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1142. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

On parle de cet Almanach de Bottin, où passent les deux critiques fraîchement décorés, Brunetière et Lemaître. […] Ce n’est pas lui qui s’est noyé, mais le critique Hennequin, se baignant avec Redon. […] Eh bien, tant pis pour vous, si comme critique lettré de théâtre, vous ne faites pas la différence de ces deux proses. […] Or donc, le style, les caractères n’entrant point en ligne de compte dans votre critique, accordez-vous quelque valeur aux situations ? […] Moi je crois que vous vous illusionnez, et que la jeune École normale vous trouve un critique démodé, un critique perruque, un critique vieux jeu, et voici la lettre qui va vous le prouver : Monsieur, Bien qu’il y ait de la hardiesse à adresser des félicitations à un homme tel que vous, je me risque à vous offrir les miennes, sûr que le témoignage de la jeunesse ne vous est pas indifférent, car il est sincère, et c’est un gage de l’avenir : ce que nous aimons nous le ferons triompher, quand nous serons des hommes.

1143. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Thiers n’avait pas visitée encore, les considérations générales sur le goût, sur la critique des arts et sur les divers mérites propres à ceux du dessin, restent des pages très-agréables et très-justes, des gages d’un instinct très-sûr et d’une inclination naturellement éclairée. […] Il n’y a même de tout à fait injuste dans ce jugement que l’avantage décidé que le critique accorde au peintre sur le romancier. […] C’est tout simplement un des plus beaux morceaux de haute critique qui se puisse lire en telle matière. […] Malgré l’excellence des plumes politiques, malgré la distinction de quelques collaborateurs littéraires, tels que Mérimée, Peisse, la critique fine, la culture délicate eut peu d’accueil et d’accès ; la poésie surtout s’y trouva presque toujours traitée avec rigueur et un peu rudoyée comme dans un camp. […] Horace Vernet : que ce soit l’idée de la perfection…. » Tout ce chapitre VIII est d’une critique chaude, cordiale et franche ; c’est du Diderot simple.

1144. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Montaigne, comme Rabelais, critique le système en usage. […] Qu’on se représente les changements profonds causés depuis une cinquantaine d’années par l’introduction de la méthode historique dans la théologie, la philosophie, la critique, la philologie ! […] S’il est critique, il découvrira des beautés cachées dans le livre ou la pièce de l’éminent confrère dont il espère la voix ; il ménagera l’opinion de tel salon qui est une antichambre connue de la docte assemblée parmi laquelle il désire siéger. […] A coup sûr, il ne faut pas leur demander une critique impartiale et large. […] Histoire critique des doctrines de l’éducation en France, I,421.

1145. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Enfin j’ai voulu — et mon principal souci est de le déclarer — omettre absolument toute recherche documentaire ; à quelques uns de mes collaborateurs, spécialistes des travaux critiques ou scientifiques, je laisse le soin de nous fournir le classement chronologique définitif — si désirable — des œuvres de Richard Wagner. Ayant et avouant d’autres ambitions, j’ai de longtemps renoncé l’art des théories et des critiques ; ces notes ne sont que des impressions, elles ne veulent pas être autres, elles ne peuvent avoir un intérêt qu’en tant qu’on les verra telles, — les impressions de quelqu’un qui aurait longuement fréquenté dans les œuvres très vénérables du maître musicien et quelques fois aurait médité aux trop urgents et redoutables problèmes des esthétiques. […] Des mois dura, par l’habitude et des vouloirs étrangers, le hantement des maisons universitaires, et j’appris étudier aux documents, lire les chronologies et savoir des choses qu’enferme une belle critique historique ; mais, depuis la triste décision des directeurs de l’École Normale, le démon musical s’était promu à une forte position en mon cœur ; les plus beaux procédés des critiques historiques eurent moins de mes faveurs ; elles allaient, mes faveurs, à la composition de musiques. […] Et la victoire fut que je m’étais fait critique musical ; la Renaissance musicale avait accueilli mon innocence avide de bien devenir, et hebdomadairement je jugeais des concerts où j’avais toujours assisté. […] Je me rappelle qu’au dernier an un esprit d’une très subtile et vive critique, assistant au Pasifal, exprimait que les personnages n’existaient point ; il disait notamment les insignes faiblesses du duo du second acte, l’homme subitement et immotivement illuminé et dès lors stagnant, la femme dont on ignore si elle est ou non d’elle-même attirée vers le garçon qu’elle appelle ; et il expliquait l’illogisme et le romantisme des trucs dramatiques ; et il s’étonnait de l’entière inutilité de tant d’accessoires ; réservant une admiration constante à l’orchestre, il méprisait intimement Parsifal pour un piètre mélodrame superbement décoré de symphonies : car ce subtil esprit — coupable seulement de se refuser par logiques de système à d’entiers côtés d’art — cherchait en le Parsifal et n’y pouvait trouver un drame.

1146. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Croyez-vous qu’un critique relèvera cette réminiscence ? Les critiques, qui ont parlé du roman de Feuillet, ont tous cité, avec transport, des « propos à faire rougir un singe, sans se souvenir que cette phrase avait été jetée cinquante fois au public, cette année même. […] Est-ce l’aveu chez ce critique du Temps, d’une critique assez basse. […] Tous les chefs-d’œuvre anciens, où les critiques voient du soleil, de la chair illuminée de lumière, m’ont paru bien tristes, bien blafards, bien noirs, et d’un artifice d’art bien surfait. […] Si quelqu’un fait un jour ma biographie, qu’il se persuade qu’il serait d’un grand intérêt pour l’histoire littéraire et la réconfortation des victimes de la critique des siècles futurs, de donner sur chacun de nos livres, les extraits les plus violents, les plus forcenés, les plus négateurs de notre talent.

1147. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Henri Duvernois Je fus critique littéraire. […] Je suis critique dramatique. […] Par elles, s’établit une sélection définitive que la critique contemporaine n’aura pas prévue ; et quelques livres, parce qu’ils sont aimés dans les bourgs ou les sous-préfectures, survivront à une littérature dramatique, assez fêtée à Paris ou dans les importants chefs-lieux, pour avoir justifié vos questions d’aujourd’hui et votre généreuse alarme. […] Leur jeunesse est lyrique, leur maturité est épique ou romanesque — c’est la même chose, leur âge critique est dramatique. […] De tous temps, nos Français ont aimé avec passion les divertissements que le théâtre amène à sa suite : la forme du nez de Lekain, la maigreur de poitrine de la Guimard, les grâces de Mlle Gaussin, Duthé ou Dumesnil, les pirouettes de Vestris, sans compter les cabales, protections, dénigrements systématiques des critiques, ordres du pouvoir pour imposer ou retirer les comédies, tout cela s’est manifesté avec ardeur jadis.

