoit des héritiers collatéraux, parfois des héritiers directs ; enfin un droit plus rare, mais le plus lourd de tous, celui d’acapte ou de plaît-à-merci, qui est un cens double ou une année des fruits, payable aussi bien au décès du seigneur qu’à celui du censitaire.

1057. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

En général, les figures servent à rendre ce qui échappe à la prise brutale et matérielle des mots : on ne s’étonnera donc pas qu’elles servent surtout à traduire ce qui est sentiment ou passion ; les pures idées intellectuelles et les objets du monde réel sont en général directement touchés par les mots et par l’application littérale des lois communes de la grammaire et de la syntaxe. Notre esprit, percevant soudain une qualité commune en deux objets différents, ou créant entre eux un rapport qui les assimile, nomme l’un du terme qui convient ou qui appartient à l’autre : il fait une métaphore.

1058. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Ces épopées n’ont rien de commun avec l’Iliade ou l’Énéide : il faudrait les comparer plutôt à la Divine Comédie ; la forme épique enveloppe une âme lyrique. […] Leconte de Lisle, après ses deux admirables recueils, fut le maître incontesté de la poésie française ; autour de lui se groupèrent un certain nombre de jeunes poètes, qui prirent le nom de Parnassiens, lorsque l’éditeur Lemerre publia leurs vers dans le recueil du Parnasse contemporain Chacun y apporta son tempérament original, sa force de sentiment ou de pensée : le trait commun de l’école fut le respect de l’art, l’amour des formes pleines, expressives, belles.

1059. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Même il y a, dans les rencontres de ce père et de ce fils, qui n’ont pas une idée en commun, un dramatique froid navrant qui serre le cœur (et qui serait peut-être doublé si l’auteur semblait moins persuadé qu’Astier-Réhu n’est qu’une horrible vieille bête)… Mais enfin cette unité secrète, intérieure du livre, M.  […] et, bien avant l’heure, un monde énorme affluait autour de Saint-Germain-des-Prés, la circulation interdite (ablatif absolu), les seules voitures d’invités ayant droit d’arriver sur la place agrandie (c’est une sensation que vous avez certainement éprouvée : une place vide, mais entourée d’une foule, paraît beaucoup plus grande ; la sensation est ici notée par un seul mot), bordée d’un sévère cordon de sergents de ville espacés en tirailleurs (cela encore fait image). » Ne raillez point mes commentaires ; ne dites pas que chacune de ces « visions » est assez commune et que vous en auriez été capable.

1060. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

La critique (quand critique il y a), à l’abri d’un pouvoir tutélaire, accomplit son œuvre et sert la restauration commune. […] Toutefois son élégance étudiée, compassée, est un peu commune ; son jugement ne ressort pas nettement.

1061. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Opposons vite ce divin tableau d’Ève encore innocente aux flammes quelque peu infernales qu’on trouve sous le faux christianisme de René : Ainsi parla notre commune mère, dit le chantre du Paradis, et, avec des regards pleins d’un charme conjugal non repoussé, dans un tendre abandon, elle s’appuie, en l’embrassant à demi, sur notre premier père ; son sein demi-nu, qui s’enfle, vient rencontrer celui de son époux, sous l’or flottant des tresses éparses qui le laissent voilé. […] Quelques lettres sont charmantes, et, même quand elles ne le sont pas, elles restent toujours naturelles, ce qui n’est pas commun chez lui.

1062. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rousseau, qui se sépare des encyclopédistes par certaines croyances et par une affiche de moralité plus stricte, ne se sépare pas moins de Voltaire en ce qu’il vise à une réforme politique profonde par le moyen du peuple, et en s’adressant à la logique commune, au sentiment universel. […] — De notre ami commun, de Jean-Jacques. — Bon !

1063. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

En publiant sa pièce, il la fit précéder d’une Lettre à Voltaire, dans laquelle il discourait et discutait même de cet art qui leur était commun, et il le faisait d’un ton de disciple déjà mûr et presque de maître, qui choqua beaucoup dans le temps, mais qui ne fait que nous confirmer les précoces inclinations critiques de La Harpe. […] Pourtant les esprits éclairés d’alors, Grimm, Diderot, les autres esprits aiguisés par la rivalité et par la pratique de l’art, tels que Le Brun, distinguent très bien ses côtés faibles, communs dans leur fade élégance, et nous dénoncent en détail ses défauts que le temps en marchant a confondus aujourd’hui dans un seul, l’insipidité mortelle et l’ennui.

