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1000. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

j’étais jeune alors, plein de séve et d’ardeur ; J’aimais ce pays neuf, sa pompe et sa splendeur ; J’aimais le bruit des flots, le bruit de la tempête, Et les périls étaient mes plaisirs de poëte. […] Il en est un, celui de George Sand, que nous regrettons de n’avoir pas écrit ; nous nous y mettrons peut-être un jour. — Quant à celui de Mmede Girardin, tout bien considéré, nous ne nous y mettrons jamais ; c’est un plaisir dont il faut nous priver, non point par crainte, mais, nous le disons tout nettement, par bon goût. Le vicomte de Launay a de telles façons délicates d’injurier, qu’on essayerait vainement de les égaler par la louange et qu’on ne peut les rendre à la belle muse qu’en se taisant. — (Je me suis dédit depuis de ce ferme propos, et j’ai parlé de Mme de Girardin dans les Causeries du Lundi avec bien du plaisir.)

1001. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Or, plusieurs théologiens prétendirent que le Père Sirmond s’était fort mépris sur la valeur du manuscrit, et qu’il avait lu au sérieux un pur libelle, forgé, il y avait plus de douze cents ans, par quelque semi-pélagien qui s’était donné à plaisir un adversaire absurde et odieux pour le mieux réfuter, comme il arrive quelquefois173. […] Mes amis ont raison, j’aurais tort, en effet, De me plaindre ; en tous points mon bonheur est parfait : J’ai trente ans, je suis libre, on m’aime assez ; personne Ne me hait ; ma santé, grâce au ciel, est fort bonne ; L’étude, chaque jour, m’offre un plaisir nouveau, Et justement le temps est aujourd’hui très-beau. […] Quand j’étais malheureux, souvent, lassé du monde, Je m’abîmais au sein d’une extase profonde ; Dans un ciel de mon choix mes sens étaient ravis ; Indicibles plaisirs de longs regrets suivis !

1002. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Là, se rendaient les garçons et les filles ; ils couronnaient de fleurs les images des Nymphes, non plus par religion, mais par une sorte d’instinct machinal ; la douce mythologie, inséparable de toutes les impressions du plaisir, était encore le langage de l’amour ; les cœurs demeurèrent longtemps sous la protection de cet enfant jeune et beau, qui a des ailes, et pour cette cause prend plaisir à hauter les beautés ;… qui domine sur les éléments, les étoiles et sur ceux qui sont dieux comme lui. […] Ces restitutions rapides, ces plaisirs de coup d’œil, ces inductions avenantes, font précisément le triomphe et le jeu de la critique littéraire.

1003. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Il voit l’homme assez laid, médiocre, brutal en ses appétits, exigeant en son égoïsme, fort ou rusé selon son tempérament et sa condition, et, par force ou ruse, chassant au plaisir ou au bonheur : les satisfactions physiques et les biens matériels sont les objets presque toujours de cette chasse. […] Son champ d’expériences s’étant agrandi, il a dit, dans Bel Ami, la lutte sans scrupules pour la vie, c’est-à-dire pour l’argent, le pouvoir et le plaisir, dans le monde de la presse et de la politique ; puis il a touché les choses du cœur, dans des milieux plus délicats (Fort comme la mort). […] Avec un mélange original de sympathie et d’ironie, il conte des légendes religieuses, les miracles du mysticisme ou de l’ascétisme ; d’autres fois, il nous promène à travers le monde moderne, prenant plaisir à nous détailler les plus excentriques ou immorales combinaisons de la sensualité et de l’intelligence, du positivisme et de l’esthétisme dans les âmes contemporaines.

1004. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

En outre, ce ne doit pas être un mince plaisir, et c’est tout au moins une raison de vivre, que de savoir que l’on continue une race célèbre, de retrouver son nom mêlé partout à l’histoire, de reconnaître des aïeux dans les conducteurs de peuples et parmi les premiers acteurs qui ont joué publiquement leur rôle sur la scène du monde. […] Vous n’y trouverez ni art ni politesse ; mais vous les lirez avec indulgence, parce qu’ils sont d’un apprenti, et peut-être avec plaisir, parce qu’ils sont de votre fils. ) Voilà qui n’est point mal pour un enfant de onze ans ; mais mon insupportable méfiance me suit partout. […] Pelletier pour empêcher le jeune duc d’aller à un divertissement chez sa mère : M. le duc d’Aumale a le courage d’avouer que « cette conspiration contre d’innocents plaisirs ne fut pas du goût de M. le duc » et que « pendant quelques jours M. de Benjamin n’eut pas à se louer de lui ».

1005. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Bourget pour avoir tendu à dénaturer ainsi le caractère du roman, il serait injuste néanmoins de ne pas lui savoir tenir compte de cette circonstance, qu’il a su faire qu’on en prit son parti, à son égard, non sans plaisir ; sans compter qu’il n’aurait pas trouvé différemment l’occasion de ces formules, dont on doit dire que le nombre est grand, parmi elles, qui pourrait servir à un recueil de pensées détachées d’une saveur unique. […] Adolescent, les plaisirs auxquels, de son propre aveu, il se livra immodérément, dans les dispositions les plus propres à activer l’épanouissement de ses vertus clairvoyantes, n’ont pu marquer qu’une déperdition momentanée de sa force d’extensibilité psychique. Le plaisir a flatté, moins ses sens que sa curiosité froide d’analyste. et d’ailleurs la réflexion qui l’y accompagnait ne l’eût jamais laissé s’y flétrir, si elle devait fatalement le désenchanter.

1006. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

La curiosité, après tout, le plaisir de connaître et d’embrasser en tout sens, l’emportait chez lui sur le jugement même, sur la vivacité de l’impression et la netteté du choix. […] Huet désire quelquefois visiter Paris et Ménage ; quel plaisir alors de chômer la fête avec son ami par quelque petit repas frugal, où l’esprit seul fasse la débauche ! […] Mais l’humanité aime mieux se débarrasser et jeter à l’eau de temps en temps une bonne partie de son bagage ; elle aime mieux oublier, sauf à se donner la peine ou plutôt le plaisir de réinventer, de refaire et de redire, dût-elle redire et refaire moins bien ; mais elle veut, avant tout, avoir à exercer son activité.

1007. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Mme la duchesse du Maine, a dit Fontenelle, voulait que, même dans les plaisirs, il entrât de l’idée, de l’invention, et que la joie eût de l’esprit. […] Ceci interrompit un peu les fêtes de Sceaux, et il y a deux temps, deux époques distinctes dans cette longue vie mythologique de plaisirs, dans ce que j’appelle cette vie entre deux charmilles : la première époque, celle des espérances, de l’ivresse orgueilleuse, et de l’ambition cachée sous les fleurs ; puis la seconde époque, après le but manqué, après le désappointement et le mécompte, si l’on peut employer ces mots ; car, même après une telle chute, après la dégradation du rang et l’outrage, après la conspiration avortée et la prison, cette incorrigible nature, revenue aux lieux accoutumés, retrouva sans trop d’effort le même orgueil, le même enivrement, le même entêtement de soi, la même faculté d’illusion active et bruyante, de même qu’à soixante-dix ans elle se voyait encore jeune et toujours bergère. […] Il semblait que Mme du Maine ne pouvait se passer de cette duchesse, qui était devenue l’intendante de ses plaisirs, le Malezieu des dernières années.

