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1459. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Avant-hier, j’ai eu ma première leçon de physique. […] Premier étage : salons et ateliers. […] Première douche. […] Marie Bashkirtseff faisait alors son premier voyage à Schlangenbad. […] Les deux premiers vers sont de Mlle C…, les suivants sont de Marie Bashkirtseff.

1460. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Il a noté tout simplement ses premières impressions au contact des choses. […] Ainsi s’est terminée cette première et mémorable visite. […] En célébrant sa première messe, il sua une sueur d’agonie. […] Sa science est authentique et de première main. […] Stéphane Mallarmé serait mal avisé de rejeter ces premières pièces sorties de ses mains délicates.

1461. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Ne dit-on pas pour chaque artiste : première, seconde, troisième manière ? […] Sa première éducation, même musicale, fut à la diable. […] Belle vue, Meudon, le Val-Fleuri, ont eu ses premiers pas et ses premiers amours. […] Dans cette première phase, le christianisme détourne l’art païen à son profit. […] Une admirable nature frappa ses premiers regards.

1462. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Cette action de la pensée spéculative n’est pas visible au premier coup d’œil. […] Au premier abord, qu’il est séduisant, ce principe ! […] Dans les cinq premiers mois, ce chiffre avait déjà dépassé la centaine. […] Cette doctrine est bien séduisante au premier abord. […] Cette formule risque, au premier moment, de paraître étrange.

1463. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Ce n’est pas qu’il nous soit sympathique aisément et du premier coup. […] Première faute ; je dirais presque premier péché. […] Certes, rien n’est mêlé comme une salle de première. […] C’est à cela que se réduit ma première critique. […] Premier tableau.

1464. (1898) La cité antique

Mais la religion des premiers temps ne remplissait aucune de ces deux conditions. […] Ce qui concerne les collatéraux paraît, au premier abord, encore plus éloigné de la nature et de la justice. […] À qui donc appartiendra l’autorité première ? […] La puissance du mari sur la femme ne résultait nullement de la force plus grande du premier. […] Tout ce qui touche à cette perpétuité, qui est son premier soin et son premier devoir, dépend de lui seul.

1465. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

L’occasion première est donnée ici par une œuvre d’art, une gravure de Bracquemond d’après Gustave Moreau. […] Chaque chapitre est d’abord tracé sous forme de plan analytique analogue au premier. […] Nous pouvons remonter de la solution au problème, du dénouement au drame, du dernier vers au premier, ou faire l’inverse selon les circonstances. […] D’autres fois, ce n’est pas un second système qui vient succéder au premier, c’est une anarchie générale qui se produit. […] Sans eux c’est un avortement qui se produirait ou même une continuation hypocrite du premier développement.

1466. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Les objets que peuvent atteindre leurs lèvres, leurs poils tactiles, leur trompe et leur langue sont ceux sur lesquels se font leurs premières recherches. […] Nous avons fait remarquer, dans le précédent chapitre, qu’à l’état de nature, pour l’animal et pour l’homme, la possibilité d’attention spontanée est un facteur de premier ordre dans la lutte pour la vie. […] 2° « Il ne semble pas évident à première vue, écrivait Bain dès 1855, que la rétention d’une idée [image] dans l’esprit soit l’œuvre des muscles volontaires. […] Müller, l’un des premiers qui aient étudié la question. […] Ce qui vient du cœur, des vaisseaux, des organes digestifs, respiratoires, sexuels, en un mot de tous les viscères, est la matière première de la sensibilité, comme tout ce qui vient des sens externes est la matière première de l’intelligence : et de même que, physiologiquement, la vie végétative précède la vie animale qui s’appuie sur elle, de même, psychologiquement, la vie affective précède la vie intellectuelle qui s’appuie sur elle.

1467. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Dans les gestes et dans les mots, qu’il fasse agir ou discourir ses personnages, son don premier, essentiel, qui est le don premier, essentiel du dramaturge, c’est le rythme. […] On n’y parviendra pas du premier coup. […] Chose étrange, il reste vivant grâce au premier de ses succès, la Dame aux Camélias, fleur bourgeoise du romantisme. […] Ainsi la mise en scène et le comédien vont retrouver leur sens premier, reprendre leur fonction essentielle et originelle. […] Dans une certaine mesure la Commedia dell’Arte fait abstraction du premier.

1468. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Lui aussi, d’ailleurs, il est souvent comblé dès ses premières inspirations. […] Ce sont des talismans, ou des sortilèges, des gestes ou des formules magiques, des charmes au sens premier de ce mot. […] Il lui manque le don premier, les antennes spirituelles, le sens du mystère, la poésie. […] — que « les dieux, gracieusement, nous donnent pour rien tel premiers vers », laissant à notre industrie le soin de « façonner le second ». […] Aux premiers, je réponds : bientôt, et aux seconds : pas encore.

1469. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Sans le placage extérieur des contre-forts, et l’aide artificielle des crampons de fer, l’édifice aurait croulé au premier jour ; tel qu’il est, il se défait de lui-même ; et il faut entretenir sur place des colonies de maçons pour combattre incessamment sa ruine incessante. […] Chose inouïe en ce temps, il observe les caractères, note leurs différences, étudie la liaison de leurs parties, essaye de mettre sur pied des hommes vivants et distincts, comme feront plus tard les rénovateurs du seizième siècle, et, au premier rang, Shakspeare. […] Il emploie trois mille vers pour conduire Troïlus à sa première entrevue. […] De main en main la chimère grandit, ouvre davantage ses vastes ailes ténébreuses221. « Si Dieu peut faire que le lieu et le corps étant conservés, le corps n’ait point de position, c’est-à-dire d’existence en un lieu. —  Si l’impossibilité d’être engendré est une propriété constitutive de la première personne de la Trinité. —  Si l’identité, la similitude et l’égalité sont en Dieu des relations réelles. » Duns Scott distingue trois matières : la matière premièrement première, la matière secondement première, la matière troisièmement première ; selon lui, il faut franchir cette triple haie d’abstractions épineuses pour comprendre la production d’une sphère d’airain. […] En parlant de Cressida, il dit : « Aussi vrai que notre première lettre est maintenant un A, on ne vit jamais chose digne d’être plus chèrement louée, ni sous un noir nuage d’étoile si brillante. » 219.

1470. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

La poésie était son premier goût. […] Il avait une figure sévère très remarquable, un teint fort cuivré, des cheveux gris argentés, et dont quelques mèches, encore noires comme ses sourcils épais, lui donnaient un air dur au premier aspect ; mais un regard pacifique adoucissait cette première impression. […] Alors il revient au centre et rentre dans sa première mais plus sombre immobilité. […] CHATTERTON ACTE PREMIER. […] — Salut, première heure de repos que j’aie goûtée !

1471. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Didot avaient imprimé, à leurs frais, son premier livre à grand succès, les Études de la nature, en 1784. […] Mais on ne lui reprocha jamais de faiblesse envers le crime puissant, il ne désavoua jamais ses respects et ses hommages envers l’homme de son cœur et de ses rêves, Louis XVI, son premier bienfaiteur. […] Au premier mot qu’elle en dit à son élève, mademoiselle de Pelleport s’évanouit d’émotion ; elle ne cacha point l’attachement secret que ce beau vieillard lui avait inspiré. […] Aimé Martin, qui y croyait comme toute eau croit à sa source, rapporte ainsi le martyre d’amour-propre que Bernardin eut à subir, en 1798, pour confesser sa croyance devant ses premiers collègues de l’Institut. […] L’analyse des mémoires fut écoutée assez tranquillement ; mais, aux premières lignes de la déclaration solennelle de ses principes religieux, un cri de fureur s’éleva de toutes les parties de la salle.

1472. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

On peut se persuader que si les messies des anciens âges ont rencontré dans la foule leurs martyrs et leurs apôtres, c’est encore parmi celle-ci que nos grands hommes découvrent leurs premiers admirateurs. […] Son hérédité particulière reproduit en petit l’hérédité même de la race française, de qui la substance première, d’origine celtique, fut constamment régénérée par la vigueur et la grâce de l’esprit latin. […] Il l’a bien prouvé par la suite, dès ses premiers débuts dans la presse, menant l’ardente campagne d’art que l’on sait, qui devait mettre en valeur le nom d’Édouard Manet. […] Le trouble, l’enthousiasme ou l’effroi ne manquent pas d’y bouleverser bientôt sa logique première et sa lucidité. […] Dès ces premiers feuillets, combien il nous est aisé de distinguer les croyances panthéistiques de l’auteur, toute la signification, toute la portée morale de ses écrits.

