Souvenez-vous que là-bas les femmes vont par plaisir aux meetings et se divertissent à écouter pendant une demi-journée des discours sur l’ivrognerie ou sur l’échelle mobile ; ces patientes personnes n’exigent point que la conversation soit toujours alerte et piquante. […] Ils me firent penser à ces airs célestes qui accueillent les âmes envolées des justes à leur entrée dans le paradis pour effacer le souvenir de leur récente agonie et les préparer aux plaisirs de ce lieu bienheureux.
« Hérodote d’Halicarnasse expose ici le résultat de ses recherches, afin que le souvenir des événements passés ne se perde pas avec le temps ; que les grandes et mémorables actions, soit des Grecs, soit des barbares, aient une juste célébrité, et que la cause des guerres qui ont éclaté entre eux soit connue. » Il attribue toutes ces causes à des enlèvements de belles femmes, telles qu’Hélène, Médée. […] « Harpagus, au comble de la joie de voir Astyage dans les fers, le poursuivit d’injures, et, entre autres insultes, animé par le souvenir de l’horrible repas où il avait été contraint de manger les membres de son propre fils, il demanda à Astyage : « comment il trouvait l’esclavage, après la royauté ?
Souvenez-vous des paroles de Louis XIV, si exactes, si modérées : « M. l’archevêque de Cambrai est le plus chimérique des beaux esprits de mon royaume. » Bel esprit, voilà la part de l’estime : on ne le disait pas alors par ironie ; chimérique, voilà la cause de tous les défauts de Fénelon. […] Son Jupiter est un souvenir de collège.
Cette période, mesurée au nombre des années, doit avoir été extrêmement longue, et lorsque nous nous souvenons que quelques plantes ou animaux naturalisés se sont répandus dans de vastes régions en quelques siècles, cette période doit avoir suffi pour quelque somme de migration que ce soit156. […] Les êtres ainsi abandonnés sur ces rivages peuvent être comparés à ces races humaines sauvages, qui, chassées dans les montagnes de chaque contrée, y survivent, comme en des forteresses, pour y perpétuer la trace et le souvenir, plein d’intérêt pour nous, des premiers habitants des basses terres environnantes.
Pour bien peser la valeur de ce principe de classification, il faut se souvenir que des considérations purement généalogiques ont toujours et partout fait ranger ensemble dans la même espèce les deux sexes, les divers âges et même les variétés reconnues, quelles que fussent leurs différences de structure et d’organisation. […] D’après ce même principe, si l’on se souvient que, lorsque des organes s’atrophient, soit par défaut d’exercice, soit par sélection naturelle, ce ne peut être en général qu’à une période de la vie où l’être organisé doit pourvoir à ses besoins ; et si l’on songe d’autre part quelle est la force du principe d’hérédité, l’existence d’organes rudimentaires, de même que leur avortement complet, résultant de leur lente résorption, ne nous offre plus aucune difficulté particulière, et leur présence aurait même pu être prévue.
Les rêves éblouissants de sa jeunesse et les souvenirs de son âge mûr se rassemblaient en lui, autour des dogmes calvinistes et des visions de saint Jean, pour former l’épopée protestante de la Damnation et de la Grâce, et l’immensité des horizons primitifs, les flamboiements du donjon infernal, les magnificences du parvis céleste ouvraient à « l’œil intérieur » de l’âme des régions inconnues par-delà les spectacles que les yeux de chair avaient perdus. […] De tels souvenirs, tombant sur des âmes puissantes, imprimèrent en elles des haines inexpiables, et les écrits de Milton témoignent d’un acharnement que nous ne connaissons plus. […] Au milieu de ses syllogismes, Milton prie, soutenu par l’accent des prophètes, entouré par les souvenirs de la Bible, ravi des splendeurs de l’Apocalypse, mais retenu à la porte de l’hallucination par la science et la logique, au plus haut de l’air serein et sublime, sans monter dans la région brûlante où l’extase fond la raison avec une majesté d’éloquence et une grandeur solennelle que rien ne surpasse, dont la perfection prouve qu’il est entré dans son domaine, et au-delà du prosateur promet le poëte484 : « Toi qui siéges dans une gloire et dans une lumière inaccessibles, père des anges et des hommes !
Bossuet n’oublie pas que nous sommes les créatures de Dieu ; en nous parlant de nos misères, il se souvient de notre origine. […] A mesure que le souvenir de l’anarchie, qui avait fait sa principale vertu, s’est éloigné, et que le mal qui lui est inhérent s’est fait sentir, l’idéal de Bossuet a paru ce qu’il est en effet, ce qu’il sera toujours en France, le plus glorieux, mais le moins durable des expédients politiques. […] Le combat de ces deux grands prélats est un des plus beaux souvenirs de l’histoire de notre littérature.
C’est même la récente victoire sur les Perses dont le peuple n’a pas perdu le souvenir. […] Souvenons-nous que la Réforme, au temps d’Henry VIII et d’Élisabeth, n’entama en aucun point la substance même du dogme, sinon en celui qui concerne la suprématie du siège de Pierre ; ce fut plutôt un schisme : suscitée par la politique, elle demeura politique. […] Cette transposition nécessaire — souvenez-vous de la première scène du Médecin malgré lui — porte sur les mots, sur les gestes, sur les mouvements, sur les groupements, et par extension sur les couleurs, pour composer une fresque mouvante, image exacte de l’action entièrement suscitée par le texte écrit, inscrite dans ce texte même.
