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1298. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Son génie, qui avait conquis l’indépendance et la sécurité, se fit moins combatif. […] Il y a un attrait magnifique à entrer un peu dans le mystérieux secret du génie. […] Il réussira s’il possède ce don particulier : le génie du passé authentique, l’imagination vraie. […] Le Génie est superbe. […] C’est là que s’est manifesté, avec le plus d’abondance et de nouveauté, son merveilleux génie.

1299. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

En voyant dans les mémoires de l’abbé Le Dieu les traits qu’il a ressaisis et rassemblés de cette première vie et de ces premières études de Bossuet, à Dijon, puis au collège de Navarre, puis à Metz lorsqu’il y fut retourné, ce qui me frappe avant tout, c’est ce signe, ce caractère manifeste de l’âme et du génie du futur grand évêque, quelque chose de facile et de supérieur qui se prononce et prend position sans lutte, sans trouble, sans interruption comme sans empressement  : c’est la vocation la plus directe qui se puisse concevoir, c’est l’âme la moins combattue qui fut jamais en si haute région. […] D’ailleurs, et dans l’habitude de son éloquence, il prêchait de génie, c’est-à-dire qu’il improvisait autant qu’on peut improviser en de telles matières. […] Et quel plus grand exemple de cette complication que celui de l’auteur du Génie du christianisme, de cet illustre et incurable Chateaubriand !

1300. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Ce qui me console, c’est que les gens d’esprit de ces doctes générations assurent que cette voie est la meilleure, en définitive pour en revenir à apprécier tout ce qui rentre dans le génie de la France, et ce qui exprime le goût français. […] Je prends Musset comme le plus voisin de nous et à notre portée : croyez-vous qu’en aimant sa maîtresse, celle qu’il a tant célébrée, il n’aimât pas surtout le génie en elle, autre chose que la femme, l’idéalisation d’un rêve ? […] Je n’ai garde, d’ailleurs, d’irriter les dieux ou les génies ; je ne veux pas appeler les orages et la foudre sur le myrte odorant et frêle pour qui c’est déjà trop que de supporter le soleil.

1301. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Le plus rare génie est toujours en rapport avec les lumières de ses contemporains, et l’on doit calculer, à peu près, de combien la pensée d’un homme peut dépasser les connaissances de son temps. […] Il était permis au génie de se nommer, à la vertu de s’offrir, et tous les hommes qui se croyaient dignes de quelque renommée, pouvaient s’annoncer sans crainte comme les candidats de la gloire. […] L’amour-propre persiste, le véritable génie est souvent découragé.

1302. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Leur goût se développerait et s’affinerait, à faire ainsi la part du tempérament de l’artiste et du génie de son siècle, à reconnaître la couleur et la forme accidentelles que peut prendre une vérité universelle. […] Vous nierez que la sympathie, l’admiration dont on ne peut se défendre pour Alceste aillent contre le but de l’auteur, et vous reconnaîtrez au contraire que c’est un des plus merveilleux effets du génie de Molière, d’avoir su unir dans un même caractère la sympathie et le ridicule, comme il a su associer dans don Juan la souveraine grâce et l’odieux. […] La préface de Cromwell, les chapitres littéraires du Génie du christianisme, les critiques de Lessing, de Schlegel sur nos classiques, sont d’excellents appuis pour l’intelligence, qui en tirera des principes pour penser autrement, et qui, pour échapper à des conclusions blessantes, apprendra à raisonner.

1303. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Presque tous les héros des romans écrits par ce chrétien sont des athées, et qui ont du génie — et de grands cœurs. […] Généralement on ne domine les hommes que par la puissance matérielle, par le génie des arts ou des sciences, quelquefois par l’ascendant de la vertu. […] Quelle que soit dans son personnage la part de la nature et de la volonté, la constance, la sûreté, la maîtrise infaillible avec lesquelles il a soutenu ce rôle ne sont pas d’un médiocre génie.

1304. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Collé écrivit : « M. de Beaumarchais a prouvé, à n’en point douter, par son drame, qu’il n’a ni génie, ni talent, ni esprit. » Voilà un pronostic fâcheux ; il n’en faudrait guère de semblables pour infirmer à jamais l’autorité d’un critique. […] Un, qui sait mon culte pour le génie de Diderot, me montre un passage de Salons : « Je suis plus affecté des charmes de la vertu que de la difformité du vice : je me détourne doucement et je vole au-devant des bons. […] On est bien prêt de croire sot ou canaille celui qui vous dénie du génie, et quand on le voit admirer le voisin, l’opinion est faite : c’est un sot et une canaille.

1305. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Louer à tout moment sa mère comme une femme de génie, comme un modèle de sensibilité expressive et de beauté, prenez garde, c’est déjà un peu se louer soi-même, surtout quand toutes ces louanges vont à conclure qu’on est en personne tout son portrait vivant. […] Son génie facile, abondant, harmonieux, s’épanchait sans économie au gré de tous ses rêves. […] Parmi les auteurs qu’il lit d’abord et qu’il aime, nous trouvons le Tasse, Bernardin de Saint-Pierre, Ossian ; c’est tout simple, et l’affinité des natures, la parenté des génies se déclare.

1306. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Si sobre qu’il soit de considérations générales, il est aisé avec lui de sentir, dès le début de cette expédition gigantesque, que les bornes de la puissance humaine sont dépassées, et que le génie d’un homme, cet homme fût-il le plus grand, ne saurait prétendre à contenir et à diriger dans son cadre une organisation aussi exorbitante. […] Dans les grades plus élevés, on voit de plus loin, plus en grand ; le génie de la guerre, si on l’a, trouve mieux à se déployer. […] On a quelquefois rappelé à cette occasion la retraite des Dix Mille ; mais il n’y a nul rapport ni dans les proportions, ni pour les circonstances et les résultats, entre l’héroïque et ingénieuse retraite conduite et consacrée par le génie de Xénophon, et l’immense catastrophe où s’engloutit la plus grande armée moderne.

1307. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Supposez que le plus intéressant, le plus plein et le plus brillant sans contredit des voyageurs du xixe  siècle, le marquis de Custine, n’eût pas pris pour une vocation la paresse trop aristocratique et l’inquiétude trop troublante de son esprit, et qu’il nous eût donné moins de Voyages, nous aurions des œuvres sévères, creusées et profondes comme ce génie dépensé sur les chemins était capable d’en produire, et cela ne vaudrait-il pas mieux que les quelques belles pages au-dessus desquelles surnage, déjà obscurément, son nom ? […] À force de génie, le voyageur peut tout racheter ; mais la facilité d’écrire un voyage touche littérairement à une corruption, comme toute facilité… Et, cependant, qu’on daigne nous comprendre ! […] Peintre de talent sur la toile, que nous n’avons pas ici à apprécier, Eugène Fromentin est allé demander deux fois à l’Afrique ce que les peintres vraiment inventeurs trouvent par l’intuition seule de leur génie, fussent-ils culs-de-jatte, et voilà qu’une fois parti il n’a pu résister à la facilité de ce livre de tout le monde que chacun peut faire, et même les enfants et les femmes, car les femmes et les enfants aiment très fort à parler de leurs impressions personnelles.

1308. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Que la grâce est donc du génie, et qu’elle est vraiment gratuite. […] Le prince des Génies ne peut pas l’entendre sans un frisson. […] Leur génie n’est pas de savoir, mais de pressentir. […] Mais son génie préfère quitter la tragédie à s’y fixer, après avoir parcouru les cimes les plus tragiques. […] En fait, ce qui caractérise le plus le génie de ce philosophe, c’est l’impossibilité de l’étiqueter.

1309. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

« C’était à vous de nous expliquer le génie, devancier et dominateur des autres génies, le premier de ces révélateurs des passions de l’âme, et le plus parfait de ces consolateurs de l’infortune, à qui fut donnée la mission sublime de rappeler le genre humain à l’exécution des lois, car les poètes des premiers âges en étaient les hérauts publics comme les plus habiles interprètes. […] Virgile, qui lui doit sa plus touchante inspiration, après nous avoir attendris au récit de l’amour unique et fidèle d’Orphée, nous le montre dans cette autre vie que son génie religieux et poétique révéla, et le place au premier rang des âmes sages et heureuses qui ont emporté sur les rives, éternellement paisibles, de l’Élysée, les bénédictions de la terre. […] Grand à mes yeux par son génie législateur et poétique, Orphée me semblait plus grand encore par la sainteté de sa vie et par la constance de son amour. […] Je méprise le rire méchant, cet antidote de ce qui est sérieux et sacré chez les hommes, le génie et le malheur. […] … Ce sont des solitaires de la littérature, des ermites du génie, des cénobites de la poésie ; vivant sur les hauteurs, et ne fréquentant que les sommets où ils conversent à voix basse et à cœur ouvert avec les esprits intimes de la terre.

