. — Paradoxe sur l’amour (1892). — Une Belle Dame passa (1893). — Réflexions sur l’anarchie (1894) […] Ainsi : Et vainqueurs de l’amour nous allons sur la mer… Vers des flots caressés d’un murmure de voiles S’abolissaient languissamment des chants d’oiselles… Ô gracile unisson de nuit, de lune et d’eau, Vagules mémorant des morts frêles de flûtes !
Sully Prudhomme me semble avoir apporté à l’expression de l’amour le même renouvellement qu’à celle des autres sentiments poétiques… Son imagination est d’ailleurs des plus belles, et sous ses formes brèves, des plus puissantes qu’on ait vues. […] C’est une heureuse illusion que celle des âmes simples qui croient que ce poète est religieux ; n’a-t-il pas gardé de la religion la seule chose essentielle : l’amour et le respect de l’homme ?
On fondoit ses titres pour le trône, sur les amours de Cassandre, sur les sonnets pour Hélène, les cinq livres de ses odes, son Bocage royal, ses églogues, ses élégies, ses poëmes, mais principalement sur celui de la Franciade, le premier poëme épique François. […] Car soudain qu’il eut fait imprimer ses amours & le quatrième livre de ses odes, on vit en même-temps une brigade de petits musquets frisés & rimeurs de cour, qui, pour faire une ballade & un rondeau avec le refrein, mal-à-propos s’imaginent avoir seuls mérité les lauriers du Parnasse.
Il était si aisé à La Fontaine de composer un Apologue dont la morale eût été comme dans celui-ci : Amour ! Amour !
Léon Feugère, qui, par parenthèse, enseigne la rhétorique au collège Louis-le-Grand, justifie et honore sa profession par son amour et sa compétence des choses littéraires. […] Et, en effet, qu’est-ce que cet Henri Estienne dont Feugère se fait aujourd’hui l’éditeur et le biographe, si ce n’est pas essentiellement l’homme de la Renaissance, ayant toutes les opinions, les erreurs, les passions, les amours et les haines de cette Renaissance, qui disait « Raca !
Ce n’était pas un sentimental ni un amoureux transi que Malherbe ; il était positif en amour. […] Ce jour-là, Malherbe oubliait son âge et sa mission de lyrique, et qu’il n’était pas un Ovide, précepteur et ministre d’amour, mais un de ceux dont Virgile disait, leur assignant le digne emploi de l’art : Quique pii vates et Phœbo digna locuti. […] Dans ces pièces adressées à Marie de Médicis, on sent l’amour de la paix, — comme la saveur de cette paix que Henri IV avait fait goûter pendant dix ans à ses peuples, et dont Malherbe est si rempli qu’il veut continuer d’y croire et ne pas s’en désaccoutumer. […] Il a eu cependant d’heureux mouvements dans ses amours de tête, et l’on chante encore avec plaisir : Ils s’en vont, ces rois de ma vie, Ces yeux, ces beaux yeux, etc. […] Malherbe, même vieux, avait encore et toujours de l’élégance. — Et quand j’ai dit qu’il n’avait pas de sensibilité en aimant, il faudrait s’entendre sur ce mot de sensibilité ; car Malherbe était et resta toujours très-vif sur le chapitre de l’amour, tel qu’il le comprenait.
À la fin du dîner, Nigra, le ministre d’Italie, parlant des cardinaux, des prêtres d’Italie, et de leur tolérance et de leur manica larga, à l’endroit des choses d’amour, Saint-Victor dit brillamment : « Pour eux, les dogmes, c’est comme les règles du whist, il faut s’y soumettre, mais ils n’y attachent pas d’importance ! […] Là-dessus quelqu’un parle d’un ménage, apparenté aux de Noailles, dont l’amour longtemps contrarié, s’était dépensé avec une espèce de fureur, après la célébration du mariage. Et il donne un joli détail sur la fin de ces deux agonisants de l’amour. […] La femme cause politique, et l’homme parle d’amour. Et quand la femme semble amollie par l’éveil amoureux de la nature, soudain, évoquant le souvenir de la dernière guerre, cette femme se montre toute prête à se livrer furieusement à lui, non pour faire l’amour, mais pour qu’il naisse et jaillisse de leurs embrassements, un vengeur.
Une amie de madame de G… lui demandait des nouvelles de ses amours avec l’écrivain. […] Caroussat, je serais à la belle étoile ; c’est donc là où devait me mener tant d’amour ! […] Autour de lui, l’amant n’entend plus dire que des choses aussi peu agréables pour sa vanité qu’inquiétantes pour son amour. […] À quoi il lui était généralement répondu qu’elle avait là un amour malheureux. […] — D’amour ?
Les mobiles de la conduite des personnages sont encore purement fantastiques ; c’est tantôt une bonté stupide, tantôt la méchanceté pure, tantôt une rapacité ou un désintéressement également extrêmes, au contraire, les grands intérêts passionnels ou spirituels humains, l’amour, ce pivot de presque toutes nos œuvres d’imagination, l’ambition, la soif de science, de gloire, de pouvoir, de jouissance, ne jouent aucun rôle presque dans ces singuliers livres. […] Il ne pénètre pas non plus la violente beauté des passions, la profondeur des âmes, les grands élans de l’ambition, de la luxure, de l’amour, de la colère, les sourds conflits des idées et des sentiments, des convictions et des actes qu’impose la vie. […] Ses peintures de passion ne décrivent l’amour qu’en termes tout à fait vagues et, bien que son livre de notes, publié dans la Vie de J. […] Les prescriptions qui n’ont pas été puisées de l’homme même, de tous ses penchants, de la connaissance obscure du bien de son espèce, mais qui proviennent d’un élan passionné et pressant vers le parfait, d’un acte d’aveugle et d’exigeant amour, ont l’inefficacité des lois trop rigoureuses, commandent aux hommes d’excessifs devoirs, quelque retranchement essentiel de leur nature, auquel ils ne se résoudront jamais. […] Si les caractères ont quelque peu varié de l’état sauvage au nôtre, c’est surtout grâce aux mobiles que les religions dédaignent : l’orgueil, l’amour de la vie, l’amour des jouissances, l’amour sensuel même, l’intérêt, l’égoïsme individuel, l’égoïsme patriotique ; et dans ce lent travail de formation de lui-même, auquel l’ont si peu aidé ses prêtres, l’homme, en paraissant et en croyant les écouter, ne s’est défait que de ce qui lui nuisait, et n’a recherché qu’une somme supérieure de bonheur, se pliant mieux à la vie naturelle et sociale et suivant ces commandements véritables, que personne ne lui formulait, mais que les climats, la chasse, la guerre, ses sens, toute sa chair, lui ont impérieusement imposés.
Bérénice, qui suivit Britannicus, n’est qu’une élégie héroïque pleine d’allusions aux amours du roi. Le poète cesse d’être tragique à force d’efféminer l’amour et le langage d’un héros. […] Il fit à Dieu et à ses maîtres la promesse de ne plus écrire pour le théâtre ; il répudia ses amours ; il se maria à une femme vertueuse et sainte qui ne connut jamais de lui que l’époux et le père, et qui ne lut pas même ses chefs-d’œuvre de poète. […] Louis XIV, sevré par la piété que Mme de Maintenon nourrissait en lui, des amours et des fêtes mondaines de sa jeunesse, était très susceptible d’ennui, comme les âmes vides. […] La seconde scène entre Assuérus amoureux et Esther enhardie par tant d’amour révèle à ce roi la naissance juive de sa favorite.
Vous connaissez celles de L’Imitation et des Fioretti celles de Dante et de Pétrarque, les délicatesses raffinées et les folies énormes de la chevalerie et des cours d’amour. […] Dans les montagnes de la Calabre ou de la Sicile, aux jours de danse, les jeunes gens figurent par leurs poses et leurs gestes de petits drames et des scènes d’amour. […] Je n’en citerai qu’un, Éros, l’Amour, pour montrer comment le Grec, libre et pénétrant d’esprit, réunissait dans la même émotion l’adoration d’une personne divine et la divination d’une force naturelle. « Amour, dit Sophocle, invincible au combat, Amour qui t’abats sur les puissances et les fortunes, tu habites sur les joues délicates de la jeune fille ; et tu franchis la mer, et tu vas dans les cabanes rustiques, et il n’y a personne parmi les immortels ni parmi les hommes éphémères qui puisse te fuir. » Un peu plus tard, entre les mains des convives du Banquet 60, selon les diverses interprétations du nom, la nature du dieu varie. Pour les uns, puisque amour signifie sympathie et concorde, l’Amour est le plus universel des dieux et, comme le veut Hésiode, l’auteur de tout ordre et de toute harmonie dans le monde. […] Selon d’autres enfin, l’Amour étant le désir et, partant, le manque de quelque chose, est un fils de la Pauvreté, maigre, malpropre, sans chaussure, couchant à la belle étoile, mais avide du beau, et, partant, hardi, actif, industrieux, persévérant, philosophe.
L’amour tel que le concevaient les anciens n’était-il pas une folie, une malédiction, une maladie envoyée par les dieux ? […] La curiosité, l’amour qui m’a poussé vers des religions et des peuples disparus, a quelque chose de moral en soi et de sympathique, il me semble. […] « Par amour de la clarté, j’ai faussé l’histoire quant à sa mort. […] Il était grand ami de la nature et des courses pédestres ; il s’était, je crois, pris d’amour, dans l’une de ses courses, pour la fille de quelque garde forestier, et cette liaison, qui avait eu des suites, avait déplu à sa famille bourgeoise, laquelle était restée implacable et l’avait depuis lors renié. […] Il était long, maigre, élancé, fugitif, mélancolique ; il s’éclipsait parfois et retournait dans les bois, à ses amours.