1064. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

On voulait l’exclure de la première Commune de Paris dont il était membre ; il dut se défendre par une Requête où il parlait magnifiquement de lui-même et de ses services rendus pendant la guerre d’Amérique. […] Entreprend-il de se justifier auprès de la Commune de Paris des sots griefs qu’on lui impute, comme d’avoir accaparé des armes, d’avoir des souterrains dans sa maison du boulevard, même d’avoir trompé autrefois les Américains par ses fournitures, il dira ingénument, en imitant les gageures et les défis à l’anglaise : Je déclare que je donnerai mille écus à celui qui prouvera que j’aie jamais eu chez moi, depuis que j’ai aidé généreusement l’Amérique à recouvrer sa liberté, d’autres fusils que ceux qui m’étaient utiles à la chasse ; Autres mille écus si l’on prouve la moindre relation de ce genre entre moi et M. de Flesselles… Je déclare que je paierai mille écus à qui prouvera que j’ai des souterrains chez moi qui communiquent à la Bastille… Que je donnerai deux mille écus à celui qui prouvera que j’aie eu la moindre liaison avec aucun de ceux qu’on désigne aujourd’hui sous le nom des aristocrates… Et je déclare, pour finir, que je donnerai dix mille écus à celui qui prouvera que j’ai avili la nation française par ma cupidité quand je secourus l’Amérique… Cette façon de tout évaluer en argent me paraît déceler un ordre de sentiments et d’habitudes qui était nouveau en littérature, et qui s’y naturalisa trop aisément.

1065. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Entraîné par la collectivité, l’individu se désintéresse de lui-même, s’oublie, se donne tout entier aux fins communes. […] Si les raisons communient à ce point, n’est-ce pas qu’elles viennent d’une même source, qu’elles participent d’une raison commune ?

1066. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Il semble assez sceptique quant aux avantages qui peuvent résulter de la mise en commun de l’effort. […] C’est ainsi que ceux qui prétendent trouver chez leur future épouse des qualités peu communes (ce que symbolise peut-être l’idée de la personne sans balafres se voient punis de leur excessive prétention) par les défauts moraux, contre-partie de la perfection physique (Voir tous les contes relatifs aux marques cicatricielles).

1067. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Tout se tient, dans les défauts et les qualités : esprit difficile, haïsseur du commun, Aubryet se précipite de l’autre côté des choses vulgaires et, pour ne pas l’être, il tortille les faits, s’entortille lui-même et finit par s’étrangler. […] car ce sont les défauts des esprits élevés, qui dédaignent les idées et les formes communes et qui, pour les éviter, se jettent un peu trop loin et manquent la simplicité… Trop de zèle !

1068. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

La femme à qui toute cette masse de lettres est adressée était, à ce qu’il paraît, de cette espèce très commune de femmes exigeantes, coquettes, capricieuses, gracieusement extravagantes, qui font des hommes, quand elles les tiennent, les polichinelles de l’amour. […] Et c’était véritablement à croire que ces esprits secs avaient été pris d’une violente sympathie pour leur commune sécheresse ; car Gustave Planche et Mérimée sont, avant tout, des esprits secs.

1069. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Son patriotisme d’Anglais, et d’Anglais d’un certain côté de la Chambre des Lords ou des Communes, ratatine en lui l’historien. […] Lui qui n’était pas le fils d’un ministre comme Pitt, on le vit, bien jeune encore, à la Chambre des Communes, et commissaire dans l’Inde deux mois après.

1070. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

tu peux donner une âme commune à plusieurs millions d’hommes ? […] Ils ont refait une gloire à de Maistre en précisant celle qu’on lui doit, en empêchant la vermine des idées communes de ronger les belles et pures lignes de cette noble et lumineuse figure.

1071. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

On le consultait parce qu’il était l’expérience heureuse ; on ne le détestait point à cause de sa richesse, parce que ni son train ni son revenu ne dépassaient l’ambition commune et permise à chacun. […] Il ne serait point inutile de prouver à d’innombrables étrangers, et même à quelques Français, que le fameux boulevard est un lieu trop étroit pour loger trois millions d’habitants, que l’immense majorité de ceux-ci vivent péniblement et bravement, grâce à une activité qui dérouterait plus d’un provincial ; que les Parisiens n’entrent que pour un quart dans le succès d’une pièce de théâtre, même scandaleuse, et que la province fait les trois autres quarts ; que les ménages de Paris ne ressemblent pas tous, il s’en faut, à ceux de nos pièces de théâtre et de nos romans dits « parisiens » ; et qu’au surplus rien n’est si commun que des concitoyens qui s’ignorent réciproquement.

1072. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Quand nous l’avons, elle introduit dans notre entendement la conception d’une durée commune à tous les êtres, et indépendante de la nôtre, ainsi que tous les phénomènes du monde matériel. […] Il dira à la Chambre des pairs : « On déporte les hommes ; les lois fondamentales d’un pays ne se laissent pas déporter. — Les fleuves ne remontent pas vers leur source ; les événements accomplis ne rentrent pas dans le néant. » Il disait à la Sorbonne : « A mesure que la réflexion retire la causalité que l’ignorance avait répandue sur les objets, les volontés locales, exilées du monde matériel, sont successivement rassemblées et concentrées par la raison en une volonté unique, source commune de toutes les volontés contingentes, cause première et nécessaire que la pensée de l’homme affirme sans la connaître, et dont elle égale le pouvoir à l’étendue, à la magnificence, à l’harmonie des effets qu’elle produit sous nos yeux. » Il invente des expressions superbes, qu’on n’oublie plus, images puissantes qui condensent sous un jet de lumière de longues suites d’abstractions obscures.

