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920. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Il apparaît enfin, image vivante de son père, et des signes certains le font reconnaître : — « Rapproche cette boucle de l’endroit où je l’ai coupée. […] En le prenant, il la mordit cruellement ; et il but le sang mêlé au lait qui en jaillissait. — Ainsi le songe fait d’Oreste un monstre, et il ne recule pas devant cette image ; tout au contraire, il accepte l’effrayant augure.

921. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Rollin, en condamnant l’usage des fictions dans un poëte chrétien, n’interdit point certaines figures hardies qui font image, & par lesquelles on donne de la voix, du sentiment, de l’action même aux choses inanimées : « Il sera toujours permis, dit il, d’adresser la parole aux cieux & à la terre ; d’inviter la nature à louer son auteur ; de supposer des aîles aux vents pour en faire les messagers de dieu ; de prêter une voix de tonnerre aux cieux pour publier sa gloire ; de personnifier les vertus & les vices. […] Avec quel art il supplée aux enchantemens de la fable, par des images vraies, neuves, fortes & plus séduisantes qu’elle, par la manière frappante & naturelle dont les êtres moraux sont animés dans leurs discours & dans leurs actions !

922. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Mais il faut convenir qu’en ceci la poésie l’emporte infiniment sur la philosophie, dont les raisonnements trop crus sont un préservatif trop faible ou un remède peu sûr contre les mauvais effets de ces passions : au lieu que les images poétiques ont quelque chose de plus flatteur et de plus insinuant pour faire goûter la raison. […] Telle est la règle du bon sens que la réflexion fit naître à Eschyle, et plus nettement à ses successeurs, en considérant qu’une action représentée doit essentiellement ressembler à l’action réelle dont elle est l’image ; car, sans cela, il n’y a plus d’imitation, plus d’erreur, plus de vraisemblance et par conséquent plus d’enchantement.

923. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Jetant alors un coup d’œil rétrospectif sur le premier point de vue, on reconnaîtra qu’il fallait s’y placer d’abord, on jugera naturelle la tentation d’y revenir lors même qu’on a adopté le second ; mais on verra aussi comment les faux problèmes surgissent du seul fait que des images sont empruntées à l’un pour soutenir les abstractions correspondant à l’autre. […] Sans doute une multitude de déplacements et de changements se montrent à sa surface et se cachent à l’intérieur d’elle ; mais ces mouvements tiennent dans un cadre fixe : je veux dire qu’on peut trouver sur la Terre autant de points fixes qu’on voudra les uns par rapport aux autres et ne s’attacher qu’à eux, les événements qui se déroulent dans les intervalles passant alors à l’état de simples représentations : ce ne seraient plus que des images se peignant successivement dans la conscience d’observateurs immobiles en ces points fixes.

924. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

. — La part de l’intentionnel et du conscient est fort exagérée ; nul poète plus que Mallarmé n’est mené, tyrannisé, par les mots, les images, les associations les plus accidentelles et les plus imprévues ; comme poète, il est ici plus près des romantiques et de Verlaine que des classiques et de Baudelaire. […] Émile Faguet, d’une pureté absolument classique, avec le goût des images justes et le don de les trouver toujours sans effort. » Les certificats de M. 

925. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Enfin, dans leur conversation même, si souvent ingénieuse et piquante, par la vivacité des images et la force de la pantomime qui anime tous leurs discours, ils semblent surtout parler à l’imagination et aux sens. […] Elle l’appelle, elle lui tend les bras : « Reviens, aies pitié de mes malheurs ; des traîtres me déchirent, des brigands me désolent. » Le héros sensible à ces accents, revole vers elle ; il le peint ensuite combattant au-dehors, et tour à tour la Suède, la Pologne, la Crimée, la Turquie, la Perse ; au-dedans, les Strelitz, les fanatiques, les patriarches et les Cosaques ; dans sa propre maison, les incendies, les empoisonnements et les assassinats ; il peint surtout son activité prodigieuse : « Que de courses, de trajets, de voyages ; la Dvina et le Niéper, le Volga et le Tanaïs, la Vistule et l’Oder, l’Elbe et le Danube, la Seine, la Tamise et le Rhin ont tour à tour dans leurs eaux réfléchi son image.

926. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

ne semble-t-il pas rentrer dans ce trésor de sentiments et d’images qui, chez les Grecs, faisaient de la philosophie même une seconde poésie ? […] On peut alléguer, à l’appui de ce jugement, toute l’idée du poëme d’Empédocle appelé l’Expiation, ces accents sévères du poëte, ces pénitences prescrites, et en même temps cet éclat d’images et d’harmonie qui adoucit la menace, en la rendant plus persuasive.

927. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Une discussion dans les bureaux du Constitutionnel »

Mais quand, au contraire, il avait à écrire sur l’impératrice, il allait s’enfermer, pour s’inspirer, dans un cabinet orné de l’image de la souveraine, et écrivait, pour ainsi dire, sous la dictée de ses traits.

928. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. de Latena : Étude de l’homme »

L’âme s’attriste, la pensée s’assombrit, et les souvenirs de la jeunesse ne se présentent plus que comme les images d’un bonheur perdu sans retour.

929. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbey d’Aurevilly, Jules (1808-1889) »

Écoutez un moment cette conversation de tant d’éclat et de vivacité, abondant en traits et en aperçus, en images neuves et toujours merveilleusement appropriées ; où l’emphase et la familiarité, la subtilité et la violence se mêlent et s’entrelacent si originalement.

930. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Auguste (1805-1882) »

Juvénal en colère mais verve lyrique aux images de

931. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blémont, Émile (1839-1927) »

Théodore de Banville Rapidité et variété de l’image, harmonies bien pondérées, éclat et originalité de la rime, telles sont les qualités qui donnent aux vers de M. 

932. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mikhaël, Éphraïm (1866-1890) »

Edmond Pilon Le Parnasse fut une école de forme, et, dans cette forme, Mikhaël eut la gloire de modeler une pensée nouvelle ; il eut la noble intuition d’en ôter toutes les images extérieures, de s’affranchir de toutes les mythologies et d’y couler, comme un bronze divin, l’émotion de son rêve, la poignante sensation de ses désirs et de ses espoirs.

933. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXII. L’affichage moderne » pp. 283-287

Il faut l’image pour retenir le regard au hasard accroché.

934. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Homère, et le grammairien Thestorides. » pp. 2-6

On reconnut Homère à son talent de rendre la nature avec une noble simplicité ; à sa poësie vive, pleine de force, d’harmonie & d’images ; à son érudition agréable, lorsqu’il décrit l’art de la guerre, les mœurs & les coutumes des peuples différens, les loix & la religion des Grecs, le caractère & le génie de leurs chefs, la situation des villes & des pays.

935. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IV. Le Père. — Priam. »

L’image du délaissement du vieux monarque, peut-être accablé par de puissants voisins pendant l’absence de son fils, la peinture de ses chagrins soudainement oubliés, lorsqu’il apprend que ce fils est plein de vie ; enfin, cette comparaison des peines passagères de Pélée avec les maux irréparables de Priam, offrent un mélange admirable de douleur, d’adresse, de bienséance et de dignité.

936. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre III. Partie historique de la Peinture chez les Modernes. »

L’école chrétienne a cherché un autre maître ; elle le reconnaît dans cet Artiste qui, pétrissant un peu de limon entre ses mains puissantes, prononça ces paroles : Faisons l’homme à notre image.

937. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre III. Suite du précédent. — Seconde cause : les anciens ont épuisé tous les genres d’histoire, hors le genre chrétien. »

Ce n’est pas par bonds, par intervalles, et en ligne droite, que coulent les grands fleuves (si nous pouvons employer cette image) : ils amènent longuement de leur source un flot qui grossit sans cesse ; leurs détours sont larges dans les plaines ; ils embrassent de leurs orbes immenses les cités et les forêts, et portent à l’Océan agrandi des eaux capables de combler ses gouffres.

938. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Julliart » pp. 176-177

Et vous ne songez pas que ces arbres doivent être touchés fortement, qu’il y a une certaine poésie à les imaginer selon la nature du sujet, sveltes et élégans, ou brisés, rompus, gercés, caducs, hideux ; qu’ici pressés et touffus, il faut que la masse en soit grande et belle ; que là rares et séparés, il faut que l’air et la lumière circulent entre leurs branches et leurs troncs ; que cette terrasse veut être chaudement peinte ; que ces eaux imitant la limpidité des eaux naturelles, doivent me montrer comme dans une glace l’image affaiblie de la scène environnante ; que la lumière doit trembler à leur surface ; qu’elles doivent écumer et blanchir à la rencontre des obstacles ; qu’il faut savoir rendre cette écume ; donner aux montagnes un aspect imposant ; les entr’ouvrir, en suspendre la cime ruineuse au-dessus de ma tête, y creuser des cavernes, les dépouiller dans cet endroit, dans cet autre les revêtir de mousse, hérisser leur sommet d’arbustes, y pratiquer des inégalités poétiques ; me rappeller par elles les ravages du temps, l’instabilité des choses, et la vétusté du monde ; que l’effet de vos lumières doit être piquant ; que les campagnes non bornées doivent, en se dégradant, s’étendre jusqu’où l’horizon confine avec le ciel, et l’horizon s’enfoncer à une distance infinie ; que les campagnes bornées ont aussi leur magie ; que les ruines doivent être solennelles, les fabriques déceler une imagination pittoresque et féconde ; les figures intéresser, les animaux être vrais ; et que chacune de ces choses n’est rien, si l’ensemble n’est enchanteur ; si composé de plusieurs sites épars et charmans dans la nature, il ne m’offre une vue romanesque telle qu’il y en a peut-être une possible sur la terre.

939. (1933) De mon temps…

Je le compare aux diverses images que j’ai gardées de lui. […] Au mur était encadrée une peinture représentant, dans un décor de grande ville moderne, un corps de femme descendant au fil de l’eau le cours d’un fleuve nocturne, épave macabre, débris de débâcle humaine, sorte d’Ophélie désespérée et symbolique et qui était comme une allusion peinte, comme une image de la poésie du poète. […] Ce don, qui fit de Verhaeren un grand poète créateur d’images et de rythmes, un évocateur d’une étrange puissance, il le mit au service de son fougueux et universel amour de la vie et c’est cette vitalité magnifique qui fait la beauté de ses poèmes, leur donne leur accent leur crée leur sortilège et leur incantation. […] Son vers concentre avec une précise concision l’émotion d’un sentiment ou la couleur d’une image. […] La bizarrerie des images s’exprimait par d’étranges déformations verbales.

940. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Les uns et les autres, avec une égale ardeur, refaisaient à l’image de l’esprit français les objets de leur culte ou de leur hospitalité passionnée. […] L’esprit français voulait se mirer lui-même dans les œuvres de l’antiquité, et, comme il n’y trouvait pas son image, il osait, avec une effronterie tout aussi grande dans un camp que dans l’autre, ici les tourner en ridicule, là les façonner violemment à sa ressemblance. […] Tu leur mon : trais des bandelettes couvertes d’images de dieux indiens, et le texte de deux grands poèmes sanscrits que, sauf toi (tu le savais très bien), personne ne pouvait comprendre. […] Les tours et les flèches des églises gothiques me semblaient emporter dans les cieux la prière des fidèles, pendant qu’à l’intérieur l’enceinte fermée de toutes parts, le silence, la paix, l’ombre mystérieuse des vitraux, me montraient l’image même de l’âme pieuse et recueillie406. […] Dans Shakespeare, la pensée marché par bonds ; les saillies, les écarts se multiplient ; l’intelligence n’a pas eu le temps de comprendre toute une idée, qu’une nouvelle idée se précipite, pressée par une troisième qui en dévore la moitié ; les yeux sont encore éblouis de l’éclat d’une image, qu’une nouvelle image se jette à la traverse, croisée par une troisième qui les efface toutes deux.

941. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Ce n’est pas indifféremment que l’œil d’un enfant contemple dès ses premiers jours de belles et nobles images, et c’est ainsi qu’on a judicieusement expliqué l’aptitude naturelle des Italiens à saisir la beauté pittoresque. […] Un vieux Werther, quelle déplaisante image s’éveille en nous à ces mots ! […] Plusieurs avaient sur le visage cette blancheur lisse comme celle des images de cire, qui semble comme le doux stigmate dont la piété aime à marquer ses nobles victimes. […] Certains portraits, dessins de caractère, souvenirs, anecdotes ont été rassemblés sous ce nom : Images objectives et impressions du monde extérieur. […] Sur ce fond clair et brillant, un peu uniforme, une image se détache quelquefois comme un accident de couleur.

942. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LI » pp. 198-202

On revient aisément aux vieilles images classiques en parlant du Constitutionnel.

943. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Si cette image semble le rêve d’un autre âge, j’en suis fâché pour le nôtre.

944. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 381-387

Dans ses Odes héroïques, il manque, de l’aveu de tout le monde, de cette élévation de pensées, de cette chaleur d’expression, de cette vivacité d’images, de cette énergie de tours, qui sont l’ame de la Poésie lyrique.

945. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Étienne Dolet, et François Floridus. » pp. 114-119

« A le voir seulement, dit Angeodonus, on démêloit un étourdi, un fou, un insensé, un furieux, un enragé, un glorieux, un impertinent, un menteur, un débauché, un méchant, un quérelleur, un impie, un écrivain sans dieu, sans foi, sans religion quelconque ; & l’on voyoit si bien tout cela, que, ni le bronze ni la toile n’eussent jamais pu être, comme son visage, l’image d’un monstre.

946. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la comédie chez les Anciens. » pp. 25-29

Elle ne présente pas les hommes comme le jouet du hasard ; mais comme les victimes de leurs vices ou de leurs ridicules ; elle leur présente le miroir, et les fait rougir de leur propre image.

947. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

Énée, couvert de ses armes divines, et debout sur la poupe de sa galère, qui approche du rivage Rutule, est dans une attitude héroïque ; Agamemnon, semblable au Jupiter foudroyant, présente une image pleine de grandeur : cependant Godefroi n’est inférieur ni au père des Césars, ni au chef des Atrides, dans le dernier chant de la Jérusalem.

948. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IV. Si les divinités du paganisme ont poétiquement la supériorité sur les divinités chrétiennes. »

Satan, s’apprêtant à combattre Michel dans le paradis terrestre, est superbe ; le Dieu des armées, marchant dans une nuée obscure à la tête des légions fidèles, n’est pas une petite image ; le glaive exterminateur, se dévoilant tout à coup aux yeux de l’impie, frappe d’étonnement et de terreur ; les saintes milices du ciel, sapant les fondements de Jérusalem, font presque un aussi grand effet que les dieux ennemis de Troie, assiégeant le palais de Priam ; enfin il n’est rien de plus sublime dans Homère, que le combat d’Emmanuel contre les mauvais anges dans Milton, quand, les précipitant au fond de l’abîme, le Fils de l’Homme retient à moitié sa foudre, de peur de les anéantir.

949. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IX. Application des principes établis dans les chapitres précédents. Caractère de Satan. »

Milton lui-même avait partagé cet esprit de perdition ; et, pour imaginer un Satan aussi détestable, il fallait que le poète en eût vu l’image dans ces réprouvés, qui firent si longtemps de leur patrie le vrai séjour des démons.

950. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre IV. Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. »

La vérité humaine est semblable au triangle, qui ne peut avoir qu’un seul angle droit, comme si la nature avait voulu graver une image de notre insuffisante rectitude dans la seule science réputée certaine parmi nous.

951. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vien » pp. 202-205

L’image la plus favorable sous laquelle on puisse envisager un critique, est celle de ces gueux qui s’en vont avec un bâtonnet à la main remuer les sables de nos rivières pour y découvrir une paillette d’or.

952. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — I »

Ses livres sont composés avec une rigueur inflexible, chargés d’images et d’éloquence.

953. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Bernardin de Saint-Pierre montre ce roi naissant entre les bras de celle qui lui donna le jour ; et devant cette touchante image, les déclamations de Pline s’évanouissent. […] Rousseau consume notre âme par l’exemple de Julie oubliant tout dans les bras de son amant ; Bernardin de Saint-Pierre nous pénètre d’un sentiment divin en nous offrant la douce image de Virginie. […] Aussi, lisez ses descriptions: elles sont simples comme le regard d’un enfant qui ne cherche point d’images merveilleuses, mais qui écrit sans prétention ce qu’il sent. […] La nature appelle en vain à elle le reste des hommes ; chacun d’eux se fait d’elle une image qu’il revêt de ses propres passions. […] Cependant, si la raison de l’homme n’est qu’une image de celle de Dieu, puisque l’homme a bien le pouvoir de faire parvenir ses intentions jusqu’au bout du monde par des moyens secrets et cachés, pourquoi l’Intelligence qui gouverne l’univers n’en emploierait-elle pas de semblables pour la même fin ?

954. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

De la gloire et du temps voilà l’image sombre ; Éloigne-toi d’un siècle, et tout rentre dans l’ombre ; Laisse pour fuir l’oubli tant d’insensés courir ; Que sert un jour de plus à ce qui doit mourir ? […] Mais si ma situation ne me permettait pas d’approcher, dans un salon, de ces grands hommes et de ces femmes célèbres dont j’entendais retentir le nom dans les journaux, je pouvais du moins, et c’était assez pour moi, en approcher du regard et emporter dans mes yeux l’image d’une de ces divinités terrestres. […] Cette seconde image d’une des plus hautes personnifications de l’esprit humain sous la forme d’une femme m’inspira un second respect pour la fécondité de mon siècle. […] Au comte d’Orsay Quand le bronze écumant dans ton moule d’argile, Lèguera par ta main mon image fragile À l’œil indifférent des hommes qui naîtront, Et que, passant leurs doigts dans ces tempes ridées Comme un lit dévasté du torrent des idées, Pleins de doute, ils diront entre eux : de qui ce front ? […] … Dérobe ce visage À la postérité, qui ballotte une image De l’Olympe à l’égout, de la gloire à l’oubli ; Au pilori du temps n’expose pas mon ombre !

955. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Jupiter symbolisa l’ordre public et l’autorité de l’État ; Cérès, l’agriculture, c’est-à-dire la propriété laborieuse du sol, avec ses conséquences et ses garanties, les lois civiles, le mariage, la paix et tous les principes de la civilisation ; Junon figura le lien conjugal ; Vénus et son fils, les passions de l’amour physique ; Minerve, la valeur militaire et la sagesse des tribunaux, et elle apparut en même temps comme la divine et vivante image du génie de la ville d’Athènes. […] Lorsque, dans la variété infinie de son monde théâtral, il descend jusqu’aux limites extrêmes de la sottise et de la perversité, loin de permettre à ses drôles de s’abandonner à la petitesse de leurs basses pensées, Shakespeare les relève par la poésie, et fait abonder sur leurs lèvres folles de brillantes images et des sentences d’or216. […] Rompre sans cesse le développement rationnel d’un roman tragi-comique, commencer arbitrairement, continuer et finir de même, jeter au hasard, pêle-mêle, sans suite, une foule d’images, de sentiments et de saillies : voilà le programme qu’il suit et qu’il nous propose. […] Si, en effet, l’apparence, une fausse image de ce qui est substantiel et vrai, ou ce qui est mauvais et petit en soi est le côté saillant, cependant la personnalité forte et solide qui dans son indépendance, s’élève au-dessus de toutes les choses finies, assurée et heureuse en elle-même, reste le principe du haut comique. […] La satire, prosaïque en elle-même, ne peut devenir poétique que lorsqu’elle nous met devant les yeux l’image de la dégradation des mœurs, d’une société corrompue et dépravée qui se détruit par sa propre folie.

956. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Après cela, que Macpherson ait profité de sa découverte pour élaguer quelques imperfections, compléter quelques lacunes et composer même quelques poëmes dans le même mode de style et d’images sur des données fugitives, on n’en saurait guère douter ; mais le caractère de Macpherson, malgré sa jalouse partialité pour son œuvre, était trop religieux pour s’obstiner à une supercherie si contraire à la vérité et démentie par tant de témoignages pendant la durée de plus d’un siècle. […] Levez tous vos larges boucliers ; que vos lances soient des météores de mort Suivez moi dans la route de la gloire, et égalez mes actions dans le combat. » « Mille vents déchaînés sur Morven, ou les nuages volant amoncelés à travers les cieux, ou les flots du noir Océan fondant sur les rivages du désert, leur bruit, leurs ravages, la terreur qu’ils inspirent : telle est l’image de l’horrible mêlée des deux armées sur la plaine retentissante de Lena. […] Les esprits montent sur des rayons de feu : d’irrésistibles et vastes torrents se versent à grand bruit des montagnes : telle est, ô Malvina, l’image de ce combat… Ah ! […] « Mais vois le roi de Morven, il s’avance, et l’incendie, les torrents, les tempêtes sont l’image de sa force. — Heureux ton peuple ! […] Ce passage fait allusion à la religion de Loclin ; et la pierre du pouvoir était sans doute l’image d’une des divinités de la Scandinavie.

957. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Il est très naturel au contraire qu’une mélodie ou un poème évoque en nous une image de l’artiste, et, que nous croyions trouver dans le visage que notre imagination lui prête les traces des passions qu’il nous suggère. […] Quant à cette idée en elle-même, c’est le but qui ne sera jamais atteint : pure notion métaphysique, abstraite, qui sert de direction suprême à l’œuvre artistique comme à l’œuvre philosophique, mais qui en soi et par soi n’engendre ni l’image, ni l’harmonie. […] Le chant jaillit de source innée, antérieure à un concept, si purement que refléter, au dehors, mille rhytmes d’images. […] C’est une image de l’éternité réduite à la capacité de nos conceptions, c’est de l’éternité faite avec le temps. […] Ou bien au contraire elle envahit le domaine plastique, hérisse le style écrit de termes arides et qui ne font pas image, encombre la peinture et la musique de théories réputées infaillibles, de procédés qui suppriment l’émotion et l’instinct et prétendent mettre l’artiste à même de produire à coup sûr des œuvres irréprochables.

958. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Ce n’est plus, en effet, l’immarcescible Beauté seulement préposée aux joies terrestres, aux excitations artistiques et sensuelles telle que la salacité plastique de la Grèce la comprit ; c’est l’incarnation de l’Esprit du Mal, l’effigie de l’omnipotente Luxure, l’image de l’irrésistible et magnifique Satanesse qui braque, sans cesse aux aguets des âmes chrétiennes, ses délicieuses et maléfiques armes. […] J’arrivai par cette voie à la conception réfléchie de l’idéal qui s’était obscurément formé en moi, vague image à laquelle l’artiste aspirait. […] L’action qui vient à s’accomplir dépend d’une seule cause, de l’âme qui la provoque, et cette action éclate au jour telle que l’âme s’en est formé l’image dans ses rêves. » Au propos de ce drame, réalisation complète de l’idéal projeté, Wagner se défend de vouloir supprimer la mélodie, la mélodie étant l’unique forme de la musique. […] La mélodie de la forêt, image de ce que doit produire l’orchestre, rendant clair et retentissant le silence du poète. […] Cette image même est fort plaisante.

959. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Il se produit sur ma rétine l’image d’un fruit jaune et sphérique ; je le classe avec d’autres semblables, vus antérieurement, sous le nom d’orange. […] S’il n’est pris aucune note des différents états, à mesure qu’ils se produisent, s’ils traversent la conscience simplement comme les images traversent un miroir, alors aucune intelligence n’est possible, si longtemps d’ailleurs que dure le processus. […] Nous savons que la figure projetée ne ressemble nullement au cube : dans l’image, les lignes n’ont ni la même longueur, ni les mêmes rapports, ni les mêmes directions, etc., etc., que dans le solide lui-même : ainsi des lignes qui sont droites dans le cube sont courbes dans l’image, des surfaces planes sont représentées par des surfaces courbes. Cependant à tout changement dans le cube correspond un changement dans l’image.

960. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Mais de même que l’aspiration morale nouvelle ne prend corps qu’en empruntant à la société close sa forme naturelle, qui est l’obligation, ainsi la religion dynamique ne se propage que par des images et des symboles que fournit la fonction fabulatrice. […] C’est pourquoi l’image d’un mouvement en spirale, qu’on a évoquée quelquefois, serait plus juste que celle de l’oscillation pendulaire. […] Nous qui connaissons la suite, nous ne pouvons nous empêcher d’en faire reculer l’image jusqu’à l’origine : le présent, aperçu dans le passé par un effet de mirage, est alors ce que nous appelons l’inconscient d’autrefois. […] Mais, remontant des profondeurs obscures de l’âme à la surface de la conscience, et y rencontrant l’image du mysticisme vrai telle que les mystiques modernes l’ont présentée au monde, instinctivement elle s’en affuble ; elle attribue au Dieu du mystique moderne le nationalisme des anciens dieux. […] Elle se donne une représentation spatiale de la vie intérieure ; elle étend à son nouvel objet l’image qu’elle a gardée de l’ancien : d’où les erreurs d’une psychologie atomistique des états de conscience ; d’où les inutiles efforts d’une philosophie qui prétend atteindre l’esprit sans le chercher dans la durée.

961. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce distingue très nettement deux formes de la connaissance : 1º la connaissance intuitive qui, par l’imagination, connaît des choses individuelles, prises isolément, et qui produit des images ; cette intuition est à la base de l’art […] Il semble bien que, par une lecture attentive des Prophètes, D’Annunzio s’est profondément pénétré de leur esprit ; s’il lui arrive de faire des citations textuelles, c’est involontairement, par un effet de sa mémoire infiniment sensible aux images et à la musicalité. […] , il affirme de plus en plus son mode personnel, par la richesse des images, la subtilité des sensations, la vision nette des contours et des couleurs ; à la magnificence de l’expression, il joint un art raffiné et sévère ; peu ou pas d’idées, des émotions purement sensuelles, mais enfin c’est la jeunesse enivrée de soleil et d’amour ; sa forme, toute vibrante d’énergie contenue, semble une lame d’acier au poing d’un conquérant. […] Je n’y ai oublié qu’une chose, c’est le fil, seconde tentative et pis encore que la première ; maintenant j’en suis à ma troisième : il est pourtant temps de réussir ou de se jeter par la fenêtre51. » Quand enfin il a réussi, avec Madame Bovary, il reprend triomphalement son image du collier de perles : « Les perles composent le collier, mais c’est le fil qui fait le collier, or enfiler les perles sans en perdre une seule et toujours tenir le fil de l’autre main, voilà la malice52. » Le fil, c’est la réalité épique ; les perles, ce sont les beautés lyriques. […] Pour reprendre l’image de Flaubert : le fil, ténu et fait de bouts raccordés, casse à chaque instant ; les perles, dont quelques-unes sont fausses et d’autres volées, s’égrènent tristement.

962. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

L’avorton est, d’ailleurs, à son image et lui ressemble trait pour trait. […] Qu’il disparaisse à jamais d’un monde qui n’était que médiocre et qu’il est parvenu à rendre tout à fait abominable, en le façonnant à son image. […] Image grandiose, sinon très vraie, qu’un malicieux plaisant appliquait un jour avec une manière d’exactitude littérale à M.  […] En suivant cette belle image, les comédiens doivent-ils être considérés comme bourreaux ou comme martyrs ? […] nous aurons de jolis discours et de jolis articles et de bien délicieuses images dans les journaux illustrés si cette immondice arrive à terme.

963. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Il le représenta prêt à lancer la foudre ; toute la Grece tomba aux pieds de son image. […] De la nature en tout mes tableaux sont l’image. […] Le sentiment y doit être animé ; le raisonnement embelli par les images. […] quelle abondance d’images ! […] Il met du raisonnement & de la subtilité où il faudrait des images & du naturel.

964. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

M. de Chateaubriand, qui visita Parny vers 1789, a dit du chantre d’Éléonore, dans une simple image qui reste l’expression idéale de ce genre de nature et d’élégie : « Parny ne sentait point son auteur ; je n’ai point connu d’écrivain qui fût plus semblable à ses ouvrages : poëte et créole, il ne lui fallait que le ciel de l’Inde, une fontaine, un palmier et une femme169. » Tel était Parny, ou du moins tel il aurait dû être, s’il n’avait suivi que ses premiers penchants et si l’air du siècle ne l’avait pas trop pénétré. […] A la suite des chansons en prose, on lisait en un clin d’œil, dans le mince volume, les dix petites pièces intitulées Tableaux, simple jeu d’un crayon gracieux et encore léger, mais où déjà l’on pouvait voir une redite, la même image toujours reprise et caressée, une variante affaiblie d’une situation trop chère, dont l’imagination du poëte ne saura jamais se détacher. […] Le grand écueil des élégiaques qui vieillissent (et Parny y a donné en plein dans ses divers poëmes irréligieux), c’est de ne savoir pas rompre avec l’image séduisante qui revient de plus en plus chère, bien que de jour en jour plus fanée. […] Tu souris trop peu à nos amours que tant d’obstacles jaloux traversèrent ; tu y souris pourtant assez, ô Plaisir, pour que l’image en reste, au fond de mon cœur, pleinement couronnée.

965. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Déesse de l’ordre, image de la stabilité céleste, on était coupable pour t’aimer, et, aujourd’hui qu’à force de consciencieux travail nous avons réussi à nous rapprocher de toi, on nous accuse d’avoir commis un crime contre l’esprit humain en rompant des chaînes dont se passait Platon. […] Il est l’image de la voûte du ciel. […] La piété de ma grand’mère, sa politesse, son culte pour l’ordre établi, me sont restés comme une des meilleures images de cette vieille société fondée sur Dieu et le roi, deux étais qu’il n’est pas sûr qu’on puisse remplacer. […] Plus tard, son image s’est souvent représentée à moi.

966. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Le caractère des deux langues dans lesquelles il est écrit ; l’usage de mots grecs ; l’annonce claire, déterminée, datée, d’événements qui vont jusqu’au temps d’Antiochus Épiphane ; les fausses images qui y sont tracées de la vieille Babylonie ; la couleur générale du livre, qui ne rappelle en rien les écrits de la captivité, qui répond au contraire par une foule d’analogies aux croyances, aux mœurs, au tour d’imagination de l’époque des Séleucides ; le tour apocalyptique des visions ; la place du livre dans le canon hébreu hors de la série des prophètes ; l’omission de Daniel dans les panégyriques du chapitre XLIX de l’Ecclésiastique, où son rang était comme indiqué ; bien d’autres preuves qui ont été cent fois déduites, ne permettent pas de douter que le Livre de Daniel ne soit le fruit de la grande exaltation produite chez les Juifs par la persécution d’Antiochus. […] Comme on croyait encore le monde près de finir, on se souciait peu de composer des livres pour l’avenir ; il s’agissait seulement de garder en son cœur l’image vive de celui qu’on espérait bientôt revoir dans les nues. […] Rien ne s’oppose à ce que ce témoin oculaire, qui évidemment avait suivi Jésus, qui l’avait aimé et regardé de très près, qui en avait conservé une vive image, ne soit l’apôtre Pierre lui-même, comme le veut Papias. […] Pendant l’été, ayant dû monter à Ghazir, dans le Liban, pour prendre un peu de repos, je fixai en traits rapides l’image qui m’était apparue, et il en résulta cette histoire.

967. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Mais là, il ne nous avait montré le temple des élus que de loin, dans une sorte de vision intérieure, et sous l’image brillante d’un de ses messagers. […] Il a matérialisé le rêve de la musique, par le caractère humain et réel de l’action ; il a complété et par conséquent borné le drame, par tout le mystère latent des passions, que la parole expose, mais que seule la musique suggère, donnant ainsi en Tristan et Iseult, l’image peut-être suprême de tout ce que l’amour contient de bestialité et de pur mysticisme. […] Cette image sert aussi à montrer ce qui, dans ce système philosophique, reste inexpliquable et infigurable ; — des causes intérieures ne soulèveraient pas de vagues sur un tel globe-océan, celles-ci ne pourraient être le résultat que d’influences extérieures. […] Le résumé ne se peut faire de ces fragments, que ne réunit pas le lien d’une même date ou d’un même plan : nous préférons citer les plus importants : D’abord, quelques réflexions sur l’Art : « Byron, voulant écrire un poëme épique, se prend lui-même pour héros : c’est l’image exacte de notre production artistique, tout égoïste, sans Compassion. » (p. 54).

968. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

La veine où il puise ses images est celle des livres et des souvenirs classiques ; la source peut sembler déjà bien ancienne et refroidie : il l’a rajeunie et vivifiée cette fois par son émotion88. […] Quand je vois ces qualités et ces défauts de l’historien d’une époque finissante, cet arrangement élégant et peigné, ces comparaisons disparates où les images d’Endymion ou de tel autre personnage mythologique sont jetées à travers les événements les plus positifs et les plus désastreux de l’histoire, je les oppose aux qualités et aux défauts du narrateur français qui commence, à cette simplicité grave, sèche et roide, mais parfois épique, et je me demande : « Lequel des deux est véritablement le plus voisin d’Homère ou d’Hérodote ? 

969. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Mais la musique, la lumière et le parfum manquent à cette invocation ; il n’y a rien de ravissant, rien d’harmonieux dans les images ni dans les syllabes. […] De plus sérieux contradicteurs, et plus désintéressés, soutiennent qu’il est pénible, à travers ce déploiement continu de force et de talent, d’être constamment obligé (soi, lecteur) d’avoir en perspective ce qui est l’idée fixe de ce malheureux et maniaque Roger, c’est-à-dire l’image toute matérielle d’un partage physique ; que c’est une fin peu digne d’un art aussi vivant et aussi expressif, que c’est un but peu en proportion avec une monodie aussi déchirante.

970. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Je ne saurais trop, surtout, admirer l’art avec lesquel il conduit ses auditeurs, sans les en avertir, à travers des images qui leur sont familières, vers les objets qu’il a en vue, et la perfection avec laquelle il fait correspondre exactement ces images matérielles avec les vérités invisibles qu’il veut faire comprendre.

971. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Très inférieur par cet endroit à Boileau et superficiel de goût sur un point, bien mieux que son antagoniste, d’ailleurs, il comprenait que les Modernes ont aussi leur poésie, leur source d’inspiration propre, qu’ils l’ont dans le christianisme plutôt que dans ces vieilles images rapiécées de Mars, de Bellone au front d’airain, du Temps qui s’enfuit une horloge à la main, etc. ; mais, victorieux en théorie, il reperdait à l’instant tout l’avantage dès qu’il prétendait mettre en avant comme preuve son poëme de Saint Paulin. […] Quoi qu’il en soit et de quelque part qu’elle vienne, qu’elle ne périsse jamais cette fleur d’imagination première, cette image de l’enfance du monde, recommençant et se réfléchissant dans l’enfance de chacun !

972. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Bossuet est à l’aise pour la reconnaître dans le langage enthousiaste et vague des prophètes, dans ce verbe de feu, sous ces images figurées qui se transmettaient de bouche en bouche et se renouvelaient sans cesse. […] Ceux qui ont étudié Bossuet savent combien, dès ses premiers sermons prêchés à Metz, il était préoccupé de cette destruction de Jérusalem et des scènes particulières d’horreur qu’elle présente ; il y insiste de nouveau dans ce Discours, il les étale et les commente, y voyant l’image anticipée du Jugement dernier.

973. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Mais il nous faut chasser ces images et, pour aujourd’hui, nous tenir avec l’humble et pieux M.  […] Mais la réflexion que vous faites, monsieur, sur cette belle circonstance de l’histoire de ces anciens enfants des Saints, convient tout à fait à la haute idée qu’une religion aussi éclairée que la vôtre donne de l’image de Dieu qui est dans l’homme, et de l’alliance que Jésus-Christ a élevée à ia dignité de sacrement… » Et il prenait de là occasion pour citer, à son tour, plus d’une parole de l’Écriture se rapportant à l’union mystique du Verbe avec la nature humaine et du Sauveur avec son Église, toutes choses divines dont le mariage humain, en tant que sacrement, n’est que l’ombre et la figure.

974. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Hugo a qualifié le sourire triste, ineffable et calmant ; la fin en est très-belle, très-idéale, et offre un mélange de résignation contristée et qui tout d’un coup s’éclaire d’une image antique : O Nuit ! […] Il est souvent un grand charme, et inexprimable, résultant d’une image discrète, d’un tour simple, d’un enchaînement facile, d’une cadence coupée à temps, avec un sentiment vrai sous tout cela : c’est l’atticisme de la poésie.

975. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Ils excellent dans la peinture des affections douloureuses et des images mélancoliques. […] Se peut-il que, sur cette terre, on veuille du don de la vie, lorsqu’elle ne sert qu’à former des liens que doit briser la mort, qu’à aimer ce qu’il faut perdre, qu’à recueillir dans son cœur une image dont l’objet peut disparaître du monde où l’on reste encore après lui ! 

976. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Ce funeste trait de lumière frappe la raison avant d’avoir détaché le cœur ; poursuivi par l’ancienne opinion à laquelle il faut renoncer, on aime encore en mésestimant ; on se conduit comme si l’on espérait, en souffrant, comme s’il n’existait plus d’espérances ; on s’élance vers l’image qu’on s’était créée ; on s’adresse à ces mêmes traits qu’on avait regardés jadis comme l’emblème de la vertu, et l’on est repoussé par ce qui est bien plus cruel que la haine, par le défaut de toutes les émotions sensibles et profondes : on se demande, si l’on est d’une autre nature, si l’on est insensé dans ses mouvements ; on voudrait croire à sa propre folie, pour éviter de juger le cœur de ce qu’on aimait ; le passé même ne reste plus pour faire vivre de souvenirs : l’opinion qu’on est forcé de concevoir, se rejette sur les temps où l’on était déçu ; on se rappelle ce qui devait éclairer, alors le malheur s’étend sur toutes les époques de la vie, les regrets tiennent du remords, et la mélancolie, dernier espoir des malheureux, ne peut plus adoucir ces repentirs, qui vous agitent, qui vous dévorent, et vous font craindre la solitude sans vous rendre capable de distraction. […] C’est là mourir en effet, que n’affliger, ni punir, ni rattacher dans son souvenir, l’objet qui vous a trahi ; et le laisser à celle qu’il préfère, est une image de douleur qui se place au-delà du tombeau, comme si cette idée devait vous y suivre.

977. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Mais il est à noter que si l’Infini, réalisé en l’image d’un Dieu personnel, et pourtant conçu en son incompréhensible et inimaginable essence, peut contenter l’âme qui s’y élance et s’y absorbe, il n’en va pas tout à fait de même de l’amour humain. […] À partir de Gace Brûlé, l’image est comme pourchassée, exclue, excommuniée : le concept, intellectuel, abstrait, règne seul et souverain.

978. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Or un lettré n’agite pas les mêmes idées, ne rencontre pas les mêmes images, ne profère pas les mêmes termes qu’un illettré. […] Une image d’Épinal est claire.

979. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Mais il clame sa pensée en images si triomphantes, il la danse au rythme de symboles si bondissants et si vertigineux qu’elle semble la fiévreuse création de quelque dieu imprévu, Bacchus barbare, ivre de sa puissance, ivre aussi de ce qu’il a bu. […] Auprès du public actuel, animal faible et qui s’effare devant la décision comme devant une brutalité et une offense, ces quelques fuites et ces balancements timides servent peut-être le poète exquis autant que ses images un peu flottantes et ses couleurs aux grâces atténuées.

980. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Il ne faut pas voir quelques traits de la moralité d’un Apologue, il faut voir l’image toute entière. […] Il a réussi, parce que cette image offre, en résultat, une très-bonne leçon.

981. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Les dieux s’étaient enfuis, mais leurs images étaient restées. Maintenant, une autre voix retentit dans le monde littéraire : Les images des dieux s’en vont.

982. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

La partie du rocher qu’il aura parcourue, offrira l’image d’une campagne cultivée ; celle qui lui restera à franchir, sera encore brute et sauvage ; cependant un serpent à demi écrasé, et ranimant ses forces, s’élancera pour piquer les flancs du cheval, et tâcher, s’il le peut, d’arrêter la course du héros. […] C’est aux vivants qu’il faut parler ; c’est dans leur âme qu’il faut aller remuer le germe de l’honneur et de la gloire : ils veulent être aimables, faites-les grands ; présentez-leur sans cesse l’image des héros et des hommes utiles ; que cette idée les réveille.

983. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Lui modeste, tout entier aux choses, indifférent à l’effet, il a été (je suis obligé d’emprunter à la physiologie une image), il a été comme un organe profond intermédiaire entre des systèmes d’esprits différents. […] Vous vous étiez montré à moi sous un aspect sensible qui m’avait intéressée, et j’ai été fâchée de voir s’évanouir l’image que je m’étais faite de vous. […] Et puis il y a dans l’épopée idyllique de Baggesen plus que de la grâce, plus que des images riantes ; il y a par moments de la grandeur. […] Et cet aimable guide, ce courtois ami, dont l’image me sera toujours chère et honorée tant que la vie à flots de pourpre arrosera mes veines, se tournant vers moi, et soulevant gracieusement ta main qu’il tenait, faisait le geste de me l’offrir. […] N’oublions pas que c’est un étranger qui écrit : l’image d’ailleurs est parfaitement exacte, et elle vient rappeler à propos combien en effet le goût des nations diffère.

984. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Vous dire que vous n’avez reculé, en rassemblant vos Fleurs, devant aucune sorte d’image et de couleur, si effrayante et affligeante qu’elle fût, vous le savez mieux que moi ; c’est ce que vous avez voulu encore.

985. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

La scène est au commencement du treizième siècle, notez l’époque ; et, quand il veut peindre son héroïne, il ne trouve d’autres images que celles d’Hélène, de Vénus, de Galatée et d’Eurydice ; Philippe-Auguste est l’Alcide français, l’Apollon de Lutèce.

986. (1874) Premiers lundis. Tome I « Charles »

S’il est au bord de la mer, Charles nous parlera sans doute de brise, de vagues et de rochers, il y verra dans ma extase des images et comme des symboles de son amour, il interprétera éloquemment toutes ses sensations au profit du sentiment unique qui l’anime ; mats il ne retracera ni la plage même sur laquelle il est assis, ni la grève qui est en face ; il ne localise jamais : ou bien encore, ce seront des forêts et leurs ombrages, des prairies et des fleurs ; mais nulle part le rocher de Meillerie, nulle part le bosquet de Clarens.

987. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Le poète aurait pu dire encore qu’il avait, fort jeune, et en plus d’une circonstance mémorable, donné à la monarchie et au prince d’humbles gages qu’il ne séparait point, dans sa pensée, des autres gages qu’on devait donner aussi aux libertés et aux institutions du pays ; il aurait pu (et le roi l’eût cru sans peine) protester de son aversion contre toute malice détournée, de sa sincérité d’artiste, de sa bonne foi impartiale à l’égard des personnages que lui livrait l’histoire ; et, alors, la conversation tombant sur le caractère de Louis XIII, et sur le plus ou moins de danger ou de convenance qu’il y aurait à le laisser paraître dans la pièce en litige, le poëte eût pu expliquer à loisir à l’auguste Bourbon que le drame n’ajoutait rien là-dessus, retranchait bien plutôt à ce qu’autorisait la franchise sévère de l’histoire, et que l’image de temps si éloignés et si différents des nôtres ne pouvait le moins du monde paraître une indirecte contrefaçon du présent.

988. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bataille, Henry (1872-1922) »

Toutes les petites filles y sont coloriées comme dans les livres d’images, et elles ont des noms semblables à des sanglots puérils.

989. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rimbaud, Arthur (1854-1891) »

Les vers du sonnet sont très beaux — tous font image.

990. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 329-336

Du feu, de la vie dans les tableaux, de grandes idées dans les images, des mouvemens rapides dans les sentimens, des élans d’imagination qui étonnent, des traits sublimes dans le langage, qui séduisent, sont pour lui des ressorts familiers qui font éprouver à l’ame des secousses qui la maîtrisent, la captivent, l’arrachent à elle-même, & la remplissent de cet enthousiasme que le vrai génie peut seul communiquer.

991. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 139-145

Linguet se montre dans tout ce qu’il a écrit, par une richesse d’imagination, une chaleur & une vivacité d’images, une flexibilité & un coloris de style, qui le séparent avantageusement de la foule de nos Littérateurs, même célebres.

992. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

En leur fendant leurs appellations primordiales, on les retrempe à leur source vive, et leurs images s’offrent à l’esprit intactes des affronts subis par leurs pseudonymes.

993. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — III »

Mais à côté de cette image restreinte, voici, dans l’hypothèse métaphysique que l’on élève, parmi l’univers immobile, l’abolition de toutes les relations infiniment nombreuses que réalisait seul, entre objets et sujets, le mécanisme de la cause par l’intermédiaire du temps, en sorte que, supprimant tout état de conscience, cette hypothèse se montre elle-même inimaginable, la vision qu’elle suscitait s’évanouissant dans l’abîme où elle entraîne avec elle toute existence phénoménale et où s’anéantit toute représentation.

994. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

. : on ne peut plus s’occuper que d’elle ; on en est possédé, enivré : on la retrouve partout ; tout en retrace les funestes images ; tout en réveille les injustes désirs : le monde, la solitude, la présence, l’éloignement, les objets les plus indifférents, les occupations les plus sérieuses, le temple saint lui-même, les autels sacrés, les mystères terribles en rappellent le souvenir32. » « C’est un désordre, s’écrie le même orateur dans la Pécheresse 33, d’aimer pour lui-même ce qui ne peut être ni notre bonheur, ni notre perfection, ni par conséquent notre repos : car aimer, c’est chercher la félicité dans ce qu’on aime ; c’est vouloir trouver dans l’objet aimé tout ce qui manque à notre cœur ; c’est l’appeler au secours de ce vide affreux que nous sentons en nous-mêmes, et nous flatter qu’il sera capable de le remplir ; c’est le regarder comme la ressource de tous nos besoins, le remède de tous nos maux, l’auteur de nos biens34… Mais cet amour des créatures est suivi des plus cruelles incertitudes : on doute toujours si l’on est aimé comme l’on aime ; on est ingénieux à se rendre malheureux, et à former à soi-même des craintes, des soupçons, des jalousies ; plus on est de bonne foi, plus on souffre ; on est le martyr de ses propres défiances : vous le savez, et ce n’est pas à moi à venir vous parler ici le langage de vos passions insensées35. » Cette maladie de l’âme se déclare avec fureur, aussitôt que paraît l’objet qui doit en développer le germe.

995. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VI. Amour champêtre. — Le Cyclope et Galatée. »

L’égalité de leurs mœurs, et le peu de variété de leurs idées nécessairement teintes des images des champs, devaient aussi rappeler le retour des mêmes sons dans le langage.

996. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Un petit corollaire de ce qui précède [Mon mot sur l’architecture] » pp. 77-79

Sans doute, ce rocher image de la constance et de la durée, est une belle chose.

997. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

et, — comme images poétiques brillamment accumulées, — le grand-duc des chandelles de feu Du Bartasc fait aussi triste figure auprès de lui qu’un lampion agonisant au milieu des éclairs du gaz électrique. […] Veuillez me passer une image empruntée au duc de Saint-Simon, et qui peint à merveille l’enthousiasme foudroyant du critique. […] » » L’image n’est pas seulement d’une grossièreté inconvenante : elle manque en outre de justesse et de charité chrétienne ; je dirais même qu’elle est d’un païen, — et M.  […] si, guidé par le sens commun et remontant à l’analogie de l’image, il eût supprimé dans le dernier mot une lettre, une seule qui, au premier aspect, a tout à fait l’air d’être une coquille ? […] mon cher monsieur Viennet, l’image est fausse, puisque les rayons accouplés forment saillie.

998. (1929) Amiel ou la part du rêve

Vous ne savez plus à quoi vous en tenir, mais ayez patience et vous reconnaîtrez que vous avez dans une Université une équation à mille termes, image en petit de la grande équation de la vie. […] L’image qui apparaît le plus volontiers dans les rêves ou la rêverie d’Amiel est celle de la jeune veuve. […] Comme, dans la Pharsale, la figure de Rome se lève devant César, l’image de Genève s’est dressée devant Amiel. […] Toutes tendent à reconstituer la sphère et à reproduire soit les couleurs du prisme, soit l’image du monde circonvoisin. […] Il y a la contre-partie (employons, pour Genève, des images bancaires).

999. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Abufar ou la Famille arabe réussit fort, après quelque petite hésitation, et fut l’une des émotions littéraires du printemps de 1795 : au sortir de la tyrannie de Robespierre, on se plaisait à ces images de pasteurs et de chameaux du désert, à ces peintures patriarcales embellies. […] Il faut que le morceau de fureur soit irréprochable pour le style, et qu’il soit dans la manière du Dante pour les images et pour la couleur. […] Elles produisent sur moi l’effet de cet idiome grec, dont les sons charmaient le malheureux Philoctète dans son désert. » Son âme, son imagination étaient montées dans le tous-les-jours à un très haut ton ; ses lettres, sa conversation étaient d’un pittoresque inépuisable : il y versait son âme en images continuelles ; il poétisait tout à coup : « L’air de ce globe n’est pas bon ; ce soleil-ci n’est pas le véritable, je m’attends à mieux. » Quelquefois un peu de singularité, un geste grandiose qui faisait sourire, quand lui-même il était en robe de chambre et en bonnet de coton : « J’habite dans la lune, je crache sur la terre. » « Je rêve en ermite et en pauvre ermite, mes pieds appuyés sur mes vieux chenets du temps du roi Dagobert et du bon évêque saint Éloi. » Puis à côté de ces airs antiques, le plus souvent des nuances toutes fraîches et charmantes.

1000. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

« Sur quel cœur l’image de la créature qui relève était-elle mieux gravée que sur ce cœur qui semblait absent ? […] Quand il faut de part et d’autre travailler durement pour ne pas tomber dans la dernière indigence, les ailes de l’âme se replient et remettent tous les élans à l’avenir. » Dans des lettres à une amie, Mme Derains, elle revient sur cette misère des logements à trouver, et elle exprime en vives images le trouble moral et le bouleversement de pensées qui résulte de ces déplacements continuels : Ma bonne amie, vous me dites des paroles qui résument des volumes que j’ai en moi. […] L’un et l’autre vers qui se rencontrent dans une même image sont tout simplement sublimes.

1001. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

En osant la métaphore comme jamais on ne l’avait fait en français avant lui, M. de Chateaubriand ne s’y livre pas avec profusion, avec étourdissement ; il est sobre dans son audace ; sa parole, une fois l’image lancée, vient se retremper droit à la pensée principale, et il ne s’amuse pas aux ciselures ni aux moindres ornements. […] Toutes les réflexions saines, capables d’éloquence, toutes les nobles images à cueillir et les palmes en fleur dans chaque champ, toutes les belles rêveries à rêver, l’appellent d’un attrait invincible. […] Ses instincts de voyageur se déploient et s’irritent en présence de cette mer naufrageuse, son idole, dit-il, et son image.

1002. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Cela est court, cela est monotone, cela est affecté ou trivial ; cela contient cinq ou six images gracieuses, naïves, fortes, mais toujours les mêmes scènes : les airs que le berger siffle à son cheval, ceux que le matelot psalmodie à sa barque, couché à l’ombre de sa voile, ou l’amant à sa maîtresse au clair de lune. […] « Je vois encore dans le miroir de ma mémoire, si fidèle pour les images helléniques, ce petit tableau tel qu’il m’est apparu à Scio. […] Ces nuages fermaient au loin l’entrée de la mer Noire, qu’on entrevoit de Thérapia par une courte échappée ; et leur ceinture, jointe au calme des ondes, faisait de cet espace, le plus resserré du Bosphore, l’image parfaite d’un petit lac.

1003. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

À part quelques expressions qui conviennent plus au livre qu’au théâtre et sont trop raffinées pour dépasser la rampe, toute la pièce est écrite dans une très belle langue pleine de pensées et d’images. […] Poète en ses drames que gonfle un souffle énorme (l’épopée ; poète en ses études de critique, où il dit l’âme et le prodigieux génie de Wagner ; poète en ses fantaisies légères d’au jour le jour, harmonieuses et composées ainsi que des sonnets, en ses contes galants où, sous les fleurs de perversité et les voluptés féeriques et précieuses des boudoirs, percent parfois le piquant d’une ironie et l’amer d’un désenchantement ; poète en ses romans, surtout avec Zohar, aux baisers maudits ; même avec la Première maîtresse, et qui ne craint pas de descendre jusque dans le sombre enfer contemporain de nos avilissements d’amour, tout arrive à son cerveau en sensations, en visions de poète ; tout, sous sa plume ; se transforme en images de poète, exorbitées et glorieuses, la nature, l’homme, aussi bien que la légende et que le rêve. […] Mendès, qui a traduit les emportements et les désolations de l’enchanteresse légendaire en une langue poétique d’une réelle puissance et d’une richesse d’images infinie.

1004. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Et chacun y arrive plus ou moins, et quelques-uns transforment sensiblement à leur image le milieu qui les entoure. […] Je sais bien que la sagesse et l’équilibre, comme la perfection dont ils sont une image appropriée à notre état sont peu estimés. […] Elle ajoutera que chacun de nous ne représente pas seulement lui-même, mais une société entière faite à son image, à l’existence virtuelle, mais qu’il tend à réaliser.

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