Les curieux et les lettrés ne manqueront pas de faire un rapprochement et d’opposer par contraste ce silence vague, si éteint et si disséminé, du désert, ce silence en quelque sorte raréfié, au silence aigu, attentif, intense, d’une foule qui écoute, d’un auditoire en suspens, — le silentium acre et intentum de Pline le Jeune.
Un tel mot ne passe point sans être relevé et sans donner occasion à toute une tendre mercuriale : « Je suis bien contente que vous n’avez point de part au changement des deux ministres, qui ont pourtant bien de la réputation dans le public et qui n’ont manqué, à mon avis, que d’avoir trop entrepris à la fois.
Les sujets lui manquent, l’occasion est absente.
D’opulents héritages, auxquels il était naturellement appelé, lui manquèrent.
Allons, il ne me fâche pas trop de ne pas porter une couronne de reine, quoiqu’il me manque bien des moyens… Mais je babille à tort et à travers : je t’aime de même, comme Henri IV faisait Crillon.
La comédie doit combattre cette disposition détestable, en lui faisant manquer son objet.
Ce n’est pas la poésie qui manque à l’œuvre de Dieu, c’est le poëte, c’est-à-dire c’est l’interprète, le traducteur de la création.
L’esprit scientifique vous condamne à la vision d’un monde gouverné par des forces aveugles et où manque la bonté.
Ce sont comme des êtres de nature très différente, entre lesquels manque une unité de mesure.
Si maintenant nous en venons de la terre aux plantes et aux animaux qui vivent ou ont vécu, les faits nous manquent pour vérifier la loi ; non qu’il soit douteux pour l’organisme individuel que le progrès se fait du simple au composé ; mais si nous passons des formes individuelles de la vie à la vie en général, nous ne pouvons dire si les Flores et Faunes modernes sont plus hétérogènes que celles du passé.
Faute de la proie qu’il avait manquée, c’était sur son semblable que se ruait sa faim.
Le soldat anglais, bien nourri, bien dressé, tirant avec une remarquable justesse, cheminant lentement parce qu’il est peu formé à la marche et qu’il manque d’ardeur propre, est solide, presque invincible dans certaines positions où la nature des lieux seconde son caractère résistant, mais devient faible si on le force à marcher, à attaquer, à vaincre de ces difficultés qu’on ne surmonte qu’avec de la vivacité, de l’audace et de l’enthousiasme.
Avec sa facilité improvisatrice, encore aidée des ressources du patois dans lequel il écrit, Jasmin pourrait courir et compter sur les hasards d’une rencontre heureuse comme il n’en manque jamais aux gens de verve et de talent : mais non, il trace son cadre, il dessine son canevas, il met ses personnages en action, puis il cherche à retrouver toutes leurs pensées, toutes leurs paroles les plus simples, les plus vives, et à les revêtir du langage le plus naïf, le plus fidèle, le plus transparent, d’un langage vrai, éloquent et sobre, n’oubliez pas ce dernier caractère.
Il est piquant de remarquer que, cette même année 1559, il publiait, sans y mettre son nom il est vrai Les Amours pastorales de Daphnis et de Chloé, ce libre et agréable roman qu’Amyot, dans sa traduction, rendait plus délicieux encore, en lui prêtant une naïveté de diction qui manque quelquefois au texte grec et qui n’est ici qu’une convenance de plus.
Après Necker et son école, il nous a donc manqué un Voltaire.
Après tout, le poète ou l’artiste qui a réussi à plaire un moment, fût-ce à une seule personne, n’a pas entièrement manqué son but, puisqu’il a représenté une forme de la vie capable de trouver chez un être vivant un écho mais le sympathique, difficile est de plaire à un grand nombre d’êtres vivants, c’est-à-dire d’atteindre à une forme plus profonde et plus durable de la vie ; et le plus difficile est de plaire surtout aux meilleurs parmi les êtres vivants.
D’autre part, on ne peut classer les émotions esthétiques sous les différents chefs que l’on applique aux émotions ordinaires, parce que celles-là manquent précisément du caractère sur lequel se basent les classifications rationnelles de celles-ci : le plaisir et la peine5 cq — ou tout au moins ne le possèdent qu’à un degré très faible.
