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1029. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon.

1030. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Une langue étrangère a ceci de bon qu’elle nous avertit constamment, par la nature même de sa syntaxe, de ses expressions, de sa démarche pour ainsi dire, qu’il faut nous accommoder à elle et nous arracher à nos préjugés personnels pour bien comprendre l’œuvre écrite dans cette langue.

1031. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

Il prétend que, si l’usage des notes déclamatoires a eu lieu, quelquefois, chez les anciens, ce n’a jamais été qu’en faveur de certains acteurs qui parloient mal leur langue & dont la prononciation étoit vicieuse. […] « Il n’y a que le corps qui prêche ; la mémoire seule dirige la langue, les yeux, les bras : l’esprit & le cœur semblent absens.

1032. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

Nous pouvons, jusqu’à un certain point, parler une langue étrangère sans comprendre ce qu’on nous répond. […] La mémoire des mots consiste à apprendre facilement par cœur, et à retenir plus ou moins longtemps ce qu’on a appris ; le sens du langage est le talent de la philologie, l’habileté à apprendre et à comprendre les langues.

1033. (1760) Réflexions sur la poésie

N’est-ce pas avilir la langue des dieux, que de la prostituer à des choses si peu dignes d’elle ? […] Il semble que le même esprit de sagesse qui a présidé à la formation de notre langue, a présidé aussi aux règles de notre poésie française.

1034. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

… Elle a écouté à, la porte des livres pour venir me commérer ce qu’il y a dedans… Mais je préfère à cette commère historique la moindre femme de chambre à la Dorine, qui écoute à la porte du salon de ses maîtres et qui me vient dire ce qu’elle y a entendu, avec ce brio de langue affilée que la pauvre Mlle Clarisse Bader ne connaît pas. Et pourquoi l’aurait-elle affilée, la langue ou la plume ?

1035. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Il fut certainement l’esprit le plus aristocratiquement esthétique d’un siècle et d’une nation également voués au génie bas de l’utilité, Edgar Poe n’a jamais fait, toute sa vie, que de la poésie et de la littérature inutiles, — et c’est encore un de ceux-là que les Omar de la Démocratie qui marche sur nous brûleront un jour avec le plus de plaisir, et, pour parler leur langue abjecte, comme « un faignant !  […] Barot, très trempé dans la langue et la littérature anglaises, Barot, avec le don de perception critique qu’il a quelquefois, en était incapable.

1036. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Poétiquement, Horace me fait l’effet d’une espèce de Ronsard romain, mais avec beaucoup plus de goût, de mesure, de tact que le Ronsard français, et avec une bien autre langue, une langue dans laquelle Virgile avait chanté !

1037. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Lui, le plus français des écrivains par la beauté de la langue et ses grâces, il n’avait pas la furie française, et même il eut la qualité anti-française qu’estimait le plus Henri Beyle, son antipode : quand il faisait ou écrivait quelque chose, il ne pensait pas au voisin. […] Joubert a parlé de Platon comme un génie parent, exilé dans une langue éloignée.

1038. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Nous avons eu Linguet, le paradoxal et incorrect Linguet, à qui la Révolution coupa la langue et la tête sans qu’il nous ait manqué grand-chose ! Et enfin, dans ces derniers temps, nous avons eu Dupin, ce vieux soulier ferré de Dupin, extrait des crottes du Morvan, qui n’a jamais écrit une seule phrase de langue ou de sentiment français en toute sa vie, qui fut longue !

1039. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

Ces Poètes, qui, du reste, se nomment eux-mêmes des artistes, et qui ont réellement plus d’art dans leur manière que de génie et d’inspiration, travaillent leur langue comme un sculpteur travaille son vase, comme un peintre lèche son tableau, et nous donnent au xixe  siècle une seconde édition affaiblie de la Renaissance qui, elle aussi, avec le large bec, ouvert et niais, d’un Matérialisme affamé, happait la forme et s’imaginait tenir le fond, l’âme et la vie ! […] Ainsi encore les Lakistes et Wordsworth en Angleterre, s’ils manquent de vérité humaine, sont, au point de vue de la langue poétique, de très grands écrivains.

1040. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Les idiotismes les plus charmants, ces locutions de terroir si difficiles à traduire dans leur grâce native il les transporte dans la langue qu’il écrit et il l’en parfume, et c’est ainsi qu’il ajoute à l’individualité de son talent et de son langage l’individualité de son pays. […] Tragique ou comique (et quelquefois du plus profond comique), ce dialogue est celui d’un homme qui a mieux que l’instinct de la grande langue que le théâtre doit parler et de ses concisions sévères.

1041. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Mérimée, ni la science des faits et du pays, ni la connaissance de la langue russe, ni l’occasion de l’imitation qui lui est si chère, ni le talent qui se roidit pour être plus ferme, et qui croit se muscler en se faisant maigrir. […] Quand on dit littérature française, littérature anglaise, littérature russe, etc., peut-être n’est-il plus temps d’entendre que LITTERATURE EUROPEENNE, tant à l’exception des langues qui entreront aussi un jour dans la mêlée universelle, les littératures modernes sont en train de faire de l’unité monstrueuse dans leurs conceptions et leurs manières de sentir !

