Cependant Libanius n’alla jamais depuis au palais de Julien, sans être appelé. […] Son extérieur était simple, son caractère ne l’était pas ; ses discours, ses actions avaient de l’appareil et semblaient avertir qu’il était grand ; suivez-le, sa passion pour la gloire perce partout ; il lui faut un théâtre et des battements de mains ; il s’indigne quand on les refuse ; il se venge, il est vrai, plus en homme d’esprit qu’en prince irrité qui commandait à cent mille hommes, mais il se venge ; il court à la renommée, il l’appelle ; il flatte pour être flatté : il veut être tout à la fois Platon, Marc-Aurèle et Alexandre57. […] Le paganisme, trop faible, avait appelé la philosophie à son secours ; et la philosophie, sentant qu’il fallait réparer l’édifice pour le conserver, des débris de l’ancien système religieux, en avait presque formé un nouveau.
Voyageur en Asie et chez les peuples qu’on appelait hyperboréens, il en rapporta dans la Grèce des traditions nouvelles. […] Cependant, à Delphes, ses adorateurs, désespérés de ce retard, célébraient des solennités et des danses autour du trépied sacré, pour appeler la présence propice du dieu. […] Bien vite ils arrivaient ; et toi, déesse, souriant de bouche divine, tu demandais quel mal j’ai souffert, pourquoi je t’appelle et ce que je veux qui soit fait pour ma folle ardeur, quelle persuasion, quels filets à captiver l’amour je veux avoir. — Qui donc, ô Sapho !
Il n’y avait pour les juifs, après la mort, qu’une sorte de néant sombre qu’ils appelaient le Schéol. […] Estève et Gaudion l’appellent le mal de l’au-delà, mais elle me semble plutôt se confondre avec le dégoût général de la vie. […] Qu’importe, alors, ce que nous appelons la chute des jours ou la chute des feuilles ? […] C’est cette divagation pourtant que l’on a appelé raison, sagesse, moralité. […] Porta l’appelle aussi dactylon et ischaemus.
Courteline — Boubouroche excepté — soit ce que l’on appelle communément du Théâtre. […] * * * Nous appelons habileté, chez M. […] Bataille appelle : des absences très artistes d’indications de scène . […] Marcel Boulenger, celles que nous appellerons ses œuvres mineures. […] Du linge à l’âme elles appellent son étude, et si elles ont de quoi rattacher, du moins leur manque-t-il de l’aveugler.
Notre curé en parlait un jour avec M. le châtelain : il appelait cela la Digne ou la Ligue, ou la Figue, enfin quelque chose en igue. […] « Ce n’est pas seulement le culte de la déesse Raison dont nous ne voulons pas : nous ne voulons rien de nouveau, rien, ce qui s’appelle rien. […] Sa parole semblait aller libre et mordante, sa pensée était sûre, sa vie grave ; vraiment religieux dans la pratique, il n’avait rien de ce qu’on appelle dévot. […] A mesure qu’il s’en éloigne, il va s’enfonçant dans la prédiction ; il croit sentir en lui je ne sais qu’elle force indéfinissable, ce que nous appellerions l’entrain d’une grande nature en verve. […] Et il sent l’antiquité non-seulement dans Aristote, non-seulement dans Platon et Pythagore, mais jusque dans celui qu’il appelle, avec un mélange de respect et de charme, le docte et élégant Ovide.
La femme d’un de nos auteurs en vedette, un peu dépitée de l’admiration de son mari pour sa beauté, l’appelle « une héroïne de roman du Petit Journal ». […] Cela ne l’avait pas découragé, il avait continué à acheter des vaches, mais n’y connaissant rien, il achetait des vaches appelées robinières, des vaches ayant de vilaines mœurs, et ne donnant pas de lait. […] Il passait tous les hivers à la prison, qu’il appelait sa maison de campagne, s’y faisant enfermer à la suite de frasques, semblables à celle-ci. […] Et il se roule devant le manque d’esprit de mon frère, dont il appelle les jolis mots, des niaiseries. […] Eh, Monsieur Sarcey, ce que vous appelez prétention, c’est seulement de l’application, c’est l’effort de bien faire.
Après quelque emploi en province, il fut appelé à Paris, où il devint chef de bureau à l’administration centrale. […] Nous sommes dans une forêt de vaste savoir où bien des routes pratiquées en tous sens nous appellent ; nous les indiquons du doigt sans y pénétrer, et nous arrivons peu à peu à notre objet principal. […] Littré ne s’est pas effrayé de ces bizarreries chez celui qu’il appelle son maître, et il a pensé que la partie neuve, originale et utile de la doctrine était plus que suffisante pour couvrir et racheter le reste. […] Nous sommes très longs en France, même dans ce qu’on appelle la région intellectuelle, à apprécier ce qui ne brille pas d’abord, et il n’y a que bien peu de temps que nous épelons Spinoza. […] Comme il n’est pas docteur, dès qu’il se rencontre un cas grave, il ne décide de rien sans appeler un homme de l’art ayant diplôme.
Mais sans y viser directement et à brève échéance, des comitards d’un autre lieu ont bien imprudemment provoqué ce que vous appelez une guerre. […] C’est pourquoi la meilleure conversation y est celle des femmes et s’appelle le flirt. […] Paul Oui, mais, ayant travaillé exactement comme en temps ordinaire, je n’appelle pas cela des vacances. […] Pierre En somme, ce qu’on appelle une enquête, c’est une série de lettres ou d’interviews. […] Paul Comme la corde… On utilise partiellement — et partialement — ses Origines de la France contemporaine, mais on jette par-dessus bord ce qu’on appelle son scientisme.
Et l’on appelle cela un monde ! […] Méphistophélès revêt la robe et la figure du docteur ; il reçoit l’étudiant ; il répond à ses questions sur la logique, la métaphysique, la jurisprudence, la médecine, en embrouillant tellement la tête du jeune homme de définitions scolastiques et absurdes que Pascal lui-même ne démontrerait pas mieux le néant emphatique de l’esprit humain et la vanité sonore de ce que nous appelons savoir. […] « Tu appelles cela », lui dit-il, « un plaisir surnaturel ? […] Racine lui-même, qu’on appelle tendre, a-t-il soupiré ainsi dans Esther ? […] Marguerite descend cependant pour recevoir le dernier soupir de son frère adoré ; il la reconnaît avec horreur, l’appelle des noms les plus infâmes en présence de toute la ville, et meurt intrépide en la maudissant.
Asti ressemble à Mâcon, au luxe près des belles maisons, que l’emphase italienne appelle palais. […] Concevoir une tragédie, ce que j’appelle ainsi, c’est donc distribuer mon sujet en scènes et en actes, établir et fixer le nombre des personnages ; puis, en deux petites pages de mauvaise prose, résumer, pour ainsi dire, scène par scène, ce qu’ils diront et ce qu’ils doivent faire. […] J’appelle enfin versifier, non-seulement mettre la prose en vers, mais, avec un esprit à qui j’ai laissé le temps de se reposer, choisir parmi les longueurs du premier jet les pensées les meilleures, les élever à la forme et à la poésie. […] Il signor principe, ainsi l’appelaient les Romains, continuait à chercher dans le vin l’oubli de ses infortunes, et une fois ivre il battait ses gens, ses amis, les lords et les barons de sa cour, comme il battait à Preston-Pans les soldats du général Cope. […] Quant à la reine Louise, le peuple romain, pour ne pas lui enlever tout à fait sa royauté, l’appelait la “reine des apôtres”, du nom de la place où était situé le palais Muti, occupé depuis un demi-siècle par les descendants de Charles Ier.
Je lui ai dit ce que je pensais de ses articles de critique de Francfort, et je les ai appelés « des échos de ses années d’Université » ; cette expression a paru lui plaire, parce qu’elle indique le point de vue sous lequel on doit considérer ces travaux de jeunesse. […] Nous restâmes encore quelques instants seuls et nous allâmes dans la pièce que l’on appelle la salle du Plafond, où je fus surtout séduit par le tableau des Noces Aldobrandines, suspendu à la muraille au-dessus du canapé rouge. […] À cause de ma haine pour les révolutions, on m’appelait un ami du fait existant. […] Puis on m’appela dans le cabinet de l’Empereur. […] J’hésitais à entrer, on m’appela une seconde fois.
Caïrbar comprit que l’ennemi s’avançait, et appela les chefs de son armée. […] Les guerres de Fingal m’appelèrent. […] Salgar, Salgar, c’est moi qui t’appelle ! […] Écoute, Armar, écoute, c’est Daura qui t’appelle. » Le perfide Erath regagne le rivage en éclatant de rire. Elle élève la voix, elle appelle son frère, son père : « Arindal !
Parmi les dîneurs, deux revenants : Gautier très pâle, ses yeux de lion encore plus affaissés ; Claude Bernard, qui a le masque d’un homme qu’on a retiré de son tombeau… Et la conversation s’en va au mariage moderne, ce mariage sans cour, sans flirtation aucune, ce mariage brutal, cynique que nous appelons un viol par-devant le maire, avec l’encouragement des parents. […] » * * * — Du moment que, cette fois-ci, deux poètes se présentaient à l’Académie : l’un qui s’appelait Autran, l’autre qui s’appelait Théophile Gautier, et que l’Académie a choisi Autran, ma conviction est qu’elle est composée de crétins, ou de véritables malhonnêtes gens. […] Sa verve, encouragée par l’agrément du milieu et des personnes, l’épanouissement de ce fonds de courtisan du xvie siècle qui en lui, sous la caresse de ce qu’il appelle si délicatement l’amitié voluptueuse de la princesse, s’est déboutonné en une énorme éloquence. […] Car nous appelons amoureux, celui-là seul qui se ruine pour la passion de ce qu’il aime : femme ou chose, objets d’art animés ou inanimés. […] Il nous dit que c’est son fils, arrêté par des migraines dans une vocation de peintre en bâtiment, tourné au théâtre, jouant dans les localité riveraines de la Seine, et peut-être appelé prochainement aux Variétés.
Il n’ignore pas non plus ce que Cuvier appellera la corrélation des formes ; il signale un grand nombre de ces corrélations qui depuis sont restées dans la science. […] Aristote tient légitimement compte de ce qu’on pourrait appeler le moral des bêtes, et l’auteur distingué des Prolégomènes à la psychogénie moderne, M. […] C’est avec une complaisance évidemment sympathique que le grand observateur s’étend sur l’industrie des abeilles qu’il appelle φρονιμά, les sages, et qu’il fait participer à cette âme noétique, à cette intelligence active directement venue du ciel, et dont la nature est divine. […] « Les hémiones, dit-il, constituent une espèce distincte (dans le genre des lophures), puisqu’ils s’accouplent entre eux et que leur accouplement est fécond. » Et il ne considère comme appartenant à une même espèce que les individus descendus d’ancêtres communs, car il appelle aussi homophyles (de même souche) les individus qui se ressemblent par la forme. […] » De cette officine de tous les arts, comme Cicéron appelle l’école péripatéticienne, le plus grand ouvrier fut Théophraste, l’auteur des Caractères.