1148. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Eschyle est de ces hommes que le critique superficiel raille ou dédaigne, mais que le vrai critique aborde avec une sorte de peur sacrée. […] Dans le vrai critique il y a toujours un poëte, fût-ce à l’état latent. […] Une certaine classe d’historiens et de critiques biographes s’apitoie volontiers sur les sabres, si calomniés, ces pauvres sabres. […] Outre les exemplaires des colonies, qui se bornaient à un petit nombre de pièces, il est certain que des copies partielles de l’exemplaire d’Athènes furent faites par les critiques et scoliastes alexandrins, lesquels nous ont conservé divers fragments, entre autres le fragment comique des Argiens, et le fragment bachique des Édons, et les vers cités par Stobée, et jusqu’aux vers probablement apocryphes que donne Justin le martyr.

1149. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Froissart ne sera jamais un historien critique comme Tillemont, ni encore moins un historien philosophe comme Gibbon ; mais sa vocation, réduite à toute sa simplicité, à l’enquête curieuse et à la vive représentation des faits, n’en paraît que plus en saillie ; nous avons vu cette vocation courir et jouer pour ainsi dire devant nos yeux dès son enfance, et il passa toute sa vie à la satisfaire. […] On a cité des exemples naïfs de sa crédulité, et qui montrent qu’en fait de critique il n’est pas supérieur aux gens d’esprit de son temps. […] C’est ce que je voudrais faire sentir et démontrer à tous par une analyse un peu complète et par une juste application de la critique littéraire. […] Les critiques les plus distingués de notre époque, M. 

1150. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

La question du Cid a pu paraître, à un moment, aussi embrouillée que l’était pour nous dans ces derniers temps la question du Schleswig-Holstein ; mais, grâce à Dieu et à de savants critiques et défricheurs, elle est maintenant éclairée et à jour. […] Nous essayerons, après quelques critiques français bien informés et compétents60, d’indiquer ici ce qui ressort nettement de ces publications décisives. […] Damas-Hinard une édition critique et une traduction française, est tout autre chose que la Chronique : c’est une œuvre de talent, une œuvre suivie et soutenue, naïve et forte, souvent admirable de détail ; on sent un poète dans le jongleur et le chanteur. […] Le roi l’ayant entendue parle ainsi, faisant la critique du sexe en moraliste : « Je l’ai toujours entendu dire, — et je vois à présent que cela est la vérité, — que le sexe féminin était bien extraordinaire.

1151. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Ne pourrait-on pas demander à l’auteur de la Démocratie (et c’est la seule critique que je hasarde) un peu moins d’amour-propre pour l’homme, un peu plus d’amour pour la démocratie elle-même, pour l’humanité en masse ? […] Plusieurs revues et journaux de toutes nuances ont fait de cet ouvrage de grands éloges, en même temps que le Moniteur officiel publiait des articles qui tendaient à en faire la critique. […] Puisque vous voulez bien me mettre à l’aise et puisque ce que j’ai écrit déjà et qui marque le point le plus extrême de ma critique ne vous a point choqué, je vais y revenir et m’étendre un peu sur cette Correspondance aussi nourrie qu’agréable. […] Ai-je donc eu tort de tant désirer de voir Tocqueville soumis à l’épreuve toujours solennelle de votre critique, et dois-je le regretter ?

1152. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Il est plus spécialement l’historien et le critique militaire définitif du grand Frédéric : notre École de Saint-Cyr le vient aujourd’hui pour classique à ce titre. Il est l’un de ceux qui seront le plus écoutés et comptés lorsque se fera l’histoire militaire critique définitive du premier Empire et de Napoléon ; car, malgré les larges et admirables pages publiées de nos jours et que nous savons, cette histoire, dépouillée de toute affection et couleur sentimentale quelconque, dégagée de tout parti pris d’admiration comme de dénigrement, ne me paraît pas écrite encore. […] En un mot, je me rappelai la célèbre réponse de Scanderbeg au sultan, qui lui avait demandé son sabre (« Dites à votre maître qu’en lui envoyant le glaive je ne lui ai pas envoyé le bras ») ; fiction ingénieuse et applicable à tous les militaires qui se trouveront dans le cas de donner leurs idées sur des opérations qu’ils ne dirigeront pas. » Après la bataille perdue et quand on se décida à la retraite, lorsque, dans la soirée du 27, Jomini vit l’ordre apporté par Toll, — « le brouillon encore tout trempé de pluie56 », — qui réglait cette retraite jusque derrière l’Éger en quatre ou cinq colonnes, « chacune d’elles ayant son itinéraire tracé pour plusieurs jours, comme une feuille de route, par étapes, qu’on exécuterait en pleine paix, sans s’inquiéter de ce qui arriverait aux autres colonnes » ; à la vue de cette disposition burlesque », il n’y put tenir : toute sa bile de censeur éclairé et de critique militaire en fut émue, comme l’eût été celle de Boileau à la vue de quelque énormité de Chapelain ; et il s’écria sans crainte d’être entendu : « Quand on fait la guerre comme ça, il vaut mieux s’aller coucher. » L’ambassadeur anglais, lord Cathcart, présent, crut devoir le prendre à part pour lui conseiller de ménager davantage l’amour-propre de ses nouveaux camarades. […] Qu’il aille en France, en Russie, qu’il entre au service des czars ou des rois, il reste Suisse au fond du cœur : la petite patrie, il ne l’abdique jamais au sein des empires, et au moment critique, à l’heure du péril, il se retrouve patriote suisse comme au premier jour, comme au jour du départ du pays natal, prêt à répondre à son appel et à le servir.

1153. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

C’est le propre des écrivains de cet ordre d’avoir pour eux la presque unanimité des suffrages, tandis que leurs illustres adversaires qui, plus hauts qu’eux en mérite, les dominent même en gloire, sont à chaque siècle remis en question par une certaine classe de critiques. […] n’échappent-ils pas aux critiques générales que nous avons hasardées sur son œuvre ? […] Il mourut en 1699 dans sa soixantième année, vénéré et pleuré de tous, comblé de gloire, mais laissant, il faut le dire, une postérité littéraire peu virile, et bien intentionnée plutôt que capable : ce furent les Rollin, les d’Olivet en critique, les Duché et les Campistron au théâtre, les Jean-Baptiste et les Racine fils dans l’ode et dans le poëme. […] Des critiques sans portée ont abusé du droit de le citer pour modèle, et l’ont trop souvent proposé à l’imitation par ses qualités les plus inférieures ; mais, pour qui sait le comprendre, il a suffisamment, dans son œuvre et dans sa vie, de quoi se faire à jamais admirer comme grand poëte et chérir comme ami de cœur.