1008. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Mademoiselle, dans des lettres adressées à Mme de Motteville en 1660, lui parle de la conversation comme étant, « à votre goût et au mien, dit-elle, le plus grand plaisir de la vie, et presque le seul à mon gré ». […] La première Fronde, celle de 1648, ne lui fournit pas l’occasion de s’émanciper encore, et son esprit se borna à donner cours à ses préventions qu’elle ne prenait pas la peine de dissimuler : « Comme je n’étais pas fort satisfaite de la reine ni de Monsieur dans ce temps-là, ce m’était un grand plaisir, dit-elle, que de les voir embarrassés. » Lorsque la reine et la Cour, sur le conseil du cardinal, quittèrent Paris pour Saint-Germain dans la nuit du 6 janvier 1649, elle se fit un devoir de les accompagner, bien qu’elle fût loin de partager leurs pensées et leurs vues : « J’étais toute troublée de joie de voir qu’ils allaient faire une faute, et d’être spectatrice des misères qu’elle leur causerait : cela me vengeait un peu des persécutions que j’avais souffertes. » La légèreté, le désordre et la cohue de cette cour de Saint-Germain sont peints à ravir par une personne aussi légère et frivole que pas une, mais qui est véridique et qui dit tout. […] Mademoiselle imagine donc, en une prairie, près d’une forêt, en vue de la mer, une société des deux sexes, toute composée de gens aimables et parfaits, délicats et simples, qui gardent les moutons les jours de soleil et pour leur plaisir, qui se visitent le reste du temps d’un ermitage à l’autre, en chaise, en calèche, en carrosse ; qui jouent du luth et du clavecin, lisent les vers et les ouvrages nouveaux ; qui unissent les avantages de la vie civilisée et les facilités de la vie champêtre, sans oublier les vertus de la vie chrétienne ; qui, tous célibataires ou veufs, polis sans galanterie ou du moins sans amour, vivent honnêtement entre eux, et n’ont nul besoin de recourir au remède vulgaire du mariage.

1009. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Necker, et qui l’accueillit avec un mélange de cordialité et de malice : Je ne sais, Madame, écrivait Mme Necker à l’une de ses amies de Lausanne (novembre 1765), si je vous ai dit que j’ai vu Gibbon ; j’ai été sensible à ce plaisir au-delà de toute expression ; non qu’il me reste aucun sentiment pour un homme qui, je crois, n’en mérite guère, mais ma vanité féminine n’a jamais eu un triomphe plus complet et plus honnête. […] La sienne est véritable ; elle est puisée aux sources morales les plus pures, et, dès qu’il s’agit d’élévation, nous aurons plaisir et profit à l’entendre. Ne croirait-on pas qu’elle songeait à Mme de Lambert et qu’elle se ressouvenait de l’avoir lue, quand elle a dit : « Heureux qui n’a jamais trouvé de plaisir que dans des mouvements sensibles et raisonnables !

1010. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Je finis malgré moi. » Elle a un beau et doux moment, l’unique, le dernier ; c’est après la victoire de Belgrade, où Bonneval eut si grande part et où la renommée proclame sa vaillance : Quel moment charmant, s’écrie-t-elle (septembre 1717), à ajouter au plaisir de votre bonne santé, le seul qui m’ait occupée jusqu’à cette heure, que celui de la victoire à laquelle tout le monde vous donne la plus grande part ! […] Voltaire, qui, lorsqu’il a raison, l’a avec une gaieté et une grâce qui n’est qu’à lui, a jugé Bonneval à fond, en disant : Tout ce qui m’étonne, c’est qu’ayant été exilé dans l’Asie Mineure, il n’alla pas servir le sophi de Perse, Thamas Kouli Khan ; il aurait pu avoir le plaisir d’aller à la Chine, en se brouillant successivement avec tous les ministres : sa tête me paraît avoir eu plus besoin de cervelle que d’un turban. […] Un de ses plaisirs était, lorsqu’il se trouvait seul, de s’habiller complètement à la française, y compris les souliers et les bas blancs : il n’était Turc de costume qu’en cérémonie.

1011. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Et le caractère de ces jouissances, c’est qu’elles ne s’excluent plus l’une l’autre, à la façon des plaisirs égoïstes, mais sont au contraire en essentielle « solidarité ». […] Précisément en ce que les sensations et sentiments supérieurs auront un caractère à la fois plus intense et plus expansif, par conséquent plus social : — « La solidarité sociale est le principe de l’émotion esthétique la plus haute et la plus complexe. » Les plaisirs qui n’ont rien d’impersonnel n’ont, rien de durable ni de beau : « Le plaisir qui aurait, au contraire, un caractère tout à fait universel, serait étemel ; et étant l’amour, il serait la grâce.

1012. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

La plupart des ouvrages de nos critiques d’aujourd’hui peuvent se relire et se relisent encore avec plaisir. […] Quand donc, l’homme qui pense aura sacrifié les commodités et les plaisirs qu’il pourrait acheter à la passion de l’ordre et de la patrie, non seulement il aura bien mérité de ses dieux, mais il sera honoré devant les autres hommes, il aura relevé son titre et sa condition. […] Ernest-Charles éprouve du plaisir en écrivant de semblables choses et malgré nous, nous en éprouvons à les lire !

1013. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Nisard, de ce faux puritain auquel tout le monde a été trompé et que je vous donne, moi, après l’avoir lu, — et avec quel plaisir !  […] Il ne se fût pas livré au plaisir d’allonger un coup de griffe posthume à une grande mémoire. […] Faites-moi le plaisir d’écouter ce doux et intéressant train de langues : « Mais, mon Dieu !

1014. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Amédée Pommier avec l’âpre plaisir que donne un livre de moralité sévère dans un temps où tout s’est énervé, et nous savons si le matérialisme est le vice du livre et du poète. […] L’ivresse qu’un tel livre cause est dans les sensations qu’il donne et le plaisir qu’il fait. […] VI Après le plaisir qu’elle a eu, la première chose que la Critique ressente en présence du livre de M. 

1015. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Je crois que cet appétit de la solitude mentale et du plaisir jalousement individuel, — ce mode d’embrasser la vie qui consiste à la savourer avec art et toute entière en soi-même, — peut facilement se ramener à une cause unique. […] Tout être vivant qui, plongé dans un milieu d’action et de passion, de haines et de sympathies, de lutte et de liberté, de mille et mille liens entremêlés, d’hommes et de femmes, dans un ensemble de toutes les vies, de toutes les natures, de toutes les jouissances, ne s’élance pas d’un libre instinct dans ce riche univers, pour y satisfaire sa soif infinie du plaisir et lui demander sa part de tout ce qu’il recèle de saveur et de sens, ne sera jamais qu’un rameau desséché sur l’arbre de la grande vie : sans parfum, sans éclat, sans fruit et sans couleur, sans force créatrice. […] Si la vie, en développant ces jeunes êtres atrophiés, ne les détourne pas de l’excitation solitaire de leurs cerveaux, si elle ne parvient pas à submerger leurs délicatesses de mauvais aloi sous un torrent de brutalités, s’ils n’arrivent pas enfin à comprendre que pour créer il faut étreindre, et soulever la matière vivante, vibrer en elle et la faire vibrer en soi, et qu’en cette double action résident la vie et la beauté, s’ils continuent à n’être dans le monde, qui les méprise, que des spécialistes et des vendeurs de pommade, à quel titre pourrions-nous les admettre, si, malgré la plus exquise délicatesse de l’amoureux le plus exquis de lui-même, nous continuons à préférer franchement aux plaisirs solitaires, les joies solidaires ?

1016. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponchon, Raoul (1848-1937) »

Non, sa belle humeur éclate toute en belle humeur, sans plus, et s’il rit ou sourit, c’est virtuellement et bien pour le plaisir.

1017. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 241-244

Moliere ne se seroit pas attendu à se voir remplacer sur notre Théatre par des Successeurs plaintifs, qui viendroient nous faire pleurer où nos aïeux avoient trouvé tant de plaisir à rire.