Son secrétaire Maynard la faisait parler en vers tendres et passionnés, et lui-même, dans sa vieillesse, a trahi le secret lorsqu’il a dit : L’âge affoiblit mon discours, Et cette fougue me quitte, Dont je chantois les amours De la reine Marguerite. […] Sachons seulement que ce n’est là qu’une très-agréable paraphrase, mais cette fois une paraphrase évidente de ces vers d’Ovide en ses Amours (liv. […] Frère et petit n’as craint de me tenir Entre tes bras ; ne crains donc de venir Entre les miens, qui suis grand et ton roy : Car en croissant croist mon amour en moy. » Ainsy parla l’œil plain de charité, Et voz deux bras dirent : C’est veritté16. […] Cette lettre n’offre rien d’ailleurs de plus expressif que ce qu’on lit en maint endroit du présent Recueil : Ô quelle amour ! […] Seullement le peult sçavoir vostre esprit et amour pour estre perpetuellement escripte au pappier de vostre chair, par l’ancre de vostre sang ; commung à vous C.
L’amour n’est pas forcé d’y affecter la forme passagère qu’il reçoit des mœurs, du tour d’imagination de l’époque, ou de l’exemple du prince ; il n’y est ni pompeux ni raffiné. […] Rien ne s’y montre de l’époque que ce qui en fut le plus aimable : l’esprit, plus charmant alors qu’en aucun autre âge de la société française ; un peu de La Rochefoucauld, un peu de Mme de Sévigné, avec le naturel qui les avait faits amis ; la galanterie tendre et ingénieuse, qui est la forme de l’amour dans notre pays. […] Dans cette société de quatre amis, qu’il peint au 1er livre des Amours de Psyché, d’où l’on avait banni, dit-il, « la conversation réglée et tout ce qui sent sa conférence académique », on se souvient qu’il est Polyphile, l’amateur de toutes choses87. C’est son vrai nom, et cet amour pour toutes choses ajoute à la gloire de ce goût ; car il n’y a pas peu de mérite, quand on aime tout, à savoir choisir. […] Or tandis que ce grand homme, toujours généreux, vantait, dans l’Amour médecin, « les airs et les symphonies de l’incomparable Lulli », celui-ci travaillait sous main à déposséder la troupe de Molière du droit de jouer des pièces mêlées de chant et de musique.
Son grand amour, sa grande affection pour les animaux, que nous avons déjà prise sur le fait et que nous prendrons sur le fait encore plus aujourd’hui, a été pour quelque chose dans cette prise de possession de la fable par La Fontaine. […] Encore, La Fontaine a pris la fable comme son gibier, pour parler ainsi que Montaigne, parce qu’il a senti instinctivement, subconsciemment peut-être, mais enfin parce qu’il a senti qu’il avait un grand amour de la nature, que le fond même de sa nature à lui était l’amour des champs et des bois ; il nous l’a dit lui-même dans la citation que j’ai faite dernièrement : Je n’ai jamais chanté que l’ombrage des bois, Le vert tapis des prés et l’argent des fontaines… Son amour, son affection, le fond même de ses tendances étaient là. […] Je me rapporte aux yeux d’une ourse mes amours.
Il nous a dénombré en Virgile une foule de qualités d’un ordre élevé, mais littérairement secondaires : l’amour de la campagne et le talent spécial de décrire les choses de la nature, l’érudition, même celle des livres, cette triste poussière dont l’abeille romaine sut faire un miel d’or, le patriotisme tempéré par un esprit déjà moderne d’humanité universelle, etc., s’attachant avec raison à ces nuances qu’on ne pouvait pas oublier, mais n’allant pas plus loin que ces détails, extérieurs au génie, qui le parent, mais qui ne le constituent pas. […] Il nous aurait fait sentir que ce génie-femme ne l’est pas seulement par les formes de sa beauté, par la placidité, par la tendresse, par la rêverie, par le rythme du sein sous le mouvement du cœur, mais qu’il l’est encore par son amour pour le vieil Homère et par tout ce qu’une longue intimité laisse après elle, par la pudeur discrète des plaisirs qu’il en a reçus. […] Il avait poussé l’amour de son article si loin, qu’il avait pris un professeur de grec, vrai grec, pour la beauté de son article ! […] Il y a deux ou trois excellents articles (puisque articles il y a) dans le Port-Royal, entre autres celui-là, que je suis tenu à citer, où l’auteur compulse tous les maux que les Provinciales, ce livre plus grand par le résultat que par le talent, firent aux Jésuites et au catholicisme, par cela même… C’est presque tout un volume sur les conséquences historiques du livre de Pascal, que je ne crains pas d’appeler le chef-d’œuvre de Sainte-Beuve, et qu’il faudrait publier à part du Port Royal et tirer de cette chiffonnière aux tiroirs brouillés… En effet, la haine a eu là le regard aussi profond que l’amour. […] L’amour-propre a les yeux crevés comme l’autre amour, mais l’amitié doit être clairvoyante.
Au milieu de cette nature touchante et pleine de chastes ivresses, se dessèchent d’un amour aussi foudroyant que mal récompensé, de jeunes vierges que des brigands musqués enlèvent à l’amour de la famille, ou que des adolescents, transportés des plus pures intentions arrachent à une mort certaine. […] Aux libres et violents instincts, aux farouches sexualités ils opposaient le rêve, la virginité, l’amour cérébral, la spiritualisation de la chair. […] Or si l’on parcourt la série des Rougon-Macquart, l’amour de la vie et la passion du travail y éclatent à chaque page. […] Voilà le sillon que j’ai creusé dans le champ ingrat de la littérature, l’amour du travail et de la vie.
Il y a plus : même sous l’influence de passions puissantes : colère, jalousie, amour, la volonté peut venir à notre secours. […] L’ère du roman grec termine avec Daphnis et Chloé; les amours de Théagène et de Chariclée, les Récits d’Achille Tatius, les Éphésiennes de Xénophon d’Éphèse, les Lettres d’Aristénètes, genre spécial de roman érotique, dans lequel le paganisme moribond se complaisait à orner de festons et de guirlandes prolixes l’autel ruiné de l’amour classique. […] Comme Flaubert, il se vante de préférer l’amitié à l’amour ; il se déclare un peu misogyne ou ennemi du beau sexe, et méprise Sainte-Beuve, trop esclave des jupes. […] Quant à la passion, surtout à l’amour en dehors des voies du devoir, loin de la glorifier, on dirait que les réalistes ont pris à cœur d’enlever à l’humanité toute illusion sur elle, d’en montrer les dangers et les laideurs, d’en diminuer les attirances. […] Pereda trace avec amour les silhouettes des paysans, des laboureurs et des hobereaux des villages, gens simples, aimant ce qu’ils connaissent depuis longtemps, routiniers et ayant peu de replis psychiques.
La vie heureuse, dit Pascal, est celle qui commence par l’amour et qui finit par l’ambition. Mais quel ambitieux au comble des succès ne regrette ses amours de jeunesse ? […] L’amour désintéressé devient ambition. […] une niaise qui a l’esprit de l’amour. […] Mais ne prenons pas ici l’amour au sens tout à fait limité du mot.
Mon père et ma mère s’aimèrent du plus saint amour pendant dix-huit ans, avec le plus grand désir d’avoir des enfants. […] J’y avais gravé des feuillages faits à l’antique, avec de petits amours et d’autres ornements. […] Mais cet amour de rencontre est agréablement raconté. […] Il me dit alors : Pour l’amour de Dieu, liez votre épée, et n’en faites plus rien ; car il me semblait à toute heure voir mes entrailles percées. — Compère, lui répondis-je, vous n’aurez pas la peine de lier la vôtre, puisque vous ne l’avez point tirée. […] Les fugitifs de Florence, ennemis des Médicis, le raillèrent sur son amour pour eux et crurent au retour de la république.
Aussitôt que Goethe le regarde et le féconde de ce regard, l’embryon devient géant, et l’amour, la philosophie, la poésie, réunis en un seul faisceau, illuminent, enchantent, déifient le monde. […] Je n’ai pas non plus fait deux fois mes chansons d’amour et mon Werther. […] J’étais très touché de cet amour maternel qui brave le danger et la prison, et j’exprimai mon étonnement à Goethe : « Homme de peu de raison ! […] « Ces vers contiennent la clef du salut de Faust : dans Faust a vécu jusqu’à la fin une activité toujours plus haute, plus pure, et l’amour éternel est venu à son aide. […] L’amour mortel sert de clef à la plus sublime métaphysique.
Mirabeau est dès l’abord plus ouvert, disant tout, contant ses idées comme ses amours, cœur chaud et brusque, tête ardente, féconde, incohérente, — un brûlot, comme il dit, un vrai volcan : il jette feu et flammes, parfois de beaux jets, souvent de la fumée, des scories, de la cendre et des cailloux. […] Du sein même de ses études, de ses méditations économiques, dans un séjour au château de ses pères, où il s’est retiré pour une saison, Mirabeau confesse le vice qui est celui de tout son temps et qui lui gâtera sa vie, d’ailleurs intègre : « La volupté, mon cher ami, est devenue le bourreau de mon imagination, et je payerai bien cher mes folies et le dérangement de mœurs qui m’est devenu une seconde nature ; hors de là, je suis maintenant comme un poisson dans l’eau. » À côté de cet aveu que justifieront trop les futurs scandales et les éclats de sa vie domestique, mettez la sagesse et la sobriété de Vauvenargues, à qui son peu de santé interdirait sans doute les plaisirs, mais qui en est éloigné encore plus par la haute et pure idée qu’il se fait de l’amour, par le peu de goût qu’il a pour les femmes, « celles du moins qu’il connaît ». — « Je hais le jeu comme la fièvre, et le commerce des femmes comme je n’ose pas dire ; celles qui pourraient me toucher, ne voudraient seulement pas jeter un regard sur moi. » Vauvenargues avait toujours pris l’amour au sérieux : « Pour moi, je n’ai jamais été amoureux, que je ne crusse l’être pour toute ma vie ; et, si je le redevenais, j’aurais encore la même persuasion. » C’est pour cela qu’il recommençait rarement. […] Vauvenargues l’avait félicité de son mariage tant qu’il le crut fait ; il le félicita plus franchement lorsqu’il le vit rompu : J’aime, lui disait-il, votre amour pour la liberté : elle est mon idole, et j’ai peine à concevoir que l’on soit heureux sans elle.