1310. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Montons avec le Dante au Paradis, où les fortes ailes de son génie étaient faites pour le porter sur des imaginations plus sensées. […] Ce monument, qu’il faudra compulser sans cesse toutes les fois qu’on voudra étudier, pour s’y modeler soi-même, l’empreinte d’un puissant génie d’expression dans une langue qui tient plus du Titan que de l’homme, n’est point un monument de conception, mais un monument de style. […] Dante est une merveilleuse antiquité, mais il n’est pas à lui seul le génie italien. […] Nous le démontrerons bientôt en traitant de l’Arioste, de Machiavel, du Tasse, de Pétrarque et des grands écrivains italiens de notre siècle, et en cela nous croirons faire une œuvre de piété filiale envers cette Italie que nous reconnaissons comme la mère du génie moderne européen. Elle a des Galilée pour philosophes, des Machiavel pour historiens, des Tasse pour poètes épiques, des Arioste pour poètes chevaleresques, des Pétrarque pour poètes mystiques, des Dante pour poètes créateurs de langue ; mais, quoi qu’elle en dise, et quoi que redisent après elle les fanatiques engoués de la scolastique, elle n’a dans la Divine Comédie qu’une apocalypse de génie rêvée dans Patmos et écrite dans Florence, par le saint Jean du moyen âge, avec la plume de l’aigle toscan.

1311. (1903) La renaissance classique pp. -

Il est certain qu’on ne peut bien traiter qu’un petit nombre de matières : le reste est affaire de volonté bien plus que de génie. […] Ou bien il niera tout ce qu’il n’a pas et tout ce qu’il envie chez les autres : la race, le génie, l’amour même, — toutes ces grandes réalités bienfaisantes qui conspirent pour fonder un ordre de choses et une félicité dont il est exclu. […] Nous autres, ce n’est pas une basilique neuve dont les pierres sans foi ne recouvrent que le vide et le silence, c’est une âme et un sang purifiés que nous voulons offrir au bon Génie des ancêtres ! […] Ce palais, c’est le plus illustre trophée que la France ait élevé à son génie ! […] C’est là qu’il faut conduire les plus découragés de tes enfants pour qu’ils reprennent confiance en ton génie.

1312. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

» Après lui, citons des génies moins sombres : C’est Thomson, qui célèbre la solitude. […] Pasteur ou roi, je me serais également fatigué de la gloire et du génie, du travail et du loisir, de la prospérité et de l’infortune. […] je me serais également fatigué de la gloire et du génie, du travail et du loisir, de la prospérité et de l’infortune. […] Il est vrai que, d’un côté, il y avait le génie et l’originalité, de l’autre, seulement l’imitation puérile. […] Elles étaient dans des impressions du berceau ou des souvenirs de l’adolescence ; dans l’action du génie étranger sur le génie français, enfin dans la fidélité du génie français lui-même à ses anciennes traditions.

1313. (1914) Une année de critique

Mais il faut une heureuse rencontre de circonstances pour qu’un moraliste « écrive bien » au sens que nous donnons à ces deux mots ; il faut un équilibre très rare entre deux facultés très différentes ; il faut que le génie psychologique se double de génie pittoresque, comme chez La Bruyère, ou de génie musical, comme chez Rousseau. […] Quand un normalien parviendra à établir, au moyen de citations incontestables, que Montaigne fut le type même de l’esprit religieux, on criera au génie. […] Vraiment, oui, c’est le courage de Monsieur Bois que j’admire plus encore que son génie. […] Mieux que tous les commentaires, une étude attentive du style de Guérin renseignerait sur son génie. […] Le Dieu qui conduisit Homais à Pathmos peut bien, quand il lui plaît, faire de Bouvard un styliste, et départir une étincelle de génie à l’humble Pécuchet.

1314. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Nulle explosion ; pas de génies inconnus. […] Mais qu’il louât spirituellement Delacroix, qu’il expliquât nettement le genre de folie de ses adversaires, et qu’il allât plus loin même, jusqu’à montrer en quoi péchaient les plus forts parmi les peintres de la plus récente célébrité ; que lui, Alexandre Dumas, si abandonné, si coulant, montrât si bien, par exemple, que Troyon n’a pas de génie et ce qui lui manque même pour simuler le génie, dites-moi, mon cher ami, trouvez-vous cela aussi simple ? […] Qu’importe, me direz-vous, qu’importe la sottise si le génie triomphe ? […] Il compose admirablement, groupe avec esprit, colore avec ardeur, et jette une flamme amusante dans tous ses drames ; drames, car il a la composition dramatique et quelque chose qui ressemble au génie de l’opéra. […] Les nobles et excellents artistes que j’invoquais tout à l’heure diront comme moi : en résumé, beaucoup de pratique et d’habileté, mais très-peu de génie !

1315. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Pendant cinquante-trois années, ce grand génie dota la scène française des plus belles productions et fixa définitivement les règles du beau et du sublime. […] Sans doute elle ne pouvait l’entraîner au médiocre, mais elle refroidissait peu à peu son génie. […] Le sujet avait été fourni à Corneille par Fouquet, désireux de rendre à l’art dramatique l’homme de génie qui avait tant fait déjà pour la saine littérature. […] « La scène, lui disait-il, est en Cappadoce, il faut se transporter dans ce pays-là et entrer dans le génie de la nation. — Ah ! […] C’était un poëte ayant, à défaut de génie, de l’esprit et de l’âme.

1316. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Mais Hamlet, paradoxe audacieux du génie de Shakespeare, n’a pas eu de frères au théâtre. […] « Le vrai amour », dit-il, « est rare comme le vrai génie, comme la vraie vertu, comme le vrai bon sens, comme tout ce qui est vrai enfin. […] Au lieu de cette expression : le féminin, lisez : le génie de l’espèce, et vous aurez la formule même du misanthrope de Francfort, celle qu’il débitait devant M.  […] Ce n’est plus le domaine du génie et de la création, c’est celui du dilettantisme et de la critique. […] Le génie est seul capable de concilier ainsi toutes les contradictions.

1317. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Du Bellay le sait bien ; il nous exprime la haute idée qu’il se fait du poète, et, à dénombrer toutes les qualités qu’il lui attribue, on sent qu’il doit l’être lui-même : il exige avant tout un je ne sais quoi de divin, et il reprend à sa source et dans son vrai sens naturel, pour le lui appliquer, le mot de génie, genius. […] Bien qu’il ait annoncé précédemment qu’il ne tracerait pas l’idée complète et exemplaire du poète, il va pourtant le dépeindre et le présenter dans les conditions qu’il estime les plus favorables pour entreprendre une telle œuvre, c’est-à-dire doué d’une excellente félicité de nature, instruit dès l’enfance de tous les bons arts et sciences, versé dans les meilleurs auteurs de l’Antiquité, nullement ignorant avec cela des offices et devoirs de la vie humaine et civile, pas de trop haute naissance surtout ni appelé au régime public, ni non plus de lieu abject et pauvre, afin d’être exempt des embarras et des soucis domestiques, mais tranquille et serein d’esprit par tempérament et aussi par bonne conduite : il est touchant de lui voir définir cette heureuse médiocrité de condition et de circonstances, qui permet mieux en effet toute sa franchise de vocation et tout son essor au génie. Nous sommes à l’ombre de l’école, ne l’oublions pas, à la suite de Quintilien ou de Longin ; on n’en était pas encore à la théorie purement romantique des génies sombres et orageux, au front pâli sous l’éclair, ni à la théorie tout historique et plus vraie de ces autres génies éprouvés et aguerris, que le malheur forme et achève.