1018. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 66-69

Parmi tant de vicissitudes & de distractions, il est étonnant qu'il soit sorti de sa plume un si grand nombre de Pieces dignes de rester au Théatre, & revues avec plaisir.

1019. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Amédée Van Loo  » pp. 139-140

En revanche, les deux Familles de satyres me font un vrai plaisir.

1020. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Réponse à une lettre de M. Grimm » pp. 205-206

J’en dis autant du maréchal, du cabaret, de la botte rajustée, ce sont tous morceaux vraiment précieux, l’effet en est si piquant, la couleur si vraie, la touche si vigoureuse, si spirituelle, l’harmonie totale si séduisante, qu’ils peuvent aller de pair avec les Wouwermans, dont on voit avec plaisir que le goût n’est pas perdu.

1021. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Restout le fils » pp. 284-285

Restout le fils les plaisirs d’Anacréon .

1022. (1912) L’art de lire « Chapitre I. Lire lentement »

Seulement cette méthode ôte tout le plaisir de la lecture et y substitue celui de la chasse.

1023. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

C’est un lieu commun théologique, que le problème du mal est en corrélation avec le dogme de la Providence, qui en fournit la solution : J. de Maistre prend un malin plaisir à exagérer atrocement le règne du mal sur la terre. […] Le système électoral, souvent modifié dans ses détails par des lois de circonstance, demeurait en général organisé, de façon qu’il ne laissait arriver à la Chambre que des bourgeois de la classe aisée, gens de belle tenue et d’intelligence cultivée, qui avaient le goût des idées claires et prenaient plaisir à suivre les exercices de la parole : la Chambre des pairs était, par définition même, une sélection des classes supérieures686. […] Il avait l’âme inquiète, profondément personnelle, avide de plaisirs et de sensations, l’imagination ardente et mobile, l’esprit souple, vaste, actif, lucide : joueur incorrigible, amant toujours passionné et prompt à changer, causeur étincelant, homme d’État inconsistant, déroutant l’opinion par de soudaines volte-face. […] Enfin, il est du petit, bien petit nombre des orateurs qui n’ont pas vieilli, et qui se lisent vraiment avec plaisir : cela tient à la belle fermeté de son style, aussi grave et moins triste que celui de Guizot.

1024. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Une mystification si soutenue, qui réclamerait un tel effort, et un effort si disproportionné avec le plaisir ou le profit qu’on en retire, serait, il me semble, au-dessus des forces humaines. […] Mais il ne passe pour tel que parce qu’il est un barbare, un sauvage, un enfant… Seulement cet enfant a une musique dans l’âme, et, à certains jours, il entend des voix que nul avant lui n’avait entendues… IV Les traits que je viens de rassembler par caprice et pour mon plaisir, je ne prétends pas du tout qu’ils s’appliquent à la personne de M.  […] Mais, pour que ce plaisir dure et même pour qu’il soit perceptible, il faut que ces vers boitent toujours de la même façon. […] Laissons-le à ses plaisirs solitaires et allons-nous-en X Non, restons encore un peu ; car, avec tout cela, M. 

1025. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

L’opéra était purement une splendeur ; de belle musique, riche de toutes les richesses instrumentales et vocales, des danses, des cortèges, des décorations gaies à la vue ; assemblement de tous les luxes, l’opéra véritablement était le séjour de plaisir d’où venait l’émotion très commode d’une vie vague et très bonne. […] Je ne donnerai donc que la légende explicative d’une sorte de préparation anatomique du système musical de la vie dramatique dans cette œuvre si puissamment organisée, laissant au lecteur entreprenant le plaisir de synthétiser l’homme dans son œuvre, l’artiste dans son caractérisme. […] Page 158, Sachs, sentant qu’Eva ne sera jamais à lui, ne peut se refuser le malin plaisir de feindre de s’indigner contre la hardiesse poétique de Walther : « Freund ihm noch sein ! […] Giani, le directeur de la Société de Symphonie, bien qu’il fasse de la musique pour son plaisir, doit-il être classé parmi les premiers chefs d’orchestre du pays.

1026. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Les domestiques tristes, ennuyés, compassés, apportent dans leur service un certain dédain des gens qu’ils servent : dédain qui me fait plaisir, comme une manifestation réactionnaire. […] Je regarde, avec plaisir, la jolie petite tête enthousiaste d’un jeune homme, qu’on me dit être Massenet ; je regarde la tête chevaline du vieux Bapst ; je regarde la tête étonnamment simiesque de Girardin, qui broie sa nourriture, avec les mouvements mélancoliques des mandibules de singes, mâchant à vide. […] * * * — Étudiant quelques jeunes ménages bonapartistes, je me prends à douter de la restauration de l’Empire ; je les trouve, ces ménages, trop coureurs de plaisirs, trop jouisseurs, trop portés à la rigolade. […] Et le murmure de la rivière, et les fanfares lointaines des trompes de chasse se rapprochant, et les poursuites aériennes des femmes, passant brusquement de la lumière dans l’ombre, et de l’ombre dans la lumière, donnent à cette partie de plaisir dans la nuit, avec cette musique de ballade, un rien de fantastique.

1027. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Il était né de Champenois, d’une part, et de Poitevins de l’autre, et ceci me fait un plaisir extrême. […] Jamais La Fontaine et Mlle de La Fontaine n’ont été séparés complètement, et ils se sont, presque jusqu’à la fin de La Fontaine, toujours vus de temps à autre ; ils se sont toujours retrouvés, avec plus ou moins de plaisir, je n’en sais rien, mais ils se sont toujours retrouvés, soit à Paris, où il est bien certain que Mlle de La Fontaine a accompagné son mari à l’époque où La Fontaine était le commensal de Fouquet, soit à Château-Thierry, où La Fontaine allait souvent. […] si ce faux éclat n’eût pas fait ses plaisirs, Si le séjour de Vaux eût borné ses désirs, Qu’il pouvait doucement laisser couler son âge ! […] Donc, en 1663, l’amitié est faite, le quatuor est constitué ; il faut même dire le quintette, puisque Chapelle se trouva très souvent dans les parties de plaisir et dans les conversations des quatre amis.

1028. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Selon eux, par nécessité, Sans passion, sans volonté : L’animal se sent agité De mouvements que le vulgaire appelle Tristesse, joie, amour, plaisir, douleur cruelle, Ou quelque autre de ces états. […] Par exemple, ce que je vous ai fait remarquer en souriant : L’animal se sent agité De mouvements que le vulgaire appelle Tristesse, joie, amour, plaisir, douleur cruelle… Voilà, sans encore aborder son plaidoyer, voilà un premier jalon que le poète, j’allais dire que l’avocat, que le poète plante pour fixer les esprits sur cette idée à laquelle il tient. […] Une pourtant de ces dernières Avait laissé passer la moitié d’un printemps Sans goûter le plaisir des amours printanières. […] Mais vous n’êtes pas en état De passer, comme nous, les déserts et les ondes, Ni d’aller chercher d’autres mondes : C’est pourquoi vous n’avez qu’un parti qui soit sûr ; C’est de vous renfermer aux trous de quelque mur… » Voyez-vous les quatre tableaux qui se succèdent et qui s’enchaînent les uns aux autres, les quatre saisons de la vie rustique dans une chènevière, depuis le moment où l’on sème, c’est-à-dire après l’hiver passé, jusqu’à l’autre hiver, jusqu’au moment où la terre n’est plus couverte par es blés et par les chanvres et que les villageois se livrent aux cruels plaisirs que vous savez Voilà tout un récit rustique.