1042. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Cet art était né dans les plus beaux siècles de la Grèce, et convenait à l’imagination ardente et légère d’un peuple que le sentiment et la pensée frappaient rapidement, et dont la langue féconde et facile semblait courir au-devant des idées. […] Cet art, outre une imagination très vive et prompte à s’enflammer, supposait encore en eux des études très longues ; il supposait une étude raisonnée de la langue et de tous ses signes, l’étude approfondie de tous les écrivains, et surtout de ceux qui avaient dans le style, le plus de fécondité et de souplesse ; la lecture assidue des poètes, parce que les poètes ébranlent plus fortement l’imagination, et qu’ils pouvaient servir à couvrir le petit nombre des idées par l’éclat des images ; le choix particulier de quelque grand orateur avec qui leur talent et leur âme avaient quelque rapport ; une mémoire prompte, et qui avait la disposition rapide de toutes ses richesses pour servir leur imagination ; l’exercice habituel de la parole, d’où devait naître l’habitude de lier rapidement des idées ; des méditations profondes sur tous les genres de sentiments et de passions ; beaucoup d’idées générales sur les vertus et les vices, et peut-être des morceaux d’éclat et prémédités, une étude réfléchie de l’histoire et de tous les grands événements, que l’éloquence pouvait ramener ; des formules d’exorde toutes prêtes et convenables aux lieux, aux temps, à l’âge de l’orateur ; peut-être un art technique de classer leurs idées sur tous les objets, pour les retrouver à chaque instant et sur le premier ordre ; peut-être un art de méditer et de prévoir d’avance tous les sujets possibles, par des divisions générales ou de situations, ou de passions, ou d’objets politiques, ou d’objets de morale, ou d’objets religieux, ou d’objets d’éloge et de censure ; peut-être enfin la facilité d’exciter en eux, par l’habitude, une espèce de sensibilité factice et rapide, en prononçant avec action des mots qui leur rappelaient des sentiments déjà éprouvés, à peu près comme les grands acteurs qui, hors du théâtre, froids et tranquilles, en prononçant certains sons, peuvent tout à coup frémir, s’indigner, s’attendrir, verser et arracher des larmes : et ne sait-on pas que l’action même et le progrès du discours entraîne l’orateur, l’échauffe, le pousse, et, par un mécanisme involontaire, lui communique une sensibilité qu’il n’avait point d’abord.

1043. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Le sonnet d’Arvers est l’unique chose qui reste de lui, et il durera autant que la langue française. […] Il est certain encore qu’il n’a jamais autant de charmes pour nous que lorsque nous le lisons attentivement dans une langue que nous n’entendons qu’à demi. […] Ils ont déjà quelque chose de la langue mystérieuse des beaux-arts, qui fait voir trente-six mille chandelles. […] ou, pour user d’une pittoresque image des Grecs, quel bœuf un Pierre l’Hermite aurait eu sur la langue au siècle de Voltaire ! […] Le fait de s’être exprimé dans une langue morte après la belle « défense » et les brillantes « illustrations » que J. du Bellay et ses grands contemporains, Rabelais, Calvin, Montaigne, avaient faites de la langue nationale, atteste chez P. de Thou un esprit rétrograde ou, du moins, stationnaire.

1044. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVI » pp. 183-185

Les chefs-d’œuvre du xviie  siècle deviennent déjà assez anciens pour que la critique s’y applique, et non plus à la manière de La Harpe pour y chercher des modèles et des exemples à proposer aux continuateurs ou imitateurs, mais d’une méthode plus érudite et scientifique, pour y étudier la langue, le vocabulaire, le texte, relever les altérations que ces textes ont déjà subies depuis près de deux siècles qu’on les réimprime, pour y noter les variantes que les auteurs eux-mêmes avaient apportées dans les éditions premières.

1045. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mockel, Albert (1866-1945) »

-Ferdinand Hérold Mockel donna sa Chantefable un peu naïve, poème d’une grâce ingénue et compliquée à la fois ; la langue en est curieusement travaillée et les vers, très musicaux, y ont des sonorités expressives et des rythmes heureusement variés.

1046. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 198-200

Il a enrichi la langue à la vérité, il l’a anoblie, il l’a subjuguée ; mais la recherche déplacée de son style le rend boursoufflé ; la magnificence de l’expression le rend forcé & gigantesque ; la délicatesse des tours le rend affecté ; l’usage immodéré des figures le rend ridicule ; enfin son affectation continue d’élégance & de noblesse, dans les choses qui en exigent le moins, le rend souvent absurde & pénible à la lecture.

1047. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 184-186

Né avec une grande vivacité dans l’esprit, il cultiva assez heureusement la Poésie Latine, les Sciences, & n’écrivoit pas mal, pour son temps, dans sa propre Langue ; mais emporté par son imagination fougueuse, il s’engagea dans les plus pitoyables travers.

1048. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de février 1829 »

Il sait fort bien que le peu de bruit qui se fait autour de ses livres, ce ne sont pas ces livres qui le font, mais simplement les hautes questions de langue et de littérature qu’on juge à propos d’agiter à leur sujet.

1049. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Jules Simon nous dit que l’Empereur parle très facilement et très correctement notre langue : « Avait-il un accent ? […] Mais la forme lui paraissait abrupte et négligée ; elle y trouvait des traits excessifs, des tons durs, une manière trop peu respectueuse de traiter la langue. […] Il possède à fond non seulement sa langue mais aussi la nôtre, et peut en rendre jusqu’aux moindres nuances. […] Ils ne trouvent donc pas que votre langue, si belle, si noble et si pure, soit suffisante ? […] Brunot, Léo Claretie, Léon Gautier, etc., ont entrepris d’écrire l’Histoire de la Langue et de la Littérature française depuis ses origines jusqu’à 1900.

1050. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Cet esprit de faction et de démagogie a sa langue à part, langue triviale, dénigrante, quelquefois ordurière, jetant le mépris, l’offense, l’injure, le ridicule sur les choses et sur les hommes qu’elle veut saper ; prêtant des pierres à la multitude pour lapider les noms qui l’offusquent, comme les démagogues d’Athènes prêtaient des coquilles aux Athéniens pour proscrire Aristide. Les tribuns ambitieux se servent de cette langue des démagogues, tout en les redoutant, comme on se sert de la poudre pour faire éclater le rocher. […] Béranger n’était pas fait pour ce jargon ; aussi le dépouilla-t-il bientôt comme une grimace de la langue qui n’allait pas à son génie. Il reprit sa langue naturelle, celle d’Anacréon, d’Horace, de Pindare et de Racine. […] Il avait trop de goût pour être impie ; il avait trop d’âme pour être sans conversation dans la langue des soupirs avec le pays des âmes.