1154. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

En voici la pompe, la richesse, la composition solennelle, le geste accompagnant la mélopée… Oui, la tragédie respire et vit là, mieux que dans l’œuvre imprimée et morte de ses maîtres, mieux que dans les reconstitutions des critiques ; oui, là, sous ce portique ordonnancé par un Perrault, qui laisse voir sous un de ces arcs le jet d’eau d’un bassin de Latone ; là, dans ce quatuor balancé, dans cette partie carrée où la passion dramatique semble un menuet grandiose. […] C’est plein de mères d’actrices, de vaudevillistes, de critiques, d’hommes sans nom qui ont un nom au théâtre, ou des droits sur le directeur, ou des créances sur l’auteur, ou une parenté avec le souffleur, le placeur, et d’actrices qui ne jouent pas, et d’acteurs de province en congé, et de filles littéraires et de leurs petits amants de poche. […] Et voici Fiorentino avec son aspect et son teint de figure de cire : Bischoffsheim, l’ami de tous les critiques, papillonnant de loge en loge ; la petite Dinah, avec sa jolie tête serpentine, assise au balcon à côté de la mère Félix, parée d’un manchon blanc. […] Toutes les lorgnettes interrogent la face de marbre du critique, et précisément en face de nous, au balcon des secondes, l’ancienne, la délaissée, l’Ariane, Ozy en personne, en compagnie de Virginie Duclay, plonge sur l’ingrat, en remuant à grand bruit un immense éventail noir, au milieu de rires ironiques.

1155. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

L’envie & la critique n’ont pas eu la ressource de pouvoir attribuer ce grand succès aux seules beautés du Tasse ; il perdoit le charme de la poésie ; il perdoit les graces de sa langue ; il perdoit tout, si vous ne l’eussiez dédommagé…. […] Une des principales productions de Pope est l’Essai sur la critique. […] L’essai sur l’homme du même Ecrivain, est bien supérieur à son essai sur la critique par le grand nombre d’idées neuves, élevées, hardies, exprimées d’une maniere vive & énergique, mais quelquefois trop concise, source de fatigue pour le lecteur. […] Ces notes placées au bas de la traduction, sont peut-être en trop grand nombre ; mais en général la critique qu’elles renferment est judicieuse ; & son recueil est très-curieux par le choix & par la variété des piéces.

1156. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Dès les premiers volumes, il prêta aux critiques et aux objections, l’abbé Prévost, qui avait été bénédictin et qui faisait alors un journal, parla de l’ouvrage et substitua un autre plan à celui qu’on avait adopté : il aurait voulu un choix dans les auteurs et dans les matières ; qu’on mît à l’écart les écrivains ecclésiastiques, les controversistes ; qu’on ne dît pas tout sur chacun. Il voulait surtout une histoire critique, c’est-à-dire où il y eût des jugements, et il citait pour modèles les Histoires ecclésiastiques de M.  […] Le critique allemand Jacob Grimm a fait à ce sujet un livre de recherches et de discussion très admiré et réputé classique dans son genre.

1157. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Dans sa feuille périodique Le Spectateur français, parlant des Lettres persanes qui venaient de paraître, il les loue pour l’esprit, mais les critique sur un point. […] Certes, Montesquieu devenu l’auteur de L’Esprit des lois aurait ratifié et signé cette critique adressée au jeune auteur des Lettres persanes. […] Marivaux, étudié surtout par les hommes du métier, par les critiques ou les auteurs dramatiques, a autant gagné que perdu avec le temps : il est plein d’idées, de situations neuves qui ne demandent qu’à être remises à la scène avec de légers changements de costume.

1158. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Le résultat continuel de l’effort de la critique appliquée à la littérature est d’étendre ainsi de plus en plus le domaine de l’homme instruit, et d’appeler chacun à profiter, et, jusqu’à un certain point, à juger par soi-même de ce qui avait été jusqu’alors la propriété des doctes et des hommes de cabinet. […] C’est alors que, sur la proposition de Villehardouin, qui paraît avoir été l’homme de conseil et de ressource en ce moment critique, on s’adressa à Boniface, marquis de Montferrat, lequel accepta l’honneur et le fardeau. […] D’autres historiens réputés plus sages, des critiques judicieux et fins, n’ont pas fait la juste part à cette veine puissante.

1159. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

L’Académie française avait proposé pour sujet d’un prix, à décerner en 1855 « une étude critique et oratoire sur le génie de Tite-Live », ajoutant à cet énoncé un programme développé où se posaient les diverses questions relatives à l’auteur et aux circonstances de sa vie, aux sources et à l’autorité de son histoire, au caractère et à la beauté de son monument. […] Il y a ici l’annonce et comme l’inauguration d’une nouvelle méthode en critique. […] J’admets volontiers (et, dans les nombreuses études critiques et biographiques auxquelles je me suis livré, j’ai eu plus d’une fois l’occasion de le pressentir et de le reconnaître) que chaque génie, chaque talent distingué a une forme, un procédé général intérieur qu’il applique ensuite à tout.

1160. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Ainsi encore, à propos des attaques dernières dont Les Époques de la nature furent l’occasion, et de je ne sais quel manuscrit de Boulanger qu’on l’accusait d’avoir pillé : « Il vaut mieux, disait-il, laisser ces mauvaises gens dans l’incertitude, et comme je garderai un silence absolu, nous aurons le plaisir de voir leurs manœuvres à découvert… Il faut laisser la calomnie retomber sur elle-même. » À M. de Tressan qui s’était, un jour, ému et mis en peine pour lui, il répondait : « Ce serait la première fois que la critique aurait pu m’émouvoir ; je n’ai jamais répondu à aucune, et je garderai le même silence sur celle-ci. » Ainsi pensait-il, et il ne se laissait pas détourner un seul jour du grand monument qu’il édifiait avec ordre et lenteur, et dont chaque partie se dévoilait, successivement à des dates régulières et longtemps à l’avance assignées. Un spirituel écrivain a essayé d’établir une mesure entre la sensibilité plus ou moins grande des auteurs à la critique et leur plus ou moins de croyance et de religion ; il est allé jusqu’à dire, et ici même65, que « le génie sans croyance n’est que le plus vulnérable des amours-propres ». […] Cette disposition du plus ou moins d’indifférence à la critique dépend donc non de la croyance en général, mais de l’humeur, du caractère, ou, si l’on veut, de la croyance et confiance qu’on a en soi.