1073. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Dans l’une et dans l’autre, on opère sur des groupes naturels, c’est-à-dire sur des individus construits d’après un type commun, divisibles en familles, en genres et en espèces. […] Réveillé en sursaut, il se leva, rassembla les capitaines de Proxénos, leur montra le danger, et dit qu’il fallait nommer des chefs et pourvoir au salut commun. […] Ce don paraît grand déjà, lorsqu’il s’applique à reformer les pensées et les passions des hommes, choses communes, vulgaires, que nous apercevons en nous-mêmes, et qui n’ont point pour nous l’attrait de la nouveauté. […] — Très grands amis, dirent-ils. — En effet, on dit que tout est commun entre amis, de sorte qu’en fait de richesse il n’y a pas de différence entre vous, si vous êtes amis comme vous le dites. » — Ils l’accordèrent. […] Des filles de duc épousaient des membres de la Chambre des communes ; plusieurs membres de la Chambre des communes étaient aussi nobles que les plus nobles pairs.

1074. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

La métaphysique préliminaire que M. de Latena expose, avec ses nobles professions de croyances, d’espérances consolantes, avec les incertitudes légères qui s’y mêlent et les lacunes qu’il faudrait combler, exprime assez bien la disposition commune en ce temps-ci à beaucoup d’esprits bien faits et distingués.

1075. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

En fait de couleurs, Lamennais a bien du commun.

1076. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

Son plus grand défaut, vous l’avez dit, est de ne pas distinguer net et d’un coup d’œil inexorable l’endroit où finit le délicat élégant et où commence l’élégant commun : il accorde un peu trop à celui-ci ; mais, en somme, il est au premier rang dans la seconde ligne critique qui vient après Villemain.

1077. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Quelques obscurités pourtant sont dues uniquement à des inadvertances typographiques, qui deviennent si communes dans les publications le plus en vogue, et dont les éditeurs font trop bon marché, au détriment des lecteurs et de l’auteur.

1078. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

Pour moi, il me semble que ces hommes, doués d’une seconde vue, sont assez semblables à ces chauves-souris en qui le savant anatomiste Spallanzani a découvert un sixième sens plus accompli à lui seul que tous les autres… Ce sixième sens, si admirable, consiste à sentir dans chaque objet, dans chaque personne, dans chaque événement, le côté excentrique pour lequel nous ne trouvons point de comparaison dans la vie commune et que nous nous plaisons à nommer le merveilleux… Je sais quelqu’un en qui cet esprit de vision semble une chose toute naturelle.

1079. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Si l’on pouvait sur tous les points de la France, à commencer par nous-mêmes au centre, inspirer un esprit d’union qui ne soit point de servilité, mais d’affection à une chose commune, à une seule et même chose qui soit nôtre, et qu’on n’aspire qu’à améliorer, à perfectionner, oh !

1080. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

L’amour de la patrie l’emportait tellement chez les Romains sur toute autre passion, que les ennemis servaient ensemble, et d’un commun accord, les intérêts de la république.

1081. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

Qu’est-ce que tout cela peut avoir de commun avec la philosophie et le règne de la raison ?

1082. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

« Quiconque veut se faire un style durable, disait très bien Joubert, ne doit en user qu’avec une extrême sobriété. » C’est dans la langue commune, héréditaire, vraiment nationale, langue de nos pères qui sera la langue de nos fils, dans cette partie immuable du vocabulaire que Pascal a transmise à Racine et que Voltaire a livrée à Chateaubriand, qu’il faut chercher les expressions qui rendent nos idées.

1083. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

On voit déjà des princes qui volontairement se retirent et à qui la rentrée dans la vie commune, dans la grande multitude humaine, semble une délivrance.

1084. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

Ainsi les snobs du commun ont pour guides des façons de snobs inventifs et supérieurs ; et, au point où nous sommes parvenus, le snobisme ne nous apparaît plus que comme un des noms particuliers de l’universelle illusion par laquelle l’humanité dure et semble même marcher.

1085. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Il recherche, pour en orner sa beauté intérieure, les parures les plus habituelles et les décors les plus communs.

1086. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

S’il est vrai qu’une des facultés qui font les grands poètes c’est de saisir entre le monde moral et le monde matériel beaucoup plus de rapports et de plus inattendus que ne fait le commun des hommes, M. 

1087. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

C’est ainsi que l’assemblage, dans le prétendu domaine commun de la littérature, d’objets artistiques, scientifiques, industriels, est fâcheux.

1088. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

quelle indépendance, quelle légèreté, quelle gaîté, quelle folie devaient régner dans un camp dont les chefs étaient de la jeunesse des deux sexes, dans un camp où les relations étaient toutes militaires, où tous les dangers étaient communs, où le chagrin des revers et l’ivresse des succès étaient également partagés, où régnait la familiarité la plus dégagée des formes habituelles du respect, en un mot dans une armée de deux sexes qui, en révolte contre les lois de l’état, ne devaient pas s’assujettir bien strictement à celles de la bienséance !