C’est là que le premier consul a montré cette puissance d’attention et cette sagacité d’analyse qu’il peut porter vingt heures de suite sur une même affaire, si sa complication l’exige, ou sur divers objets, sans en mêler aucun, sans que le souvenir de la discussion qui vient de finir, la préoccupation de celle qui va suivre le distraient le moins du monde de la chose à laquelle il est actuellement occupé.
J’ai vu le modèle qui n’attend plus que le marbre : Froissart encore jeune, et à cet âge où le poète en lui pouvait plaire, y est représenté assis, non plus en quête et questionnant, mais tel qu’il devait être, lorsque, rentré dans sa ville natale, il recueillait ses souvenirs et les couchait par écrit pendant des heures de méditation légère29.
J’ai été un peu grondé par quelques organes de la presse catholique pour cette réminiscence du Vicaire de Wakefield : que serait-ce si je m’étais laissé aller à un souvenir littéraire beaucoup plus voisin et si j’avais fait quelque allusion à un personnage d’un des meilleurs romans modernes, l’abbé Courbezon, que l’auteur, M.
Si je consulte des souvenirs personnels, je n’hésiterai pas à entendre ex alto de la mer.
Il ruminait (à travers toutes les dissemblances) le fier et amer souvenir du connétable de Bourbon.
Disons seulement qu’elle fut fidèle aux souvenirs et aux admirations de sa jeunesse, à l’ancienne et galante cour, comme elle l’appelait ; elle remontait ainsi en idée jusqu’aux Bellegarde et aux Bassompierre : tout ce qui survenait de nouveau, même à Versailles, lui paraissait peu poli ; elle ne s’y mêlait que malgré elle, et se croyait au moment de perdre les seuls derniers auditeurs auxquels volontiers elle s’adressait : Que ferez-vous alors ?
Quand on veut se dire que rien n’est bien nouveau sous le soleil, que chaque génération s’évertue à découvrir ou à refaire ce que ses pères ont souvent mieux vu, qu’il est presque aussi aisé en effet de découvrir de nouveau les choses que de les déterrer de dessous les monceaux croissants de livres et de souvenirs ; quand on veut réfléchir sans fatigue sur bien des suites de pensées vieillies ou qui seraient neuves encore, oh !
Moi-même j’ai essayé de marier quelques filles en les assistant et j’y ai trouvé le même raisonnement comme si tous s’étaient donné le mot615. » — « Un de mes curés me mande qu’étant le plus vieux de la province de Touraine, il a vu bien des choses et d’excessives chertés de blé, mais qu’il ne se souvient pas d’une aussi grande misère (même en 1709) que celle de cette année-ci… Des seigneurs de Touraine m’ont dit que voulant occuper les habitants par des travaux à la campagne, à journées, les habitants se trouvent si faibles et en si petit nombre, qu’ils ne peuvent travailler de leurs bras. » Ceux qui peuvent s’en aller s’en vont. « Une personne du Languedoc m’a dit que quantité de paysans désertent cette province et se réfugient en Piémont, Savoie, Espagne, effrayés, tourmentés de la poursuite du dixième en régie… Les maltôtiers vendent tout, emprisonnent tout, comme housards en guerre, et même avec plus d’avidité et de malice, pour gagner eux-mêmes. » — « J’ai vu un intendant d’une des meilleurs provinces du royaume, qui m’a dit qu’on n’y trouvait plus de fermiers, que les pères aimaient mieux envoyer leurs enfants vivre dans les villes, que le séjour de la campagne devenait chaque jour un séjour plus horrible pour les habitants… Un homme instruit dans les finances m’a dit qu’il était sorti cette année plus de deux cents familles de Normandie, craignant la collecte dans leurs villages. » — À Paris, on fourmille de mendiants ; on ne saurait s’arrêter à une porte que dix gueux ne viennent vous relancer de leurs clameurs.
Il est curieux qu’au milieu de cette abondance de souvenirs, sa mémoire ne lui représente jamais qu’il a été conseiller au Parlement, robin : il se pose en homme d’épée, en soldat.
C’est prudence plutôt qu’aversion : elle se souvient du Mondain. une apologie du luxe, irrespectueuse de la Bible, pour laquelle Voltaire a dû précipitamment aller voir la Hollande en 1730.
Mais il n’y a pas grand’chose en tout cela de nouveau : le mélange des genres, des styles, nous connaissons cela par Diderot et par le drame bourgeois du xviiie siècle ; et pour les unités de temps et de lieu, elles manquent déjà à plus d’une pièce : souvenez-vous seulement de Beaumarchais.
Les deux villes anglaises, au ras d’un souvenir s’effacent, avec leurs reliquaires de savoir, flèches, enfin ; par une perspective, me laissant, dira-t-on, terre à terre : n’importe, si le sol est le nôtre et que j’y découvre ce noble pécule.
Il était le plus habile, le plus patient, et il avait affaire à un parti mal dirigé qui ne savait opposer à la force d’une croyance ardente et à la popularité d’une chose nouvelle que le souvenir de la licence des anciennes mœurs, ou le regret de prérogatives abolies.
On ne comprendrait pas pourquoi le créateur nous aurait donné des organes destinés à nous crier sans cesse : Souviens-toi que l’espace a trois dimensions, puisque le nombre de ces trois dimensions n’est pas sujet au changement.
Il ne les retrouve plus qu’à l’état de souvenirs.