La facilité choisie de cette tâche permet qu’on l’accuse de manquer de psychologie, défaut dont la présence est confirmée par la fixité de ses caractères.
Sans doute, nous ne pouvons nous donner la jeunesse qui nous manque ; mais nous pouvons au moins nous affranchir de l’esprit de secte et recueillir toutes les vérités de quelque part qu’elles viennent, sans leur imposer telle estampille ou telle étiquette.
L’auteur du Traité des Etudes excelle dans les parties qui manquent à M.
Aubaine manquée.
Ils sont également les enfants de la peine, et ils sont venus parce que le corps de l’homme énervé manquait de force pour les contraindre33.
Car, sans doute, si l’on eût dépensé de ce côté la somme de travail, de talent et de génie qui a été consacrée aux sciences de la matière, la connaissance de l’esprit eût pu être poussée très loin ; mais quelque chose lui eût toujours manqué, qui est d’un prix inestimable et sans quoi le reste perd beaucoup de sa valeur . la précision, la rigueur, le souci de la preuve, l’habitude de distinguer entre ce qui est simplement possible ou probable et ce qui est certain.
Seul, un poète manquait à ce beau mouvement de renaissance religieuse. […] Le vers de Lamartine : Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé, lui rappelle incontinent celui de Racine : Dans l’Orient désert quel devint mon ennui ! […] « Souvent traditionnelles, générales comme il convient à un esprit philosophique, effacées quelquefois par l’usage, peu nourries, toujours délicates, les comparaisons interviennent dans son style poétique non pas comme d’insistantes et serviles copies de la réalité, mais comme les allusions légères d’un esprit qui plane sur la nature. » M. de Pomairols observe aussi que, dans l’immense champ des images, « Lamartine choisit spontanément Tout ce qui monte au jour, ou vole, ou flotte, ou plane, parce que, occupé avant tout de l’âme, il se plaît à retrouver au dehors les attributs de légèreté, de souplesse, de transparence de l’élément spirituel. » Et encore : « C’est l’élément liquide qui fournit à Lamartine le plus grand nombre de ses images… Tous les phénomènes qu’offre la fluidité, aisance, transparence, reflets du ciel, murmures harmonieux, défaut de saveur peut-être, manque de limites et de formes arrêtées, tous ces caractères de la fluidité se confondent avec les attributs de l’imagination lamartinienne. » Et voici, entre beaucoup d’autres, un exemple bien joliment choisi et commenté, à l’appui de ces remarques : « Il est des êtres, semble-t-il, pour qui l’idée de pesanteur n’est pas à craindre, comme la jeune fille. […] Quelquefois son extase balbutie ; on dirait que les mots vont lui manquer Tu comprends, vient-il de dire à Dieu, l’hymne silencieux des astres : Ah !
Comment ne pas remarquer que l’on peut être profond mathématicien, savant physicien, psychologue délicat en tant que s’analysant soi-même, et pourtant comprendre de travers les actions d’autrui, mal calculer les siennes, ne jamais s’adapter au milieu, enfin manquer de bon sens ? […] C’est une promenade qu’on aura faite un dimanche, qu’on aura recommencée le dimanche suivant, et qui s’est imposée alors pour tous les dimanches de l’année : si par malheur on y manquait une fois, on ne sait pas ce qui pourrait arriver. […] Il y a maintenant un autre point dont on ne manquera pas d’être frappé. […] Ce qui a manqué aux non-civilisés, ce n’est probablement pas l’homme supérieur (on ne voit pas pourquoi la nature n’aurait pas eu toujours et partout de ces distractions heureuses), c’est plutôt l’occasion fournie à un tel homme de montrer sa supériorité, c’est la disposition des autres à le suivre.
C’est à quoi il ne manque pas ; Bernis a le mérite de rester lui-même dans cette correspondance ; il sait entendre la raillerie, et il sait aussi l’arrêter discrètement au moment où elle passerait le jeu.
Louis XIV, si poli avec les femmes, va tutoyer Mlle de Chausseraye, et celle-ci va parler à la Duclos, c’est-à-dire manquer à sa tactique d’indifférence, et, en s’adressant au roi, avoir une pointe de jurement comme dans un café.