1161. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

L’ouvrage qui appellerait sa critique n’obtient que ses éloges, et c’est assez qu’il devienne pour lui le prétexte d’un développement personnel, ingénieux et piquant, continu et mesuré. […] Je ne crains pas d’aller plus à fond que ne se le permet ordinairement la critique dite littéraire. […] Je laisse de côté sa vocation politique active que j’admets en effet qu’il manque, je lui trouve deux talents de second plan, deux pis aller qui seraient de nature à satisfaire de moins difficiles : talent d’écrivain politique qui trouvera toujours moyen de dire ce qu’il pense, et qui a même intérêt à être gêné un peu ; car il y gagne le tour, et avec le tour l’agrément, ce qui cesse quand il écrit dans les journaux où il ne se gêne pas ; — talent de critique ou de discoureur littéraire des plus sérieux et des plus aimables, qui peut se jouer sur tous sujets anciens ou modernes, et s’exercer même sur des matières de religion, d’un ton de philosophe respectueux à la fois et sceptique.

1162. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Calemard de Lafayette était, il y a une quinzaine d’années, un jeune littérateur de Paris ; il s’occupait de poésie et de critique ; il était du groupe de l’Artiste et en train de se faire un nom, tout en se livrant à ses goûts préférés, lorsque, vers ce temps, des circonstances de famille et de fortune l’enlevèrent à la vie parisienne : il avait le bonheur et l’embarras d’être propriétaire foncier ; il se retira dans ses terres aux environs du Puy, dans la Haute-Loire, et se mit à les exploiter lui-même ; il prit goût à l’agriculture, à l’amélioration du sol et des colons ; l’amour de la poésie l’y suivit, et il combina ces deux amours, celui des champs et celui des vers : il en est résulté le poème dont j’ai à parler et qui a paru il y a quelques mois. […] Mais tout d’abord une critique. […] Tout a son prix aux yeux de la critique qui sent l’art comme l’expression presque directe de la nature et de la vie.

1163. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

De toutes les compositions de l’auteur, c’est celle qui, sans sortir des visées qui lui sont chères, échappe le plus à la critique que peut mériter le genre. […] Cet hommage rendu à Dalilci, rien ne nous sépare plus de Sibylle ; car le Jeune Homme pauvre (qui aurait dû s’intituler plutôt le Gentilhomme pauvre), si nous nous y arrêtions, appellerait plus d’une critique du genre de celles qui nous restent à faire, et Sibylle est certainement cousine de la petite Marguerite. […] Feuillet en est arrivé à l’heure critique et décisive.

1164. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Viollet-Le-Duc, né en 1814, avait pour père un homme d’esprit et fort instruit, qui a laissé sa trace dans l’étude critique de notre poésie au xvie  siècle, et pour oncle il avait M.  […] Prenant pour exemple, sur l’Acropole même d’Athènes, l’Erechtheïum, « ce groupe de trois temples ou salles dont deux se commandent, avec trois portiques à des niveaux différents », se replaçant en idée dans ce bel âge de la Grèce, il suppose que le monument terminé, au moment où l’échafaud disparaît et où l’effet d’ensemble se révèle, un mécontent, un critique sort de la foule et accuse publiquement l’architecte d’avoir violé les règles au gré de sa fantaisie ; et l’artiste alors, heureux d’avoir à s’expliquer devant un peuple véritablement artiste et qui saura le comprendre, réfute agréablement son contradicteur, non sans flatter un peu son auditoire : « Celui qui vient de parler si légèrement, Athéniens, est probablement un étranger, puisqu’il est nécessaire de lui expliquer les principes d’un art dans l’exercice duquel vous dépassez les autres peuples. […] Ne dirait-on pas que dans cette lutte pressentie et dès lors peut-être engagée avec le critique et le professeur éminent qui descend de l’Acropole, et sur le terrain même de M. 

1165. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Ce café de la veuve Laurens était donc une espèce de café Procope du temps ; on y politiquait ; on y jugeait la pièce nouvelle ; on s’y récitait à l’oreille l’épigramme de Gacon sur l’Athénaïs de La Grange-Chancel, le huitain de La Grange en réponse aux critiques de M.  […] Avec un auteur aussi peu naïf que Jean-Baptiste, chez qui tout vient de labeur et rien d’inspiration, il n’est pas inutile de rechercher, avant l’examen des œuvres, quelles furent les idées d’après lesquelles il se dirigea, et de constater sa critique et sa poétique. […] Ici, la critique de détail est indispensable, et j’en demande pardon au lecteur.

1166. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Le cours d’histoire du bon Rollin, avec sa candide inintelligence du passé et son absence de critique, est un cours de morale républicaine ; il insinue dans les âmes des sentiments, un besoin d’action libre et généreuse, qui à la longue leur rendront l’ordre social insupportable. […] C’est le cas de Dalembert mathématicien illustre, esprit indépendant, au-dessus de l’ambition et de l’intérêt, ami de son repos jusqu’à l’égoïsme, et jusqu’à renoncer à l’expression publique de ses idées, excitant les autres sous main à se compromettre, et gardant lui-même un silence prudent : critique étroit, fermé à l’art, à la poésie, philosophe intolérant, affolé de haine contre la religion et les prêtres ; écrivain lourd et pâteux, sans tact, d’une inélégance innée, et d’une sécheresse qui se dissimule mal par l’emphase et la fausse noblesse. […] À consulter : Brunetière, Études critiques, t. 

1167. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Seulement l’action des uns est plus diverse et plus inconsciente, celle des autres plus précise et plus critique. […] * * * Le même M. de Wyzewa publie un recueil d’articles critiques, du vieux et du neuf. […] Robert de Bonnières a trop le sentiment des nuances pour ne sentir pas excessive la place que lui fit son critique.