1051. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

On sait combien la langue française a horreur des adjectifs. […] Toute différence gardée entre la langue de Lesage et la langue de M.  […] Avant tout, Regnard est poète, et sa langue est la perfection du style poétique. […] Elles vivront autant que vivra la langue que nous parlons. […] Je le dis du moins pour les œuvres écrites dans notre langue.

1052. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dujardin, Édouard (1861-1949) »

Dujardin est toujours sage, prudente et calme ; s’il y a des écarts de langue, des essais de syntaxe un peu osés, la pensée est sûre, logique, raisonnable.

1053. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 13-15

Sans gloser sur le mystere Des Madrigaux qu’elle a faits, Ne lui parlons désormais Qu’en la langue de sa mere.

1054. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henriette d’Angleterre » pp. 7-9

Imprimé en Hollande cinquante ans après la mort de l’héroïne, vingt-sept ans après celle de l’auteur, ce livre était semé de fautes hollandaises, les plus belles fautes qui puissent étaler leur sottise sur le sens ou la langue d’un ouvrage.

1055. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Si un seul mot sacré pouvait jamais exprimer Dieu, et les rapports de l’homme avec Dieu, et les rapports de Dieu avec l’homme, toutes les langues et toutes les littératures humaines mourraient sur les lèvres ; elles n’auraient plus rien à dire ; tout serait dit ! […] L’histoire, qui est le registre de naissance et de mort de ces civilisations, nous les montre partout naissant, croissant, dépérissant, mourant avec les dieux, les cultes, les lois, les mœurs, les langues, les empires qu’elles ont fondés pour un moment ici ou là dans leur passage sur ce globe. […] Ce mot n’est qu’une ironie de la langue appliquée à l’homme. […] Que dit cette philosophie de la douleur dans tous ces pays, dans toutes ces époques, dans toutes ces théologies, dans toutes ces langues ? […] « Un jour j’avais emporté à la chasse un volume anglais de traductions du sanscrit ; c’est la langue sacrée des Indes.

1056. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

salut, source de la manne divine, langue d’or de la lumière céleste, épouse de Dieu ! […] Nul doute que, dans la Grèce indigène ou transplantée, de Corinthe à Alexandrie, d’Antioche aux sept villes aperçues par l’apôtre, le génie même de la langue grecque, excité par le zèle religieux, n’ait singulièrement multiplié les chants à l’honneur du culte chrétien, de ses dogmes, de ses fêtes, de ses martyrs. […] Mais un meilleur dessein de ce même sophiste grec et de son fils, des deux Apollinaire et de leurs disciples, c’était de vulgariser dans la langue grecque le génie hébraïque, d’où sort, en partie, le christianisme même ; c’était d’enrichir la Grèce, en lui apportant un nouveau reflet des couleurs et des feux de l’Orient. […] ces refrains religieux de l’univers chrétien conservent un éclat, une force de beauté, dont semble parfois s’étonner la langue grecque, et qui lui vient comme une grâce nouvelle, étrange et un peu sauvage. […] Il est besoin que même le mortel vienne au secours des cieux, devant la langue insensée qui fait outrage à la Divinité, en nous dégradant aussi nous-mêmes.

1057. (1739) Vie de Molière

On est obligé de dire (et c’est principalement aux étrangers qu’on le dit) que le style de cette pièce est faible et négligé, et que surtout il y a beaucoup de fautes contre la langue. […] Il faut que ceux qui apprennent notre langue dans les écrits des auteurs célèbres, y discernent ces petites fautes, et qu’ils ne les prennent pas pour des autorités. […] Il y a très peu de défauts contre la langue, parce que lorsqu’on écrit en prose, on est bien plus maître de son style ; et parce que Molière ayant à critiquer le langage des beaux esprits du temps, châtia le sien davantage. […] Cette comédie a été traduite en plusieurs langues, et jouée sur plus d’un théâtre d’Italie et d’Angleterre, de même que les autres pièces de Molière ; mais les pièces traduites ne peuvent réussir que par l’habileté du traducteur. […] On peut hardiment avancer, que les discours de Cléante, dans lesquels la vertu vraie et éclairée est opposée à la dévotion imbécile d’Orgon, sont, à quelques expressions près, le plus fort et le plus élégant sermon que nous ayons en notre langue ; et c’est peut-être ce qui révolta davantage ceux qui parlaient moins bien dans la chaire, que Molière au théâtre.

1058. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Je le remarque, mais je ne l’en blâme pas… » Et voilà les importantes différences qui distinguaient non le style, mais la langue de Sénèque de la langue de Cicéron, au jugement d’Érasme. […] Ne dédaignons ni son analyse de quelques beaux vers de Lucrèce, ni ce qu’il ajoute sur la véritable éloquence et sur les langues. […] Polybe y est placé à côté des hommes du premier ordre : les écrits de Polybe brilleront aussi longtemps que la puissance de la langue latine durera, que les grâces de la langue grecque subsisteront ; son nom passera à la postérité la plus reculée, aussi célèbre que le nom des auteurs qu’il a égalés, ou, si sa modestie s’y refuse, auxquels il s’est associé. […] Peut-on compter le dessouci de la vie et l’inélégance du style parmi les mots dont la disette appauvrit notre langue ? […] Les langues ne doivent-elles pas continuer de s’enrichir par la même voie qui les a tirées de leur première indigence ?

1059. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Sa langue est toujours claire. […] Ils rêvaient de bouffonneries satiriques, et de féeries, et de dialogues en une langue ailée qui serait de la « langue littéraire parlée ». […] En aristocrates de lettres, ils redoutent surtout le reproche de parler la langue de tout le monde. […] » Une langue qui est réservée aux initiés, qui dédaigne d’entrer en communication avec les profanes, qui ne laisse pas venir à soi l’air libre, prend insensiblement la tournure de devenir une langue étrangère. […] La langue savoureuse que parle Weiss est dans la meilleure tradition française.