1089. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VI, première guerre médique »

Ce petit peuple qui se dévoue à la patrie commune, ces dix mille contre deux cent mille, qui marchent en avant sans regarder derrière eux, cette victoire qui semble divine tant elle est rapide, quel plus noble et plus pur triomphe !

1090. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Qu’ont de commun ses maux avec les peines d’un amant ?

1091. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

Les deux poëtes se virent, se parlèrent, mangèrent plusieurs fois ensemble chez des amis communs.

1092. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Avertissement » pp. -

Je ferai toutefois observer que, des autres divisions en usage, la plus naturelle serait encore la division par règnes ou époques politiques ; et, par exemple, j’ai noté dans ce livre même, très rapidement, quelques uns des caractères littéraires communs à toutes les régences de notre histoire.

1093. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Il n’avait rien, en effet, de commun avec MM. 

1094. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Voilà, madame, ce que je vous écrivais avant que de vous avoir lue : ensuite je me suis aperçu qu’entre plusieurs idées qui nous étaient communes, il n’y en avait aucune qui se contrariât.

1095. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Le commun des hommes est donc bien capable de reconnoître un caractere lorsque ce caractere a reçu sa forme et sa rondeur théatrale ; mais tant que les traits propres à ce caractere, et qui doivent servir à le composer demeurent noyez et confondus dans une infinité de discours et d’actions que les bienséances, la mode, la coûtume, la profession et l’interêt font faire à tous les hommes, à peu près du même air, et d’une maniere si uniforme que leur caractere ne s’y décele qu’imperceptiblement, il n’y a que ceux qui sont nez avec le genie de la comedie qui puissent les discerner.

1096. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Je n’ignore pas qu’une belle édition dont les caracteres bien taillez et bien noirs sont rangez dans une proportion élegante sur du papier d’un bel oeil, ne fasse un plaisir sensible à la vûë ; mais ce plaisir plus ou moins grand suivant le goût qu’on peut avoir pour l’art de l’imprimerie, est un plaisir à part, et qui n’a rien de commun avec l’emotion que cause la lecture d’un poëme.

1097. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Monsieur Adison, c’est lui-même que je viens de citer, dit encore bien des choses dans cet écrit, et dans celui qu’il publia huit jours après contre d’autres usages communs sur le théatre anglois, et qui lui paroissent avec raison des usages vicieux.

1098. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

C’est l’enthousiasme qui possede les poëtes, quand ils voïent les graces danser sur une prairie, où le commun des hommes n’apperçoit que des troupeaux.

1099. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 18, qu’il faut attribuer la difference qui est entre l’air de differens païs, à la nature des émanations de la terre qui sont differentes en diverses regions » pp. 295-304

La premiere enveloppe de la terre est composée de terres communes, de pierres, de cailloux et de sables.

1100. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Elle gagnera ainsi en dignité et en autorité ce qu’elle perdra peut-être en popularité, Car tant qu’elle reste mêlée aux luttes des partis, tant qu’elle se contente d’élaborer, avec plus de logique que le vulgaire, les idées communes et que, par suite, elle ne suppose aucune compétence spéciale, elle n’est pas en droit de parler assez haut pour faire taire les passions et les préjugés.

1101. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Ces dix mille Adams se donnèrent, spontanément, bien entendu, un rendez-vous commun, on ne sait quand (la date est restée supra-historique et métaphysique, comme il convient à une bonne philosophie de l’histoire), on ne sait comment (car alors il n’y avait ni courriers ni télégraphie : on a mis quatre mille ans, dit Jean-Jeannot Fourier, l’aîné des fils de Jean-Jacques, pour inventer l’étrier), on ne sait où (le point est resté vague sur la mappe monde, et si ce fut partout, ce fut difficile à trouver), et enfin pourquoi ?

1102. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

Il le hait au nom des campagnes, ce Paris dont on voudrait faire la France tout entière, ou du moins la grande Commune de France !

1103. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Elles sont des façons de réagir qui sont communes à tous les êtres plongés dans le même milieu.‌

1104. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Nous avons vu jusqu’à présent, que dès qu’un homme en place, roi ou prince, cardinal ou évêque, général d’armée ou ministre, enfin quiconque, ou avait fait ou avait dû faire de grandes choses, était mort, tout aussitôt un orateur sacré, nommé par la famille, s’emparait de ce grand homme, et après avoir choisi un texte, fait un exorde ou trivial ou touchant, sur la vanité des grandeurs de ce monde, divisé le mérite du mort en deux ou trois points, et chacun des trois points en quatre ; après avoir parlé longuement de la généalogie, en disant qu’il n’en parlerait pas, faisait ensuite le détail des grandes qualités que le mort avait eues ou qu’il devait avoir, mêlait à ces qualités des réflexions ou fines ou profondes, ou élevées ou communes, sur les vertus, sur les vices, sur la cour, sur la guerre, et finissait enfin par assurer que celui qu’on louait, avait été un très grand homme dans ce monde, et serait probablement un très grand saint dans l’autre.