Ce qui est assez particulier, c’est que ce comte de Saint-Alban, dessiné de la sorte, nous est donné de son propre aveu comme ayant été à l’origine, et presque dès le collège, un libéral sans préjugés et un ambitieux de la belle gloire, de celle qui s’acquérait dans les luttes de la parole publique et de l’antique forum ; ce serait un grand citoyen manqué, un Chatam venu trop tard ou trop tôt, désœuvré dans le pays de Mme de Pompadour, et qui, voyant le noble but impossible, en aurait dédaigné de moindres, et se serait jeté, de dégoui et de pitié, dans les délices : Les plaisirs sont la seule ressource de l’homme ardent et passionné dont l’ambition est contrariée !
Dans les lectures d’histoire qu’on lui fait faire, il lui semble qu’il n’y a pas de roi préférable à Louis XII ; l’écho des victoires l’atteint peu ; et cependant elle a aussi la marque de son temps, et lorsqu’il vient là pendant quelques jours un beau monsieur de Paris, très riche, très gai, très galant pour elle, et qui cause politique avec Mme de Coigny, qui apporte les dernières nouvelles et les commente avec cet esprit de dénigrement propre aux salons, elle n’est pas séduite, elle aperçoit d’abord ce qui manque à l’élégant monsieur, en fait de chevaleresque, et celle dont le cœur est destiné à des cœurs braves, finit par ce trait en le dépeignant : « Et puis il n’a été à aucune bataille, et c’est vraiment ridicule30. » Mme de Coigny aime les longues lectures régulières et qui se continuent, qui occupent et reposent : on lit donc Rulhière, Histoire de l’anarchie de Pologne, toutes les Révolutions de Vertot, La Guerre de Trente Ans de Schiller, Le Siècle de Louis XIV ; toutes ces lectures ne sont pas également intéressantes.
D’Albert est né trop tard ; il y a aussi des climats pour les âmes, et, une fois le vrai climat manqué, elles sont à jamais dépaysées et souffrent d’une nostalgie immortelle.
Celui même qui trouvera à redire qu’on donne trop sera le premier à s’apercevoir si vous oubliez quelque chose. « Comment, dans les notices de la fin, me fait remarquer le même correspondant, comment a-t-on omis une des plus importantes notices, celle de Paul le Silentiaire (celle de Philétas manque aussi) ?
Bien parler a été de tout temps un don assez généralement dispensé aux hommes, et les orateurs, chez aucun peuple ni à aucune époque, n’ont jamais manqué : écrire était chose plus réservée, plus redoutée et jugée vraiment difficile.
Vous devez vous attendre aussi à vous voir banni de notre terre d’anarchie et d’ignorance : et il manquera à votre exil le triomphe que Platon accordait du moins aux poëtes, les palmes, les fanfares et la couronne de fleurs. » Victor Hugo ne connut Lamartine qu’un ou deux ans plus tard, en 1821, par l’intermédiaire de l’abbé de Rohan ; il voyait déjà M. de Bonald, surtout M. de La Mennais.
Quelle folie de peindre des choses qui n’ont jamais existé, comme s’il en manquait de véritables !
En montrant de fort vilaines choses, il ne révolte pas, comme n’ont jamais manqué de faire nos amis les romantiques ; il donne le change en amusant.
Mais le pont de bateaux ne se fait pas toujours ; les matériaux manquent ou se perdent ; il ne se trouve plus que des jalons, et de place en place, après l’orage, des massifs de pièces interrompues et pendantes.
La mélodie des vers lui manque, il est vrai.
Elle manque et de métier et d’art.
Peut-être devons-nous voir dans un excès de correction, — c’est-à-dire dans un culte très spécieux de la courtoisie, aux suggestions de laquelle un écrivain élégant croit se devoir à soi-même de se conformer, quand, par hasard, il manque des facultés spéciales qui lui eussent fait voir là plus qu’une convenance, un attrait direct, et, quand il croit se le devoir, en tant qu’observateur d’abord et en tant qu’artiste ensuite, — l’explication psychologique de l’apparent désordre moral qui a marqué l’entrée en carrière de M.