1473. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Après un voyage d’un an en Allemagne et un long séjour dans le Périgord, il revint à Paris et publia en 1885 son premier volume intitulé : Poètes modernes de l’Angleterre. […] Il brille comme un soleil fulgurant, comme une étoile de première grandeur, étrange et lointaine, dans la nuit somptueuse et infinie où dorment les poètes. […] Cette conclusion de l’œuvre est une trouvaille poétique de premier ordre, que traverse un sentiment sublime comme une lumière éblouissante de l’Infini. […] Sully Prudhomme a obéi à une pensée généreuse en instituant une rente qui permettra chaque année à un jeune poète, ayant plus de talent que de fortune, d’éditer son premier volume de vers. […] Les âmes des jeunes gens, bouleversées par les événements grandioses de la Révolution, du premier Empire et des guerres de 1814-1815, étaient dans l’attente d’un mouvement littéraire nouveau.

1474. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

On a réfléchi sur ces façons de sentir et de penser, et on a jugé que c’étaient là des faits de premier ordre. […] Lorsque vous tournez les grandes pages roides d’un in-folio, les feuilles jaunies d’un manuscrit, bref un poëme, un code, un symbole de foi, quelle est votre première remarque ? […] Il y a donc un système dans les sentiments et dans les idées humaines, et ce système a pour moteur premier certains traits généraux, certains caractères d’esprit et de cœur communs aux hommes d’une race, d’un siècle ou d’un pays. […] Quelques-uns, comme les Romains et les Anglais, s’arrêtent aux premiers échelons ; d’autres, comme les Indous et les Allemands, montent jusqu’aux derniers. —  Si maintenant, après avoir considéré le passage de la représentation à l’idée, on regardait le passage de la représentation à la résolution, on y trouverait des différences élémentaires de la même importance et du même ordre, selon que l’impression est vive, comme dans les climats du midi, ou terne, comme dans les climats du nord, selon qu’elle aboutit à l’action dès le premier instant, comme chez les barbares, ou tardivement, comme chez les peuples civilisés, selon qu’elle est capable ou non d’accroissement, d’inégalité, de persistance et d’attaches. […] Mais entre autres différences, il y a celle-ci, qu’un des artistes est le précurseur, et que l’autre est le successeur, que le premier n’a pas de modèle, et que le second a un modèle, que le premier voit les choses face à face, et que le second voit les choses par l’intermédiaire du premier, que plusieurs grandes parties de l’art se sont perfectionnées, que la simplicité et la grandeur de l’impression ont diminué, que l’agrément et le raffinement de la forme se sont accrus, bref que la première œuvre a déterminé la seconde.

1475. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

C’est d’un sépulcre en effet que naquit en nous ce premier culte de mon imagination et de mon cœur pour le chantre de à Jérusalem délivrée. […] Une famille n’arrive pas à la gloire du premier coup ; il y a croissance dans la famille comme dans l’individu ; la nature procède par développement successif et non par explosions soudaines ; un génie qui se croit né de lui-même est né du temps ; ce phénomène se remarque également dans le Tasse. […] Les Tassi, race noble et militaire, déjà connus au douzième siècle, avaient leur château dans les environs de Bergame, non loin de Mantoue, terre féconde, qui ne paraît pas, au premier aspect, favorable à l’imagination, mais qui voit d’en bas les Alpes d’un côté, les Apennins de l’autre, et à qui ces deux hauts horizons noyés dans un ciel limpide inspirent on ne sait quelle grandeur et quelle élévation sereines, qu’on retrouve dans Virgile, dans le Tasse, dans Pétrarque, tous poètes de la basse Italie. […] La première esquisse de ce poème, et quelques centaines de vers des premiers chants conservés à Rome dans la bibliothèque du Vatican, donnent la date précise de la pensée du Tasse en 1564. […] Les six premiers chants de la Jérusalem délivrée ne furent qu’une aspiration mélodieuse et continue du cœur du poète au cœur et à l’enthousiasme de Léonora.

1476. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

« Aux ordinaires et mille visions (pour elles-mêmes à négliger) où l’Immortelle se dissémine, le logique et méditant poète les lignes saintes ravisse, desquelles il composera la vision seule digne : le réel et suggestif symbole d’où, palpitants pour le rêve, en son intégrité nue se lèvera l’Idée première et dernière ou vérité. […] Celui de son enfance, celui de sa première communion, tout simplement. […] Premier quatrain. […] Premier tercet  La voix s’adresse à la cabaretière qui tourne autour de la table et fait du bruit, Elle la prie de s’éloigner  La fin est limpide. […] Les deux premiers vers semblent coupés après la quatrième syllabe ; soit.

1477. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Ses premiers livres, jusqu’aux Épisodes, ont une inflexibilité parnassienne. […] Aussi, à voir la différence de ses premiers livres et de ceux qu’il a publiés récemment, on sent que les rythmes nouveaux — appelons-les provisoirement rythmes subjectifs — étaient nécessaires à l’épanouissement de sa personnalité et en contiennent la forme naturelle. […] En ce livre qui parut peu de temps avant Joies, on discerne malaisément le poète instinctif et le trouveur de rythmes qui va naître bientôt ; cependant des compositions publiées avant ce drame (les premiers Cygnes) indiquaient déjà les vagues linéaments de la philosophie que j’ai exposée au premier chapitre de cette brochure, et, entre beaucoup de pièces agitées d’influences diverses, — celle de M.  […] Mais l’homme, jusqu’ici, pense à soi plus qu’aux autres hommes ; la Société est une collection d’égoïsmes, et la lutte pour l’existence s’y dénonce à première vue comme le seul principe un peu apparent : le socialisme, venu de l’autre pôle, doit donc précéder l’anarchie, — de quelques centaines, peut-être de quelques milliers d’années, — car il importe avant tout de protéger les faibles ; il faut d’abord paralyser les forces de l’égoïsme et le faire peu à peu céder au sentiment contraire, pour qu’enfin puisse grandir l’universel Amour. […] Peu de temps avant la publication des premiers « vers libres », quelques poètes, — M. 

1478. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Son premier exploit est d’écraser dans sa pourriture (Python, le Corrompu) une peste fiévreuse qui rampait dans les marais du Parnasse. […] La sérénité de l’air éclairci par la fraîcheur qui suit les tempêtes s’était ensuite répandue sur sa première forme. […] Seule, Pallas, en pleine corruption, garde intacte la pureté native de son premier type. […] À première vue, le Conseil des Douze d’Athènes paraît aussi effrayant que le Conseil des Dix de Venise. […] Au premier aspect, la scène semble étrange : on verrait presque une parodie dans cet intermède judiciaire joué par des dieux.

1479. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Mais, au premier pas. […] Au premier acte, nous sommes dans l’atelier de M.  […] Maximilien de Ternon, jeune premier de la diplomatie galante, dandy fat et bon enfant, gentleman jusqu’au bout des ongles, un papillon en cravate blanche. […] Vous souvenez-vous de l’entrée de la courtisane dans son premier drame, et quel haut parfum de mauvais lieu elle exhalait en apparaissant ? […] Regardez bien : l’adultère repose endormi entre ses deux sourcils vibrants et mobiles ; il s’en élancera furieux, éperdu, armé de flèches et d’éclairs, au premier appel.

1480. (1772) Éloge de Racine pp. -

Peu content de ce qu’il avait produit jusqu’alors (car le talent sait juger ce qu’il a fait, parce qu’il sent ce qu’il peut faire), ne trouvant pas dans ses premiers ouvrages l’aliment que cherchait son ame, Racine s’interrogea dans le silence de la réflexion. […] Quel éclat jettent ses premiers rayons ! […] L’homme, revenu de son premier étonnement, relève la vue et ose fixer d’un regard attentif ce que d’abord il n’avait admiré qu’en se prosternant. […] Telle est cette première espèce de beautés dont tous les ouvrages de l’art ne sont pas également susceptibles. […] Mais quant au premier reproche, on ne songe pas assez combien il est dur, après les sacrifices que la culture des lettres exige de l’homme né pour elles, et qui les préfère à tout, de ne pas trouver dans toutes les ames la récompense qu’il trouve dans la sienne.

1481. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Première partie. […] Mais ne faisons pas trop d’honneur aux premiers hommes ; car les inventeurs du langage seraient les inventeurs de l’intelligence humaine elle-même. […] Le premier, surtout, a déduit d’ingénieuses hypothèses de la description détaillée de ce merveilleux appareil du premier de nos sens. […] Pour se dispenser d’adopter une révélation première du langage, on est obligé d’admettre une série de miracles qui se renouvellent tous les jours avec la même raison de douter pour l’incrédule. […] Cette Dissertation, qui avait pour objet de prouver le don primitif de la parole, était un développement nécessaire des premières propositions avancées dans son ouvrage.