1029. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Rendre à la poésie française de la vérité, du naturel, de la familiarité même, et en même temps lui redonner de la consistance de style et de l’éclat ; lui rapprendre à dire bien des choses qu’elle avait oubliées depuis plus d’un siècle, lui en apprendre d’autres qu’on ne lui avait pas dites encore ; lui faire exprimer les troubles de l’âme et les nuances des moindres pensées ; lui faire réfléchir la nature extérieure non seulement par des couleurs et des images, mais quelquefois par un simple et heureux concours de syllabes ; la montrer, dans les fantaisies légères, découpée à plaisir et revêtue des plus sveltes délicatesses ; lui imprimer, dans les vastes sujets, le mouvement et la marche des groupes et des ensembles, faire voguer des trains et des appareils de strophes comme des flottes, ou les enlever dans l’espace comme si elles avaient des ailes ; faire songer dans une ode, et sans trop de désavantage, à la grande musique contemporaine ou à la gothique architecture, — n’était-ce rien ? […] Théodore de Banville a réuni tous ses précédents recueils (moins un), je me suis dit avec plaisir : Voilà un poète, un des premiers élèves des maîtres, un de ceux qui, venus tard et des derniers par l’âge, ont eu l’enthousiasme des commencements, qui ont gardé le scrupule de la forme, qui savent, pour l’avoir appris à forte école, le métier des vers, qui les font de main d’ouvrier, c’est-à-dire de bonne main, qui y donnent de la trempe, du ressort, qui savent composer, ciseler, peindre.

1030. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Il énonce une chose juste, il propose une réforme utile, vous l’approuvez, il n’est pas content : pour la mieux établir et pour vous convaincre à satiété, il va s’amuser à énumérer les objections les plus futiles, se donnant le plaisir de les réfuter à son aise, une à une, premièrement, secondement…, vingt-huitièmement… Il ne s’arrêtera qu’après nous avoir accablés ; il tient à rester victorieux jusqu’au bout sur le papier, et à dormir sur le champ de bataille : dormir est bien le mot, surtout pour le lecteur. […] Les écoles avancées et progressives sont allées chercher dans ses écrits des pensées à l’appui de leurs espérances ; les économistes ont pris plaisir à y relever les vues utiles et les projets d’améliorations positives.

1031. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Il y aurait plaisir à examiner et à suivre son nouveau système dans les applications ingénieuses qu’a imaginées son talent, à lui demander s’il n’y apporte pas encore un peu trop de construction savante, s’il ne garde pas un peu trop d’art, de son premier art sculptural, s’il donne assez de jeu au molle atque facetum, à cette charmante familiarité de la vie ; il y aurait à introduire des comparaisons avec les poëmes de la vie intime que possèdent nos voisins les Anglais, maîtres en ce genre. […] En traitant cette question d’Art poétique, il y aurait plaisir et profit à mettre en regard le souvenir des histoires en vers, celles de Crabbe, de Wordsworth, de Coleridge : cela éclairerait la discussion, l’égayerait autant qu’il convient, et l’on se trouverait avoir écrit pour les connaisseurs une dissertation, un essai qui tiendrait à la fois d’Hazlitt et d’Addison.

1032. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

On a essayé de nier leur authenticité, comme si de tels récits s’inventaient à plaisir, et comme si une langue aussi exquise et aussi polie se retrouvait ou se fabriquait à volonté après le moment unique où elle a pu naître. […] Au reste, quelque temps après, Rancé pris pour juge reçut la Relation manuscrite de son ami ; il la lut sans dégoût, et il lui en écrivit agréablement et assez au long, non sans y insinuer quelques conseils qui ont probablement été suivis : « J’ai lu avec plaisir, disait-il, les marques de votre estime et de votre amitié ; vous m’y faites, à la vérité, jouer un personnage que je ne mérite point, et on auroit peine à m’y reconnoître.

1033. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Un certain goût, une certaine humeur, enfin une nature d’homme apparaît sans cesse, qui court à son plaisir, suit une curiosité personnelle dans la prise de telle matière, dans ce libre vagabondage à travers tout l’inexploré des sciences historiques et philologiques. […] C’était une forte tentation et un vif plaisir, de poser soi-même et de dessiner le personnage idéal qu’on voulait être dans la postérité.

1034. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Admises à partager le plaisir de la conversation, elles l’étaient par cela même à en disputer l’empire, et elles ne devaient pas rester en arrière de cette vocation ; et l’empire de la convention, qui devait leur en assurer un plus étendu, a contribué à étendre le domaine de la conversation elle-même. […] Il peignit dans une pièce de théâtre et sa passion et l’indifférence de celle qui en était l’objet ; mais il supprima ensuite les deux premiers actes, pour ne pas donner, dit-il, à la marquise le plaisir de voir ses malheureux amours décrits par lui-même.

1035. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Nous lui pardonnons de bon cœur ses calomnies mal-adroites ; mais nous ne lui pardonnons pas de nous avoir frustrés du plaisir de nous en amuser. […] Le seul plaisir qu’elle se soit permis, a été celui qu’on goûte à voir ses Adversaires se décrier eux-mêmes, justifier, par leurs excès, les censures portées contre leurs Ecrits ; & si elle eût aimé à se flatter, elle eût pensé, comme tous les honnêtes gens, que la preuve la plus certaine de la bonté de notre Ouvrage étoit l’acharnement qu’on témoignoit contre lui.

1036. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Mais d’un autre côté ces masques faisoient perdre aux spectateurs le plaisir de voir naître les passions, et de reconnoître leurs differens symptomes sur le visage des acteurs. […] D’ailleurs, comme nous l’avons déja dit, le masque faisoit perdre peu de chose aux spectateurs, dont les trois quarts n’auroient pas été à portée d’appercevoir l’effet des passions sur le visage des comediens, du moins assez distinctement pour les voir avec plaisir.

1037. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

C’est là, en effet, le mérite incontestable et presque rayonnant de ce livre étrange, souvent forcé, qui ne serait rien de plus qu’un livre excentrique et qui en aurait la destinée si le style n’y mettait pas son âme, et, par le plaisir qu’il nous donne, ne le tirait pas du cercle étroit de la pure curiosité littéraire. […] Ils n’eurent pour la poésie qu’un goût passager et de reflet, pour les beaux-arts qu’un goût de vanité, méprisant les idées spéculatives et n’ayant d’estime que pour la guerre, l’histoire, l’éloquence politique, la science du droit et les plaisirs sensuels.

1038. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Malgré les orages de la liberté, les grands intérêts, et le plaisir de gouverner par la parole un peuple libre, il n’y eut pas un orateur qu’on pût citer avant Caton ; lui-même était encore hérissé et barbare. […] Dès les premiers temps, on chantait dans Us repas les éloges des citoyens illustres ; c’étaient, pour ainsi dire, des hymnes guerrières, et les leçons de la valeur se mêlaient aux plaisirs de la table.

1039. (1927) Approximations. Deuxième série

Il prend plaisir à confronter sans cesse ses héros comme on rapproche deux silex pour voir quelles étincelles en jailliront. […] Ceux qui sentent juste et vivement peuvent se livrer au dangereux plaisir de laisser leur pensée courir au hasard, sûrs que le cœur est là qui la suit pas à pas. […] Ils n’en tirent que du plaisir, de la douleur, et des actes indispensables, comme de vivre. […] Je n’écris ces lignes que pour le plaisir de tracer ce que vos yeux liront. […] Jamais Vernois n’a connu le plaisir de sentir une autre pensée venir si vivement au-devant de la sienne ; il en oublie sa taciturnité.

1040. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

M. du Clésieux, nous dit-on, après de bonnes études, et quelques années passées à Paris dans sa première jeunesse, s’est bientôt retiré, et comme enfui dans sa Bretagne ; les plaisirs l’avaient effleuré un moment, et il s’y dérobait avec une sorte d’effroi.