1168. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Le titre de légende indique assez que le jeune écrivain n’a pas prétendu tracer de Rabelais une biographie exacte, rigoureuse et critique, et qu’il ne s’est pas fait faute d’accueillir le Rabelais de la tradition, tel que l’a transformé à plaisir l’imagination populaire. […] Ces esprits-là ne sont pas indifférents comme les autres ; ils ne sont pas tièdes, mais un peu volages et libertins : je crains que, nous autres critiques, nous n’en tenions. […] Rien n’est moins commode que de venir parler convenablement de ces livres, car Rabelais a de ces licences qui ne sont qu’à lui, et que la critique la plus enthousiaste ne saurait prendre sur son compte.

1169. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Et pourquoi ne se hasarderait-on pas de temps en temps dans la critique à traiter quelques-uns de ces sujets qui ne sont pas personnels, où l’on parle non plus de quelqu’un, mais de quelque chose, et dont nos voisins, les Anglais, ont si bien réussi à faire tout un genre sous le titre modeste d’essais ? […] J’y mettrais Molière, le génie poétique le plus complet et le plus plein que nous ayons eu en français : Molière est si grand, disait Goethe (ce roi de la critique), qu’il nous étonne de nouveau chaque fois que nous le lisons. […] Les interruptions, les repos, les sections, ne devraient être d’usage que quand on traite des sujets différents, ou lorsque, ayant à parler de choses grandes, épineuses et disparates, la marche du génie se trouve interrompue par la multiplicité des obstacles, et contrainte par la nécessité des circonstances : autrement le grand nombre de divisions, loin de rendre un ouvrage plus solide, en détruit l’assemblage ; le livre paraît plus clair aux yeux, mais le dessein de l’auteur demeure obscur… Et il continue sa critique, ayant en vue L’Esprit des lois de Montesquieu, ce livre excellent par le fond, mais tout morcelé, où l’illustre auteur, fatigué avant le terme, ne put inspirer tout son souffle et organiser en quelque sorte toute sa matière.

1170. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Ceci est vrai non seulement pour la poésie, mais pour la critique et pour toutes les formes de la pensée. […] Il lui est arrivé une fois d’être un critique de lui-même des plus insistants et des plus sévères. […] Si, en louant de lui cette page d’alors, on semble retirer beaucoup au romancier, ce n’est que pour accorder d’autant plus au critique.

1171. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Or, beaucoup d’autres grands hommes commirent dans les appréciations qu’ils portèrent sur eux-mêmes des fautes de critique analogues. […] Cette faute de critique et cette préférence mettent au service d’une faculté relativement médiocre tout le pouvoir d’effort attentif et conscient, dont la faculté maîtresse se voit privée. […] En même temps l’obscurité du sujet leur permet, durant un temps, de s’en tenir à un enthousiasme qu’aucune critique ne peut atteindre, à des formules d’admiration qui échappent à tout contrôle.

1172. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

La critique à l’égard de Shakespeare est assez injuste ; car précisément Shakespeare fait parler de la façon la plus différente du monde Falstaff et Othello, Iago et Hamlet, les Joyeuses commères et Béatrix, la nourrice de Juliette et Juliette elle-même. Et enfin, il reste quelque chose de la critique, parce que, à la vérité, Shakespeare a été trop grand poète et particulièrement trop grand poète lyrique pour ne pas, un peu, faire parler ses principaux personnages d’une manière qui ne les distingue pas suffisamment les uns des autres. […] De même et d’une façon prolongée, dans la Critique de l’École des Femmes : « Tu ferais mieux de te taire… Je ne veux pas seulement t’écouter… .

1173. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Par leur talent et leur autorité ils provoquent tous les deux l’étude et la critique ; par leur œuvre et leur ascendant, ils appartiennent tous les deux à l’histoire et à la science. […] Qu’il rédige sa Théodicée, ou qu’il achève l’histoire de Mme de Longueville, il a dès à présent fourni au peintre et au critique tout ce que le peintre et le critique peuvent lui demander.

1174. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Cet ordre de considérations générales, sur lequel la critique a peu de prise, parce qu’à cette hauteur, du moment qu’elle n’accepte pas l’élément mystérieux qui dirige, elle n’a plus qu’à tenir terre et à se déclarer incompétente ; cette réduction du problème politique de la société au problème religieux et moral, cet effort et ce retour vers un même but par un côté réputé supérieur, sont devenus assez familiers dans ces derniers temps à beaucoup d’esprits ardents, élevés ; et, pourvu que l’indifférence politique et une sorte de quiétisme transcendant n’en résultent pas dans la pratique et les luttes du citoyen, il n’y a rien à redire à cette manière de coordonner et d’étager les questions. […] C’a été le constant effort de ma critique et le devoir qu’elle s’imposa dès le premier jour : signaler le nouveau, de quelque part qu’il vînt.

1175. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Il n’en fut pas ainsi de Diderot, qui, n’ayant pas cette tournure d’esprit critique, et ne pouvant prendre sur lui de s’isoler comme Buffon et Rousseau, demeura presque toute sa vie dais une position fausse, dans une distraction permanente, et dispersa ses immenses facultés sous toutes les formes et par tous les pores. […] Ce serait pour nous une trop longue, quoique bien agréable tâche, de rechercher dans ces volumes et d’extraire tout ce qu’ils renferment d’idées et de sentiments par rapport à l’amour, à l’amitié, à la haute morale et à la profonde connaissance du cœur ; au spiritualisme panthéistique, véritable doctrine de notre philosophe ; à l’art, soit comme théorie, soit comme critique, soit enfin comme production et style.

1176. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Mais il n’en a pas fait la critique : il n’avait ni l’âme ni la méthode d’un savant. […] Mesnard, Paris, Hachette, 1869. — À consulter : Taine, Essais de critique et d’histoire ; E.

1177. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Il offre très peu de prise au bavardage de la critique. (La critique, ah !

1178. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

Rien ne résiste à sa douce critique. […] Le prix de la philosophie d’Anatole France est qu’elle est critique jusqu’à la négation, sans aboutir à un acte de foi.

1179. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

La critique fit la grimace à Chantecler, qui pourrait bien être son chef-d’œuvre. […] Imprudents éditeurs qui ne voient pas qu’ils tuent la poule aux œufs d’or et qu’en voulant domestiquer la critique, ils lui enlèvent tout crédit !