Qu’aurait dit Tacite, si on lui eût annoncé que tous ces personnages qu’il fait jouer si savamment seraient alors complètement effacés devant les chefs de ces chrétiens qu’il traite avec tant de mépris ; que le nom d’Auguste ne serait sauvé de l’oubli que parce qu’en tête des fastes de l’année chrétienne on lirait : Imperante Caesare Augusto, Christus natus est in Bethlehem Juda ; qu’on ne se souviendrait de Néron que parce que, sous son règne, souffrirent, dit-on, Pierre et Paul, maîtres futurs de Rome ; que le nom de Trajan se retrouverait encore dans quelques légendes, non pour avoir vaincu les Daces et poussé jusqu’au Tigre les limites de l’Empire, mais parce qu’un crédule évêque de Rome du VIe siècle eut un jour la fantaisie de prier pour lui ?
Mais une fois que Rousseau, dans l’Emile et dans ses Confessions, a su tantôt montrer l’épanouissement progressif de cette fleur délicate qui s’appelle un enfant, tantôt rajeunir ces souvenirs du premier âge qui gardent pour la plupart d’entre nous la fraîcheur d’une matinée de printemps, c’est à qui s’avisera de regarder et de saisir sur le vif les joies et les douleurs naïves, les drames, les méfaits, les prouesses, les mille et une expériences de la vie enfantine.
Justement, voici deux bourgeois en paletot qui se rencontrent sous un réverbère ; ils vont parler de choses très sérieuses, raviver des souvenirs tout saignants encore : les familles dispersées, le déchirement des séparations, les femmes et les enfants abandonnant la ville assiégée.
Elle rappelle à son mari, avec une rage de dégoût, je ne sais quel honteux souvenir d’amour aviné, et on dirait qu’elle lui crache au visage les baisers de sa nuit de noces.
De nos jours, nous restituant les modes des mentalités anciennes, tel roi nègre de la côte africaine fait immoler aux fêtes qui commémorent le souvenir de l’aïeul un cortège de messagers ; du sommet d’un rocher on les précipite dans un abîme, munis de présents, de souhaits et de nouvelles qu’ils ont mission de porter à l’ancêtre.
14 mai Charles Edmond, qui a vécu partout et connu tout le monde, et qui, de temps en temps, dans la causerie, entrouvre ses mémoires, et en tire une curieuse figure, un souvenir caractéristique, nous conte ceci, à propos de la susceptibilité nationale des Italiens.
Et de même les souvenirs de la vie de famille, les lettres quotidiennes d’où s’exhale le parfum de bonheur et de tendresse qui circule dans une maison heureuse, loin d’alanguir ce jeune cœur, l’affermissent.
Mais quand on accorderait ce privilège aux Romains, il faudrait convenir que leurs traditions ne présentent que des souvenirs obscurs, que des tableaux confus, et qu’avec tout cela la raison ne peut s’empêcher d’admettre ce que nous avons établi sur les antiquités romaines.
Devant une action héroïque, au souvenir d’un grand dévouement, même à la pensée des vérités les plus abstraites puissamment enchaînées entre elles dans un système admirable à la fois par sa simplicité et par sa fécondité ; enfin devant des objets d’un autre ordre, devant les œuvres de l’art, ce même phénomène se produit en nous. […] La mémoire est double : non seulement je me souviens que j’ai été en présence d’un certain objet, mais je me représente cet objet absent tel qu’il était, tel que je l’ai vu, senti, jugé : le souvenir est alors une image. […] Son caractère distinctif est d’ébranler fortement l’âme en présence de tout objet beau, ou à son seul souvenir, ou même à la seule idée d’un objet imaginaire. […] Mais de loin, les défauts disparaissent ou s’affaiblissent, les nuances se mêlent et se confondent dans le clair-obscur du souvenir et du rêve, et les objets plaisent mieux parce qu’ils sont moins déterminés. […] Là, sans doute, on peut retrouver des signes ou des souvenirs de l’humanité, et, si c’était ici le lieu, nous examinerions à notre tour les récits des voyageurs, et nous trouverions jusque dans ces ténèbres de l’enfance ou de la décrépitude d’admirables éclairs, de nobles instincts, qui déjà se font jour ou subsistent encore, présagent ou rappellent l’humanité.
Vous les protégez : c’est à eux qu’il appartient d’éterniser le souvenir de vos vertus. […] il ne me reste De mes contentemens Qu’un souvenir funeste Qui me les convertit à toute heure en tourmens. […] Un de mes personnages lit également l’histoire de Judith & se souvient de l’avoir lue ; mais je n’en fais pas un de mes Héros. […] Les uns se plaignaient de ce qu’il s’était souvenu d’eux ; les autres de ce qu’il avait paru les mettre en oubli. […] Mais, poursuivit-il, en s’adressant à quelques jeunes Auteurs, souvenez-vous que rien n’est plus facile que d’ennuyer en raisonnant.