1482. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Saint-Simon commence même à revenir à sa conception de 1803 et à replacer les savants au premier rang. […] Il attira l’attention du Premier Consul ou de son cabinet. […] Cependant ce premier groupe même sera bien difficile à constituer. […] Ce trait, sans être saillant encore, se distingue très bien dès le temps de sa première manière. […] Sa première année de mathématiques spéciales fut une chose rude.

1483. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Daru, j’ai cherché à me bien rendre compte et de la nature et du détail même de certaines de ses fonctions, soit dans leur partie obéissante et passive, de pure exactitude, soit dans leur portion mobile et indéterminée où l’exécution même demandait un degré d’initiative et des combinaisons qui se renouvelaient sans cesse : je voulais ensuite rendre à mes lecteurs, dans une page générale et pourtant précise, l’impression que j’aurais reçue de cette analyse première. […] Assistant à la conception des plans les plus étendus et les mieux enchaînés, les écrivant le premier de sa main au moment où ils se produisaient au jour, les recueillant dans l’impétuosité du premier jet, devant à l’instant les embrasser avec développement et les saisir, s’associer en tout à la pensée qui les avait conçus et pourvoir sur les moindres points à l’exécution, M.  […] Daru était resté au fond l’homme de ses débuts, de ses études premières et de ses goûts littéraires variés. […] Roger, qui avait de l’esprit, de l’empressement, du tour, et des qualités qui durent plaire dans la jeunesse avant que l’activité et la passion politique les eussent privées de leur premier agrément, M. 

1484. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Il était gentilhomme et pauvre ; il passa sa première jeunesse au service et à Lunéville, à la cour de Stanislas. […] Il aurait eu l’épigramme excellente, dit Grimm, s’il ne s’était observé et s’il n’avait réprimé ses premiers mouvements. […] En 1782 (et c’est aujourd’hui le seul échantillon que je veuille citer), il publia son premier recueil de poèmes, et il y en avait un intitulé La Retraite, qui terminait le volume. […] Cette doctrine sévère, qui règle le bon emploi de la retraite, et qui peut étonner au premier abord, produira ensuite, dans le détail, des effets d’une fraîcheur et d’une sensibilité incomparables.

1485. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Et puis, ne l’oublions pas, nous qui datons d’un autre âge, nous avons pu être élevés dans un esprit un peu différent, sans que cet esprit (qui nous a réussi, je le veux bien croire) doive être constamment appliqué dans sa forme première et doive faire loi. […] Ne pas pousser ces premiers cours au-delà des notions désormais indispensables à tout homme éclairé, mais donner à ces notions toute leur netteté et leur application usuelle, c’est la recommandation expressément faite aux professeurs. Et pour la chimie, par exemple, telle que doivent l’apprendre les élèves de la section littéraire, en seconde et en rhétorique, laissons parler le programme : Après ces premiers pas (les premières définitions et notions données en troisième), les études se spécialisent ; mais qu’on se garde d’aller trop loin. […] [NdA] C’est à propos de l’Académie de Philadelphie dont il était l’un des principaux fondateurs, et qui avait dévié de sa destination première en admettant dans une trop forte proportion l’enseignement du grec et du latin, que Franklin dans sa vieillesse exprimait de la sorte son opposition à l’envahissement prolongé des langues savantes et à la part disproportionnée qu’elles prenaient dans l’éducation de ceux qui devaient avoir, toute leur vie, autre chose à faire.

1486. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

C’est elle qui, par les portraits qu’elle a faits de ses premiers officiers et de son monde, a fourni d’inépuisables sujets de grotesques aux romanciers qui ont voulu amuser aux dépens des petites cours allemandes d’alors. […] Dans sa première année de règne, Frédéric va visiter sa sœur à l’Ermitage près de Bareith, elle vient à son tour le visiter à Berlin ; l’amitié, et une amitié vive, exaltée, n’a cessé de respirer dans tout ce qu’ils s’écrivent ; Frédéric s’en inspire même pour faire d’assez jolis vers. […] Il est vrai que vous mériteriez de trouver toujours des cœurs semblables au vôtre ; mais ils sont rares, ma chère sœur… À partir de ce moment, toute trace des premiers dissentiments entre eux a disparu ; leur amitié renaît de ses cendres plus brillante et plus vive ; elle reprend ses liens, plus étroite que jamais, et désormais indissoluble : frère et sœur ne cesseront plus « de faire une âme en deux corps ». […] Il y a d’autres âmes qui paraissent tellement au niveau des misères de la vie humaine, qu’il semble que l’étoffe manquerait si l’on voulait faire d’elles autre chose que ce qu’il faut pour la vie actuelle ; et ces âmes paraissent au premier coup d’œil démentir la doctrine de l’immortalité.

1487. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

. — Elle est femme surtout et avant tout, redevenue honnêtement coquette, tendre, empressée, se montrant éprise, comme au premier jour, de l’homme qui jusque-là ne l’avait pas gâtée, et à qui plus que jamais elle se consacre : (Chanteloup, janvier 1771. […] Dans un âge si avancé, elle a conservé ardente, comme au premier jour, la soif de bonheur, et elle ne sait aucun moyen de se désaltérer. […] S’ils ont des défauts, on les fouette ; mais aux premières caresses qu’on leur fait, ils viennent se jeter entre vos bras. […] J’ai travaillé, j’ai fait mon chemin… Je suis devenu entrepreneur de routes… Savez-vous que je suis maintenant un des premiers dans ma partie… Je suis riche… Mais, Mme la duchesse, c’est que tout cela vous appartient, on dit que vous n’êtes pas à l’aise.

1488. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Et puis il y a le Béranger tout contraire et qu’on s’estfait en haine du premier : le faux bonhomme qui calculetout, qui ricane de tout, qui tire toujours à temps sonépingle du jeu ; un Béranger beaucoup trop malin, égoïstedans tout ce qu’il fait, dans tout ce qu’il donne ; à quil’on refuse à la fois bonté de cœur, distinction et franchise dans le talent. […] Il s’était de bonne heure intéressé à cette petite Lilie (Pauline), et quand elle eut fait sa première communion et qu’elle commença à se préparer pour ses examens d’institutrice, il entama avec elle par lettres un petit Cours de rhétorique naturelle, qui est un modèle en ce genre. […] Éviter tout pas rétrograde, tout faux mouvement de retour en arrière et vers l’ancien régime, était sa grande préoccupation et son idée première dans chaque crise […] Depuis que j’ai publié mon premier article sur Béranger, il m’est venu des communications toutes bénévoles.

1489. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Étienne donne un démenti formel à cette première satire d’Horace : il n’envie personne, il n’a jamais aspiré à un autre sort que le sien ; il est vrai qu’il n’a jamais eu proprement de profession (hormis pour un temps très court), et que de bonne heure une fortune suffisante lui a permis de lire, d’étudier à son aise et de se livrer à l’heureuse modération de ses penchants. […] Il y a de plus, dans ces Souvenirs littéraires de soixante années, deux parts fort distinctes à faire : il y a les véritables souvenirs, ceux qui sont de première main, et ce qui n’en est pas, ce que M.  […] Delécluze ait eu peu d’illusions en aucun temps, nous assure-t-il, et qu’il soit à peu près uniformément satisfait de tous les pas de sa carrière, il est pourtant un moment qui, a ses yeux, eut une importance décisive et qui se peint en beau dans son imagination : c’est l’heure de son entrée dans la carrière littéraire, lorsque ayant renoncé décidément au crayon pour la plume, il fit ses premières armes au Lycée, petite revue distinguée qui parut vers 1819, et lorsque ensuite, après deux ou trois années de prélude, il fut admis parmi les rédacteurs des Débats. […] Delécluze n’y fait nullement la part des deux premières, et il ne tient pas à lui que Beyle ne passe pour un pur extravagant.

1490. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

C’était son premier voyage, à elle, son premier séjour à Paris ; elle en fit un second en 1841, en venant de passer quelques semaines chez des amis, près de Nevers. […] Quand il créa le Centaure, son seul morceau achevé (et qui me fait regretter qu’on ait retrouvé la Bacchante, autre morceau de lui bien inférieur et capable, vraiment, de faire tort au premier), quand au sortir d’une visite au Musée des Antiques, après avoir admiré cette œuvre vivante, correcte, magnifique, irréprochable, qu’on attribue à des sculpteurs cariens, il se dit qu’il allait, « par sa plume, commenter et étendre le ciseau29 » que fit-il, qu’imagina-t-il dans sa conception vraiment puissante ? […] » Elle lut Lamartine à seize ans, les Méditations, et ne retrouva jamais depuis, au même degré, ce charme indicible, cette extase première ; Lamartine resta toujours pour elle « le cher poëte » par excellence.