1060. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Si George Sand veut se faire l’avocat de la vertu, il faut qu’il s’étudie à plaider dans la langue de sa cliente. […] Je vois même un certain danger pour notre langue des salons, si nette, si vive, si concise, dans la fréquentation trop suivie de cette autre langue boursouflée et tendue des tribunaux. […] Langue et grammaire. […] Ses ouvrages ont tous été écrits en anglais, dans une langue très facile, très claire, où l’étranger ne se laisse que tout juste reconnaître. […] Il est toujours rare de voir un écrivain s’assimiler complétement une langue étrangère, mais cela est surtout curieux quand il s’agit d’employer avec une égale facilité deux langues dont le génie diffère en tout.

1061. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fleury, Albert (1875-1911) »

— la langue défaille, soit dans le vocabulaire, soit dans sa syntaxe, en quelques formes barbares.

1062. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gilkin, Iwan (1858-1924) »

Georges Barral Le plus brillant, le plus puissant des poètes contemporains de langue française.

1063. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Valère (1867-1950) »

Voici cette dédicace : « Aux poètes Iwan Gilkin et Albert Giraud, à mes chers amis, en souvenir de notre campagne littéraire pour le triomphe de la tradition française en Belgique. » Voilà les sentiments qui se manifestent en pays belge pour la tradition française, et qu’il est si doux de lire en première page de beaux et bons livres écrits en pure et belle langue française.

1064. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Normand, Jacques (1848-1931) »

La langue est aussi trop facile, trop quelconque ; on voit là des marquises avoir « l’œil sympathique et fin », par exemple, et ne pas craindre de se servir, à la rime, de l’adjectif « incontestable ».

1065. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tisseur (Les frères Barthélémy, Jean, Alexandre et Clair) »

Ce volume donne : d’abord de sévères poèmes antiques, puis des rêves intimes, des notations philosophiques ; — puis une seconde série où se retrouveront les mêmes inspirations, mais exprimées avec moins de rigidité et d’heureux manquements aux règles surannées (et même ridicules) de la poésie classico-romantique, — règles faites pour une langue dont la prononciation a varié.

1066. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 367-370

Il savoit le Grec, l’Hébreu, le Latin, l’Espagnol, l’Italien, l’Allemand, l’Anglois, & les Langues Orientales ; il étoit tout à la fois Géometre, Physicien, Littérateur, Théologien, versé dans l’Histoire, Philosophe, & excellent Critique.

1067. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 459-462

Les Lettres provinciales seront toujours regardées comme un des chef-d’œuvres de notre langue.

1068. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 9, comment on rend les sujets dogmatiques, interessans » pp. 64-66

Qu’on compare le nombre des traductions de Lucrece avec le nombre des traductions de Virgile dans toutes les langues polies, et l’on trouvera quatre traductions de l’éneide de Virgile contre une traduction du poëme de natura rerum.

1069. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Préface »

Par tout le continent africain, et notamment dans l’immense région qui s’étend entre le Sahara et la forêt équatoriale et que nous appelons communément le Soudan, cette littérature orale fleurit depuis des siècles et elle a acquis, de génération en génération, une richesse et une ampleur d’autant plus considérables que, sauf dans une minorité de musulmans instruits et versés dans la langue arabe, aucune littérature écrite n’est venue lui faire concurrence.

1070. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Argument » pp. 1-4

Preuves philologiques, tirées de l’interprétation des fables, de l’histoire des langues, etc.

1071. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Le Cid est une œuvre de poésie, mais sa prompte influence s’est fait sentir sur toute la langue, et tout au moins son succès coïncide avec un progrès notable dans la prose. […] Sa langue est la vraie langue du grand Corneille : c’est la pure moelle du lion ; c’est la sève du vieux chêne.

1072. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Il indique surtout la langue comme le grand et perpétuel obstacle ; répandre et propager dans ces contrées la langue du Gouvernement est, à ses yeux, le premier et l’essentiel moyen d’assimilation. […] Mais encore une fois le grand instrument nous manque, la langue ; et le vrai moyen de perfectionner l’administration municipale, c’est de travailler à la rendre populaire.

1073. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

S’agit-il de l’acclimatation, s’agit-il de l’agriculture et de l’élève des bestiaux, s’agit-il des haras, lisez ce qu’en écrivent journellement dans leurs rapports les administrateurs intelligents et entendus qui possèdent leur sujet ; pour moi, s’il m’arrive parfois de jeter les yeux sur ces comptes rendus, je l’avoue, ils m’attachent, ils piquent mon attention, même d’écrivain ; ils enrichissent mon vocabulaire et ma langue en même temps qu’ils m’instruisent. […] Les virtuoses de la parole et de la plume ont vu leur domaine se rétrécir d’autant, et aussi les plus habiles, les plus avisés d’entre eux n’ont rien trouvé de mieux, pour ne pas se laisser tout à fait dépouiller et amoindrir, que de se mettre en campagne à leur tour, de s’emparer de toutes ces langues spéciales, techniques et plus ou moins pittoresques, que s’interdisait autrefois le beau langage, de s’en servir hardiment, avec industrie et curiosité, se promettant bien d’ailleurs d’y répandre un vernis et un éclat que les spéciaux n’atteignent ni ne cherchent. […] Il y a encore des initiés et des profanes ; il y a les secrets de l’atelier ou du Conservatoire, et en voyant, en écoutant l’œuvre dont il ne comprend pas la formation et dont il n’a pas à son usage la langue ou les instruments, le public subit un premier émerveillement qui se confond souvent avec l’admiration et qui aide dans tous les cas à l’estime.

1074. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

La première langue qu’il balbutia fut l’italien des îles ; la première nature qui se réfléchit dans sa prunelle fut cette âpre et sévère physionomie d’un lieu peu remarqué alors, désormais insigne. […] Tous deux, le jeune Victor surtout, avaient rapporté de l’Espagne, outre la connaissance pratique et l’accent guttural de cette belle langue, quelque chose de la tenue castillane, un redoublement de sérieux, une tournure d’esprit haute et arrêtée, un sentiment supérieur et confiant, propice aux grandes choses. […] Les traductions de Lucain et de Virgile, par M. d’Auverney, les Tu et les Vous, Épître à Brutus, par Aristide, appartiennent réellement à Victor Hugo ; la facture de ces vers est classique, c’est-à-dire ferme et pure ; ce sont d’excellentes études de langue, et, dans la satire, l’auteur a la verve amère et mordante.