1041. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Klingsor, Tristan (1874-1966) »

Verhaeren, ni les mousselines à pois de Jules Laforgue, et qui a ses procédés propres et son secret, C’est pourquoi son livre mérite, après qu’on l’a lu pour le plaisir, pour tout ce qu’il contient de mélancolie et de grâce fébrile, d’être relu et étudié.

1042. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

petits moutons, que vous êtes heureux ; Vous paissez dans nos champs sans souci, sans alarmes ; Si-tôt qu’êtes aimés, vous êtes amoureux ; Vous ne savez que c’est de répandre des larmes, Vous ne formez jamais d’inutiles désirs ; Vous suivez doucement les loix de la Nature ; Vous avez, sans douleur, tous ses plus grands plaisirs, Exempts de passions qui causent la torture.

1043. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 264-267

On lit encore avec plaisir la Princesse de Cléves, tandis que mille autres Romans, publiés depuis, n’ont pu se soutenir au delà des bornes toujours étroites de la nouveauté.

1044. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

Enfin, les Grecs et les Romains, n’étendant guère leurs regards au-delà de la vie, et ne soupçonnant point des plaisirs plus parfaits que ceux de ce monde, n’étaient point portés, comme nous, aux méditations et aux désirs par le caractère de leur culte.

1045. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation » pp. 67-70

Par exemple, on voit avec plus de plaisir une fête de village de Teniers qu’un de ses tableaux d’histoire, mais cela ne prouve rien.

1046. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Ces sortes d’amnisties ont surtout leur charme en affaires littéraires, et l’esprit, dont le propre est de comprendre, jouit du plaisir singulier de se rendre compte, après-coup, de ce qu’il avait d’abord nié, et de ce qu’il a, autant qu’il l’a pu, détruit. […] Du reste, presque aussi enfant que nous, il se faisait un plaisir et même un mérite de n’être que primus inter pares, et tout n’en allait que mieux, grâce à cette presque égalité. » Le soir, au coin du feu, il proposait à ses élèves et mettait au concours entre eux la traduction de vers et de passages des Géorgiques, dont il s’occupait déjà. […] Bernardin de Saint-Pierre, dans une lettre à sa femme, raconte que l’abbé Delille est venu s’asseoir près de lui à l’Institut : « Je l’ai trouvé si aimable et si amoureux de la campagne, dit-il, et il m’a fait des compliments qui m’ont causé tant de plaisir, que je lui ai offert de venir à Éragny… »  — Après bien des lectures à l’Académie et dans les soupers, le poëme des Jardins, premier fruit raffiné de ce goût champêtre, parut en 1782, et n’eut pas de peine à fixer toute l’attention, alors si prompte. […] La sensibilité, qui y perce par endroits, est bien celle qu’on voulait alors, un peu de mélancolie comme assaisonnement de beaucoup de plaisir. […] En voyant renaître ainsi la nature, on se sent ranimer soi-même ; l’image du plaisir nous environne ; ces compagnes de la volupté, ces douces larmes, toujours prêtes à se joindre à tout sentiment délicieux, sont déjà sur le bord de nos paupières.

1047. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

L’homme de la nature, le sauvage, il l’a été, il l’a vécu, avant de le décrire : il a quêté les plaisirs naturels, physiques ou sentimentaux, tout à la joie de la quête et de la possession, n’ayant pas une arrière-pensée de convertir les émotions de son cœur en copie pour l’imprimeur. […] Le père, pour une méchante affaire, est obligé de quitter Genève (1722) : il laisse son fils, dont il ne s’occupera plus guère, à l’oncle Bernard, homme de plaisir, à la tante Bernard, dévote austère, qui mettent l’entant en pension chez le pasteur Lambercier à Bossey, près de Genève, au pied du Salève. […] Car alors l’égoïsme naturel, légitime et charmant, fait place à l’intérêt, injuste et odieux ; la lutte et la misère naissent de la multiplication des besoins, par l’invention artificielle de plaisirs d’opinion, par la prévoyance contre nature des utilités futures. […] Le plaisir dramatique est un plaisir social et sociable.

1048. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Aimer les siens, les servir est un vol fait au genre humain, ou un plaisir défendu que l’utopiste se reproche. […] Rousseau, en traçant les tableaux voluptueux de la Nouvelle Héloïse, entendait bien qu’on les vît avec le plaisir sensuel qu’il avait eu à les peindre ; mais il voulait en même temps qu’on y prît des leçons de morale. […] Supprimer la politesse comme impliquant l’arrogance n’est qu’un paradoxe ; interdire aux enfants le plaisir de faire l’aumône ne vient pas d’un cœur bon. […] Car qu’est-ce qu’un enfant qui ne sait s’il fait mal ou bien, qui ignore l’obéissance et ne cède qu’à la force ; que son précepteur ne mène pas à l’église ; qui commande sans tempérer le commandement par aucune parole respectueuse pour ceux que leur condition lui subordonne ; qui n’apprend pas à donner, par la plus touchante de toutes les manières de donner, par l’aumône ; de qui l’on éloigne les livres pour qu’il ne perde pas une heure de plaisir, et qu’il resserre, comme dit Rousseau, son existence en lui-même ; que sera-ce qu’un tel enfant, sinon la bête de l’espèce la plus dangereuse ? […] Il est bien rare que Rousseau nous y donne le plaisir de nous reconnaître.

1049. (1894) Textes critiques

Lisons ce livre avec un plaisir doux en attendant de parler de la pluie d’étoiles miroitantes de Monnaie de Fer.‌ […] Car 1° si ce n’était pas très beau, à les citer je ne prendrais aucun plaisir, donc ne les citerais pas ; — 2° si je pouvais bien expliquer point par point pourquoi cela est très beau, ce ne serait plus de la peinture, mais de la littérature (rien de la distinction des genres), et cela ne serait plus beau du tout ; — 3° que si je ne ’explique point par comparaison— ce qui irait plus vite — c’est que je ne fais point à ceux qui feuillettent ces notes le tort de croire qu’il leur faut prêter courte échelle… — Et plutôt que toute dissertation sur Filiger remirons-nous en l’ivoire des faces et des corps de sa Sainte-Famille, reproduite au Cœur, et dont je n’ai point parlé, car c’eût été très inutile.‌ […] Comme un grand nombre de hauts penseurs, de visionnaires géniaux, l’auteur anonyme de Lumière d’Egypte s’est créé une langue spéciale, où les mots n’ont plus la signification habituelle que nous leur attribuons ; et ce serait s’égarer que de prendre les mots Force, Polarité, Plan, dans le sens où les emploie la science : c’est tout autre chose ; on a laissé à dessein au lecteur le travail de chercher et le plaisir de trouver la clef de ce langage mystérieux.‌ […] Floury, 6 fr. — Léon Parsons : l’Ordre social et le Contrat libre, plaq., Chamuel‌   Un homme, par des engins inventés par lui ou retrouvés de traditions perdues au reste, frappe à distance à son plaisir quiconque nuirait à sa liberté parfaite. […] Donnay, le repos de ne pas voir sur la scène ce qu’ils ne comprennent pas, le plaisir actif de créer aussi un peu à mesure et de prévoir ?

1050. (1903) La renaissance classique pp. -

Le monde saisi de vertige se rua à de sombres plaisirs, où le sang se mêlait à la volupté, où la luxure s’enlaçait à la mort. […] Aujourd’hui encore, il en est qui continuent à « s’exciter » sur les cadavres des villes mortes, qui prennent on ne sait quel plaisir innommable à soulever les linges et à remuer les puanteurs des vieilles corruptions. […] Ils se mêlent de réglementer les plaisirs du peuple, ils entendent l’amuser à leur manière, — à la fois décente et instructive. […] On invente une intrigue que l’on complique à plaisir et qu’on dénoue ensuite pour la plus grande joie du lecteur. […] La pensée encore pleine de tant de grandeurs hautaines et graves, vous êtes presque tenté de détourner vos pas de cette retraite de plaisir.