La Raison fut la pioche dont on lui apprit à se servir pour creuser sa niche à même ce qu’on appelait sans modestie culture, civilisation. […] C’est là et non dans le coma paisible, le radotage sans fin des après déjeuner et, comme le constate André Breton dès la seconde page du Manifeste du surréalisme : « Réduire l’imagination en esclavage, quand bien même il y irait de ce qu’on appelle grossièrement le bonheur, c’est se dérober à tout ce qu’on trouve au fond de soi de justice suprême. […] J’appellerai aussi le « mauvais tour de Lafcadio » les combinaisons plus ou moins conscientes d’actes qu’on nous propose comme modèles du gratuit, sans que d’ailleurs, aussi bien pour Gide que pour Dostoïevsky, nous ayons le droit de reprocher à ces auteurs une influence que des lecteurs trop hâtifs les forcent d’avoir. […] Les annales criminelles qui lui fournirent ce que les critiques appellent un sujet, dans leur brutalité officielle, n’avaient même pas cette valeur objective intangible, objet de la foi positiviste, puisqu’il put en dérouler la bouleversante suite de récits, de pensées, d’images que l’on sait. […] Des hommes en d’autres temps avaient la joie de planter des arbres qu’ils appelaient arbres de la liberté.
Ma composition seroit pleine de vie, de variété et de ce que les artistes appellent ragoût. […] Gare la requête qui suivra.) et vous appelez cela la jouissance du souverain des dieux, et de la première des déesses ! […] Ni esprit, ni dignité, ni passion, ni poésie, ni mensonge, ni vérité. çà, maître La Grenée, car je ne l’appellerai jamais autrement, place-toi devant ton propre ouvrage et dis-moi ce que tu en penses. […] J’en appelle à vos réflexions mêmes sur la peinture. […] L’appellerons-nous la routine de bien faire des piés et des mains, une bouche, un nez, un visage, une figure entière, même de faire sortir cette figure de la toile ?
Ce qu’on appelle ordinairement un fait, ce n’est pas la réalité telle qu’elle apparaîtrait à une intuition immédiate, mais une adaptation du réel aux intérêts de la pratique et aux exigences de la vie sociale. […] Mais chez l’homme, être pensant, l’acte libre peut s’appeler une synthèse de sentiments et d’idées, et l’évolution qui y conduit une évolution raisonnable. […] Établir ces rapports tout particuliers entre des portions ainsi découpées de la réalité sensible est justement ce que nous appelons vivre. […] Laissant de côté les difficultés d’ordre psychologique, nous nous bornerons à appeler l’attention sur un autre point, qui est pour nous l’essentiel. […] Ces deux termes, perception et matière, marchent ainsi l’un vers l’autre à mesure que nous nous dépouillons davantage de ce qu’on pourrait appeler les préjugés de l’action : la sensation reconquiert l’extension, l’étendue concrète reprend sa continuité et son indivisibilité naturelles.
Il excelle dans ce que je pourrais appeler l’analyse dramatique. […] L’esprit des sommets l’appelle et l’encourage. […] J’appelle procédé toute recherche excessive ou singulière de la forme. […] L’enfant s’appelait Paul. […] Vite, éveille-toi, Dieu t’appelle.
Écœurement de ce qu’un historien des fabliaux vient d’appeler « la monotonie de l’obscénité humaine » ? […] En famille, on l’appelait ban, vieux mot du pays qui signifie à peu près « cancre ». […] Non certes, et ce que nous appelions, il y a un instant, l’idée de l’homme implique davantage. […] Et comme la mort était cela pour lui, il se prit à l’aimer d’amour, à la désirer, à l’appeler comme une maîtresse. […] On appelait ainsi le parquet.
Il aime appeler à son service les mots imprévus, — on pourrait presque dire saugrenus. […] Il appelle leurs tons du sein du désordre ; il les tente avec subtilité, il les invite à se reformer. […] Il ne faut plus l’appeler : idée. […] Appelées par le monde, ses confuses amours s’agitent, se déplient. […] Mais il l’appelle liberté ; et du même coup s’aperçoit que cette liberté nous fait cruellement défaut.
C’était ce qu’on pourrait appeler un sentiment littéraire. […] C’est là ce qu’ils appellent, dans leur niais orgueil, une “hautaine satisfaction”. […] Ils peignent un champ de la même manière, en répétant un unique brin d’herbe jusqu’à ce que tout l’espace soit couvert ; c’est ce qu’ils appellent la nature. — Par Jupiter ! […] Que le moule qu’il choisit soit ou non reconnu par ce qu’on appelait jadis la théorie des genres, il ne s’en inquiète guère. […] » Cela va si loin que, quelquefois, effrayé de l’ardeur de ses propres enthousiasmes, l’écrivain doute de lui-même, en appelle au témoignage de ses amis, regrette, par exemple, que M.
Cela donne envie de les appeler Normes. […] ne pourrait s’appeler un mélodrame. […] Eh bien, j’appelle mélodrame, en me tournant vers M. […] C’est ce qu’on pourrait appeler faire du Corneille par prétérition. […] Il fait appeler la reine. « Un de mes fils me trahit… » — « Xipharès !
Morale, aussi, car je ne compterais pas pour rien l’assurance donnée à tous qu’ils cessent de participer à ce qu’on a appelé le meurtre légal. […] Qu’ils s’appellent comme ils voudront, ils ne nous feront pas moins rire. […] L’autre jour on découvre un enfant atteint de la maladie appelée « écriture en miroir », c’est-à-dire qu’il voit et qu’il reproduit les objets renversés. […] Et il y a des gens qui regrettent ces mœurs et qui appellent l’époque où elles dominaient, le bon vieux temps ! […] Les Romains n’avaient point de bâtiments industriels, ni les Grecs, ni les Assyriens ; donc une chose appelée imprimerie, même nationale, ne mérite aucun souci.
Ce n’est plus de la poésie, c’est de l’éloquence, c’est ce que Buffon appelait des vers beaux comme de belle prose. […] Le public goûte peu ce qu’on a assez mal appelé l’art pour l’art, ce qu’on ferait mieux d’appeler l’art pour le beau ; entendez : uniquement pour le beau. […] Une seule chose leur manque à presque toutes : le don du pittoresque, ce que M. de Goncourt appelle « l’écriture artiste ». […] Brunetière exige ce qu’il appelle « la vérité humaine ». […] Mais, à vrai dire, il jouit du monde entier, et chez lui le sentiment de la nature et l’amour s’appellent et se confondent.
Il ne se trompe certainement pas lorsqu’il montre les grands, les nobles, le haut clergé, les femmes à la mode, ceux qu’on appellera aristocrates quelques mois plus tard, commencer par être les vrais démocrates, désirer un changement dans le gouvernement, y pousser à l’aveugle pour se procurer chacun plus de crédit dans sa sphère, se comporter en un mot comme des enfants qui, en maniant des armes à feu, se blessent et blessent les autres : « Ces aristocrates, dit-il, sont les véritables auteurs de la Révolution ; ils ont enflammé les esprits dans la capitale et les provinces par leur exemple et leurs discours, et n’ont pu ensuite arrêter ou ralentir le mouvement qu’ils avaient excité. » La bourgeoisie française a fait depuis, et sous nos yeux, ce que l’aristocratie avait fait alors ; ç’a été la même répétition, et selon le même esprit, à un autre étage. […] Il sent tous les dangers et toutes les chimères de la prétendue perfectibilité ; il n’est nullement opposé d’ailleurs à ce qu’on appelle lumières : il voudrait les voir s’étendre là seulement où il faut ; et, comme il l’a dit, la question n’est pas de savoir s’il faut tromper les hommes, et à quel point il faut les tromper, « mais seulement à quel point il faut tâcher d’arrêter la curiosité humaine ». […] L’heure d’Aladin a sonné ; il est appelé par le Sultan, il sauve l’État, il repousse l’ennemi par son habileté et même sans livrer de bataille, puis il se retire à temps loin de la ville et de la Cour, au sein de l’amitié et des lettres : « Les grands hommes sont comme les remèdes actifs, qu’il ne faut employer que dans les grandes occasions. » M. de Meilhan tarda peu à émigrer. […] Pendant l’émigration, et dans le temps qu’il voyageait en Italie, M. de Meilhan fut appelé en Russie par l’impératrice Catherine qui, sur sa réputation et d’après la lecture de ses ouvrages, voulait faire de lui son historien et celui de son empire.
Il faut qu’un souverain, qu’un ministre connaisse la moralité des hommes des diverses classes de la société, et un militaire appelé au commandement doit connaître à fond l’homme-soldat. […] Mais ce qu’on sait moins, ce qu’un observateur moraliste peut seul avoir saisi sur le fait et nous rendre ensuite comme il l’a senti, c’est quel était au moment même et quelques heures après, dans cette même soirée, l’effet de cette scène déplorable sur ce qu’on appelait la bonne compagnie, qui n’est bien souvent qu’une autre espèce de peuple. […] Selon lui, elle n’était nullement nécessaire avant d’éclater, elle était évitable ; elle a été purement accidentelle, en ce sens que « le caractère de ceux qui ont eu part à l’ancien gouvernement (à commencer par le caractère du roi, ennemi de toute résistance) a été le seul principe de la totale subversion de ce gouvernement » ; mais ce caractère de quelques personnes étant donné, et la faiblesse de l’opposition qu’elle rencontrera étant admise au point de départ, M. de Meilhan est bien d’avis que la Révolution en devenait un effet presque nécessaire : « Sa marche, dit-il, a été déterminée et hâtée par cette faiblesse ; le défaut de résistance a rendu tout possible, et, semblable à un torrent qui ne trouve aucune digue, elle a tout dévasté. » Il ne croit donc pas que la Révolution soit directement sortie des écrits de Rousseau ni de ceux des encyclopédistes, comme on le répète souvent, ni qu’elle découle de causes aussi générales : Si l’on suit attentivement la marche de la Révolution, il sera facile de voir que les écrivains appelés philosophes ont pu la fortifier, mais ne l’ont pas déterminée ; parce qu’une maison a été bâtie avec les pierres d’une carrière voisine, serait-on fondé à dire qu’elle n’a été construite qu’en raison de ce voisinage ? […] Il appelle à son aide les différents faits analogues dans l’histoire ; il discute les divers cas, le possible et le vraisemblable ; il est bien résolu en ceci, qu’il pense que la contre-révolution ne peut se faire qu’en France : mais de quelle manière y arriver ?
