. — Les sensations que nous localisons hors de notre corps apparaissent comme des événements étrangers à nous ou comme des propriétés de corps étrangers à nous. […] Si je recule plus loin, je n’aperçois, dans le naufrage et l’engloutissement irrémédiable de mes innombrables sensations antérieures, que de rares images surnageantes, mon arrivée dans la maison de campagne où j’habite, les premières pousses vertes du printemps, une soirée d’hiver chez telle personne, tel aspect d’une ville étrangère où j’étais il y a un an. […] En premier lieu, certains matériaux étrangers peuvent s’introduire dans l’idée que nous avons de lui. […] Ce ne sont là que des illusions partielles ; il y en a de totales, où, la série de nos événements étant remplacée par une série étrangère, Pierre se croit Paul et agit conformément à sa croyance. […] Si alors un fragment étranger ou une série étrangère vient s’intercaler dans la place vide, le patient se méprendra sur lui-même. — Nous venons de voir les conditions principales de cette transposition.
Et c’est aussi le mérite que les étrangers sont le moins capables d’apprécier. […] L’influence des littératures étrangères n’a été qu’une des faces du Romantisme. […] Dans son horreur des éléments étrangers à la tragédie classique, Geoffroy s’attaqua même à Voltaire. […] Mais on ne peut le considérer comme ayant écrit sous l’influence immédiate des théâtres étrangers. […] L’imitation étrangère devait produire en France un nouveau genre dramatique.
Taine, nous avons fait d’effort pour comprendre les littératures étrangères, pour nous replacer dans le milieu où tel chef-d’œuvre a pris naissance, pour nous dépouiller de notre propre esprit et de nos préjugés personnels. Nous considérerions comme une simple preuve d’ignorance de méconnaître les gloires étrangères ; le nom de Byron, par exemple, a été beaucoup moins contesté en France qu’en Angleterre ; de même pour celui de Shelley, du moins à partir du jour où il a été connu. N’est-il pas étrange devoir des critiques qui se font si larges pour comprendre la littérature étrangère devenir tout à coup intolérants dès qu’il s’agit d’un génie français, qui peut ne pas avoir toute la mesure, le bon goût et le bon ton national, ne plus lui pardonner le moindre écart et le condamner au nom de tout ce qu’on excuse chez d’autres ! Une langue étrangère a ceci de bon qu’elle nous avertit constamment, par la nature même de sa syntaxe, de ses expressions, de sa démarche pour ainsi dire, qu’il faut nous accommoder à elle et nous arracher à nos préjugés personnels pour bien comprendre l’œuvre écrite dans cette langue. […] L’étude des littératures étrangères devrait être un moyen de s’ouvrir l’esprit, non de se le fermer, d’agrandir le domaine de notre admiration et de notre sociabilité, au lieu de le restreindre.
Habituellement, et quand il a la plume à la mainj, il est vrai de dire que ce genre d’émotion et d’inspiration lui est étranger. […] Ce fut là que Gibbon, bien moins par aucune suggestion étrangère que par de nouvelles lectures, de nouveaux raisonnements et des arguments qu’il composa tout exprès à son usage, en vint au bout de dix-sept mois à rejeter sa nouvelle croyance et à rentrer dans sa communion première. […] Gibbon eut besoin de sa réputation d’auteur pour se faire dans son pays toute sa place ; il était peu préparé à être homme du monde par son enfance maladive, son éducation étrangère et son caractère réservé. […] Durant ce séjour à Buriton, il prend possession de la bibliothèque de son père, qui était d’abord bien inégalement composée ; il l’accroît, il l’enrichit avec soin, et en forme par degrés une collection à la fois considérable et choisie, « base et fondement de ses futurs ouvrages, et qui deviendra désormais la plus sûre jouissance de sa vie, soit dans sa patrie, soit à l’étranger ». […] Il poursuit toujours un sujet d’histoire, se méfiant encore de ses forces et sentant toute la dignité du genre : « Le rôle d’un historien est beau, mais celui d’un chroniqueur ou d’un couseur de gazettes est assez méprisable. » La croisade de Richard Cœur-de-Lion l’attire un moment ; mais, à la réflexion, ces siècles barbares, ces mobiles auxquels il est si étranger ne sauraient le fixer, et il lui semble qu’il serait plutôt du parti de Saladin.
c’est que les étrangers sont aussi envieux de la gloire éminente de notre littérature, qu’ils l’ont été de celle de nos armes ; et qu’il leur conviendrait de nous importer ou imposer Shakespeare et Schiller, pour qu’il ne soit plus parlé enfin de Voltaire, Racine, Molière et Corneille. […] Les étrangers mêmes contribuaient à nous égarer, car enfin il fut un temps où ils faisaient aux chefs-d’œuvre de notre théâtre l’honneur de les imiter. […] Les étrangers ne se récrient avec persévérance que contre les trois unités et contre la noblesse constante du langage des héros. […] Or il est certain, comme l’avait si bien prévu Voltaire, que le tableau des mœurs anciennes ou étrangères, s’il est à la fois noble et fidèle, loin de choquer le parterre français, excitera plus vivement son attention. […] Plusieurs ont surpassé en fécondité les plus intarissables dramaturges étrangers.
si misérable d’errer à l’étranger ! […] « En suivant, dit-il, la route qui mène au village où la colonne fugitive va passer la nuit, j’aperçus une lourde charrette traînée par deux bœufs, les plus gros et les plus vigoureux de ce pays des étrangers. […] Retournez auprès de mon père et de ma mère, pour leur dire que leur fils ne s’était pas trompé et que l’étrangère est digne d’être aimée. […] Herman conduit la jeune étrangère le long des escaliers aux degrés rustiques et informes placés sous la treille qui les obscurcit ; elle s’avance à pas tremblants en appuyant sa main sur l’épaule d’Herman. […] « Des exclamations un peu légères du père sur la beauté séduisante de l’étrangère amenée par son fils blessent le pudique orgueil de la jeune fille ; ne sachant pas le sens que le père donne à ses paroles, et croyant qu’on offense ainsi en elle la domesticité chaste à laquelle elle se croit encore destinée, elle se tient immobile et triste ; une rougeur subite colore son cou et son visage ; elle reproche doucement au vieillard de n’avoir pas assez de pitié envers celle qui franchit le seuil de la porte d’une maison étrangère pour y servir.
Les malheureux étrangers craignaient la fureur de Brunhilt. […] Plein de vertus, il était étranger à toute fausseté. […] Près du courant de la source, il se tenait, le superbe étranger. […] « Quelqu’un de sa suite parla : « Quel peut être cet étranger ? […] Il me peine fortement qu’ils nous soient si longtemps demeurés étrangers.
Je ne quitterai point cette matière sans faire aussi quelques réflexions sur les causes de l’empressement que nous affectons pour les étrangers. […] Nos gens de lettres qui ont tant contribué à la manie et au progrès de l’anglicisme, n’ont que de trop bonnes raisons de protéger et de respecter leur ouvrage ; ils se flattent que la considération qu’ils témoignent aux étrangers sera payée du même prix ; que ces étrangers de retour chez eux célébreront leurs admirateurs, et feront connaître à la France par leurs écrits des trésors qu’elle possédait quelquefois incognito et sans ostentation. […] Quelquefois on se rend étranger soi-même à sa patrie : ou met trois cents lieues entre soi et l’envie, après avoir lutté en vain contre elle. […] On a beau se flatter que les étrangers sont une espèce de postérité vivante dont le suffrage impartial en imposera à des compatriotes aveugles ou de mauvaise foi ; on ne pense pas que plus on se rapproche des étrangers, plus ils perdent ce caractère de postérité, pour lequel la distance des lieux est du moins nécessaire, au défaut de la distance des temps. […] C’est principalement à certains journalistes étrangers que ce reproche s’adresse (car je n’ose croire que parmi ceux de France, il y en ait aucun qui le mérite).
Il était toujours poète dans sa conversation. » Mais les images familières de Suhm étaient presque toujours prises de la mythologie des Scandinaves et des Eddas ; et pour l’étranger, même le plus alerte et le plus intelligent, il s’en perdait quelque chose. […] Les étrangers partaient et ne revenaient plus. […] N’oubliez pas tous les étrangers célèbres, à commencer par Byron, qui étaient et qui sont la bonne fortune de ce lieu de passage, ces gracieuses étrangères venues du Nord, qui rompent la roideur locale et font diversion à la contrainte ; si bien qu’à voir tant de monde séduisant arriver, plaire et aussitôt disparaître, « le cœur, disait Bonstetten, y devient mauvais sujet ». […] Toutes les nations civilisées ont commencé par l’imitation de bons modèles étrangers. […] Bonstetten faisait atteler son unique cheval à son petit char genevois et s’en allait sur les coteaux du voisinage, en quête de vues nouvelles, de vieux amis, ou d’étrangers de bonne compagnie, fraîchement installés dans quelque villa.
En outre, ses sensations musculaires étaient troublées ; il ne sentait pas le sol en marchant, ce qui rendait ses pas incertains et lui donnait la crainte de tomber ; ses jambes étaient mues comme par un ressort étranger à sa volonté ; il lui semblait constamment qu’elles ne lui appartenaient pas… Lorsqu’il causait avec quelqu’un, il lui voyait deux têtes incomplètement emboîtées l’une dans l’autre ». […] Il n’y avait dans son esprit aucun rapport, aucune relation entre ce qui l’entourait et son passé. » Ce trouble était plus fort que jamais lorsqu’il entrait dans une maison étrangère. […] Les lunettes les plus foncées ne me suffisaient plus ; je les mis doubles, et finalement j’eus l’idée de noircir mes lunettes avec du noir de charbon… Constamment il m’a semblé que mes jambes n’étaient plus à moi ; il en était à peu près de même de mes bras ; quant à ma tête, elle me semblait ne pas exister… Il me semblait que j’agissais par une impulsion étrangère à moi-même, automatiquement. […] Sur ce point, presque tous emploient le même langage : « Je me sentais si complètement changé, qu’il me semblait être devenu un autre134 ; cette pensée s’imposait constamment à moi sans que cependant j’aie oublié une seule fois qu’elle était illusoire. » — « Quelquefois il me semble n’être pas moi-même, ou bien je me crois plongée dans un rêve continuel. » — « Il m’a littéralement semblé que je n’étais plus moi-même. » — « Je doutais de ma propre existence, et même par instants je cessais d’y croire. » — « Souvent il me semble que je ne suis pas de ce monde ; ma voix me paraît étrangère, et, quand je vois mes camarades d’hôpital, je me dis à moi-même : “Ce sont les figures d’un rêve.” » — Il semble au malade « qu’il est un automate » ; « il sent qu’il est en dehors de lui-même ». — Il ne « se reconnaît plus ; il lui semble qu’il est devenu une autre personne ».
Il serait encore à propos, pour rendre un tel ouvrage plus utile aux étrangers, de joindre à chaque mot la manière dont il devrait se prononcer suivant l’orthographe des autres nations. […] Dictionnaire de langues étrangères mortes ou vivantes. […] Nous nous contenterons donc de marquer les différences principales qu’il doit y avoir entre un dictionnaire de langue française et un dictionnaire de langue étrangère morte ou vivante ; et nous dirons de plus ce qui doit être observé dans ces deux espèces de dictionnaires de langues étrangères. […] À l’égard de la prononciation de chaque mot, il faut aussi la remarquer exactement, conformément à l’orthographe de la langue dans laquelle on traduit et non de la langue étrangère. […] Nous n’avons qu’un mot à ajouter sur les dictionnaires de la langue française traduits en langue étrangère, soit morte soit vivante.