1075. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

En parcourant les ouvrages à la mode, il s’est effrayé d’abord, il s’est demandé si notre langue n’avait pas changé durant ce long espace de temps qu’il avait vécu à l’étranger : « Pourtant ce qui me tranquillise un peu, ajoutait-il, c’est que, si l’on écrit tout autrement, la plupart des personnes que je rencontre parlent encore la même langue que moi. » En assistant à quelques séances de nos Chambres, il s’est trouvé bien dérouté de tant de paroles ; au sortir du silence des villas et du calme des monarchies absolues, il comprenait peu l’utilité de tout ce bruit, et l’on aurait eu peine, je l’avoue, à la lui démontrer pour le moment. […] Essai sur l’universalité de la langue française, par M.

1076. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Apprenez leur langue, elle est aisée ; je m’offre de vous montrer ce que j’en sais, et, jusqu’à ce que vous soyez en état de lire par vous-même, de vous traduire quelques endroits de Guillen de Castro. » Ce fut une bonne fortune pour Corneille que cette rencontre ; et dès qu’il eut mis le pied sur cette noble poésie d’Espagne, il s’y sentit à l’aise comme en une patrie. […] Voltaire, dans son commentaire, a montré sur ce point comme sur d’autres une souveraine injustice et une assez grande ignorance des vraies origines de notre langue. […] Il appelle grossièrement solécisme ce qu’il devrait qualifier d’idiotisme, et qui manque si complètement à la langue étroite, symétrique, écourtée, et à la française, du xviiie  siècle.

1077. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

« Voltaire l’avait, les anciens ne l’avaient pas. » Le style de son temps, du xviiie  siècle, ne lui paraît pas l’unique dans la vraie beauté française : « Aujourd’hui le style a plus de fermeté, mais il a moins de grâce ; on s’exprime plus nettement et moins agréablement ; on articule trop distinctement, pour ainsi dire. » Il se souvient du xvie , du xviie  siècle et de la Grèce ; il ajoute avec un sentiment attique des idiotismes : « Il y a, dans la langue française, de petits mots dont presque personne ne sait rien faire. » Ce Gil Blas, que Fontanes lui citait, n’était son fait qu’à demi : « On peut dire des romans de Le Sage, qu’ils ont l’air d’avoir été écrits dans un café, par un joueur de dominos, en sortant de la comédie. » Il disait de La Harpe : « La facilité et l’abondance avec lesquelles La Harpe parle le langage de la critique lui donnent l’air habile, mais il l’est peu. » Il disait d’Anacharsis  : « Anacharsis donne l’idée d’un beau livre et ne l’est pas. » Maintenant on voit, ce me semble, apparaître, se dresser dans sa hauteur et son peu d’alignement cette rare et originale nature. […] A nos poëtes lyriques ou épiques, il semble dire : « On n’aime plus que l’esprit colossal. » A tel qui violente la langue et qui est pourtant un maître : « Nous devons reconnaître pour maîtres des mots ceux qui savent en abuser, et ceux qui savent en user ; mais ceux-ci sont les rois des langues, et ceux-là en sont les tyrans. »  — Oui, tyrans !

1078. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Chapitre III L’Histoire Origine de l’histoire en langue vulgaire. — 1. […] L’idée d’appliquer la poésie française au récit des faits historiques germa de divers côtés : surtout en Angleterre, où la présence d’une langue vaincue, vile et méprisée, comme le peuple qui la parlait, conférait au français un peu de cette noblesse qui chez nous appartenait seulement au latin. […] Quoique le latin lut la langue des clercs, la nécessité cependant d’instruire le peuple les obligea souvent d’écrire en français, et la nécessité de captiver l’attention de ces esprits dévots, mais enfantins, leur fit parfois choisir pour édifier les sujets les plus amusants et qui parlaient le plus à l’imagination.

1079. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

J’ai connu le plan d’une étude sur la langue de Racine. […] « Ce livre marquait déjà une tendance très accusée à l’affranchissement de la métrique et de la langue. […] « Un certain nombre de jeunes gens, las de lire toujours les mêmes tristes horreurs, dites naturalistes, appartenant d’ailleurs à une génération plus désabusée que toutes les précédentes, mais d’autant plus avide d’une littérature expressive, de ses aspirations vers un idéal, dès lors profond et sérieux, fait de souffrance très noble et de très hautes ambitions, — injustement, sans doute, un peu dépris de la sérénité parnassienne et de l’impassibilité pessimiste d’un Leconte de Lisle, d’ailleurs admiré, s’avisèrent un jour de lire mes vers, écrits pour la plupart en dehors de toute préoccupation d’école, comme je les sentais, douloureusement et joyeusement poétiques encore, et pleins, j’ose le dire, du souci de la langue bien parlée, vénérée comme on vénère les saints, mais voulue aussi exquise et forte que claire assez.

1080. (1890) L’avenir de la science « II »

Les langues offrent un curieux exemple de ceci. Les langues maniées, tourmentées, refaites de main d’homme, comme le français, en portent l’empreinte ineffaçable dans leur manque de flexibilité, leur construction pénible, leur défaut d’harmonie. La langue française, faite par des logiciens, est mille fois moins logique que l’hébreu ou le sanscrit, créés par les instincts d’hommes primitifs.