1051. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Le plaisir de découvrir le monde n’en est que plus vif et plus fécond. […] Au plaisir de voir il préférait encore le « ravissement de penser ». […] et qu’il s’y trouve de belles choses, variées, abondantes à plaisir ! […] avec quel plaisir je l’ai serré jadis dans mes bras si heureux ! […] Le plaisir mêlé de peur enivre.

1052. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

C’est là une observation que les épicuriens, ces habiles psychologues du plaisir, ont traduite et interprétée sous bien des formes. […] Il était si profondément religieux que tout chez lui tournait, à la piété, même le plaisir. […] Ces plaisirs et ces peines demeurent inattaquables à toutes ses conclusions. […] Aucun précepte n’enseigne cette sorte de plaisir, et aucun précepte ne prévaut là contre. […] Il reste le plaisir de spéculer sur des idées, qui, lui, du moins, est réel.

1053. (1925) La fin de l’art

Ce n’était pourtant pas le vulgaire roman, mais des souvenirs contemporains et j’en attendais quelque plaisir. […] C’est que, précisément, sans effort intellectuel il n’est peut-être pas de plaisir possible. […] J’ai donc appris avec plaisir que celui-ci était né en 1813. […] On peut les lire encore avec un certain plaisir. […] Il y en a certainement, mais je ne croirai jamais que l’Institut Pasteur coupe des bêtes en morceaux pour rien, pour le plaisir.

1054. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

Je les remarque avec d’autant plus de plaisir que je m’y attendais moins.

1055. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

Elle apprendra ainsi à gouverner, dans la mesure du possible, les forces obscures auxquelles jusqu’à présent elle a obéi sans le savoir et elle fera un pas vers cette liberté qui est seule à sa portée et qui consiste à connaître le jeu des lois naturelles pour commander aux puissances de la vie et pour les employer à la satisfaction de ses besoins matériels comme de ses plaisirs esthétiques.

1056. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 230-234

Nous ne parlerons pas de ses Opuscules poétiques, non plus que de ses petites Productions en prose, qui ne paroissent être que le fruit de ses délassemens, & annoncent néanmoins l’homme sage & l’esprit cultivé : nous nous arrêterons avec plaisir à son Ouvrage principal, qui a pour titre : Recherches sur l’origine des découvertes attribuées aux Modernes.

1057. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre II. De l’Allégorie. »

Mais l’objet physique, être passif de son essence, qui n’est susceptible ni de plaisir ni de douleur, qui n’a que des accidents et point de passions, et des accidents aussi morts que lui-même, ne présente rien qu’on puisse animer.

1058. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Grenée » pp. 206-207

Celle-ci n’est occupée que du plaisir de voir croître ses fleurs ; celle de La Grenée a d’autres pensées.

1059. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Comme il n’est pas répandu et qu’il est borné à cela, dès que sa fortune se délabre, et qu’il ne peut plus avoir cela, il se tue ou se fait voleur. » Il y a dans les jeunes gens une surabondance de séve grossière qui leur fait prendre les brutalités pour les plaisirs. […] Si pourtant vous en voulez une autre, il ajoutera que « en matière de conscience et de morale moisie il n’est point du tout vulgaire ; cette considération-là rogne aussi peu sur ses profits et sur ses plaisirs que sur ceux d’aucun gentilhomme d’Angleterre811. » Après un tel mot, il faut bien se rendre. […] L’Anglais, naturellement sérieux, méditatif et triste, n’est point porté à regarder la vie comme un jeu ou comme un plaisir ; il a les yeux habituellement tournés non vers le dehors et la nature riante, mais vers le dedans et vers les événements de l’âme ; il s’examine lui-même, il descend incessamment dans son intérieur, il se confine dans le monde moral et finit par ne plus voir d’autre beauté que celle qui peut y luire ; il pose la justice en reine unique et absolue de la vie humaine, et conçoit le projet d’ordonner toutes ses actions d’après un code rigide. […] Voilà le sentiment profond qui, le dimanche, ferme les théâtres, interdit les plaisirs, remplit les églises ; c’est lui qui perce la cuirasse de l’esprit positif et de la lourdeur corporelle. […] C’est pourquoi, si un homme juge à propos de sembler bon, qu’il le soit effectivement, et alors sa bonté apparaîtra de façon à ce que personne n’en doute, de sorte que, tout compte fait, la sincérité est la vraie sagesse828. » On est tenté de croire un homme qui parle ainsi ; on se dit : « Cela est vrai, il a raison, il faut agir comme il le dit. » L’impression qu’on reçoit est morale, non littéraire ; le discours est efficace, non oratoire ; il ne donne point un plaisir, il conduit vers une action.

1060. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Le plaisir qu’elle prit à écrire lui fut une transposition de la sensualité impossible. […] On a la sensation que cette sentimentalité sensuelle est presque exclusivement cérébrale, et que le plaisir de ciseler une image un peu étrange est pour le poète une joie supérieure aux réelles délices de la tendresse. […] Mais jamais Elsa Koeberlé ne décrira un paysage, pour le seul plaisir de fixer, de photographier le contour des choses : sa poésie est avant tout psychologique. […] Elle voyage, et à côté d’elle son amour regarde et s’accoude aux balcons : Il prête un accent cruel et divin Aux parfums des jours, au bruit des jardins, À l’âcre plaisir de se sentir loin. […] Le plaisir fait crier tout le squelette et les feuilles : Tourner vite sur les aines !

1061. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Du reste, ce n’est pas sans un vif plaisir que les purs enthousiastes d’Eugène Delacroix reliront un article du Constitutionnel de 1822, tiré du Salon de M.  […] Plaisir et douleur mêlés, amertume dont la lèvre a toujours soif ! […] C’est peine et plaisir à la fois que de contempler les efforts qu’il fait pour choisir et accoupler ses tons. […] À mesure que le public voit de la bonne peinture, il se détache des artistes les plus populaires, s’ils ne peuvent plus lui donner la même quantité de plaisir. […] La vie ancienne représentait beaucoup ; elle était faite surtout pour le plaisir des yeux, et ce paganisme journalier a merveilleusement servi les arts.

1062. (1886) Le naturalisme

Les germes de la vanité, de la concupiscence et de la soif des plaisirs, — graves maladies de notre siècle, — s’accusèrent dès lors chez elle. […] Tout cela, nous le distinguons à travers un voile et nous jouissons du plaisir de le deviner. […] Quand Zola pèche contre le goût je puis fort bien dire, pour ma part, que je n’y trouve nul plaisir. […] A peine la fille de clergyman prend-elle la plume qu’elle se trouve à la hauteur de son père et peut alors, plaisir ineffable ! […] Pour moi, on me reproche de lire Valera avec trop de plaisir.

1063. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Lis ma lettre à maman, ça lui fera plaisir, ça la guérira. […] — Oui, si cela vous fait plaisir. — Cela ne me fait pas plaisir. […] Je pensais que cela vous faisait plaisir. […] Adieu, avec plaisir.

1064. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

Tant de hautes facultés dissipées tour à tour dans un emploi mercenaire et dans d’indignes plaisirs, la confusion de tous les rangs et de toutes les conditions dans le même cercle d’intrigues sensuelles, cette familiarité délicate, ingénieuse encore dans sa licence, où vivent pêle-mêle, en confidents ou en rivaux, cardinal, prince, abbé, intendant, favori : c’était là un fonds de roman tout à fait hors des données vulgaires, et duquel, avec une âme sérieuse et tournée à l’histoire, on devait tirer de fortes leçons.