Au premier aspect, l’invasion française de 1796 était pour l’Italie, non pas un joug étranger de plus, mais une renaissance nationale et politique. […] Le pouvoir qu’il attaquait était odieux et suranné ; les étrangers qu’il avait à combattre, les cinq armées germaniques vaincues l’une après l’autre sur tous les points de l’Italie, semblaient un dernier reste de ces anciennes irruptions du Nord, que rejetait au-delà des monts quelque général romain revenu à la hâte de la Gaule Narbonnaise ou de la Grèce, un Marius, un Bélisaire. […] et ne devons-nous pas honorer d’un regret et chercher encore sur quelques lyres étrangères cette inspiration poétique dont notre patrie fut animée vingt ans, à l’écho du malheur et de la gloire, au bruit de la liberté légale, et parmi tous les progrès du droit public, du travail et de la richesse ? […] Aux premières cortès de Cadix, en 1809, parmi les incohérences d’une constitution délibérée entre l’admiration aveugle de 1789 et les feux des batteries françaises, il se dit des choses admirables de sagesse comme de grandeur, il s’éleva des caractères dignes des jours les plus glorieux, luttant contre l’anarchie du même cœur dont l’Espagne résistait à l’occupation étrangère. […] Là ne se bornent pas les emprunts de cette muse étrangère que notre poésie nouvelle était allée chercher sous ces palmiers indigènes et dans les nuits étincelantes du tropique : d’autres vers de Lamartine et de Victor Hugo, une pièce même de Parny, tout innocente il est vrai, se trouvent mêlés aux inspirations de dona Gomez.
Semblables à des interprètes que nous employons dans les pays étrangers pour communiquer avec les hommes et les choses du pays, ils nous traduisent la matière en idée et l’idée en matière. […] L’hôtesse me dit qu’elle avait logé en effet ce jeune étranger peu de jours avant celui de mon arrivée au pays, mais que cet étranger, trouvant encore trop de monde et trop de bruit dans une hôtellerie de village, habitait maintenant un chalet isolé sur un des plateaux, chez un horloger. […] C’est dans une de ces familles (peut-être dans cette famille même où je découvris l’étranger de la Chaux-de-Fonds) que Léopold Robert avait reçu le jour. […] Le reflux d’étrangers longtemps privés par la guerre du séjour de cette capitale des ruines concourait à cette splendeur restaurée de Rome ; c’était la capitale des peintres, des sculpteurs, des musiciens, des poètes, des savants de toute l’Europe. […] Les étrangers, rançonnés ou enlevés dans les cavernes des montagnes, poussaient des cris de terreur et d’indignation.
Examinons le fait sans aucune prévention et en nous gardant d’y mêler aucune arrière-pensée politique étrangère. […] Si ces deux biens nous manquaient, ce serait par l’effet de nos agitations intérieures, et seuls nous en souffririons : mais les nations étrangères seraient tranquilles et dans la prospérité. « S’il y a la guerre, au contraire, toute la France se réunira contre l’invasion étrangère, et si l’Empereur a un premier succès, comme il l’aura, l’orgueil national fournira à son vengeur toutes les ressources d’hommes et d’argent qui lui seront nécessaires. […] Que Mme de Staël, au fond et dans son for intérieur, ait cru ou non alors à cette possibilité, elle pouvait honorablement affecter devant l’étranger plus d’espérance même qu’elle n’en nourrissait au dedans.. […] Une spirituelle étrangère, la comtesse d’Albany, en correspondance avec elle, était très hostile, en 1815, à tout ce qui se tentait en France ; elle blâmait fortement Sismondi d’y adhérer avec cette ardeur et d’y participer.
En se montrant étranger à ces mœurs de sociétés, on se classait comme inférieur ; et l’infériorité du rang est de mauvais goût dans un pays où il existe des rangs. […] Mais la société, c’est-à-dire, des rapports sans but, des égards sans subordination, un théâtre où l’on appréciait le mérite par les données les plus étrangères à sa véritable valeur ; la société, dis-je, en France, avait créé cette puissance du ridicule que l’homme le plus supérieur n’aurait pu braver. […] Les modèles pleins de grâce que nous avons dans la langue, pourront servir de guide aux François, mais comme ils en servent aux nations étrangères. […] La politesse est le lien que la société a établi entre les hommes étrangers les uns aux autres. […] Si l’on porte la moindre atteinte à sa réputation, on ne peut plus, comme dans la monarchie, relever son existence par son rang, par sa naissance, par tous les avantages étrangers à sa propre valeur.
Négligeons toutes les élections où le mérite littéraire a été étranger, ou n’a point été prépondérant. […] Cependant, en dépit de ces apparences qui semblent inviter à y insister, il n’y a pas à considérer davantage ici l’influence de Boileau sur les littératures étrangères. […] L’idée que les étrangers ont eue de Boileau, et qu’ils ont traduite chacun à sa manière, selon son génie et selon les besoins intellectuels de son pays, ils l’ont prise d’abord dans l’opinion que les compatriotes du poète avaient de lui. […] L’étranger n’a donc adopté Boileau que comme expression du goût français, qui faisait prime et loi, et dans la mesure même où il a été l’expression de ce goût. […] Les littératures étrangères et populaires ont présenté des types inconnus de beauté ; les sciences ont fourni leurs méthodes et leurs systèmes pour fonder de nouvelles doctrines esthétiques et critiques.
Mais en laissant de côté les causes de trouble et d’erreur étrangères à la faculté même de raisonner, je ne trouve guère qu’on se trompe ordinairement dans le chemin qu’on fait du principe à la conclusion. […] Je n’ai point vu de roman anglais ou russe, en dépit de l’impartiale observation des auteurs, où l’on donnât d’un Français autre chose qu’une charge ; et l’on peut croire que nous agissons de même à l’égard des étrangers. […] « Le portrait qu’il trace du Français, de corps chétif, sans vigueur musculaire, incapable d’avoir des enfants, ignorant l’orthographe (t la géographie, hors d’état d’apprendre une langue étrangère, libre penseur sans avoir jamais pensé, ne songeant qu’à être décoré d’un ordre quelconque et à émarger au budget, dépaysé quand il a dépassé le boulevard des Italiens, hostile au gouvernement et acceptant servilement tous les régimes, incapable de comprendre ni les mathématiques, ni le jeu d’échecs, ni la comptabilité ; ce portrait, dis-je, est une vraie caricature. […] Enfin on réunira le plus qu’on pourra de faits analogues ; plus on aura ramassé d’exemples, plus on aura chance de dégager la véritable loi ; plus il sera aisé de distinguer les caractères vraiment essentiels et communs des circonstances étrangères et des particularités locales. […] Les gens d’un pays trouvent leur façon de vivre, de s’habiller évidemment raisonnable et de bon goût, manifestement absurdes les coutumes des étrangers.
Même erreur chez les Chinois, qui ont fermé leur pays aux étrangers, comme le firent les Égyptiens jusqu’à Psammétique, et les Scythes jusqu’à l’invasion de Darius, fils d’Hystaspe. […] D’abord Tanaïs part avec une armée innombrable pour conquérir l’Égypte, ce pays si bien défendu par la nature contre une invasion étrangère. […] Les Hébreux au contraire, étrangers aux nations païennes, comme l’attestent Josèphe et Lactance, n’en connurent pas moins le nombre exact des années écoulées depuis la création ; c’est le calcul de Philon, approuvé par les critiques les plus sévères, et dont celui d’Eusèbe ne s’écarte d’ailleurs que de quinze cents ans, différence bien légère en comparaison des altérations monstrueuses qu’ont fait subir à la chronologie les Chaldéens, les Scythes, les Égyptiens et les Chinois. […] C’est ainsi que la Grèce commença à avoir quelques notions certaines sur les peuples étrangers. […] On sent ce qu’ont de sérieux ces communications entre les premiers peuples, qui, à peine sortis de l’état sauvage, vivaient ignorés même de leurs voisins, et n’avaient connaissance les uns des autres qu’autant que la guerre ou le commerce leur en donnait l’occasion.Ce que nous disons de l’isolement des premiers peuples s’applique particulièrement aux Hébreux. — Lactance assure que Pythagore n’a pu être disciple d’Isaïe. — Un passage de Josèphe prouve que les Hébreux, au temps d’Homère et de Pythagore, vivaient inconnus à leurs voisins de l’intérieur des terres, et à plus forte raison aux nations éloignées dont la mer les séparait. — Ptolémée Philadelphe s’étonnant qu’aucun poète, aucun historien n’eût fait mention des lois de Moïse, le juif Démétrius lui répondit que ceux qui avaient tenté de les faire connaître aux Gentils, avaient été punis miraculeusement, tels que Théopompe qui en perdit le sens, et Théodecte qui fut privé de la vue. — Aussi Josèphe ne craint point d’avouer cette longue obscurité des Juifs, et il l’explique de la manière suivante : Nous n’habitons point les rivages ; nous n’aimons point à faire le négoce et à commercer avec les étrangers.
Elle a interposé entre les étrangers et nous un voile habilement tissé d’ignorances, de préventions et de préjugés. […] La maîtrise d’une langue étrangère, en rendant possible une imprégnation de l’esprit par la littérature et la civilisation correspondantes, peut faire tomber d’un seul coup la prévention voulue par la nature contre l’étranger en général. […] L’autre concerne les étrangers. […] Elle paiera sa dette, et recevra de plus la nourriture qu’elle ne trouve pas chez elle, en renvoyant à l’étranger les produits manufacturés. […] L’étranger les emploie comme il l’aurait fait chez lui ; il préfère les laisser — ou peut-être ont-ils préféré rester — là où ils sont ; mais c’est de l’étranger qu’ils dépendent.
Il y a dans la langue française et dans toutes les langues novolatines, trois sortes de mots : les mots de formation populaire, les mots de formation savante, les mots étrangers importés brutalement ; maison, habitation, home, sont les trois termes d’une même idée, ou de trois idées fort voisines ; ils sont bien représentatifs des trois castes d’inégale valeur qui se partagent les pages du vocabulaire français. Notre langue serait pure si tous ses mots appartenaient au premier type, mais on peut supposer, sans prétendre à une exactitude bien rigoureuse, que plus de la moitié des mots usuels ont été surajoutés, barbares et intrus, à ce que nous avons conservé du dictionnaire primitif : la plupart de ces vocables conquérants, fils bâtards de la Grèce ou aventuriers étrangers, sont d’une laideur intolérable et demeureront la honte de notre langue si l’usure ou l’instinct populaire ne parviennent pas à les franciser. […] Tout en regrettant que le français se serve de moins en moins de ses richesses originales, je ne le verrais pas sans plaisir se tourner exclusivement du côté du vocabulaire latin chaque fois qu’il se croit le besoin d’un mot nouveau, s’il voulait bien, à ce prix, oublier qu’il existe des langues étrangères, oublier surtout le chemin du trop fameux Jardin des Racines grecques .