1491. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Bossuet sermonnaire et prédicateur, dans toute cette partie première et longtemps obscure de sa carrière oratoire, a été donné tout entier et remis sur pied par M.  […] Nous ne saurions le suivre avec son panégyriste durant ce premier épiscopat. […] Cette première chimère s’évanouissant, et comme pis aller, il crut devoir se mettre en mesure pour le cas très vraisemblable où il serait nommé chancelier, et il prit pour guide dans l’étude des lois civiles un homme des plus habiles en cette branche, Jean Legendre, qui n’a rien de commun avec le nôtre, avec l’abbé de ce nom. […] Il y a dans sa vie ecclésiastique et politique assez de faits importants, d’actes de premier ordre, pour mériter examen, analyse et tableau.

1492. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

É. de Barthélémy ne craint pas de s’exprimer ainsi : « Ce premier travail montre de sérieuses qualités et le soin que La Rochefoucauld apportait au polissement de son style : il ne témoigne pas grandement, par exemple, en faveur de la modestie du duc. […] Du premier jour, il a tout accepté ; je dirais, si j’osais, qu’il a tout gobé de la veille. […] Chacun, s’il n’y prend garde, s’aime et se préfère à tous les autres ; chacun se trouve si naturellement sous sa main comme type et premier modèle de l’espèce de talent et du genre de beauté qu’il accueillera et louera chez autrui, en repoussant plus ou moins tout ce qui en diffère ! […] Vous ajournez un jugement que vous avez déjà l’un des premiers énoncé, mais vous en ajournez le développement : c’est que vous voulez vous ménager et nager entre deux eaux.

1493. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Ai-je eu raison d’indiquer chez lui cette tendance première du côté du sentiment et de la délicatesse ? […] De cette première rencontre il résulta, à deux jours de là, un rendez-vous ; ce rendez-vous ne se donna point non plus, on peut le croire, sans toutes sortes de façons et de cérémonies ; mais Michel était beau, d’une taille noble, d’une grande finesse de physionomie, d’une parole aisée et sobre qui ne montrait que l’homme du monde et qui ne laissait deviner en rien le métier ni la profession. […] Le piquant, c’est que la femme qui a fait ce premier pas si hasardé est une personne d’ailleurs de scrupule presque autant que de curiosité, une âme fière, ombrageuse même, soucieuse des convenances, en quête du sentiment pur, prête à exiger beaucoup, tout en donnant peu. […] On aura plus tard les propos du philosophe amer et morose sous le nom et le masque allégorique de Thomas Vireloque : on a vu ici la philosophie première, toute gaie et souriante, dans Michel.

1494. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Je prends sa création la plus éloignée des premières grâces et de tout ce qui était couleur de rose, son Vireloque. […] C’est une aquarelle rehaussée et compliquée qui porte sur du fusain, et qui se fortifie de tons crayeux ; à première vue, on dirait presque un Decamps. […] Un des premiers mots de Vireloque est sanglant : il s’arrête à considérer un être ignoble, tombé ivre-mort, et, pour toute légende, il dit : « Sa Majesté le Roi des animaux !  […] Mais ce n’est pas tout que ce désaccord qui saute aux yeux : il faut aussi qu’il y ait du rapport ; il faut qu’après avoir souri à première vue du contraste et du changement, à la réflexion on reconnaisse et l’on se rende compte ; qu’après s’être écrié : « Ce n’est pas possible ! 

1495. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Je n’essayerai pas d’approfondir le cas pour les grands fats historiques modernes ; mais, à première vue, je ne vois pas que les Lauzun, les Bonneval, les Richelieu soient si mal tombés en se mariant. […] Herman non plus n’a rien de diabolique ni de cruel comme certains roués célèbres, comme ce premier petit Lauzun, amer et méchant homme. […] As-tu oublié ma honte et ma douleur premières à ces fatals soupers où tu réunissais, au milieu des bacchantes, artistes, écrivains, compositeurs, poëtes, où chacun excellait en quelque chose, les uns types modernes de la beauté an’ique, les autres étincelants de saillies, servant aux convives leur esprit toujours présent, celui-ci sa verve satirique, celui-là son intarissable gaîté de sublime bohème ; saturnales du génie, vrai paradis du vice ! […] Ainsi d’époque en époque, de trente en trente années, on saurait les recommencements, les ardeurs premières et les folles cocardes de chaque jeunesse, ce qui faisait que son rêve délirant n’était pas tout à fait le délire d’une jeunesse qui avait précédé.

1496. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Il se porte à l’auteur qu’il lit, directement, avec toute sa vigueur d’esprit, et y puise une impression nette et ferme, de première main, de première vue (facie ad faciem) ; il en tire une conclusion qui jaillit de source, qui bouillonne et déborde. […] Le poète compare Cromwell encore modeste, selon lui, et fier seulement d’obéir à la République et aux Communes, au généreux oiseau de proie, docile au chasseur, et qui n’ensanglante les airs que pour lui : « Ainsi, quand le faucon s’abat pesamment des hauteurs du ciel, une fois sa proie mise à mort, il ne pense plus qu’à percher sur la branche verte voisine où, au premier appel, le fauconnier est sûr de le trouver. » Ainsi la République est sûre de son Cromwell. — Rapprochez cette ode du généreux et fervent sonnet que Milton adressait à Cromwell vers le même temps : « Cromwell, notre chef d’hommes, qui, à travers un nuage non seulement de guerre, mais de détractions violentes et de calomnies, guidé par la foi et par une fortitude incomparable, as enfoncé ton glorieux sillon vers la paix et la vérité ! […] Ses premiers maîtres furent insignifiants ; ce fut lui qui s’éleva lui-même ; à douze ans il apprenait le latin et le grec, concurremment, et presque sans maître ; à quinze, il résolut d’aller à Londres, d’y apprendre le français et l’italien, de manière à lire les auteurs.

1497. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Pour être juste, il faudrait commencer par dire que Pope a parfaitement bien senti et bien admiré Homère ; que sa préface est d’une excellente critique pour le temps, et bonne encore à lire aujourd’hui ; que la grandeur, l’invention, la fertilité de l’original, cette vaste universalité première d’où chaque genre ensuite a découlé, sont admirablement comprises. […] « Le véritable esprit (ou talent), c’est la nature, — la nature mise à son avantage ; ce qui a été souvent pensé, mais ce qui n’avait jamais été encore exprimé si bien ; quelque chose dont la vérité nous trouve convaincus déjà à première vue, qui nous rend une certaine image que nous avions dans l’esprit. » Il est pour le choix, il n’est pas pour le trop, pas même pour le trop d’esprit ou de talent : « Une œuvre peut pécher par le trop d’esprit, comme le corps peut périr par excès de sang23. » Toutes ces vérités délicates sont rendues chez Pope en vers élégants et en bien moins de mots que je n’en mets ici ; car autant que de Malherbe on peut dire de lui : D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir. […] Il est fort supérieur à Boileau pour l’étendue des idées, et aussi par le goût du pittoresque ; mais on lui a fait quelques-uns des mêmes reproches que nous-mêmes nous avons adressés à Boileau à nos débuts et dans notre première impertinence. […] Taine, tel qu’il s’offre dans cette première forme une et entière, subsistera comme une des œuvres les plus originales de notre temps.

1498. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Saint-Simon en ressort fort infirmé et diminué à ce premier chef. […] Il faut couler sur cette première partie. […] Mme de Maintenon, a été fort maltraitée par Saint-Simon, et j’ai toujours été moi-même des premiers à la défendre contre ces excès de parole. […] Il a rassemblé quantité de témoignages du temps qui sont tous à la louange de ce premier président, et notamment des passages de Mme de Sévigné où il est appelé une belle âme.

1499. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Les deux premiers avaient de la fortune, mais ils l’ont dissipée. […] La nullité même de la princesse de Bénévent (de cette belle Indienne si ignorante et, paraît-il, si sotte, qu’avait épousée M. de Talleyrand) n’échappa point à la colère de l’empereur ; elle fut exclue des invitations de la cour, vit exiler à Bourg-en-Bresse le duc de San-Carlos, objet de ses tendres préférences, et alla bientôt après cacher son ennui pendant quelques mois dans une terre qu’elle possédait en Artois25. » La chronique légère de tous les règnes, depuis la cour des Valois jusqu’à celle de Marie-Antoinette, est connue : il n’en est pas ainsi encore de celle du premier Empire. […] La difficulté n’est pas là, dans cette indifférence motivée et réfléchie : elle est dans l’indifférence apparente et de premier mouvement, lorsqu’on est atteint en face, piqué, insulté à bout portant, et qu’un puissant vous montre le poing. […] Ici deux points de vue, deux façons de sentir, qui avaient l’une et l’autre leur raison d’être et leur légitimité, sont en présence, et l’histoire ne peut que les constater sans trancher le différend : il y avait la manière héroïque et patriotiquement guerrière d’entendre la défense du sol, la résistance nationale ; de faire un appel aux armes comme aux premiers jours de la Révolution, et, ainsi que Napoléon l’écrivait à Augereau, de « reprendre ses bottes et sa résolution de 93 » ; mais il y avait aussi chez la plupart, et chez les hommes de guerre tout les premiers, fatigue, épuisement, rassasiement comme après excès ; il y avait partout découragement et dégoût, besoin de repos, et, dans le pays tout entier, un immense désir de paix, de travail régulier, de retour à la vie de famille, aux transactions libres, et, après tant de sang versé, une soif de réparation salutaire et bienfaisante.