Les langues maniées, tourmentées, refaites de main d’homme, comme le français, en portent l’empreinte ineffaçable dans leur manque de flexibilité, leur construction pénible, leur défaut d’harmonie.
Le paysan ne souffre pas de son abjection morale et intellectuelle ; mais l’ouvrier des villes voit notre monde distingué, il sent que nous sommes plus parfaits que lui, il se voit condamné à vivre dans une fétide atmosphère de dépression intellectuelle et d’immoralité, lui qui a senti la bonne odeur du monde civilisé ; il est condamné à chercher sa jouissance (car l’homme ne peut vivre sans jouissance de quelque sorte, le trappiste a les siennes) dans d’ignobles lieux qui lui répugnent, repoussé qu’il est par son manque de culture, plus encore que par l’opinion, des joies plus délicates.
L’espace manquait dans son modeste appartement pour ces hôtes nouveaux ; les plus petits enfants furent pendant quelque temps couchés dans son propre lit ; puis, par des prodiges d’intelligence et d’activité, elle réussit à constituer cet étonnant établissement qui renferme aujourd’hui soixante Alsaciennes ou Lorraines âgées de dix-huit mois à dix-huit ans.
. ; les hommes des siècles passés, qu’ils s’appelassent Achille ou Pharamond, dotés de cette majesté dont Louis XIV ne se départait pas, « même en jouant au billard » ; tel poète d’autrefois, à commencer par Homère, honni par les uns, parce qu’il a manqué aux convenances, en mettant aux prises des héros qui se traitent de cœur de cerf et d’œil de chien, défendu par les autres, au nombre desquels est Boileau, sous prétexte que le mot âne, trivial en français, est parfaitement noble en grec.
Il ne lui manque plus que de réclamer sa bénédiction ; tout le monde s’écrierait alors : « Comme ce gaillard-là bénit bien !
Il n’y a qu’un personnage manqué, entre tous ceux de la pièce, et c’est celui d’Adrienne.
Joubert, pensait à ce manque d’idéal chez notre auteur, quand il a laissé tomber ce jugement sévère : « On peut dire des romans de Lesage qu’ils ont l’air d’avoir été écrits dans un café, par un joueur de dominos, en sortant de la Comédie. » Mais nous touchons là aux antipathies qui séparent nettement deux races d’esprits : ceux qui préfèrent le naturel à tout, même au distingué, et ceux qui préfèrent le délicat à tout, même au naturel.
Ceci interrompit un peu les fêtes de Sceaux, et il y a deux temps, deux époques distinctes dans cette longue vie mythologique de plaisirs, dans ce que j’appelle cette vie entre deux charmilles : la première époque, celle des espérances, de l’ivresse orgueilleuse, et de l’ambition cachée sous les fleurs ; puis la seconde époque, après le but manqué, après le désappointement et le mécompte, si l’on peut employer ces mots ; car, même après une telle chute, après la dégradation du rang et l’outrage, après la conspiration avortée et la prison, cette incorrigible nature, revenue aux lieux accoutumés, retrouva sans trop d’effort le même orgueil, le même enivrement, le même entêtement de soi, la même faculté d’illusion active et bruyante, de même qu’à soixante-dix ans elle se voyait encore jeune et toujours bergère.
Telle qu’elle est, il manquerait quelque chose d’essentiel à la société, à la poésie et au journalisme de ce temps-ci, et les trois ensemble n’auraient pas donné leur dernier mot, s’ils ne s’étaient entendus pour produire ce composé singulier, étrange, élégant, qui, dans sa forme habile et précise, se jouant du fond, associe à son gré avec malice, avec gaieté, naturel et même un reste de naïveté, la femme d’esprit, le cavalier à la mode, l’écrivain consommé, et l’amazone parfois encore et la muse.
En voyant les gens de lettres si assidus chez elle, et Messieurs de l’Académie y dîner deux fois par semaine, ses envieux ne manquèrent pas de l’accuser de tenir bureau d’esprit : C’était, dit Fontenelle, à un petit nombre d’exceptions près, la seule maison qui se fût préservée de la maladie épidémique du jeu, la seule où l’on se trouvât pour se parler raisonnablement les uns les autres, et même avec esprit selon l’occasion.