Sous les trois Césars qui suivent, les Romains d’abord indifférents pour la république, finissent par ignorer même ses intérêts, comme s’ils y étaient étrangers, incuriâ et ignorantiâ reipublicæ, tanquam alienæ . Lorsque les citoyens sont ainsi devenus étrangers à leur propre pays, il est nécessaire que les monarques les dirigent et les représentent. […] Dans cette hypothèse, qu’on explique l’établissement de la monarchie par la force ou par la ruse, les fils auraient été les instruments d’une ambition étrangère, et auraient trahi ou mis à mort leurs propres pères ; en sorte que ces gouvernements eussent été moins des monarchies, que des tyrannies impies et parricides.
Sa fortune lui permettait de compléter, par des voyages sur le continent et par la pratique des langues étrangères, cette éducation soignée d’une fille unique. […] Il y vivait entièrement étranger aux tracas d’une maison publique, comme un ermite dans sa cellule, au milieu du bruit qui ne l’atteint pas. […] Le vieux roi Ferdinand, pilote expérimenté et railleur, avait pris le parti d’abdiquer et de remettre le gouvernement à son fils, le prince héréditaire, plus propre que lui à se compromettre, soit avec les révolutionnaires, soit contre les puissances étrangères. […] Aucun gouvernement ne pouvait offrir une liberté aussi complète, malgré les vices inhérents à cette nature de gouvernement, composé d’une monarchie sans hérédité, d’une démocratie sans représentation, d’une aristocratie étrangère sans patriotisme, et d’un sacerdoce sans responsabilité. […] Ma qualité de représentant d’une puissance étrangère me couvrait ; la qualité de réfugié politique aggravait celle du colonel Pepe.
Ensuite, dans la parole intérieure, nous pouvons nous dispenser d’articuler correctement, ce qui prend du temps ; nous n’abrégeons pas les mots, mais parfois nous nous contentons de les esquisser, et cela nous suffit pour nous entendre ; c’est ainsi qu’un enfant qui a un défaut de langue est compris par lui-même et par ses parents, tandis que son langage est inintelligible à des étrangers. […] De même, quand nous voulons parler une langue étrangère, nous commençons par penser dans notre langue, et nous « traduisons ensuite, comme un écolier qui fait un thème, notre pensée, formulée mentalement en français, dans la langue anglaise ou allemande. » Pour parler « réellement bien et sans gallicismes une langue étrangère », il faut nous habituer « à penser » directement « dans cette langue », sans le secours de la nôtre. […] Des considérations qui précèdent il résulterait que la musique intérieure seule, à l’exclusion de la parole intérieure proprement dite, est souvent et volontiers impersonnelle, que seule elle s’enrichit volontairement d’un grand nombre de timbres différents, étrangers à nos facultés productrices. […] En pareil cas, mon esprit ne va pas de la spatialité au non-moi, mais au contraire du non-moi à la spatialité ; il fait un syllogisme inverse du précédent : Ce phénomène m’est étranger ; — or tout ce qui m’est étranger a une situation dans l’espace ; — donc ce phénomène doit avoir une situation dans l’espace. […] était-ce une voix étrangère ?
Une lettre qu’il reçut d’Europe, par le bureau des Missions étrangères, redoubla tellement sa tristesse, qu’il fuyait jusqu’à ses vieux amis. […] Pour moi, livré de bonne heure à des mains étrangères, je fus élevé loin du toit paternel. […] « Je me trouvai alors plus isolé dans ma patrie que je ne l’avais été sur une terre étrangère. […] allez-vous faire comme cette étrangère qui vint ici il y a quelques jours ? Quand ce fut pour entrer, elle s’évanouit, et je fus obligé de la reporter à sa voiture. » Il me fut aisé de reconnaître l’étrangère qui, comme moi, était venue chercher dans ces lieux des pleurs et des souvenirs !
. — Les Études françaises et étrangères, avec préface de l’auteur, poésies (1828). — Roméo et Juliette, traduction (1829). — Poésies d’Émile et d’Antony Deschamps, nouvelle édition revue et augmentée (1841). — Macbeth, traduction en collaboration avec Alfred de Vigny (1848) […] Édouard Fournier Victor Hugo avait déployé l’étendard de l’école nouvelle ; Émile Deschamps (dans la préface des Études françaises et étrangères) le lui prenait des mains pour ne pas le porter moins haut.
Rien n’y révélait un étranger ; la langue était des plus pures, le vers ferme et sonore. Il n’y avait d’étrange que la signature étrangère.
Étranger à tout calcul personnel ; désintéressé, au point de dédaigner un trône auquel il aurait pu prétendre ; aimant avant tout sa patrie et l’aimant pour elle-même, n’aspirant qu’à l’affranchir sans avoir le désir de la gouverner, et prêt à acclamer roi de Pologne tout homme dont l’exaltation eût été le gage d’une restauration durable, tel était Poniatowski. […] Il ne lui parla dans leur première conversation que de son prédécesseur, M. de Bnnau, « homme d’honneur, disait-il, qui avait possédé l’estime et la bienveillance de l’Empereur. » M. de Senfft eut de la peine à pénétrer chez Mme de Talleyrand, « dont la froide sottise n’invitait pas à y retourner. » C’est ainsi qu’on parle de certaines personnes quand on écrit à l’étranger et qu’on est véridique. […] M. de Talleyrand, qui était alors à Varsovie et qui voulait écarter de son voisinage le foyer du commérage diplomatique, avait envoyé les ministres étrangers l’attendre à Berlin où il avait bien le dessein de ne point aller. […] M. de Senfft se plaint en deux endroits, soit du grand maréchal du palais, Duroc, soit du premier chambellan, M. de Rémusat, pour de légers oublis ou des atteintes aux droits et prétentions de Mme de Senfft comme femme de ministre étranger. […] M. de Senfft qui n’était séparé ce jour-là de M. de Metternich que par l’amiral Verhuel et M. de Dreyer, ministre de Danemark, ne perdit pas une parole de l’Empereur et très peu des réponses de son interlocuteur « qui eut le mérite peu commun, dit-il, de conserver dans cette importante et brusque occasion tout le sang-froid, l’aplomb et la mesure de l’homme d’État consommé. » Tous les ministres étrangers présents à cette scène s’empressèrent naturellement d’en rendre compte à leurs Cours.
Refaire l’empire romain, ou, pour d’autres, retrouver les consuls de la République, tel fut le songe séculaire des rois étrangers et des patriotes italiens. […] La logique imposait à la Papauté cette politique d’empêcher la formation d’une nation italienne ; elle l’a pratiquée jusqu’en 1870, attisant les convoitises, semant la discorde, appelant l’étranger. […] Au cours de mille ans, les tentatives de constituer un royaume d’Italie n’ont pas manqué ; j’en rappelle quelques-unes : les Lombards étaient à la veille du triomphe définitif, lorsque le Pape appela les Francs ; au xiiie siècle, Frédéric II eut certainement l’idée d’unifier l’Italie — il fut vaincu par Innocent IV ; Cola di Rienzi conçut une fédération italienne ; à l’époque de la Renaissance, plus d’un petit souverain, italien ou étranger, rêva d’être le « prince » invoqué par Machiavel ; les projets divers du Risorgimento sont bien connus… ; et toutes ces tentatives échouèrent par les intrigues du pape, devant les armées autrichiennes ou françaises. […] En effet, c’est la sensualité qui frappe d’abord chez lui, son amour de la beauté plastique, sa saine compréhension de l’amour physique et son grand sens pratique ; c’est qu’il est naturaliste, dans le sens profond du mot ; ce qui explique alors le fonds de mysticisme qu’il y a aussi en lui, et l’intuition géniale qui en fait le peuple des inventeurs, des précurseurs, des martyrs. — L’étranger s’étonne de la « combinazione », la blâme sans la comprendre ; elle est à la fois un art de la politesse et le dernier refuge des consciences opprimées. […] La Révolution française, la pensée allemande, et surtout le travail original de nombreux savants, critiques et patriotes italiens ont transformé l’esprit général ; il y a maintenant en Italie une grande espérance, héroïque et joyeuse chez les uns, douloureuse chez les autres par contraste avec la réalité de la domination étrangère.
Déplacement avantageux Comme ce devient difficile au Français, perplexe en son cas, de juger les choses à l’étranger ! […] L’usage n’est pas si étranger à l’Académie, dans le premier cas, du moins, que cette assemblée ne semble désignée pour l’étendre au second. […] La Taylorian Association inaugurait une suite étrangère d’auditions, qui désigne nos littérateurs. […] la vraie qui, indéfectiblement, fonctionne, gît dans ce séjour de quelques esprits, je ne sais, à leur éloge, comment les désigner, gratuits, étrangers, peut-être vains — ou littéraires. […] Mon avis, comme public ; et, explorateur revenu d’aucuns sables, pas curieux à regarder, si je cédais à parader dans mon milieu, le soin s’imposerait de prendre, en route, chez un fourreur, un tapis de jaguar ou de lion, pour l’étranger, au début et ne me présenter qu’avec ce recul, dans un motif d’action, aux yeux de connaissance ou du monde.
La seconde division fut celle de civis, citoyen, et hostis, hôte, étranger, ennemi ; les premières cités se composaient des héros et de ceux auxquels ils avaient donné asile. […] Les étrangers étaient à leurs yeux d’éternels ennemis, et ils faisaient consister l’honneur de leurs empires à les tenir le plus éloignés qu’il était possible de leurs frontières ; c’est ce que Tacite nous rapporte des Suèves, le peuple le plus fameux de l’ancienne Germanie. Un passage précieux de Thucydide prouve que les étrangers étaient considérés comme des brigands. […] Les peuples civilisés eux-mêmes n’admettent d’étrangers que ceux qui ont obtenu une permission expresse d’habiter parmi eux. […] Au contraire, c’est la sensibilité paternelle des modernes, qui leur donne en toute chose cette délicatesse étrangère à l’antiquité. — II.
C’est le jugement qu’ont porté de son travail nos Savans & ceux des pays étrangers. L’habile Editeur a conféré les principaux Manuscrits, les plus rares & les meilleures éditions de Pline de la Bibliotheque du Roi & de plusieurs autres des pays étrangers, & a profité des notes que le docte M.
Que gagnerait l’Italie à cette résurrection de toutes ces vice-royautés étrangères, dans une terre dont le charme attire tous les aventuriers armés de l’Asie et de l’Europe, et dont le sable se prête aussi bien à recevoir qu’à effacer vite le pas de tous ses conquérants ? […] Proie successive de tous les ambitieux indigènes ou étrangers qui ont dépecé cette magnifique plaine de l’Italie. […] Ce n’est qu’après l’introduction des troupes mercenaires sous les condottieri étrangers ou indigènes que ces républiques, opprimées par les soldats aux gages de leurs plus ambitieux citoyens, se transforment en petites tyrannies militaires et monastiques, sous les titres de royaume de Naples, de duchés, de comtats, de marquisats. […] C’est qu’aucune nation étrangère, autrichienne, française ou piémontaise, n’a le droit de s’ingérer, les armes à la main, dans les volontés libres du peuple romain, soit pour imposer le gouvernement temporel des papes à ce peuple, soit pour l’abolir. […] L’Italie a besoin de protecteurs étrangers et intéressés à son indépendance, et non d’un maître intérieur.