1500. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Puisqu’on a tant relevé de nos jours la poésie populaire en général, c’est bien le moins qu’on ne dédaigne pas l’individu poëte, resté du peuple, là où il se rencontre avec le feu, la naïveté première et l’incontestable don. […] Son premier poëme, publié en 1825, le Charivari, est un poëme burlesque, qui a pour héros le sensible Oduber, veuf et vieux, qui songe à se remarier : les souvenirs du Lutrin y sont entrés sans beaucoup de déguisement. […] La poésie franche y embaume à l’ouverture du premier chant : « Du pied de cette haute montagne, où se dresse Castel-Cuillé, dans la saison où le pommier, le prunier et l’amandier blanchissaient dans la campagne, voici le chant qu’on entendit, un mercredi matin, veille de Saint-Joseph : Les chemins devraient fleurir, Tant belle épousée va sortir ; Devraient fleurir, devraient grener, Tant belle épousée va passer ! […] Ainsi va et sans cesse recommence, et se remontre soudainement, aussi fraîche qu’au premier matin, la poésie immortelle.

1501. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Elles commencent par un grand traité, vers et prose, paraphrase et parodie du Phédon ; Théophile le composa durant son premier bannissement pour réfuter les imputations d’athéisme et d’épicuréisme auxquelles il avait prêté, et pour racheter certain Hymne à la Nature dont les échos du Louvre avaient, un soir, retenti. Ses premiers excès l’induisirent ainsi à de perpétuelles palinodies qui ôtent à l’ensemble de ses œuvres tout caractère. […] Et encore, pour les deux premières, j’aime mieux renvoyer au volume que de les transcrire ici. […] (in-fol. n° 122, Belles-Lettres franç.), contient la quintessence de cette première manière de Théophile ; c’est mieux peut-être (en ce qui le concerne) qu’un extrait du Parnasse satyrique, et il se peut que certaines pièces marquées à son nom ne se retrouvent que dans ce manuscrit.

1502. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

D’ailleurs, Mme de Sévigné était parfaitement sincère, ouverte, et ennemie des faux-semblants ; c’est même à elle, une des premières, qu’on doit d’avoir dit une personne vraie ; elle aurait inventé cette expression pour sa fille, si M. de La Rochefoucauld ne l’avait déjà trouvée pour Mme de La Fayette : elle se plaît du moins à l’appliquer à ce qu’elle aime. […] Montaigne et Regnier en avaient déjà donné d’admirables échantillons, et la reine Marguerite un charmant en ses familiers mémoires, œuvre de quelques aprés-disnées : c’est le style large, lâché, abondant, qui suit davantage le courant des idées ; un style de première venue et prime-sautier, pour parler comme Montaigne lui-même ; c’est celui de La Fontaine et de Molière, celui de Fénelon, de Bossuet, du duc de Saint-Simon et de Mme de Sévigné. […] Elle s’est placée ainsi, sans le vouloir ni s’en douter, au premier rang des écrivains de notre langue. […] Les talents les plus libres et les plus origiraux ne deviennent parfaits que s’ils ont eu une discipline première, s’ils ont fait une bonne rhétorique ; Mme de Sévigné fit la sienne sous Ménage et sous Chapelain.

1503. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Mort, ce candide Lacordaire — qui dans une brochure sur le pape professait le plus pur ultramontanisme et s’en allait en 1848 siéger à la Montagne, qui se drapait dans sa robe blanche avec un peu de la jactance d’un d’Artagnan monastique et se livrait en même temps, dans la crypte de son couvent aux sanglantes macérations des premiers ascètes — a continué d’exercer sur ses fils une très puissante influence qui me paraît avoir été de deux sortes : heureuse par la transmission de son généreux esprit, déplaisante quelquefois par la tradition de son éloquence aventureuse et si personnelle, qu’ils ont imitée avec quelque maladresse. […] III Quelques-uns d’entre vous (dit le Père Monsabré dans sa première conférence), plus amis des spéculations qui font voyager l’âme au-dehors que des vérités qui la ramènent sur elle-même, trouveront peut-être que je me suis attardé à des matières de prône et de catéchisme : j’en suis fâché pour eux. […] Tout le développement de cette première partie est remarquable par l’ordre et la clarté. […] Dans sa première conférence il éprouve le besoin de l’invoquer pour nous dire que la pénitence est à l’âme ce que la médecine est au corps.

1504. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Les deux premiers actes des Effrontés sont le dessus du panier. […] Au premier acte, nous sommes chez le vieux marquis d’Auberive, ce gentilhomme, quinteux et sceptique, qui jouait, dans les Effrontés, le rôle d’un Méphistophélès de l’ancien régime. […] L’allusion est directe, et son premier tort est de frapper un journaliste désarmé. […] Les précieuses sur le retour qui s’imaginent enflammer, à première vue et à bout portant, n’existent plus guère aujourd’hui.

1505. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Quoiqu’il ne soit pas de ces écrivains destinés jamais à devenir populaires, la publication première de ses deux volumes de Pensées et de Lettres, en 1842, a suffi pour le classer, dès l’abord, dans l’estime des connaisseurs et des juges ; il ne s’agit que d’étendre un peu le cercle de ses lecteurs aujourd’hui. […] Les premiers chapitres du premier volume ne sont pas ceux qui me plaisent le plus ; ils traitent de Dieu, de la création, de l’éternité, et de bien d’autres choses. […] Il étonne au premier abord, il satisfait le plus souvent quand on y songe. […] Le style du premier est plus poli, celui du second plus coloré.

1506. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Entre ces deux femmes si éloignées et si distantes, quels sont les noms qui comptent véritablement, qui méritent de figurer en première ligne dans la série des femmes célèbres par leur talent d’écrivain ? […] On trouverait bien encore, au commencement du xviiie  siècle, cette autre Mme de Staal (Mlle de Launay), auteur des charmants Mémoires, esprit élevé et ferme autant que fin ; mais elle n’a pas assez longtemps vécu, et, par les circonstances de sa condition première, elle n’a jamais été assez avant mêlée dans le plein milieu de la société, pour la personnifier de loin à nos yeux. […] Elle le jugea du premier coup d’œil, le prit en dégoût, le quitta, essaya par moments de se remettre avec lui, en trouva l’ennui trop grand, et finit par se passer avec franchise toutes les fautes et les inconséquences qui pouvaient nuire à la considération, même en ce monde de mœurs relâchées et faciles. […] D’après ce premier portrait auquel Walpole ajoutera encore plus d’un coup de pinceau, on peut déjà voir une Mme Du Deffand bien autrement vive et animée qu’on ne s’est plu à nous la peindre d’ordinaire.

1507. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

On voit dans chacune de ses lettres combien elle se méfie de la sagesse du poète quand il est loin d’elle, abandonné sans conseil à toutes ses irritations, à ses premiers mouvements et à ses pétulances : « Croyez-moi, dit-elle à d’Argental, ne le laissez pas longtemps en Hollande ; il sera sage les premiers temps, mais souvenez-vous Qu’il est peu de vertus qui résistent sans cesse. » Si elle avait lu La Fontaine autant que Newton, elle citerait, pour le coup, ces vers charmants du bonhomme, qui vont si bien à Voltaire et à toute la race : Puis fiez-vous à rimeur qui répond D’un seul moment ! […] Ces pénibles impressions purent s’adoucir et se recouvrir durant les années suivantes, quand Voltaire, son premier caprice épuisé, parut être rentré dans le cercle magique de Cirey ; mais il en demeura une conviction triste et acquise au fond du cœur de Mme du Châtelet. […] Mme du Châtelet met au premier rang des conditions du bonheur, de se bien porter ; c’est juste, mais elle le dit en physicienne et sans charme. […] Sa première idée était de se retirer à l’abbaye de Senones, auprès de dom Calmet, pour s’enfoncer dans l’étude ; sa seconde idée fut d’aller en Angleterre auprès de lord Bolingbroke, pour se livrer à la philosophie.

1508. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

La clef de son immense succès était tout entière dans ce premier petit chef-d’œuvre32. […] Chasles l’a très bien dit : « On a répété à outrance que M. de Balzac était un observateur, un analyste ; c’était mieux ou pis, c’était un voyant. » Ce qu’il n’avait pas vu du premier coup, il le manquait d’ordinaire ; la réflexion ne le lui rendait pas. […] Quant au style, c’est chez elle un don de première qualité et de première trempe.