. — Le nom de Monk, le grand médiateur, si souvent invoqué, ne manquait pas de revenir comme exemple.
Un jour que Voltaire, causant avec le président, se plaignait de manquer de bois de chauffage, le président lui indiqua Charlot comme pouvant lui en procurer sur place, et il se chargea lui-même d’en parler à l’homme : de là livraison à Voltaire par ledit Charlot de quatorze moules de bois, mesure du pays.
Par malheur, plus un objet est approprié à un usage défini, plus il a chance de ne l’être qu’à celui-là, et de devenir inutile, désagréable ou même franchement laid sous tous les autres rapports : une plume de fer, qui ne manque pas d’une certaine grâce quand on la voit courir légèrement sur le papier, est pourtant beaucoup moins esthétique qu’une plume d’oie grinçante qui, inférieure peut-être sous un seul rapport, celui de son usage précis, aura la grande supériorité d’être une plume d’oiseau, blanche, transparente et vivante.
Quel que soit le manque d’ordonnance de ses Reisebilder, c’est encore la seule œuvre prosaïque allemande qu’un Français puisse lire d’un bout à l’autre, sans avoir à user de sa volonté pour contraindre son attention.
Quand ils seront une minorité, ils réclameront le droit de penser autrement que la foule ; quand la société nouvelle se sera fait sa foi, ses préjugés, ses traditions, ses lieux communs, tout ce qui ne manque jamais de s’établir dans une société bien assise, les partisans des anciennes idées et des anciennes mœurs demanderont à ne pas obéir aveuglément à ce nouveau genre d’autorité.
Les fruits même, les fleurs et les vases manquent de perspective, et le contour supérieur de ces derniers ne répond pas au même horizon que leur base.
L’homme qui manque de mots pour exprimer quelque bruit extraordinaire, ou pour rendre à son gré le sentiment dont il est touché, a recours naturellement à l’expedient de contrefaire ce même bruit, et de marquer son sentiment par des sons inarticulez.
Chirico est maintenant contre le futurisme qui est « manque de profondeur et de construction, hermaphroditisme sentimental, plastique pédéraste, faux lyrisme.
C’est un Lamartine, en effet, à plusieurs Elvires, et dont la chair veut chanter comme chantait l’âme de l’autre… Cependant il a des traits bien à lui et qui ne manquent pas de cette fougue qui, si elle durait, tacherait le mors de sang (comme dans la pièce à M.
Mais il s’était aussitôt repris, le Christ s’était révélé à lui, il avait cru « entendre nettement l’appel de sa vocation. » Il a vaincu ses tristesses, ses doutes et ses révoltes, car les tentations ne lui ont pas manqué.
Les Gens de Lettres & les Savans de ces siecles, disent-ils, ne cherchoient plus qu’à abreger leurs peines & leurs études, sur-tout dans la lecture des Historiens, des Philosophes, & des Jurisconsultes, soit que ce fût le loisir, soit que ce fût le courage qui leur manquât ». […] Que s’il arrive qu’ils manquent de quelque mode, de quelque tems, ou de quelque personne, on les appelle défectifs. […] Ainsi tot est l’anacoluthe ; c’est le compagnon qui manque. […] Au reste, il ne faut pas confondre les verbes défectifs avec les anomaux ; les défectifs sont ceux qui manquent de quelque tems, de quelque mode ou de quelque personne ; & les anomaux sont seulement ceux qui ne suivent pas la conjugaison commune : ainsi oportet est un verbe défectif plûtôt qu’un verbe anomal ; car il suit la regle dans les tems & dans les modes qu’il a. […] Il ne lui manque donc que de marquer le vocatif pour être la particule de tous les cas.