« Il arrivera que les peuples, les vrais peuples, ceux qui ont l’orgueil de leur indépendance, la vertu de leur patriotisme, le zèle sacré de leur famille, de leur propriété, de leur gouvernement, monarchie ou république, commenceront à s’étonner, puis à s’alarmer, puis à s’irriter de cette invasion de la France, et à se demander si la liberté apportée à la pointe des baïonnettes ou des piques étrangères est bien la liberté ou la servitude. […] Aucun de ces gouvernements étrangers n’eut à accuser la république de ces fuites de gaz démagogique échappées de France par les fissures de notre territoire en ébullition. […] La guerre civile, au contraire, portée, formulée, encouragée par un gouvernement étranger contre des gouvernements avec lesquels ce gouvernement étranger n’est pas en guerre, cette guerre civile-là n’a pas eu de nom jusqu’ici dans la langue de la diplomatie, dans le vocabulaire du droit public ; elle en aurait un désormais, elle s’appellerait la guerre britannique. […] Je leur répondis que la France ne se laisserait jamais dicter sa politique par des étrangers, et que c’était aux Polonais de ressusciter la Pologne. […] Les soulèvements spontanés des peuples conquis sont des droits, les soulèvements artificiels par l’étranger sont des crimes : nous ne ferons jamais la diplomatie des crimes. » J’envoyai, peu de temps après cette conversation, un diplomate confidentiel en observation à Vienne pour y tenir le même langage, et, sans la guerre d’agression du roi de Piémont à l’Autriche, un système d’alliance, fondé sur des concessions libérales et nationales en Italie, pouvait s’ébaucher entre la république et l’Autriche.
Il est en définitive contre la France, il combat contre la patrie, il conspire contre sa grandeur et fait cause commune avec l’étranger. […] Réfugié en Angleterre dans les intervalles des trêves, revenant avec les vaisseaux anglais qu’il s’efforçait d’introduire à La Rochelle, conducteur et pilote obstiné de l’étranger en ces parages, toute sa conduite en ces années éclaire d’un jour fâcheux et laisse à découvert par son côté le plus vulnérable la politique de Rohan, de cet aîné avec qui il était d’accord et unanime, avec qui il se concertait sans cesse, sauf à en être désavoué pour la forme en quelques occasions. […] Aucun scrupule d’ailleurs ne le retient de contracterac, soit avec le roi d’Angleterre (c’est tout simple) et avec ses coreligionnaires à l’étranger, soit avec le duc de Savoie, soit même avec le roi d’Espagne dont le secours s’était fait longtemps espérer et dont il attendait des subsides en dernier lieu. […] L’honneur de Richelieu est de l’avoir senti avec une énergie ardente et un indomptable génie d’exécution : le malheur de Rohan, celui de sa position, est de n’avoir pu le sentir, d’avoir été l’allié naturel et comme nécessaire de l’étranger, de quiconque était alors l’ennemi de la patrie, d’avoir continué de penser là-dessus comme un seigneur féodal en retard, devenu républicain par rencontre, et qui, en vue d’une conviction religieuse particulière, usait de tous les moyens de défense, sans se douter de ce qu’il allait choquer au sein de cet autre sentiment moral et religieux aussi, de ce sentiment patriotique, tout à l’heure universel. […] Croire qu’il s’embarquerait dans ses grands desseins de combinaisons étrangères en laissant La Rochelle ouverte à l’Anglais et en communication avec les Cévennes mal soumises et avec le Languedoc à demi rebelle, c’était ne pas le connaître.
Échappant au tourbillon du monde parisien, étranger à toute coterie, fidèle à ses mystérieuses pensées, mais les contenant pour la solitude, il observa un religieux silence, et laissa derrière lui s’apaiser le bruit de son passage et tomber cette écume que son esquif avait soulevée. […] Tout étranger à la littérature active et militante que soit toujours resté M. de Lamartine, quelque réelles et profondes que paissent déjà paraître aujourd’hui les différences qui le séparent des générations poétiques plus jeunes et plus aventureuses, il ne demeure pas moins incontestable qu’il est avec M. de Chateaubriand, et le second par la renommée et par l’âge, à la tête de cette révolution dans l’art qui s’est ouverte avec le siècle. […] Voix sonore et retentissante, timbre éclatant et pur, geste simple ; puis une parole facile, abondante, harmonieuse ; une manière de style étrangère à toute affectation, à toute enflure ; un laisser-aller plein de ressources ; un art heureux de diriger, de détourner sa pensée, de la lancer chemin faisant dans les questions, et de l’arrêter toujours à propos ; un penchant à s’étendre sur les moralités consolantes quand il y a jour, et, sitôt qu’on arrive aux hommes, un parfait mélange de discrétion et de loyauté, voilà ce qui nous a surtout frappé dans l’éloquent discours de M. de Lamartine.
Elles lui parurent presque toujours étrangères à un plaidoyer ; d’autant plus qu’elles n’ont pas été goûtées des anciens, qui citent rarement & jamais hors de propos. […] Ils recommandèrent qu’on ne les fît point dans une langue étrangère, à moins qu’il ne s’agît d’un texte ou d’une loi décisive. En défendant aux avocats de faire le fond de leurs études de tant de livres inutiles à leur profession, ils les bornèrent à l’étude des loix naturelle, divine & humaine ; loix anciennes & nouvelles ; loix païennes & chrétiennes ; loix étrangères & loix du royaume.
Un hôte se présente-t-il chez un prince dans Homère, des femmes, et quelquefois la fille même du roi, conduisent l’étranger au bain. […] Le repas fini, on prie l’étranger de raconter son histoire. […] Remarquez que l’hôte inconnu est un étranger chez Homère, et un voyageur dans la Bible.
L’étranger n’a ni bureau, ni travail, ni service. […] En sa qualité d’étranger, il n’a qu’un devoir : employer son temps et jeter son argent. […] L’étranger, lui, ne se fait pas faute d’interroger. […] UN ÉTRANGER. […] Quant aux étrangers, nous ne les persuaderons jamais.
Voltaire s’enrichissait plutôt encore à l’aide de spéculations étrangères que par ses livres, qu’il ne négligeait pourtant pas. […] Quoi donc d’étonnant que la librairie, ainsi placée entre toutes les causes de ruine, entre son propre charlatanisme, les exigences des auteurs, les exactions des journaux, et enfin la contrefaçon étrangère, ait succombé ? […] J’ai nommé la contrefaçon étrangère, et je l’ai nommée la dernière parce qu’en effet elle ne vient qu’en dernier lieu dans ma pensée, et qu’il y a bien d’autres causes mortelles avant celle-là. Tel ne paraît pas l’avis de beaucoup d’intéressés, et c’est à la contrefaçon étrangère presque uniquement qu’auteurs et éditeurs s’en sont pris dans la dernière crise. […] A défaut de la contrefaçon étrangère qu’on ne peut atteindre, il y a des manières de contrefaçon à l’intérieur, sinon pour les livres, du moins pour les feuilletons : il y a des journaux voleurs qui vous citent et vous copient.
On sait d’ailleurs qu’en fait, lorsque des individus étrangers l’un à l’autre entrent en relation, ils ne se trouvent plus désormais, en face l’un de l’autre, dépourvus de droits. […] On sait assez, par sa façon de traiter l’étranger, que l’isolement est sa loi : c’est, par essence, une église fermée. […] Les plébéiens ont conquis les droits politiques et même religieux que les patriciens se réservaient : l’étranger les conquiert à son tour. […] Voyez avec quel mépris orateurs et poètes31 traitent les nouveaux venus de la cité romaine, tant la plèbe indigène « misérable et affamée » que les races étrangères « barbares et sauvages ». […] En un mot, malgré toutes les survivances de l’esprit de la cité antique, à la fin de l’Empire romain, l’étranger a forcé les portes du droit, l’esclave va les forcer à son tour.
Seulement ces mots se déguisèrent sous une terminaison française, comme des étrangers qui prennent l’habit du pays qu’ils viennent habiter. […] De là, souvent notre espèce d’incrédulité pour les mouvements extraordinaires et passionnés de l’âme ; de là, surtout, dans l’éloquence comme au théâtre, cette facilité à saisir les petites teintes de ridicule qu’une circonstance étrangère mêle quelquefois aux grandes choses, et qui, surtout, sont si voisines du pathétique que l’on cherche. […] On peut demander pourquoi les peuples sauvages, dans la sorte d’éloquence qu’on leur remarque quelquefois, n’ont jamais de mauvais goût, tandis que les peuples civilisés y sont sujets ; c’est sans doute parce que les premiers ne suivent que les mouvements impétueux de leur âme, et qu’aucune convention étrangère ne se mêle chez eux aux cris de la nature. […] La pensée du sauvage est simple comme ses mœurs, et son expression simple est pure comme sa pensée : il n’y entre point d’alliage ; mais le peuple déjà corrompu par les vices nécessaires de la société, et qui faisant des efforts pour s’instruire et secouer la barbarie, n’a pas encore eu le temps de parvenir à ce point qu’on nomme le goût, où le peuple qui, par une pente non moins nécessaire, après l’avoir trouvé, s’en éloigne, ne veut pas seulement peindre ses sentiments et ses idées, veut encore étonner et surprendre : il joint toujours quelque chose d’étranger à la chose même. […] L’homme qui est né avec de la vigueur n’étant plus arrêté par des conventions, marche où le sentiment de sa vigueur l’entraîne ; l’esprit, dans sa marche fière, ose se porter de tous les côtés, ose fixer tous les objets ; l’énergie de l’âme passe aux idées, et il se forme un ensemble d’esprit et de caractère propre à concevoir et à produire un jour de grandes choses ; celui même qui par sa nature est incapable d’avoir un mouvement, s’attache à ceux qui ont une activité dominante et propre à entraîner : alors sa faiblesse même, jointe à une force étrangère, s’élève et devient partie de la force générale.
C’est l’Italie tout entière, sa tristesse de servitude et de tombeau, l’imagnificence de ses peintures aux murailles des palais et des temples que rien autre de grand ne remplit, sa foi en ruine, ses mains aux fers, sa noble mamelle que l’oisiveté flétrit ou que souille l’étranger, — c’est tout ce spectacle, amèrement beau, qui a inspiré le poëte ; de la blessure qu’une telle vue lui a causée sont nés à l’instant et, pour ainsi dire, ont ruisselé ses vers. […] Son poëme se divise en quatre masses principales ou chants : 1° le Campo Santo à Pise ; c’est le vieil art toscan catholique au Moyen-Age que l’auteur y ranime dans la personne et dans l’œuvre du peintre Orcagna, contemporain de Dante ; 2° le Campo Vaccino, ou le Forum romain ; solitude, dévastation, mort ; la majesté écrasante des ruines encadrant la misère et l’ignominie d’aujourd’hui ; 3° Chiaia, la plage de Naples où pêchait Masaniello : c’est un mâle dialogue entre un pêcheur sans nom, qui sera Masaniello si l’on veut, et Salvator Rosa ; les espérances de liberté n’ont jamais parlé un plus poétique langage ; 4° Bianca, ou Venise, c’est-à-dire cette divine volupté italienne que l’étranger du nord achète et profane comme une esclave. — Telle est la distribution générale du poëme, à laquelle il faut joindre, pour en avoir l’idée complète, un prologue et un épilogue, puis, dans l’intervalle de chaque chant, un triple sonnet sur les grands statuaires, peintres et compositeurs, Michel-Ange, Raphaël, Cimarosa, etc. ; l’ordonnance en un mot ne ressemble pas mal à un palais composé de quatre masses ou carrés (les quatre chants), avec un moindre pavillon à l’extrémité de chaque aile (prologue et épilogue), et avec trois statues (les sonnets) dans chaque intervalle des carrés, en tout neuf statues. […] Le poëte, en des vers pleins de tendresse, conjure cette belle contrée, alors qu’elle pourra renaître, de ne s’adresser jamais qu’à ses enfants : Dans tes fils réunis cherche ton Roméo, et il repousse d’elle avec effroi toute intervention de l’étranger, du barbare, comme il dit, dans cette délivrance sacrée : Car ce qui n’est pas toi ni la Grèce ta mère, Ce qui ne parle pas ton langage sur terre, Et tout ce qui vit loin de ton ciel enchanteur, Tout le teste est barbare et marqué de laideur.