1105. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

La richesse amusante de la rime est un de leurs éléments communs. […] La science aussi est bonne, et aussi l’action, qui nous apporte le même oubli que le rêve et a, de plus, cet avantage d’améliorer d’une façon durable, si peu que ce soit, la destinée commune. […] Mais avoir eu le cœur assez haut situé pour l’entreprendre — et cela dix fois de suite — ce n’est déjà pas si commun. […] Jésus se détourne de la nature et de sa mère avec dédain. « Qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ?  […] Brunetière n’aime pas, et justement parce qu’il ne trouve pas chez eux ces indispensables qualités communes qu’exigeait M. 

1106. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

L’union entre les symbolistes, outre un indéniable amour de l’art, et une tendresse commune pour les méconnus de l’heure précédente, était surtout faite par un ensemble de négations des habitudes antérieures. […] Verlaine, d’abord, rompit les chiens, biaisa, me parla de Mallarmé dont il me savait le fidèle, me récita des vers de Mallarmé avec de curieuses intonations grandiloquentes, et nous esthétisâmes pour le plaisir d’esthétiser, et de se trouver des points communs. […] Elle le pousse à l’aveu, parce que l’aveu soulage puis à chercher toute l’expiation ; elle le suivra, le consolera et l’aimera ; tous deux pouvant renaître heureux de leur commune chute par la connaissance vraie qu’ils auront d’eux-mêmes, et le mutuel pardon qu’ils auront obtenu et de leur conscience et de la société. […] La Flandre est restée nationalisée, ses communes ont résisté à la poussée d’un gouvernement central, mais la machine et l’industrie l’ont profondément modifiée. […] Un trait commun relie encore ces artistes, que Verlaine groupait dans son livre des Poètes maudits : ils ont tous des parties de génie, tous sont contrecarrés dans le développement de ce génie par quelque côté de leur esprit.

1107. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

La plus commune et la plus drôle plaisanterie de toutes consiste à prétendre que le Réalisme n’est que saletés, obscénités, fumier. […] La nature, qui seule est bonne, est toute familière et commune. […] Je voudrais les nommer basses, communes, familières ; ces noms-là leur conviendraient mieux ; je hais ces mots d’enflure. […] Retournez aux origines communes pour préparer une renaissance. […] Ceux-là seront toujours chers aux esprits du monde qui sont un peu élevés au-dessus du niveau commun de la tribu, et qui joignent à beaucoup de finesse des subtilités pour justifier leur convention.

1108. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Je pense enfin que, dans leurs régions élevées, les connaissances humaines forment une atmosphère commune à toutes les intelligences cultivées, dans laquelle l’homme du monde, l’artiste et le savant doivent nécessairement se rencontrer et se comprendre. […] Les phénomènes physiologiques, si compliqués chez les animaux élevés, sont constitués par une série de phénomènes plus simples qui s’engendrent les uns les autres en s’associant ou se continuant vers un but final commun. […] Dans son développement anatomique, le cerveau suit la loi commune, c’est-à-dire qu’il devient plus volumineux quand les fonctions auxquelles il préside augmentent de puissance. […] En résumé, le cerveau est soumis à la loi commune qui régit la circulation du sang dans tous les organes. […] Dans les actes vitaux, il rejette toutes les explications qui leur seraient communes avec les phénomènes mécaniques, physiques et chimiques de la matière brute.

1109. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Cela a été le sort commun de toutes les espèces races ou variétés qui ont précédé l’homme blanc sur la terre. […] Ces tissus rappellent beaucoup nos étoffes communes. […] L’onomatopée n’y joua peut-être pas un grand rôle, malgré l’opinion commune ; cela, c’est un jeu de raffiné, d’oisif. […] C’est une attitude assez commune dans la vie. […] Il rendra des services même aux transports en commun, des services très limités, mais réels.

1110. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Cet isolé n’eut presque rien de commun avec son siècle. […] » Je veux parler de ce sophisme si commun qui consiste à donner comme type de toute une classe une abstraction faite de tous les défauts d’un groupe de cette classe. […] L’auteur, personnage notable, membre de la Chambre des communes, bon pied, bon œil, bonne fourchette, se déclarait parfaitement heureux. […] Elle est commune, paraît-il, à presque toutes les races du Nord. […] Un ami commun livra Jules à Jack.

1111. (1876) Romanciers contemporains

C’est là le résultat à la fois d’une faculté de concentration et d’une force de pénétration peu communes. […] En lisant son histoire, on assiste à tous les déchirements auxquels se condamnent ceux qui se placent hors de la loi commune. […] Si la passion ignore tout frein, elle est un instinct, une maladie, un cas scientifique qui ne saurait rien avoir de commun avec le beau. […] Ces trois femmes distinguées ont deux traits communs qui les rapprochent et les recommandent à tous les gens de goût. […] Découvrir et indiquer entre ces innombrables récits un lien commun, nous ne saurions, car il n’y en a pas.