1081. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Ce serait une longue et intéressante étude que celle des rapports de la pensée française avec les lois ou coutumes qui en ont régi la publication depuis le temps où l’on avait la langue percée d’un fer rouge pour un blasphème et où l’on était brûlé sur un bûcher pour une hérésie jusqu’au moment où le livre a conquis une franchise presque absolue. […] Pas plus que la gloire future de l’écrivain, la langue et le style ne se trouvent bien de ces perpétuelles improvisations ; en revanche, certains genres naissent ou prospèrent  ; la polémique sur les affaires publiques prend une intensité et aussi une violence extrêmes ; la critique au jour le jour, le roman débité en tranches, la nouvelle, l’essai, en un mot l’exposé, le commentaire et la discussion de tout ce qui est actuel, susceptible d’être présenté en peu d’espace et compris sans effort, croissent et fleurissent avec énergie. […] Est-ce parce que la pensée indépendante, volontiers novatrice et aventureuse, se heurte au passé cristallisé dans les formules rigides des codes, se sent en désaccord avec l’esprit d’un corps qui, par la langue qu’il parle, le costume qu’il porte, les usages qu’il pratique et maintient, est régulièrement en retard sur les idées et les mœurs de son temps ?

1082. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

L’abbé de Lionne connaissait la langue et la littérature espagnoles, et il y introduisit Lesage. […] Les sonnets, les odes et les autres ouvrages qui veulent du sublime, ne s’accommodent pas du simple et du naturel ; c’est l’obscurité qui en fait tout le mérite ; il suffit que le poète croie s’entendre… Nous sommes cinq ou six novateurs hardis qui avons entrepris de changer la langue du blanc au noir ; et nous en viendrons à bout, s’il plaît à Dieu, en dépit de Lope de Vega, de Cervantes… Sachons bien qu’en écrivant ces choses, Lesage avait en vue Fontenelle, Montesquieu peut-être, certainement Voltaire, qu’il trouvait trop recherchés et visant à renchérir sur la langue de Racine, de Corneille, et des illustres devanciers.

1083. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

L’admiration, l’enthousiasme dont il était saisi, lui inspirait des expressions qui répondaient à la mâle et harmonieuse énergie des vers grecs, autant qu’il est possible d’en approcher dans la prose d’une langue à peine tirée de la barbarie… Cependant M. de Malezieu, par des efforts que produisait un enthousiasme subit, et par un récit véhément, semblait suppléer à la pauvreté de la langue, et mettre dans sa déclamation toute l’âme des grands hommes d’Athènes. […] « La langue ne se perfectionne que quand vous la parlez ou quand on parle de vous », lui écrivait Mme de Lambert.

1084. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Il avait, dans sa vie retirée, appris jusqu’à cinq langues ; il y ajouta un peu plus tard le grec et l’allemand. […] La France, pour M. de Maistre, qui est Français de langue, et, à bien des égards, de cœur et d’esprit, la France est un instrument, un organe européen que rien ne saurait remplacer, et qui, même lorsqu’il frappe à faux, ne doit pas être à l’instant rejeté et brisé : Il y a dit-il, dans la puissance des Français, il y a dans leur caractère, il y a dans leur langue surtout, une certaine force prosélytique qui passe l’imagination.

1085. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

… La langue n’est plus là qu’une contraction de syllabes heurtées et de rythme blessant, un cailloutis de mots sans rondeur et sans transparence ! La langue, en effet, est ce qui a subi, dans les Pensées d’août, le plus de déchets effroyables. […] Les exceptions y sont ; voyez, par exemple, ce marbre ailé, dédié à David d’Angers, sur un de ses ouvrages, Le Joueur d’orgue, quelques Sonnets vigoureusement frappés, etc. : mais il faut les chercher à travers une langue et une inspiration si laborieuses que je ne pense pas que M. 

1086. (1884) La légende du Parnasse contemporain

De l’art, nul soupçon ; de la langue, du rythme, nul souci. […] Respect aux esprits qui, dans la langue des prophètes, enseignent à l’humanité ses grands devoirs ! […] Selon lui, notre langue était la reine des langues, et les lettres le premier des arts. […] La poésie est la fonction naturelle de son âme, et les vers sont la seule langue possible de sa pensée. […] Alfred de Musset enviait, lui, poète, la langue du musicien : Douce langue du cœur, la seule où la pensée.

1087. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Mais, quelle différence y a-t-il entre l’éloquence et le lyrisme, si d’ailleurs les mêmes « mouvements », et les mêmes « images », et les mêmes « qualités de langue » les caractérisent l’un et l’autre ? […] et une révolution de la syntaxe à celle de la langue ? […] Et, de son côté, l’auteur de l’Histoire des langues sémitiques, 1848, et du célèbre Essai sur les religions de l’antiquité, 1853, pouvait bien croire et pouvait bien dire que « M.  […] Et, de fait, s’il y a dans notre langue une poésie que l’on puisse appeler « scientifique » n’est-ce pas celle de Leconte de Lisle ? […] Nous avons depuis quatre cents ans, dans notre littérature et dans notre langue même, les moyens de travailler ensemble à la grandeur du nom français et au bien commun de l’humanité.

1088. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Voltaire et Montesquieu pétillent dans une langue qui s’éteint déjà. […] Becque y passe au fil de sa langue tous ses ennemis. […] Jean de Gourmont, le jeune frère du savant auteur de L’Esthétique de la langue française. […] les méchantes langues ! […] Alors les Nymphes couvrirent sa langue et tout son corps d’une écorce d’olivier.

1089. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

On doit encore observer qu’il usa de la langue d’une autre manière. […] Massillon se conforma davantage au génie plus timide qu’avait pris notre langue. […] tout cela attirait son attention moins que la langue rendue correcte et la poésie devenue régulière. […] Au lieu de rapporter toutes les langues à la langue latine, et d’adapter toutes les grammaires aux formes d’une seule, on essaya de trouver des règles générales d’où les règles particulières de chaque langue pussent facilement découler. […] L’algèbre fut dite le modèle des langues.

1090. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chateaubriand, François René de (1768-1848) »

Un jour, sans doute, on pourra juger ses compositions et son style d’après les principes de cette poétique nouvelle, qui ne saurait manquer d’être adoptée en France du moment qu’on y sera convenu d’oublier complètement la langue et les ouvrages des classiques.