Son but, dans ce petit livre, est de prémunir ses compatriotes contre la dispersion des pensées, contre la perte des coutumes, l’attiédissement de la foi et du dévouement en terre étrangère. […] Au milieu de ces conseils énergiques et simples donnés à ses compatriotes, il y a bon nombre de sévères paroles qui tombent de la bouche du poète sur l’étranger, sur nous autres Français aussi, accoutumés à plus de louanges. Ces mots d’étranger, d’ennemi, d’idolâtre, synonymes pour le poète, s’appliquent également à nous, qui avons manqué à notre belle mission de la guerre générale pour la cause des peuples.
On concède qu’il peut y avoir du profit à imiter les auteurs étrangers ; mais imiter un auteur de la même langue c’est, paraît-il, chose inadmissible ; et comme on est gêné par l’exemple de Flaubert, élève authentique et avoué de Chateaubriand, on explique le cas de Flaubert en disant que le romantisme représentait pour Flaubert une « véritable littérature étrangère ». Notre auteur ne « spécifiant pas », comment un écrivain français tel que Chateaubriand peut passer pour un écrivain étranger, « on ne sait que dire ».
Or, c’est lui, Alfred de Musset, qui le premier, en France, nous apprit le nom fascinant et menteur de Leopardi, qui cache en ses huit lettres tout ce qu’il y a de moins léopard au monde… Sous le rayon de quelques vers de de Musset, lueur de lampe dans un caveau funèbre, le poète italien brillait mystérieusement, depuis ce temps-là, dans la pénombre d’une langue étrangère, toujours d’accès plus ou moins difficile ou désagréable à l’esprit français. […] En France, où l’on avale les étrangers sans les mâcher, comme des hosties, et où les ennuyeux paraissent des majestueux et imposent, je l’ai dit, il réussit davantage en sa double qualité d’ennuyeux et d’étranger, ce valétudinaire studieux, — qui, malgré son nom, ne fut un léopard d’aucune manière, pas même un chat, ce cadet des cadets de la race féline, mais tout simplement et pacifiquement un rat de bibliothèque qui faisait des vers comme il faisait un commentaire sur Épictète, et par le même procédé !
Ces similitudes extra-muros, intersociales, aideront les esprits à franchir les murs de la cité : ils reconnaîtront plus aisément l’homme dans l’étranger. […] La quantité des étrangers avec lesquels Rome entrait en rapport l’obligeait à substituer, aux règles spéciales, des règles aussi générales que possible. […] Il ne nous est donc pas difficile de retrouver des frères chez les étrangers. […] On imite moins ses ancêtres, mais on imite plus ses contemporains, même étrangers. […] Tarde, à naturaliser les importations, à donner à l’usage venu de l’étranger la force d’une pratique autochtone, et à nous ramener ainsi du cosmopolitisme ou traditionalisme141. — Ce retour de la mode à la coutume résulte-t-il d’une loi d’évolution nécessaire ?
Comment la poésie dramatique serait-elle demeurée étrangère à un peuple ainsi disposé, si souvent réuni et si avide de fêtes ? […] Mais il n’en demeurait pas moins populaire, étranger à toute régularité scientifique, et fidèle à l’esprit national. […] Le chœur de Roméo et Juliette, conservé peut-être comme un reste de l’ancien usage, n’est qu’un ornement poétique étranger à l’action. […] La Restauration amena ensuite en Angleterre un goût étranger, que ne partageait pas toute la nation, mais qui dominait avec la cour. […] Rien n’est étranger à l’impression que ce qui la détruit ; elle s’alimente et s’accroît de tout ce qui peut s’y confondre.
Antiquité grecque, connaissance des langues et des littératures étrangères, philologie comparée, histoire reprise aux sources, philosophie et science du beau : M. […] Il eût été digne d’être de l’Académie de la Crusca, non-seulement en Italie, mais de toutes les Cruscas, s’il y en avait eu une pour chaque littérature étrangère. […] Je reviendrai donc vers mes amis, c’est mon désir, avant d’y être forcé par un excès de malaise et de fatigue… Il ne faut pas, j’en conviens, s’exposer trop à laisser ses os en terre étrangère. […] C’est un bâtiment parfaitement accommodé pour une cinquantaine de cours de diverses facultés. — Je n’ai que l’embarras du choix tous sont ouverts sans nulle façon. — Sur la même place est un grand bâtiment dit Muséum qui est le casino des professeurs et des étudiants, des bourgeois et des étrangers, immense collection de journaux où règne le silence dans les salons de lecture, et qui contient une bibliothèque libéralement servie, des salles de conversation paisible, un vaste salon de concerts, institution des plus honorables (j’omets la fameuse bibliothèque de Heidelberg qui est à la disposition du public). — Enfin je me trouve ici sollicité par une prodigieuse envie de tout lire, de tout entendre, de tout voir et de tout dire, — de m’emparer de la langue la plus familière, de tous les cours, de tous les professeurs, de tous les journaux, de tous les livres, de tous les paysages et de toutes les montagnes.
Du milieu de ces idées si étrangères au génie de La Fontaine, il sort pourtant des traits qui le caractérisent, tel que ce plaisant hémistiche : Jamais un roi ne ment. […] Quoique l’invention de cette fable soit un peu bizarre, quoique la tortue y soit peinte dans un costume bien étranger à ses habitudes, on peut ranger cet Apologue parmi les bons. […] L’amour, dans des mœurs simples, n’est composé que de lui-même, ne peut être payé que par lui, s’offense de ce qui n’est pas lui ; mais dans des mœurs raffinées, c’est-à-dire, corrompues, ce sentiment laisse entrer dans sa composition une foule d’accessoires qui lui sont étrangers. […] Quand des chiens étrangers….
Croit-il l’avoir renouvelé parce qu’il lui a fait porter l’uniforme, et, lui que les Russes, dit on, dans leur éternelle manie d’Européens, appellent leur Balzac, a-t-il donc vu dans cet illustre modèle, dont on incline le nom jusqu’à lui, que jeter un costume étranger sur un type équivaille à en créer un ? […] Où il n’y a pas de société, il ne peut y avoir que l’expression d’une société étrangère. […] Politiquement, il n’y a point de peuple, ni pour le présent ni pour l’avenir, chez lequel l’aristocratie parle une langue étrangère, et, socialement, il n’y a à Saint-Pétersbourg que des Kalmouks sans originalité. […] Quant à Pierre Ier les Mémoires du sieur de Villebois ne montreront pas une fibre ou un muscle inconnus dans cette figure allumée de chef de hordes qui a voyagé et de badaud qui rapporte chez lui les coutumes étrangères.
Le Pour & le Contre, le Journal Etranger auquel il a travaillé, donnent une idée assez favorable de ses talens, en matiere de saine & belle Littérature, pour faire croire qu’il eût pu honorer les Lettres, sans avoir aucun reproche à redouter pour sa gloire. […] Quoique cet Ouvrage ne soit pas exécuté avec tout le soin, tout le discernement, & toute la précision qu’il exigeoit, une seconde édition, corrigée & réduite par l’Auteur, auroit pu lui procurer l’honneur d’avoir véritablement travaillé à l’utilité du Public, en lui présentant, en corps d’Histoire, ce qui ne se trouvoit auparavant que dans les Relations éparses de divers Ecrivains tant Nationaux qu’Etrangers.
Toutes les révolutions fécondes n’ont jamais été autre chose qu’un retour à la tradition nationale déformée par des influences étrangères — à l’Esprit tué par la Lettre. […] Si certains naturalistes se piquèrent d’enseigner une morale en action, les autres professèrent que l’art est étranger à toute morale. […] Mais nous le serons en dehors de notre art ; nous le serons en hommes cultivés à qui rien de ce qui s’adresse à l’intelligence ne doit être étranger. […] Les races les plus pures n’ont jamais été que des aristocraties, qui se sont préservées soigneusement de tout contact avec la classe servile et les étrangers. […] S’il veut sortir de lui-même et de ses mélancolies, il en sera réduit à l’imitation de l’étranger ou à l’exploitation charlatanesque des pires excentricités.
Rien ne peint mieux ces illustres assemblées qui se tiennent chez Mmes Necker et Geoffrin qu’un mot d’un étranger. […] L’étranger, enchanté de cette proposition, y alla ; il trouva un grand cercle établi ; il s’assit, bien résolu de faire son profit dans une société aussi illustre. […] Enfin l’étranger, impatienté de leur maussaderie, tira par la manche celui qui l’avait amené, et lui demanda : « Quand est-ce qu’ils commenceront ? […] les émigrés jugeaient très bien les étrangers avec qui ils étaient appelés à vivre, et ne comprenaient jamais les hommes de leur propre pays. […] Il en résultait le singulier contraste de gens très clairvoyants dans ce qui leur était étranger, et toujours aveugles dans ce qui les touchait eux-mêmes.
Mais le cercle s’est élargi, la vue s’est fort étendue depuis eux en dehors des horizons purement français : Shakspeare a grandi, Goethe s’est élevé, la connaissance des littératures étrangères a découvert les sources et permis de juger avec la dernière exactitude la quantité et la valeur des emprunts. […] Une autre Étude plus récente, résultat aussi d’un Cours fait à l’étranger, est le Corneille de M. […] Ces paroles et ces pages, pleines d’impartialité et d’élévation, ces preuves de bonne et loyale critique, faites par un des écrivains bien informés qui vivent en présence de l’étranger et qui ont à soutenir tout le poids des objections, mériteraient d’être appréciées chez nous plus qu’on ne le fait d’habitude : nous n’écoutons guère sur nous et les nôtres que ce qui se dit de près, et aussi ce qui nous flatte. Nous récusons volontiers les étrangers, comme si, du côté de l’art, ils n’étaient pas, à certain degré, nos juges. […] Ces jugements des étrangers qui nous choquent et nous scandalisent, la première condition pour les réfuter en ce qu’ils ont d’injuste et de faux, c’est de les connaître, de ne pas se boucher les oreilles de peur de les entendre.