1318. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Elle semblait pénétrer encore plus avant, plus au cœur de l’empire, avec les Goths et Théodoric ; mais les Goths, comme leur illustre chef, admirateurs, imitateurs du génie romain et de cette grandeur déchue, s’y fondirent et y absorbèrent leur originalité ; le Sicambre résista mieux. […] On l’a, et avec autant de talent que de raison, restitué barbare, et très-barbare malgré son génie. […] L’un d’eux, Hébroïn, essaye encore de maintenir en honneur l’idée de vieille race et de défendre le pouvoir sacré de ses rois ; mais, après une lutte vigoureuse et des fortunes très-diverses, il succombe ; un de ces leudes dont il combattait, l’avénement lui fend la tête d’un coup de hache. « On peut peser à loisir, écrit l’historien de la Royauté, les crimes, le génie, les vertus et les vices de cet homme extraordinaire : bornons-nous à dire que la hache de son assassin brisa toute la race des Mérovéades. […] Il fallut tout leur génie et leurs exploits pour rétablir le prestige anéanti et pour suppléer aux nuages des fabuleuses origines.

1319. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Il en eut la nature, le génie, l’extérieur, la destinée, la mort ; il n’en eut pas la conscience. […] Il étalait sa supériorité comme un parvenu du génie. […] Il veut être le génie exterminateur et créateur de la Révolution. […] Sur celle-ci, génie.

1320. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Cette connaissance du juste point où il faut aller, c’est la moitié du génie de La Fontaine, et c’est ce qui fait de certaines « branches » de Renart des choses exquises. […] Voici dans tout ce petit drame une grande chose qui apparaît, et qui sera l’une des qualités éminentes, peut-être la plus incontestable supériorité de notre génie et de notre littérature. […] Renart, le héros de toute l’œuvre, ce génie malfaisant, est glorifié en somme parce qu’il sait éluder les conséquences de ses méfaits. […] En ce genre encore, notre moyen âge français a eu la malechance de ne produire aucun génie supérieur.

1321. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Reyer — le public réentendait les merveilles bafouées jadis, et comprenait enfin la grandeur du génie disparu. […] Mais en même temps, et précisément au milieu de l’exposition historique, le livre doit soutenir un examen et une description détaillés de la grande époque musicale qui fut l’œuvre du génie de Beethoven et qui s’étend de ses compositions à toutes les musiques plus modernes. » Qu’une telle façon de penser me fût infiniment sympathique, vous devez le comprendre, Elisabeth ; elle l’était d’autant plus que le Tannhæuser avait évoqué dans mon âme l’enthousiasme le plus délicieux. […] On le sentait, aux paroles qui coulaient de lui comme un torrent de lave, qu’il mènerait à bonne fin la tâche qu’il s’était proposée, qu’il avait cette consécration du génie, par laquelle l’idéal se transforme en une tangible réalité. […] Perron a donné à Wolfram une signification extraordinaire : ce rôle, le plus noble et le plus élégant (un souvenir du Don Ottavio de Don Juan) de tous ceux qu’a conçus le génie de Wagner, a trouvé en lui un digne interprète, surtout dans l’air du concours.

1322. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Michelet l’a appelé un polisson de génie ; je crois que c’est bien assez, quand on a lu son Discours de la lanterne et ses Révolutions de France et de Brabant, de l’appeler un polisson de verve et de talent. […] Mirabeau, avec sa supériorité, comprit d’abord le parti qu’on pouvait tirer de ce jeune homme ardent, et la nécessité du moins de ne pas s’en faire un ennemi ; il le prit avec lui à Versailles, l’eut pendant une quinzaine pour secrétaire, Je soignai ensuite à distance, et lui imprima tellement l’idée de son génie, que, plus tard, tout à fait émancipé et en pleine révolte, Camille respecta toujours le grand tribun, alors même qu’il mêlait à l’admiration quelque insulte inévitable. […] Il sait bien ce qu’il fait ; il a le génie du journal ; il sait quelle est la puissance de l’instrument qu’il emploie, et auquel à la longue, dit-il, rien ne peut résister. […] Tout est relatif, et Camille, l’anarchiste d’hier, dans sa lutte contre le misérable Hébert, représente en vérité la civilisation et presque le génie social, comme Apollon dans sa lutte contre le serpent Python.

1323. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

L’homme supérieur, et, de plus, l’homme excellent, sincère, amical, père de famille, s’y montre à chaque page dans toute la vivacité du naturel, dans tout le piquant de l’humeur, et, si l’on peut dire, dans toute la gaieté et la cordialité du génie. […] Il vécut trois ou quatre années en Suisse, particulièrement à Lausanne, y vit tout ce qui y passait de distingué, surtout Mme de Staël, à qui il tint tête, et qui le jugea dès lors un homme de génie. […] Il n’y a certainement qu’un usurpateur de génie qui ait la main assez ferme, et même assez dure, pour exécuter cet ouvrage. […] Les souvenirs dans certaines positions sont épouvantables ; je ne vois au-delà que les remords. » Longtemps on ne crut avoir dans le comte Joseph de Maistre qu’un homme d’un esprit supérieur et qu’un cerveau de génie ; aujourd’hui on est heureux de trouver tout simplement en lui un homme et un cœur.

1324. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Ils sont convenus de se trouver du génie les uns aux autres, et de le répéter jusqu’à ce qu’on le croie. […]   Ce petit homme, à son petit compas, Veut sans pudeur asservir le génie ; Au bas du Pinde il trotte à petits pas, Et croit franchir les sommets d’Aonie. […] Pasquier, qui avait suivi ses leçons au Lycée dès 1787, l’alla revoir et causa avec lui ; il le mit sur le Génie du christianisme, en se donnant comme quelqu’un qui goûtait l’ouvrage. […] Appliquez cette règle au Génie du christianisme, et vous verrez qu’il résiste. » L’esprit de parti, chez La Harpe, ne nuisait pas à cette équité finale.

1325. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Devenue le génie sauveur de la cité, l’intelligence se sera sauvée elle-même de l’abîme où descend notre art déconsidéré. […] Ernest-Charles : — Il ne saurait être superflu de se demander encore si ce n’est pas précisément parce qu’il mourut fou qu’il est bien prouvé que Nietzsche fut véritablement un homme de génie. […] Dès que ces jeunes hommes possèdent une collection, les voici prêts à crier que tel peintre a du génie pour le lancer et augmenter la valeur des toiles qu’ils conservent. […] Tout l’art du critique doit tendre à distinguer ce qui est conforme au génie d’une langue et non à suivre le goût public ou la mode.

1326. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Mais croyez-vous qu’avec du génie il n’eût pas été possible d’introduire dans cette scène le plus grand mouvement, les incidents les plus violents et les plus variés ? […] Et voilà pourquoi on accuse Raphaël d’être froid, lorsqu’il est vraiment sublime ; lorsqu’en homme de génie, il proportionne les expressions, le mouvement, les passions, à la nature qu’il a imaginée et choisie. […] Ce n’est qu’un long tems, une longue pratique, un travail opiniâtre, le concours d’un grand nombre d’hommes successivement appliqués qui amènent ces qualités qui ne sont pas du génie, qui l’enchaînent au contraire, et qui tendent plutôt à éteindre qu’à irriter, allumer la verve. […] La tête de Pompée présentée à Caesar ; Caesar au pié de la statue d’Alexandre ; la leçon de Scilurus à ses enfants, trois morceaux à cogner le nez contre, à ces maudits amateurs qui mettent le génie de l’artiste en brassière.

1327. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Cependant il faut avoir le courage de dire que Charlet n’appartient pas à la classe des hommes éternels et des génies cosmopolites. […] C’est un artiste de circonstance et un patriote exclusif, deux empêchements au génie. […] Daumier est un génie franc et direct. […] Quoi qu’en dise la race des optimistes qui, selon Désaugiers, se laissent quelquefois choir après boire, au risque d’écraser un pauvre homme qui n’a pas dîné, il y a des génies qui ont passé de ces nuits-là !

1328. (1886) Le naturalisme

On y trouve le respect le plus profond, la plus complète intuition de ce qu’on appelle le génie d’un idiome. […] Tantôt c’est une folie furieuse et homicide, tantôt le crétinisme, tantôt l’ivrognerie, tantôt le génie artistique. […] C’est une chose que le génie et le talent ; une autre que les licences, les écarts, les erreurs d’une école. […] Ces vallées et ces limites, le génie les ébranle, mais d’elles-mêmes elles reprennent leur place. […] Cependant, il n’est pas même permis au plus grand génie de se flatter de cet affranchissement.