1509. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

On peut sourire aujourd’hui de cette première lettre toute gauche encore et plus qu’à demi tudesque, dans laquelle Frédéric mêle son admiration pour Wolff à celle qu’il a pour Voltaire, et où il parle à celui-ci au nom de la douceur et du support « que vous marquez, lui dit-il, pour tous ceux qui se vouent aux arts et aux sciences ». À travers ce singulier style des premières lettres de Frédéric, la plus noble pensée se fait jour. […] On aime à rencontrer, au milieu des fadeurs et des exagérations parfois ridicules de ce début de correspondance, plus d’un de ces endroits où perce déjà le roi futur, l’homme supérieur qui, bien qu’il ait la fureur de rimer et de produire ses premiers ouvrages, saura en triompher par une passion plus haute, et qui ne sera jamais un rhéteur sur le trône. […] Très amoureux dans sa première jeunesse d’une jeune fille qui aimait les vers, il avait été piqué de la tarentule, et, très bien guéri d’un mal (du mal d’aimer les jeunes filles), il ne s’était jamais guéri de l’autre.

1510. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Si l’on veut prendre idée tout d’abord de son genre de talent, qu’on relise, dans son Étude première, la composition qu’il fait d’un paysage à l’embouchure d’un fleuve : comme il le dessine ! […] Dans la composition de ce premier paysage, placé à l’embouchure d’un fleuve, dans une île, voulant y introduire une impression morale, il y suppose un tombeau, et d’abord il y met le tombeau qui était alors classique et de rigueur, celui de Jean-Jacques Rousseau. Puis rejetant ou corrigeant cette première idée : Voulez-vous, dit-il, augmenter l’impression de ce tableau sans toutefois en dénaturer le sujet ? […] Retiré à Essonne, il y perdit bientôt sa première femme, qui lui laissa deux enfants nommés comme de juste Paul et Virginie, et qui lui légua aussi de fâcheux démêlés avec sa famille.

1511. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Il a eu, en paraissant, un succès prodigieux, qui a fait un moment concurrence aux premiers événements de la Révolution, et qui a duré tant qu’ont vécu nos pères. […] Dans un des exercices publics qui avaient lieu dans la grande salle du collège, voyant entrer M. de La Visclède, secrétaire perpétuel de l’Académie de Marseille, et bien que l’auditoire fût en partie composé des plus jolies femmes de la ville : « Je ne voyais, dit-il, que M. de La Visclède, et mon cœur palpitait en le voyant. » Tel était Barthélemy à quinze ans : âme modérée, affectueuse et fine, esprit vif, curieux, délié, avide de savoir, ne mettant rien au-dessus des belles et nobles études qui se cultivent paisiblement à l’ombre des académies et des musées, on aurait dit que quelque chose de la pénétration et de la douceur des anciens Grecs, de ces premiers colons et civilisateurs de la contrée phocéenne, avait passé jusqu’à lui, et qu’il avait assez goûté de leur miel pour ne plus vouloir s’en sevrer jamais. […] Le récit que Barthélemy a donné de ses premières années de jeunesse, passées en Provence à diverses études, à apprendre l’hébreu, l’arabe, les médailles, les mathématiques et l’astronomie, est piquant, et il a essayé de le rendre tel, moyennant quelques anecdotes bien contées. […] Avant d’être célèbre comme écrivain par son Voyage du jeune Anacharsis, qu’il publia seulement à l’âge de soixante-douze ans, Barthélemy ne fut longtemps qu’un antiquaire en effet, et c’est à ce titre qu’il avait acquis sa première et toute paisible renommée.

1512. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Dès ses premières compositions, qui furent des vers (The last Lays of anciens Rome), Macaulay montra cette imagination docte qui est la vraie imagination du critique, laquelle s’embrase en se ressouvenant et diffère si profondément de l’imagination créatrice du poète. […] Il faut que l’art et son but, qui est la beauté morale et sensible, soient la préoccupation première. […] Ce fut là son premier mot en littérature, et ce fut son meilleur. Rien depuis, dans sa vie, n’a valu ce premier cri de la vocation.

1513. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

C’est par une sorte d’abus, mais qui avait sa raison, que l’on a compris encore sous le nom de romantiques les poètes, comme André Chénier, qui sont amateurs de la beauté grecque et qui, par là même, sembleraient plutôt classiques ; mais les soi-disant classiques modernes étant alors, la plupart, fort peu instruits des vraies sources et se tenant à des imitations de seconde ou de troisième main, ç’a été se séparer d’eux d’une manière tranchée que de revenir aux sources mêmes, au sentiment des premiers maîtres, et d’y retremper son style ou son goût. […] Théodore de Banville a réuni tous ses précédents recueils (moins un), je me suis dit avec plaisir : Voilà un poète, un des premiers élèves des maîtres, un de ceux qui, venus tard et des derniers par l’âge, ont eu l’enthousiasme des commencements, qui ont gardé le scrupule de la forme, qui savent, pour l’avoir appris à forte école, le métier des vers, qui les font de main d’ouvrier, c’est-à-dire de bonne main, qui y donnent de la trempe, du ressort, qui savent composer, ciseler, peindre. […] C’est le même rythme dont on a dit : « Ce petit vers masculin de quatre syllabes, qui tombe à la fin de chaque stance, produit à la longue une impression mélancolique ; c’est comme un son de cloche funèbre. » Chez M. de Banville, l’impression de cette mélancolie ne va pas jusqu’au funèbre, et elle s’arrête à la douceur regrettée des pures et premières amours ; elle n’est, en quelque sorte, que le son de la cloche du village natal, et elle va rejoindre dans ma pensée l’écho de la romance de M. de Chateaubriand.

1514. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Cet assaut n’a pas réussi ; nous y avons eu un général et un adjudant-général tués ; mais l’ennemi, intimidé du premier coup de main, s’est rendu. […] C’est d’un titre tout pareil (« Tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre ») et d’un seul mot en sa belle langue27, qu’Homère, ce premier chantre des combats, s’est plu à désigner Mars et la Victoire. […] Cependant le moment approchait où il allait se dégager du second rang et être appelé à se produire en première ligne.

1515. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Hugo, au milieu des diversions laborieuses et brillantes qu’il s’est données, dans les intervalles de ses romans qu’il ne multiplie pas assez au gré du public, et de ses drames que, selon nous, il ménage trop peu, n’a jamais perdu l’habitude du rhythme lyrique auquel il dut ses premiers triomphes. […] Dans ses premières odes politiques, M. […] Puis, ces premières croyances monarchiques et chevaleresques s’étant dissipées, M.

1516. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

J’y trouve assez de goût pour croire que je ne m’ennuierai point de la vie que je fais… » Mais, après cette sorte d’étape et ce premier temps de repos, Rancé se relève et se met en marche pour une pénitence infatigable et presque impitoyable, à l’envisager humainement : « Je vous assure, Monsieur, écrit-il à l’abbé Favier (24 janvier 1670), que depuis que l’on veut être entièrement à Dieu et dans la séparation des hommes, la vie n’est plus bonne que pour être détruite ; et nous ne devons nous considérer que tanquam oves occisionis. » A côté de ces austères et presque sanglantes paroles, on ne peut qu’être d’autant plus sensible aux témoignages constants de cette affection toujours grave, toujours réservée, mais de plus en plus profonde avec les années, qu’il accorde au digne vieillard, son ancien maître ; les jours où, au lieu de lui dire Monsieur, il s’échappe jusqu’au très-cher Monsieur, ce sont les jours d’effusion et d’attendrissement. […] Si les esprits malins croyaient remarquer quelque contradiction entre cette première lettre et celle de septembre suivant, dans laquelle on donne à l’abbé Nicaise quelques notes et renseignements à l’avantage de la Trappe, il est bon de savoir (ce que M.  […] Le style, en sa mâle nudité, offre des singularités intéressantes, des expressions qui sentent leur propriété première, des locutions françaises, mais vieillies et toutes voisines du latin.

1517. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Ils trouvent à l’instant et sans effort l’expression juste, et atteignent du premier coup l’objet en lui-même, sans s’empêtrer dans le magnifique manteau des métaphores, sans être troublés par l’afflux trop grand des émotions. […] Ils effleurent les ridicules, ils se moquent sans éclat et comme innocemment ; leur style est si uni, qu’au premier aspect on s’y méprend, on n’y voit pas de malice. […] 5 Sachez bien qu’on a pu choisir chez eux, embellir, épurer peut-être, mais que leurs premiers traits sont incomparables.