1180. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Swift29 I C’est le traducteur de Burns qui traduisit pour la première fois les Opuscules humoristiques de Swift, et quoique nous eussions mieux aimé qu’il eût traduit les œuvres complètes, cependant son travail mérite d’arrêter l’attention de la Critique ; car ce travail donne une idée, très vive et très nette, de l’esprit de Swift. […] Même dans son pays et dans sa langue, l’astre de Swift a déjà pâli et ira chaque jour en décroissant, et par la souveraine raison que nous avons déjà donnée, mais que la Critique, cette vigie qui parle, doit incessamment répéter : c’est qu’en littérature tout ce qui ne s’appuie pas sur la grande nature humaine, doit, de nécessité périr !

1181. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Si son nom nous était jamais passé sous les yeux dans ce tourbillon de journaux, de revues et de livres dont la pauvre Critique a quelquefois la berlue, il était bien passé. […] Pour cela, de notre autorité privée, nous ferons, comme critique, ce que lui n’a pas fait comme poète.

1182. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Qui peut dédommager un homme de talent, surtout quand il commence à naître et qu’il a besoin d’un peu de succès pour se développer ; qui peut le dédommager de l’inattention, du silence, de l’oubli, de toutes ces horribles choses qui viennent s’entasser autour de son livre et l’intercepter au public, qui le lirait, si la Critique, vigie infidèle, avait dit le mot qu’elle doit dire et avait averti ? […] c’est cet avertissement que je veux donner aujourd’hui, à propos d’un livre dont on n’a point parlé, que je sache, et qui, de présent, peut se croire très-parfaitement étouffé par messieurs les muets de la critique contemporaine.

1183. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Il faut avouer que les deux élèves de Charles Moreau n’épargnaient pas toujours leur maître pendant son absence, et que le tableau de Virginius servait souvent de texte à leurs malicieuses critiques. […] Quoique Lullin fût déjà assez versé dans la lecture des auteurs classiques, son goût cependant n’était pas plus affermi que sa critique. […] Cette mauvaise querelle, jointe à des critiques que le directeur fit sur la composition même, causèrent beaucoup d’ennuis à David, qui cependant lut bientôt dédommagé par les éloges du public. […] Ce peintre a toujours eu le grand défaut de ne consulter personne et de n’écouter ni conseils ni critiques pendant l’exécution de ses ouvrages. […] L’éditeur des œuvres posthumes de Girodet s’est abstenu d’y insérer la seule pièce de vers où l’artiste ait laissé couler librement sa verve, à l’occasion des critiques qui parurent en 1806 sur la Scène de Déluge.

1184. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « epigraph »

La Critique de l’École des femmes, scène viii.

1185. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Tous, quatre, à la vérité, ont été déjà étudiés, décrits, analysés, par des maîtres illustres ou par des critiques éminents ; mais, comme le faisait remarquer M.  […] Plût au ciel que, même avec ce Tue-moi trop répété et qui prêtait à la critique, il eût trouvé encore de pareilles scènes, et qu’il ne se les fût pas refusées ! […] Doudan, une sorte de Henri Heine français par l’imagination et la fantaisie mêlées à la plus fine critique, écrit à M.  […] Scudéry, cette fois, ne trouva pour le Cid que des critiques et des railleries. […] Un autre critique, M. 

1186. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

La critique naturaliste, amie des besognes faciles, s’est complu à cet exercice. […] Il est dénué, mais au dernier point, de tout sens critique. […] Il a fait en critique de la littérature d’imagination. […] On a signalé dans sa critique un côté aventureux, certains jugements téméraires. […] C’est ce qui fait l’unité de son œuvre critique.

1187. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Converset, Jean-Joseph (1862-192.) »

Charles Buet Assurément, Philippe sans terre n’est pas un drame sans défaut, et la critique y trouverait à reprendre.

1188. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

La diction d’Hérodote, dit ailleurs le même critique, est à la fois gracieuse et belle. […] Quelques scènes de ce drame, citées par un critique anglais de nos jours, ont un charme exquis de naturel et d’élégance. […] Au reste, il est difficile d’atteindre sur ce point à tout l’enthousiasme des critiques anglais. […] On admire beaucoup en Angleterre la pièce qu’un de nos critiques a le plus accablée de sa superbe raison. […] Il recherchait en même temps l’amitié de Walsh, le plus habile critique de cette époque.

1189. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » p. 408

Valois, [Adrien de] frere puîné du précédent, Historiographe de France, & savant Critique, comme lui, mais plus modeste.

1190. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Bayle a jugé à propos de consacrer à cet Auteur obscur un article assez long dans son Dictionnaire critique.

1191. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 383

Le Théophraste moderne, les Portraits sérieux, galans & critiques, ont sans doute été faits dans cette louable intention ; mais il ne suffit pas de traiter les mêmes sujets, pour mériter les mêmes honneurs.

1192. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 534

Pour sauver ces sortes de Productions du naufrage des temps, il faut un style châtié, une critique exacte, des raisonnemens solides ; & voilà justement ce que Coeffeteau n’avoit pas.

1193. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 392

Fréron, il a enrichi l’Année Littéraire de plusieurs articles écrits avec autant de sagesse que de goût, & capables de consoler les Amateurs de la bonne critique de la perte de ce Journaliste, si ces articles étoient en plus grand nombre.

1194. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article »

On ne peut cependant lui refuser de l'érudition, de la critique, & même du jugement, excepté dans le choix d'une matiere aussi épineuse que celle qu'il avoit entreprise.

1195. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Doncieux, George (1856-1903) »

Amis et amies est du moyen âge humain et légendaire, où le critique et le poète ont heureusement collaboré.

1196. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nardin, Georges »

Georges Nardin a publié diverses études ou critiques d’art et des articles à la Revue contemporaine.

1197. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article »

d’] Abbé, né à Vienne en Dauphiné, est connu par de nouveaux Mémoires d’Histoire, de Critique & de Littérature ; compilation où l’on trouve des choses curieuses parmi un grand nombre de fort inutiles.

1198. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 412

Il a cru sans doute l’emporter, par le volume, sur son prédécesseur ; triste avantage qui ne fait pas oublier les défauts de critique & de style, qui, au contraire, les fait mieux sentir & moins pardonner.

1199. (1897) Aspects pp. -215

Il faut cependant que je critique encore certaine déclaration de M.  […] Jean Jullien appartient à la troisième catégorie de critiques. […] Des critiques influents suffoquèrent. […] Pour la critique de M.  […] Le Blond qu’une seule critique.