1329. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Pourquoi, par exemple, avec le grand poëte dont il s’agit et en le relisant, suis-je presque toujours dans la situation d’un homme qui se promènerait dans un jardin oriental magnifique où le conduirait un enchanteur ou un Génie, mais où un méchant petit nain difforme lui donnerait à chaque pas de sa baguette à travers les jambes, le Génie ne faisant pas semblant de s’en apercevoir ?

1330. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Pour ceux qui lisent les Pensées, le génie de l’écrivain a quelquefois donné le change sur la méthode et sur le fond. […] Il n’aurait point sans doute, comme le fit plus tard l’illustre auteur du Génie du Christianisme, porté ses principales couleurs sur le côté magnifique ou touchant du catholicisme, considéré surtout dans ses rapports avec la société ; il n’aurait pas cependant négligé les grandeurs et les beautés aimables de la religion.

1331. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

C’est aussi de la sorte qu’en jugea Malebranche lorsqu’à la lecture du livre De l’homme, il se sentit tout à coup pénétré de dédain pour l’étude des historiens ecclésiastiques, et que dès ce jour il estima l’histoire indigne de son génie. […] A la vue des vastes et profondes émotions populaires qu’il avait à décrire, au spectacle de l’impuissance et du néant où tombent les plus sublimes génies, les vertus les plus saintes, alors que les masses se soulèvent, il s’est pris de pitié pour les individus, n’a vu en eux, pris isolément, que faiblesse, et ne leur a reconnu d’action efficace que dans leur union avec la multitude.

1332. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

De jeunes esprits, nourris du Génie du Christianisme, tournés par leur nature et leur éducation aux sentiments religieux et aux croyances mystiques, avaient pensé, à la vue de tant d’événements mémorables, que les temps marqués étaient accomplis et que l’avenir allait enfin se dérouler selon leurs vœux. […] J’excepte ici la belle renommée de M. de Lamartine : elle n’appartient proprement à aucune école, et fut conquise, du premier coup, sur l’enthousiasme avec toute l’insouciance du génie.

1333. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

L’impression de ce genre de style pourrait se comparer à l’effet que produit la révélation d’un grand secret ; il vous semble aussi que beaucoup de pensées ont précédé la pensée qu’on vous exprime, que chaque idée se rapporte à des méditations profondes, et qu’un mot vous permet tout à coup de porter vos regards dans les régions immenses que le génie a parcourues. […] Un certain degré d’émotion peut animer le talent ; mais la peine longue et pesante étouffe le génie de l’expression ; et quand la souffrance est devenue l’état habituel de l’âme, l’imagination perd jusqu’au besoin de peindre ce qu’elle éprouve.

1334. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Le génie français dépassait de beaucoup le génie italien ; et celui-ci, réduit à un rôle inférieur, ne fournissait plus, pour ainsi dire, qu’aux menus plaisirs de la cour et de la nation.

1335. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Les innombrables créations que le théâtre italien avait accumulées depuis près de deux siècles, les inventions de la commedia dell’arte surtout facilitèrent sa tâche et aidèrent à son génie. […] L’homme de génie, représentant d’une époque privilégiée, est le seul, d’un groupe nombreux, qui atteigne au sommet de la montagne ; mais ceux qui le précèdent, qui le soulèvent et le portent dans cette laborieuse ascension, et qui demeurent en route, concourent à son succès et associent leur mémoire à la sienne.

1336. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

D’où l’on doit conclure que ce système de mesures d’ordres vitruviennes et rigoureuses, semble n’avoir été inventé que pour conduire à la monotonie et étouffer le génie. […] Si vous tentez l’apothéose du grand Henri, exaltez votre tête ; osez, jetez, tracez, entassez tant de figures allégoriques que votre génie fécond et chaud vous en fournira ; j’y consens.

1337. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

Après tout ce que je viens d’exposer il est plus que vrai-semblable, que le génie particulier à chaque peuple, dépend des qualitez de l’air qu’il respire. On a donc raison d’accuser le climat de la disette de génies et d’esprits propres à certaines choses, qui se fait remarquer chez certaines nations.

1338. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

Imiter un auteur, c’est étudier ses procédés de style, l’originalité de ses expressions, ses images, son mouvement, la nature même de son génie et de sa sensibilité. […] La lecture est inutile ; le style ne se forme pas ; tout s’improvise ; on a du génie ou du talent, au hasard.

1339. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Ce sont des épouses quasi-légitimes de par la coutume, mais en France, pays de droit sens et de réalité, où les situations ambiguës sont antipathiques au génie même de la race, les maîtresses de roi, elles, n’ont jamais été que des maîtresses, — toujours désavouées et déshonorées par les mœurs. […] Tout grand commandement ne s’encadre bien que dans du génie.

1340. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Lazzaroni dépenaillés et beaux diseurs, ce sont les Fiers-à-bras de la Médiocrité, avec l’insolence du génie que n’a pas le génie, des don César de Bazan sans naissance, ruinés avant de venir au monde, et dont les haillons dans lesquels ils se drapent n’ont jamais eu assez d’étoffe pour faire un manteau.

1341. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

La féodalité elle-même n’avait été à son heure qu’un progrès relatif vers cette centralisation supérieure où le génie de la France tendait, à travers l’action de ses plus grands hommes. Mais, devenue égoïste parce qu’elle n’avait plus de fonctions utiles à remplir, la féodalité épuisée, ayant refusé de faire un pas de plus dans le sens qui emportait tout, des hommes inspirés du génie civilisateur de la France, Louis XI, Richelieu, la jetèrent sous leurs haches impatientes, et la révolution française acheva ces terribles nécessités par lesquelles devait passer une société qui résistait, dans les débris de son ancienne organisation politique en ruines, à la centralisation définitive que Couture assied largement sur l’égalité politique de tous.

1342. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

En vain nous chante-t-il Endymion et Phœbé, comme un Grec réveillé tout à coup du sommeil d’Épiménide, et nous traduit-il Sannazar une parenté en génie ; puis, las de tordre et d’assouplir cette ferme langue française qui reste toujours de l’acier, même quand on en fait de la dentelle, se met-il à écrire le sonnet dans sa langue maternelle, la langue italienne, qu’il manie avec une morbidesse fleurie qui eût charmé Pétrarque et qui convient si bien à la nature ingénieuse et raffinée de sa pensée, Gramont est plus qu’un écrivain qui se joue dans les difficultés de deux langues, un archaïste d’une exécution supérieure. […] Nous n’avons jamais eu d’entrailles pour le génie faussaire de Chatterton… Mais Gramont est un poète pour son propre compte et en son propre nom, sans fougue, mais non sans élévation et sans profondeur.

1343. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

A nos yeux, les seules périodes comparables à celle qu’il anima de son génie sont, ou cette époque de l’histoire d’Espagne qui brille du nom presque fabuleusement beau de son Cid, ou, dans notre histoire, à nous, l’époque immense de Charlemagne. […] Qu’il nous permette de le lui dire : quand on n’est pas le vieux Michel-Ange, qui attaquait le marbre avec cette furie de génie tout-puissant qui s’arrêtait, comme par un charme, dans la plus moelleuse et la plus délicate justesse, il faut savoir revenir plusieurs fois sur la forme extérieure de sa pensée pour lui donner ce fondu et cette harmonie nécessaires autant à la poésie qui s’écrit qu’à la poésie qui se sculpte.

1344. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

Dans le retour de la barbarie au moyen âge, on disait imagination pour génie, esprit. […] En effet, l’imagination n’est que le résultat des souvenirs ; le génie ne fait autre chose que travailler sur les matériaux que lui offre la mémoire.

1345. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

J’ai toujours aimé mademoiselle de Brie, elle a été bonne, fidèle et dévouée à cet illustre génie, dont elle comprenait toute la portée. […] Il faut bien du génie, savez-vous ? […] Ce n’est pas de ceux-là qu’on peut dire qu’ils ont un génie à part, et qui les élève au-dessus du reste des humains. […] Ici même vous comprendrez, par un très petit exemple, ce que c’est que le génie. […] Elle a été le bon génie, elle a été le sincère amour de ce roi gâté par toutes les obéissances et par tous les encens.