1065. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhade, Laurent (1854-1919) »

Il semble pourtant aujourd’hui que ces plaisirs retentissants soient achevés, et que le petit livre : À travers les groins, que le poète écrivit au cours d’une affaire qui fit récemment quelque bruit, doive rester sa dernière expression dans le genre où il s’illustra.

1066. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — [Note.] » pp. 83-84

Nous le suivîmes avec surprise, et non sans un secret plaisir de voir le philosophe si prêt à devenir notre camarade de jeux.

1067. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Ajoutez-y, chez quelques-uns, le plaisir de faire une dernière espièglerie d’écolier aux maîtres de leur jeunesse. […] De grâce, indiquez-moi les passages, que j’aie le plaisir de les lire de mes yeux. […] Rouher ne pensait pas à tirer un plaisir d’amour-propre de notre attention, ou plutôt de notre admiration ? […] On est sensible au plaisir d’aider un homme éminent à arriver où l’appelle son mérite. […] Il n’y a de comparable aux premières joies du cœur que les premiers plaisirs de l’esprit.

1068. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Il m’eût été facile et doux de grossir cette liste ; j’aurais eu grand plaisir à y adjoindre M.  […] Comme il a pris plaisir à pousser dans le sens opposé ! […] Mais l’ardeur qu’il porte dans la réfutation trahit le secret plaisir qu’il y trouve. […] Il y prend tant de plaisir ! […] Quel plaisir d’y rêver surtout !

1069. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

J’ai pris à cette lecture, à cette nouvelle lecture, car j’avais lu presque tous ces articles au moment de leur première publication et ils m’avaient souvent servi de guide, j’ai pris à cette lecture un plaisir extrême. […] Chacun, j’en suis certain, ressentira un grand plaisir à lire cette scène pleine d’élans, de réticences, de demi-aveux de la part de la pénitente, d’habileté, de bonté, de sagesse et d’esprit de la part du confesseur. […] On ne craint pas de voyager avec une jeunesse aussi saine, et c’est plaisir de la suivre où sa gentillesse et son cœur nous conduisent. […] ce maudit besoin de comprendre que nous portons aujourd’hui en toutes choses et qui dévaste notre vie, corrompant à leur source nos seuls vrais plaisirs !  […] En lui, la vertu se revêtait d’un sourire et le plaisir d une chasteté ingénue.

1070. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Ils seraient capables d’un dévouement héroïque, ils ne le sont pas d’une vertu et d’une activité continues ; ils dédaignent le cercle étroit où se meuvent les occupations des hommes et leur science bornée et leurs fades plaisirs. […] Trop longtemps on s’est représenté Goethe comme une sorte de Jupiter Olympien, calme, majestueux, impassible et se donnant, du haut de son piédestal, le plaisir, assez puéril pour un dieu, d’embarrasser les mortels des contradictions de son génie. […] Ainsi l’emporta, au milieu des sophismes, le tourbillon des plaisirs de ce monde. […] Il supprimerait volontiers tous les livres, excepté la Bible, et tous les plaisirs, excepté le prêche. […] Il éprouve un âpre plaisir à dégoûter les commis, bonnes gens aux mœurs simples, des joies innocentes de leur état, et à tourner en ridicule le zèle important qui les relève à leurs propres yeux.

1071. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

La musique nous rend donc, par des moyens moins coupables et plus conformes à la fin divine que nous devons poursuivre, le même service que la satiété des plaisirs rendit aux âmes romaines. […] Qui peut dire quelle influence l’habitude de si nobles plaisirs aura au bout de quelques générations sur les masses populaires ? […] comment pouvons-nous être infidèles à notre âme, mentir à nos affections, ou même seulement à nos plaisirs ? […] Le plaisir de la représentation historique que donne à son insu le célèbre virtuose, s’ajoutant au plaisir que donne son talent, inspirerait presque le désir de l’applaudir deux fois à ceux qui le contemplent et l’écoutent : une fois en l’honneur de la musique et une fois en l’honneur de l’histoire. […] C’était pour votre plaisir d’ailleurs qu’il étalait cette abjection avec tant de complaisance.

1072. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Je n’y vois nulle imitation, nul souvenir, mais je veux dire qu’en lisant cette étude j’ai ressenti un plaisir égal à celui que j’ai éprouvé quand, dans ma jeunesse, je lisais et je relisais les pages du grand maître. […] Tuyet, l’histoire de ce pauvre petit Tonkinois qui vient mourir à Paris, est un récit tout empreint d’un charme douloureux, une délicate poésie en prose qui a pour pendant : Bouddha, que j’aurais plaisir à transcrire ici pour le plaisir de mes lecteurs. […] Je m’arrête et je renvoie, pour son plaisir, le lecteur à ce livre qui est déjà dans toutes les mains. […] Pêcher à la ligne est un grand plaisir, regarder ceux qui pêchent est encore une satisfaction parisienne. […] On connaît déjà de lui l’Art et la Comédie ; cette fois, c’est de l’art du comédien qu’il s’agit, et c’est plaisir de le suivre dans ses analyses.

1073. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Avec quel plaisir mon père, qui l’avait vu dans sa jeunesse, nous entretenait de son maintien, de son caractère et de ses opinions ! […] Alors, par une mort volontaire, on affligeait des scélérats privés du plaisir d’assassiner. […] ces études auxquelles j’assistais avec un plaisir si rare dans une femme ? […] Combien il faut en avoir consumé dans l’étude et dérobé aux plaisirs, aux passions, au sommeil, pour obtenir celle-là ! […] Le plaisir d’admirer et de louer m’a-t-il arrêté ?

1074. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

On trouve un moyen toujours sûr de lui plaire en suivant sa volonté ; elle est aussi la règle de nos devoirs et la source de nos plaisirs. […] Il trouve fort mauvais que des étrangers se permettent de fouler le sol sacré de son village ; il leur fait donc une guerre de franc-tireur ; caché dans les bois, il les tue à plaisir. […] Quel plaisir de les faire parler chacun selon son caractère ! […] Peut-être ne faisons-nous le bien que parce que notre plaisir se trouve dans ce sacrifice. » C’était l’objection de La Rochefoucauld. […] N’est-ce pas un sophisme, une bizarre subtilité morale que d’aller mettre en suspicion un plaisir si honnête ?

1075. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Je m’explique, à présent, le plaisir qu’il éprouve à tutoyer quelqu’un… Pauvre diable ! […] Avec grand plaisir. […] Je n’ajouterai rien, laissant au lecteur le plaisir de chercher le reste dans ce livre sagement, honnêtement écrit et rempli d’épisodes charmants. […] Catulle Mendès, ils se savent incestueux et n’y trouvent que plus de plaisir ; je sais bien que, pour donner une petite satisfaction aux préjugés du bourgeois, M.  […] Aux approches de la vieillesse surtout, j’ai pris plaisir, pendant le repos de l’été, à recueillir ces bruits lointains d’une Atlantide disparue.

1076. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

J’ai parlé de vieillesse, de mort, de prison et d’amendes, et je n’ai pas dit un seul mot de nos plaisirs. Nous en avons pourtant et des meilleurs, et, de plus, ce sont des plaisirs nouveaux. […] Avec quel plaisir il rappelle à M.  […] À quoi bon gâter le plaisir du lecteur, puisqu’il s’agit d’un livre que chacun voudra lire ? […] Dans ce sens, nous organisons jusqu’à nos plaisirs, jusqu’à notre charité.