Du Fay en vient à toucher et définir la qualité qui est peut-être la plus singulière chez Henri IV, la plus royale qualité et la plus éloignée de tyrannie, mais qu’il pousse jusqu’à l’excès et au défaut : C’est qu’il est le plus doux, le plus pardonnant et le plus oublieux d’injure qui fut oncques… Je l’appelle douceur, mais je te jure que si je pouvais et osais, je lui donnerais un autre nom, car elle passe par-dessus la raison. […] » Henri IV a plus que le bon sens qui plante ses jalons sur la route ; il a l’éclair et l’illumination dans les périls, le rayon qui semble venir d’en haut : Les ignorants, conclut Du Fay, appelaient cela bonheur et félicité ; mais nous qui savons la vérité le devons nommer grâce et faveur de Dieu le grand monarque, le Dieu des batailles, et en tirer de là une conclusion nécessaire, que ce grand ouvrier ne fait rien à demi, et que, puisqu’il a si heureusement commencé son ouvrage en ce petit berger, il l’achèvera entièrement à sa gloire. […] Quand le soleil, sur les six heures du soir, commençait à perdre la force de ses rayons, on nous menait promener vers le champ des moissonneurs, et ma mère y venait aussi bien souvent elle-même, ayant toujours mes sœurs et quelques-unes de mes tantes avec elle… Elles s’allaient toutes reposer en quelque bel endroit d’où elles prenaient plaisir de regarder la récolte, tandis que nous autres enfants, sans avoir besoin de ce repos, nous allions nous mêler parmi les moissonneurs, et, prenant même leurs faucilles, nous essayions de couper les blés comme eux… Après la moisson, les paysans choisissaient un jour de fête pour s’assembler et faire un petit festin qu’ils appelaient l’oison de métive (c’est le mot de la province) ; à quoi ils conviaient non seulement leurs amis, mais encore leurs maîtres, qui les comblaient de joie s’ils se donnaient la peine d’y aller. Quand les bonnes gens faisaient les noces de leurs enfants, c’était un plaisir d’en voir l’appareil ; car, outre les beaux habits de l’épousée, qui n’étaient pas moins que d’une robe rouge et d’une coiffure en broderie de faux clinquant et de perles de verre, les parents étaient vêtus de leurs robes bleues bien plissées, qu’ils tiraient de leurs coffres parfumés de lavande, de roses sèches et de romarin ; je dis les hommes aussi bien que les femmes, car c’est ainsi qu’ils appelaient le manteau froncé qu’ils mettaient sur leurs épaules, ayant un collet haut et droit comme celui du manteau de quelques religieux ; et les paysannes, proprement coiffées, y paraissaient avec leurs corps de cotte de deux couleurs.
Eckermann n’avait en lui rien de supérieur ; c’était ce que j’ai appelé ailleurs une de ces natures secondes, un de ces esprits nés disciples et acolytes, et tout préparés, par un fonds d’intelligence et de dévouement, par une première piété admirative, à être les secrétaires des hommes supérieurs. […] Il ne créait plus, je n’appelle pas création cette seconde et éternelle partie de Faust, — mais il revenait sur lui-même, il revoyait ses écrits, préparait ses Œuvres complètes, et, dans son retour réfléchi sur son passé qui ne l’empêchait pas d’être attentif à tout ce qui se faisait de remarquable autour de lui et dans les contrées voisines, il épanchait en confidences journalières les trésors de son expérience et de sa sagesse. […] Vous connaissez Fürnstein, que l’on appelle le poëte de nature. […] Moi-même il m’est arrivé de l’appeler en un endroit « le Talleyrand de l’art », voulant indiquer par là qu’il tirait à temps son épingle du jeu et qu’il était homme à tricher quelquefois avec les passions mêmes qu’il exprimait.
J’appelle inventer en pareil cas, venir supposer, après coup, à un vieil auteur de qui l’on n’avait jamais entendu parler, un talent dont les preuves, tardivement produites, sont plus que douteuses, et une signification, une importance qu’il n’a jamais eue à aucun moment parmi ses contemporains. […] Francis Wey,, dans un spirituel Rapport adressé au Comité des travaux historiques51, a cité de ce poème des vers descriptifs fort exacts sur l’avalanche, sur sa formation et sa marche ; mais là encore ce qui domine chez Peletier, dans cet ouvrage qu’on a bien fait de réimprimer et qui est, en effet, une curiosité locale, je le demande, est-ce bien le poète, celui qui mérite qu’on l’appelle et qu’on le salue de ce nom, et n’est-ce pas plutôt le savant encore, l’observateur, le physicien et le curieux de la nature ? […] Elle s’y fit remarquer par sa vaillance, son adresse à gouverner un destrier et à faire le coup de lance ou d’épée. — « Qui m’eût vue lors, nous dit-elle, m’eût prise pour Bradamante ou pour la haute Marphise, la sœur de Roger. » On l’appelait dans l’armée le Capitaine Loys. […] Honneur donc et place à part entre les poètes du xvie siècle à la belle Cordière, à cette « Nymphe ardente du Rhône », comme on l’a appelée, dont les vers, paraissant dans le temps du premier lever de la Pléiade, n’en dépendent pas, n’en relèvent pas, et ne connaissent d’autre astre que l’Étoile de Vénus !
C’est le même homme qui, quelques années après, étant allé en Russie pour y peindre de hauts personnages et des batailles, disait à propos du progrès factice et forcé dont il était témoin : « On est ici comme en Egypte, sur une boursouflure qui, tôt ou tard, s’enfoncera. » J’appelle cela du bon sens d’observation. […] je ne vois que des maisons de bois et des espèces de grosses tourtes entourées plus ou moins de chandelles qu’on appelle mosquées et minarets, mais rien de ce pittoresque, rien de cette originalité de cette belle Syrie, rien de cette brutalité de l’homme qui donne du charme et fait ressortir les œuvres de la civilisation ; tout est rond, tout est mou, c’est le sérail de la pensée ; enfin je me sens énervé, et il ne faudrait pas longtemps pour que mes idées prissent du ventre comme tous les vilains Turcs que je rencontre dans les rues. » Et dans un mouvement lyrique relevé de jurons militaires, il se met tout d’un coup à les apostropher, à les traiter comme à une descente de barrière on traiterait des Turcs de mardi gras ; c’est tout un feu d’artifice d’injures qui se couronne par un bouquet en faveur des Arabes : « Chers Arabes, votre pou, votre puce (quoique souvent incommode), valent mieux que les parfums de vos indignes ennemis ! […] C’était pourtant une situation délicate que de se trouver, lui, peintre militaire, peintre de l’armée française et appelé comme tel, au milieu d’une Cour dont la politique était si peu favorable à la France. […] Un jour, à ce qu’on appelle un thé militaire, c’est-à-dire à une réunion de tous les officiers supérieurs dans un jardin où l’impératrice leur offrait un régal, l’empereur, après avoir pris la main d’Horace et la lui avoir tenue pendant un assez long temps, en lui parlant de ce qui venait de se passer pendant les manœuvres, s’était retourné et avait dit aux officiers : « Messieurs, Vernet fait partie de mon État-major, et je mets à l’ordre qu’il sera libre de faire tout ce que bon lui semblera dans le camp. » Prestige de notre gloire militaire qui se réfléchissait jusque sur son peintre !
C’est le devoir de quiconque touche sur quelque point à l’histoire de s’appliquer à dégager des mauvais actes, des mauvaises paroles, des emportements et des égarements de passion ou des erreurs de système, les services rendus à cette chose durable et sacrée qui s’appelle la Patrie ou l’État. […] Sortions-nous pour aller au marché ou en quelque autre lieu où nos besoins nous appelaient, nous étions assaillis d’une grêle de pierres, ordinairement précédée d’un torrent d’injures. […] Je me félicite de pouvoir conserver avec vous à un autre titre des relations que votre zèle et vos lumières me rendent précieuses, et je ne doute point que lorsque je vais mettre sous les yeux des Consuls le compte rendu de votre gestion jusqu’au 1er vendémiaire prochain, je ne doute point qu’ils ne m’autorisent à confirmer ce témoignage de confiance et d’estime. » Tel fut le point de départ des nouveaux services que Jean-Bon était appelé à rendre et des approbations qu’il allait continuer de mériter dans un exercice de plus de dix années. […] pour le groupe montagnard auquel il appartint, de faire en lui la part de l’exaltation et celle de l’honnêteté ; car Jean-Bon, pour parler sans rhétorique, m’a semblé, malgré ses erreurs, malgré son emportement révolutionnaire, constituer un bon Français et, en définitive, ce qu’on peut appeler un brave homme dans sa nature foncière, dans son intime et dernière forme.
Il y a eu un temps, non encore très éloigné, où lorsqu’il y avait pour le Gouvernement, par exemple, à écrire quelque pièce publique et d’apparat, on cherchait ce qu’on appelait une belle plume ; où l’on recourait à un Pellisson, à un Fontenelle, à un Fontanes, pour mettre en belles phrases une instruction, un manifeste politique, pour rédiger un rapport. […] Or, en mourant, en redevenant de plus en plus un chrétien fidèle et contrit à ses dernières heures, en offrant à Dieu le sacrifice de tout, il eut pourtant un dernier regret, une tentation suprême, et cette tentation, comme il l’appelait en effet, est d’un ordre trop élevé et trop épuré, d’une qualité trop subtile, elle fait trop d’honneur et à lui et à notre littérature en particulier, pour ne pas être connue et racontée, si singulière qu’elle nous puisse paraître. […] De là l’idée qui est graduellement venue de ne plus s’en tenir exclusivement à ce qu’on appelait la critique du goût, de creuser plus avant qu’on n’avait fait encore dans le sens de la critique historique, et aussi d’y joindre tout ce que pourrait fournir d’éléments ou d’inductions la critique dite naturelle ou physiologique. […] — les enfants, ces fleurs douées d’intelligence, ces fleurs dont le parfum s’appelle amour !
Ce personnage, alors inconnu et bien oublié de nos jours, qui s’appelait lui-même à travers le désert bruyant de son époque le Robinson de la spiritualité, que M. de Maistre a nommé le plus aimable et le plus élégant des théosophes, créature de prédilection véritablement faite pour aimer, pour croire et pour prier, Saint-Martin s’écriait, en s’adressant de bien loin aux hommes de son temps, dans ce langage fluide et comme imprégné d’ambroisie, qui est le sien : « Non, homme, objet cher et sacré pour mon cœur, je ne craindrai point de t’avoir abusé en te peignant ta destinée sous des couleurs si consolantes. […] Il décore çà et là quelques endroits de son passé ; il rallume de loin en loin, au soir, ses feux mourants sur quelque colline, puis les abandonne ; l’espérance et l’avenir l’appellent incessamment ; il se dit : Mais loin de moi ces temps ! […] Tu sais l’âge où tu vis et ses futurs accords ; Ton œil plane ; ta voile, errant de bords en bords, Glisse au cap de Circé, luit aux mers d’Artémise ; Puis l’Orient t’appelle, et sa terre promise, Et le Mont trois fois saint des divines rançons ! […] Quoique attaché par des affections antiques aux dynasties à jamais disparues, quoique lié de foi et d’amour à ce Christianisme que la ferveur des peuples semble délaisser et qu’on dirait frappé d’un mortel égarement aux mains de ses Pontifes, M. de Lamartine, pas plus que M. de La Mennais, ne désespère de l’avenir ; derrière les symptômes contraires qui le dérobent, il se le peint également tout embelli de couleurs chrétiennes et catholiques ; mais, pas plus que le prêtre illustre, il ne distingue cet avenir, ce règne évangélique, comme il l’appelle, du règne de la vraie liberté et des nobles lumières.