Il reste beaucoup de vie à plusieurs, mais la félicité de la vie leur manque. […] Mais les grands esprits manquent ici et là : Descartes n’avait pas d’opinion sur la grâce. […] Ce philtre sauva des milliers d’hommes valeureux, auxquels il ne manquait pour agir que l’impulsion d’une volonté. […] Cela nous paraît bouffon, parce que Montaigne n’était pas chrétien, et aussi parce que le christianisme ne manque vraiment pas d’apologistes. […] Il a trouvé des excuses aux voleurs, il n’en manquera pas pour les prostituées.
Je vous gâterai mon Dindenault qu’il n’y manquera rien. […] « Je m’attends bien, disait-il dans cette lettre, à la mauvaise pitié et aux plaisanteries de nos mondains. » Elles ne lui manquèrent pas.
Elle y trouve rassemblées dans le palais d’Hector ses nombreuses femmes, et sa présence redouble leurs sanglots ; toutes ces femmes du palais pleurent sur Hector, bien qu’il soit encore vivant. » À cet admirable tableau de famille du héros sans jactance, qui sacrifie modestement son amour d’époux, sa tendresse de père, sa vie de soldat à sa patrie, Homère oppose à l’instant le contraste scandaleux de la femme adultère et du lâche guerrier qui étale avec ostentation aux yeux le courage qui lui manque au cœur. […] Et cependant, même dans cette épopée qui est presque exclusivement consacrée au récit des combats et à la glorification des héros, que manque-t-il au tableau presque universel de toute la nature animée ou inanimée ?
Comme il lui était demandé, comment il avait pu prêter cinquante mille francs à un garçon sans espérance, sans avenir, et quel gage il pouvait avoir, le jeune usurier avait souri et n’avait pas craint de dire : « J’ai le meilleur des gages, le monsieur en question m’a donné un paquet de lettres de sa maîtresse qui est une femme du grand monde… s’il ne paye pas, c’est elle qui paiera. » Ce soir, Daudet, comme je m’indignais du manque d’indignation de la France contre les saletés gouvernementales, me disait peut-être justement : « Ça tient à une chose, c’est que maintenant tout le monde est soldat, est maté, discipliné, asservi, et reste l’esprit, sous le coup de la salle de police ! […] Comme je m’attendrissais sur la vie affreuse faite à ce perroquet, on m’affirmait qu’un moment, on les avait séparés, qu’à la suite de cette séparation le perroquet avait manqué de mourir de chagrin, et qu’il avait fallu absolument le remettre avec son bourreau.
Ce serait, du reste, une étude à faire que celle des styles professionnels. » Il n’eût pas manqué, s’il avait entrepris une telle étude, de s’éjouir du style judiciaire qui n’a toute sa beauté et toute son originalité, toute sa liberté que les « Attendus ». […] Félicitons-nous plutôt qu’un de ses amis eût songé à garder dès 1868 la plupart (car il en manque certainement) des lettres qu’il en recevait.
Certes, la conscience pure n’aperçoit pas le temps sous forme d’une somme d’unités de durée ; laissée à elle-même, elle n’a aucun moyen, aucune raison même de mesurer le temps ; mais un sentiment qui durerait deux fois moins de jours, par exemple, ne serait plus pour elle le même sentiment ; il manquerait à cet état de conscience une multitude d’impressions qui sont venues l’enrichir et en modifier la nature. […] Cela signifie : 1° Que des phénomènes a, b, c, d précédemment perçus sont susceptibles de se produire de nouveau sous la même forme ; 2° Qu’un certain phénomène P, qui avait paru à la suite des conditions a, b, c, d, et de ces conditions seulement, ne manquera pas de se reproduire dès que les mêmes conditions seront données.
Si elles manquent, tout avorte : si elles sont vacillantes, l’attention est instable ; si elles ne durent pas, l’attention s’évanouit. […] Même en se restreignant à ce groupe, les exemples d’idées fixes ne manquent pas. […] Les conditions les plus élémentaires de l’attention manquent ou n’apparaissent que par éclairs.
Il y eut un jour où la grandeur biblique et la beauté hellénique se rencontrèrent, se fondirent et se mêlèrent d’esprit et de forme dans une haute simplicité ; et quand nous parlons aujourd’hui de la tradition et de ce qui ferait faute, si elle avait manqué, de ce qui serait absent dans les fonds les plus suaves, dans les plus nobles fresques de la mémoire humaine, nous avons le droit de dire, à des titres également incontestables : Quoi ?