Ce charme d’un amour adolescent se mêle et se confond pour lui avec l’amour de la nature au printemps, et avec une vague inspiration poétique qui depuis longtemps couvait et qui éclate enfin. […] Un voyage que fait Madeleine, l’été de cette année, avec ses parents à une ville d’eaux, cette courte absence d’où elle reviendra tout à fait grande personne et jeune fille accomplie, contribue fort à mûrir l’amour au cœur de Dominique et à lui apprendre ce qu’il ne se disait qu’assez vaguement. […] Il y a donc chez lui, même dans la passion, un partage entre l’amour et la muse ; la nature aussi y intervient un peu plus que comme cadre ou accompagnement : c’est un amant des choses agrestes et des harmonies naturelles à qui l’on a véritablement affaire.
Ce préservatif contre un sentiment d’amour en présence d’une jeune femme qui excitait l’admiration fut précisément ce qui fit la solidité et le charme de notre amitié. […] ce sont de vains besoins du cœur qu’il faut étouffer, car à cette heure-là nos amis sont occupés ailleurs : l’un songe à la gloire, l’autre à ses amours, un autre boude on ne sait pourquoi, et l’on reste seul. […] La seule pensée que j’y aie cherchée, c’est la confiance dans l’amour présentée comme une belle chose, et la butorderie de l’opinion comme une chose injuste et bête. — J’avais, comme vous l’avez très-bien aperçu, commencé cette histoire de Saint-Julien dans d’autres vues, et les deux corps se joignaient fort mal. […] Je ne suis pas de votre avis sur deux choses : d’abord l’amour que Quintilia devrait avoir, selon vous, pour lui ; ensuite l’indulgence qu’elle devrait avoir à la fin.
Hier encore, un estimable journal, du très-petit nombre de ceux dont les jugements comptent, le Semeur 86, tout ému de charmantes lettres d’amour écrites en 1814 par Benjamin Constant, et dont M.de Loménie a publié des extraits, semblait en conclure que nous avions perdu notre cause, comme si nous nous étions mêlé de cette délicate matière, et comme si nous avions rien dit qui pût faire injure à ces tendres billets. […] — C’est en ce sens que Buffon disait : « Je n’estimerais pas un jeune homme qui n’aurait point comme ncé par l’amour. » Quelqu’un de très-spirituel l’a dit encore : On doit faire dans la vie comme pour un voyage ; il faut toujours se mettre en route avec trop de provisions, au moral aussi ; on ne saurait être trop en fonds au départ, on a bien assez d’occasions de perdre et de dépenser. […] Ce singulier fragment nous apprend bien des choses, et d’abord qu’il ne faudrait pas absolument se fier aux lettres d’amour qu’il écrivait, pour y trouver l’expression toute vraie de sa pensée ; car enfin ce qu’il appelle ici du tendre galimatias pourrait bien, si on le retrouvait sans comme ntaire, paraître tout simplement de la tendresse exaltée. […] Est-ce donc qu’Amour a tiré trois flèches, comme pour blesser, non pas un seul cœur en moi, mais trois cœurs ?
« À l’aspect attendrissant du convolvulus, qui entoure de ses fleurs pâles quelque aune décrépit, il croit voir une jeune fille presser de ses bras d’albâtre son vieux père mourant ; l’ulex épineux, couvert de ses papillons d’or, qui présente un asile assuré aux petits des oiseaux, lui montre une puissance protectrice du faible ; dans les thyms et le calamens, qui embellissent généreusement un sol ingrat de leur verdure parfumée, il reconnaît le symbole de l’amour de la patrie. […] Ô mon pays, sois mes amours Toujours ! […] Leur souvenir fait tous les jours Ma peine : Mon pays sera mes amours Toujours ! […] La Providence semble ainsi réserver à ses favoris deux femmes providentielles : l’une, à l’entrée de la vie pour les enivrer d’un premier amour ; l’autre, au déclin des jours pour faire respecter l’intérieur.
Amour de l’ordre et de la liberté, « fidélité aux principes de 89 (et pourquoi non, je vous prie ?) […] Ernest Lavisse) « le sincère sentiment démocratique, la générosité d’instincts, la foi aux idées, le patriotisme idéaliste qui étaient en lui-même, et le même amour philosophique de l’humanité ». […] C’est autant peut-être par ce souci moral que par amour de la vérité vraie qu’il évite de faire trop large la part des personnages historiques, même des plus séduisants. […] Il avait pour la France qu’il servit si bien le plus ardent amour, le plus religieux et le plus confiant.
Sa mère, Marguerite des Amours (c’est un nom assorti pour la mère d’Amyot), avait soin de lui envoyer chaque semaine un pain par les bateliers de Melun. […] Il est piquant de remarquer que, cette même année 1559, il publiait, sans y mettre son nom il est vrai Les Amours pastorales de Daphnis et de Chloé, ce libre et agréable roman qu’Amyot, dans sa traduction, rendait plus délicieux encore, en lui prêtant une naïveté de diction qui manque quelquefois au texte grec et qui n’est ici qu’une convenance de plus. […] Il s’agit de Numa et de ses premiers actes de législateur et de civilisateur qui adoucirent le naturel féroce des premiers Romains ; j’ai regret d’altérer dans ma citation l’orthographe ancienne, qui dans ses longueurs mêmes, et par la surabondance de ses lettres inutiles, contribue à rendre aux yeux la lenteur et la suavité de l’effet : Ayant donques Numa fait ces choses à son entrée, pour toujours gaigner de plus en plus l’amour et la bienveillance du peuple, il commença incontinent à tâcher d’amollir et adoucir, ne plus ne moins qu’un fer, sa ville, en la rendant, au lieu de rude, âpre et belliqueuse qu’elle étoit, plus douce et plus juste. […] La jeunesse, qui se plaît aux choses d’amour, ne lui a pas su un moindre gré, alors et depuis, de sa ravissante traduction du petit roman de Daphnis et Chloé, chef-d’œuvre que Paul-Louis Courier a retouché, corrigé et réparé quant au sens, tout en y respectant les belles et naïves expressions du premier interprète, et en les imitant de son mieux dans les parties inédites qu’il a retrouvées.
Ce qu’on aime mieux remarquer dans ces premiers essais de Montesquieu, c’est l’amour de la science, et de l’étude appliquée à tous les objets. […] Il avait trente-cinq ans à cette date, et il a écrit : « À l’âge de trente-cinq ans, j’aimais encore14. » Mais les amours de Montesquieu ne paraissent pas l’avoir jamais beaucoup troublé ni attendri. Il a beau peindre sa Thémire, il reste pour nous plus sensuel en amour que sentimental : « J’ai été dans ma jeunesse assez heureux, disait-il, pour m’attacher à des femmes que j’ai cru qui m’aimaient ; dès que j’ai cessé de le croire, je m’en suis détaché soudain. » Et il ajoute : « J’ai assez aimé à dire aux femmes des fadeurs, et à leur rendre des services qui coûtent si peu. » Le Temple de Gnide est une de ces fadeurs, mais qui a dû lui coûter du travail. […] L’amour de l’étude est presque en nous la seule passion éternelle ; toutes les autres nous quittent à mesure que cette misérable machine qui nous les donne s’approche de sa ruine… Il faut se faire un bonheur qui nous suive dans tous les âges : la vie est si courte, que l’on doit compter pour rien une félicité qui ne dure pas autant que nous ».
La Correspondance de Grimm passe en général pour sévère, un peu sèche dans sa justesse, et même légèrement satirique ; mais, à l’origine, Grimm eut l’enthousiasme et cet amour du beau qui est l’inspiration de la vraie critique. Dans une lettre écrite contre l’opéra d’Omphale en 1752, il disait : « J’avoue que je regarde l’admiration et le respect que j’ai pour tout ce qui est vrai talent, dans quelque genre que ce soit, comme mon plus grand bien après l’amour de la vertu. » Il n’y avait pas longtemps que Grimm arrivait d’Allemagne quand il écrivait cette phrase. Au début de ses feuilles de correspondance, il continue d’être dans les mêmes sentiments ; son ton et son intention ne sont rien moins que frivoles ; il ne voit, dans le secret qu’on lui promet, qu’une raison de plus d’exercer une franchise sans bornes : L’amour de la vérité, dit-il, exige cette justice sévère comme un devoir indispensable, et nos amis même n’auront pas à s’en plaindre, parce que la critique qui n’a pour objet que la justice et la vérité, et qui n’est point animée par le désir funeste de trouver mauvais ce qui est bon, peut bien être erronée et sujette à se rétracter quelquefois, mais ne peut jamais offenser personne. […] Le très léger et très étroit Helvétius qui, dans sa vie de plaisirs, est subitement saisi de l’amour de la réputation, et qui essaye, à trois reprises, de trois veines différentes, en manquant toujours l’occasion, est presque comique.
Il a pour M. de Suhm une haute estime mêlée de sympathie et de tendresse, et, pour l’exprimer, il semble emprunter quelque chose aux dialogues des anciens : Vous savez, sans que j’aie besoin de vous le répéter, que la connaissance des perfections est le premier mobile de notre plaisir dans l’amour et dans l’amitié qui est fondée sur l’estime. […] Je cours après le temps que j’ai perdu si inconsidérément dans ma jeunesse, et j’amasse, autant que je le puis, une provision de connaissances et de vérités. » Plus tard, bientôt, au lendemain de son avènement au trône, la passion le saisira ; l’amour de la gloire, l’idée de frapper un grand coup au début et de marquer sa place dans le monde le fera, coûte que coûte, guerrier et conquérant ; il semblera oublier ses vœux et ses serments philosophiques de la veille ; il oubliera qu’il vient justement de réfuter Machiavel, il distinguera entre la morale qui oblige les particuliers et celle qui doit diriger le souverain. […] Sire, C’est en vain que l’on me berce encore d’espérances ; c’est en vain que l’amour de la vie et les puissants attraits qu’y ajoute encore la riante perspective qui m’était ouverte, cherchent à nourrir l’illusion de mon cœur par l’ardeur de ses désirs ; c’est en vain, en un mot, que je voudrais me le cacher à moi-même : chaque heure, chaque instant me le fait sentir plus profondément, et m’avertit que la fin de ma vie approche. […] Toutefois ma fermeté triomphera, car une grande et consolante espérance me soutient, l’espérance inébranlable que tout ce qui fut créé pour aimer rentrera un jour dans la source inépuisable et éternelle de tout amour.