La beauté comme la laideur, la laideur et la beauté comme l’enfance et la vieillesse, sont des déterminations restrictives de l’humanité ; comme telles, elles sont étrangères à l’idée de l’homme proprement dit, de l’homme ordinaire, la seule que représente, à vrai dire, l’image visuelle intérieure264. […] Bréal, à travers les mots auxquels notre oreille est habituée depuis l’enfance » ; la preuve qu’il y a là une illusion, c’est que le même phénomène se produit chez tous les peuples : « les étrangers entendent les mêmes bruits que nous dans des mots tout différents »270 . […] Une pensée donnée a donc pour signe donné le plus saillant de ses éléments ; une pensée factice demande, et d’autant plus impérieusement qu’elle est plus factice, un signe également factice, un signe étranger aux éléments donnés dont elle est le groupement artificiel ; l’arbitraire convient seul pour désigner le factice. […] Constant, Adolphe, Paris, Flammarion, « GF », 1989, p. 62-63). « les idiomes étrangers rajeunissent les pensées et les débarrassent de ces tournures qui les font paraître tour à tour communes et affectées » : idée qu’on peut rapprocher de l’éloge des traductions des littératures étrangères dans l’article de Mme de Staël en janvier 1816 à Milan (« De l’esprit des traductions ») et de l’utilité qu’elles gardent quelque chose du style de la langue originale pour contribuer à lutter contre ces fameuses « tournures communes ».] […] II, § 8]) ; et, dans ce second cas, soit qu’elle nous reste attribuée, soit que nous nous imaginions entendre une voix étrangère ; si la parole du dormeur devient extérieure (délire), elle reste incohérente.
On les envoie d’abord s’instruire eux-mêmes à l’étranger. […] Je me la rappelle en voyant que ces petites perles, tombées dans une prose étrangère, y paraissent mortes et n’ont plus d’orient. […] Au contraire, l’impression douloureuse dont parle Gogol demeurait prédominante pour l’étranger, surtout pour l’étranger ; il ne m’a pas semblé qu’elle attristât outre mesure ce même public. […] Nul étranger ne fut aussi lu, aussi goûté à Paris : cette haute gloire a un versant français. […] L’une d’elles, à la vérité, était étrangère et des plus communes.
On a dit que cette divergence de vues provenait de ce que les Symbolistes étaient en majorité d’origine étrangère. […] Ce vœu de négliger les muettes dans le corps du vers répugne à notre tempérament analytique, et c’est Ronsard qui a raison quand il écrit : Mari-e, vous avez la joue aussi vermeille Qu’une rose de mai… Encore ne faut-il pas considérer comme étrangers les écrivains de race gréco-latine (Pélasges).
Je ne doute pas, Monsieur, que cet Ouvrage n'obtienne l'approbation de tous les Connoisseurs : il servira de guide, dans un labyrinthe jusqu'ici impénétrable aux Etrangers. […] « C'est avec un vrai plaisir, Monsieur, que je donne ce témoignage de votre Ouvrage, très-flatté d'avoir cette occasion de rendre justice à vos talens, & de vous marquer le parfait & sincere dévouement avec lequel j'ai l'honneur d'être, &c. » Outre ce suffrage si flatteur de la part d'un homme en place, & sur-tout d'un Etranger qui s'exprime si bien dans notre Langue, M.
C’est, de chercher dans la langue qu’on possède, les expressions correspondantes à celles de la langue étrangère dont on traduit et qu’on étudie. […] C’est de chercher, dans la langue étrangère qu’on apprend, des expressions correspondantes à celles de la langue qu’on parle, et qu’on sait. […] Quand on compose on feuilleté à la vérité le dictionnaire de sa propre langue, mais c’est pour y chercher l’expression correspondante dans la langue étrangère ; c’est cette expression qu’on lit, c’est cette expression qu’on écrit, c’est à la syntaxe de cette langue étrangère qu’on l’assujettit, ce sont ses règles qu’on observe, c’est à ses tours qu’on tâche de se conformer, opérations qui toutes tendent à fixer dans la mémoire et la grammaire et le dictionnaire. […] Ce que je viens de prescrire sur les poètes latins, il faut l’entendre des orateurs, des historiens, de tous les auteurs en tout genre et en quelque langue que ce soit, ancienne ou moderne, nationale ou étrangère. […] Guizot, en coupant la plus grande partie de ce qui suit, paraît ne pas avoir vu que Diderot défendait la thèse même qu’il l’accuse de combattre, c’est-à-dire qu’on ne saurait bien connaître une langue étrangère, si l’on ne fait à la fois le thème et la version.
Il n’en est pas ainsi des auteurs étrangers qui sont tout près de nous, qui nous touchent, qui sont présents parmi nous. L’imitation en sera toujours dangereuse, parce que, tout au contraire de l’imitation des anciens, c’est par l’imagination et le caprice que nous sommes tentés de ressembler aux auteurs étrangers. […] Combien cette réflexion n’est-elle pas vraie des étrangers contemporains, puisqu’elle est vraie de ceux qui sont morts même depuis longtemps ? […] L’imitation des littératures étrangères ne réussit à aucune nation. […] Il eut une noble ambition pour la langue française, « qu’il vouloit pousser, disait-il, dans les pays étrangers », et il enseigna divers moyens pour l’enrichir.
Les grands ouvrages écrits en langue étrangère ne sont véritablement lus que quand ils sont traduits. […] Mais une lecture longue, continue, complète, n’est possible à la plupart même des gens instruits que lorsqu’elle est facile, et l’une des causes qui ont le plus retardé chez nous l’introduction des idées essentielles nées à l’étranger, ç’a été la lenteur des traductions ou importations. […] La Librairie internationale a entrepris de nous donner une collection de tous les grands historiens contemporains étrangers ; on a déjà, en tout ou en partie, ou l’on possédera très-prochainement l’Histoire de la Civilisation en Angleterre par Buckle, l’Histoire du xixe siècle par Gervinus, l’Histoire de Philippe II par Prescott, la Révolution des Pays-Bas au xvie siècle de Motley, l’Histoire romaine de Mommsen une autre traduction que celle qui se publie concurremment en France) ; enfin on va pouvoir lire cette Histoire de la Grèce par M. Grote, l’un des associés étrangers de l’institut de France et dont l’œuvre est un des monuments originaux de notre époque. […] Gœthe lui-même n’y fut pas étranger.
Un homme d’un goût délicat et qui passe sa vie à étudier la littérature française et les littératures étrangères, M. […] Il ne s’est pas opéré par l’accession de quelques idiotismes étrangers, comme le croit M. […] Après cela, mille causes accessoires y ont concouru : on a pris goût au style poétique de la Bible, qui était pour Voltaire un sujet d’ineffables risées ; on a pris goût aux littératures étrangères ; on a étudié l’Orient ; on a eu besoin d’émotions nouvelles ; le sentiment de la liberté et de l’individualisme s’est montré partout, s’est appliqué à tout ; enfin on retrouve ici, comme dans mille autres questions, l’influence de tout ce qui compose ce qu’on appelle l’esprit du siècle. […] Une plus grande intimité entre notre style poétique et celui des littératures étrangères doit faciliter infiniment la traduction en vers des poètes étrangers ; et réciproquement le travail de cette traduction doit donner à notre style, sous le rapport de la métaphore prolongée, une nouvelle souplesse.
Quant à lui, qui probablement eût fait de même s’il se fût trouvé avec eux, il se vit, en débarquant en Catalogne, jeté dans un groupe tout différent ; il y rencontra des militaires la plupart étrangers, bien qu’ayant fait partie autrefois des armées de l’Empire, des Italiens, des Polonais, qui n’étaient liés par aucun scrupule envers la France du drapeau blanc. […] Dans un des articles sur la guerre d’Espagne que Carrel inséra en 1828 à la Revue française, il a raconté avec intérêt et vivacité l’épisode de ce petit corps étranger dont il faisait partie, ses combats, ses vicissitudes, et sa presque extermination devant Figuières ; les quelques débris survivants n’échappèrent que grâce à une capitulation généreusement offerte par le général baron de Damas, et qui garantissait la vie et l’honneur des capitulés (16 septembre 1823) : « Quant à ceux des étrangers qui sont Français, était-il dit dans la convention rédigée le lendemain, le lieutenant général s’engage à solliciter vivement leur grâce ; le lieutenant général espère l’obtenir. » Rentré en France à la suite de cette capitulation avec l’épée et l’uniforme, Carrel se vit arrêté à Perpignan et traduit devant un conseil de guerre. […] Je veux m’expliquer plus clairement : si un véritable homme de lettres, bien simple, bien modeste, bien consciencieux, mais étranger à l’action, mais ne sachant ni payer de sa personne, ni représenter en Cour des pairs ou en cour d’assises, ni tenir tête aux assaillants de tout genre et de tout bord, ni dessiner sa poitrine avec cette noblesse dans le danger, avait écrit du fond de son cabinet la plupart des choses excellentes que Carrel a écrites (j’entends excellentes, littérairement parlant), il ne passerait, selon moi, que pour un bon, un estimable, un ferme, un habile et véhément écrivain ; mais il n’eût jamais excité les transports et les ardeurs qui accueillirent les articles de Carrel : c’est qu’avec lui, en lisant et en jugeant l’écrivain, on songeait toujours à l’homme qu’on avait là en présence ou en espérance, à cette individualité forte, tenace, concentrée, courageuse, de laquelle on attendait beaucoup. […] Il s’y élevait à des vues générales qui embrassaient toute la politique et la civilisation de ce pays ; mais surtout il y exposait la campagne de Mina en Catalogne, et les aventures de la Légion libérale étrangère, avec feu, avec une netteté originale et une véritable éloquence ; on sentait qu’il ne manquait à ce style un peu grave et un peu sombre, pour s’éclairer et pour s’animer, que d’exprimer ce que l’auteur avait vu et senti.
Là, synthèse, analyse ici ; là, effort de création ; ici, essai de critique ; là, développement de ce que l’on a en soi ; ici, pénétration d’une pensée étrangère : les deux exercices sont complémentaires et font ensemble une culture. […] Il sera bon de partir de là pour aller à la recherche du sens originel, du sens de l’auteur, et puis du sens du premier public, et des sens de tous les publics, français et étrangers, que le livre a successivement rencontrés. […] Je puis ajouter que la valeur de cet exercice a été depuis une vingtaine d’années de plus en plus reconnue dans les pays étrangers, en Europe et en Amérique, à mesure que nos professeurs l’ont démontré par leur pratique et en font comprendre la méthode et le but. Il ne serait pas excessif de dire que dans l’enseignement littéraire que beaucoup d’entre eux sont venus donner, en divers pays, l’explication des textes français a été pour les étrangers, professeurs et étudiants, la partie la plus neuve, la plus originale, et, au sentiment général, la plus féconde.
Cependant M. le Conte de L’Isle aurait pu être très Indien encore et ne pas employer sans notes et sans vocabulaire (ce qui est par trop indien ou par trop indifférent à l’intelligence de son lecteur), cette tourbe de mots étrangers à peu près inintelligible. Mais cosmopolite dans la pensée, il l’est aussi dans l’expression et il appartient au groupe de ceux qui ouvrent le sein de la langue à l’étranger. Dans un temps où la langue serait forte, la Critique punirait peut-être le poète de cette impiété et de cette profanation, mais nous ne sommes plus au temps du grand Corneille où l’on disait Brute et Cassie, et où ce qui doit changer le moins, même les noms propres, devenaient français sous les plumes fières… À présent nous n’avons plus, il est vrai, cette insolence d’orgueil, et ce n’est pas seulement à l’expression étrangère que nous allons tendre des mains mendiantes, c’est à l’inspiration elle-même !