Depuis neuf ans, la vie de Victor Hugo n’a pas changé ; pure, grave, honorable, indépendante, intérieure, magnifiquement ambitieuse dans son désintéressement, de plus en plus tournée à l’œuvre grandiose qu’il se sent appelé à accomplir. […] Voilà jusqu’à ce jour les principaux faits de cette vie du poëte ; il nous reste seulement à en caractériser plus en détail deux portions qui se mêlent intimement à la chronique fugitive de notre poésie contemporaine : ce sont les deux périodes que j’appellerai de la Muse française et du Cénacle. Si l’on se reporte par la pensée vers l’année 1823, à cette brillante ivresse du parti royaliste, dont les gens d’honneur ne s’étaient pas encore séparés, au triomphe récent de la guerre d’Espagne, au désarmement du carbonarisme à l’intérieur, à l’union décevante des habiles et des éloquents, de M. de Chateaubriand et de M. de Villèle ; si, faisant la part des passions, des fanatismes et des prestiges, oubliant le sang généreux, qui, sept ans trop tôt, coulait déjà des veines populaires ; — si on consent à voir dans cette année, qu’on pourrait à meilleur droit appeler néfaste, le moment éblouissant, pindarique, de la Restauration, comme les dix-huit mois de M. de Martignac en furent le moment tolérable et sensé ; on comprendra alors que des jeunes hommes, la plupart d’éducation distinguée ou d’habitudes choisies, aimant l’art, la poésie, les tableaux flatteurs, la grâce ingénieuse des loisirs, nés royalistes, chrétiens par convenance et vague sentiment, aient cru le temps propice pour se créer un petit monde heureux, abrité et recueilli. […] Vers 1828, à cette époque que nous avons appelée le moment calme et sensé de la Restauration, le public avait fait de grands progrès ; l’exaspération des partis, soit lassitude, soit sagesse, avait cédé à un désir infini de voir, de comprendre et de juger.
Ou bien c’est le roman qui nous séduit et nous appelle ; on veut se loger dans les plus tendres cœurs et être lu des plus beaux yeux. […] On se lasse, et si l’on aime véritablement les lettres, si une instruction solide n’a cessé de s’accroître et de se raffiner au milieu et au moyen même des épreuves, on est en mesure alors d’aborder ce que j’appelle, en un sens très-général, la critique, c’est-à-dire quelque branche de l’histoire littéraire ou de l’appréciation des œuvres. […] Sa plume acérée a donné à ce qu’on appelle la littérature de l’Empire, bon nombre de ses plus cruelles blessures. […] Cela est difficile à trouver178. » Il ajoute encore : « Les artistes sont les juges compétents de l’art, il est vrai ; mais ces juges compétents sont presque tous corrompus… Il y a environ trois mille ans qu’Hésiode a dit : Le potier porte envie au potier, le forgeron au forgeron, le musicien au musicien. » Sans doute un artiste, sur l’objet qui l’occupe et qu’il possède, aura des vues, perçantes, des remarques précises et décisives, et avec une autorité égale à son talent ; mais cette envie, qui est un bien vilain mot à prononcer, et que chacun à l’instant repousse du geste loin de soi comme le plus bas des vices, il l’évitera difficilement s’il juge ses rivaux ; sa noble jalousie (appelons ainsi la chose) le tiendra éveillé aux moindres défauts, et il sera prompt à voir et à noter ce qu’involontairement il désire ; ou bien, si la générosité du cœur s’en mêle, il ira au-devant du défaut, il passera outre et tombera alors dans des indulgences extrêmes, dans des libéralités qui ne sont plus d’un juge.
L’élément, l’intérêt démocratique, celui des communes, ou de ce qui devait un jour s’appeler de ce nom, dominait en général ; la monarchie et l’Église avaient un peu le dessous. […] La contradiction même que pourraient opposer, dans le cas présent, ceux que j’appelle les savants spéciaux, introduirait, j’en suis sûr, des résultats et des idées qui ne seraient pas venues sans l’ingénieuse provocation. […] L’auteur nous signale ainsi l’influence singulière de quatre femmes syriennes, des quatre Julies, comme il les appelle, autour des règnes de Septime, de Caracalla, d’Héliogabale et d’Alexandre Sévère. […] Si le rituel de la théogonie grecque est resté inséparable de toutes les formes de la galanterie ; s’il constituait, il y a peu de temps encore, ce qu’on appelle poésie et littérature ; si Vénus, Cupidon et les Grâces ont été fêtés dans nos chansons, qu’on juge de leur empire sur ceux dont, la veille encore, ils étaient le culte et la foi.
Lui, le vicomte de Ségur son frère, La Fayette, Narbonne, Lauzun, et quelques autres, ils étaient ce que Fontanes appelait les princes de la jeunesse. […] Jusqu’alors il n’avait fait qu’entremêler avec agrément les camps et la cour, cultiver la littérature légère, et arborer les goûts de son âge, non sans profiter vivement de toutes les occasions de s’éclairer ou de se mûrir au sein de ces inappréciables sociétés d’alors, qu’il appelle si bien des écoles brillantes de civilisation. […] La sérénité rentrée dans mon âme se peignit bientôt dans mes regards, et je vois déjà dans les yeux de ceux que j’appelais mes ennemis un étonnement et un sentiment de regret, de honte et de compassion bienveillante qui va presque à l’admiration et au respect… je suis heureux, bien heureux. […] Traité avec le plus grand mépris dans cette Cour, et privé de l’espoir de jouer un rôle à Paris, la mort lui parut être sa seule ressource ; mais il porta sur lui une main mal assurée ; le courage manqua à ce nouveau Caton, pour achever… L’amour de la vie prévalut, un chirurgien fut appelé, et le comte prouva qu’il ne savait ni vivre ni mourir. » Quand on a eu affaire dans sa vie à des haines aussi cruelles et aussi envenimées que cette page en fait supposer, on a quelque mérite à n’avoir jamais pratiqué qu’indulgence et bienveillance, comme l’a fait M. de Ségur.
La Grèce ignorait nos préjugés aristocratiques, qui frappent d’ignominie quiconque exerce une profession manuelle et l’excluent de ce qu’on peut appeler le monde distingué. […] Le brahmane dans la forêt, vêtu de quelques guenilles, se nourrissant de feuilles souvent sèches, arrive à un degré de spéculation intellectuelle, à une hauteur de conception, à une noblesse de vie inconnus à l’immense majorité de ceux qui parmi nous s’appellent civilisés. […] Si je ne croyais que l’humanité est appelée à une fin divine, la réalisation du parfait, je me ferais épicurien, si j’en étais capable, et, sinon, je me suiciderais. […] Toute chose désire son complément ; le positif attire nécessairement le négatif, l’angle rentrant appelle l’angle saillant.
Le quiétisme consiste à s’anéantir en Dieu, à chercher le parfait repos dans l’extase, à s’enivrer, pour ainsi dire, de la contemplation des mystères, à endormir la volonté dans ce qu’il appelle le pur amour. […] Rabelais, qui était curé après tout, écrivait : « C’est celluy grand bon piteux Dieu, lequel créa les salades, harans, merlans, etc., etc., item les bons vins. » Il voyait en lui, ce jour-là du moins, un être paterne et débonnaire, assez semblable à celui que Béranger appela plus tard le Dieu des bonnes gens. […] Ce n’est pas sans motif qu’après avoir protégé les lettres dans les siècles où elles végétaient, dociles comme des enfants, dans la tranquillité close des, monastères, elle les a poursuivies de son hostilité, combattues, condamnées, une fois que, douées par l’imprimerie d’une force inouïe d’expansion, elles se sont lancées hardiment à travers le vaste monde et ont appelé aux joies et aux luttes de la pensée les élites d’abord et les foules ensuite. […] Il faut soumettre à une enquête analogue chacune des sectes qui ont alors existé, et tracer ce que j’appellerai l’aire religieuse de l’époque ; j’entends l’espace compris entre les points extrêmes atteints par la foi et par l’incrédulité.
C’est à dater de ce moment, je le crois, qu’on pourrait apercevoir non pas une diminution, mais une combinaison nouvelle dans le libéralisme de M. de Broglie : il tiendra désormais plus de compte de ce qu’on appelle dans le style politique l’élément gouvernemental. […] Le concert de l’opinion publique était rassurant alors : l’élite de la jeunesse semblait apporter chaque jour à ce qu’on appelait la bonne cause une force qui n’était pas dépourvue de prudence. […] Ce ne fut que deux ans après qu’il fut appelé à un rôle dirigeant. […] Depuis lors M. de Broglie était rentré au sein de ce qu’on pouvait appeler la plus honorable retraite, et il ne reparut qu’à de rares moments dans l’action politique.
Rivarol l’a appelé un « barbare effroyable en fait de style ». […] Cet orateur inné qui était en lui, et qui s’agita de bonne heure sous l’écrivain, sentait bien que, pour arriver à cette action vaste et souveraine, pour embrasser les masses et les foules d’un tour familier et puissant, il fallait quitter cette langue que j’appellerai patrimoniale et domestique, cette manière de s’exprimer toute particulière qui était ta griffe et parfois le chiffre de sa maison ; il lui fallait quitter une bonne fois le style de famille et descendre de sa montagne. […] Personne au monde, qu’elle et son amant, n’a été puni de leur erreur, si vous appelez ainsi leur démarche. […] … Si ce ne sont pas là des vertus, je ne sais ce que vous appellerez ainsi ; et si vous convenez avec moi que ce sont des vertus, etc.
Cette fille, d’un mérite extraordinaire comme on l’appelait, était née au Havre en 1607, sous Henri IV ; elle ne mourut qu’en 1701, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans, vers la fin du règne de Louis quatorzième, comme elle disait volontiers. […] L’illustre Sapho, ceux qui avaient lu Le Grand Cyrus n’appelaient jamais Mlle de Scudéry autrement. […] Un des premiers sujets qu’elle y traite est celui de la Conversation même : Comme la conversation est le lien de la société de tous les hommes, le plus grand plaisir des honnêtes gens et le moyen le plus ordinaire d’introduire non seulement la politesse dans le monde, mais encore la morale la plus pure et l’amour de la gloire et de la vertu, il me paraît que la compagnie ne peut s’entretenir plus agréablement ni plus utilement, dit Cilénie (un de ces personnages qu’elle aime), que d’examiner ce que c’est qu’on appelle conversation. […] Un écrivain d’un mérite médiocre, mais qui a recueilli quelques traditions et informations assez justes sur les personnages du Grand Siècle, l’abbé Lambert, avait dit (Histoire littéraire du règne de Louis XIV), en parlant de la vogue prodigieuse qu’eurent en leur temps ces romans de Mlle de Scudéry et pour l’expliquer : Il est vrai que ces romans, si toutefois on peut les appeler de ce nom, ne doivent être regardés que comme des espèces de poèmes épiques et des histoires véritables sous des noms cachés.