1077. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

— Tout est réglé, compassé, invariable, jusque dans les moindres détails du costume royal, du geste royal, de la conscience royale et du plaisir royal. […] Les instincts et les plaisirs de l’étranger qui s’initie ne sont plus tenus en bride par la suprématie d’un monde choisi. […] La réunion des talents et la concurrence des ambitions y poussent à bout le travail, la curiosité, le plaisir, l’excitation. […] Il redressa son grand corps maigre, comme un homme poussé dans ses derniers retranchements, remit son lorgnon sur ses lunettes, pour bien me regarder en face, et me dit : « Caro signore, il me semble que les œuvres d’art sont des choses simples, qu’on fait avec plaisir, et pour faire plaisir. […] Il paraît qu’il trouvait du plaisir à voir des doigts de femme ouvrir le coffret, et qu’un joli visage bien effaré par le dégoût le faisait rire.

1078. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

C’est là un plaisir de miroir. […] On fonde des écoles pour le plaisir d’être le chef. […] Et que nul n’ait honte de son plaisir. […] Qu’on le suive ou non, son geste a de l’ampleur, sa voix fait plaisir et le paysage est allègre. […] Cours les plaisirs ; goûte leur vase amère.

1079. (1902) Propos littéraires. Première série

Mounet en frémit d’enthousiasme, et le public ne laisse pas d’en frémir de plaisir. […] Cette sorte de renaissance d’un joli talent nous fait un singulier plaisir. […] Gérard la revoyait toujours avec plaisir, et pour se donner ce plaisir plus souvent, il la quittait sans cesse. […] On retrouve toujours ces choses-là avec plaisir. […] Avec quel plaisir j’arrache ce morceau à l’oubli !

1080. (1886) Le roman russe pp. -351

Il veut être apprivoisé peu à peu aux connaissances nouvelles, pris au piège de son plaisir, et forcé de s’instruire pour mieux goûter ce plaisir. […] Des observateurs moins suspects allaient venir, qui prendraient plaisir au spectacle de la vie et l’étudieraient attentivement en dehors d’eux-mêmes. […] L’inquiétude des horizons sans fin diminue le plaisir que les yeux trouvent autour d’eux ; on n’est pas joyeux longtemps en face de l’illimité. […] Un vrai Russe, c’est Bakounine, amoureux de la Révolution pour elle-même, comme Barbes, conspirateur par vocation, pour le plaisir. […] On traduit enfin ses romans en France, et ce qui m’étonne davantage, on semble les lire avec plaisir.

1081. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIII » pp. 53-57

Imaginez Jouy ou Jay qui croient bonnement que c’est là leur langue qu’on vient de retrouver tout exprès pour leur faire plaisir.

1082. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVIII » pp. 113-116

J'ai tout regardé descendre ; je me suis donné le plaisir de la parodie jusqu’au bout.

1083. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Pierre Quillard Dès longtemps nous n’avons entendu célébrer avec une pareille intensité de passion la douceur et l’amertume de la chair sensuelle, le dégoût des heures vaines dépensées en futiles plaisirs et l’âpre volupté des déchéances consenties, simultanément ; dès longtemps aussi, on n’avait associé avec une telle plénitude l’universelle nature, dédaigneuse de nous, aux sursauts passagers de la fragile et magnifique humanité.

1084. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 516-521

« C'est avec un vrai plaisir, Monsieur, que je donne ce témoignage de votre Ouvrage, très-flatté d'avoir cette occasion de rendre justice à vos talens, & de vous marquer le parfait & sincere dévouement avec lequel j'ai l'honneur d'être, &c. » Outre ce suffrage si flatteur de la part d'un homme en place, & sur-tout d'un Etranger qui s'exprime si bien dans notre Langue, M.

1085. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Car tu sauras que, plus je perds le goût des autres plaisirs, plus ceux de la conversation ont pour moi de charme. […] J’apprendrais avec plaisir ce que tu en penses, car tu arrives à l’âge que les poètes appellent le seuil de la vieillesse. […] La plupart, dans ces réunions, s’épuisent en plaintes et en regrets amers au souvenir des plaisirs de la jeunesse, de l’amour, des festins et de tous les autres agréments de ce genre : à les entendre, ils ont perdu les plus grands biens ; ils jouissaient alors de la vie, maintenant ils ne vivent plus. […] « Je me souviens qu’étant un jour avec le poète Sophocle, quelqu’un lui dit en ma présence : — Sophocle, l’âge te permet-il encore de te livrer aux plaisirs de l’amour ?

1086. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Dans le cercle étroit qu’elle parcourt, son activité lui semble vaine, et sa science du délire ; un désir invincible la presse de s’élancer vers des régions élevées dans des sphères plus libres ; elle croit qu’au terme de sa carrière un rideau va se lever pour lui découvrir des scènes de lumière : mais quand la mort touche son corps périssable, elle jette un regard en arrière vers les plaisirs terrestres et vers ses compagnes mortelles. […] « Le cygne : Ma vie tranquille se passe dans les ondes, elle n’y trace que de légers sillons qui se perdent au loin, et les flots à peine agités répètent comme un miroir pur mon image sans l’altérer. » « L’aigle : Les rochers escarpés sont ma demeure, je plane dans les airs au milieu de l’orage ; à la chasse, dans les combats, dans les dangers, je me fie à mon vol audacieux. » « Le cygne : L’azur du ciel serein me réjouit, le parfum des plantes m’attire doucement vers le rivage, quand, au coucher du soleil, je balance mes ailes blanches sur les vagues pourprées. » « L’aigle : Je triomphe dans la tempête quand elle déracine les chênes des forêts, et je demande au tonnerre si c’est avec plaisir qu’il anéantit. » « Le cygne : Invité par le regard d’Apollon, j’ose me baigner dans les flots de l’harmonie ; et reposant à ses pieds, j’écoute les chants qui retentissent dans la vallée de Tempé. » « L’aigle : Je réside sur le trône même de Jupiter : il me fait signe et je vais lui chercher la foudre ; et pendant mon sommeil, mes ailes appesanties couvrent le sceptre du souverain de l’univers. » « Le cygne : Mes regards prophétiques contemplent souvent les étoiles et la voûte azurée qui se réfléchit dans les flots, et le regret le plus intime m’appelle vers ma patrie, dans le pays des cieux. » « L’aigle : Dès mes jeunes années, c’est avec délices que dans mon vol j’ai fixé le soleil immortel ; je ne puis m’abaisser à la poussière terrestre, je me sens l’allié des dieux. » « Le cygne : Une douce vie cède volontiers à la mort : quand elle viendra me dégager de mes liens et rendre à ma voix sa mélodie, mes chants jusqu’à mon dernier souffle célébreront l’instant solennel. » « L’aigle : L’âme, comme un phénix brillant, s’élève du bûcher, libre et dévoilée ; elle salue sa destinée future, le flambeau de la mort la rajeunit en la consumant. » XLVIII Mais rien ne surpasse son analyse et sa traduction du drame de Faust, par Gœthe, et cette scène à laquelle ni l’antiquité ni Shakespeare n’ont de scène tragique à opposer. […] « Lorsque les sauvages mettent le feu à des cabanes, l’on dit qu’ils se chauffent avec plaisir à l’incendie qu’ils ont allumé : ils exercent alors du moins une sorte de supériorité sur le désordre dont ils sont coupables, ils font servir la destruction à leur usage ; mais, quand l’homme se plaît à dégrader la nature humaine, qui donc en profitera ?  […] « Non, certes, la vie n’est pas si aride que l’égoïsme nous l’a faite : tout n’y est pas prudence, tout n’y est pas calcul, et quand une action sublime ébranle toutes les puissances de notre être, nous ne pensons pas que l’homme généreux qui se sacrifie a bien connu, bien combiné son intérêt personnel ; nous pensons qu’il immole tous les plaisirs, tous les avantages de ce monde, mais qu’un rayon divin descend dans son cœur pour lui causer un genre de félicité qui ne ressemble pas plus à tout ce que nous revêtons de ce nom, que l’immortalité à la vie.

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