1112. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Tony Révillon rassis, le citoyen Quentin a pris la parole, et a démontré, avec des mots pathétiques, que tous nos malheurs, depuis Sedan, ne seraient pas arrivés, si l’on avait nommé une Commune, et la providentialité d’une Commune bien prouvée et bien établie, tout le monde est sorti signer dans l’antichambre, au contrôle des contredanses, une pétition pour la nomination immédiate d’une Commune. […] Là, c’est un encombrement, une mêlée, une confusion de gens de toutes sortes, que trouent, à tout moment, des gardes nationaux, la crosse en l’air, et criant : « Vive la Commune !  […] À ce qu’il paraît, ainsi que me l’indiquaient les jambes sortant par les fenêtres de l’Hôtel de Ville, le gouvernement est renversé, la Commune établie, et la liste du monsieur de la place va être confirmée par le suffrage universel. […] On peut écrire à cette date : Finis Franciæ … Les cris : « Vive la Commune !  […] Il circule le bruit que le général Tamisier est prisonnier de la Commune.

1113. (1940) Quatre études pp. -154

La parenté véritable aurait exigé une même disposition des âmes, et puis un commun départ vers l’inconnu. […] Dans cet amour général, dans cette inspiration commune, n’y a-t-il pas des nuances diverses ? […] Il y avait un arc-en-ciel que nous vénérions autrefois au firmament : nous connaissons sa trame, sa contexture ; elle est donnée platement dans le catalogue des choses communes. […] Quel mal, pour faire adopter des formes non usitées, des sentiments non communs, pour obliger tout un peuple à passer du connu, qui lui plaît, à l’inconnu, dont il a peur ! […] Au contraire, il entend jouir du voyage, d’abord, dans une allégresse commune à sa chair et à son esprit.

1114. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Mais enfin, à leur tour, fatalement ils ont subi la loi commune, et je les crois bien finis aujourd’hui. […] Les symboles vêtent des entités, des pensées-centre ; quelle est la pensée centrale commune à ces messieurs ? […] Vous avez bien vu qu’ils ne marchent pas derrière un drapeau, derrière une idée commune. […] Il n’y a plus d’esthétique commune comme aux belles époques de l’histoire littéraire, au dix-septième siècle ! […] C’est comme cela, d’ailleurs, que nous nous sommes tous liés, par des haines communes et des amours pareilles.

1115. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

En outre, ils ont senti reparaître, sous les divergences de leurs idées, je ne sais quel fonds commun de civilisation intellectuelle, qui est le caractère des hommes qui ont puisé le sentiment de la dignité humaine, et le mépris de ce qui est purement matériel, dans la culture des choses de l’esprit. […] Jamais fortune de journal ne fut plus grande ; mais jamais aussi circonstances plus favorables ne se présentèrent et ne furent mieux mises à profit, par un concours d’écrivains aussi heureusement associés à une œuvre commune. […] Cependant il fut membre de la commune de Paris depuis le 14 juillet 1789 jusqu’au 10 août 1793, et ne se retira que devant le triomphe de la violence à l’hôtel de ville, c’est-à-dire peu d’heures avant le renversement de l’autorité légale de la royauté. […] Entre ces deux résidences, peu éloignées l’une de l’autre, s’élevait un immense plateau qui dominait les lieux d’alentour ; ce point intermédiaire était le rendez-vous commun des deux amis qui, les yeux attachés sur le beau paysage qui se déroulait à leurs pieds en racontant les bontés du Créateur, venaient échanger leurs réflexions sur les grandes et redoutables leçons qu’il donnait en ce moment au monde. […] D’abord la restauration apporte la paix, la paix générale, après la guerre universelle, qui a été, pendant tant d’années, la grande occupation du monde ; les nations, si longtemps divisées par des querelles d’ambition ou d’intérêt, se rencontrent dans une aspiration commune et invincible vers un repos nécessaire.

1116. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Sa tête était couverte d’un chapeau noir, et de ses épaules descendait jusqu’aux genoux une espèce de pelisse fourrée dont l’usage n’était pas commun alors. […] Le repas se faisait en commun sur le poêle, l’une placée d’un côté, l’autre de l’autre, et tous deux debout. […] Malgré une persévérance peu commune et, il faut le dire, une trempe d’esprit très forte, cet homme, remarquable par son caractère, ne put jamais donner à ses idées une forme assez attrayante ni assez claire pour les faire adopter aux autres. […] Il est vrai que, lorsque Couthon lui parla de l’envoi de son discours aux communes, je dis qu’il pourrait semer le trouble dans toute la république. […] Les défauts, qui lui ont nui dans l’exercice de son art, venaient de la nature de son imagination, très-ardente, et cependant peu fertile, disposition fort commune en France.

1117. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Rien n’avilit plus un corps que de l’étendre & d’en faciliter l’entrée à des personnes du commun. […] Salviati fit promptement écrire, par un ami commun, à Pellegrini, pour l’engager à renoncer à la dispute : mais il n’étoit plus temps. […] Cet ecclésiastique, d’un mérite commun, mais d’une confiance singulière en lui-même, réfuta le père Mabillon. […] Exil de Venise, adhésion à tous les décrets de Rome, haine contre les hérétiques & les novateurs, combat, périls, succès, tout entr’eux avoit été en commun. […] On ne les juge pas dignes d’avoir quelque chose de commun avec les nobles dans les plus simples exercices de la religion, ni même dans la vie civile.