1346. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

… toi que le naïf Homère et le sombre Byron lui-même chantèrent dans leurs plus beaux vers, toi qui ranimas longtemps le génie dans le corps débile du maladif Hoffmann ! […] De jeunes belles-sœurs observaient les nouveaux-venus avec un intérêt encore plus curieux qu’affectueux peut-être ; mais tout ce petit manége ne tint pas longtemps en face d’un hôte aussi imprévu ; on avait affaire en sa personne au plus irrésistible génie (le Genius des Anciens), à celui qui se rit de la contrainte et qui épanouit les fronts : « Quant à moi, écrivait Désaugiers racontant ce premier accueil et comment il avait rompu la glace, j’ai fait des prodiges, soit dit sans me flatter. […] Le jour Chantant l’amour, Et souvent le faisant sans bruit La nuit… ; le Panpan bachique (1809) : Lorsque le champagne Fait en s’échappant Pan, pan… ; ce sont ces autres refrains irrésistibles et qui éveillent de toutes parts l’écho, le Carillon bachique (1808), surtout le Délire bachique (1810) : Quand on est mort, c’est pour longtemps… admirable chant, tout bouillant d’une douce fureur, et où brille dans tout son éclat le génie rabelaisien. Il est telle de ses premières chansons faites comme parodie et pendant à la fameuse chanson à boire de maître Adam de Nevers, et intitulée Chanson à manger (1806), où ce même génie à la Gargantua se déclare. […] « Comme lorsqu’un riche, prenant à pleine main la coupe toute bouillante au dedans de la rosée de la vigne, après avoir bu à la santé de son gendre, la lui donne en cadeau pour l’emporter d’une maison à l’autre, — une coupe toute d’or, son bien le plus cher et la grâce du festin, — honorant par là son alliance, — et il rend le jeune époux enviable à tous les amis présents pour un si cordial hyménée ; « Et moi aussi, riche du nectar versé, présent des Muses, j’envoie ce doux fruit de mon génie aux héros chargés de couronnes, et j’en favorise à mon gré les vainqueurs d’Olympie et de Delphes… » 18.

1347. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Par un heureux hasard, qui groupe de temps en temps les hommes comme les chênes, deux grands et charmants artistes dans des arts divers étaient en ce moment en visite ou plutôt en villégiature avec nous, sous ce même toit, sous ces mêmes chênes qui avaient abrité ensemble autrefois le génie adolescent de Victor Hugo et l’esprit péripatéticien et discinctus de Charles Nodier. […] Si l’artiste ami regarde de là-haut ceux qui souffrent de leur génie, avec la compassion d’un homme qui a tant souffert du sien, qu’il jette un de ses regards sur cette demeure muette de Saint-Point, vide aujourd’hui de ceux qu’il aima tant, et qui ne cesseront de l’aimer eux-mêmes qu’en cessant de se souvenir. […] Laprade connaissait Liszt : ces deux génies se convenaient par le goût du surnaturel. […] Si Psyché eût été de chair au lieu d’être de marbre, elle aurait fait palpiter le cœur humain ; elle ne fait qu’illustrer le génie du poète. […] Que Dieu lui conserve tous ces bonheurs : il les mérite par son caractère, de la même trempe que son génie ; car, au milieu de cette cohue de talents sceptiques, railleurs, ironiques, oiseaux siffleurs qui profanent depuis dix ans la poésie par des indécences ou des persiflages, et qui font descendre comme Heine le feu du ciel pour allumer leur cigare, Laprade, lui, conserve son honnêteté à la haute littérature.

1348. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Que doit-ce être d’une harmonie de science et de génie, sur qui comprend cela, sur qui a reçu une organisation musicale, développée par l’étude et la connaissance de l’art ? […] Quant à moi, j’en pense ce que les pieux cénobites du quatorzième siècle pensèrent de l’Imitation, c’est qu’il y a des secrets dont Dieu est le confident ; j’en pense ce que les femmes du dix-septième siècle pensèrent de la correspondance de Mme de Sévigné, ce livre des cours, je veux dire que ce volume du Journal de Mlle de Guérin m’a paru une des plus touchantes révélations de l’âme humaine dans nos deux siècles : le dix-huitième, avec ses existences calmes, puissantes, recueillies dans la solitude de leurs châteaux, moitié rurales, moitié aristocratiques, au fond de leurs provinces ; le dix-neuvième, avec ses orages, ses renversements, ses dépouillements, ses honorables et glorieuses misères, demandant aux lettres ce que la féodalité ne lui donnait plus : le gentilhomme sans épée et sans éperons enseignant les petits enfants pour un morceau de pain dans les mansardes d’un collège de la capitale, et mourant jeune de misère après avoir coûté au dévouement d’une sœur accomplie sa dot, son mariage, son bonheur ; et cette sœur, à la fois souffrante et heureuse de ce sacrifice, vivant isolée dans les ruines du château paternel, développant son génie natal et confidentiel dans des soliloques avec elle-même ou avec son Dieu, et mourant de tristesse quand son frère et son père lui manquent : Walter Scott seul aurait pu peindre une existence aussi romanesque dans quelque masure d’Écosse, quand les fidèles adorateurs des Stuarts sont vaincus, mais non ralliés à la révolution triomphante. […] Le contact avec le monde, qui pénètre dans sa solitude avec son frère et les amis de son frère, leur doute, leur changement d’opinion, même quand ils habitent avec ce féroce esprit, l’abbé de Lamennais, qui avait des fanatismes éloquents pour toutes les causes et qui ne permettait le doute à personne, parce qu’il ne permettait de douter de rien pendant qu’il affirmait lui-même, génie de l’expression, né pour être le prophète de toutes les persécutions comme saint Paul, ou pour le christianisme ou contre lui ; tout cela avait évidemment agi sur Mlle de Guérin. […] Montaigne est un charmant génie, mais il écrit pour s’amuser lui-même et pour amuser ses lecteurs. […] XX Mais vous qui vivez à la campagne, soit dans le château démantelé de vos pères, non loin de l’église du village et des pauvres du hameau, soit dans la maison modeste, château nivelé de l’honnête bourgeoisie du dix-neuvième siècle, élevant là des fils, des filles, des sœurs étagées par rang d’âge dans la vie, qui vous demandent des livres à la fois intéressants et sains, où respirent dans un style enchanteur toutes les vertus que vous cherchez à nourrir dans votre jeune tribu ; vous qui, après une existence laborieuse, vous êtes retirés à moitié de la vie active dans le verger de vos pères pour y soigner les plantes naissantes destinées à vous remplacer sur la terre, et qui voulez les saturer de bonne heure de ce bon air vital plein des délicieuses senteurs de l’air ; enfin vous qui, déjà vieillis et désintéressés de votre propre existence prête à finir, voulez cependant jeter un dernier regard consolant sur les péripéties intérieures de ceux qui traversent les sentiers que vous avez traversés, afin d’y retrouver vos propres traces et de vous dire : « Voilà ce que j’ai éprouvé, pensé, senti, prié dans mes moments de tristesse ou de consolation ici-bas ; voilà la moisson en gerbes odorantes que j’emporte à l’autre vie » ; mettez à part, ou plutôt gardez jour et nuit sur votre cheminée, comme un calendrier du cœur, non pas ce livre confus où l’on a entassé pêle-mêle les œuvres du frère et de la sœur pour que le génie de l’une fit passer sur la médiocrité de l’autre, mais le volume de Mlle de Guérin, cette sainte Thérèse de la famille, qui n’a écrit que pour elle seule, et dont une amitié longtemps distraite n’a recueilli que bien tard les chefs-d’œuvre involontaires qu’elle oublia de brûler au dernier moment.

1349. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Beethoven, qui, avec un effrayant génie, avait compris ce besoin d’une langue musicale définie, employait fréquemment des airs russes ou polonais, par exemple dans ses dernières sonates et dans ses quatuors. […] Elles ont le même souci de l’action dramatique, le même mépris des virtuosités ; et chez quelques-uns de ces compositeurs on trouve une science de toute la musique, un génie original d’expression qui les rendent vraiment comparables à Wagner. […] Méprisant donc, comme l’avait fait Wagner, les ineptes livrets de fabricants sans génie, ils ont pris pour sujets de leurs drames les drames les plus remarquables de nos poètes. […] Dans une prochaine lettre je vous enverrai des détails sur notre école Wagnérienne russe, et notamment sur Séroff c, critique de génie et compositeur remarquable, qui fut l’ami personnel de Wagner, et qui a le premier tenté chez nous d’introduire la musique wagnérienne. […] Les œuvres d’art de Wagner sont les manifestations objectives de son génie, ses écrits théoriques en sont les manifestations subjectives.