Il l’appelle à ce moment de vérité où l’homme, prosterné dans un tribunal, se dénonce lui-même à son juge. » Mais, dans le texte corrigé, on lit, par une définition plus bienséante à un prélat, à un prince de l’Église, et plus conforme au catéchisme : « Il l’appelle à ce moment de vérité, de repentir et de miséricorde, où l’homme, prosterné devant le tribunal sacré, se dénonce lui-même à son juge, qui devient aussitôt son médiateur charitable, etc., etc. » Je ne sais si cela vaut beaucoup mieux au point de vue oratoire, mais je tiens à noter de quelle façon l’abbé Maury sut donner plus tard à cet Éloge, et en général à tous ses premiers ouvrages, en les revoyant, une légère couche d’orthodoxie. […] Arrivé tard, à l’une de ces séances du soir, quand la discussion était engagée sur quelque sujet tout à fait inattendu, on l’a vu appelé tout à coup par ses amis, qui lui criaient dès l’entrée : « Allons, l’abbé, voilà comme vous êtes toujours ; vous êtes absent, et voilà ce qu’ils vont faire passer ! […] Il appellera gredin, un moment après, l’un des grands dignitaires de l’ordre de Malte ; mais, même ce terme de valet à part, toute cette doctrine brutale sur la prééminence absolue de l’Académie française paraissait fort étrange à M. de Maistre, qui savait de quels noms s’honoraient l’Académie des inscriptions et celle des sciences.
Si un troupeau appelle des tigres contre ses chiens, qui pourra le défendre contre ses nouveaux défenseurs ? […] Marié, mais séparé de sa femme, qui n’était pas exempte de quelque extravagance, il avait emmené avec lui une petite personne appelée Manette, qui joue un certain rôle dans sa vie intime : c’est cette personne à qui il conseillait, comme elle ne savait pas lire, de ne jamais l’apprendre ; la pièce de vers très connue qu’il lui adressa se terminait ainsi : Ayez toujours pour moi du goût comme un bon fruit, Et de l’esprit comme une rose. […] Rivarol est plein de ces traits de détail et de ces exemples, de ce que les anciens appelaient les lumières du discours. […] Or, l’esprit est le côté partiel de l’homme ; le cœur est tout… Aussi la religion, même la plus mal conçue, est-elle infiniment plus favorable à l’ordre politique, et plus conforme à la nature humaine en général, que la philosophie, parce qu’elle ne dit pas à l’homme d’aimer Dieu de tout son esprit, mais de tout son cœur : elle nous prend par ce côté sensible et vaste qui est à peu près le même dans tous les individus, et non par le côté raisonneur, inégal et borné, qu’on appelle esprit.
Il est essentiel de remarquer que cette nature sobre, frugale, simple, austère et ingénue de Rollin s’était de bonne heure rangée aux doctrines morales du parti qu’on appelait janséniste ; il y penchait par goût, il s’y engagea par ses relations, et plus peut-être qu’il n’eût convenu à un chrétien aussi soumis et aussi modeste. […] D’Aguesseau, résumant cette impression si juste, lui écrivait après l’avoir lu : « J’envie presque à ceux qui étudient à présent, un bonheur qui nous a manqué, je veux dire l’avantage d’être conduit dans les belles-lettres par un guide dont le goût est si sûr, si délié (délié est un peu fort), si propre à faire sentir le vrai et le beau dans tous les ouvrages anciens et modernes. » Voltaire lui-même, qui fut sévère et une fois surtout injuste pour Rollin, l’a proclamé « le premier de son corps qui ait écrit en français avec pureté et noblesse. » Il l’a loué dans Le Temple du goût en des termes qui sont le jugement même, et il est allé jusqu’à appeler le Traité des études « un livre à jamais utile », ce qui est même trop dire, puisque ces sortes de livres n’ont qu’un temps, et que les générations qui en profitent les usent. […] Mais j’y ai été trop rarement pour qu’on ait pu, sans vouloir tromper Votre Éminence, appeler cela des assiduités. […] [NdA] Cela veut dire qu’on appelait de la bulle au futur concile.
Nous avons donc en définitive, outre la conscience sensorielle, une conscience qu’on peut appeler active et motrice. […] Ils sont peut-être la raison fondamentale qui nous fait attribuer notre sentiment de contraction extrême à la région de la tête, et l’appeler une conscience d’énergie, au lieu d’une sensation périphérique. » Ces observations de Münsterberg montrent bien que nous ne pouvons accomplir un grand effort d’un membre sans une irradiation de l’onde nerveuse qui entraîne des mouvements sympathiques et synergiques, et cela, principalement du côté du corps qui est en jeu (y compris la tête). […] C’est ce que le vulgaire appelle proprement l’action ; mais, en réalité, l’action a toujours été présente, et la volonté aussi, et l’effort contre la résistance. […] Donc, pour l’expérience positive, abstraction faite de toute spéculation philosophique, nous avons le droit de conclure qu’il existe un fait original appelé le vouloir, lequel est à la fois inséparable et distinct de tout fait de discernement.
Par une évolution pareille et simultanée, l’histoire va du héros à l’homme, de l’action au mobile, du corps à l’âme ; et elle se tourne vers cette biographie que Montaigne appelle « l’anatomie de la philosophie, par laquelle les plus abstruses parties de notre nature se pénètrent ». […] C’est l’histoire intime ; c’est ce roman vrai que la postérité appellera peut-être un jour l’histoire humaine. […] Le rapsode est devenu citoyen, et le conte épique devient un discours : l’histoire est une tribune où un homme, doué de cette harmonie des pensées et du ton que les Latins appelaient uberté, vient plaider la gloire de son pays et témoigner des grandes choses de son temps. […] Il rappellera comment, par les exigences de leur toute-puissance, par les lâchetés et les agenouillements qu’elles obtinrent autour d’elles d’une petite partie de cette noblesse, ces trois femmes anéantirent dans la monarchie des Bourbons ce que Montesquieu appelle si justement le ressort des monarchies : l’honneur ; comment elles ruinèrent cette base d’un état qui est le gage du lendemain d’une société : l’aristocratie ; comment elles firent que la noblesse de France, celle qui les approchait aussi bien que celle qui mourait sur les champs de bataille, et celle qui donnait à la province l’exemple des vertus domestiques, enveloppée tout entière dans les calomnies, les accusations et les mépris de l’opinion publique, arriva comme la royauté, désarmée et découronnée, à la révolution de 1789.
J’en appelle au petit nombre de ceux qui ont éprouvé ce supplice. […] Si l’on ne s’en tenait point à des actions communes, (et j’appelle actions communes toutes celles où un homme en menace ou en tue un autre) mais qu’on imaginât quelque trait de générosité, quelque sacrifice de la vie à la conservation d’un autre, on élèverait mon âme, on la serrerait, peut-être même m’arracherait-on des larmes. […] Cet honnête homme, honnête, et très-honnête, fait peu de cas du genre humain, et vit beaucoup pour lui ; il est receveur général des finances, il s’appelle Randon De Boisset. […] Dans ses tableaux de paysages, il y a quelquefois des figures qui visent un peu à l’éventail ; j’en appelle à l’un de ses tableaux du matin ou du soir, et à cette petite femme qu’on y voit montée sur un cheval avec un petit chapeau de paille sur la tête et noué d’un ruban sous son cou.
Nisard n’est pas ce qu’on peut appeler, dans toute la plénitude de ce mot, un critique. […] Enfin, si la douleur, la douleur mortelle de sa vie, fut de boiter, de traîner son aile, c’est, qu’il ne pouvait rien à cela ; c’est que l’homme s’appelle infirme quand il a rencontré dans son corps quelque chose de plus fort que son âme, et qu’être infirme est la plus cruelle des afflictions d’une créature qui a soif d’immortalité ! […] Trelawney sera mort, attendra-t-il aussi longtemps un biographe intime qui dévoile à son tour cette misère de cœur que l’on appelle l’ingratitude, et qui aura peut-être existé ? […] Nisard, « appelle la pitié sur ses mains saignantes des coups qu’il a portés au genre humain ».
Cassagnac rétablit avec une autorité qui défie la discussion, qui la respire et qui l’appelle. […] Quand on lit toute cette partie du livre de Cassagnac, on se trouve un peu étonné, quoique docile, en se voyant ramené à l’opinion de ces aristocrates qui les premiers écrivirent sur la Révolution française et qui l’appelèrent un déficit. […] Privé de Calonne, puis de Brienne, renversé par ce Parlement qu’il avait commis la faute immense de rétablir, Louis XVI appela à son aide contre ce Parlement insurrecteur les provinces, et, pour faire triompher les réformes, les hommes de lettres, auxquels il donna, par cela même, une importance qu’ils n’avaient ni dans l’opinion ni dans l’État. […] Il a bien vu que, malgré les prétentions d’une philosophie qui, si on la laisse faire, est en train de fausser le sens commun de l’humanité pour des siècles, ce qu’on appelle la Révolution Française, comme tous les grands événements, se résumera en quelques noms propres, — le seul signe que, pour des raisons très profondes, les hommes connaissent des plus grandes choses, — et alors il a regardé sous ces noms ceux qui les portent, et, en agissant ainsi, je le dis en lui battant des mains, il a éventré la Révolution jusque dans le cœur de ceux qui la voulurent et les cerveaux de ceux qui la pensèrent, confondant à dessein en une même condamnation les hommes et les faits, souillés réciproquement les uns par les autres, et traînant le tout à des gémonies éternelles dans le pêle-mêle du mépris.
L’un appelle le tout. […] L’usage des plus simples actions lui cause une perpétuelle horreur, qui se manifeste tantôt par un trouble éperdu et sans cesse croissant, tantôt par de stupéfiantes maladresses, qui provoqueraient l’hilarité du plus petit portefaix dans la rue ; soit par des accidents bizarres que le manque d’audace de la victime empêche seul d’être funestes ; soit encore par un balbutiement qui appelle à son secours les plus précieuses et les plus subtiles finesses du dialogue esthétique, mais qui ne parvient pas à trouver les plus simples mots du langage de tous ; soit enfin par une ignorance, aristocratique mais absolue, des diverses et primaires méthodes par lesquelles un animal des premiers degrés de la création ose instinctivement jouir de la vie. […] Voici de quelle façon ce docteur de l’infécondité appelle l’attention du public sur son œuvre : « Depuis plus de cinq mille ans, l’humanité cherche en vain la solution des grands problèmes de l’univers, le problème de l’existence d’un dieu personnel, celui de la survivance de l’âme après la mort, celui des causes de la souffrance qui est dans le monde, et de ses remèdes etc. […] Quoi de plus affreux que d’appeler au monde de nouveaux êtres, voués d’avance à souffrir et à prolonger la durée de l’universelle misère ?