Un mot étranger ne peut devenir entièrement français que si rien ne rappelle plus son origine ; on devra, autant que possible, en effacer toutes les traces. […] Ces déformations, qui sont très régulières, si elles ne peuvent plus servir d’exemples pour l’incorporation actuelle des mots étrangers, enseigneront cependant le mépris de ce qu’on appelle les lettres étymologiques.
Nous avons la conscience de n’être demeurés étrangers à aucun effort littéraire. […] Mais qu’on ne nous blâme point, en une époque de confusion et d’anarchie, d’avoir réservé nos meilleures louanges à ceux qui gardent fidèlement le sens de la tradition nationale : clarté, sobriété, mesure, méthode ; à ceux qui n’ont pas vêtu la déesse d’ornements étrangers, qui ne l’ont pas éloignée du grand chemin tranquille où passèrent, indifférents aux soucis de la politique éphémère et aux modes qui se fanent, les classiques.
Ils considéraient de même les adoptions, comme des moyens de soutenir des familles près de s’éteindre, en y introduisant les rejetons généreux des familles étrangères. […] Ils ne savaient ce que c’était que la légitimation, parce qu’ils ne prenaient pour concubines que des affranchies ou des étrangères, avec lesquelles on ne contractait point de mariages solennels dans les temps héroïques, de peur que les fils ne dégénérassent de la noblesse de leurs aïeux. […] Le droit de cité ne s’était donné dans les temps anciens qu’à d’illustres étrangers qui avaient bien mérité du peuple romain ; ils l’accordèrent à quiconque était né à Rome d’un père esclave, mais d’une mère libre, ne le fût-elle que par affranchissement.
Les Américains sentiraient bien faiblement le mérite d’une situation comique qui ferait allusion à des institutions tout à fait étrangères à leur gouvernement ; ils écouteraient peut-être encore ce qu’on en peut dire à cause de leurs rapports avec l’Europe ; mais jamais leurs écrivains ne penseraient à s’exercer sur un tel sujet. […] La nation française prenait ses propres souffrances pour l’objet de ses plaisanteries, couvrait de ridicule par son esprit ce qu’elle encensait par ses formes, affectait de se montrer étrangère à ses intérêts les plus importants, et consentait à tolérer le despotisme, pourvu qu’elle pût se moquer d’elle-même comme l’ayant supporté. […] Ce ne sont pas des maximes de morale, c’est le développement des caractères et la combinaison des événements naturels qui produisent un semblable effet au théâtre ; et c’est en prenant cette opinion pour guide, qu’on pourrait juger quelles sont les pièces étrangères dont nous pouvons nous enrichir. […] Ce n’est point l’irrégularité ni l’inconséquence des pièces anglaises et allemandes qu’il faut imiter ; mais ce serait un genre de beautés nouvelles pour nous, et pour les étrangers eux-mêmes, que de trouver l’art de donner de la dignité aux circonstances communes, et de peindre avec simplicité les grands événements. […] Il y a donc nécessairement une profondeur de peine, un genre de vérité que l’expression poétique affaiblirait, et des situations simples dans la vie que la douleur rend terribles, mais que l’on ne peut soumettre à la rime, et revêtir des images qu’elle exige, sans y porter des idées étrangères à la suite naturelle des sentiments.
Devenu trop étranger à la langue française par suite de sa longue absence pour se charger lui-même du travail de rédaction qui devait joindre, lier et expliquer les pièces nombreuses à mettre en œuvre, M. […] Quoique étranger et républicain, j’ai acquis, au prix de quatre ans écoulés sans que je fusse assuré en me couchant de me réveiller libre ou vivant le lendemain, au prix de trois décrets de prise de corps, de cent et quinze dénonciations, de deux scellés, de quatre assauts civiques dans ma maison, et de la confiscation de toutes mes propriétés en France, j’ai acquis, dis-je, les droits d’un royaliste ; et comme, à ce titre, il ne me reste plus à gagner que la guillotine, je pense que personne ne sera tenté de me le disputer. […] Ils éveillent la compassion même des impies ; les étrangers n’apprennent qu’avec horreur les menaces dont on les accable depuis vingt mois. […] Mallet, dans une lettre datée du 4 septembre 1793, expliquait au maréchal qu’étant neutre, sans conséquence et parfaitement désintéressé, il avait cru pouvoir développer avec franchise, à l’adresse des cabinets étrangers, plusieurs considérations qu’on n’eût pas écoutées deux minutes dans une autre bouche : J’ai demandé qu’on voulût bien se pénétrer de la certitude et de la profondeur du danger, qu’on le combattit partout, et surtout avec les véritables armes, et qu’on se désabusât de l’idée qu’avec des sièges, des virements systématiques de troupes et quelques prises de possession, on parvint à effleurer le monstre. — Cet écrit, continuait-il, a produit une assez forte sensation sur quelques cabinets : c’est à eux, c’est à quiconque influe sur cette crise, que je m’adressais, et non au vulgaire des insensés et des furieux, à qui le malheur ôte la raison, et dont les emportements ne sont pardonnables qu’en faveur des souffrances qui les occasionnent. […] Cet art est subordonné aux changements qui arrivent chez un peuple et à la situation dans laquelle il se trouve. » Je n’ai qu’un désir, c’est de présenter aux esprits qui me font l’honneur de me suivre quelques idées sérieuses qui ne soient pas étrangères à nos temps.
» s’est demandé un jour l’abbé Morellet, critiqué assez gaiement par Grimm, et qui, dans sa vieillesse, avait eu le désagrément de voir ces railleries imprimées ; et Morellet répond : « C’est un homme qui, pour quelque argent, se charge d’amuser un prince étranger toutes les semaines, aux dépens de qui il appartient, et en général de toute production littéraire qui voit le jour, et de celui qui en est l’auteur. » L’abbé Morellet était intéressé à parler ainsi ; mais Grimm, malgré des légèretés et des rapidités inévitables, ne rentre pas dans ce genre inférieur auquel l’abbé économiste voudrait le rabaisser. […] En ouvrant aujourd’hui les volumes de Grimm, n’oublions pas que ses feuilles ont été primitivement écrites pour des étrangers. […] Il ne dit jamais aux Français d’abandonner leur tragédie pour l’imitation des beautés étrangères : « Nous dirons au contraire : Français, conservez vos tragédies précieusement, et songez que, si elles n’ont pas les beautés sublimes qu’on admire dans Shakespeare, elles n’ont pas aussi les fautes grossières qui les déparent. » En jugeant la tragédie française de son temps, il en sait toutes les faiblesses et toutes les langueurs ; il a des réflexions à ce sujet, qui lui sont suggérées par le Timoléon de La Harpe, mais qui remontent et portent plus haut. […] La plupart des prétendus auteurs se contentent de travailler sur des idées étrangères, qu’ils retournent et qu’ils accommodent au goût du moment ; rien n’est plus rare que cette vivacité et cette hardiesse à peindre sa propre pensée et ses propres sentiments, qui fait l’auteur original. […] Prenant les discours généraux que Buffon a mis en tête de quelques volumes de son Histoire naturelle, il les apprécie littérairement comme ferait un homme né sous l’étoile française de Malherbe, de Pascal et de Despréaux : « On est justement étonné, dit-il, de lire des discours de cent pages, écrits, depuis la première jusqu’à la dernière, toujours avec la même noblesse, avec le même feu, ornés du coloris le plus brillant et le plus vrai. » Ce n’était certes plus un étranger celui qui appréciait à ce point la convenance et la beauté continue du style.
À côté des malheurs, causés par le sentiment, c’est peu que les circonstances extérieures qui peuvent troubler l’union des cœurs ; quand on n’est séparé que par des obstacles étrangers au sentiment réciproque, on souffre, mais l’on peut et rêver et se plaindre : la douleur n’est point attachée à ce qu’il y a de plus intime dans la pensée, elle peut se prendre au-dehors de soi ; cependant des âmes d’une vertu sublime, ont trouvé dans elles-mêmes des combats insurmontables ; Clémentine peut se rencontrer dans la réalité, et mourir au lieu de triompher. […] Enfin, les femmes sont liées par les relations du cœur, et les hommes ne le sont pas : cette idée même est encore un obstacle à la durée de l’attachement des hommes ; car là où le cœur ne s’est point fait de devoir, il faut que l’imagination soit excitée par l’inquiétude, et les hommes sont sûrs des femmes, par des raisons même étrangères, à l’opinion qu’ils ont de leur plus grande sensibilité ; ils en sont sûrs, parce qu’ils les estiment ; ils en sont sûrs, parce que le besoin qu’elles ont de l’appui de l’homme qu’elles aiment, se compose de motifs indépendants de l’attrait même. […] Il peut exister des femmes dont le cœur ait perdu sa délicatesse ; elles sont aussi étrangères à l’amour qu’à la vertu, mais il est encore pour celles qui méritent seules d’être comptées parmi leur sexe, il est encore une inégalité profonde dans leurs rapports avec les hommes, les affections de leur cœur se renouvellent rarement ; égarées dans la vie, quand leur guide les a trahi, elles ne savent ni renoncer à un sentiment qui ne laisse après lui que l’abîme du néant, ni renaître à l’amour dont leur âme est épouvantée. Une sorte de trouble sans fin, sans but, sans repos, s’empare de leur existence, les unes se dégradent, les autres sont plus près d’une dévotion exaltée que d’une vertu calme ; toutes au moins sont marquées du sceau fatal de la douleur : et pendant ce temps, les hommes commandent les armées, dirigent les Empires, et se rappellent à peine le nom de celles dont ils ont fait la destinée ; un seul mouvement d’amitié laisse plus de traces dans leur cœur que la passion la plus ardente ; toute leur vie est étrangère à cette époque, chaque instant y rattache le souvenir des femmes ; l’imagination des hommes a tout conquis en étant aimé ; le cœur des femmes est inépuisable en regrets, les hommes ont un but dans l’amour, la durée de ce sentiment est le seul bonheur des femmes.
Linguet dans le pays étranger, & les écarts qui en ont été la suite, sont le fruit de ces persécutions scandaleuses, qui prouvent qu’il n’y a jamais eu de Secte plus intolérante, plus vindicative, plus tyrannique, plus inhumaine, que celle dont les bannieres ont pour cri les noms de tolérance & de liberté. […] Linguet l’a bien senti lui-même par le désaveu glorieux qu’il en a fait, & par les éloges vrais qu’il a donnés depuis à ce grand homme d’Etat, dont la Nation & les Etrangers admirent également la sagesse & la probité ; qui ne doit son élévation qu’à son mérite ; dont tous les pas dans la carriere politique, où il est entré dès l’âge le plus tendre, ont été marqués par des services rendus à la Patrie ; qui, malgré sa grande modestie, jouit de toute sa réputation ; & dont la gloire, appuyée sur l’estime générale de ses contemporains, ne pourra qu’augmenter par la succession des temps.