. — Ses amours. — Son désespoir et sa folie. […] Sa maison lui était un enfer ; on soupçonne qu’une infirmité physique s’était mêlée à ses amours et à son mariage. […] Quand un homme, dans l’intérêt du public, se met à décrire le naturel d’un serpent, d’un loup, d’un crocodile ou d’un renard, on doit entendre qu’il le fait sans aucune espèce d’amour ou de haine personnelle envers ces animaux eux-mêmes. […] Les trois quarts de nos sentiments sont des sottises, et l’imbécillité de nos organes est la seule cause de notre vénération ou de notre amour. […] Ils déterrent des pierres brillantes qu’ils cachent dans leurs chenils, qu’ils couvent des yeux, dépérissant et hurlant, si on les leur ôte ; voilà l’origine de notre amour de l’or.
D’où notre irritation et parfois la témérité de cette enquête où il ne faut voir que l’impatience de l’amour. […] L’amour, c’est être bête à deux, a dit Valéry7. […] Ce ne sont pourtant que des billets d’amour, mais adressés à une femme mariée. […] il y aura toute la vie des gens pour se rendre malheureux par l’amour, le scrupule, que sais-je ? […] Teste, d’ailleurs, pense que l’amour consiste à pouvoir être bêtes ensemble », Lettre de Madame Émilie Teste, 1926, dans P.
Les trésors d’activité, les torrents d’amour dont il ne savait que faire, s’aigrissaient en lui ou débordaient à tout propos ; il avait des envies fréquentes de se sacrifier, de se dévouer ; — pour qui ? […] Il aurait eu bien à faire pour arriver de là à l’intelligence et à l’amour de l’humanité progressive et à une communion pratique de l’âme individuelle avec Dieu se révélant par l’humanité26.
La base principale d’un tel lien, l’ascendant du devoir et de la nature, ne peut être anéanti ; mais dès qu’on aime ses enfants avec passion, on a besoin de toute autre chose que de ce qu’ils vous doivent, et l’on courre, dans son sentiment pour eux, les mêmes chances qu’amènent toutes les affections de l’âme : enfin, ce besoin de réciprocité, cette exigence, germe destructeur du seul don céleste fait à l’homme, la faculté d’aimer, cette exigence est plus funeste dans la relation des parents avec les enfants, parce qu’une idée d’autorité s’y mêle, elle est donc par la même raison plus funeste et plus naturelle ; toute l’égalité qui existe dans le sentiment de l’amour suffit à peine pour éloigner de son exigence l’idée d’un droit quelconque ; il semble que celui qui aime le plus, par ce titre seul, porte atteinte à l’indépendance de l’autre ; et combien plus cet inconvénient n’existe-t-il pas dans les rapports des parents avec les enfants ? […] La tendresse conjugale, lorsqu’elle existe, donne, ou les jouissances de l’amour ou celles de l’amitié, et je crois avoir déjà analysé les unes et les autres, il y a dans ce lien cependant quelque chose de particulier, en bien et en mal, qu’il faut examiner.
Car, à mesure que ce siècle s’achemine tristement vers sa fin, je me sens plus d’amour pour les génies amples, magnifiques et féconds qui en ont illustré les cinquante premières années. […] Elle est peut-être, avec Lamartine et Michelet, l’âme qui a le plus largement réfléchi et exprimé les rêves, les pensées, les espérances et les amours de la première moitié du siècle.
La seule passion campagnarde étant, comme on sait, l’amour de la terre, vous prévoyez le sujet. […] Robert d’Ancelys, flétri par les turpitudes de la vie de collège, puis régénéré par un crime d’amour, n’aura plus pour principe d’action que la religion de la souffrance humaine.
Fort comme la mort dit un amour « fort comme la mort » en effet, et raconte à la fois le plus noble des drames intérieurs et l’immense tristesse de vieillir Notre Coeur flétrit la femme qui ne sait pas aimer ; et si l’amoureux demande des consolations à l’amour simpliste, tel qu’il était conçu dans les Sœurs Rondoli, il est clair qu’il n’y trouvera plus jamais le repos.
Paul Fort Domaine de fée : un des plus beaux « Livres d’amour ». […] Remy de Gourmont Ce poème de vingt-huit feuillets (Domaine de fée) est sans doute le plus délicieux livret de vers d’amour qui nous fut donné depuis les Fêtes galantes et, avec les Chansons d’amant, les seuls vers peut-être de ces dernières années où le sentiment ose s’avouer en toute candeur, avec, la grâce parfaite et touchante de la divine sincérité.
Le monde nous écoute volontiers, quand nous lui parlons de ses intérêts généraux ; car nous avons le don de la sympathie, cette intuition, cette illusion si l’on veut, qui, dans tout homme, je dirai presque dans tout être conscient, nous fait toucher une vie sœur de la nôtre, dans toute fleur nous montre un sourire, dans l’univers entier nous fait voir un grand acte d’amour. […] D’où viendraient les sentiments instinctifs, la bravoure, qui est si essentiellement héréditaire, l’amour noble, qui n’a rien à faire avec la réflexion, toutes ces pensées, qui ne se rendent pas compte d’elles-mêmes, qui sont en nous sans nous, et forment la meilleure partie de l’apanage d’une race et d’une nation ?
De là, plus de sincérité dans les sentimens, plus de liens dans les familles, plus de sûreté dans le commerce, plus d’amour pour la Patrie, plus d’équité, plus d’honneur. […] Et si un véritable amour de l’humanité dirigeoit les plumes philosophiques, les bienfaits continuels de cette Religion ne devroient-ils pas les arrêter ?
Pour chanter les choses de la terre, l’enthousiaste amour est utile. […] Est-ce pour nourrir de tels poètes que nous avons jeté aux vents toutes les semences de notre amour ?
On pourrait faire des volumes des divers passages favorables à la liberté et à l’amour de la patrie qui se trouvent dans les auteurs du dix-septième siècle. […] Comment se fait-il que notre prodigieux amour de la patrie aille toujours chercher ses mots dans un dictionnaire étranger ?
Augustin offre pourtant un autre tableau : un jeune homme ardent et plein d’esprit s’abandonne à ses passions ; il épuise bientôt les voluptés, et s’étonne que les amours de la terre ne puissent remplir le vide de son cœur. […] Je n’y fus pas plus tôt arrivé que je me vis assiégé d’une foule de coupables amours, qui se présentaient à moi de toutes parts… Un état tranquille me semblait insupportable, et je ne cherchais que les chemins pleins de pièges et de précipices.
Car c’est un esprit de feu, composé de foi et d’enthousiasme, que ce Léon Bloy inconnu, qui ne peut plus l’être longtemps après le livre qu’il vient de publier… Pour ma part, parmi les écrivains catholiques de l’heure présente, je ne connais personne de cette ardeur, de cette violence d’amour, de ce fanatisme pour la vérité. […] Le livre de Léon Bloy, que les ennemis de l’Église traiteront de mystique pour l’insulter et pour n’y pas répondre, — comme si le mysticisme n’était pas la dernière lueur que Dieu permette à l’homme d’allumer au foyer de son amour pour pénétrer le mystère de sa Providence, — ce livre, creusé plus avant que l’histoire du comte Roselly de Lorgues dans les entrailles de la réalité divine, est encore plus la glorification de l’Église que la glorification de Christophe Colomb.
C’est un enfant intelligent qui s’enivre d’amour pour la grande culture humaine. […] Renan avait connu une crise de conscience, je crois qu’il faudrait la chercher un peu plus tard, quand il a terminé son essai sur l’Avenir de la Science et qu’après quelques tentatives, il se détermine à se conformer à la conduite dictée par les anciens : « Le philosophe doit sacrifier aux dieux de l’Empire. » Ce que Pascal formulait : « Il faut avoir une pensée de derrière la tête et juger du tout par là, en parlant cependant comme le peuple. » Cet aphorisme constitue le point essentiel du « renanisme » ; c’est à l’adopter que le maître put hésiter, parce qu’il avait l’amour de la vérité et qu’il dut lui en coûter de la taire à demi, comme il fit le plus souvent, dès sa trentième année.
Et toutes les fois qu’elle a à s’occuper de l’amour, avec quelle complaisance grave et triste elle le fait ! […] Son sentiment filial avait été très-ardent, très-pieux ; son amour maternel fut au delà de tout, comme d’une personne mariée tard, s’attachant d’une force sans pareille à un fils qu’elle n’avait pas espéré, et sur lequel, selon l’heureuse expression d’un père, elle a laissé toute son empreinte99. Ses ouvrages sur l’éducation furent donc à ses yeux un acte d’amour et de devoir maternel ; dans la préface des Lettres de Famille, elle n’a pu se contenir sur ce cher intérêt, comme elle l’appelle. […] « Les amours de la jeunesse ont besoin d’un peu de surprise, comme celles qui viennent ensuite ont besoin d’un peu d’habitude. » (15 thermidor an XIII, à propos d’un roman, Julie de Saint-Olmont.) « L’amour, la jeunesse, les doux sentiments de la nature offrent bien autant de chances de vie que de mort, autant de moyens de consolation que de malheur.