1518. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Les littérateurs hantent les peintres, les sculpteurs, les architectes ; les uns et les autres font échange de pensées, de goût, d’idéal606 Les littérateurs même seront au premier rang dans les vives polémiques auxquelles donneront lieu les Bouffons d’abord, et plus tard la rivalité de Gluck et de Piccinni. […] Ceux qui méprisent l’homme, ceux qui contestent la doctrine, ceux que Rousseau enfièvre, tous sont unanimes à répéter avec Mirabeau : « Voltaire fut au théâtre un génie de premier ordre, dans tous ses vers un grand poète ». […] Au dénouement, une sédition où Hamlet tue Claudius : et Gertrude se tue, pour éviter un parricide au sympathique jeune premier.

1519. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Maurice Barrès et Paul Adam I « J’ai adoré Taine, me disait un jour Maurice Barrès, et les raisons de mon culte me semblent aussi sérieuses qu’au premier jour. […] L’œuvre du comte Tolstoï, suivant qu’on considère ses derniers ou ses premiers livres, est un exemple de ces deux genres. […] En effet, la confusion première de Cavanon était de mêler son propre plaisir et une organisation d’autrui.

1520. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Et c’est là au premier abord une bonne définition de l’égalité de deux durées. […] En un autre point du monde très éloigné du premier, se passe le phénomène β, qui amène comme conséquence l’effet β′. […] De deux coups de foudre, l’un lointain, l’autre rapproché, le premier ne peut-il pas être antérieur au second, bien que le bruit du second nous parvienne avant celui du premier ?

1521. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Mme Verlaine mère logeait au premier. […] Verlaine m’avait prévenu à ma première visite : « Elle est méfiante. […] Ses récits nous initiaient aux splendeurs de la grande vie, nous ouvraient les endroits à la mode, les coulisses de l’Opéra, la loge de Mme Caron « aux gestes de reine », le foyer de la danse, le pavillon d’Armenonville ; évoquaient l’orgie parisienne : premières sensationnelles, vernissages, courses, dîners, bals, cotillons.

1522. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Il est certain que ces dispositions premières sont développées ou atrophiées, en tout cas modifiées par la vie. […] On s’accorde assez à reconnaître, en théorie du moins, que la moyenne des Français se distingue de la moyenne des Espagnols ou des Allemands par la taille, la complexion, le visage, la constitution physique ou morale ; même dans la pratique, à qui de nous n’est-il pas arrivé, en présence d’un inconnu, de dire au premier abord, sans qu’il ait eu besoin d’ouvrir la bouche : « Cet homme est Italien ! […] Qui croirait au premier abord que la cuisine et la littérature pussent avoir quelque chose de commun ?

1523. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Mill dit du premier : « M.  […] III Après avoir déterminé l’objet et la méthode de la psychologie, il nous reste à chercher s’il n’y a pas un art auquel cette science puisse servir de base ; s’il n’y a pas quelque science dérivée, applicable à la vie pratique, qui suppose, comme science première, la connaissance générale des phénomènes de l’esprit. […] Les positivistes ne reconnaissent pas en elle une science première (ou abstraite) : ils la font rentrer dans la biologie.

1524. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Saint-Marc Girardin n’a jamais fait ainsi ; il a été frappé à première vue des défauts, des travers, des ridicules du temps, et il les a raillés, il en a badiné avec un côté de raison sérieuse et piquante ; il a tiré parti de tout ce qu’il voyait, de tout ce qu’il lisait, pour se livrer au jeu auquel son esprit se complaît surtout et excelle, pour moraliser. […] J’arriverais donc, comme il aime à le faire, aux modernes du jour, aux contemporains, à nous-mêmes, et je dirais : La critique semble, au premier coup d’œil, avoir fait beaucoup de progrès, en avoir fait autant que l’art en a fait peu ; elle semble avoir gagné ce que l’autre a perdu. […] Saint-Marc Girardin l’a définie mainte fois et combattue sous toutes les formes ; il l’a rencontrée et décrite particulièrement avec une expression frappante dans un jeune homme à qui saint Jean Chrysostome en son temps adressait des conseils et qui passait pour possédé du démon, dans le jeune Stagyre, premier type reconnaissable de cette famille des René et des Werther.

1525. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Sous ces deux aspects, un même but est envisagé : il s’agit de réaliser un état de contentement, avec la sensation comme moyen et comme matière première. […] Mais, avertie par les obstacles et les déboires rencontrés au cours des premières expériences, elle se propose de trouver pour la sensation, en même temps parfois qu’un état de raffinement, un mode d’assouvissement collectif et le plus universel possible, c’est-à-dire combiné de telle sorte que la joie de l’un ne contrarie plus la joie de l’autre. […] D’un point de vue plus positif, elles se montrent encore le moyen inflexible par lequel le contenu de toute connaissance apparaît nécessairement indéterminé, inconsistant et instable, en proie à la possibilité d’une dissociation indéfinie, le principe de causalité contraignant l’esprit, à l’occasion de tout phénomène quel qu’il soit, à remonter sans répit de cause en cause, sans lui permettre de toucher jamais une origine première, les lois de l’espace et du temps secondant, par leur élasticité sans limites, la tâche de la causalité pour égarer l’esprit, donnant naissance à ces antinomies qui nous avertissent du caractère fictif de toute connaissance et aboutissent à nous présenter l’univers, ainsi qu’on s’est efforcé de le montrer au deuxième chapitre du livre précédemment invoqué1 comme un système d’illusionnisme.

1526. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

L’individualisation, la spécialisation ont eu pour résultat premier, le divorce complet qui semble à l’heure actuelle officiellement proclamé, non seulement entre des esprits de haute valeur littéraire, mais entre les genres littéraires eux-mêmes, ceux-là qu’on voyait aux grandes époques se développer de concert. […] Mais on pourra déterminer ses conditions d’existence, découvrir la merveille intime d’une organisation où les parties se correspondent, se soutiennent et se renforcent, et se subordonnent enfin à une conception première, une préconception de beauté. […] la beauté, but premier, risquera fort de s’effacer bientôt pour eux, devant les clartés éclatantes de la réalité et de la vérité !

1527. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Ici Sainte-Beuve revient à son ambiguïté du début, et dit tout d’une haleine : « Chaque ouvrage d’un auteur, vu, examiné de la sorte, à son point, après qu’on l’a replacé dans son cadre, et entouré de toutes les circonstances qui font vu naître, acquiert tout son sens, son sens historique, son sens littéraire… Être en histoire littéraire et en critique, un disciple de Bacon, me paraît le besoin du temps et une excellente condition première pour juger et goûter ensuite avec plus de sûreté. » Sainte-Beuve développe plus loin l’idée exprimée dans ce second membre de phrase, et conseille, pour apprécier un auteur, de le comparer à ses antagonistes et à ses disciples, de distinguer les diverses manières de son talent, de déterminer ses opinions sur certains sujets d’ordre général, enfin de résumer sa nature morale dans une formule exacte et concise. […] Dans la préface du premier de ces ouvrages, M.  […] Symonds fut aussi un des premiers défenseurs de la « cause homosexuelle » en Angleterre.

1528. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

C’est de cette double numération, sériée régulièrement ou irrégulièrement par la rime et ses rappels, que doit naître le chant du poème, implication première du rythme. […] Aussi est-ce résolument que nous inscrivons notre premier principe : I. — La Poésie réalisée est la forme transcendante du Savoir. […] Et, cependant, ne vient-on pas répéter que le poète doit sans cesse revenir à l’inspiration première, à la fraîcheur d’âme angélique, à l’ingénuité, à la naïveté touchante des âges d’or, et que, sur toutes choses, il doit écarquiller de grands yeux tout neufs ?

1529. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Voyez les remarques sur la fable du loup et de l’agneau, au premier livre. […] Deux perroquets, l’un père et l’autre fils… Ces quatre premiers vers sont joliment tournés, et sembleraient annoncer un meilleur apologue. […] Ces quatre premiers vers sont très-jolis, mais n’obtiennent pas grâce pour le fond de cet Apologue, qui me paraît défectueux.

1530. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Comme dans notre premier volume nous avons discouru fort au long sur les regles que les anciens suivoient dans la construction de leurs vers, nous ne parlerons point ici du premier des arts compris sous le nom de musique poëtique, et nous nous contenterons de traiter du second de ces arts, de celui qui enseignoit la composition de la mélodie, et le chant ou la maniere d’executer la mélodie. […] Ainsi cette division des sons de la voix en son continu et en son mélodique ou en son géné, assujeti à suivre dans sa progression des intervalles reglez, étoit un des premiers principes de la science de la musique.