Et pourtant la gloire est plus belle en France que partout ailleurs ; et tous les grands hommes étrangers recherchent les suffrages de Paris, comme, dans les temps antiques, on recherchait les suffrages des Athéniens. […] Nous n’avions que le Cid qui fut continuellement naturel et vrai ; aussi est-il emprunté à un théâtre étranger, aussi Corneille l’appela-t-il tragi-comédie, tant ce grand homme sentait la nécessité du mélange des tons dans ce qui n’était point l’antique ; on sait comment il fut rejeté hors de cette voie nouvelle par les prétendus classiques du temps, mais on ne conçoit pas comment, dans les deux derniers siècles, aucun auteur n’a cherché à y rentrer. […] Quant aux vieilles indignations nationales, à ces gothiques haines de l’étranger, à qui prétendrait-on imposer aujourd’hui avec toute cette patrioterie littéraire ? […] Il est temps que ses chefs-d’œuvre soient reproduits fidèlement sur notre scène, comme les nôtres le sont sur les scènes étrangères. […] Viennent ensuite des ballades de mon invention et des poésies de tout genre et de toute dimension, depuis l’ode jusqu’au rondeau, depuis l’élégie jusqu’au sonnet ; c’est pourquoi j’ai appelé le tout : Études françaises et étrangères.
Quels travestissements n’ont-ils pas fait subir à tout ce qui leur a passé par les mains, d’étranger ! […] — Des étrangers ? […] Ce que je puis vous attester, c’est que les imitations de littérature étrangère, et particulièrement de l’Allemagne, étaient moins voisines de leur pensée qu’on ne le supposerait à distance. […] Il avait surtout dans l’imagination ses graves et hauts souvenirs d’enfance qui lui ont imprimé, comme on l’a dit heureusement, un premier pli si grandiose, et qui ont fait de lui « un grand d’Espagne de première classe en poésie98. » « Lamartine, parfaitement étranger à l’Allemagne, savait l’Italie et comprenait ses harmonieux poëtes, le Tasse, Pétrarque. […] Il y aurait pour lui une exception à faire : son imagination, à l’origine, s’imprégnait sensiblement de ses lectures ; le poëme ou le roman qu’il avait feuilleté la veille n’était pas du tout étranger à la chanson ou au caprice du lendemain.
Ne devons-nous pas, pour n’y être point comme des étrangers, connaître en quoi nous lui ressemblons ? […] Alors la moitié de la France appelait l’étranger pour combattre l’autre. […] Vous ne le reconnaîtrez pas dans cette ambition propre à notre temps, qui prétend réunir toutes les qualités et toutes les libertés des littératures étrangères, et qui affecte des privilèges extraordinaires d’imagination et de sensibilité, dans un pays où les hommes de génie sont ceux auxquels le plus de gens ressemblent. […] Les étrangers, ou ceux de nos nationaux qui ne s’accommodent pas du train de notre langue, peuvent y voir un désavantage. […] On aurait d’ailleurs mauvaise grâce, à chicaner les étrangers sur la manière dont ils entendent les nobles jouissances de l’esprit.
Il y en a beaucoup en français, et des étrangers même employaient à dessein cette langue. […] Des écrits, en apparence très étrangers à l’histoire littéraire, peuvent s’y rattacher par quelque point. […] Des chroniques romanesques, sermons ou autres écrits en prose latine ne sont pas du tout étrangers à l’histoire de notre littérature française, et peuvent servir à l’éclaircissement de questions intéressantes relatives au fond ou à la forme de certaines compositions, à la langue dans laquelle elles parurent d’abord, etc.
Dans le sein même du judaïsme, il resta étranger à beaucoup d’efforts souvent parallèles aux siens. […] Peut-être même Babylone et la Perse n’y étaient-elles pas étrangères. […] L’homme étranger à toute idée de physique, qui croit qu’en priant il change la marche des nuages, arrête la maladie et la mort même, ne trouve dans le miracle rien d’extraordinaire, puisque le cours entier des choses est pour lui le résultat de volontés libres de la divinité.
Pour nous, Français, c’eût été un grand avantage qu’il se fît voir dès lors, et qu’on le connût comme tant d’illustres étrangers devenus nôtres : on n’aurait pas eu à le découvrir plus tard à travers Mme de Staël et à l’étudier, à l’épeler graduellement ; il aurait eu son brevet à temps, à son heure. […] Au lieu de cela, Gœthe, le plus grand des critiques modernes et de tous les temps (car il a profité des bénéfices de son siècle), est toujours resté pour nous un étranger, un demi-inconnu, une sorte de majestueuse énigme, un Jupiter-Ammon à distance dans son sanctuaire ; et tous les efforts qu’on fait, non pour le populariser (cela ne se pourra jamais), mais pour le naturaliser parmi nous, n’ont réussi jusqu’à présent qu’à demi. […] « Vous avez bien fait, disait un jour Gœthe à un étranger qui venait apprendre l’allemand à Weimar, de venir chez nous. […] Toutes les pensées étrangères sont éloignées, et toutes les aises même de la vie sont pour longtemps perdues. […] Vous les publierez d’abord dans les Almanachs, dans les Revues, mais ne vous conformez jamais à des idées étrangères ; agissez toujours d’après votre inspiration propre.
Comme on m’accordait en cette partie plus d’expérience et de lumières qu’aux députés étrangers à cette administration, on ne fut pas étonné des compliments de Barnave ; mais je compris ce qu’ils signifiaient, et je me prêtai volontiers à l’explication qu’il cherchait : il eut l’air, après la séance, de traiter particulièrement avec moi la même question, et nous restâmes seuls au comité. […] La justesse de son esprit lui faisait apercevoir tout ce qu’exigeait sa position ; mais la faiblesse de son caractère ne lui permettait aucune mesure forte et décisive ; et la reine entretenait son indécision par l’exagération de ses espérances dans l’influence et les plans de l’empereur son frère et du roi de Prusse, quoique Louis xvi eût de l’inquiétude sur le résultat de leur intervention et beaucoup de répugnance à mêler les étrangers aux affaires de la France. […] A un moment il put se flatter d’avoir fait accepter de Louis xvi un plan de défense tout intérieur et sans complication de l’étranger. […] M. do La Tour du Pin peut lui dire que, si nous rentrons en France, véritablement il ne peut pas y rester ; mais je lui garantis un sauf-conduit pour aller vivre en tel pays étranger qui lui conviendra le mieux. » « Voilà quels étaient, même en 1800 (car c’est l’époque de cette conversation), l’esprit, les projets, les combinaisons de ces messieurs. » Et ces messieurs, s’ils vivaient, seraient toujours les mêmes. […] Les causes de cette disgrâce sont encore à découvrir, car un mémoire qu’il avait précédemment adressé sur des questions étrangères à la marine ne suffit point pour l’expliquer103.
L'œuvre de Raspail comptera dans la science et portera coup à l’étranger. […] Dans un envoi précédent et étranger à la Chronique (18 mai 1843), Sainte-Beuve donnait à M.
Ils sont esclaves des femmes, et néanmoins étrangers aux sentiments profonds et durables du cœur. […] L’Espagne, aussi étrangère que l’Italie aux travaux philosophiques, fut détournée de toute émulation littéraire par la tyrannie oppressive et sombre de l’inquisition ; elle ne profita point des inépuisables sources d’invention poétique que les Arabes apportaient avec eux. […] L’émulation philosophique peut se communiquer des pays étrangers en Italie, et produire quelques écrits supérieurs ; mais la nature des gouvernements et des préjugés qui les dirigent, s’oppose à ce que cette émulation soit nationale ; elle ne peut avoir son mobile dans les institutions du pays. […] Il se peut qu’il existe encore d’autres exceptions peu connues des étrangers ; mais pour dessiner les traits principaux qui caractérisent une littérature, il est absolument nécessaire de mettre de côté quelques détails.
Avec sa lucide intelligence, elle parle des Anglais et des Allemands comme personne encore n’en avait parlé chez nous ; elle laisse à leurs œuvres la coupe et l’aspect étrangers. […] Ici encore, la formule que Mme de Staël a réussi à fixer, est celle d’un type étranger : elle nous a fourni pour soixante ans un poncif, dont l’adoption est un hommage à la liberté de son esprit cosmopolite. […] Il y a quelque chose de très singulier dans la différence d’un peuple à un autre ; le climat, l’aspect de la nature, la langue, le gouvernement, enfin surtout les événements de l’histoire, puissance plus extraordinaire encore que toutes les autres, contribuent à ces diversités ; et nul homme, quelque supérieur qu’il soit, ne peut deviner ce qui se développe naturellement dans l’esprit de celui qui vit sur un autre sol et respire un autre air : on se trouve donc bien en tout pays d’accueillir les pensées étrangères ; car dans ce genre, l’hospitalité fait la fortune de celui qui la reçoit643. » Le conseil était bon et pratique : nous nous en sommes aperçus plus d’une fois en ce siècle, nous autres Français. […] Tout ce que Napoléon ne domine pas, anciens amis et amis nouveaux, Français et étrangers, Barante, Elzéar de Sabran, Monti, Sismondi, Bonstetten, G.
Il est un point de vue pourtant, si un tel mot est permis en présence d’une figure si simple et si vraie, et la plus étrangère à toute attitude solennelle, il est un point de vue qui sera particulièrement le nôtre. […] Dans sa vie auguste et modeste, et, en général, si étrangère à la politique, Mme la duchesse d’Angoulême eut une fois du moins, à Bordeaux, l’occasion de montrer qu’elle avait en elle ce courage d’action qui lui venait bien de sa mère et de son aïeule Marie-Thérèse. […] Mais un trait distinctif de Mme la duchesse d’Angoulême est d’être restée complètement étrangère à cette invasion un peu tardive de la sentimentalité publique. […] Elle a eu la religion la plus pratique, la plus unie et la plus étrangère à tout effet sur autrui et à toute considération mondaine.
Les génies français formés par eux appellent du fond de l’Europe les étrangers, qui viennent s’instruire chez nous et qui contribuent à l’abondance de Paris. […] Dites : Une jeune princesse est conduite sur un autel pour y être immolée ; mais elle disparaît tout à coup aux yeux des spectateurs, et elle est transportée dans un pays où la coutume est de sacrifier les étrangers à la déesse qu’on y adore. […] Pourquoi immole-t-on les étrangers dans la terre barbare où son frère la rencontre ? […] Il faut observer, dans cette sorte de fable, que celui qui a entrepris le crime ne l’abandonne pas par un simple changement de volonté, mais qu’il en soit empêché, par une cause étrangère.
Mais il y a des théatres étrangers où les acteurs tombent tous les jours dans le vice que Quintilien reprend, en imitant tous les tons et tous les accens pour ne point entrer dans d’autres détails, que prennent les personnes les plus passionnées quand elles se trouvent enfin en pleine liberté. […] Elle étoit devenuë chargée d’accens, d’aspirations et de ports de voix imitez de la prononciation des étrangers. […] Ceux qui ont vû notre danse théatrale arriver par dégrez à la perfection où elle est parvenuë, n’en sont pas si frappez, mais les étrangers qui ont été long-temps sans venir en France sont très-surpris d’un progrès qui leur semble un progrès subit.
En France, vous trouvez, pour peu que vous soyez étranger, aussi facilement des critiques que des commissionnaires pour porter vos paquets. […] Il y en a peut-être une qui tient à la langue, — à ce que la langue a de plus intime et de plus subtil, de plus impénétrable aux étrangers, de plus intraduisible dans une langue étrangère… Je veux le croire, pour l’honneur de Feuchtersleben.