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452. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

Mais il faut que l’artiste porte envie à l’artiste, & le poëte au poëte.

453. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

Les choses qu’il devrait le plus avoir en horreur, les choses les plus répugnantes à un grand artiste, les misérables vulgarités du Siècle, par exemple, il les inonde d’un flot de couleur qui les transfigure, comme la lumière d’or de Murillo ruisselant sur la teigne de son Pouilleux. […] Cet homme, je ne dirai pas si naturel, mais si nature, cet artiste d’une forme si sincère et si brave, qui dit tout et n’a peur de rien, qui ne recule devant aucun détail, a — est-ce incroyable ?

454. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Plus artiste que Mme de Staël, Chateaubriand mit le premier en œuvre les nouveaux principes qu’elle avait proclamés. […] Ils voulurent être les metteurs en scène, les artistes, les poètes du Romantisme. […] Aujourd’hui nous nous bornerons à examiner leurs théories, car tout poètes et artistes qu’ils étaient, ils voulurent se donner un code. […] Ces deux savants artistes semblent avoir été placés exprès à la porte du Romantisme pour en préparer l’entrée aux grands poètes qui allaient suivre. […] Aussi grand artiste que le poète français, Heine prit place à côté de Goethe et de Uhland, comme Alfred de Musset à côté de Victor Hugo et de Lamartine.

455. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Je ne veux pas revenir ici sur les deux épisodes publiés des Bastions de l’Est, ou, comme tout grand artiste, M.  […] Paul Adam, dans sa charge véhémente, s’en prend, après le moraliste, à l’artiste. […] Elle se rattache surtout à ce qu’on pourrait appeler la critique artiste, la critique telle qu’elle naît, très vivante, très pittoresque, très primesautière, dans des milieux d’artistes. […] J’appellerais l’une la critique parlée et l’autre la critique d’artiste. […] La critique d’artiste porte sur les artistes et les éclaire.

456. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

C’est l’imagination visionnaire qui forge les fantômes du fou et qui crée les personnages de l’artiste, et les classifications qui servent à l’un peuvent servir à l’autre. […] Peut-être dira-t-on qu’il en fait un épouvantail, et qu’un artiste a tort de se transformer en auxiliaire du gendarme et du prédicateur. […] Peut-être ce monde est-il celui des artistes ; il n’est point celui des hommes ordinaires. […] Nous n’admettons pas qu’un homme se réduise à n’être qu’un artiste. […] Il devient philosophe et artiste, et ne se souvient plus qu’il est honnête homme.

457. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Bref, le poète, le peintre, le sculpteur, le musicien obéira aux lois subtiles de l’Équilibre et de l’Harmonie, dont le seul goût de l’artiste peut décider. […] Ceux qui n’auront exprimé que leurs joies ou leurs souffrances personnelles, avec l’unique souci de l’esthétique, vivront pour les artistes, ayant été eux-mêmes les artistes de la poésie ; les autres, ceux qui auront chanté la mystérieuse éclosion sociale des temps futurs, en seront peut-être les poètes. […] Le Comte — fine silhouette tenant du muguet, de l’abbé de cour, du dandy, du lieutenant de hussards et de l’artiste peintre affable, reçoit l’Enquêteur. […] Les termes « condensation et suggestion » analysent le mot symbole ; ils restent la devise de la poésie nouvelle, celle des artistes les plus opposés de M.  […] Il suffit de n’avoir pas l’air de les connaître : — éclairer sa lanterne n’est plus d’un artiste.

458. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

C’est un livre avec lequel tout artiste doit aimer à se mesurer, un livre qui se présente tout naturellement à la pensée comme un thème fécond d’inspirations pittoresques. […] Tout artiste véritable devait pour ainsi dire recommencer l’histoire de l’art dans sa personne et se servir des mêmes éléments dont s’était servi le premier artiste ou le premier poète. […] Dante et Goethe sont à la fois maîtres et rois des deux grands royaumes que se partagent les artistes et les poètes : l’idéal et la réalité. […] Comme on le voit, il regarde le monde plutôt avez des yeux de contemplateur et de curieux qu’avec des yeux d’artiste. […] Pisan, un artiste hors ligne dans ce genre si ingrat et si difficile de la gravure sur bois, et qu’il n’est que juste d’associer au succès du dessinateur.

459. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Les gouvernements étaient doux pour les artistes. […] Huysmans se transporte dans les églises avec son attirail d’expressions « artistes ». […] D’artiste bibelotier, curieux et pervers, il devient soudain catéchumène. […] C’est un artiste fatigué, un dilettante repu, un écrivain soûl de phraséologie. […] Cet artiste délicat et rare fut un des travailleurs les plus souterrains de l’équipe naturaliste.

460. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

À notre entrée le bruit terrestrement céleste d’un orgue-mélodium, dont joue l’artiste, et pendant qu’il vient à notre rencontre, les regards soudainement attirés par un trou illuminé, devant lequel est une aquarelle commencée ; un trou fait dans l’ouverture d’une étoffe jouant la toile levée d’un théâtre d’enfant, et dans lequel se voit figurée par de petites maquettes, une scène de la Passion, éclairée par une lumière semblable aux lueurs rougeoyantes éclairant un Saint-Sépulcre, le soir du Vendredi Saint. […] Défiez-vous de vos yeux, quand ils sont artistes. […] Et l’on faisait la remarque que cette division du travail était peut-être bonne, utile, chez un peuple où l’ouvrier n’est pas artiste, comme en Allemagne, mais que cette division tue l’ouvrage bien fait chez un peuple artiste comme dans notre pays. […] D’abord des recherches dans les autographes et les documents inédits du xviiie  siècle, puis après, et avant tout le monde, le roman naturaliste, — aujourd’hui des travaux sur ces artistes du Japon, ces artistes qui n’ont pas encore, à l’heure présente, de biographies imprimées. […] Messieurs, Après notre grand Balzac, le père et le maître à nous tous, Flaubert a été l’inventeur d’une réalité, peut-être aussi intense que celle de son précurseur, et incontestablement d’une réalité plus artiste, d’une réalité qu’on dirait obtenue comme par un objectif perfectionné, d’une réalité qu’on pourrait définir du d’après nature rigoureux, rendu par la prose d’un poète.

461. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

, mais inférieur et très indigne d’un grand artiste qui se sent. […] L’artiste, doublé nouvellement du chrétien dans Paul Féval, a élevé le tout à un idéal de beauté qui prouve que le talent est déjà chez lui transfiguré par la Foi. […] Mais si la conversion, en foudroyant l’homme, n’a pas tué l’artiste du même coup, l’artiste résistera certainement aux conseils de ceux qui ne se soucient ni du talent ni du génie, parce qu’ils n’ont, eux, ni génie ni talent. […] Inutile et impossible entreprise, du reste, indigne, selon moi, d’un artiste de race, — car les grands artistes, les inspirés, ne reviennent jamais sur leurs œuvres ; c’est un signe de médiocrité : ils brisent la statue ; ils ne la retouchent pas ! — mais entreprise qui montrerait pourtant que l’artiste, en Paul Féval, même converti, se sent encore, qu’il tient à la gloire de son passé, et qu’il n’est pas prêt à donner la démission qu’on lui demande de sa fonction de romancier.

462. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Ce n’est pas un écrivain que nous venons voir, c’est un homme, ou plutôt c’est l’objet lui-même ; le véritable artiste est celui qui fait voir son sujet sans laisser voir sa personne. […] Un tact exquis peut seul y conduire ; et c’est là tout l’art de l’artiste. […] Il a aimé le rythme vrai, comme tout à l’heure le style vrai ; il a été artiste jusqu’au fond, dans la versification, comme dans le dictionnaire ; il n’a songé qu’à rendre son idée sensible, et il a eu raison, car c’est la meilleure moitié de l’art. […] On verra dans quelles minuties descend le tact d’un véritable artiste, et quelle est la puissance extraordinaire du chant.

463. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Aujourd’hui nos artistes trouvent les paysans assez intéressants en eux-mêmes. […] Nos artistes ne décrivent plus, comme on l’a fait, la campagne ni le paysan en général, mais des paysans et des pays particuliers, souvent très différents les uns des autres, et avec leur caractère, leur esprit, leurs mœurs, leurs usages. […] Et, par exemple, il y a des livres qui sont d’un artiste incomplet, où il serait facile de signaler des fautes et des lacunes, et qui plaisent néanmoins par la sincérité avec laquelle ils laissent transparaître l’homme qui les a composés, son caractère, son tour d’esprit, ses habitudes, sa condition sociale. […] Par contre, c’est parmi ceux qui ne savent pas lire que l’artiste a le plus de chance de trouver des paysans originaux et de grande allure, et c’est moins dans la Touraine ou l’Ile-de-France que dans les provinces reculées, mieux défendues contre les « bienfaits de la civilisation »  Et pourtant il faut bien qu’une sélection se fasse, que les classes dites supérieures soient entretenues et rajeunies par celles d’en bas.

464. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Il était déjà de cette race de ceux qui, en fait d’agitations et de révolutions, aiment le jeu encore plus que le dénouement, grands artistes en intrigues et en influences et s’y complaisant, tandis que les plus ambitieux plus vrais et plus positifs tendent au but et aspirent au résultat. […] Mais, dans ses Mémoires, Retz, évincé de l’action et de la pratique, n’est de plus en plus qu’un écrivain, un peintre, un grand artiste ; il lui est impossible désormais d’être autre chose, et l’on s’arme aisément contre lui-même, contre ce qu’il aurait pu être et devenir autrefois, de cette qualité dernière qui fait à jamais sa gloire. […] Lorsque Saint-Simon, de son côté, nous peint les délices et le chatouillement qu’il éprouve à pouvoir observer les visages et les physionomies de la Cour dans les grandes circonstances qui mettent les passions et les intentions secrètes à nu, il ne s’exprime pas avec un sentiment plus vif de délectation que Retz nous rendant sa jouissance à l’idée de se saisir du rôle tant souhaité : on en pourrait conclure que l’un était dans son centre comme observateur, et l’autre comme agitateur, artistes tous deux en leur sens, et consolés après tout par leur imagination, quand il leur est donné de raconter leur plaisir passé et de le décrire. […] C’est à ce moment aussi qu’en artiste qu’il est la plume à la main, se considérant comme sorti du préambule et du vestibule de son sujet, il se donne carrière, et, tandis qu’il n’avait dessiné jusque-là les personnages que de profil, il les montre en face et en pied, comme dans une galerie ; il ne fait pas moins de dix-sept portraits de suite, tous admirables de vie, d’éclat, de finesse, de ressemblance, car l’impartialité s’y trouve même quand il peint des ennemis.

465. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Oui, l’humanité dans son fond est abominable et féroce, et la nature n’a jamais connu la justice ; mais c’est bien long, Zola  et c’est bien gros  Des artistes abondants nous décrivent le monde ou les hommes avec un luxe de détails dont nous n’avons que faire ; car, nous aussi, nous savons regarder. […] Mais ces sentiments divers sont tous comprimés et dominés chez lui par un autre sentiment, plus général, ou mieux par une manière d’être qui, jointe, à la qualité particulière de son style ; achève de donner sa marque à ce rare écrivain : car elle nous révèle, après la distinction incomparable de l’artiste, la suprême distinction de l’homme.

466. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

On commence à éprouver une grande fatigue, soit du roman documentaire, soit de l’écriture artiste et névrosée. […] Je ne parle pas de ses jeunes filles si charmantes ; et je ne rappellerai pas qu’elle a fait les analyses les plus fines et les plus fortes du caractère des artistes et des comédiens (Horace, le Beau Laurence, etc.).

467. (1890) L’avenir de la science « XX »

L’artiste correspond à l’amateur, comme le cuisinier au gastronome. […] Une des raisons que l’on faisait valoir tout récemment en faveur du projet pour l’achèvement du Louvre, c’est que ce serait un moyen d’occuper les artistes.

468. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Nous voyons un Paganini obtenir sur la corde unique d’un violon des effets qu’un artiste vulgaire chercherait en vain sur un instrument complet, fût-il l’œuvre du plus habile des luthiers ; nous voyons Duprez sans voix effacer par l’âme tous ses successeurs. […] Il en est ainsi pour l’âme et le cerveau : celui-ci pourra être dans un grand nombre de cas, et à juger les choses très grossièrement, la mesure et l’expression de celle-là ; mais il arrivera aussi que les rapports seront renversés, et, que l’on ne trouvera pas dans l’instrument une mesure exacte pour apprécier la valeur de l’artiste intérieur qui lui est uni.

469. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Il y a là de quoi désespérer tous les grands artistes et leur inspirer le plus parfait mépris pour le jugement du public. […] Tout le monde se croit compétent sur ce point, presque tout le monde se trompe, il ne faut que se promener une fois au sallon, et y écouter les jugemens divers qu’on y porte, pour se convaincre qu’en ce genre comme en littérature, le succès, le grand succès est assuré à la médiocrité, l’heureuse médiocrité qui met le spectateur et l’artiste commun de niveau.

470. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Les dégénérés ne sont pas toujours des criminels, des prostitués, des anarchistes ou des fous déclarés ; ils sont maintes fois des écrivains et des artistes. […] Poètes et artistes se battent incessamment les flancs pour satisfaire cet instinct. […] Ces mutilés forment malheureusement la grande majorité des écrivains et des artistes de profession, et leur grouillante masse parasitaire étouffe trop souvent le talent vrai et spontané. […] Il avait seulement dit que la défectuosité de la forme peut être rachetée par la force et le noble sentiment de l’artiste. Mais, eux, ils établirent directement en principe que l’artiste, pour exprimer un noble sentiment et la ferveur, doit être défectueux dans la forme.

471. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Voilà ce que l’écrivain des Zemganno appelle le Naturalisme et son analyse tout à la fois : le retranchement de la moitié de la création dans l’observation de l’artiste ! […] Pourquoi un grand clown — car, à sa manière, un clown qui est un artiste peut très bien être grand, — ne serait-il pas quelque chose comme un Rivarol ou un Hogarth en action ? […] C’est que Diderot, tout matérialiste qu’il fût, avait, après tout, une sensibilité d’artiste, et le pathétique de cette destinée d’un artiste écrasé dans son art, de cette âme de clown foudroyée qui tombe de son ciel comme Phaéton, l’aurait touché et tenté. […] La question est de savoir si le Talent — cet ogre du cœur qui mange le nôtre dans nos poitrines au point qu’il n’en reste bientôt plus rien — n’est pas plus tyrannique, plus absolu et plus féroce, en ces natures de grandes comédiennes, qu’en quelques artistes que ce soit, et n’exalte pas des vanités que les hommes ne connaissent pas à ce degré de délirante ivresse, et qui l’emporte sur tous les autres enivrements de la vie ? […] Il a découvert une maladie des plus rares, qui se termine par ce qu’il appelle une agonie sardonique, et c’est pendant cette agonie de son amant — lord Annandale — que la Faustin, qui a renoncé à la scène et reprise par la rage de l’art, par l’ogre qui dévore la nature et qui mange toujours la femme au profit de la comédienne, étudie, mime et répète devant une glace, avec la passion de l’artiste qui ne voit plus rien, ce rire affreux de son amant qui meurt, quand, dans un de ces retours de connaissance comme il en revient parfois aux mourants, le lord s’aperçoit du rire de sa maîtresse et la fait jeter à la porte par ses valets.

472. (1881) Le roman expérimental

Claude Bernard donne de l’artiste la définition suivante : « Qu’est-ce qu’un artiste ? […] On pourrait appeler artistes expérimentateurs ceux qui tiendraient compte de l’expérience ; mais on dirait alors qu’ils ne sont plus des artistes, du moment où l’on considère l’art comme la somme d’erreur personnelle que l’artiste met dans son étude de la nature. […] Sa personnalité d’artiste s’affirme ensuite par le style. […] Gustave Flaubert, la formule naturaliste passe aux mains d’un artiste parfait. […] Ajoutez qu’il est artiste, j’entends homme de style et de symétrie latine.

473. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Honneur d’artiste. — 1890. […] On verra, en lisant Honneur d’artiste, que M.  […] La Vie d’un artiste. — 1890. […] Il étudie aussi bien les artistes étrangers que les nôtres, leurs auteurs aussi bien que les auteurs français. […] Eugène Guillaume, de l’Institut, vient de publier chez Perrin un livre que les artistes devront lire et relire.

474. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Et l’on découvre, par l’étude des chefs-d’œuvre de Michel-Ange et de Rubens, deux artistes d’inspiration si différente, que cette altération a pour but de rendre sensible un caractère essentiel. […] Comme contre-épreuve de cette série d’observations, on regarde non plus l’œuvre, mais l’auteur, et l’on voit que chez tous les grands artistes, dans ce qu’on appelle inspiration ou génie, se rencontre toujours une impression originale fournie par un caractère de l’objet, « la vive sensation spontanée qui groupe autour de soi le cortège des idées accessoires, les remanie, les façonne, les métamorphose, et s’en sert pour se manifester ». […] Qui aurait soutenu naguère que les Grecs appliquaient des couleurs vives sur certaines parties de leurs statues et de leurs temples, on eût ri de son absurde croyance : on lui eût répondu qu’évidemment ce badigeonnage était indigne du sentiment esthétique de ce peuple d’artistes, qu’ils ne pouvaient pas gâter ainsi la pure blancheur du marbre, si simplement belle : cela était évident alors, et pourtant c’était faux ; et les faits sont venus depuis témoigner en faveur de la polychromie.

475. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Les formés de la vie, et l’activité de la vie, c’est cela que l’artiste doit s’attacher à rendre : plus ces formes auront de particularité, plus cette activité sera intense, et plus il y aura de beauté dans l’être. […] De même les artistes et les écrivains vivaient à part, chacun de leur côté : Mme Geoffrin avait son dîner des artistes et son dîner des écrivains, qui n’avaient pas beaucoup de convives communs.

476. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Je ne veux ici qu’indiquer les points saillants ou simplement apparents qui saisirent l’attention des littérateurs, des artistes, du public cultivé, et par lesquels, à l’exclusion du reste ou à peu près, s’exerça l’influence du système hors de la philosophie. […] Sous son style de grand artiste, sous ce style nerveux, coloré, intense, Taine ne fait circuler que des abstractions. […] Les deux volumes où il a consigné ses impressions du Sahara et du Sahel contiennent des tableaux étonnants, dont la couleur intense fait pâlir les finesses charmantes de sa peinture : ces descriptions sont en un sens de la critique, la critique des sujets, si je puis dire ; car on y voit la réflexion de l’artiste analyser à l’aide des mots des sensations pittoresques dont sa main ne saurait rendre la puissance.

477. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Et c’est pour cela qu’il n’est pas artiste au sens étroit du mot, mais moraliste et curieux. Un artiste ne jouit que des formes et ne considère les hommes et les choses que sous un angle particulier ; le curieux les saisit tour à tour sous tous leurs aspects. […] Il me paraît que don Juan… (mais oubliez ce que je disais tout à l’heure et croyez que je ne mets rien là de mon propre rêve), il me paraît que don Juan, à le considérer dans Tirso de Molina et dans Molière, sinon dans Byron et dans Mozart, est surtout un grand artiste et un grand orgueilleux.

478. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Il appela ou il accueillit la plus excellente troupe d’artistes comiques que l’Italie possédât alors. […] C’était un artiste universel, au dire du savant comédien Bartoli qui a fait son éloge. […] Le capitaine Spavente, envoyant son valet Trappola à l’ambassadeur du grand-sophi, avait soin de faire les recommandations suivantes : « Tu diras ainsi : Salamalecchi benum sultanum, et lui te répondra : Alecchi mesalem safa ghieldy. » Francesco Andreini, artiste lettré, et écrivain assez distingué, était membre de la société des Spensierati (Sans-soucis) de Florence.

479. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Il est vrai que le gouvernement était représenté par ce que l’on appelait alors un fin lettré, Louis XVIII, et après lui par Charles X, ce gentilhomme de toute bonne volonté pour les artistes. […] Mais, en somme, quelle grande figure et qu’avec tous ses défauts, c’est encore, avec Lamartine incomparablement plus poète, certes, mais infiniment moins artiste, le Maître ! […] Cela suffit pour être ou devenir de parfaits artistes ; d’incontestables poètes, peut-être, non, quelque apparemment dur que puisse être ce doute. […] Un artiste ? […] Un artiste parfait ?

480. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Bientôt j’eus le plaisir d’y recevoir, en qualité de commensal, Henri Mayer, ce digne artiste dont j’avais fait la connaissance à Rome. […] C’est à cette hauteur que l’homme cesse pour ainsi dire d’être homme pour devenir artiste. L’homme souffre encore en lui, mais l’artiste ne souffre plus, semblable au martyr qui jouit dans sa foi pendant qu’il gémit dans son corps. Le grand artiste se dissèque intrépidement lui-même pour peindre, pour sculpter ou chanter les palpitations les plus douloureuses de ses fibres sans les sentir pendant qu’il les dénude à tous les yeux. C’est ce qui constitue précisément le beau dans l’art, c’est ce qui fait que le pathétique le plus tragique ne dégénère jamais en torture ou en grimace dans l’œuvre des véritables artistes souverains.

481. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Quel régal pour les artistes que cette langue au double timbre, et qui mêle souvent les deux notes de Rabelais et de Henri Heine : de l’énormité grasse ou de la tendre mélancolie. […] Et il faut travailler, s’isoler la tête, la faire créer, et trouver des idées et des mots artistes dans la souffrance de l’un compliquée de la souffrance de l’autre, et dans l’agacement infernal, produit par la maison que nous habitons. […] c’est le malheur des œuvres artistes ! […] * * * — L’artiste peut prendre la nature au posé, l’écrivain est obligé de la saisir au vol et comme un voleur. […] * * * — La pure littérature, le livre qu’un artiste fait pour se satisfaire, me semble un genre bien près de mourir.

482. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Ce sont des artistes qui les taillent ; ce sont des poètes qui les montrent. […] Il est artiste. […]Artiste ? […] Mais enfin le sens commun n’est pour un artiste qu’un mérite secondaire, et M. Joséphin Péladan est un artiste.

483. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Poète ou romancier, ce qui fait l’originalité de l’artiste, c’est sa manière impressionniste, subjective, et vraiment personnelle de voir ou de sentir. […] « D’autres artistes, dit M.  […] Paul Ginisty ; plus de Ménages d’artistes, comme M.  […] Eugène Brieux : Ménagez d’artistes, est plus clair. […] Hennique savent-ils, eux, l’impression que le public remporte d’Amour ou de Ménages d’artistes ?

484. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

C’est une verve d’artistes qui les mène. […] Jourdain, et depuis le commencement du siècle nous tenons ce discours aux artistes ; les artistes nous écoutent. […] On a beau décrire cet état intérieur des grands artistes, il reste toujours à décrire. […] Enfin les poëtes et les artistes paraissent et avec eux le sentiment du beau, c’est-à-dire la sensation de l’ensemble. […] Car, outre les objets qu’il peint, l’artiste se peint lui-même.

485. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Voltaire l’a très-bien remarqué : « Un excellent critique serait un artiste qui aurait beaucoup de science et de goût, sans préjugés et sans envie. Cela est difficile à trouver178. » Il ajoute encore : « Les artistes sont les juges compétents de l’art, il est vrai ; mais ces juges compétents sont presque tous corrompus… Il y a environ trois mille ans qu’Hésiode a dit : Le potier porte envie au potier, le forgeron au forgeron, le musicien au musicien. » Sans doute un artiste, sur l’objet qui l’occupe et qu’il possède, aura des vues, perçantes, des remarques précises et décisives, et avec une autorité égale à son talent ; mais cette envie, qui est un bien vilain mot à prononcer, et que chacun à l’instant repousse du geste loin de soi comme le plus bas des vices, il l’évitera difficilement s’il juge ses rivaux ; sa noble jalousie (appelons ainsi la chose) le tiendra éveillé aux moindres défauts, et il sera prompt à voir et à noter ce qu’involontairement il désire ; ou bien, si la générosité du cœur s’en mêle, il ira au-devant du défaut, il passera outre et tombera alors dans des indulgences extrêmes, dans des libéralités qui ne sont plus d’un juge. […] Magnin dégage chez Courier, au travers de l’homme de parti et du champion libéral, l’homme véritable, naturel, l’indépendant épicurien et moqueur, l’artiste amoureux du beau, l’humoriste vraiment attique, au rictus de satyre : « On n’a point la bouche fendue comme il l’avait, d’une oreille à l’autre, sans être prédestiné à être rieur, et rieur du rire inextinguible d’Homère ou de Rabelais. » Ces pages si légères et si bien touchées, à propos du plus docte et du plus lettré de nos pamphlétaires politiques, nous ont rappelé involontairement la différence des temps et le contraste de deux périodes pourtant si rapprochées.

486. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Ce qu’on ne pourra contester, tout d’abord, c’est qu’il y ait en Boileau un artiste. […] Et nul doute que Boileau dans tout cet ouvrage ne se montre meilleur artiste que conteur. […] Comme honnête homme, il est sincère ; comme artiste, sa peinture manque de conviction ; c’est terne, triste et sans accent. […] Soudain le trait devient plus net et plus vigoureux, la couleur plus vive ; on sent je ne sais quelle flamme où se trahit l’allégresse de l’artiste qui sait ce qu’il veut faire et est sûr de le faire.

487. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Depuis longtemps, les acteurs français, du moins les acteurs comiques, s’efforçaient de suivre, sur ce terrain difficile pour eux, les artistes italiens. […] Geoffrin-Jodelet conserva seul les traditions de la farce française : « Il n’y a de Farce qu’au théâtre du Marais, disait Tallemant des Réaux, et c’est à cause de lui qu’il y en a. » Aussi se trouva-t-il capable, avec un artiste formé dans la troupe de Molière, Duparc-Gros-René, de tenir tête aux Italiens sur leur propre terrain. […] Si l’anecdote était authentique, nous craindrions bien que, dans cette circonstance, Molière n’eût encore été qu’imitateur : ces fausses lettres, faisant succéder rapidement les impressions de chagrin et de joie, fournissaient un trop excellent prétexte à la pantomime, pour n’avoir pas été exploitées par les artistes italiens. […] Nous allons maintenant poursuivre l’histoire des artistes étrangers, ses contemporains et ses émules.

488. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Bourget n’ait pas pu s’engager dans le rocailleux domaine philosophique ; mais, en revanche, on n’en restera que plus surpris de son aptitude naturelle à y incursionner ; et l’on sera enfin bien tenté d’attribuer à la nouveauté d’une telle somme de contrastes, le fait que l’on n’ait pas hésité à le proclamer un penseur subtil et profond, un logicien persuasif, un poète émouvant, un artiste, et, par surcroît, un charmeur. […] Peut-être devons-nous voir dans un excès de correction, — c’est-à-dire dans un culte très spécieux de la courtoisie, aux suggestions de laquelle un écrivain élégant croit se devoir à soi-même de se conformer, quand, par hasard, il manque des facultés spéciales qui lui eussent fait voir là plus qu’une convenance, un attrait direct, et, quand il croit se le devoir, en tant qu’observateur d’abord et en tant qu’artiste ensuite, — l’explication psychologique de l’apparent désordre moral qui a marqué l’entrée en carrière de M.  […] Le public superficiel, incapable d’y reconnaître le geste désabusé d’un artiste trop épris de naturel et d’harmonie, a pu y découvrir un signe d’immoralité foncière. […] Et ne serait-ce qu’en artiste épris d’harmonie, il voudrait que l’humanité marchât vers la paix, et son sens de la chose distinguée ne peut renoncer à l’espoir de voir la société s’éprendre d’une moyenne normale de faits moraux.

489. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Hégésippe Moreau n’avait ni l’un ni l’autre ; il avait de l’âme et du talent, mais son caractère était faible, comme c’est trop souvent le cas des organisations d’artiste, et les impressions du dehors prenaient fortement et irrésistiblement sur lui. […] Dès l’abord le poète nous montre le curieux, l’amateur artiste, qui entre à Saint-Étienne regardant et admirant les sculptures et les tableaux : Époussetant de l’œil chaque peinture usée. […] Un sentiment sincère et fondamental respire à travers les combinaisons mêmes et le petit jeu de scène qui sont le fait de chaque artiste. […] Qu’il en use en véritable artiste et en véritable ami de son pays ; car il lui en sera demandé compte.

490. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Voilà l’erreur ; et c’est parce qu’il n’a pas le goût assez sûr pour discerner à l’instant ces nuances, que Marmontel n’est pas un véritable artiste, ni même un critique du premier ordre. […] L’homme qui fait des souliers est sûr de son salaire ; l’homme qui fait un livre ou une tragédie n’est jamais sûr de rien. » Marmontel devint donc, en 1753, secrétaire des Bâtiments sous M. de Marigny, frère de Mme de Pompadour ; dès lors il habita Versailles, et durant cinq années il vécut pêle-mêle et tour à tour avec des artistes, avec des intendants des Menus-Plaisirs, travaillant à sa guise, étudiant à ses heures, et voyant toutes sortes de sociétés qu’il nous peint fidèlement, la société des premiers commis comme celle des philosophes, le financier Bouret comme d’Alembert : Oui, j’en conviens, dit-il, tout m’était bon, le plaisir, l’étude, la table, la philosophie ; j’avais du goût pour la sagesse avec les sages, mais je me livrais volontiers à la folie avec les fous. […] Logé chez Mme Geoffrin, il était de tous les dîners d’artistes, de tous ceux des gens de lettres, et même des petits soupers mystérieux où, assis entre la belle comtesse de Brionne, la belle marquise de Duras et la jolie comtesse d’Egmont, il lisait ses Contes moraux dans leur primeur. […] Son observation comme moraliste et son talent comme artiste pèchent également par cette mollesse et cette rondeur qui n’a jamais pénétré au fond des cœurs ni au fond des choses humaines.

491. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

C’est que former son talent compte aujourd’hui pour peu de chose ; c’est un génie qu’il faut être d’emblée, et le préjugé court qu’un génie est nécessairement un esprit indompté, tumultueux, semblable aux éléments déchaînés, de préférence un peu fou… « Ce que je regrette aujourd’hui, c’est qu’aucune voix ne soit assez forte ou assez autorisée pour rétablir un peu d’ordre dans la confusion générale, remettre la littérature à sa place, et dans la littérature, apprendre, sans pédanterie et avec le ton persuasif d’une belle foi d’artiste, à discerner la beauté propre à chaque genre. » De cette confusion, la responsabilité se répand de Victor Hugo à M.  […] La méthode classique subordonnait les détails à l’ensemble ; les romantiques, les parnassiens, les symbolistes, les naturalistes, — comme tous les artistes, — s’hypnotisèrent dans la contemplation du détail original. « L’harmonie des couleurs est d’un effet plus puissant que leur opposition brusque, mais c’est un effet plus difficile à obtenir. […] Un observateur qui ne sait pas son métier d’écrivain, un écrivain qui n’a ni sensibilité, ni rectitude de vision sont des artistes incomplets. […] Poésie d’aujourd’hui, L’Europe artiste, décembre 1904.

492. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

La Bruyère parle quelque part des grands et sublimes artistes qui sortent de l’art pour l’étendre et l’ennoblir ou le rehausser, qui marchent seuls et sans compagnie, et qui tirent de leur irrégularité même des avantages supérieurs ; et il ajoute : « Les esprits justes, doux, modérés, non seulement ne les atteignent pas, ne les admirent pas, mais ils ne les comprennent point, et voudraient encore moins les imiter. […] Aujourd’hui même le moment ne me semble pas encore venu pour chercher et pour donner la clef de cette organisation d’artiste et de poëte qui est assurément la plus extraordinaire et la plus inattendue qu’ait vue paraître la littérature française .

493. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Il n’y avait plus de poètes, plus d’artistes : ne valait-il pas mieux laisser le vers et les formes d’art, et écrire en bonne, simple et franche prose ? […] Mais l’artiste supérieur en cette bagatelle, c’est Lebrun, le faiseur d’odes, celui qu’on appelait Lebrun Pindare.

494. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Et il y a eu des prostitués qui se sont appelés bouffons, philosophes, prêtres, poètes, artistes et professeurs. […] Il y a, sur le boulevard et dans les salons, des hommes-sandwichs qui travaillent pour eux-mêmes et dont l’écriteau s’enorgueillit de cette inscription : « Artiste à vendre ! 

495. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

Zola, Rodin, Claude Monet, voilà les grands artistes que fréquentent les hommes nouveaux. […] D’ailleurs ces grands artistes ne contentèrent point tout à fait des hommes à qui la compagnie de Napoléon, des héros guerriers, des postes grecs et de Wagner, ont, malgré tout, communiqué un sens plus étendu de la beauté humaine.

496. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Que cet artiste est sans fécondité ; et que toutes les têtes de cette scène sont les mêmes que celles de son tableau des Fiançailles, et celles de ses Fiançailles les mêmes que celles de son Paysan qui fait la lecture à ses enfants… D’accord ; mais si le peintre l’a voulu ainsi ? […] Il serait bien surprenant que cet artiste n’excellât pas.

497. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

L’homme ébauché borne l’artiste. […] Seulement, ce n’est pas tout que d’être sensible, il faut être élevé ; il faut que, chez l’artiste qui sent et qui fait sentir, la pensée ennoblisse l’émotion, et s’il se peut la sublimise.

498. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

A part toute opinion politique, et pour qui ne veut voir que les grands effets et la beauté des choses telle que les artistes et les poètes la comprennent, nulle période dans le monde moderne ne fut poétiquement supérieure à cette période de l’Empire dont nous, prosaïque et pacifique génération, sommes si rapprochés et si séparés en même temps, — car il est des moments dans l’Histoire où la longueur d’une lame d’épée semble quelque chose d’infini. […] Il doit à ce précieux accord, plus rare qu’on ne le croit chez les artistes, si souvent en lutte, comme hommes, avec leur idéal, l’accent quelquefois très profond et toujours passionné de sa poésie, — cet accent qui reste et qui vibre dans l’expression, quand même cette expression n’a pas trouvé, sous la main du poète, toute sa perfection et toute sa rondeur.

499. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Ce recueil de vers, fait par un artiste toujours inspiré, n’a pas cependant partout la même valeur poétique, et, je vous en préviens, ce n’est pas de celui qui joue avec son talent et son style et qui, par exemple, a écrit ces fameux : Sonnets gastronomiques, — lesquels ne sont, par parenthèse, que de brillantes et charmantes difficultés vaincues — ce n’est pas de cet artiste que je veux vous parler.

500. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Je le fais avec grand plaisir, ne me cachant pas cependant la difficulté grande, à bien parler de vos pointes-sèches, à la fois si légères et si colorées, vos pointes-sèches d’une égratignure sur le cuivre, si artiste. […] Et ici, en laissant ma personne de côté, il est bon de constater que jusqu’ici, les hommes du gouvernement ont donné de très haut, la croix aux hommes de lettres et aux artistes, et que c’est la première fois, qu’ils ont l’air de s’honorer de la croix donnée par eux, à l’un de nous. […] Je causais, ce soir, avec une femme qui a une véritable passion du linge, et qui me parlait en artiste de l’oreiller, et de sa garniture à longs plis en festons découpés, qu’elle trouvait l’oreiller de la malade, ayant quelque coquetterie. […] Ces deux femmes m’étonnent par la connaissance qu’elles ont de : Manette Salomon et de : La Maison d’un artiste. La femme de lettres me dit avoir donné : La Maison d’un artiste au petit-fils de Schiller, qui est peintre, et qui, pris de passion pour le livre, s’en est fait le propagateur près de tous les artistes allemands ; la peintresse, elle, me conte qu’à l’arrivée de l’exemplaire, s’étant jetée dessus, sa mère avait retiré d’entre ses mains, le volume ouvert à la première page, en s’écriant : « Non, il ne sera pas lu par toi, toute seule, moi, je veux le lire tout haut ! 

501. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

A peine fait-il une exception pour les artistes et les écrivains, par camaraderie sans doute et solidarité confraternelle. […] Et cela ne cesse pas d’être le réalisme, mais c’est le réalisme interprété par un artiste. […] Il est un artiste, — et très artiste. […] Car nul ne prétendra que l’habileté de main soit le mérite où on reconnaît les grands artistes. […] Très intelligente et s’étant plu de tout temps à s’entourer d’écrivains et d’artistes, elle juge bien des choses de l’esprit.

502. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Rendons aisée la tâche à l’éminent artiste qui, depuis trois années, semble par ses concerts préparer et qui pourrait réaliser dans un théâtre, mieux que tous, ce triomphe de l’Art. […] Si l’artiste qui représente Lohengrin n’est pas entraînant et surtout s’il n’est pas absolument remarquable au troisième acte, si le rôle d’Elsa n’est pas rendu d’une façon intéressante, rien ne peut sauver l’œuvre. […] Mais ces artistes ont apporté dans leur réforme de la musique des principes et des théories que je voudrais exposer brièvement, dans leur comparaison avec les doctrines wagnériennes. […] Chez nous d’ailleurs, à côté de l’école musicale Nationale, il y a quelques artistes plus entièrement wagnériens, et auxquels semble assuré le plus bel avenir musical. […] L’éternel désaccord entre l’idéal et la vie, la recherche toujours inassouvie de visées vaguement pressenties mais jamais reconnues, ont précocement mis un terme à la vie de cet artiste qui par une force irrésistible fut poussé à communiquer son idéal à ses contemporains.

503. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

L’artiste doit être l’holocauste de son œuvre. […] On ne risque d’être artiste que lorsque, obéissant aux parties nobles et originales de soi-même, on s’est délivré des servitudes sociales. […] L’artiste aujourd’hui est maître de son outil ; il a su le rendre docile tout en le gardant farouchement personnel. […] Artiste enfin complet, elle peut non seulement se dire tout entière, mais encore, sans risque de tomber, sortir de son âme, créer par art des êtres qui lui sont étrangers et les agiter en gestes naturels qui lui déplaisent. […] Mais aux premiers pas quelques éclairs illuminent brusques les ombres antérieures, et bien des cris d’espoir ou d’effroi nous avertiront que le point d’arrêt de l’artiste n’est pas à l’homme un but final et que, pour lointain, l’horizon aperçu n’est qu’une limite illusoire.

504. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

entre nous et notre propre conscience, un voile s’interpose, voile épais pour le commun des hommes, voile léger, presque transparent, pour l’artiste et le poète. […] Si ce détachement était complet, si l’âme n’adhérait plus à l’action par aucune de ses perceptions, elle serait l’âme d’un artiste comme le monde n’en a point vu encore. […] Pour ceux mêmes d’entre nous qu’elle a faits artistes, c’est accidentellement, et d’un seul côté, qu’elle a soulevé le voile. […] Et comme chaque direction correspond à ce que nous appelons un sens, c’est par un de ses sens, et par ce sens seulement, que l’artiste est ordinairement voué à l’art. […] Ce que l’artiste a vu, nous ne le reverrons pas, sans doute, du moins pas tout à fait de même ; mais s’il l’a vu pour tout de bon, l’effort qu’il a fait pour écarter le voile s’impose à notre imitation.

505. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

En 1645, il en vint une très nombreuse et très remarquable par le talent des artistes qui la composaient. […] Nous nous bornerons à citer ce que ce dernier, homme d’esprit en même temps qu’artiste, dit à la scène septième de l’acte II de Colombine avocat pour et contre, où il essaye de donner une idée des talents mimiques de Scaramouche : « Après avoir raccommodé (mis en ordre) tout ce qu’il y a dans la chambre, Scaramouche prend une guitare, s’assied sur un fauteuil, et joue en attendant que son maître arrive. […]   Domenico Locatelli (Trivelin) était aussi un artiste très distingué.

506. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Or la palme du poète serait à celui qui le plus juste sait dire les vers, au meilleur chantre ; qui le plus vrai sait traduire sa pensée, au meilleur artiste ; qui le plus droit sait mener son âme, au meilleur homme. […] Pourquoi un artiste de vers serait-il plus tôt maître de son métier qu’un artiste de couleurs ou de sonorités ?

507. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Il s’agit, pour l’artiste, de faire plaisir à la nature humaine, « d’accroître la somme de son bonheur. » Le premier but de l’artiste doit être de satisfaire le goût. […] Le critère de l’artiste est le sentiment, son but un plaisir délicat.

508. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Paul Bourget publier son dernier roman — ces Trois âmes d’artistes annoncées depuis plus de dix ans — sous le nom imprévu de la Duchesse bleue. […] On peut croire, néanmoins, qu’il trouva à cette Duchesse bleue un attrait un peu plus romanesque et par là même de plus d’efficacité sur la foule que la sévère étude psychologique qu’eût annoncée Trois âmes d’artistes. […] Huysmans, bon catholique, mais artiste.

509. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Sterne et La Fontaine ressemblent à ces femmes d’un tel regard et d’un tel geste, que, masquées, le velours noir de leur masque est leur visage encore… Instinctifs comme les grands artistes, ils ne pourraient se déguiser quand même ils le voudraient. […] Seulement, comme les femmes les plus belles, qui font de leur beauté leur première esclave, n’ont pas éternellement à leurs ordres tout leur regard ou toute leur voix pour s’en servir à point nommé, les grands artistes, ces femmes de la Pensée, n’ont pas non plus toujours à commandement l’inspiration qui les fait eux-mêmes… Mais alors, ce ne sont plus eux ! […] Hédouin en a embaumé les larves dans une traduction écrite avec beaucoup de soin, nous ne le nions pas, mais la pureté du cristal qui l’enferme fait mieux voir le triste fœtus qu’on y expose ; et quand on admire un grand artiste, on ne le couronne pas avec ses faiblesses, et on doit avoir la pudeur des avortements de son génie !

510. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Pareillement, dans Lamartine, dans Victor Hugo, dans Vigny, l’ancien étudiant faisait, d’une façon presque involontaire, le départ de l’artiste et de l’homme réel. […] Ce fier artiste avait prétendu cacher sa vie privée. […] D’ailleurs, la technique d’un grand artiste, qu’est-ce autre chose que son esprit en action ? […] La goûter à ce degré, cette beauté, c’est éprouver, pour les artistes capables de la produire, une invincible et secrète reconnaissance. […] La plaque photographique ne regarde pas, et l’artiste littéraire regarde.

511. (1774) Correspondance générale

Un grand artiste comme vous doit s’en rapporter à lui-même plus qu’à personne. […] L’affabilité charmante du prince et le désintéressement singulier de l’artiste ont tout fait. […] Il n’y a qu’une voix sur le choix de votre artiste. […] Surtout que Votre Excellence ne confonde pas mon artiste avec la foule des artistes communs. […] Un artiste distingué ?

512. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

La « Wallonie », dirigée avec un éclectisme très artiste par Albert Mockel et Pierre M.  […] Je ne retrouve plus les noms, excepté, présent en toutes les mémoires, du critique artiste de l’Impressionnisme, Félix Fénéon. […] Ghil parlait un peu en détail du but poétique qu’il vise, mais quel artiste ne succombe pas à la tentation de revenir sans cesse à l’objet de ses travaux ? […] De Schumann, enfin, un des plus grands artistes de ce siècle, « l’éminent critique » a encore écrit ces lignes : « L’instrumentation de M.  […] Dès 1891, en « l’Eclair », Georges Montorgueil, indice d’un premier revirement d’opinion, avait écrit : « Les « Ecrits pour l’Art », revue de haut style, par des artistes de lettres et pour des artistes.

513. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Prises comme enseignement d’art, ces études sont étonnantes par la justesse des indications qu’elles donnent sur les formes que l’univers offre pour matière à l’artiste. […] Le bonhomme a disparu, avec son optimisme, son humanité et sa Providence : il n’y a plus qu’un artiste en face de la nature.

514. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Il retrouve une jeune femme, Laurence, une artiste demi-galante, qui l’a aimé autrefois, quand il était étudiant. […] Ils le voyaient à l’évidence, comme ils voyaient cette mer bleue qui les entourait… » Ainsi le récit patient, d’observation minutieuse, se trouve soulevé, vers la fin, par un souffle de vaillance et d’énergique espoir ; et il nous plaît de retrouver et de reconnaître chez l’artiste raffiné, chez l’auteur de Pierrot assassin de sa femme, un peu de l’âme du soldat excellent dont il est le fils.

515. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

L’auteur n’est pas le grand artiste, indépendant et solitaire, auquel échéait ce poème vrai, qui a les proportions d’une épopée. […] Si l’on en considère les phases et si l’on se place en dehors de la question mère du Moyen Âge qui embrasse tout en Europe, depuis les Mamertines jusqu’à la Renaissance, pour ne voir seulement, comme Labutte, que rétablissement du grand Rollon et de ses fils sur nos rivages, cette histoire, par la nature des choses, relève bien plus de l’artiste que du penseur.

516. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Pierre Dupont, le poète, qu’un artiste, sympathique à son genre de génie, avait représenté dans l’exercice de ses fonctions de chansonnier. […] Voilà comment il a préféré à la cornemuse de Robert Burns, qu’en français nous n’avions jamais entendue, une clarinette de barrière, et que, de poète sous les poutres enfumées de la ferme, à la veillée des filandières, il est devenu un artiste interlope de café chantant !

517. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

René Ghil, poète biométrique et sully-prudhommesque, lance à travers l’Europe pensante et le Nouveau-Monde artiste, la circulaire que voici. […] Si tous les artistes et scientistes sollicités répondent aux cent vingt-huit questions de MM.  […] Il redouta la femme pour ce qu’elle peut apporter avec elle d’entraves à l’indépendance d’un écrivain, aux libres expansions spirituelles d’un artiste. […] Fantin… »… Oui, je crois que j’aurais pu être un grand artiste ! […] Il s’efforce de faire la patrie grande avec ses poètes, ses artistes, ses savants honorés, ses travailleurs, ses ouvriers et ses paysans protégés.

518. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Elle est rare entre artistes qui suivent le même sillon. […] » Mais les artistes n’ont pas besoin de conseils, chacun suivant le penchant de sa nature. […] Paul Verlaine traverse une crise que beaucoup d’artistes ont subie. […] Parmi ces soldats se trouve un jeune artiste, que M.  […] Il sait peindre, il est artiste.

519. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Ohnet aurait vécu et serait mort avec cette conviction qu’il est un artiste. […] Mais c’est égal, une angoisse le tient. « Artiste ! […] … Être artiste ! […] Il n’y a pas de joies comparables à celles de l’artiste dramatique. […] Voyez-vous, les grands artistes ont un instinct.

520. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

N’est-ce pas un signe des temps que les artistes aient pris à leur compte quelques-uns des préjugés qu’ils ridiculisaient chez nos pères ? A une heure où tous les Bourgeois se piquent d’être artistes, il est naturel que les artistes fassent échange de politesse avec eux. […] … Quelle n’est pas sa puissance sur l’artiste, pour qui elle devient le secret, le mystérieux secret de son inspiration ! […] Tout le terrain qu’il a abandonné comme artiste, il va le reprendre au nom d’un intérêt supérieur. […] L’artiste littéraire y apparaît supérieure à l’observatrice.

521. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Mais ma campagne n’en fut pas moins utile, puisqu’elle a mis en valeur une brillante pléiade d’artistes, puisqu’elle a mis en cours un certain nombre d’idées nouvelles. […] La qualité d’un ouvrage n’a aucun rapport avec le sujet traité par l’artiste, et elle ne vaut que par la somme de frissons, de sentiments et de vie que le poète a su y enfermer. […] Bazalgette constate ensuite que l’isolement cérébral, que la continence sexuelle, que l’ascétisme, en un mot, sont un danger pour l’artiste, contrairement à ce qu’affirment les partisans de la morale spiritualiste. […] Nous gardions une attitude déférente pour l’homme, mais pour l’artiste, notre indifférence était presque complète. […] Il appartient plus à la légende qu’à l’histoire, et moins au philosophe qu’à l’artiste.

522. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Tous se sont entourés de poètes et d’artistes : leur cour groupait des hommes exclusivement chargés de les divertir. […] Pieusement, le nouvel artiste s’achemine vera la compréhension des choses. […] Il faut savoir que, là-bas, un artiste trouva la flamme qui devait entraîner un peuple vers la lumière et la vérité. […] Il incarne l’artiste raté devenu critique. […] Celle-ci répond à la volonté d’Arcos de trouver un moyen pour l’artiste de subsister sans aliéner son art.

523. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

C’est ce caractère saillant qu’il met en lumière, non pas avec une curiosité d’artiste, mais avec une haine de moraliste. « Je les flagellerai, ces singes, et je leur étalerai devant leurs beaux yeux un miroir aussi large que le théâtre sur lequel nous voici. […] Sans enfants ni parents, jouant le malade, il fait espérer son héritage à tous ses flatteurs, reçoit leurs dons, « promène la cerise le long de leurs lèvres, la choque contre leur bouche, puis la retire140 », heureux de prendre leur or, mais encore plus de les tromper, artiste en méchanceté comme en avarice, et aussi content de regarder une grimace de souffrance que le scintillement d’un rubis. […] Le critique en lui nuit à l’artiste ; ses calculs littéraires lui ôtent l’invention spontanée ; il est trop écrivain et moraliste ; il n’est pas assez mime et acteur. […] Les dieux grecs et tout l’Olympe antique, les personnages allégoriques que les artistes peignent alors dans leurs tableaux, les héros antiques des légendes populaires, tous les mondes, le réel, l’abstrait, le divin, l’humain, l’ancien, le moderne, sont fouillés par ses mains, amenés sur la scène pour fournir des costumes, des groupes harmonieux, des emblèmes, des chants, tout ce qui peut exciter, enivrer des sens d’artistes. […] Ainsi font les autres artistes de cet âge ; ils ont le même genre d’esprit et la même idée de la vie ; vous ne trouverez dans Shakspeare que les mêmes facultés avec une pousse plus forte, et la même idée avec un relief plus haut.

524. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

» Le rétablissement de l’Opéra est décidé, mais, tous les artistes manquent : il faut les aller chercher, comment ? […] qu’on amène les artistes ! […] Nous ignorons entièrement, la vie de Wagner, et la vie de Tolstoï44 ; Et les deux artistes nous sont trop étrangers, trop lointains. […] Stendhal était demeuré un Artiste. […] Le point commun est à trouver dans le parcours de deux artistes qui, ayant porté leur art au plus haut, l’abandonnent pour prendre une position religieuse et écrivent sur la religion de l’art.

525. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

S’il est beau d’être enfant, il est beau d’être homme, fils, époux, père penché gravement sur les devoirs pénibles de l’existence, artiste sérieux, citoyen utile, philosophe pensif, soldat de la patrie, martyr au besoin d’une raison développée par la réflexion et par le temps. […] Puis enfin ce fut une grande estime pour l’artiste, même parmi les hommes sérieux, quand ils eurent le sang-froid et l’impartialité nécessaires pour reconnaître l’admirable doigté de cet instrumentiste, de ce guitariste si l’on veut, sur les touches neuves et capricieuses de son fragile instrument. XVII Soyons justes dans nos indulgences cependant : il n’est pas exact de dire que tout fut neuf dans l’âme de l’artiste, dans la musique et dans l’instrument. […] C’est Béatrice qui fît Dante, c’est Laure qui fît Pétrarque, c’est Léonore qui fît le Tasse, c’est Vittoria Colonna qui fit Michel-Ange, aussi poète de cœur qu’il fut artiste du ciseau ; dans la Grèce, c’est Sapho qui fît Alcée ; les femmes olympiques de la Grèce ne firent que des Anacréons, les belles Délies de Rome ne firent que des Tibulles, les Éléonores de Paris ne firent que des Parnys. […] Une foule d’imitateurs grimaçant des grâces, naturelles chez ces grands artistes, affectées chez vous !

526. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

L’artiste souffre ; il arrive dès l’abord, sous le poids des siècles qui ont précédé, mais aussi sous leur aiguillon, dans un monde où les premiers rôles de la poésie et de l’art sont pris et, en quelque sorte, usurpés par les ancêtres. […] Le nombre des poëtes, des artistes in petto, malgré la société et à son insu, augmente dans une progression effrayante, en même temps que les larges routes et les issues possibles semblent diminuer. […] M. de Vigny n’a pas été seulement, dans Stello et dans Chatterton, le plus fin, le plus délié, le plus émouvant monographe et peintre de cette incurable maladie de l’artiste aux époques comme la nôtre, il a été et il est poëte. […] Le succès de Chatterton, dans lequel il a été si merveilleusement aidé par une Kitty27 digne du pinceau de Westall, a conféré à M. de Vigny un rôle plus extérieur et plus actif qu’il ne semblait appelé à l’exercer sur la jeunesse poétique, lui, artiste avant tout distingué et superfin, enveloppé de mystère. […] Ce qu’il dit de la responsabilité, de l’abnégation, est d’une belle et sombre profondeur ; il a touché, en sceptique respectueux, en artiste pathétique, à des mystères de morale qui ont par moments troublé sans doute bien des cœurs guerriers.

527. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

« Parmi les habitués du théâtre Feydeau, que charmait sa tenue décente autant que son jeu naturel, ne s’est-il pas trouvé un homme du monde, un lettré, un rimeur versé dans l’art d’Ovide, lequel, frappé et peut-être ému des rares aptitudes poétiques de la jeune artiste, sut tout de suite les apprécier et offrir des conseils accueillis avec une gratitude ingénue ?  […] La mélancolie de Marceline, ses beaux yeux, ses cheveux éplorés, son long visage pâle, expressif et passionné, d’Espagnole des Flandres, émurent vivement le jeune « artiste » ; il connaissait d’ailleurs les vers de Marceline et lui croyait du génie. […] Mais rien n’entame sa foi dans son cher artiste. […] Il abhorre Paris ; rien ne pourra le changer. » Ou bien : « Valmore m’a avoué qu’il préférait toutes les chances désastreuses que nous éprouvons de faillite en faillite et de voyage en voyage, à rentrer jamais à la Comédie française qu’il abhorre. » Ou bien : « Valmore est tout à fait réveillé de ses beaux rêves d’artiste… Il veut nous emmener dans quelque cour étrangère ou essayer une direction théâtrale à Paris… » Ou encore : « Mon mari qui t’aime de toujours incline jusqu’à tes genoux toutes ses fiertés d’homme… » (Cela, c’est tout à fait l’accent « Delobelle », ou, mieux, le style « Delmar » : vous vous rappelez l’étonnant cabot-pontife de l’Éducation sentimentale ?) […] (J’ai reçu d’un « vieux lecteur des Débats » ce renseignement : « L’acteur Valmore a créé le rôle du geôlier dans Marie Tudor en 1832 ou 1833 ; il disait d’une voix pâteuse, exécrable, les quelques lignes de ce rôle ; il était très mauvais artiste. ») Elle perd sa première fille, Junie.

528. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

l’artiste que la néfaste influence pousse hors son naturel chemin !… Quel était votre chemin, délicat artiste, subtil et charmeur, caressant, si moderne en vos sensualités et vos mysticismes attifés ; de vous sont les sensations mièvrement féminines, et très nôtres, très actuelles, très parisiennes : des rêveries, des poèmes d’un songe printannier, une chanson de passant, des poèmes d’amours, une fête napolitaine, un soir d’Alsace que vous avez rêvé en votre esprit d’affiné, des danses de bayadères-pierrettes, des soupirs de Madeleines en satins et soies, une sensation ; et quelque action imaginaire et impossible, que l’on suive, yeux demi clos, dans le confort d’une heure joyeuse ; quelque chimérique action où s’enrouleraient les chœurs et les belles cavatines, les marches, les ballets qui de votre pensée diraient mieux les gentillesses, — un moderne opéra, Papagena ou Manon, — les fines émotions d’une vie légère, légèrement créée, — et jamais Wotan, ni Tristan, ni Kundry. […] Je ne donnerai donc que la légende explicative d’une sorte de préparation anatomique du système musical de la vie dramatique dans cette œuvre si puissamment organisée, laissant au lecteur entreprenant le plaisir de synthétiser l’homme dans son œuvre, l’artiste dans son caractérisme. […] Il accompagne Pogner le bourgeois de Nuremberg, artiste et citoyen, fier de son art et de sa ville ; il s’étend un peu aux maîtres, et en général caractérise la générosité du riche bourgeois qui donnera sa fille à un maître-chanteur. […] » — On comprend la liaison des idées de printemps, de Saint-Jean, de fête et d’exaltation populaire. — Sous la forme 48, par une intention profondément sage de Richard Wagner, ce motif populaire, célébrant les joies de la cité, marque aussi la confiance de l’artiste dans le jugement du peuple, et, chose délicate, dans le bon sens féminin : « Der Frauensinn, dit Pogner, gar umbelehrt dunkt mich dem Sinn des Volks gleich werth !? 

529. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

C’est le petit hôtel, le domestique en cravate blanche, l’appartement au confort anglais, où l’artiste se révèle par quelque japonaiserie d’une fantaisie ou d’une couleur admirablement exotique. […] * * * — Littré disait à un de mes amis : « La terre est une planète inférieure, et l’homme un composé mal assemblé. » Jeudi 19 septembre Dans les petits objets manuels, fabriqués anciennement par les Japonais, on sent qu’ils travaillaient pour des touchers délicats, pour des tacts d’artistes. […] On attache même une certaine importance à la rapidité du faire, et le compagnon du peintre a été regarder l’heure à la pendule, quand l’artiste a commencé ! […] Sauf deux ou trois bâtonnets de couleur de son pays, entre autres une espèce de jaune, couleur de gomme gutte, et du bleu verdâtre, l’artiste se servait de couleurs au miel, de couleurs européennes. […] Et le panneau encore une fois remis au feu et retiré mollet, l’artiste indique un tronc tortueux par un large appuiement, mais interrompu, mais cassé, et pique avec la plus grande attention, dans le vide, dans l’effacement, les petites fleurs rouges d’un cognassier du Japon, ne plaçant qu’au dernier moment la valeur noire de son dessin, la tache intense à l’encre de Chine du tronc de l’arbuste.

530. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

De là vient que les grands musiciens et surtout les grands peintres, enfin tous les artistes distingués sont bien plus sensibles à la poésie, et par conséquent, en sont bien meilleurs juges que les hommes de lettres proprement dits. […] Le caractère, l’éducation, les habitudes des Français n’ont rien d’artiste. […] Nos poètes et nos artistes doivent donc s’attacher uniquement à plaire aux esprits d’élite ; c’est même le plus sûr moyen d’avoir un peu plus tôt ou un peu plus tard le succès populaire : car la pensée de quelques hommes supérieurs finit toujours par diriger la foule. […] Villemain en appliquant son étonnante sagacité à l’étude approfondie du rhythme, de l’harmonie, de la fabrication du vers ou de la strophe, enfin de tout le matériel poétique, se convaincrait et convaincrait facilement ses auditeurs, des immenses progrès que la nouvelle école a faits dans la partie artiste, comme dans la partie intellectuelle et littéraire de la poésie. […] Soit que la nature ne l’ait pas doué de poésie au même degré que ces deux grands hommes, soit que, travaillant pour une époque excessivement spirituelle, mais peu artiste, il ait négligé, à dessein, la forme et la couleur poétiques, qui n’eussent été que médiocrement senties, pour se livrer tout entier aux combinaisons théâtrales et aux déclamations philosophiques qui étaient alors dans le goût du public ; il est certain qu’il a outré encore le défaut de localité et d’individualité qui est le péché originel de notre tragédie.

531. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Taine, qui, après avoir été philosophe, se pose en historien, a été, un jour de sa vie, un artiste. […] Ce jour-là, il fut vraiment un artiste humain et littéraire. S’il était resté dans cette voie, il aurait pu dégager l’artiste du bloc de facultés qui sont en lui et dans lequel il se trouve pris. […] Il est mieux qu’un professeur aux Beaux-Arts ; c’est un artiste. Eh bien, l’artiste, ici, il l’a supprimé !

532. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Edmond de Goncourt et de ses disciples, la subtilité, l’inquiétude, la trépidation et, puisque le mot est à la mode, la « nervosité » de leur « écriture artiste ». […] L’axiome très défendable « que l’art doit rester étranger à la morale » (car c’est assez qu’il cherche le beau), n’est pas tout à fait vrai au théâtre, parce que rien n’est moins artiste qu’une grande foule. […] Quelques-uns des dramaturges de notre temps peuvent être de bons écrivains ; mais nos plus grands artistes, ceux qui nous communiquent la plus forte impression de vérité et de beauté ne sont pas au théâtre. […] Ceux-là sont les artistes.

533. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Ce qui fait, selon moi, la différence entre l’excellent artiste et l’artiste qui manque son coup, est souvent peu de chose au fond, quoique ce soit capital pour le résultat et pour l’effet. […] Ses réflexions sur cette matière technique, et qui lui était tout à fait étrangère avant l’ouvrage actuel, sont pleines de finesse et d’intention d’artiste.

534. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Laissez-moi croire que le bon Flaubert préféra ce mode si simple, mais rare, de guérison, parce qu’il avait horreur de la trachéotomie. »19 Il en coûte donc à l’artiste de sortir brusquement des spectacles expurgés de la rue ou de la maison, pour scruter sans délais des nudités douloureuses, écouter des plaintes voilées, rauques ou lointains, flairer des relents de cadavre, se pénétrer enfin de tout ce cortège lamentable et mesquin de la souffrance vulgaire ; toutes choses auprès desquelles, avons-nous dit, le professionnel ne peut rester indifférent que parce qu’il les regarde mais ne les voit pas 20. […] Et les odeurs mêmes que nous mettons dans l’eau prennent, il nous semble, cette fade et nauséabonde odeur de cérat… Il nous faut nous arracher de l’hôpital et de ce qu’il laisse en vous, par quelque distraction violente. » 23 Cette réaction au contact de la réalité dolente, est surtout l’apanage des sincères, des vibrants, des profonds artistes… « Lorsqu’on est empoigné de cette façon, lorsqu’on sent ce dramatique vous remuer ainsi dans la tête, et les matériaux de votre œuvre vous faire si frissonnant, combien le petit succès du jour vous est inférieur, et comme ce n’est pas à cela que vous visez, mais bien à réaliser ce que vous avez perçu avec l’âme et les yeux. » 24 Ce dernier desideratum n’est plus du tout celui d’Hector Malot dont les procédés de documentation, évidemment du meilleur réalisme, s’accordent le plus joliment du monde avec un très avéré désir de publicité, de succès. […] Si, des écrivains, des artistes proprement dits, nous passons aux professionnels du théâtre, nous accorderons dix-huit mois de service hospitalier à l’un de nos meilleurs « metteurs en scène » actuels, M. 

535. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Balzac : un artiste en phrase française. […] Il a manqué de naturel : c’était inévitable ; mais il en a manqué surtout par scrupule d’artiste, qui ne veut laisser dans son œuvre aucune négligence. […] Seuls les jansénistes trop instruits pour estimer son fond, trop peu artistes pour sentir sa forme — le tenaient en médiocre estime.

536. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Zola, parmi les artistes. — Les positifs : tous les vrais chrétiens et tous les vrais juifs ; « puis les philosophes ou les poètes qui affirment ou chantent l’idéal moral », MM.  […] Il serait curieux de retrouver les positions d’origine des chefs de, ce mouvement vague, falot et si réel : il y a des chrétiens, des catholiques, le parti de Mun ; il y a des philosophes, les néokantiens, les néo-thomistes ; il y a des politiques : les adversaires d’un régime républicain de nuance maçonnique ; il y a des artistes : les successeurs des naturalistes, donc leurs adversaires en esthétique, en morale, en politique, en [sociologie. — Ce pieux mouvement n’est pas sans danger. […] Or, le savant déçu par la science, même poursuivie avec succès, est aussi dramatique personnage que l’artiste heureux dégoûté de son art.

537. (1903) Zola pp. 3-31

Les années d’apprentissage d’Émile Zola sont, non seulement les moins méthodiques, ce qui serait peu grave chez un artiste, mais les plus vides, les plus creuses et les plus nulles de toutes les années d’apprentissage des écrivains connus. […] Il avait dans l’idée de peindre des gens de haute classe, des bourgeois, des ouvriers, des artistes, des paysans, comme tout romancier plus ou moins réaliste, et il trouvait ingénieux et de nature à donner un air scientifique à ses ouvrages, du moins aux yeux des commis-voyageurs, d’établir entre ces différents personnages des liens imaginaires et tout arbitraires de parenté et d’alliances. […] Comme artiste il était fini et unanimement considéré comme tel ; comme bon apôtre, locution dont j’écarte l’ironie, il commençait.

538. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Sans pousser cette sollicitude jusqu’à une sorte de manie, il ne faut jamais oublier, en effet, que le théâtre antique est sculptural, que les personnages y forment des groupes harmonieux faits pour satisfaire les yeux amoureux de la beauté des lignes autant que l’esprit amoureux de la beauté des pensées ; que les Grecs ne cessent jamais d’être artistes et qu’il faut nous faire artistes nous-mêmes pour goûter leur théâtre, sinon autant qu’ils le goûtaient, du moins de la manière, d’une des manières, et importante, dont ils le goûtaient. […] De quelque art, du reste, qu’il s’agisse, le secret du dilettante, c’est d’attraper l’état d’esprit où l’artiste a été lui-même en composant son oeuvre et de savoir plus ou moins pleinement le garder et s’y maintenir. « Je ne trouve pas cette femme si belle, disait un Athénien devant une statue de Phidias. — C’est que tu ne la vois pas avec mes yeux, lui dit un autre. — Es-tu donc l’auteur ?

539. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Je suis une âme simple et sincère ; n’estimant rien que le naturel ; une bergère des Alpes en littérature, un pauvre poëte rêveur, une bonne petite femme artiste, aveugle-née de génie qui n’a jamais su ce qu’elle faisait, quand elle écrivait, et qui n’a jamais visé qu’à être aimable, dût-elle en mourir de chagrin. […] Personne, dans aucun camp d’idées, je l’espère bien, ne croira à la bonne petite femme artiste, qui ne se doute de rien, quand elle inspire la haine du mariage, dans des romans comme Valentine, Indiana et Jacques, et sème l’adultère dans les cœurs ! […] Ce sont aussi les qualités d’un autre écrivain de ce temps, la coqueluche aussi des bourgeois, qui aussi, comme Mme Sand, a ses prétentions d’artiste.

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