Retenons plutôt que ce progrès dans le sens démocratique est, sur la surface de la terre, une sorte d’exception, ou encore que toutes les sociétés ne sont pas élues pour ce que nous appelons le progrès. […] — C’est elle que visent les socialistes lorsqu’ils en appellent à cette éternelle lutte des classes qui mène l’histoire : ils opposent la classe des prolétaires à celle des capitalistes. […] C’est là un des résultats sur lesquels les sociologues de différentes écoles semblent près de s’accorder23 : l’esprit des sociétés primitives pourra être, si l’on veut, appelé « communiste » ; on y pense par groupes, familles ou tribus, non par personne. […] * ** En résumé, l’idée de l’égalité des hommes, telle que nous l’avions définie, ne nous a pas semblé se manifester partout : suivant sa trace à travers les doctrines et les institutions, nous l’avons rencontrée, non pas à l’origine des sociétés, là où n’existe à vrai dire aucune civilisation, mais seulement à l’intérieur de cette civilisation qu’on appelle occidentale.
La dénomination de « centenaire du romantisme » appelle, au point de vue logique et grammatical, les mêmes réserves. […] On m’a jeté à la tête comme romantiques des œuvres, des créations dont je suis le premier à reconnaître la grandeur, mais qui diffèrent vraiment en essence de celles que j’ai appelées romantiques. Dans celles mêmes que j’ai appelées ainsi, on m’a opposé certains traits superbes dont je n’ai jamais dénié la beauté. […] Mme d’Houdetot, laissée seule par son amant Saint-Lambert, appelé aux armées, est sa voisine de campagne. […] Son culte de Beethoven, qu’il se plaît à appeler « le vieux », est significatif.
Il fallait que le roi s’appelât le premier gentilhomme de son royaume, pour exercer à son aise une autorité sans bornes sur des gentilshommes ; il fallait qu’il fortifiât son autorité sur les nobles par un certain genre de flatterie pour la noblesse. […] On ne verra plus rien de pareil en France avec un gouvernement d’une autre nature, de quelque manière qu’il soit combiné ; et il sera bien prouvé alors que ce qu’on appelait l’esprit français, la grâce française, n’était que l’effet immédiat et nécessaire des institutions et des mœurs monarchiques, telles qu’elles existaient en France depuis plusieurs siècles.
Les odes de La Motte s’appellent le Devoir, le Désir d’immortaliser son nom, la Bienfaisance, l’Émulation : ce sont des dissertations méthodiques, parfois ingénieuses, où la part de la poésie se marque par l’emphase, la dureté, la cacophonie, l’effort sensible pour ne pas parler comme tout le monde. […] Mais l’artiste supérieur en cette bagatelle, c’est Lebrun, le faiseur d’odes, celui qu’on appelait Lebrun Pindare.
, il n’y en a qu’une seule qui soit à peu près sans beauté : c’est une fleur jaune, sèche, raide, étiolée, d’un luisant désagréable, qu’on appelle bien à tort immortelle. […] Ce qu’on appelle indulgence n’est, le plus souvent, que justice.
Il n’y a point ici place pour cette poésie qu’on appelle politique et qu’il voudrait qu’on appelât historique.
L’ouvrage de la Physiologie de la pensée est écrit dans un très bon esprit, dans cet esprit de circonspection et de doute que l’on peut appeler socratique. […] Ce grand physiologiste, qui représente aujourd’hui avec tant d’éclat la science française, ce noble esprit, qui unit avec tant d’aisance le bon sens et la profondeur, est désormais le maître et le guide de tous ceux qui veulent pénétrer dans les replis de ce labyrinthe obscur que l’on appelle le système nerveux ; mais ce sont là de trop grandes profondeurs pour notre ignorance.
Alors, s’il vient à être subitement soustrait à la cause excitante, il tend à regagner son état normal par une marche analogue à celle d’un ressort qui, écarté de sa l’orme d’équilibre, revient à cette forme par des oscillations décroissantes, en vertu desquelles il la dépasse alternativement en deux sens opposés… De là des phases dont les unes sont de la même nature que la sensation primitive et peuvent être appelées les phases positives, tandis que les unes sont de nature contraire et peuvent être appelées négatives. » Or, suivant M.
On appelle un effet de lumière en peinture ce que vous avez vu dans le tableau de Corésus, un mélange des ombres et de la lumière, vrai, fort et piquant : moment poétique qui vous arrête et vous étonne. […] Il faut que dans une composition les figures se lient, s’avancent, se reculent, sans ces intermédiaires postiches que j’appelle des chevilles ou des bouche-trous.
Si au contraire, Aristides fait de l’art poetique et de l’art de composer la melopée deux arts distincts, c’est qu’il a eu égard à l’usage des romains, qui étoit que les poetes dramatiques ne composassent point eux-mêmes la déclamation de leurs vers, mais qu’ils la fissent composer par des artisans compositeurs de profession, et que Quintilien appelle : (…). […] Si Porphyre fait à son tour deux arts distincts de l’art rithmique, dont Aristides ne fait qu’un seul et même art, si Porphyre divise en art metrique et en art rithmique proprement dit, l’art dont Aristides ne fait qu’un seul art qu’il appelle (…), cela vient vraisemblablement de la cause que je vais dire.
On voit même que ces professeurs avoient ce qu’on appelle les termes de l’art. Quintilien en parlant de la contenance qu’un orateur sur qui tous les yeux des auditeurs sont déja tournez, quoiqu’il n’ait pas encore commencé à parler, doit tenir durant un temps avant que d’ouvrir la bouche, dit que les comédiens appellent en leur stile ce silence étudié, des retardemens.
« L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales » Ce qui me paraît constituer l’œuvre propre de Taine, c’est qu’il a contribué plus que personne à introduire et à vulgariser en France une tradition philosophique qui, avant lui, ne comptait parmi nous que bien peu de représentants : c’est ce qu’on pourrait appeler l’empirisme rationaliste. […] Spencer, c’est la quantité de documents qui y sont accumulés ; il l’appelait le livre aux cent mille faits.
On déclare maintenant que la plupart des styles que nous appelons abstraits sont réellement concrets. Comme on n’apporte aucune preuve de ce démenti, on ne peut qu’admirer cette intrépidité ; et, comme nous n’avons pas attendu les lumières de certains critiques pour savoir ce que c’est qu’un style abstrait, nous répondions tout simplement que « la plupart des styles qu’on appelle concrets sont réellement abstraits ».
Fils d’un tisserand du Palatinat, son père, qui avait émigré, s’était marié dans cette douce contrée, le pays de la bonhomie vraie qu’on appelle l’Oberland badois, et c’est là, entre le Rhin et les hauteurs boisées de la Forêt Noire, que ce poète de la bonhomie — car tel est le caractère distinctif de la poésie de Hebel et son originalité supérieure — nourrit son génie de ces premières impressions qu’on devait toujours y retrouver, et qui entrent dans la pensée d’un homme profondément organisé comme le goût du thym dans le miel de l’abeille et la saveur des serpolets vierges dans la chair sauvage des chevreuils. […] « Un doux éclat de soleil couchant — nous dit-il plus loin, avec ce sentiment de poète qui sent la poésie dans les autres, — rayonne de l’âme de Hebel, pure et tranquille, et teint de rose toutes les hauteurs qu’il fait surgir. » Et Jean-Paul ajoute cette phrase mélodique et enchantée du ranz des vaches que son imagination pastorale jouait toujours : « Hebel embouche d’une main la trompe alpestre des aspirations et des joies juvéniles, tout en montrant, de l’autre, les reflets du couchant sur les hauts glaciers, et commence à prier quand la cloche du soir se met à sonner sur les montagnes. » De son côté, Goethe, ce grand critique, ce grand esprit lymphatique, ce Talleyrand littéraire qui fait illusion par la majesté de l’attitude sur la force de sa pensée, cet homme que l’on a cru un marbré parce qu’il en a la froideur, Goethe, ce blank dead, comme l’appelleraient les Anglais, ce système sans émotion et dont le talent fut à froid une combinaison perpétuelle, disait de cette voix glacée qui impose : « L’auteur des poésies allemaniques est en train de se conquérir une place sur le Parnasse allemand.
Ce dernier livre de Proudhon n’ajoute rien aux doctrines (si cela peut s’appeler des doctrines) qu’il a développées dans ses précédentes publications. […] Proudhon, nous l’avons dit, croit ou feint de croire à la ruine de ce que l’histoire du monde appelle la politique, et à laquelle il substitue un ordre économique, impossible, il est vrai, à concevoir avec l’état actuel de la tête humaine.
C’est ainsi qu’en baissant dans leur moralité les peuples baissent dans leur intelligence… Nous le disions récemment, à propos de cette immense mystification que des nigauds appellent, avec un sérieux bouffon : « la science de l’économie politique », tout pour l’homme est dans les questions morales, même le secret de son talent et de son génie quand il en a. […] Le livre que cet écrivain vient de publier rappelle trop les articles de revue qu’on doit à sa plume, car il est ce qu’on appelle en Angleterre un excellent reviewer ; mais ce qui suffit pour un travail de revue suffit-il pour un livre, et pour un livre qui, comme le sien, porte dans son titre les plus étranges mystères et les plus horribles obscurités de l’histoire ?
Les beaux vers, ces perles du collier des nations jeunes, qu’elles ne mettent plus dans leur vieillesse, les beaux vers deviennent de plus en plus rares ; les âmes tarissent, les imaginations se décolorent, et ce douloureux et magnifique oiseau, au bec lumineux, à la gorge teinte de la pourpre éclatante de son cœur : la Poésie, meurt, étouffé sous le large pouce de ces intérêts matériels dont la main brutalise à cette heure les plus pures et les plus fortes intelligences… Seulement, s’il y avait à faire une exception en faveur des poésies sur lesquelles les reflets d’un enthousiasme sincère se voyaient encore, n’était-ce pas en faveur de celles qui s’étoilent d’un nom glorieux et s’appellent Poésies de l’Empire 57? […] En 1832, je crois, la reine Hortense, dit-il avec orgueil, l’appelait le Blondet de l’exil.
Cet homme aimable, que tout le monde appelait Monselet tout court dans une chaleureuse et flatteuse sympathie et parce qu’il plaisait à tout le monde, ce nonchalant de mœurs, fait, à ce qu’il semblait, pour se chauffer, lazzarone d’esprit, au soleil de tous les printemps et au feu de toutes les cuisines, cette gloire de tout festin et que toute la terre qui sait dîner eut voulu avoir à sa table, hospitalité intéressée ! […] Il ne l’a été que par veines rares ; il ne l’a été que par gouttes et par gouttelettes, retrouvées au fond de ce verre étroit qu’il a appelé ses Poésies complètes.