1350. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Tous ceux que j’aime savent que le génie artistique n’a aucun rapport avec le banal métier oratoire ; que le flatteur « vit aux dépens de celui qui l’écoute » mais ne dit aucune parole intéressante pour des oreilles sages ; que le talent de revendre des idées mille fois vendues est méprisable. […] Il sert son génie au lieu d’abaisser son esprit à servir ses besoins matériels et les fantaisies de sa sensibilité ou de sa vanité. […] Elle a compris le devoir que lui imposent ses dons merveilleux et qu’elle serait coupable envers son génie si elle ne le complétait de talent. […] Tous ils s’abandonnent à ce délicieux et déchirant « mal de rêver qui est le génie des Bretons ». […] Et elle est, l’étonnante barbare, un génie créateur de rêves et trouveur d’images.

1351. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

De plus forts que lui avaient la peine (la force est faite pour cela, du reste), de porter comme l’orage de leur génie autour de leur nom et de leurs œuvres, lorsqu’il paissait une gloire agréable et tranquille, et, le croira-t-on ? […] Les Études sur les Pères de l’Église, si maigres et si superficielles, ne parurent savantes qu’aux ignorants, à ceux-là qui, nombreux alors et qui le sont encore aujourd’hui, n’avaient jamais ouvert ces livres merveilleux où l’Église a versé son génie par la plume de ses Docteurs et de ses Saints. […] Impossible à nier, cette particularité dans le génie de Pindare peut seule expliquer ce que j’ose appeler la mort de ses œuvres, que les traductions les mieux faites et la connaissance plus profonde et plus répandue de la langue grecque ne parviendront pas à ranimer, Il faut en prendre son parti : Pindare, malgré des qualités nettement supérieures, est un poète dont le sens intime est perdu. […] Il lui accorde ce qu’il a, des qualités de poésie extérieure, l’harmonie et surtout le nombre, mais, malgré le prestige d’Ancien que Pindare devait exercer sur le contempteur de Perrault, le critique du xviie  siècle, dont le goût ferme est une lumière qui ne vacille jamais, ne voit pas dans Pindare le poète colossal que voit Villemain dans ce Grec évidé et sonore, dont se détourna si naturellement le génie de Racine, grec pourtant aussi par tant de côtés, mais qu’on ne prenait pas seulement avec des sons ! […] Le lettré, dans Villemain, a-t-il trouvé que cet homme qui n’avait que du génie, dans sa puissante incorrection, déconcertait par trop son bon goût et sa plume d’académicien ?

1352. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Comme ils ont affaire à des peuples dont le génie s’est manifesté sur un théâtre plus ou moins vaste et à travers une durée plus ou moins longue, ils sont moins exposés à se tromper sur l’existence et la nature de caractères psychologiques qui se sont produits au grand jour de l’histoire. […] L’ethnographie de notre siècle est parvenue, soit par l’observation directe, soit par la science des langues et des idiomes, à des vues ingénieuses, instructives, souvent solides, sur les caractères essentiels du génie des races diverses qui peuplent le globe. […] Enfin, en rapprochant les monuments religieux et poétiques des divers peuples de la race sémitique, et en les comparant avec les monuments religieux et poétiques du même genre chez les grands peuples de la race âryane, les Indous, les Perses et les Grecs, l’ethnographie a découvert que le génie symbolique manque absolument à la race des sémites, dont la répugnance invincible pour la doctrine des incarnations est aussi connue que le goût des peuples âryans pour les symboles de toute espèce, naturels ou anthropomorphiques. […] Quelle autre science nous aurions du génie de la race nègre ou de la race jaune, si nous découvrions tout à coup des livres où tel esprit supérieur, tel philosophe, tel moraliste de ces races, eût essayé, même grossièrement, de faire l’histoire intime de ses sentiments et de ses passions, l’analyse de ses facultés ! […] Leibnitz a aperçu ces limites de la hauteur de son génie, lorsque, mettant en opposition l’activité prévoyante de l’esprit et l’aveugle fatalité du corps, il dit, dans sa langue énergique : quod in corpore Fatum, in animo est providentia .

1353. (1884) La légende du Parnasse contemporain

— un excès en amène un autre, — on nous accordera peut-être du génie, bien à tort, lorsque nous serons chauves, d’une façon définitive. […] C’est ce que nul ne saurait dire, ne saurait prévoir même ; c’est le secret des génies futurs. […] Chacun, selon son génie, peut y manifester sa pensée, y accomplir son œuvre. […] Ces jolis messieurs étaient persuadés qu’une chemise crasseuse et un gilet rouge à boutons de métal remplaçaient avantageusement le génie. […] Mais ils ont du génie, rien que du génie, et pas assez.

1354. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

On a maudit ses idées pendant sa vie ; on a tâché de dénigrer son génie après sa mort. […] Leur génie a beau monter haut, il a toujours les pieds plongés dans l’observation, et leurs plus folles comme leurs plus magnifiques peintures n’arrivent jamais qu’à offrir au monde l’image de leur siècle ou de leur propre cœur. […] Et comme on sent, en les lisant, qu’il leur eût fallu, ainsi qu’à Goëthe, l’aide de la culture publique et l’aptitude du génie national ! […] Si Goëthe a été le poëte de l’univers, Byron a été le poëte de la personne, et si le génie allemand dans l’un a trouvé son interprète, le génie anglais dans l’autre a trouvé le sien. […] C’est ici le sens vrai du poëme, et c’est à cela qu’aboutissent ce caractère et ce génie.

1355. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Hippolyte Parigot a insérée dans un volume intitulé Génie et métier. […] Le premier se haussa jusqu’à l’héroïsme ; le second fut une étonnante machine à écrire, toujours sous pression et prête à éclater ; le troisième atteignit les confins du génie. […] On voyait des hommes de génie qui étaient, en même temps, de beaux animaux. « Il faut jouir », disait le poète Laurent de Médicis. « Qu’il fait bon d’être nu !  […] Leur brillant génie ne jette qu’un éclat froid et mort, comme une neige illuminée par un soleil d’hiver. […] Ce génie et ce métier, mis ensemble, ont abouti à quelque chose d’anguleux, d’immobile et d’incohérent.

1356. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Et enfin cela était-il d’accord avec le génie de la nation, avec le génie de cette noblesse même qui aimait à sa manière à être un peuple, un peuple de gentilshommes ? […] Ce petit boudrillon voulait qu’on fît le procès à M. le duc du Maine, qu’on lui fît couper la tête, et le duc de Saint-Simon devait avoir la grande maîtrise de l’artillerie. — Voyez un peu quel caractère odieux, injuste et anthropophage de ce petit dévot sans génie, plein d’amour-propre et ne servant d’ailleurs aucunement à la guerre ! […] Je ne relèverai pas les autres injures de ce passage tout brutal : Saint-Simon y est appelé un dévot sans génie. Saint-Simon n’avait pas, il est vrai, le génie politique ; bien peu l’ont, et le marquis d’Argenson, avec tout son mérite comme philosophe et comme administrateur secondaire, n’en était lui-même nullement doué. […] Le génie de Saint-Simon, qui devait éclater après lui, rentrait tout entier dans la sphère des lettres : en somme, ce qu’il a dû être, il l’a été.

1357. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Allons maintenant, et tâchons de définir les caractères du génie celtique ! […] Supposé qu’il ait emprunté à Bulwer le sujet de son drame, le coup de génie a été justement de le dépayser ou de le transporter. […] Biré, c’est sur cette complaisance d’Hugo pour les « idées communes » que j’aurais d’abord insisté, comme formant l’un des traits à la fois de son caractère et de son génie poétique. […] On n’est pas insensible pour n’avoir voulu prêter sa voix qu’à la douleur ou à l’angoisse communes, au lieu de consacrer son génie à l’élégie de sa propre souffrance. […] « Gloire au génie hébreu ! 