1200. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Personne n’en a fait un plus bel éloge que Saint-Simon, par la manière même dont il le critique. […] Quand le roi hésitait sur une pièce, qu’il n’en avait rien dit à son souper, tout aussitôt on s’échappait en mille critiques contre Molière. […] C’est cette communauté de sujet dont on n’a pas manqué de faire une critique au poète français, accusé d’avoir par dénûment d’invention imité le poète latin. […] C’est par ce trait que se distingue, entre tant de figures imposantes, la figure du grand critique. […] L’effet de ces études renouvelées fut de perfectionner son goût, de régler cette force qui, dans ses premiers sermons, a paru à de bons critiques excessive.

1201. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Audy, Auguste (18..-1...) »

Mais ceci n’est pas une étude critique.

1202. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article »

On sait que cette Piece est une critique ingénieuse des Fables de la Mothe.

1203. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 59

On ne peut pas dire que ce Traité soit complet & exempt de défauts ; mais un Ecrivain habile, qui sauroit en conserver les matériaux, les employer avec plus de discernement & de critique, auroit peu de chose à faire, pour en tiret un grand parti & rendre des services précieux à cette partie essentielle de tout Gouvernement éclairé.

1204. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 353

Il auroit dû au moins, avant toutes choses, acquérir plus de jugement, de critique & de véracité.

1205. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 16

Il y joint encore celui d’avoir enrichi sa Traduction, non pas, comme certains Traducteurs, d’une Préface parasite & déclamatoire, mais d’un Discours plein de réflexions, de critique, de goût, & aussi propre à donner une juste idée des anciens Orateurs, qu’à former les Orateurs modernes.

1206. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richard, Maurice (18..-19.. ; auteur dramatique) »

Richard, dans un poème liminaire, prie le critique d’être indulgent ; on n’a besoin que d’être juste avec un poète qui sut trouver ces très beaux vers français (il s’agit d’un lion) : Les larges gouttes d’or qui forment ses prunelles Semblent vouloir saisir et renfermer en elles L’image du soleil à son dernier rayon et une délicieuse ballade latine où je note ceci : Vita fugacior rosâ Quae floret mysteriosa In valle Tempe frondosâ.

1207. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vernier, Valery (1828-18..?) »

Valery Vernier donna en 1857 Aline, roman en vers, dont la critique a justement loué la délicatesse et la grâce attendrie.

1208. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 383

Il a su écarter, dans ses Lettres critiques, cet appareil de Théologie scolastique, qui éloigne & décourage le Lecteur.

1209. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 387

Rapin, sur les Jardins, ce qu’il a fait de meilleur consiste dans des Lettres critiques sur quelques Tragédies modernes.

1210. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article »

De plusieurs Ouvrages qu’il a faits, on n’estime aujourd’hui que son Histoire des Croisades contre les Albigeois : elle suppose de grandes recherches, de la critique, & sur-tout l’art de les fondre habilement dans le cours de la narration.

1211. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article »

Plusieurs de ses Dissertations, insérées dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, intéressent par l’utilité & le plaisir qu’on trouve à les lire ; il a su y répandre des recherches lumineuses, une critique saine, des réflexions utiles, une méthode & une clarté qui instruisent le Lecteur, sans lui faire acheter l’instruction par l’ennui.

1212. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Lanfrey, un jeune critique de mérite, a, dans une revue, porté un jugement des plus sévères sur l’ensemble de l’ouvrage, et il a particulièrement insisté sur l’absence d’un certain caractère, d’un certain cachet à la Tacite. […] Je veux savoir comment tout s’est passé de point en point dans cette héroïque aventure, comment on a gagné Cannes, manqué Antibes, pourquoi on a suivi la route des montagnes, et comme quoi Sisteron n’était point gardé, et les défilés heureusement franchis, et le moment critique à La Mure en avant de Grenoble, et tout enfin, car aucun détail ici n’est indifférent.

1213. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Hippolyte Babou est celui dont le nom revient le plus souvent, et qui a le plus donné : je lui ai, en ce qui me concerne, une obligation si entière pour la manière indulgente dont il a parlé du poëte en moi, que je pourrais être embarrassé désormais à qualifier et à définir sa critique. […] Asselineau, avec lui, a été l’un des ouvriers les plus actifs de cette tour immense à tant d’étages qui n’est pas une Babel : esprit net et vif, plume dégagée, il a su apporter dans l’exercice de son rôle critique une conscience, un soin qui est déjà une bienveillance et qui est fait pour toucher le cœur des vieux poëtes : demandez plutôt à notre vieil ami, Ulric Guttinguer.

1214. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

« Dans les portraits littéraires que j’esquisse, dit un critique contemporain3, je ne cherche qu’à reproduire l’image que je me forme involontairement de chaque écrivain, en négligeant ce qui dans son œuvre ne se rapporte pas à cette vision. » Voilà précisément comme vous devez faire. […] Si les peintres ne s’accordent pas sur un visage, s’il n’y a pas deux portraits de Marie Stuart qui se ressemblent, si deux photographies même du même original diffèrent tant parfois, comment historiens et critiques s’accorderaient-ils sur l’homme moral ?

1215. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

Gardez-vous d’exagérer votre activité… Il faut que l’art soit la règle de l’imagination pour qu’elle se transforme en poésie… » Critique admirable et digne absolument de l’esprit sans règle et sans frein dont les premiers tumultes se faisaient entendre à tout le genre humain. […] [Précis historique et critique de la littérature française (1895).]

1216. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Mais, ajoute Voltaire, les connaisseurs rendirent bientôt à Molière les suffrages de la ville, et un mot du roi lui donna ceux de la cour. » Le suffrage du roi, qui explique très bien celui de la cour, et celui des connaisseurs de la ville, s’explique très clairement lui-même par l’intérêt qu’avait le prince à diminuer la considération des sociétés graves, de mœurs honnêtes, d’occupations nobles, à rendre ridicules les censeurs de ses désordres ; et c’est ce que Molière entreprit dans sa comédie des Femmes savantes, où il représente tout savoir dans les femmes comme une méprisable pédanterie, et toute critique, ou toute censure exercée de fait sur les opinions et les mœurs de la cour, comme une insolence digne de châtiment. […] Voici d’autres exemples fort remarquables de fausses applications, dans Les Femmes savantes : Charpentier, directeur perpétuel de l’Académie française, et l’un des fondateurs de l’Académie des inscriptions, le même que Louis XIV avait chargé des inscriptions à mettre sous les peintures de Versailles, et de la composition des médailles de son règne, le même que Boileau appelle le gros Charpentier, s’avisa de dire un jour, ou du moins le Carpenteriana lui fait dire que la marquise de Rambouillet s’était indignée de l’impertinence de Molière, qui avait joué les femmes de sa société et elle-même dans Les Femmes savantes, et que Ménage, à qui elle demandait vengeance, avait eu le courage de déclarer la pièce un ouvrage parfaitement beau, au-dessus de tout reproche et de toute critique.