1091. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

Remy de Gourmont Le Centaure est à mettre parmi les plus belles et les plus précieuses pages de la langue française.

1092. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rebell, Hugues (1867-1905) »

La langue de M. 

1093. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 241-244

A l’âge de sept ans, il parloit plusieurs langues, & composoit des vers François avec une grande facilité.

1094. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 465-468

Cette découverte, qui suppose une étude réfléchie & combinée des Langues anciennes & une connoissance approfondie de l’Histoire, n’est pas appuyée sur des rapports vagues & isolés, mais sur toute la suite de l’Histoire des Egyptiens, rapprochée de celle des Hébreux, mais sur une ressemblance si sensible, si soutenue, qu’on ne peut la regarder comme fortuite, sans renoncer à tout ce que l’érudition présente de plus convaincant.

1095. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 100-103

On s’est persuadé qu’il n’y avoit d’autre parti à prendre, à l’égard des Auteurs Grecs & Latins, que de traduire, & l’on n’a pas fait attention que la diversité du génie des Peuples, celle des Langues, étoient des obstacles insurmontables pour une bonne Traduction.

1096. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 90-93

Versificateurs même, & les Orateurs de l'Académie Oratoire (c'est ainsi que Richesource appeloit sa maison), comme aussi de ceux qui chérissent la pureté de la Langue Françoise, sa justesse, sa propreté, sa délicatesse, sa netteté, son élégance, sa politesse, sa beauté, sa pompe, sa magnificence, & sa majesté ; dédiée à Messieurs de l'Académie Françoise, par J.

1097. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Écoutez ces quelques éjaculations brûlantes où le traducteur hébreu a concentré le feu du cantique dans sa langue : « Je disais : Je t’aime ! […] Ma vigueur s’est desséchée comme l’argile ; ma langue s’est collée à mon palais ; tu m’as réduit à une pincée de poussière trouvée dans le sépulcre ! […] « Les dents des fils de l’homme sont des dards et des flèches, et leur langue a le tranchant du fer !  […] sous ma tête, que ma langue reste collée à mon palais !

1098. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Nous ne jouâmes point comme des enfants ; elle me demanda tout de suite quelles étaient mes leçons, si je savais quelques langues étrangères, si j’allais souvent au spectacle. […] XIV Elle essaya ses forces dans la langue qui tente et qui trompe le plus les jeunes imaginations, celle des vers. […] À l’exception de la virile Sapho, dont cinq ou six vers attestent l’énergie poétique, aucune femme, dans aucune langue antique ou moderne, n’a laissé un seul fragment de ces vers que les siècles se transmettent en les répétant comme un monument du sentiment ou de la pensée humaine. […] C’est le mystère de la langue plus que celui de la nature.

1099. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Et surtout la langue avait toujours été respectée dans ces tentatives. […] C’est la première fois, je pense, que des écrivains semblent ignorer le sens traditionnel des mots et, dans leurs combinaisons, le génie même de la langue française et composent des grimoires parfaitement inintelligibles, je ne dis pas à la foule, mais aux lettrés les plus perspicaces. Or je pourrais sans doute accorder quelque attention à ces logogriphes, croire qu’ils méritent d’être déchiffrés, et qu’ils impliquent, chez leurs auteurs, un état d’esprit intéressant, s’il m’était seulement prouvé que ces jeunes gens sont capables d’écrire proprement une page dans la langue de tout le monde ; mais c’est ce qu’ils n’ont jamais fait. […] La langue, il la pétrit à sa guise, non point comme les grands écrivains, parce qu’il la sait, mais, comme les enfants, parce qu’il l’ignore.

1100. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Elle demande qu’il lui livre une belle-sœur qu’elle haïssait, lui fait couper les narines, les oreilles, les lèvres, la langue, les mamelles qu’elle jette aux chiens, et renvoie à son mari ce reste sanglant qui palpite encore. — Parysatis, mère d’Ataxerxès Memnon, veut se venger de ceux qui ont pris part à la mort de son fils Cyrus, frère révolté contre son fils régnant, et tué dans la bataille qu’il lui a livrée. […] Les peuples vont se redresser, puisque le roi tombe ; la liberté des langues entraînent la chute de Babel. — « Les nations de la terre d’Asie n’obéiront plus longtemps à la loi des Perses ; elles ne payeront plus longtemps les tributs de la servitude. Elles ne se prosterneront plus sous la majesté souveraine ; la puissance royale a péri. — La langue des hommes ne sera plus enchaînée, le peuple détaché du lion pourra parler librement ; le joug de la force est brisé. » La reine revient, chargée des libations funéraires. […] Ce réveil de la langue du peuple déchaînée par la défaite, qu’il déplorait tout à l’heure, c’est lui qui en donne le premier signal.

1101. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Gœthe et Gautier, puissants par la langue, je le veux bien, n’avaient pas d’âme à perdre. […] C’est le bouc émissaire des Ratés ; et je dis trop, c’en est le baudet : Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout le mal… et qui tondit du pré la largeur de sa langue , — et sa langue n’est pas large, allez ! […] Il y a des mots, dans une langue qui s’abaisse chaque jour, qui sont une nécessité : c’est un blagueur qui se blague lui-même.

1102. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Parmi les méthodes proposées pour l’enseignement des langues figure celle de Prendergast 67, dont le principe a été plus d’une fois utilisé. […] Mais, indépendamment de toute expérience scientifique, chacun de nous a pu constater l’impossibilité où il est de percevoir distinctement les mots d’une langue qu’il ne connaît pas. […] Ce travail d’interprétation est trop facile, quand nous entendons parler notre propre langue, pour que nous ayons le temps de le décomposer en ses diverses phases. Mais nous en avons la conscience nette quand nous conversons dans une langue étrangère que nous connaissons imparfaitement.