Bien qu’aucune doctrine philosophique ou religieuse (excepté celles qui mortifient absolument et retranchent) ne soit contraire au sentiment et à l’amour de la nature ; bien qu’on ait dans ce grand temple, d’où Zenon, Calvin et Saint-Cyran s’excluent d’eux-mêmes, beaucoup d’adorateurs de tous bords, Platon, Lucrèce, saint Basile du fond de son ermitage du Pont, Luther du fond de son jardin de Wittemberg ou de Zeilsdorf, Fénelon, le Vicaire Savoyard et Oberman, il est vrai de dire que la première condition de ce culte de la nature paraît être une certaine facilité, un certain abandon confiant vers elle, de la croire bonne ou du moins pacifiée désormais et épurée, de la croire salutaire et divine, ou du moins voisine de Dieu dans les inspirations qu’elle exhale, légitime dans ses amours, sacrée dans ses hymens : chez Homère, le premier de tous les peintres, c’est quand Jupiter et Junon se sont voilés du nuage d’or sur l’Ida, que la terre au-dessous fleurit, et que naissent hyacinthes et roses. […] Cela serait triste à penser ; un tel désaccord entre le caractère et le talent, entre la vie pratique et les œuvres, concevable après tout dans des hommes de génie plus ou moins ironiques ou égoïstes, ne se peut admettre aisément chez celui dont le talent a pour inspiration et pour devise principale l’amour des hommes, la miséricorde envers les malheureux, toutes les vertus du cœur et de la famille. […] Cette passion, dont on peut lire le récit complaisamment tracé par le biographe de Bernardin de Saint-Pierre, m’offre bien l’idéal des amours romanesques, comme je me les figure : être un grand poète, et être aimé avant la gloire ! […] Il y est montré dans une essentielle discussion que « Milton a copié les amours d’Adam et d’Ève sur les amours de la terre, quoiqu’il en ait magnifiquement embelli les couleurs ; mais il n’avait trempé tout au plus qu’à moitié son pinceau dans la vérité. » Le grand succès de vente des Études mit l’auteur à même d’acheter une petite maison rue de la Reine-Blanche, à l’extrémité de son faubourg.
Rousseau, presque de nos jours, écrivit de verve trois livres d’un style entraînant qui vous empêche de réfléchir : un livre chimérique sur l’éducation, appelé Émile ; un livre immoral et raisonneur sur l’amour, appelé Héloïse ; enfin un livre de fanatique, sur la législation des empires, appelé le Contrat social, livre où toutes les lois sont faites à l’inverse de l’homme, un livre qui exalte la liberté et finit par la plus atroce des tyrannies. […] À présent que je suis de sang-froid, Monsieur, me répondit Baptistin, le forçat de l’amour, que sa cousine attendait à la geôle de sa maison de détention pour le récompenser de tant de malheur souffert pour elle, et qui achevait entre l’espérance et l’amour ses dernières semaines de captivité ; à présent que je suis de sang-froid, il me semble que le héros de M. […] Misère du cœur qui s’attache et qui se brise en se sentant enlever ce qu’il aime plus que la vie ; misère du sage qui se dessèche et qui s’effeuille comme une racine de cyprès sur une tombe, et qui ne végète plus que par l’écorce ; misère de l’amour qui est séparé de l’amour par les impitoyables obstacles de la vie, qui meurt ou qui voit mourir tout ce qui fait passer l’homme sur la dure nécessité de vivre ; misère de la condition dans laquelle Dieu nous a fait naître, comme des mineurs dans l’onde humide et froide des puits de métal ou de charbon où il faut aller puiser le salaire, pain du soir ; misère du dénuement qui menace tous les jours de la faim du lendemain le salarié quelconque qui se sent gagné par la vieillesse ou l’infirmité, comme l’homme qui s’enfonce dans le sol du marécage qui va l’étouffer ; misère de l’inexorable maladie paralysant sur son grabat le jeune travailleur, qui ne peut répondre aux larmes de sa femme et aux cris affamés de ses petits enfants qu’en tordant ses bras désespérés et qu’en maudissant l’imprudence qui l’a poussé à devenir père ; misère de l’homme sans ressources, chassé par ses créanciers impitoyables du toit qui l’a vu naître, de l’ombre qu’il a plantée, pour aller errer sans asile, sans pain, sans tombeau et sans berceau sous des cieux inconnus ! […] Et remarquez déjà, chose étonnante dans ce poème des travailleurs illusionnés : c’est que personne n’y travaille, et que tous sortent du bagne ou sont dignes d’y être, à l’exception de l’évêque et de Marius, de la religion et de l’amour.
Les Vénus devinrent des Vierges ; avec les Amours, on fit des anges ; les emblèmes à devises espagnoles, qui remplissaient les espaces perdus, ne choquaient personne. […] Si, plus tard, j’ai aimé l’Hermon et les flancs dorés de l’Antiliban, c’est par suite de l’espèce de polarisation qui est la loi de l’amour et qui nous fait rechercher nos contraires. […] Si l’on n’a point l’amour du travail, on peut ne rien faire, et il faut avouer qu’un grand nombre usent largement de la permission. […] Il portait en lui un trésor infini d’amour. […] Gottofrey un roman secret, quelque erreur héroïque sur l’amour.
Voici le grand duo d’amour. […] Au génie de Wagner, d’essence purement allemande, se joignait un amour passionné pour son pays. […] Le même jour, le 19 avril, un article intitulé « l’esthétique wagnérienne en amour », commentant les lettres publiées dans le Figaro, la traduction de Une Capitulation, et des correspondances de province encourageant M. […] Mais son infaillible instinct d’artiste et de poète lui a fait comprendre que la question de la destinée humaine, le désir d’une existence renouvelée, réparatrice de tous nos maux, la soif de la vérité, de la justice et de l’amour, étaient les grandes, les principales sources de poésie. […] Alors plus encore que maintenant on révérera la mémoire de quelques hommes qui s’émurent de notre longue misère, qui soupirèrent après une meilleure destinée, et qui mirent dans leurs œuvres, sciemment ou non, le frisson de l’amour et de la foi.
, de respect, de reconnaissance et d’amour chrétien de la famille, quoiqu’il n’ait pas fait baptiser ses enfants. […] … Seul éternellement dans la vie, ce lépreux de cœur qui s’appelle Rousseau eut des maîtresses plus ou moins ignobles, des sentimentalités plus ou moins putrides, mais il n’eut jamais, dans la sainte vérité du mot, ni un amour ni une amitié. […] pour l’amitié que pour l’amour, il eut des amitiés superbes, et, parmi les superbes, une sublime (celle de Gustave Fallot). […] On dit qu’il a la pudeur de l’amour et le respect des os de ses pères. […] Le mérite de ce magnifique livre, — inachevé comme tant de choses belles qui gagnent peut-être à être inachevées, — comme cette statue de l’Amour du grand Michel-Ange, déterrée après sa mort, et à laquelle il manquait un bras ; — le mérite de ce livre ne s’arrête qu’aux endroits où Proudhon cesse d’être chrétien — le chrétien qu’il est de nature — et se heurte à sa philosophie… Livre profond et éloquent !
Ce qui domine et remplit Lohengrin, c’est l’idée de la foi dans l’amour et de la nécessité de la foi en l’être aimé pour que l’amour puisse subsister. […] Le récit des amours de Prédern et de Marie est ravissant. […] Marie, c’est la curieuse d’amour ineffable, que l’amour le plus délicat et le plus tendre, mais s’exprimant cependant en paroles et en gestes, blesse au moment même qu’elle l’accepte et est heureuse de l’accepter. […] En vain elle se fera, comme maintes fois déjà, toute abnégation et tout amour. […] Et puis tout s’affaiblit, tout passe, tout meurt, l’amour comme le reste.
D’un côté comme de l’autre, c’est avant tout une protestation contre le mauvais goût régnant, une gageure d’échapper aux fades pastorales et aux opéras langoureux, aux Amours de Boucher et aux abbés de Watteau, aux descriptions de Saint-Lambert et aux vers musqués de Bernis. […] Les amours de Le Brun avec la femme qu’il a célébrée sous le nom d’Adélaïde se rapportent précisément au temps dont nous parlons. […] Tous deux ont chanté leurs plaisirs et leurs peines d’amour en des élégies qui sont, à coup sûr, les plus remarquables du temps41.
Non vuol rivali amore (l’Amour ne veut point de rivaux). […] Eularia, muette par amour, représentée le 29 mai de la même année. […] Mezzetin, enhardi par ces faveurs, s’éprit de la favorite du roi et lui déclara son amour.
Au déclin du polythéisme, Cicéron écrivait encore : « Nos ancêtres ont voulu que les hommes qui avaient quitté cette vie fussent comptés au nombre des dieux… Rendez aux dieux Mânes ce qui leur est dû ; ce sont des hommes qui ont quitté la vie, tenez-les pour des êtres divins. » Dans cette vie muette et voilée qu’il continuait sous la tombe, le mort gardait ses passions terrestres : des haines et des amours brûlaient sous sa cendre, une éruption pouvait toujours sortir de ce volcan mal éteint. […] Vois cette toile tissée par les mains, et les figures de lions qui y sont brodées. » — La sœur embrasse avec de tendres transports ce frère retrouvé, le seul amour qui survive aux pertes affreuses de son âme, toute autre affection en elle étant morte ou dénaturée. — « Ô douce lumière de mes yeux, toi qui as quatre parts dans mon cœur ! Car il me faut te nommer mon père, et c’est à toi que va l’amour que j’eus pour ma mère détestée si justement aujourd’hui, et pour ma sœur cruellement sacrifiée. » — Passage d’effusion unique dans ce drame âprement aride, en qui la haine, dévorante comme une idée fixe, tarit alentour tous sentiments tendres.
Tantôt on retrouve en elle ce sourire intérieur de la vie, cette tendresse intarissable de l’âme et du regard, et surtout ce rayon de lumière si serein de raison, si imbibé de sensibilité, qui ruisselait comme une caresse éternelle de son œil un peu profond et un peu voilé, comme si elle n’eût pas voulu laisser jaillir toute la clarté et tout l’amour qu’elle avait dans ses beaux yeux. […] Ce premier amour avec Lucy, sous l’invocation d’Ossian, est une jolie esquisse, d’un trait pur et simple ; c’est finement touché : il y a du sourire, un peu de malice ; en un mot, de ces qualités qu’excède aisément le talent de M. de Lamartine, mais qui font d’autant plus de plaisir à rencontrer chez lui. […] Il n’a pas seulement l’amour de la nature, il en a la frénésie.