1531. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Dans la comédie, les acteurs chaussez et vétus à l’ordinaire ne crient point si haut, mais leurs masques sont encore plus ridicules que ceux des premiers. " il est vrai qu’à l’aide de ces masques, l’acteur paroissoit aussi conforme qu’il le vouloit au caractere qu’il devoit soutenir. […] D’un autre côté, Cassiodore dit dans l’épitre cinquante et une du livre premier, que la voix de ceux qui joüent des tragédies, étant fortifiée par les concavitez, rendoit un son tel qu’on avoit peine à croire qu’il pût sortir de la poitrine d’un mortel. […] Par exemple, comme les anciens ne nous ont pas laissé la description de l’interieur du colisée, les architectes doutent encore quelle étoit la distribution intérieure du troisiéme étage de cet amphithéatre, quoique les deux premiers étages intérieurs soient encore à peu près dans leur entier.

1532. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Première impression : quel positiviste ! […] De comprendre une intelligence de premier ordre, de comprendre une intelligence supérieure à nous et par conséquent, sans doute, d’avoir développé la nôtre. […] Qu’il y a des nuances et que très souvent La Rochefoucauld dit : « toujours », mais qu’assez souvent aussi il dit « quelquefois » ; qu’il est beaucoup moins tranchant au fond qu’il ne paraît l’être au premier regard ; qu’il ne faut pas le voir comme un bloc.

1533. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Il a mieux aimé ne donner que les deux ou trois premières corrections, afin de nous conserver un petit air de cuistre qu’on renvoie dédaigneusement à l’école. […] Evidemment la méthode opposée est moins pénible, et le procédé du premier jet est un procédé de tout repos. […] Albalat est disposé à le trouver médiocre  », alors que nous déclarons, en propres termes (p. 9, Travail du style) : « Certains improvisateurs ont réalisé du premier coup de la très belle prose. » (NdA) 32.

1534. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

L’auteur des Sociétés humaines a mieux aimé envoyer devant lui ses premiers bagages. […] La sonnette du lépreux s’entendait avant qu’on ne vît le pauvre malade… M. l’abbé Mitraud, qui a, selon nous, dans la pensée, la contagion des maladies spirituelles contemporaines, fait entendre à nos cœurs et à nos esprits une triste sonnette dans ce premier écrit, où sa personnalité philosophique, c’est-à-dire sa théorie, ne paraît pas encore, mais s’annonce. […] Mais cela ne suffit pas, sans l’intuition première, sans le point de départ bien arrêté et dominateur.

1535. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Or les Romains des premiers siècles, vivant parmi les charrues et les armes, ne pouvaient acquérir un grand nombre d’idées, ni créer les signés qui les représentent. […] Son premier ouvrage fut un éloge en vers, en l’honneur de Marius. […] César disait qu’en relisant plusieurs fois le Caton du premier, il avait acquis plus d’abondance ; mais qu’après avoir lu le Caton de Brutus, il s’était trouvé lui-même éloquent.

1536. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Le grand duc de Toscane, son souverain, le nomma son premier mathématicien. […] L’ancienneté : premier point de contestation. […] Il lui fit ombrage dès le moment qu’il fut érigé par François premier. […] François premier, pour obvier à ces inconvéniens, établit le collège royal. […] Berthold pour premier général de l’ordre.

1537. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Notre siècle, après les excès philosophiques qui ont signalé la fin du précédent, est devenu prudent à bon droit dans ces considérations générales ; les cœurs honnêtes ont peur de toute témérité, et il semble même qu’on aime à s’en tenir, dans cette sphère élevée, aux apparences lumineuses, aux traditions générales et aux impressions premières du sentiment, plutôt que de les décomposer et de creuser trop avant, comme si l’on n’était pas sûr de pouvoir recomposer ensuite ce qu’on aurait trop indiscrètement analysé. […] Joubert, et que j’en voudrais retrancher, ne m’ont pas empêché de le reconnaître dès l’abord pour un de nos premiers moralistes, et de le voir tout proche de Vauvenargues et de La Bruyère, avec le cachet de notre temps, ce qui est un mérite selon moi, et une originalité. — Cela dit, ces réserves posées et ma prédilection ainsi confessée pour ce qui est neuf dans le fond ou piquant dans la forme, je citerai quelques-unes des pensées, toujours justes plutôt que vives, que je note au crayon dans le volume de M. de Latena, etc., etc.

1538. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR » pp. -

Ce sont ces Chroniques que nous allons publier en leur conservant ou plutôt en leur rendant toute leur vivacité originale et de premier jet. […] Nous avons laissé autant que possible ces Chroniques dans leur état primitif, c’est-à-dire que nous les avons maintenues dans leur chaleur et leur sincérité premières d’eaux-fortes avant la lettre.

1539. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

Enfin dans ce petit homme qui jette dans le goufre de Décius sa personne autant qu’il peut, du moins sa vie, son passé, sa considération, ses amitiés, tout ce qui lie et enchaîne les hommes, — qui retrousse ses manches et descend bras nus pour faire l’athlète comme au premier soleil du combat, — on peut voir un insulteur, mais un insulteur héroïque, un Spartacus qui a un peu trop la fièvre, mais à qui ses airs de moine et sa vieille soutane n’ont pas ôté toute verdeur, je n’ose dire grandeur. » Voilà ce que dirait un bon Génie, un Amschaspand. […] Nos catholiques sont comme des gens qui font remeubler à neuf leur salon au premier étage ; mais ce n’est pas du tapissier qu’on aurait besoin, c’est du maçon, pour réparer le rez-de-chaussée dont les murs croulent. — Ils n’ont ni le peuple, ni la classe moyenne.

1540. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Ainsi, la réaction catholique, sous Bonaparte et M. de Chateaubriand, par le Concordat et le Génie du christianisme, a puissamment servi à mitiger et à éteindre dans les jeunes générations d’alors cette haine farouche que portaient au catholicisme la plupart des premiers révolutionnaires et qui était une manière de fanatisme philosophique. […] En France, depuis 89, nous n’avons cessé de marcher (qu’on fasse bien attention à ceci) ; nous n’avons cessé, sur un point ou sur un autre, de tirer les conséquences de notre première Révolution.

1541. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

Nous avons fait nous-même ici, dans ces Premiers Lundis, les derniers emprunts aux Critiques et Portraits littéraires, par deux importants morceaux (à part les Préfaces que nous venons d’en extraire) : Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la révolution de 1830 ; — Des Jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger (1836) : tout le reste était déjà entré, comme on le sait, dans les autres galeries de Portraits : — Portraits littéraires, Portraits contemporains, Portraits de Femmes. — Les Critiques et Portraits littéraires relèvent donc essentiellement désormais du domaine de la bibliophilie, et la note suivante de M.  […] Mais, contre ce qu’on croyait prévu, la première édition, non épuisée, du premier volume a continué de se débiter de préférence à la seconde, qui n’a été mise qu’incomplètement en circulation, et que l’auteur signale aux gens du métier, parce que c’est en définitive sur elle que, pour ces débuts critiques, il aimerait à être jugé. »

1542. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Il ne me manque point de vaisseaux, ni de matelots, ni d’un grand nombre d’officiers de zèle, mais il me manque des chefs qui aient du talent, du caractère et de l’énergie. » Le désir, le besoin de Napoléon eût été de susciter quelque part, dans les rangs trop éclaircis de ses flottes, un grand homme de mer et du premier ordre, qui pût tenir en échec la puissance rivale dans cette moitié flottante de l’empire du monde ; mais un tel génie, à la fois supérieur et spécial, se rencontre quand il plaît à la nature, et ne se suscite pas. […] Il lui confia 25,000 hommes de troupes bavaroises et wurtembergeoises, avec lesquelles le prince Jérôme s’empara de la Silésie, et rendit à la grande Armée, alors en Pologne, d’utiles services : « Le prince Jérôme, disait l’empereur dans un de ses bulletins, fait preuve d’une grande activité et montre les talents et la prudence qui ne sont d’ordinaire que les fruits d’une longue expérience. » — Le 14 mars 1807, Napoléon nommait son jeune frère général de division, et le 4 mai il écrivait au roi de Naples, Joseph : « Le prince Jérôme se conduit bien, j’en suis fort content, et je me trompe fort s’il n’y a pas en lui de quoi faire un homme de premier ordre.

1543. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Et il serait étrange, enfin, qu’on imposât à notre âge le nom d’un poète qui est certes de premier ordre, mais qui représente si imparfaitement la tradition du génie français et qui semble presque en dehors. […] « En peignant ainsi la nature à grands traits et par masses, en s’attachant aux vastes bruits, aux grandes herbes, aux larges feuillages, et en jetant au milieu de cette scène indéfinie et sous ces horizons immenses tout ce qu’il y a de plus vrai, de plus tendre et de plus religieux dans la mélancolie humaine, Lamartine a obtenu du premier coup des effets d’une simplicité sublime, et a fait, une fois pour toutes, ce qui n’était qu’une seule fois possible. » Loué soit-il à jamais !

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