Il vaut mieux, moralement, que son œuvre, ce qui, je le reconnais, n’est pas beaucoup dire ; mais il y a tant d’auteurs qui, moralement, sont beaucoup au-dessous de leurs œuvres qu’il faut retenir ce trait de Molière et bien s’en souvenir, pour que les sévérités que l’on pourra avoir pour l’œuvre soient maintenues peut-être à l’égard de l’auteur, mais ne noircissent pas l’homme lui-même. […] Une partie de la pièce est un guignol, c’est-à-dire une pièce à travestissements burlesques : Sganarelle, faux médecin est surpris par le père de famille sans habit de médecin, il dit qu’il est le frère du médecin et qu’il lui ressemble comme deux gouttes d’eau se ressemblent (souvenir de cela dans le Malade imaginaire) ; il se présente au père de famille tantôt en habit de médecin, tantôt en habit bourgeois, avec une grande rapidité de changement de costume, pour faire croire à l’existence réelle de deux personnages ; il se présente même, du haut d’une fenêtre, sous l’aspect des deux personnages, étant en habit bourgeois mais tenant de sa main et du coude le chapeau, la fraise et la robe du médecin, etc. […] La comédie ne corrige personne, puisque, pour qu’elle corrigeât quelqu’un, il faudrait qu’on se reconnût dans les portraits qu’elle présente, ce qui n’arrive jamais, M. de Soyecourt a laissé un agréable souvenir dans la mémoire de Molière ; car il a tracé à nouveau sa silhouette en quelques vers dans le Misanthrope : Dans le brillant commerce il se mêle sans cesse, Et ne cite jamais que duc, prince ou princesse : La qualité l’entête ; et tous ses entretiens Ne sont que de chevaux, d’équipage et de chiens… L’École des femmes Dans l’École des femmes, Molière a repris la question et la thèse dont il s’était occupé dans l’École des maris, mais à un point de vue nouveau et assez différent, Dans l’École des maris, il était question surtout de l’éducation des filles ; dans l’École des femmes, il est question surtout de l’instruction des filles. […] Maurice Barrès s’en soit souvenu dans le petit ouvrage où il se peint lui-même donnant des coups de bâton à M. […] Fénelon, très indulgent à son égard, se borne à dire qu’il lui est arrivé de donner un tour généreux au vice, et il me semble bien qu’il pense à Don Juan, et une austérité ridicule et odieuse à la vertu, et il me semble qu’il pense à Alceste (de quoi Rousseau se souviendra).
Et ici commencent vraiment les deux routes : la route du riche dans son norimon au milieu de ses serviteurs, la route du pauvre où il est tout seul et mal vêtu sous la pluie ; la route du riche dans des paysages d’arbres à fleurs, tenant sa pensée dans les beautés de la peinture, la route du pauvre dans des paysages désolés, au milieu des montagnes, comme cette montagne près de Kiôto où les excavations forment comme le mot père, près de rochers comme ceux d’Isé, semblables aux mamelles desséchées de la mère du pauvre, peuplant sa pensée du souvenir de leurs privations. […] Or l’artiste appelé là-bas le peintre des fantômes, le peintre qui a dessiné ces têtes des Cent contes qui vous laissent dans la mémoire un souvenir d’épouvante, le peintre auquel les directeurs de théâtres venaient demander des maquettes de visions d’effroi, le peintre près duquel les conférenciers macabres sollicitaient des figures de mortes, devait aimer à traduire, avec les imaginations de son art, les rêveuses imaginations dans le noir des lettrés de son pays, et c’est ce qui explique les longues années où une partie de son talent appartint à l’illustration des romans. […] Et l’image d’Hokousaï représentant Niô en pierre, ayant quitté son piédestal et accroupi sur la table de go, à côté de son partner en chair et en os, évoque, dans votre souvenir, la scène de don Juan et de la statue du Commandeur. […] Cascade où le guerrier Yoshitsouné a lavé son cheval et où, par une allusion à ce souvenir historique, il est représenté dans cette impression un cheval rouge qu’un homme est en train de laver. […] Ce makimono est signé : Koukoushin Hokousaï (1805) et avec la signature se trouve cette note : En souvenir d’une promenade que Hokousaï a faite avec ses amis sur la Soumida ; et à la demande de Tausiûrô Yémba (un lettré qui a fait le récit de la promenade) Hokousaï a dessiné sur place à Yoshiwara, ses amis avec les courtisanes d’une Maison Verte : quatrième mois (le mois de mai).
Pour poëte, je ne me souviens pas d’avoir sommeillé sur le Parnasse assez longtemps pour être à mon réveil salué de ce nom. […] … Imaginez que je l’aimais, que je m’en souviens, que je le vois seul entre le crime et le remords avec des eaux profondes à côté de lui.… Il sera souvent le tourment de ma pensée ; nos amis communs ont jugé entre lui et moi ; je les ai tous conservés, et il ne lui en reste aucun. […] Adieu, monsieur et très-aimable ; souvenez-vous de temps en temps de la synagogue de la rue Royale et du petit sanctuaire de la rue Neuve-des-Petits-Champs ; on y fait souvent commémoration de vous, le verre en main, et l’on vous y boit en bourgogne, en Champagne, en malaga, en toutes couleurs, en tout pays. […] Souvenez-vous de ma prédiction, mon père : ils périront malheureusement. […] Je me souviens qu’entre les motifs qu’elle employait pour m’attacher à sa personne, elle me disait que le courant des affaires journalières consumait tout son temps, et qu’en me fixant auprès d’elle, elle m’occuperait à méditer sur différents textes relatifs à la législation.
Il a l’air d’un enfant précoce et poëte qui mêlerait à ses rêveries d’amour les citations de son manuel et les souvenirs de son alphabet218. […] En fait d’amour et de satire, il a de l’expérience et il invente ; en fait de morale et de philosophie, il a de l’érudition et se souvient.
Cependant, il ne faut, pour écrire le Conscrit de 1813, qu’avoir vécu et se souvenir. […] — Maintenant, Kobus, les misères de l’hiver sont oubliées. — Maintenant, je vais encore courir de village en village joyeusement, dans la poussière des chemins ou sous la pluie chaude des orages. — Mais je n’ai pas voulu passer sans te voir, Kobus ; je viens te chanter mon chant d’amour, mon premier salut au printemps. » Tout cela, le violon de Iôsef le disait, et bien d’autres choses encore, plus profondes ; de ces choses qui vous rappellent les vieux souvenirs de la jeunesse, et qui sont pour nous… pour nous seuls.