1358. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Génie plus qu’à demi voilé, on n’y entrait qu’en y mettant du sien ; on ne le comprenait qu’en l’achevant. […] Votre domaine à vous est aussi l’intimité des sentiments ; mais, croyez-moi, vous avez à vos ordres le génie de la musique, des fleurs, des longues rêveries et de l’élégance. […] Si sévères que nous puissions être envers celui qui s’est trahi à nous dans toutes ses contradictions morales et ses misères personnelles, n’oublions jamais ce qu’on doit d’admiration à un tel peintre, à celui qui, à ce titre, est et demeure le premier de notre âge : car c’est le même homme exprimant comme on vient de le voir toute la poésie de la Rome catholique, qui a su peindre avec un égal génie et une variété d’imagination toujours sublime la forêt vierge américaine, le désert d’Arabie, et les ruines historiques de Sparte63 !

1359. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

— Changeons de carrière : Combien faut-il de Hoche, de Desaix, de Joubert, de ces héros moissonnés avant l’heure pour rehausser et grandir encore le général en chef consommé, qui conçoit, qui combine avec génie, qui dirige et résout, après se les être posés, les plus grands problèmes de son art ? […] Nobles sentiments, confiance inaltérée au génie de la Révolution ! […] Sans doute un homme, un guerrier mort à trente ans n’a pas donné sa mesure : il ne l’a pas donnée pour tous ses talents et ses mérites, pour tout ce qui s’acquiert par l’expérience ; mais comme génie, comme jet naturel, il s’est montré dans sa force d’essor, dans sa portée et sa visée première, s’il est à l’œuvre depuis déjà cinq ou six années.

1360. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Cet écrivain si distingué, le premier des critiques de guerre proprement dits, qui avait produit son ouvrage de génie à vingt-six ans, et que la nature fit naître par une singulière rencontre dans le temps où elle venait d’enfanter le plus merveilleux des guerriers (comme si elle avait voulu cette fois qu’Aristarque fût le contemporain et le témoin de l’Iliade), Jomini a éclairé, en fait de guerre, tout ce qu’il a traité ; mais il n’en est pas moins vrai que la narration précise, détaillée, de ces trois campagnes pyrénéennes, l’histoire et la description de chacune des opérations qui les composent, écrite d’après les pièces et documents originaux, et vérifiée point par point sur les lieux, restait à faire, et M.  […] Il allait se trouver en face d’ennemis capables de déjouer par leur exaltation l’expérience elle-même, et que le génie de la Révolution possédait. […] Il avait sous lui près de lui, un autre général à physionomie singulière, à caractère original, et qui fut plus heureux : c’était Dagobert de Fontenille, natif du diocèse de Coutances, noble de condition comme de Flers, mais enthousiaste, mais animé du génie de la guerre, vu de trop loin et imparfaitement connu jusqu’ici, et qui prend dans la suite des récits de M. 

1361. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Ticknor et de tout le monde, de revenir sur ce sujet inépuisable, sur le grand homme auteur du chef-d’œuvre, et qui, dans sa vie misérable et tourmentée, a su être, à force de bonne humeur et de génie facile, un des bienfaiteurs immortels de la race humaine : j’appelle ainsi ces rares esprits qui procurent à l’homme de bons et délicieux moments en toute sécurité et innocence. […] » Il ne se ressouvenait pas seulement d’Alger quand il écrivait ceci, il se reportait à tant d’autres circonstances qui avaient suivi cette ancienne infortune, et où il lui avait été dur de monter l’escalier et de manger le pain d’autrui ; mais il n’y mettait rien de l’amertume de Dante : génies égaux, mais différents et plutôt contraires ; incompréhensible variété de la nature ! […] Honneur avant tout aux génies inventeurs et féconds, à ceux qui ont réellement enfanté, qui ont augmenté d’un fils ou d’une fille de plus la famille poétique du genre humain !

1362. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Pour ceux qui, distraits des pures Lettres ou occupés ailleurs (comme il est permis), auraient besoin qu’on les remît sur la voie, je rappellerai qu’Eugénie de Guérin, sœur de Maurice de Guérin, de l’admirable auteur du Centaure, était son égale en dons naturels, en génie, sa supérieure en vertu, en force d’âme, son aînée vigilante et tendre, et qu’elle fut pendant neuf années sa survivante douloureuse, son Antigone ou son Électre, toute consacrée à sa mémoire et comme desservante d’un tombeau. […] J’ai dit autrefois dans un précédent article, j’ai redit ici même tout à l’heure que la sœur de Maurice avait un génie égal, sinon supérieur à celui de son frère : prenez génie dans le sens le plus naturel et le plus simple.

1363. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Un génie naturel décidé se tirerait de là, je le crois bien. […] Le hasard du génie y pourvoira. […] S’il est équitable en même temps que vrai génie, s’il est généreux, il dira à qui il doit le plus, et ce qui lui en semble parmi ceux qui lui auront frayé la route, qui lui auront préparé la langue poétique continue ; et sa parole fera foi.

1364. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Le plus grand triomphe du génie c’est de deviner la passion ; qu’est-ce donc qu’elle-même ? […] Il est quelques génies qui ont le droit de se croire utiles à leurs semblables, mais combien peu d’êtres peuvent se flatter de quelque chose de plus glorieux que d’assurer à soi seul la félicité d’un autre : des moralistes sévères craignent les égarements d’une telle passion. […] La nature et la société ont déshérité la moitié de l’espèce humaine ; force, courage, génie, indépendance, tout appartient aux hommes, et s’ils environnent d’hommages les années de notre jeunesse, c’est pour se donner l’amusement de renverser un trône ; c’est comme on permet aux enfants de commander, certains qu’ils ne peuvent forcer d’obéir.

1365. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Le génie & le travail ont épuisé, dans ces ouvrages, toutes leurs ressources. […] Il avoit toutes les prétentions ; celles de la plus haute naissance, du génie, de la figure, du courage, de l’homme à bonnes fortunes. […] Il avoit un génie heureux, le travail facile, la plaisanterie vive.

1366. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

C’est le type de la méchanceté jeune, grandiose, florissante, pleine de génie et d’avenir. […] Seul il a le génie, la gloire et la science infuse. […] Les plus généreuses races, les plus robustes génies n’auraient pu résister à son régime accablant. […] A peine distingue-t-on, dans les musées, le Génie Funèbre du Génie du Sommeil. […] Au XVIe siècle, Holbein résume avec génie ce cycle funèbre.

1367. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

À chaque époque, on en rencontre, de ces génies dont tout le monde parle, et qui ne sont lus de personne ! […] Ce qu’il écrivait, c’était la lie de son éloquence ; ce qu’il disait, c’était la fleur de son génie. […] mort cet illustre génie dont le nom seul faisait bondir la ville entière ! […] en quel lieu son génie et son aigle ont-ils poussé ce maître absolu de la vie et de la mort ?  […] Notre opinion, à nous, c’est le talent, c’est l’éloquence, c’est le génie.

1368. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Heureusement non, car les hommes de génie auraient alors trop d’avantages sur les autres, et cela serait tout à fait injuste. […] 1e Généralement l’homme de génie est un inquiet. […] 2e L’homme de génie est impropre aux affections de famille. […] Le royaume de Hilda ce sera le génie de son ami. […] Elle eut, dit-on, au plus haut point la grâce et l’esprit ; elle eut le génie de la chanson.

1369. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Il a l’habitude d’antidater ses pièces pour nous faire croire qu’il a eu du génie de très bonne heure. […] Il se trouvait par bonheur que ce beau jeune homme avait en effet du génie, qu’il en avait même autant qu’on en puisse avoir. […] Génies mélodiques, analogues au sien par la veine heureuse et la grâce. […] Toujours est-il que, Lamartine ayant eu par bonheur « du génie », sa « facilité » est un charme à quoi rien ne ressemble. […] Celui-ci, homme de lettres accompli, est comme la perfection et l’aboutissement du génie latin.

1370. (1895) Hommes et livres

Il a manqué, à notre premier tragique, le génie, surtout le génie littéraire. […] Et Corneille, ce chicaneur de génie, dispute le terrain pied à pied, à qui ? […] De génie inégal, ces deux hommes ont travaillé à la même œuvre. […] et que l’anthropologie même fût redevable à ce souple génie ? […] Assurément, et cela tient sans doute au génie de Molière.