Si ces mouvements résident plusieurs années dans un cœur, ce n’est que comme un feu assoupi sous la cendre ; leur flamme cause un incendie trop grand pour être durable : désir, effroi, pitié, amour, haine même, tout cela, porté aux derniers excès, s’épuise bientôt ; la violence d’une tempête est un présage de sa fin. […] Son adresse consiste à inventer des situations délicates où le père se trouve en compromis avec ses enfants, l’amant avec la personne aimée, l’intérêt avec l’amitié, l’honneur avec l’amour. […] Pour l’amour, puisque c’est un mal nécessaire, il serait à souhaiter que les pièces de Corneille ne l’inspirassent aux spectateurs que tel qu’elles le représentent.
« — Je chante, dit l’auteur du Roman bourgeois, les amours et les advantures de plusieurs bourgeois de Paris, de l’un et de l’autre sexe. — Et, ce qui est de plus merveilleux, c’est que je les chante, et si je ne sçay pas la musique. » L’identité des deux intentions est frappante. […] L’Amour, descendu sur la terre pour fuir une correction maternelle, s’attache successivement à différents types, destinés, dans la pensée de l’auteur, à attester la dépravation des sentiments et l’avilissement des cœurs de son siècle : une pédante, Polymathie-Armande ; une prude, Archelaïde-Arsinoë ; une coquette, Polyphile-Célimène ; Landore, une sotte ; Polione, une courtisane, etc., etc. Quant à l’allusion reconnue aux amours de Fouquet, ce n’est rien qu’un épisode pour ainsi dire hors d’œuvre que Furetière a joint à son récit afin d’amorcer la curiosité par le scandale.
Savourez-moi ce poème d’amour maternel. […] Vous vous dites : « Ainsi, ce sont là les vers d’amour de ce monsieur ? […] Elle y joignait la romance sur l’amour maternel, sur les pauvres, sur le printemps. […] Le sentiment qu’il voue à ses amies est encore un peu l’amour. […] Son amour, qui flatte sans effrayer, lui vaut du moins des confidences d’une espèce particulière, la confidence des douleurs qui viennent de l’amour.
Ils frissonnent d’amour, uniquement à la lecture des Idylles. […] Jamais l’humanité n’incarna, en de si prodigieux héros, les divers sentiments de l’amour. […] Il les appelle et elles se lèvent, car il est semblable à l’Amour. […] Il lui eût tant plu de se mêler à ces rudes travaux, à ces mâles amours. […] « Le Poète, proclame-t-il, est semblable à l’Amour.
Dimanche 24 janvier Devant ce vieux dévalé au bas d’un lit d’amour, le cri de cette fille à sa bonne : — Maria, vite, vite, l’eau de mélisse et un sapin ! […] Dans sa débine, il s’était imaginé de faire quelques dessins de femmes et d’amours — des réminiscences de l’École des Beaux-Arts — et les avait portés, dans la semaine qui précédait Noël, à un journal illustré. […] Dès ce temps, elle mettait en moi l’amour des vocables choisis, techniques, imagés, des vocables lumineux, pareils, selon la belle expression de Joubert, « à des miroirs où sont visibles nos pensées », — amour qui, plus tard, devenait l’amour de la chose bien écrite. […] Jamais on n’a joué l’amour comme cela, et il y a une telle passion dans son jeu, que Mme Daudet a peur d’amener Lucien, à la première. […] La scène d’amour conjugal qui remplit l’acte, scène un peu artificielle, joué par l’actrice artificielle qu’est Sizos, n’a pas d’action sur le public.
Il suffit d’ailleurs d’un peu de piété dans le cœur, d’un peu d’amour de Dieu pour renoncer bien vite à ces idolâtries, car une jolie femme s’adore. […] Mais l’absence complète et volontaire de fortune ne lui laissait pas l’illusion d’être recherchée, et l’espèce de langueur désintéressée d’amour qui suit ces circonstances l’avait détachée de toutes ces espérances, sinon de tous ces désirs. […] L’amour, pensait-elle, n’est pas fait pour moi ; je ne dois pas même y songer. […] Elle avait pour son père un amour filial plein de confiance, de pitié pour son isolement, de reconnaissance pour tous les sacrifices qu’il s’imposait en faveur de ses enfants ; pour sa sœur Mimi une affection vraiment maternelle qui aimait à se tromper soi-même, en lui persuadant que cette jeune sœur était sa fille. […] « Mon âme est naturellement aimante, et la prière, qu’est-ce autre chose que l’amour, un amour qui se répand de l’âme au dehors comme l’eau sort de la fontaine ?
» « Le jour même de l’affiche, je me rendis aux Quatre-Vents ; mais ce n’était pas alors dans la joie de mon cœur, c’était comme le dernier des malheureux auquel on enlève son amour et sa vie. […] au moins en voilà un qui n’est pas fâché de partir : l’amour de la gloire éclate dans ses yeux. » Et me posant la main sur l’épaule : « C’est bien, Joseph, fit-il, je te prédis qu’à la fin de la campagne, tu seras caporal. […] Mon attendrissement était si grand, qu’une larme suivait l’autre sur mes joues ; et cela me faisait pourtant du bien d’avoir cette confiance en elle, et d’être sûr qu’elle conserverait son amour jusque dans la vieillesse, qu’elle m’aurait toujours devant les yeux, et qu’elle n’en prendrait pas un autre. […] C’était encore une fois le bon temps de la jeunesse, le temps de l’amour, le temps du travail et de la paix. […] Quand on le ferme, on n’a dans les yeux ni héros, ni héroïne, ni amour, ni aventures qui s’effacent avec le temps.
Nina, dont l’amour n’était pas éteint par la perfidie de son amant, mourut de douleur en apprenant sa mort. […] Je voyais l’aimable Roscana : mon âme se serait envolée avec le rayon de mon amour. […] » « Ce rayon de ton amour, dit Suloicha, cette Roscana, qu’était-elle ? […] Je sollicitai son amour, et l’invitai à me suivre dans la plaine d’I-una. […] Armar, guerrier fameux, vint à ma demeure et rechercha l’amour de Daura ; il n’essuya pas de longs refus.
Il prophétise la concorde, la bonté, la douceur, l’union, l’hymen des races, l’amour. […] On n’échappe pas à l’amour. L’amour, inassouvi et mécontent, se change à la fin de la vie en un sinistre dégorgement de chimères. […] Ces deux poèmes sont les deux pôles de l’extase ; volupté et horreur ; les deux limites extrêmes de l’âme sont atteintes ; dans le premier poëme l’extase épuise l’amour ; dans le second, la terreur, et elle apporte aux hommes, désormais inquiets à jamais, l’effarement du précipice éternel. […] Le peuple allemand, si comprimé comme peuple, si émancipé comme penseur, chante avec un sombre amour.
L’oncle et le père de Hugo nourrissaient de nombreux griefs contre l’empereur, qui refusa de confirmer ce dernier dans son grade de général, conféré par Joseph Lahorie, qui pendant sa réclusion de 18 mois aux Feuillantines, apprenait au jeune Victor à « lire Tacite », ne devait pas non plus, lui inculquer l’amour de Bonaparte, contre lequel il conspirait. […] L’Événement prenait cette devise, qui, après juin, était de saison : « Haine à l’anarchie — tendre et profond amour du peuple. » Et pour qu’on ne se méprît pas sur le sens de la deuxième sentence, le numéro spécimen disait que L’Événement « vient parler au pauvre des droits du riche, à chacun de ses devoirs. […] Mais c’est en poursuivant de ses injures, de ses colères et de ses dénonciations les vaincus de juin, que l’Événement donne la mesure de son profond amour pour la République. […] Hugo, aux yeux du gros public, accapara la gloire de la pléïade romantique, non parce qu’il fut le plus grand poète, mais parce que sa poétique embrasse tous les genres et tous les sujets, de l’ode à la satire, de la chanson d’amour au pamphlet politique : et parce que, il fut le seul qui mit en vers les tirades charlatanesques de la philanthropie et du libéralisme bourgeois. […] Ils reconnurent dans Hugo, couronné de l’auréole du martyre et flamboyant des rayons de la gloire, un homme de leur espèce et plus on exaltait son dévouement au Devoir, son amour de l’idée et la profondeur de sa pensée, et plus ils s’enorgueillissaient de constater qu’il était pétri des mêmes qualités qu’eux.
On se prit à aimer pour l’amour d’aimer, à pleurer pour la douceur des larmes. […] Ils s’attendrissent sur les peuples qui meurent, ils s’éprennent de la décrépitude de l’Islam, ils rêvent de se prosterner avec des Bédouins en guenilles dans les mosquées vermoulues qu’entretient notre budget, et ils n’ont d’yeux que pour les vendeuses d’amour qui portent en colliers nos pièces de vingt francs et qui font venir de Paris même le rouge dont elles teignent leurs pommettes. […] * Pour nous, c’est dans un esprit de confiance et d’amour que nous voudrions aborder l’étude de la vie. […] Ainsi nous développerons notre goût, nous enrichirons nos idées ; et si nous avons vraiment l’amour de la vie, si nous savons la contempler avec un étonnement toujours nouveau, nous serons excellemment préparés pour la mise en œuvre des lieux communs éternels de l’art. […] Ou bien il niera tout ce qu’il n’a pas et tout ce qu’il envie chez les autres : la race, le génie, l’amour même, — toutes ces grandes réalités bienfaisantes qui conspirent pour fonder un ordre de choses et une félicité dont il est exclu.
Regarde, ô mon amour ! […] Que n’ai-je la voix et l’ardeur du séraphin pour chanter ta gloire avec un amour religieux ! […] Michaud, voulut voir l’Amour ; elle approcha la lampe fatale, et l’Amour disparut pour toujours. […] On y reconnaîtra, j’espère, un amour pur du vrai. […] Peut-on jamais trop inspirer l’amour des devoirs et de la vertu aux princes d’où dépend le bonheur de tant d’hommes ?