L’avenir lui saura surtout gré de s’être souvenu que le christianisme a commencé par être une religion de pauvres, et que, selon l’insolente et cruelle expression de Voltaire, « la plus vilecanaille l’avait seule embrassée pendant plus de cent ans ». […] Il ne me resterait plus là-dessus qu’à reprendre moi-même le chemin de Rome et du Vatican pour interroger le Saint-Père sur la fidélité des souvenirs de M.
César seul occupe l’avant-scène ; l’horreur de son pouvoir, le besoin de s’en délivrer remplissent toute la première moitié du drame ; l’autre moitié est consacrée au souvenir et aux suites de sa mort. […] Nous passons en revue avec lui tous ces héros, que nos souvenirs classiques nous rendent sacrés, sans pouvoir résister à la tentation de les trouver parfois ridicules, et cependant naturels. […] Quant aux scélérats, on ne doit point les voir souffrir ; le spectacle de leur malheur serait troublé par le souvenir de leur crime : ils ne peuvent avoir de punition que par la mort. […] Un règne où, dit Hume, « l’Angleterre se vit déjouée et humiliée dans toutes ses entreprises », ne pouvait être représenté dans toute sa vérité devant un public anglais et une cour anglaise ; et le seul souvenir du roi Jean auquel la nation doive attacher du prix, la grande Charte, n’était pas de ceux qui devaient intéresser vivement une reine telle qu’Élisabeth. […] --Étant ainsi, dit le roi, je remets tout à Dieu et souvenez-vous de bien faire.
J’ai décrit dans la Revue 3 les effets du curare, le poison paralyseur par excellence des systèmes nerveux moteurs ; on se souvient que le cœur continue de battre et de faire circuler le sang dans le corps d’un animal absolument privé de toute influence nerveuse motrice. […] Quelquefois un mot, un souvenir, la vue d’un événement, éveillent en nous une douleur profonde. Ce mot, ce souvenir ne sauraient être douloureux par eux-mêmes, mais seulement par les phénomènes qu’ils provoquent en nous. […] Quand on dit à quelqu’un qu’on l’aime de tout son cœur cela signifie physiologiquement que sa présence ou son souvenir éveille en nous une impression nerveuse qui, transmise au cœur par les nerfs pneumo-gastriques, fait réagir notre cœur de la manière la plus convenable pour provoquer dans notre cerveau un sentiment ou une émotion affective.
Du Parlement qui siège au Luxembourg et au Palais-Bourbon on pourrait dire à peu près ce que le platonicien Mallarmé dit de l’Académie française : c’est un dieu tombé qui se souvient des cieux. […] D’un autre point de vue on verra dans la réaction un souvenir et une présence du 2 décembre. […] Il me souvient qu’en pleine époque de Pie X, en 1911, voyageant dans un compartiment de séminaristes qui partaient en vacances (et qui appartenaient au diocèse de Julien Sorel), je fus surpris en voyant cette jeunesse, libérée de l’œil des supérieurs, tirer des poches l’organe du Sillon, comme les soldats de 1815 la cocarde tricolore cachée au fond des sacs. […] Les trois fois, ce Vendéen, ce bleu de Vendée, a figuré la Révolution française elle-même, non la Révolution jouée, comme elle l’était en 1848, par Ledru-Rollin ou Lamartine (voyez dans les Souvenirs l’admirable diagnostic de Tocqueville), mais la Révolution sérieuse, retrouvée, directe.
Il faut toûjours se souvenir que les modifications de l’ame ne peuvent s’exprimer que par des images physiques : on dit la fermeté de l’ame, de l’esprit ; ce qui ne signifie pas plus solidité ou dureté qu’au propre. […] On a prétendu que l’auteur a supposé mal-à-propos les ames dans ces sépulcres : mais on pouvoit se souvenir qu’il y avoit deux sortes d’ames chez les poëtes ancicns ; l’une étoit l’entendement, & l’autre l’ombre légere, le simulacre du corps. […] Quand on lit l’histoire moderne, la victoire de Lépante fait souvenir de celle de Salamine, & on compare dom Juan d’Autriche & Colone, à Thémistocle & à Euribiades. […] & quand on vous demande ce que vous entendez par ces mots, pouvez-vous vous empêcher de vous figurer quelque image sensible, qui vous fait souvenir qu’on vous a dit quelquefois ce qui étoit, & fort souvent ce qui n’étoit pas ?
Après ces longues courses, dont il retraça les émotions dans ses Souvenirs d’Orient, etc., un besoin de villégiature bourgeoise le prit, mais alors il ne put éviter l’ennui, l’ennui, ce désespoir de toute heure. […] Mais que de temps il faut pour se débarrasser des souvenirs, des imitations, du milieu où l’on vit et retrouve sa propre nature ! […] Tout en lisant, je remarque tous les incidents du terrain avec l’auteur ; la description terminée, je ne me souviens plus du paysage.
C’est ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, qu’il écrivait à Andrieux, au commencement de l’année 1806, — une date qui n’était pas trop ignoble toutefois et trop déshonorante : « Si, chemin faisant, dans vos lectures, dans vos souvenirs, par le bénéfice des occasions, vous pouviez m’indiquer un sujet de poème neuf, intéressant, pathétique, aimable, pastoral, patriarcal, sans héros, — je ne les aime point du tout, — vous me feriez, mon cher ami, un très grand plaisir.
Huguet, neveu d’Horace Vernet, qui n’a cessé, dans tout le cours de ce travail, de me renseigner utilement et de m’aider de ses souvenirs.