1371. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Il a été secondé par les circonstances, et s’il a réussi, il le doit moins à son génie qu’à sa fortune41. […] Et quel rare génie poétique, c’est-à-dire créateur, faut-il donc pour reproduire sur la scène les hommes et les choses que nous voyons tous les jours ? […] Le trésor enfoui est toujours présent à l’esprit du spectateur ; il est là, comme un mauvais génie, qui tourmente l’avare jusqu’à le rendre fou. […] L’esprit fantastique est rare en France, et Legrand n’a dû qu’à son génie l’idée d’un genre alors absolument neuf ; car il est probable qu’il ne connaissait pas le théâtre comique des Grecs108. […] La gaieté sans but, véritable inspiration du génie comique.

1372. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

On n’a pas besoin d’attendre le retour d’Allemagne, et l’impression en recueil de ces correspondances avec des impératrices de Russie, des rois de Prusse, des électeurs de Hesse ou de Bade, qui portaient le génie de la France au dix-huitième siècle partout. […] Quant à vous, jeune entre ces deux vieillards, serviteur empêché de ces deux faiblesses, vous me parûtes un jeune Grec dévoué par bon goût à la vieillesse et au génie, entre Platon vieilli et une belle ombre d’Athénienne, recueillant sur les lèvres d’un siècle mourant les traditions du passé et les secrets de l’avenir. […] Vous avez toujours cette fine et douce expression intelligente et ces beaux cheveux blonds de notre jeunesse retombant en arrière comme une cascatelle du génie ; mais une redingote d’un drap sombre râpée, et dont les pans battaient les talons des souliers à la Dupin, un chapeau aux ailes usées et battues, désavouaient toute prétention à l’élégance extérieure, et n’en montraient que dans l’esprit. […] Écoutez votre génie, monsieur ; chargez votre muse d’en redire les inspirations, et, pour atteindre la renommée, vous n’aurez besoin d’être porté dans la casaque de personne. […] Dans un premier écrit sur le Romantisme en 1818, il avait dit : « … La France et l’Allemagne sont muettes : le génie poétique, éteint chez ces nations, n’est plus représenté que par des foules de versificateurs assez élégants, mais le feu du génie manque toujours ; mais, si on veut les lire, toujours l’ennui comme un poison subtil se glisse peu à peu dans l’âme du lecteur ; ses yeux deviennent petits, il s’efforce de lire, mais il bâille, il s’endort et le livre lui tombe des mains. » « Quelle fut donc ma surprise quand je reçus de lui, avec qui je n’avais eu d’ailleurs que des relations assez rares et de rencontre, une lettre ainsi conçue : « Après avoir lu les Consolations trois heures et demie de suite, le vendredi 26 mars (1830).

1373. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

La beauté, la vertu, le génie garderont à jamais leur secret. […] Il n’y faut qu’un beau génie, et la préméditation n’y est pas du tout nécessaire. […] Son génie trouble ceux qui lui cherchent des défauts. […] Là encore, M. d’Aurévilly est sauvé par son bon génie, par son enfantillage heureux. […] C’est alors que cet ascète déploya le génie d’un grand pasteur d’hommes.

1374. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Cela se vit vers 1811, lorsque Millevoye chantait et qu’on entendait le prélude encore éloigné, mais déjà sensible, de ce monde élégiaque nouveau, qui n’aura sa puissance de génie qu’avec Lamartine. […] Denne-Baron, distrait aux caprices, au laisser-aller d’une imagination réelle, mais vagabonde, n’eut point cette patience ardente qui donne au talent le droit de marcher à la suite des génies.

1375. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Et dans la Vie d’abord : il établit très bien qu’André Chénier n’a pas été un inconnu, un jeune poëte ignoré dont il était réservé à notre siècle de découvrir le génie. […] Ce fils et cet héritier des Grecs n’est point un Callimaque de moins de génie que d’art ; ce n’est point un Properce toujours difficile à lire, et qui, même dans ses nobles ardeurs, les complique et les masque de trop de doctes lectures : plus que Platen et comme Leopardi, il est de ceux dont l’âme moderne se laisse voir tout ardente à travers même les dépouilles de l’Antiquité dont elle s’enrichit ; il ne confond jamais l’érudition qu’il possède et qu’il maîtrise, avec la poésie dont il est possédé.

1376. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

À travers l’incohérence et la puérilité des Études de la nature, on y découvre la matière d’un chef-d’œuvre, qui s’est fait : le Génie du christianisme. […] Il n’a eu à trouver que l’idée très simple, l’idée de génie par laquelle la niaiserie philosophique est devenue efficace et profonde.

1377. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

On ne peint bien que son propre cœur, en l’attribuant à un autre ; et la meilleure partie du génie se compose de souvenirs. […] Ces hardiesses, lorsqu’elles sont bien sauvées, comme les dissonances en musique, font un effet très brillant ; elles ont un faux air de génie : mais il faut prendre garde d’en abuser : quand on les recherche, elles ne deviennent plus qu’un jeu de mots puéril, pernicieux à la langue et au goût.

1378. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Il est noble, majestueux, et tout à la fois plein d’innocence et de génie ; il est tel que le peignent les livres saints, digne d’être respecté par les anges et de se promener dans la solitude avec son Créateur. […] Alors le génie seul, et non le corps, devient amoureux ; c’est lui qui brûle de s’unir étroitement au chef-d’œuvre.

1379. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Passons, passons ; mais n’oublions pas que l’artiste qui traite ces sortes de sujets s’en tient à l’imitation de nature ou se jette dans l’emblème, et que ce dernier parti lui impose la nécessité de trouver une expression de génie, une physionomie unique, originale et d’état, l’image énergique et forte d’une qualité individuelle. […] Rien de cette chaleur du génie qui crée.

1380. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Élisabeth, dans Forneron, est la fausse Reine, — la vraie, ce fut Burleigh et Walsingham, — la fausse vierge, la fausse savante, le faux génie et l’odieuse Harpagonne, qui s’assit bassement sur ses trésors, quand toute l’Angleterre se soulevait de patriotisme, lorsqu’il fallut armer une flotte et l’opposer à l’Armada, et qui garda tout, même son prestige, aux yeux de l’Angleterre, dans cet accroupissement honteux. […] Dans l’Histoire, le génie militaire arrive toujours à l’heure nécessaire pour finir les Démocraties… S’il n’avait fait que cela du temps d’Henri IV !

1381. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Ce n’est pas même un livre, ce sont des pages inspirées, arrachées à l’âme comme ses cris et ses larmes, et dans lesquelles l’Amour, sans le savoir, a produit ce que l’Art, qui le sait, produit dans les œuvres des hommes de génie ! […] Depuis Pascal et madame de Sévigné, il fut encore des succès faciles et des livres dont on peut expliquer la tranquille possession d’état parmi les œuvres qu’on ne discute plus, sans avoir recours au phénomène du génie.

1382. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Et Beaumarchais, avec les deux chefs-d’œuvre de légèreté dont il orna le théâtre, et le troisième (ses Mémoires), dont il orna la littérature, eut tout son génie en gaîté, dans la plus vraie et la plus vive acception du mot, — et ni la satire politique qu’il aiguisait, de toutes les satires la plus cruelle, ni le craquement d’un monde qui s’en venait bas et dont il précipita, lui aussi ! […] Le prince de Ligne, le plus Français des hommes par le génie, était Belge ; pourquoi la plaisanterie d’Henri Rochefort, qui est parfaitement Français, ne serait-elle pas anglaise ?

1383. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

De choix et de réflexion, il préfère, par exemple, le latin barbare du Moyen Âge au latin du siècle d’Auguste, et met Lucain au-dessus de Virgile, qu’il déshonorerait de sa critique si un génie comme Virgile pouvait être jamais déshonoré. […] Une tête humaine, eût-elle du génie et si faussée qu’elle soit, n’importe guères à l’humanité.

1384. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Les hymnes de Callimaque offrent les mêmes beautés et les mêmes défauts ; on y voit le génie esclave de la superstition, et des erreurs populaires chantées avec autant d’harmonie que de grâce. […] Génie de la nature, dans les cieux, sur la terre, sur les mers, rien ne se fait, ne se produit sans toi, excepté le mal qui sort du cœur du méchant.

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