Qui, je vous prie, les a fait éloquents, sinon l’amour de la vérité ? […] Ainsi causant de leurs amours et de leurs études, ils arrivaient à la ville où l’on dînait, et où les attendait une abondante table d’hôte. […] Et maintenant, à mon amour mesurez ma haine. […] Si la France a failli en cette guerre par amour de la gloire, il suffit que cet amour lui reste au cœur pour qu’elle se relève ; si c’est, au contraire, pour n’avoir pas assez aimé la gloire, son malheur n’est pas une trop dure expiation de sa faute. […] je le vois bien, mon enfant, nous souffrons tous les deux du même amour ; c’est cet amour de la patrie, qui a parlé en nous, et qui a fait taire tout le reste, le jour où le pied de l’Allemand a violé la frontière sacrée et arrose de sang français la terre de France !
Salin est gentil, fidèle en amour, en amitié, en politique, fin en esprit ; ses défauts sont d’être un peu vain innocemment sur ce point de l’amour, un peu menu sur tout le reste. […] On a reconnu la matière des vers célèbres de Musset : Amour, fléau du monde, exécrable folie, Toi qu’un lien si frêle à la volupté lie, Quand par tant d’autres nœuds tu tiens à la douleur ! […] Il n’y a que lorsqu’on entre par le cœur dans l’ordre chrétien, dans l’ordre de charité et de Jésus-Christ, qu’on sort du La Rochefoucauld ; il n’y a que le christianisme qui renverse l’homme : et encore il reste à savoir si ce renversement n’est pas lui-même une dernière forme, la plus subtile de toutes, le dernier tour de force et la sublimité de l’amour de soi. […] le bon Géruzez, qui lui-même a résumé élégamment et avec assez de justesse l’histoire littéraire du passé, mais qui ne compte pas comme critique contemporain, s’est épris d’un bel amour pour Turquety ; il faisait pour lui seul une exception entre tous les poètes de la nouvelle école : un tel choix juge le critique et le poète : ils s’appareillaient tous deux. […] L’amour de la vérité est un, et celui qui ment sans vergogne pour mieux faire ses gorges chaudes aux dépens d’un honnête homme, son contemporain, nous montre qu’il ne doit pas être bien scrupuleux, ni difficile en preuves, quand il s’agit de ses saints et oracles dans le passé.
Tout ce qui a passé et défilé sous nos yeux depuis trente-cinq ans en fait de mœurs, de costumes, de formes galantes, de figures élégantes, de plaisirs, de folies et de repentirs, tous les masques et les dessous démasqués, les carnavals et leur lendemain, les théâtres et leurs coulisses, les amours et leurs revers, toutes les malices d’enfants petits ou grands, les diableries féminines et parisiennes, comme on les a vues et comme on les regrette, toujours renaissantes et renouvelées, et toujours semblables, il a tout dit, tout montré, et d’une façon si légère, si piquante, si parlante, que ceux même qui ne sont d’aucun métier ni d’aucun art, qui n’ont que la curiosité du passant, rien que pour s’être arrêtés à regarder aux vitres, ou sur le marbre d’une table de café, quelques-unes de ces milliers d’images qu’il laissait s’envoler chaque jour, en ont emporté en eux le trait et retenu à jamais la spirituelle et mordante légende. […] » Tout le roman s’est révélé, et juste à son heure, à ce moment plus que hasardé où l’on fait pour la première fois le pas décisif. — • Ainsi encore, dans les Enfants terribles : on est dans un jardin public ; une jeune femme dans le fond dont on ne voit pas le visage, mais qui a un air des plus convenables, est occupée à lire ; sa petite fille joue près d’elle ; un monsieur qui a lorgné la mère demande à la petite, en la prenant entre ses genoux et en y mettant toutes sortes de façons : « Petit amour, comment s’appelle Madame votre maman ? […] Chacun en juge à sa guise et en décide selon ses goûts : — « La beauté, c’est, ma mie, a dit l’écolier, le bonheur est dans l’amour. » — « Le bonheur est en campagne, dit le soldat ; rien n’est beau comme un cavalier le sabre au poing. » — « Si ce n’est un coffret plein et bien gardé », répond l’avare. […] De même, dans les Lorettes vieillies, dans ces figures de portières, de mendiantes et de balayeuses, au-dessous desquelles on lit : « … a figuré dans les ballets » ; ou bien : « On a fait des folies pour Dorothée » ; ou bien : « Et moi, ma livrée était bleu de ciel » ; dans cette autre série des Invalides du sentiment, où figurent tous les éclopés de l’amour et des passions, il a montré et étalé l’affreux revers.
Lourdement, minutieusement, prolixement, mais enfin avec puissance et profondeur, il nous décrit des âmes, des états d’âmes, des formations et des transformations d’âmes ; ce que peut donner dans une âme contemporaine la situation d’Hamlet (André Cornélis), ce que peut être l’amour d’une femme du inonde ou l’amour d’une coquine dans notre société contemporaine (Mensonges), ce que peut produire telle doctrine philosophique dans une âme résolue à conformer sa pratique à son idée (le Disciple), etc. […] Les études sérieuses sont éparses surtout dans Monsieur de Camors (1867), Histoire d’une Parisienne (1881), la Morte (1886), les Amours de Philippe (1887), et quelques traits dans Honneur d’artiste (1890). — Edition : Romans, Calmann Lévy, 14 vol. in-18 ; Théâtre, 5 vol. in— 18. […] Principaux romans : Cruelle Énigme (1885): Crime d’amour (1886) ; André Cornélis (1887) ; Mensonges (1887) ; le Disciple (1889) ; Un Cœur de femme (1890) ; la Terre promise (1892) ; Cosmopolis (1893).
» — « Constatant que sur cent journalistes qui se suicident, il y en a quatre-vingt-dix qui le font par amour, Parisis prétend que “c’est honorable pour la corporation”. […] Déchaînés aussi, mais liturgiques, sur les dômes et par les vals, que le tympanon et la saquebute ; que les cymbales clair-sonnantes et les harpes funéraires ; que le psaltérion décacorde ; que la viole d’amour et les orgues de douleur ; que les flûtes onaniaques des ithyphalliques adônies ; que les trompettes écarlates, les buccins de pourpre et de sinople, les tubas ; que les clairons vermeils ; que les hautbois agrigentins ; que le tambour des Mimallonnes où s’effare l’Evohé ; que le cri des Thyades et le rugissement des panthères ; que la fureur des Béhémoth et le souffle du Léviathan ; que l’onagre et l’étalon gorgé de chair humaine ; que la licorne et l’unicorne ; que l’hircocerf et le caprimulge ; que le guivre et l’alérion ; que l’âne priapique aux dons joyeux, vocifèrent la louange de ce poète bien venu… » Ce faire-part de naissance continuait longtemps sur ce ton et le Timbalier ne manquait pas d’ajouter : « Par un jeu coutumier à la professionnelle modestie, l’Auteur, exposa naguère, sous des noms aimés, ses poèmes, aveuglants joyaux, curieux de savoir, peut-être, ce que la vitre du pseudonyme interposée entre son œuvre et lui absorbait de rayons. […] « Et tandis que Lutèce imbriaque se vautre dans son excrément, heureuse du César de louage 11 qu’elle s’est donné, nous, les linostoles verts des futures néoménies, conglorifiant, sur tels modes exténués, le stérile hymen des impubères chers, nous déploierons les banderoles, fervents du seul Amour et des lauriers que, pour nos tempes, fait croître en ses jardins Lesbos immarcessible. […] Afin que le Poète soit Chappé d’amour, quand il s’asseoit Sous les pilastres De la crypte jaune où l’encens Monte en flocons évanescents Parmi les astres12.
Enfin, comme les femmes ont ici la haute main apporter, pour leur plaire, l’ombre au moins de l’amour : la galanterie ; afficher pour toutes les dames une courtoisie chevaleresque ; être à leur égard toujours en fonds de flatteries délicates. […] Feint-on de mépriser les douceurs dont il est prodigue, il répond, la bouche en cœur101 : « Il ne s’agit pas de compliments, Madame ; vous êtes bien au-dessus de cela, et il serait difficile de vous en faire. » N’essayez pas de l’empêcher de débiter ses sucreries ; vous n’y réussiriez pas. — « Tu peux te passer de me parler d’amour, dit Silvia. — Tu pourrais bien te passer de m’en faire sentir, répond Dorante. — Ahi ! […] Encore une fois, laisse-là ton amour ! […] Le jeu de l’amour et du hasard.
On sait que lorsque Huet fut nommé à l’évêché d’Avranches, et pendant les huit ou neuf années qu’il remplit les fonctions épiscopales si peu d’accord avec son amour opiniâtre pour l’étude, il passait bien des heures dans son cabinet, et quand on venait le demander pour affaire, on répondait : Monseigneur étudie, ce qui faisait dire aux gens d’Avranches, pleins d’ailleurs de respect pour lui : « Nous prierons le roi de nous donner un évêque qui ait fini ses études. » C’est cette idée de savant toujours absorbé et rêveur, tel qu’on se le figure communément, qui se sera répandue dans le peuple et qui aura donné lieu à ce dicton : T’es tout évêque d’Avranches. […] L’enfant, dès l’âge de six ans, eut à supporter bien des gênes et des taquineries de la part de ses jeunes cousins avec qui on le faisait élever ; paresseux et joueurs, ils s’entendaient pour l’empêcher de satisfaire l’indomptable amour de la lecture et de l’étude qu’il avait apporté en naissant ; car il eut, pour ainsi dire, cette passion dès la mamelle. […] Écoutons le raisonnement : Si l’on veut bien considérer, nous dit d’Olivet, qu’il a vécu quatre-vingt-onze ans moins quelques jours, qu’il se porta dès sa plus tendre enfance à l’étude, qu’il a toujours eu presque tout son temps à lui ; qu’il a presque toujours joui d’une santé inaltérable ; qu’à son lever, à son coucher, durant ses repas, il se faisait lire par ses valets ; qu’en un mot, et pour me servir de ses termes, ni le feu de la jeunesse, ni l’embarras des affaires, ni la diversité des emplois, ni la société de ses égaux, ni le tracas du monde, n’ont pu modérer cet amour indomptable de l’érudition qui l’a toujours possédé, une conséquence qu’il me semble qu’on pourrait tirer de là, c’est que M. d’Avranches est peut-être, de tous les hommes qu’il y eut jamais, celui qui a le plus étudié. […] Huet sentait à merveille l’antique poésie ; il y mêlait l’amour de la nature et de la campagne, et il en a plus d’une fois exprimé le sentiment avec charme.