Les novateurs ne s’y trompèrent pas : le jour de la réception solennelle du grand poète fut pour eux une fête et comme un premier triomphe : ce jour-là, s’il m’en souvient bien, plus d’un jeune romantique, introduit par les portes intérieures sous la conduite de David d’Angers, avait bravé la consigne et occupait par avance, grâce à l’heureuse licence d’alors, une place sur les bancs mêmes de l’Institut, côte à côte avec les immortels
Un de leurs descendants, héritier de leur naturalisation universelle, le colonel Huber, à la fois homme de guerre, homme de lettres volontaire, diplomate dans l’occasion, poète quand il se souvient de ses Alpes, romancier quand il se rappelle madame de Montolieu ou madame de Staël, habite encore aujourd’hui tantôt Paris, tantôt une délicieuse retraite philosophique au bord de ce lac Léman, site préféré de cette famille.
Une horrible apparition de la chaîne des galériens, sur la route des Gobelins, le ramène au souvenir de sa condition et épouvante Cosette.
L’unique donnée est la catastrophe, et les spectateurs ont droit de la redemander telle qu’elle est dans leurs souvenirs : puisque le poète l’a choisie, c’est qu’il l’a jugée immédiatement tragique.
Deux vers ou trois plus bas, Monime ouvre la bouche, et son premier mot, c’est : Èphèse et l’Ionie ; une soudaine et lumineuse évocation de la Grèce asiatique, avec tout ce qu’elle contient pour nous de prestigieux souvenirs.
Quoi de moins ressemblant au portrait du prince que Machiavel a tracé d’après nature, et dont chaque détail est pris à quelque personnage connu, que ce vain idéal, mélange de souvenirs de lecture échauffés par le travail, et de digressions où Balzac tantôt fait sa cour au roi, tantôt défend sa réputation attaquée ?
Qu’on se souvienne de l’affirmation virile de la foi dans Parsifal, et du triomphe de l’amour dans la Gœtterdaemmerung !
Le trait suivant peut donner un exemple de son procédé : Hans Sachs dit à David : « Souviens-toi que cette claque est le plus beau jour de ta vie !
Qu’il se souvienne ou qu’il invente, qu’il supprime ou qu’il ajoute, son œuvre est fausse.
À quinze jours de là, le souvenir de la jolie et excitante « avocate », aurait dit Retif de la Bretonne, m’entraînait à me desniaiser, un dimanche de sortie, avec « Madame Charles », une créature à dégoûter à tout jamais de l’amour physique, une courte femme, au torse rhomboïdal, emmanché de deux petits bras ; de deux petites jambes, qui la faisait ressembler, sur son lit, à un crabe renversé sur le dos.
Je ne songe plus qu’à recueillir les souvenirs de ma vie politique et les raisons de ma foi.
Elle donne un choc à l’esprit, et de ce choc dangereux, l’esprit a peine à se remettre ; il se souvient longtemps du spectacle animé de ces licences ; il y revient complaisamment, il les médite, et c’est pourquoi Tertullien appelle le théâtre : « l’Église du diable : Ecclesia diaboli !
… Quand madame Lenormand publia le premier volume : Souvenirs et Correspondances tirés des papiers de Madame Récamier, il y a déjà quelques années, elle pouvait encore rêver à ces lettres une valeur qu’elles n’avaient pas… Elle pouvait encore être fascinée par la femme récemment perdue, qui avait étendu si longtemps surtout le voile enchanté de son charme.
« Souvenez-vous — disait hier M. de Maistre, trop fort sur les choses de la vie pour avoir le bégueulisme de ceux qui les ignorent — que, dans toute affaire politique, il y a une femme.
Je demande, à cet effet, que l’on oublie toutes les opinions, toutes les injures, tous les éloges conventionnels, toutes les hypocrisies, la foule des banalités écrites ou proférées autour de cet homme, pour ne se souvenir que de son œuvre et de ses idées, de ce qu’il a dit et pensé véritablement.
Et, de fait, on se souvient qu’à Rome, l’époque où l’idée d’un Droit naturel prend corps est aussi celle où, avec toutes les races, toutes les pratiques et toutes les croyances s’entrecroisent et se mêlent.
Les idées générales elles-mêmes sont des signes présents dans l’esprit, en d’autres termes, des images mentales ayant la propriété de n’être évoquées que par une certaine classe d’expériences et de n’évoquer qu’une certaine classe de souvenirs. […] Ces groupes plus ou moins complexes, accolés aux sensations et les uns aux autres, constituent, selon l’espèce et le degré de leur affinité ou de leur antagonisme, des perceptions extérieures, des souvenirs, des prévisions, des conceptions simples, des actes de conscience proprement dits.
Ses souvenirs lointains, débris mutilés d’une vie oubliée, ont un charme extrême ; on redevient enfant avec lui. […] Auprès d’elle toute joie terrestre est nulle : Penser à elle, c’est louer Dieu1363. » Un caractère capable de tels contrastes est une grande œuvre ; on se souvient que Thackeray n’en a point fait d’autre ; on regrette que les intentions morales aient détourné du but ces belles facultés littéraires, et l’on déplore que la satire ait enlevé à l’art un pareil talent.
X Bernardin de Saint-Pierre était alors un beau vieillard semblable à Platon ; ses cheveux blancs couronnés de roses, parfumés du souvenir de Paul et Virginie, rappelaient et écartaient à la fois les images de la vieillesse en annonçant l’éternité de la jeunesse. […] Ce souvenir revivait aussi dans le cœur de la jeune veuve ; le malheur fut l’unique intermédiaire de ces deux amants.