« Toi que tes compatriotes appellent aujourd’hui merveilleux enfant ! […] Il y avait à Londres, peu d’années avant la révolution, un jeune homme d’une méchante nature, d’une profonde immoralité, et d’une immoralité naturelle qui s’appelle ingratitude ; il annonçait de plus un certain talent d’écrivain et de poète. Il s’appelait Chatterton. […] Tom quand il vous appellera ; mais ne le dérangez jamais, et ne recevez de lui aucun présent. […] On entend John Bell appeler de la salle voisine.
— Ne l’avez-vous point appelé empoisonneur ? […] Elle se brouilla un jour avec son patron, comme elle l’appelait. […] Le roux s’appelle Bellot et je vous conterai son histoire. […] Et lorsque tu verras venir le prêtre avec son étole, appelle tous mes amis. […] Il fait appeler ses courtisans, témoins de la gageure, il fait appeler Mavrian ; il fait appeler aussi le bourreau.
Louise Labé, qui a très-bien pu, même avant son mariage avec le cordier Ennemond Perrin, s’être appelée la Belle Cordière, prit rang de bonne heure, et, dès l’âge de seize ans, sa beauté et son esprit la produisirent. […] Voilà une explication qui concilierait à merveille la considération dont Louise ne cessa de jouir de son vivant, avec la vivacité de certains aveux élégiaques et avec la publication de ce qu’elle appelait ses jeunesses. […] Elles appellent folles celles qui aiment, maudissent le jour que premièrement elles aimèrent, protestent de jamais n’aimer ; mais cela ne leur dure guère. […] Elle se présente à lui comme la fille d’Otrée, roi opulent de toute la Phrygie, et comme une fiancée qui lui est destinée : « C’est une femme troyenne qui a été ma nourrice, lui dit-elle par un ingénieux mensonge, et elle m’a appris, tout enfant, à bien parler ta langue. » Anchise, au premier regard, est pris du désir, et il lui répond : « S’il est bien vrai que tu sois une mortelle, que tu aies une femme pour mère, et qu’Otrée soit ton illustre père, comme tu le dis, si tu viens à moi par l’ordre de l’immortel messager, Mercure, et si tu dois être à jamais appelée du nom de mon épouse ; dans ce cas, nul des mortels ni des Dieux ne saurait m’empêcher ici de te parler d’amour à l’instant même ; non, quand Apollon, le grand archer en personne, au-devant de moi, me lancerait de son arc d’argent ses flèches gémissantes, même à ce prix, je voudrais, ô femme pareille aux déesses, toucher du pied ta couche, dussé-je n’en sortir que pour être plongé dans la demeure sombre de Pluton ! […] Ainsi, dit-on, la plupart des pièces d’éloges imprimées avec ses œuvres, en 1555, lui sont adressées avec la qualification de dame ; mais dans ces mêmes pièces on l’appelle également pucelle.
Ce qu’elle appelle de ses vœux, ce qu’elle se peint en vision avec contraste, c’est la revanche et le contre-pied de l’invasion d’Attila, cette fois pour le bien du monde. […] Elle ne connaissait encore l’empereur Alexandre qu’indirectement, bien qu’elle l’appelât déjà le Sauveur universel, l’Ange blanc, et qu’elle l’opposât sans cesse à l’Ange noir, Napoléon. […] Chateaubriand goûtait Valérie qu’il appelait tantôt « la sœur cadette de René, » tantôt « la fille naturelle de René et de Delphine. » 202. […] Voici la pièce de Hadloub, traduite en vers, avec cette dernière idée de plus, et dans un style légèrement rajeuni du seizième siècle, où l’on peut supposer que quelque Clotilde de Surville, voisine de Ronsard et de Baïf, ou mieux quelque Marie Stuart la rima : Vite me quittant pour Elle, Le jeune enfant qu’elle appelle Proche son sein se plaça : Elle prit sa tête blonde, Serra sa bouchette ronde, O malheur ! […] M. de Bonald commençait de la sorte : « Mme de Krüdner a été jolie, elle a publié un roman, peut-être le sien ; il s’appelait, je crois, Valérie ; il était sentimental et passablement ennuyeux.
Victor Cousin, et se disposa à poursuivre les études philosophiques vers lesquelles il se sentait appelé. […] J’ai encore éprouvé une fois combien les émotions, dans ce qu’on appelle les occasions solennelles, sont rares pour moi ; à moins que ce ne soient pas là mes occasions solennelles. […] je vous le promets, dit-elle en souriant ; soyez donc sage. » Et Ghérard le lui jura, en baisant sa main qu’il pressa sur son cœur. » Durant les deux derniers mois de sa vie, Farcy avait loué une petite maison dans le charmant vallon d’Aulnay, près de Fontenay-aux-Roses où l’appelaient ses occupations. […] Loyson lui demanda s’il désirait faire appeler quelque parent, quelque ami ; Farcy dit qu’il ne désirait personne ; et comme M. […] Mais plus le prix reste bourgeois, et plus est noble l’héroïsme, ou, pour l’appeler par son vrai nom, plus est pur le sentiment du devoir.
Le gros de la génération dont il s’agit constituait, par un mélange d’idées voltairiennes, bonapartistes et semi-républicaines, ce qu’on appelait le libéralisme. […] Mais parmi celles qui méritent le plus l’étude et qui appellent longtemps le regard par l’étendue, la sérénité et une sorte de froideur, au premier aspect, immobile, apparaît surtout M. […] Il est trop question avec lui, au point de vue où il se place, de se croiser les bras et de regarder, — avec lui qui, à l’heure la plus ardente de sa jeunesse, peignant la noble élite dont il faisait partie, écrivait : « L’espérance des nouveaux jours est en eux ; ils en sont les apôtres prédestinés, et c’est dans leurs mains qu’est le salut du monde… Ils ont foi à la vérité et à la vertu, ou plutôt, par une providence conservatrice qu’on appelle aussi la force des choses, ces deux images impérissables de la Divinité, sans lesquelles le monde ne saurait aller longtemps, se sont emparées de leurs cœurs pour revivre par eux et pour rajeunir l’humanité. » Et c’est ici, peut-être, que s’explique un coin de l’énigme que nous nous posions plus haut, au sujet de ces intelligences si supérieures à leur action et à leur œuvre. […] Saint Jérôme appelle quelque part saint Hilaire, évêque de Poitiers, le Rhône de l’éloquence gauloise. […] On lit dans une lettre de Ninon vieillie au vieux Saint-Évremond : « S’il (votre recommandé) est amoureux du mérite qu’on appelle ici distingué, peut-être que votre souhait sera rempli ; car tous les jours on me veut consoler de mes pertes par ce beau mot. » Il paraît toutefois que ce mot distingué pris absolument, et sans être déterminé par rien, ne fit alors qu’une courte fortune, et il n’était pas encore pleinement autorisé à la fin du xviiie siècle.
Le grincement des roues des charrues, qui fendent la glèbe fumante des champs au penchant des collines ; les mugissements des troupeaux sortant des étables ; le sifflet des bergers enfants, qui gazouille à l’orée des bois ; la clochette qui tinte au cou des chèvres sur les rochers ; les branles sonores de la cloche, qui appellent les femmes du hameau à l’église ; le roulis des sabots de bois des paysannes sur la roche vive des sentiers qui descendent des deux flancs de montagnes vers le cimetière ; la fumée du feu du matin, qui s’élève çà et là à travers les châtaigniers, comme autant de drapeaux bleuâtres arborés par les toits disséminés des chaumières ; les ombres et les éclats du jour, qui se combattent, se déplient et se replient alternativement, au gré des légers brouillards de rosée, depuis le faîte des sapins noyés dans l’aurore jusqu’au creux des prairies noyé dans la brume blanche du matin : voilà les bruits et les aspects qui tintent à l’oreille ou qui éclaboussent les yeux des hôtes, au réveil du château. […] On s’y arrête un moment pour respirer la fraîcheur humide du bassin, et pour contempler les belles images renversées des frênes qui se peignent dans son miroir noirâtre, et pour voir les beaux insectes ailés appelés dans le pays demoiselles des lacs, patiner dans les rayons tremblotants de soleil sur la surface, semblable à l’acier, bleue et liquide, de l’étang. […] Parmi ces treize chênes, se trouve celui qu’on appelle dans le pays l’arbre de Jocelyn, parce que c’est sous ses feuilles et assis sur ses racines que j’ai écrit ce poème, au murmure du vent d’automne dans ses rameaux. […] Nous détestons les servitudes militaires, qui font prévaloir par la conquête la force sur le droit ; la gloire corruptrice, qui fait adorer au bas peuple des victoires au lieu de vertus, nous dégoûte : ces grands homicides d’armées qu’on appelle des batailles ne nous paraissent que d’illustres crimes, quand ces batailles ne sont que des jeux de l’ambition. […] L’aïeul, à leurs propos, s’égaye et nous contemple : En mes leçons, toujours, je le prends pour exemple ; Mon récit en appelle à ses récits anciens ; Il parle, et de mes bras on vole dans les siens ; Avec des cris joyeux on l’entoure, on le presse ; À toute question répond une caresse ; Vers leurs lèvres son front se penche avec douceur… Et moi !
Au dix-neuvième siècle, les plus belles poésies ne sont plus des peintures de l’homme dans des cadres appelés genres. […] Assistée de cette science nouvelle, l’histoire nous enseigne par quel travail se forme et se développe une société politique ; comment elle se maintient ; par quelles causes se détruit l’édifice, édifice si beau, même aux époques où l’architecture en est le plus défectueuse ; comment de ces destructions, qui ne sont que des transformations, sort un édifice nouveau ; dans quelles proportions le vieux s’y mêle au neuf ; quels sont, dans les crises violentes qu’on appelle les révolutions, les intérêts en lutte, les passions aux prises, les vérités en travail, les pertes où les conquêtes de la civilisation. […] D’autres habitudes d’esprit, un autre génie développé par les luttes de la tribune et les improvisations de la presse, ont inspiré un genre d’histoire qu’on pourrait appeler l’histoire des affaires. […] La plus étendue et la plus intéressante de ces Études a appelé sur l’œuvre du plus doux et du plus expressif de nos peintres, Eustache Lesueur, un retour de célébrité auquel est associé désormais le nom de son historien145. […] Ses premiers vers avaient annoncé un poète ; ses dernières pièces promettaient un maître de la scène ; il a mieux aimé conter, et le public charmé l’a appelé le plus grand amuseur de son temps.