« Je m’étais arrêté, dit-il quelque part, dans une imprimerie toute petite, mais proprette, coquette, hospitalière ; vous la connaissez, ma sœur. » Mon cœur, dit-il encore : Mon cœur, ivre à seize ans de volupté céleste, S’emplit d’un chaste amour dont le parfum lui reste. […] Amour à la fermière ! […] Qu’effrayé par ses chants d’amour, L’oiseau du cimetière Longtemps, longtemps se taise pour La ferme et la fermière ! […] Elle avait adopté cette allure, de peur, disait-elle à ceux qui s’en étonnaient, de mouiller ses brodequins dans la rosée, mais, en effet, parce qu’elle craignait d’écraser ou de blesser par mégarde la cigale qui chante dans le sillon, et le lézard qui frétille au soleil ; car elle était si prodigue de soins et d’amour, la bonne fée !
C’était une des prétentions de Mlle de Scudéry, de connaître à ce point et de si bien décrire les mouvements les plus secrets de l’amour sans les avoir guère autrement sentis que par la réflexion, et elle y réussit souvent, en effet, dans tout ce qui est délicatesse et finesse, dans tout ce qui n’est pas la flamme même. « Vous expliquez cela si admirablement, pourrait-on lui dire avec un personnage de ses dialogues, que quand vous n’auriez fait autre chose toute votre vie que d’avoir de l’amour, vous n’en parleriez pas mieux. » — « Si je n’en ai eu, nous répondrait-elle en nous faisant son plus beau sourire, j’ai des amies qui en ont eu pour moi et qui m’ont appris à en parler. » Voilà de l’esprit pourtant, et Mlle de Scudéry en avait beaucoup. Dans ce portrait de Sapho, qui est en si grande partie le sien, elle insiste beaucoup sur ce que Sapho ne sait pas seulement à fond tout ce qui dépend de l’amour, mais sur ce qu’aussi elle ne connaît pas moins tout ce qui est de la générosité ; et toute cette merveille de science et de nature, selon elle, se couronne encore de modestie : En effet, sa conversation est si naturelle, si aisée et si galante, qu’on ne lui entend jamais dire en une conversation générale que des choses qu’on peut croire qu’une personne de grand esprit pourrait dire sans avoir appris tout ce qu’elle sait. […] Un des premiers sujets qu’elle y traite est celui de la Conversation même : Comme la conversation est le lien de la société de tous les hommes, le plus grand plaisir des honnêtes gens et le moyen le plus ordinaire d’introduire non seulement la politesse dans le monde, mais encore la morale la plus pure et l’amour de la gloire et de la vertu, il me paraît que la compagnie ne peut s’entretenir plus agréablement ni plus utilement, dit Cilénie (un de ces personnages qu’elle aime), que d’examiner ce que c’est qu’on appelle conversation.
Pour Gibbon, en racontant les impressions qu’il reçut à ce retour, il fait semblant d’être un peu piqué dans son ancien amour ou dans son amour-propre d’amant sacrifié ; mais, en y regardant bien, on voit qu’il est plutôt charmé de trouver désormais en Mme Necker, quand il viendra à Paris, une introductrice naturelle auprès de la meilleure société, auprès surtout de ce cercle de philosophes et de beaux esprits dont il était si curieux et si digne, lui qui ne vivait que de la vie de l’esprit. […] La nature, qui devient ainsi le garant et l’interprète de l’amour conjugal, se plaît à consacrer de son inimitable pinceau les chastes sentiments d’une femme fidèle ; et tous les regards que jette un père attendri sur des fils qui lui ressemblent, retombent sur leur mère avec une nouvelle douceur. […] Henri IV et Marie de Médicis sont un exemple malheureux à rappeler à propos d’amour et de fidélité conjugale. […] Ainsi, loin de regretter le monde qui nous fuit, nous le fuyons à notre tour ; nous échappons à des intérêts qui ne nous atteignent déjà plus ; nos pensées s’agrandissent comme les ombres à l’approche de la nuit, et un dernier rayon d’amour, qui n’est plus qu’an rayon divin, semble former la nuance et le passage des plus purs sentiments que nous puissions éprouver sur la terre à ceux qui nous pénétreront dans le ciel.
Après dîner, on cause de l’amour, et du goût singulier des femmes en amour. […] C’est la loge de Mlle Lloyd, avec son apparence de boudoir galant, et sa cheminée aux petits chenets dorés, ayant comme milieu une terre cuite, et son plafond aux Amours peints par Voillemot, et ses assiettes de Chine accrochées sur la tenture, et son petit cabinet de toilette aux parois et au plafond de glace. […] Alors Asseline, qui avait un coup de cœur pour l’actrice, et qui se trouvait lui dire bonsoir de la rue avec nous, très pâle, me prenant le bras, me disait : « Vous n’avez pas envie de dormir, venez avec moi », et me ramenant à l’endroit, au bord de la mer, où nous avions tous passé la soirée, il se mettait à me crier, dans la belle nuit amoureuse, son amour pour cette femme : un débordement de passion magnifique, que j’ai cherché à transposer dans mon livre.
L’amour, dérivé en appétit, va de Daphnis à Lovelace. […] Hamlet marche derrière Oreste, parricide par amour filial. […] Il a, lui aussi, au-dessus de sa tête, la chauve-souris qui vole éventrée, et à ses pieds la science, la sphère, le compas, le sablier, l’amour, et derrière lui à l’horizon un énorme soleil terrible qui semble rendre le ciel plus noir. […] Cordelia nourrit Lear d’amour, et le courage revient ; elle le nourrit de respect, et le sourire revient ; elle le nourrit d’espérance, et la confiance revient ; elle le nourrit de sagesse, et la raison revient.
L’amour pleure souvent ses propres sacrifices, l’ambition voit en eux la cause de ses malheurs ; la bonté, n’ayant voulu que le plaisir même de son action, ne peut jamais s’être trompée dans ses calculs. […] La bonté ne demande pas, comme l’ambition, un retour à ce qu’elle donne ; mais elle offre cependant aussi une manière d’étendre son existence et d’influer sur le sort de plusieurs ; la bonté ne fait pas, comme l’amour, du besoin d’être aimé son mobile et son espoir ; mais elle permet aussi de se livrer aux douces émotions du cœur, et de vivre ailleurs que dans sa propre destinée : enfin, tout ce qu’il y a de généreux dans les passions se trouve dans l’exercice de la bonté, et cet exercice, celui de la plus parfaite raison, est encore quelquefois l’ombre des illusions de l’esprit et du cœur.
Mais Fulvio, qui arrive aussi opportunément que de coutume, détrompe le capitaine et lui raconte son amour et les trames ourdies par son valet. […] Quand le capitaine lui demande s’il aime Celia, Fulvio, sous l’empire de la même crainte, nie son amour ; il hésite à toucher la main de Celia qu’on lui donne et tourne toujours les yeux vers Scapin pour s’assurer qu’il n’a point mal fait.
Et puis, hâtons-nous de le dire, cette vie de quatre jours produit des fruits qui durent : la vertu, la bonté, le dévouement, l’amour de la patrie, la stricte observation du devoir. […] Croyez à une loi suprême de raison et d’amour qui embrasse ce monde et l’explique.
Bayle vouloit se fixer en France ; mais l’amour d’une femme l’emporta sur celui de la patrie. […] Cet homme s’élève, avec chaleur, contre l’histoire imaginaire des amours d’une femme très-aimable avec celui qu’il appelle un sçavant, dans toute l’étendue du mot, un sçavant triste, pesant, sans graces & sans usage du monde.
Sans distinction d’esthétique et de pensée politique, tous ces jeunes hommes sont mus par un même amour envers leur pays, par un même désir de donner une vie propre à leur province. […] — Or j’ai fait desceller pour toi la tombe ancienne Où dorment les aïeux, où ma place m’attend, Et descendre moi-même au fond, pieusement, Ton cercueil de bois blanc sur les bières de chêne, Et j’ai pleuré…………………………… Puis, un jour, par hasard j’ai connu ton histoire, Pastoure qui chantais dans les seigles d’été, J’ai compris ton amour maternel, ta bonté, L’énigme de tes yeux qui hantait ma mémoire, Servante dont les doigts noueux étaient câlins… Je me sens aujourd’hui, sacrilège, ô servante, Dors, l’orgueil d’un poème est indigne de toi… Ô pays, le printemps va fleurir tes sous-bois : Les tourdelles déjà grapillent dans le lierre ; Plateaux et vous, blés noir, qu’un aïeul cultiva Terre dont j’ai compris la pauvreté hautaine C’est peut-être, en mon cœur, elle, qui réveilla L’atavisme endormi de ma race lointaine, L’orgueil des champs, l’orgueil des fruits, l’orgueil du sol Et dans le dernier fils des aïeux cévenols !
La vertu, la vertu, la sagesse, les mœurs, l’amour des enfans pour les pères, l’amour des pères pour les enfans, la tendresse du souverain pour ses sujets, celle des sujets pour le souverain, les bonnes loix, la bonne éducation, l’aisance générale ; voilà, voilà ce que j’ambitionne… enseignez-moi la contrée où l’on jouit de ces avantages, et j’y vais, fût-ce la Chine… mais là… je vous entends.