Aucun de ses gestes ne doit demeurer caché, mais il doit les déployer avec grâce et éloquence Car ses belles actions persistent dans les souvenirs comme des maximes mimées et vivantes. […] Et cependant, n’y a-t-il pas, dans cette femme rustique qui se courbe pour glaner, l’inconscient souvenir de la Cérès antique ?
Une pièce où l’hortensia, sans doute un souvenir pieux de la famille pour la reine Hortense, l’hortensia est représenté en toutes les matières, et sous tous les modes de la peinture et du dessin, et au milieu de ce cabinet de toilette, une petite vitrine en glace, laissant apercevoir les nuances tendres d’une centaine de cravates, au-dessous d’une photographie de Larochefoucauld, le gymnaste du cirque Mollier, représenté sous un maillot, faisant valoir ses élégantes formes éphébiques. […] Il aurait aussi l’ambition de faire cette petite pièce très nature, de montrer son monde au milieu d’anguilles d’argent frétillantes, et tout grelottant de fièvre, comme la famille qui lui sert de modèle dans son souvenir.
« Mme de Pompadour, écrivant au maréchal d’Estrées à l’armée sur les opérations de la campagne, et lui traçant une espèce de plan, avait marqué sur le papier avec des mouches les différents lieux qu’elle lui conseillait d’attaquer ou de défendre. » (Mme de Genlis, 329, Souvenirs de Félicie, Récit de Mme de Puisieux, belle-mère du maréchal d’Estrées.)
Il l’a laissée plus grande du souvenir de cent victoires.
Goethe cependant l’avait précédé de bien des années ; mais Goethe, dans une vie plus calme, se fit une religion de l’art, et l’auteur de Werther et de Faust, devenu un demi-dieu pour l’Allemagne, honoré des faveurs des princes, visité par les philosophes, encensé par les poètes, par les musiciens, par les peintres, par tout le monde, disparut pour laisser voir un grand artiste qui paraissait heureux, et qui, dans toute la plénitude de sa vie, au lieu de reproduire la pensée de son siècle, s’amusait à chercher curieusement l’inspiration des âges écoulés ; tandis que Byron, aux prises avec les ardentes passions de son cœur et les doutes effrayants de son esprit, en butte à la morale pédante de l’aristocratie et du protestantisme de son pays, blessé dans ses affections les plus intimes, exilé de son île, parce que son île antilibérale, antiphilosophique, antipoétique, ne pouvait ni l’estimer comme homme, ni le comprendre comme poète, menant sa vie errante de grève en grève, cherchant le souvenir des ruines, voulant vivre de lumière, et se rejetant dans la nature, comme autrefois Rousseau, fut franchement philosophe toute sa vie, ennemi des prêtres, censeur des aristocrates, admirateur de Voltaire et de Napoléon, toujours actif, toujours en tête de son siècle, mais toujours malheureux, agité comme d’une tempête perpétuelle ; en sorte qu’en lui l’homme et le poète se confondent, que sa vie intime répond à ses ouvrages ; ce qui fait de lui le type de la poésie de notre âge. » Ainsi ce que madame de Staël, qui n’avait devant les yeux que Goethe, déplorait comme étant une maladie et n’étant qu’une maladie, nous, en contemplant Byron, chez qui cette maladie est au comble, nous ne le déplorions pas moins, mais nous le regardions comme un mal nécessaire, produit d’une époque de crise et de renouvellement.
À remarquer que l’effort de Mistral et ses fidèles enfanta non seulement de nobles poètes en oc, mais à la suite, de beaux poètes francisants : pour ne citer que ces trois, tombés au champ d’honneur, le Dauphinois Jean-Marc Bernard, le Gascon Émile Despax, le Provençal Lionel des Rieux (souvenons-nous aussi d’Emmanuel Signoret).
Ne se souvient-elle pas des anciens serments, des premières amours ?
3° J. van Santen Kolff : Considérations historiques et esthétiques sur le Motif de Réminiscence 4° Souvenirs sur Tichatscheku (mort le 18 janvier 1886 à Dresde, à l’âge de 79 ans) Il fut l’ami intime de Wagner, le dernier « chanteur d’opéra » et le premier « chanteur-artiste » du Maître.
Puisque les centres nerveux sont constamment excités par des stimulus internes ou externes, et que cette activité donne naissance à des suites d’idées, l’induction nous amène à conclure que nous pensons toujours, bien que nous en puissions perdre le souvenir.
Je m’attriste à la pensée que Leconte de Lisle deviendra, comme Malherbe, un nom austère et antipathique, soutenu de peu de souvenirs précis ; je songe, mélancolique, aux destinées de François de Maynard et de José-Maria de Heredia, princes du sonnet français ; et je suis d’un regard attendri Sully-Prudhomme rejoignant Racan derrière la brume de l’oubli.
, on verra combien les souvenirs néfastes de la Convention portent d’ombres sanglantes après soixante ans sur l’imagination de la nation et sur le nom de république ; on verra combien la moindre ressemblance tragique avec la Convention ferait fuir à l’instant cette nation jusque sous le sabre par peur de la hache !
Si les animaux sentent, imaginent, se souviennent, raisonnent, agissent spontanément et volontairement, s’associent, parlent comme l’homme, où trouver les véritables caractères distinctifs de la nature humaine, sinon dans les faits qui sont reconnus lui être absolument propres ?