1118. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Mais, avant de le suivre à la cour de François Ier , ce prince que la triple passion de la guerre, des arts et de l’amour égalait à Henri IV, à Louis XIV et aux Valois, racontons par sa bouche une anecdote qui semble donner la clef de quelques-uns de ses goûts secrets, très communs en ce temps-là dans cette corruption de la Grèce et de l’Italie. […] Arrivés à Isdevedra, nous fîmes une bourse commune pour la dépense du voyage, dont je fus chargé. Après dîner, je donnai quelque argent de cette bourse au guide qui avait sauvé les papiers du notaire ; mais celui-ci me dit que j’avais promis de donner du mien, et que celui de la bourse commune ne m’appartenait pas ; ce qui me mit si en colère que je lui dis les sottises qu’il méritait. […] Il voulut en même temps que je lui composasse un modèle de salière qui n’eût rien de commun avec la mode d’alors.

1119. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

je voudrais en avoir fini de ces trois derniers livres… Après l’Argent, oui, viendra la Guerre, mais ce ne sera pas un roman, ce sera la promenade d’un monsieur à travers le Siège et la Commune… Au fond le livre qui me parle, qui a un charme pour moi, c’est le dernier, où je mettrai en scène un savant… Ce savant, je serais assez tenté de le faire d’après Claude Bernard, avec la communication de ses papiers, de ses lettres… Ce sera amusant… je ferai un savant marié avec une femme rétrograde, bigote, qui détruira ses travaux, à mesure qu’il travaille. […] Il nous entretient de Royer-Collard, l’ex-secrétaire de la Commune, de ses relations avec Danton, de la phrase de ce dernier : « Tu sais, tu es hors la loi, mais il y a une maison, où je t’offre l’hospitalité, et où tu seras en sûreté : c’est le Ministère de la Justice !  […] Pendant la Commune, il prend un fiacre, et va faire une visite à un ami, aux environs de Paris. […] Voici le petit morceau de prose qu’il a dû mettre en dialogue, sans y changer, sans y ajouter rien : — Vous avez lu l’interview de La France à propos de votre Journal sur le siège de Paris et la Commune ?

1120. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

que je n’entendrai plus dans mon escalier) ; des bas gris ou bleus de filosèle, souvent mouchetés d’une tache entre le soulier et le pantalon ; le pantalon relevé pour le préserver de la boue ou de la poussière de la rue ; un gilet d’indienne propre, mais commune, un peu débraillé sur sa large poitrine, et laissant voir un linge blanc, mais grossier, tel que les ménagères de campagne en filent avec leur propre chanvre pour le tisserand de la maison ; une redingote de drap grisâtre, dont le tissu râpé montrait le fil sur les coudes, et dont les basques inégalement pendantes battaient très bas ses jambes à chaque pas sur le pavé. […] Je hais comme vous la contre-révolution, les Bourbons surtout ; cette haine commune sera le seul pacte entre nous. […] Enfin il y fut initié par les mœurs communes à la langue triviale du peuple dont il goûtait les larmes au fond du verre. […] Rien n’est plus près d’aimer qu’un malheureux : les larmes communes sont la soudure des cœurs.

1121. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Je ne parle point du faux éclat qu’ils ont prêté à des pensées communes, je parle des vices que la Poésie a embellis & des crimes qu’elle a canonisés. […] Cette uniformité si contraire à l’enthousiasme, rend fatigante la lecture d’un long ouvrage, qui n’a d’autre variété que celle des sujets liés ensemble par des transitions froides & communes. […] Quoique le langage de ses bergers ait pour objet ou des amours champêtres ou des choses communes & rustiques, ce langage est toujours élégant, figuré & poétique. […] Les autres chefs-d’œuvre de l’antiquité, peu lus par le commun des lecteurs, se sentent un peu du chagrin qu’on a eu en les apprenant par cœur.

1122. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Henri Beyle est, comme Paul-Louis Courier, du très petit nombre de ceux qui, au sortir de l’Empire en 1814, et dès le premier jour, se trouvèrent prêts pour le régime nouveau qui s’essayait, et il a eu cela de plus que Courier et d’autres encore, qu’il n’était pas un mécontent ni un boudeur : il servait l’Empire avec zèle ; il était un fonctionnaire et commençait à être un administrateur lorsqu’il tomba de la chute commune ; et il se retrouva à l’instant un homme d’esprit, plein d’idées et d’aperçus sur les arts, sur les lettres, sur le théâtre, et empressé de les inoculer aux autres. […] Tous les deux, ils ont cela de commun de dire aux Parisiens bien des duretés, ou même des impertinences, et de songer beaucoup à l’opinion de Paris.