1217. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

On objectera peut-être ici que les deux mots de guerre ont depuis quelque temps changé encore d’acception, et que certains critiques sont convenus d’honorer désormais du nom de classique toute production de l’esprit antérieure à notre époque, tandis que la qualification de romantique serait spécialement restreinte à cette littérature qui grandit et se développe avec le dix-neuvième siècle. […] On a rassemblé ci-dessus quelques exemples pareils entre eux de ce faux goût, empruntés à la fois aux écrivains les plus opposés, à ceux que les scholastiques appellent classiques et à ceux qu’ils qualifient de romantiques ; on espère par là faire voir que si Calderon a pu pécher par excès d’ignorance, Boileau a pu faillir aussi par excès de science ; et que si, lorsqu’on étudie les écrits de ce dernier, on doit suivre religieusement les règles imposées au langage par le critique, il faut en même temps se garder scrupuleusement d’adopter les fausses couleurs employées quelquefois par le poëte.

1218. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Le philosophe étoit perdu, s’il répondoit à ses critiques : il ne se défendit point. […] Dumarsais, jeune encore, avide de se faire un nom, n’ayant à risquer ni place ni fortune, admirateur de Fontenelle & plus philosophe que lui, plus idolâtre de la liberté des sentimens, écrivit pour le justifier contre les imputations de son critique.

1219. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

En 1661 il donna la Comédie de L’École des Maris et celle des Fâcheux ; en 1662 celle de L’École des Femmes et la Critique, et ensuite plusieurs pièces de Théâtre qui lui acquirent une si grande réputation, que Sa Majesté ayant établi en 1663 des gratifications pour un certain nombre de Gens de Lettres, Elle voulut qu’il y fût compris sur le pied de mille francs. […] Il a épuisé toutes les matières qui lui ont pu fournir quelque chose, et si les critiques n’ont pas été entièrement satisfaits du dénouement de quelques-unes de ses Comédies, tant de beautés avaient prévenu pour lui l’esprit de ses auditeurs, qu’il était aisé de faire grâce à des tâches si légères.

1220. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Lorsque deux nations rivales telles que l’angloise & la françoise s’accordent sur le mérite d’un ouvrage, le critique de plus mauvaise humeur n’a plus rien à dire. […] Du Spectateur anglois sont sortis le Spectateur françois de Marivaux, écrit avec trop d’affectation ; le Misantrope de Van Effen, qui dit des vérités utiles ; la Spectatrice Danoise, par M. de la Baumelle, qui a des meilleurs titres pour plaire aux gens de goût ; le Nouveau Spectateur, par M. de Bastide qui, avec de l’esprit, n’a pas pu égaler l’ancien ; le Monde, par le même, ouvrage périodique de morale critique, où l’on trouve des morceaux intéressans.

1221. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

Eh bien, c’est cette sensation d’un seul soir que j’ai retrouvée, non plus à propos de quelques vers isolés et bientôt dits, mais à propos de beaucoup de pages de prose, à vingt places de ces Portraits après décès où la Critique peut constater des empreintes d’âme à renverser toutes les idées qu’on se fait de Monselet et de son talent ! […] Or bien, voilà que tout à coup le poète, qui n’est plus celui de l’Amour et du Plaisir, mais de la douleur, venue enfin, comme elle vient toujours, par la vie, s’est mêlé, en ce livre de Portraits, au critique de la réflexion, et tout cela dans une si heureuse mesure qu’on se demande maintenant si le Monselet du pâté de foie gras n’était pas un mythe… ou un mystificateur, qui nous jouait, avec sa gastronomie, une comédie littéraire, et qui avait mis, pour qu’on ne le fît pas trop souffrir, son cœur derrière son ventre, mais non dedans !

1222. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

L’homme de lettres, on le cherche en vain, on ne le trouve pas ; et le critique, qui est au-dessus de l’homme de lettres, naturellement encore moins. […] Avec ce beau sujet de la Satire en France pendant le Moyen Âge, avec ce titre d’un bonheur terrible, car le livre doit en mourir s’il n’est pas au niveau de ce titre heureux, la Critique, qui était en droit d’exiger des généralités de génie ou une histoire à fond, ne trouve devant elle que les allures pressées, mal appuyées et sans trace, du tableau ou de la leçon.

1223. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Assurément, ce serait une analyse curieuse à faire, et très digne, du reste, de la Critique, qui doit regarder autant à l’effet des livres qu’à leur substance, que de rechercher les causes de l’insouciance affectée pour le livre de Crétineau-Joly… Qui sait ? […] Et, pamphlet ou libelle alors, un pareil livre doit prendre, sous l’examen et les réserves de la Critique, la place qu’on eût bien voulu lui ôter et dont il est digne, parmi ces compositions graves et consciencieuses qu’il est convenu d’appeler de l’Histoire.

1224. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

Franchement, la critique, sans être sévère, n’est-elle pas en droit d’exiger quelque chose de plus ? […] Hatin, la Critique peut fermer les yeux au moins de sommeil ; mais elle ne peut que les détourner devant des grossièretés ignobles dont l’Histoire de la Presse, si étable d’Augias soit-elle, ne peut pas décemment être le tombereau.

1225. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

J’ose penser… que, si les temps avaient été moins critiques, moins irritants, on n’aurait pas cru pouvoir consciencieusement me condamner à mort ni à de longues années d’une affreuse captivité. […] Par le ton, par la vie morale qui y circule, par le dédain de tout ce qui n’est pas la vérité de Dieu, ce recueil de lettres est au-dessus de toute critique.

1226. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Villemain, dont nous parlerons, quand nous parlerons des critiques, y poursuit la poésie lyrique, M.  […] C’est par trop… chinois, cela, et mérite le bambou de toute critique qui en a un !

1227. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Nous arrivons au dix-huitième siècle, dont la philosophie n’est plus qu’une négation, une critique de philosophie, qui finit et se renouvelle dans Turgot, Condorcet, Herder, Kant, et M. de Beauverger nous dit : Sieyès. […] La foi en ces choses que la Philosophie travaille à la main, — les Constitutions, — a incliné M. de Beauverger à une admiration compromettante, parfaitement indigne d’un esprit qui a souvent de la critique et de justes appréciations.

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