Iseult, la première, appelle Tristan, et Tristan vole, frémissant, dans les bras d’Iseult. […] Il se soulève sur sa couche de moribond ; il évoque son enfance ; il appelle Iseult, et tour à tour il bénit et maudit l’amour. […] Je me réjouis de voir combien ceux que j’ai appelés à participer à l’entreprise sont remplis d’espérance convaincue et de ferme confiance. […] Cependant, au mois de novembre 1874, il avait dans sa nouvelle maison de Bayreuth achevé l’instrumentation de Goetterdaemmerung, et achevé ainsi l’Anneau du Nibelung : il s’agissait d’appeler à la vie cette œuvre. […] Cette tradition a été reprise lorsque, après la guerre, Wieland et Wolfgang Wagner ont ouvert ce qu’on a appelé « Le nouveau Bayreuth », en 1951.
Il est donc inévitable, tant qu’il se considère par rapport à ce qu’il conditionne, qu’il s’attribue une activité causale, laquelle, étant consciente de soi et ne s’exerçant que par cette conscience même, mérite bien de s’appeler, au sens le plus complet du mot, volonté. […] La série de jugements appelée délibération est un processus où tous ces facteurs interviennent constamment ; c’est la volonté en devenir, mais se développant toujours d’une manière déterminée. […] Et nous appelons la spontanéité liberté quand elle est un développement de raisons conscientes dirigé par l’idée même de notre liberté. La volition, en définitive, est la synthèse de tous les éléments psychiques et physiques, conscients, subconscients et inconscients : qui donc pourrait en faire une complète analyse, une de ces analyses que les Anglais appellent « exhaustives » ? […] Un « progrès » n’est pas « une chose » assurément, et n’en a pas l’immobilité ; mais un progrès est une évolution et une évolution n’exclut en rien, elle appelle au contraire une détermination par des raisons.
* * * — Mme *** s’habille, noue avec toutes sortes de lenteurs les rubans de son chapeau, met et remet ses gants, explique à son mari avec de grands gestes pourquoi elle sort, regarde en l’air, appelle de l’œil, descend l’escalier, se montrant longuement aux fenêtres des paliers, passe sous la porte cochère. […] Peut-être que ce plagiat sinistre de la nature est appelé au plus grand avenir. […] * * * — Je me rappelle de mon enfance des parties de charades chez Philippe de Courmont, rue du Bac, quand il était avec Bonne Amie (la femme qui l’a élevé) qui l’appelait Fifi. […] On appellera ça, la révolution sociale. […] Et une admirable mémoire lui fournissant un arsenal pour la démolition des illusions et des prétendus dévouements, mémoire servie par une ironie bonhomme, et un sourire de vieil homme revenu de tout, et qui appelait Louis-Philippe : le papa Doliban de la chose.
Les entités de la science, de quelque nom qu’on les appelle, — nature, matière, énergie, mouvement, attraction, affinité, principe vital — n’ont pas plus d’être eu soi, de réalité substantielle, de ressemblance ou d’analogie avec leur objet, que celles de la métaphysique : finalité, causalité, spontanéité, liberté, etc. […] Il en est autrement des rapports que nous appelons « constans » et « nécessaires. » Ils signifient ou ils expriment quelque chose d’autre et de plus qu’eux-mêmes : un kangourou n’est pas un chimpanzé ; le mercure n’est pas du phosphore ; et Vénus n’est pas Jupiter. […] C’est ce quelque chose d’identique ou de permanent qu’Herbert Spencer, en son langage, appelle « la chose effective », actuality, et comme nous n’en pouvons rien connaître, sinon sa permanence et son identité, c’est « cette chose effective » qu’il nomme l’Inconnaissable. […] Aussi bien, s’il les eût approfondis davantage, les eût-il trouvés tous entachés d’un vice primordial et irrémédiable à ses yeux, qui est, comme l’on dit, de « poser l’absolu » pour en déduire le relatif, ce qui s’appelle répondre à la question par la question ; et, en effet, ce que Comte a poursuivi sous le nom de « Métaphysique » en général, c’est précisément toute philosophie qui débute par l’affirmation de l’« absolu. » Mais au contraire la vraie « métaphysique », la bonne, la sienne ! […] Il y aura pour eux, relativement à nous, quelque chose de changé dans ce que nous appelons la totalisation de l’expérience humaine.
Cet avertissement nous apprend aussi que Zaïre fut appelée à Paris tragédie chrétienne ; je l’appellerais plutôt tragédie des femmes, puisque l’auteur, dans cet ouvrage, a sacrifié à leur goût jusqu’à ses principes. […] Il n’y a peut-être pas dans tout le théâtre français un héros aussi débonnaire que ce farouche Gusman, appelé Garnement dans la parodie. […] N’avons-nous pas été nous-mêmes infectés de ce malheureux préjugé, à la fin du siècle qu’on appelle le siècle de la philosophie et des lumières ? […] Arsace est un missionnaire appelé par les dieux pour une bonne œuvre, et cette bonne œuvre est le meurtre de sa mère : il ne fait rien autre chose dans la pièce. […] Les dramaturges ressemblent à ces avocats qui appellent le pathétique au secours d’une mauvaise cause, et s’efforcent d’attendrir les juges qu’ils ne peuvent convaincre.
C’est ce qu’on appelle « l’accent de sincérité » ou « l’impression de vérité ». […] C’est ce qu’on appelle faire « plus vrai que la vérité ». […] Ce sont les faits psychiques (vulgairement appelés sentiments et idées). […] Elles étaient communes à un grand nombre d’individus, et c’est la collection d’individus de mêmes habitudes que nous appelons groupe. […] Ce lien, appelé parfois consensus, l’école allemande (Savigny, Niebuhr) l’a appelé Zusammenhang.
Comment voulez-vous appeler Molière humoriste ? […] Corneille l’appelle « comédie héroïque ». […] Il eut en cette ville une petite liaison avec celle qu’il appelle Beppi. […] On est convenu d’appeler autrement, en littérature, l’emportement lyrique qui touche aux nuages. […] Et c’est ce qu’on peut appeler « la situation éludée par l’absence motivée », très motivée, du principal personnage.
En ce temps-là il s’appelait Zeus. […] Les Italiens appellent cela un sproposito. […] Tout indique que ce qu’on a appelé le sens religieux n’était pas un sens de Molière. […] Vous appelez cela réciter ? […] Le bon sens naturel, soit du peuple, soit de la Cour avec la connaissance de la vie, voilà les deux choses où en appelle toujours Molière.
On appelle ainsi la gorge étroite et pittoresque formée par la montagne qui domine l’habitation : c’est un des sites les plus charmants de l’île. […] Son oreille délicate appelle le chant, sa voix trouve sans art la mélodie. […] De retour en France après ces trois ou quatre années, comme il les appelle, d’inconstance et d’erreurs, on le voit, en 1777, publier ou laisser courir son Épître aux Insurgents de Boston, qui rend à merveille les engouements républicains de cette galante jeunesse. […] Dans une lettre touchante de Français de (Nantes), que j’ai sous les yeux, cet homme excellent, ce bienfaiteur véritable des dernières années de Parny, l’appelle ingénument le premier poëte classique du siècle de Louis XVI. […] — Oui, c’est ainsi qu’on m’appelle.
Nous avons eu en France, à la fin de Louis XIV et sous la Régence, une société spirituelle, licencieuse et poétique, tout à fait semblable à la société que fréquentait Horace en ce temps-là : c’était celle où chantait Chaulieu, où versifiait La Fare, où naissait Voltaire, ce qu’on appelait la société du Temple, parce qu’elle se réunissait au Temple chez les princes et chez les prieurs de Vendôme, ces Mécènes corrompus du siècle, et dont l’abbé de Chaulieu était véritablement l’Horace. […] vous êtes mes protectrices, soit quand je gravis les rocs escarpés de ma Sabine, soit que la froide température de Præneste, ou les hauteurs de Tibur, ou les vagues onduleuses qui baignent Baïa, m’appellent dans leurs divers séjours ; ainsi de vos fontaines et de vos mélodieux murmures : c’est par vous et pour vous que la défaite et la déroute de Philippes m’ont laissé vivant ! […] On ne s’arrêterait pas si on arrachait, pour les faire admirer à l’esprit et au cœur, toutes les feuilles de ce jardin des roses romaines, comme les Persans appellent ces recueils de sagesse, de poésie et d’amour. […] C’était, malgré tout son esprit, ce que nous appelons un homme de bon cœur. […] Mais si vous êtes seulement un homme de bon sens et de goût exquis, un amateur des délicatesses de l’esprit et des grâces de la poésie ; si vous ne sentez plus dans votre cœur ou si votre nature tempérée n’a jamais senti les brûlures sacrées ni les stigmates toujours saignants des fortes passions : amour, dévouement, religion, soif de l’infini ; si une félicité facile et constante vous a servi à souhait dans les différents âges de votre vie ; si vous avez passé l’âge des tempêtes, l’équinoxe de cette vie ; si vous êtes détrompé des hommes et de leurs vains efforts pour se retourner sur leur lit de chimères ; si vous avez vu dix révolutions et cent batailles soulever pendant soixante ans la poussière des places publiques et des champs de mort sans rien changer dans le sort des peuples que le nom de leur servitude et de leurs déceptions ; si vous avez vu les prétendus sages de la veille déclarés fous le lendemain, et les philosophies et les systèmes qui avaient fanatisé les pères devenir la dérision de leurs fils ; si la pensée humaine, toujours active et toujours trompée, vous a attristé d’abord par ce perpétuel enfantement du néant ; si, après avoir pleuré sur ce tonneau retentissant des Danaïdes qu’on appelle Vérité, vous avez fini par en rire ; si, sans chercher plus longtemps cette impénétrable moquerie du destin qui pousse le genre humain à tâtons de la vie à la mort, vous avez pris le parti de douter de tout, de laisser son secret à la Providence, qui, décidément, ne veut le dire à aucun mortel, à aucun peuple et à aucun siècle ; si vous vous laissez glisser ainsi sur la pente, comme l’eau de l’Anio qui glisse en gazouillant sous le verger d’Horace ; si vous n’avez ni femme ni enfant qui doublent et qui perpétuent pour vous les soucis de la vie ; si votre cœur, un peu rétréci par cet égoïsme qui se replie uniquement sur lui-même, a besoin d’amusement plus que de sentiment ; si vous possédez cet Hoc erat in votis , ce vœu d’Horace, un joli domaine aux champs pour l’été, une maison chaude l’hiver, tapissée de bons vieux livres ( nunc veterum libri ) ; si votre fortune est suffisante pour votre bien-être borné ; si vous avez pour amis quelques amis puissants, amis eux-mêmes des maîtres du monde, avec lesquels vous soupez gaiement en regardant combattre Pompée et mourir Cicéron pour cette vertu que Brutus appelle un vain nom en mourant lui-même ; enfin, si vous n’avez pas grand souci des dieux, et si les étoiles vous semblent trop haut pour élever vos courtes mains vers les choses célestes ; oh !