1123. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Il est en définitive contre la France, il combat contre la patrie, il conspire contre sa grandeur et fait cause commune avec l’étranger. […] Elle s’y adonna avec un dévouement à la cause commune qui ne saurait se contester : ni le maréchal de Bouillon qui finissait et qui dès longtemps n’était plus qu’un politique consultant, ni le vieux Lesdiguières qui pensait à se convertir et à se retourner contre ses anciens frères, ni les La Trémouille, ni les La Force, ni les Châtillon, dont les résolutions n’étaient pas de longue haleine, aucun n’essaya, dans ces nouvelles levées de boucliers, de le disputer aux Rohan.

1124. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

La pomme qui tombe paraît chose toute simple au commun des hommes, elle ne le semble pas à Newton. « La première réflexion, a dit quelque part Maine de Biran, est, en tout, le pas le plus difficile : il n’appartient qu’au génie de le franchir. […] Mais ce sont des éclairs qui ne laissent aucune trace dans la vie commune, ou dans l’exercice des facultés qui s’y rapportent ; je retombe après m’être élevé.

1125. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il existait, en effet, sous cet Ancien Régime réformé de main de maître, une organisation moderne déjà bien forte, remontant directement au roi, au Conseil du roi, en recevant les ordres et l’impulsion, et déployant son ressort, étendant son réseau dans tout le royaume par les intendants ; mais, ce qu’il faut aussitôt ajouter, c’est qu’avec et malgré cette organisation une et vigoureuse, qui fonctionnait régulièrement depuis Louis XIV, il y avait, à tout moment, des points d’arrêt et d’empêchement, des prétentions qui venaient à la traverse, des exemptions et des privilèges, — privilèges nobiliaires, ecclésiastiques, parlementaires, municipaux, de toutes sortes ; autant d’enclaves et d’îlots réservés soustraits au niveau commun, débris de pouvoirs et d’institutions appartenant la plupart au régime féodal antérieur, lequel, amoindri et réduit de plus en plus, n’avait jamais été formellement aboli. C’est précisément tout ce que la France de la Révolution, la France de 89 avait à abattre, en dégageant et achevant les parties nettes et vives de l’Ancien Régime, et en y versant l’esprit d’égalité, l’esprit de bon sens et de droit commun opposé au principe monarchique du droit divin : et c’est ce qu’elle a fait à l’Assemblée constituante avec grandeur et quelque inexpérience, ce qu’avertie et mûrie elle a refait ensuite sous le Consulat avec précision et perfection, sous l’œil d’un génie, mais à l’aide des hommes modernes issus de l’ancien régime.

1126. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

On y vient, on y revient avec plaisir ; on y cause de tout, on y cause en commun de certains sujets qui intéressent tout le monde, et on le fait avec de légères discordances et dissonances dans lesquelles une maîtresse habile de maison, comme un chef d’orchestre sans archet et sans geste, maintient ou rétablit vite l’harmonie. […] Vous me manquez, comme si nous avions passé beaucoup de temps ensemble, comme si nous avions beaucoup de souvenirs communs ; comment s’appauvrit-on à ce point de ce qu’on ne possédait pas hier ?

1127. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Il y a des jours où le maître du château et le maire de la commune (car il est l’un et l’autre) ne craint pas, à l’exemple de ses administrés, d’endosser la blouse. […] Or, il n’y avait que deux solutions tout à fait vraies à la situation de Dominique et de Madeleine : ou bien la chute de Madeleine, résultat de leur commune imprudence ; ou bien le départ, en effet, de Dominique, trop timide, et qui a usé le plus fort de sa passion, déjà ancienne, dans des luttes stériles ; mais alors la vérité qu’il faudrait dire, c’est que Madeleine chez qui, au contraire, la passion est dans son plein et à son comble, doit lui en vouloir et le mépriser un peu de l’avoir amenée là pour reculer ensuite.

1128. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que je m’entendrai bien avec elle comme je m’entends avec Provence. » La Dauphine essaye donc de se faire une petite société gaie et jeune dans ce vaste ennui de Versailles ; elle se montre presque bourgeoise, ou du moins très naturelle dans les premières combinaisons qu’elle met en œuvre : « J’ai imaginé avec les femmes de mes deux beaux-frères de faire table commune, quand nous ne mangeons pas en public ; j’en ai fait la proposition à M. le Dauphin qui a trouvé la chose à son gré, et ainsi nous sommes toujours six à table au dîner et au souper. […] On va bientôt plus loin que les repas en commun ; on imagine, on complote de jouer la comédie entre soi.

1129. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Et lui-même il proposait à l’avance au ministre ces cahiers tels qu’il les entendait et tels qu’il était à peu près sûr de les obtenir, en faisant aux communes la plus large part possible, mais en limitant, en taillant, pour ainsi dire, à l’avance les sujets futurs proposés à la discussion. […] Malouet fit observer qu’en Angleterre, à la Chambre des communes, le plus grand ordre régnait, et que cela était dû à la souveraine autorité dont était investi le speaker qui avait pouvoir, si un membre causait du désordre, de lui imposer silence, par manière de punition pour deux mois ou pour tout autre laps de temps déterminé.

/ 2355