L’abbé Brelucque et l’abbé Perrot ne partagent point, etc. » Et il entre dans le détail des personnes, tout prompt d’ailleurs, selon sa coutume, à tirer des conclusions excessives : « Quiconque voudra faire interdire le genre humain, ne manquera pas de témoins qui déposeront de sa démence. » Et c’est l’homme qui tout à l’heure va soutenir théoriquement dans un gros livre la doctrine du sens commun universel !
Sa conversation est prompte, discursive, abondante, également nourrie sur tous les sujets, initiée aux mœurs des métiers différents, suppléant au manque de voyages par la pratique assidue de la grande ville ; on y reçoit mille traits qui pénètrent avant et se retiennent.
C’est à cette époque funeste où la terre semble manquer sous nos pas ; où plus incertains sur l’avenir que dans les nuages de l’enfance, nous doutons de tout ce que nous croyons savoir, et recommençons l’existence avec l’espoir de moins.
On voit qu’aucune note de la vie humaine ne manque à cette harpe, dont les vibrations résonnent encore jusqu’à nous.
Ce bon sens-là, c’était justement ce qui manquait le plus à la littérature française, vers 1660, quand Boileau commença d’écrire.
Non seulement les lecteurs des feuilles radicales, mais même leurs rédacteurs, non seulement les neuf dixièmes des ouvriers des villes, mais beaucoup de bourgeois et de lettrés sont intimement convaincus que le plus grand nombre des prêtres manquent à leur vœu de chasteté et détournent les femmes au confessionnal, et que d’ailleurs ils ne croient guère à la religion dont ils sont les ministres.
Il lui manque, pour être classique, la sérénité, l’équilibre.
Par conséquent, le but serait manqué si une civilisation, quelque élevée qu’elle fût, n’était accessible qu’à un petit nombre, et surtout si elle constituait une jouissance personnelle et sans tradition.
A peine ose-t-il par instants fermer les paupières, de peur de manquer la flamme attendue.
L’hôtel lui appartient ; ses titres de propriété sont là, dans ce meuble, et le commissaire remarquant qu’il y manque sa signature, d’un trait de plume, elle les signe.
On fait de la politique, faute de mieux ; la politique, pour ces grands poètes, n’est donc qu’un pis-aller, ils s’y rabattent quand les ailes leur manquent.
Il explique par sa liberté les différences de sa conduite, il ne voit pas que si ayant bien agi hier, il agit mal aujourd’hui, c’est parce qu’aujourd’hui quelques circonstances se sont ajoutées ou ont fait défaut autour de l’acte à accomplir : un bon conseil a manqué, quelque alcool fut en trop.
Tout avorte, tout manque, tout rate.
Et l’homme sorti : « Voilà le voleur… C’est un pédéraste… il a fait le coup avec son amant, qui doit avoir la garde du magot… Demain je saurai, qui il est. » Mais Boitelle appuie surtout sur la désorganisation de la police de famille, de cette police qui doit être exercée par un préfet de police, dans les cas, où il faut défendre les honnêtes gens, quand la loi manque pour les protéger, — police qui doit être exercée à la façon d’un cadi, mais à la condition de ne jamais se tromper — répète-t-il deux fois.
L’histoire véridique, l’histoire vraie, l’histoire définitive, désormais chargée de l’éducation du royal enfant qui est le peuple, rejettera toute fiction, manquera de complaisance, classera logiquement les phénomènes, démêlera les causes profondes, étudiera philosophiquement et scientifiquement les commotions successives de l’humanité, et tiendra moins compte des grands coups de sabre que des grands coups d’idée.
Il ne faut pas dédaigner cette politique spéculative, et peut-être manque-t-elle un peu trop dans les écrits de M. de Tocqueville.
Après s’être habillée, elle faisait une prière vocale ou mentale, et lorsqu’elle était dans une ville, elle ne manquait pas d’aller entendre la messe au premier autel.
Il a, en somme, l’admiration assez facile, le caractère assez éclectique, comme tous les hommes qui manquent de fatalité.