1103. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Dans la même langue d’ailleurs on ne peut se choisir ses maîtres sans en approcher trop et s’y absorber ; c’est comme dans ces mariages de famille d’où il ne sort rien de vigoureux. […] Facile jusqu’à un certain point, plus facile assurément que presque tout ce qui est dans l’intervalle, complet en lui-même, ayant sa langue à lui, son vocabulaire et ses formes d’expression, comme il a son Olympe et son monde, il promet d’entières et sûres jouissances à quiconque aura la volonté de l’aborder et de le posséder.

1104. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

On a essayé de nier leur authenticité, comme si de tels récits s’inventaient à plaisir, et comme si une langue aussi exquise et aussi polie se retrouvait ou se fabriquait à volonté après le moment unique où elle a pu naître. […] Indépendamment de l’histoire littéraire, celle de la langue n’est pas sans avoir à profiter ou du moins à glaner dans les Lettres de Rancé.

1105. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Ce Vénitien, issu de sang espagnol, qui compte dans sa généalogie force bâtards, religieuses enlevées, poètes latins satiriques, compagnons de Christophe Colomb, secrétaires de cardinaux, et une mère comédienne ; ce jeune abbé, qui débute fraîchement comme Faublas et Chérubin, mais qui bientôt sent l’humeur croisée de Lazarille et de Pantalon bouillonner dans sa veine, qui tente tous les métiers et parle toutes les langues comme Panurge ; dont la vie ressemble à une comédie mi-partie burlesque et mi-partie amoureuse, à un carnaval de son pays qu’interrompt une atroce captivité ; qui va un jour visiter M. de Bonneval à Constantinople, et vient à Paris connaître en passant Voisenon, Fontenelle, Carlin, et être l’écolier du vieux Crébillon ; ce coureur, échappé des Plombs, mort bibliothécaire en un vieux château de Bohême, y a écrit, vers 1797, à l’âge de soixante et douze ans, ses Mémoires en français, et dans le meilleur et le plus facile, dans un français qu’on dirait naturellement contemporain de celui de Bussy. […] Nous reviendrons une autre fois sur Casanova, et nous le suivrons à Paris où il se perfectionne dans le français sous le vieux Crébillon le tragique, singulier maître de langue, de qui il apprit, j’imagine, bien moins qu’il ne prétend.

1106. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Orateur ardent, parlant une belle langue, étoffée, ample, ferme, correcte, il fut le chef de l’opposition. […] Quel malheur qu’avec cette éloquence puissante, cette pensée forte et généreuse, Gambetta parle une mauvaise langue, trouble, incorrecte, abondante en jargon !

1107. (1890) L’avenir de la science « Préface »

On voyait bien tout cela, mais cela sortait des habitudes ordinaires de la langue et du moule des phrases bien faites. […] Trop peu naturaliste pour suivre les voies de la vie dans le labyrinthe que nous voyons sans le voir, j’étais évolutionniste décidé en tout ce qui concerne les produits de l’humanité, langues, écritures, littératures, législations, formes sociales.

1108. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Le climat, la langue, l’éducation façonnent et transforment les gens avec une telle puissance qu’on s’expose à de singulières erreurs, lorsqu’on prétend reconnaître en eux ce qu’ils doivent uniquement à leurs ancêtres. « Nourriture passe nature » ? […] Perversion des sens, recherche de l’horrible, propension à se délecter dans les corruptions et les déliquescences de la langue et des mœurs, tout cela relève en une certaine mesure de la pathologie, et les médecins-philosophes ont dans ces phénomènes morbides un sujet de curieuses études.

1109. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Voici un livre d’observateur sur le vif, de voyageur en dehors des livres, d’homme qui a fait le sien à la sueur de son front et à la poussière de ses sandales, qui a vécu dix ans dans le pays dont il parle, plongé dans les difficultés de la langue de ce pays et dans le secret de ses mœurs, et qui, de la plus haute moralité, — de cette moralité de prêtre qui donne à la parole humaine, toujours suspecte quand elle nous revient de si loin, l’autorité qu’elle doit avoir pour être acceptée, — nous apporte sur la Chine un de ces renseignements, éclairés et complets, tels qu’on n’en avait pas revu depuis la publication des Lettres édifiantes. […] « La langue des femmes croît de tout ce qu’elles ôtent à leurs pieds.

1110. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Ce n’est là qu’un coup d’œil et quelques coups de langue sur un sujet très vaste, très chargé, et qu’il est impossible de creuser sans y mettre l’effort, le détail et le temps. […] la moralité du monde chrétien en proie aux erreurs les plus monstrueuses, — aucun de ces événements, qu’il fallait comprendre, n’a été jugé dans cette histoire au bout de la langue, et dans laquelle tout roule précipitamment et pêle-mêle, emporté par cette idée que l’Église romaine n’est pas la véritable Église, parce qu’elle a eu l’audace de vivre, de s’organiser et de devenir un gouvernement !

1111. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Il y fallait une langue précise : celle de Sully-Prudhomme l’est merveilleusement. […] Impossible de fixer dans une langue plus exacte des impressions plus fugitives. […] Surtout il rajeunit notre langue poétique aux sources grecques et latines. […] Est-il assez content de parler la bonne langue, la meilleure, la seule ! […] La langue de M. 

1112. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « V » pp. 19-21

 — « C'est une rentrée dans la langue française, » disait M. de Barante. — « Quelle noble trilogie de femmes ! 

1113. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Haraucourt, Edmond (1857-1941) »

Leconte de Lisle L’Âme nue est un recueil de fort beaux poèmes où il a su exprimer de hautes conceptions en une langue noble et correcte, et prouver qu’il possédait, dans une parfaite concordance, un sens philosophique très averti, uni au sentiment de la nature et à celui du grand art.

1114. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action » pp. 179-182

Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action Un poëme épique étant l’ouvrage le plus difficile que la poësie françoise puisse entreprendre, à cause des raisons que nous exposerons en parlant du genie de notre langue et de la mesure de nos vers, il importeroit beaucoup au poëte qui oseroit en composer un, de choisir un sujet où l’interêt general se trouvât réuni avec l’interêt general se trouvât réuni avec l’interêt particulier.

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