On se tait, je le veux bien, et on se cache ; mais les longs souvenirs et les ressentiments amers subsistent sous le silence forcé. […] Il conte sa vie, la vie des autres, et donne les dates, les chiffres, les lieux ; il abonde en anecdotes, en petites circonstances sensibles, capables d’entrer dans l’imagination et de réveiller les souvenirs de chaque auditeur. […] Elle se souvient qu’elle a deux volumes dans un vieux sac : le Chemin de l’homme simple au ciel et la Pratique de la piété ; pour se consoler il les épelle, et la pensée imprimée, déjà auguste par elle-même, devenue plus auguste par la lenteur de la lecture, s’enfonce comme un oracle dans sa croyance subjuguée.
Je me souviens ici d’un mot : à quel point le mérite s’encanaille ! […] Que les Ecrivains se souviennent constamment qu’ils sont par excellence les peintres de la vertu, que telle est leur principale fonction, & qu’ils doivent la présenter si belle que chacun ne puisse appercevoir le moindre de ses traits sans en devenir amoureux. C’est ainsi que se fortifie le sentiment que l’homme a pour l’ordre, & il tient alors à ce qui est beau & grand par des nœuds invincibles ; la palette du Poëte ne sauroit être chargée de couleurs trop brillantes, parce qu’il doit graver dans l’esprit un long souvenir de la beauté de la vertu, & de la laideur attachée au vice.
Une critique toute composée de jolis morceaux de cette espèce serait-elle assez belle enfin, pour effacer dans notre imagination le souvenir de ces théories philosophiques qui n’ont pu trouver grâce devant le Chevalier, mais dont la hardiesse parfois profonde reste si pleine de séduction ? […] L’histoire entière de l’art repassait successivement dans mon souvenir, comme l’histoire même de l’humanité racontée en caractères symboliques.
Souvenez-vous qu’il y a un fonds de rébellion dans le cœur de l’homme, et que si on s’applique trop visiblement à le claquemurer dans une discipline, il s’échappe et va prendre l’air dehors. […] On voudrait vous voir plus de ménagements pour vos héroïnes ; les accidents du chemin lèvent bien souvent leurs collerettes, et Fanny, Sophie, mistress Heartfree ont beau rester pures, on se souvient malgré soi des coups de main qui ont troussé leurs jupons.
Il vient de lire ses Tusculanes, et une phrase ou un mot de Cicéron l’ont frappé ; il se souvient à ce propos d’avoir lu quelque chose de semblable dans les Lettres à Lucilius, de Sénèque ; il s’y reporte ; et le voilà contrôlant Cicéron par Sénèque, et tous les deux par sa propre expérience qui tantôt confirme la leur et qui tantôt la contredit. […] Mais quand on en pèse tous les termes « comme aux balances des orfèvres » ; et, d’autre part, quand on les confronte avec les événements de l’histoire du temps ; lorsque l’on sait enfin qu’ils sont contemporains de cette politique d’apaisement dont le souvenir demeure inséparable des belles années du règne d’Henri IV, il semble qu’ils revêtent une signification nouvelle.
On n’a généralement retenu d’elles que le souvenir de leurs ridicules, et il faut avouer qu’elles en ont eu beaucoup, dont la comédie de Molière et la satire de Boileau nous dispensent de parler ici plus longuement. […] C’est ce que voit enfin celui qu’on appelle encore en ce temps-là le grand Arnauld. « Plus je me souviens d’être chrétien, écrit l’un, plus je me sens éloigné des idées qu’il (Malebranche) nous présente » ; et le second, à son tour : « Plus j’avance dans ce travail (c’était également une Réfutation du Traité de la nature et de la grâce), plus je suis touché des renversements que ces imaginations métaphysiques font dans la religion. » Mais vous avez mis bien du temps à vous en apercevoir, ô grand docteur ! […] Il nous faut également nous souvenir qu’en aucun temps la tradition n’est tout le passé, mais seulement et au contraire le peu qui en a survécu. […] Sermons : sur la Providence, 1656 et 1662, — sur la Mort, 1662, — sur l’Ambition, 1662 et 1666, — sur le Délai de la conversion, 1665, — sur la Justice, 1666, — pour la fête de la Toussaint, 1669]. — Bossuet s’efforce de démontrer, comme Pascal, qu’indépendamment de tant d’autres raisons qui commandent d’y croire, la religion est encore, de toutes les « philosophies », celle qui explique le mieux l’homme et la nature. — La composition, plus libre, est aussi plus originale ; — le style, moins coloré peut-être, a plus d’ampleur et de mouvement, est plus oratoire ou « lyrique » même. — Enfin, et si l’on ne tenait compte que des Sermons proprement dits, la troisième manière serait plutôt « homilétique », — et on veut dire, moins tendue, plus indulgente, moins autoritaire surtout ; — l’esprit de la Bible ou de l’Ancien Testament y occupe moins de place, et celui de l’Évangile une plus grande [Cf. les Sermons pour la Pentecôte, — (troisième) pour la fête de la Circoncision ; — (troisième) pour le jour de Noël]. — On a moins de Sermons de cette dernière manière ; — Bossuet improvisant avec plus de liberté, sans doute ; — et il faut se souvenir qu’ils sont contemporains des grandes Oraisons funèbres. […] — et qu’il faut se souvenir que Bayle est un homme du xvie siècle ; — et un érudit. — Du goût des érudits pour les obscénités. — Qu’en tout cas le moyen a servi comme d’un passeport aux idées les plus hardies de Bayle [Cf.
Le souvenir est comme une plante qu’il faut avoir plantée de bonne heure ensemble ; sans quoi elle ne s’enracine pas.
La frêle et triste créature « qui chante en gémissant Itys, toujours Itys », a la sensibilité souffrante, les longs souvenirs d’une femme offensée, et en même temps la fierté innocente et le langage élégant d’un artiste.