Les enfants précédaient leur instituteur et moi je fermais la marche. […] Pourquoi ces mots si souvent prononcés, si peu entendus, si diversement définis, sont-ils employés avec la même précision par le philosophe, par le peuple et par les enfants ? L’enfant se trompera sur la chose, mais non sur la valeur du mot. […] Rien ne ressemble tant à un homme qu’un enfant. […] Pourquoi met-on si fortement l’imagination de l’enfant en jeu, si difficilement celle de l’homme fait ?
Ce qui constitue l’originalité curieuse et sans égale d’Albert Glatigny, c’est qu’il est non pas un poète de seconde main et en grande partie artificiel, comme ceux que produisent les civilisations très parfaites, mais, si ce mot peut rendre ma pensée, un poète primitif, pareil à ceux des âges anciens, et qui eut été poète, quand même on l’eût abandonné petit enfant, seul et nu dans une île déserte. […] L’œuvre de ce poète a son prix et sa valeur, et la municipalité de Lilleboune a été bien inspirée en honorant la mémoire de son enfant qui fut pauvre et qui, dans sa vie innocente, oublia tous ses maux en chantant des chansons.
Je préfère celui où l’enfant va caresser sa mère de ses deux petites mains. Et l’enfant et la mère sont intéressants.
Ce qu’Horace disait à un ami qui était devenu amoureux de son esclave : “Il est beau, il est adroit, il a des mœurs, de l’esprit, des connaissances, c’est un enfant parfait de tous points ; mais je vous en préviens, il est un peu fuyard…” ». […] Je lui dis que c’était une des plus puissantes affections de l’homme. « Un cœur paternel, repris-je ; non, il n’y a que ceux qui ont été pères qui sachent ce que c’est ; c’est un secret heureusement ignoré même des enfants. » Puis continuant, j’ajoutai : « Les premières années que je passai à Paris avaient été fort peu réglées ; ma conduite suffisait de reste pour irriter mon père, sans qu’il fût besoin de la lui exagérer. […] comment maltraiter un enfant qui revient de si loin ?
La Règle étouffait cet enfant fou, le vers, d’un carcan qui pour être en or et rehaussé de joailleries merveilleuses n’en était pas moins un carcan. […] Seulement, on se fatiguera bientôt de ta chanson d’enfant, on la trouvera monotone et « par trop nature ». […] Va, suis-le, il est l’enfant nouveau qui dira ton âme à toi et la dira librement, se moquant de la Rime riche et de la Rime rare, du nombre et de la quantité des syllabes et des choses « bien faites » et de tout cela qu’inventèrent les Maîtres et les Habiles. » IV « Or, sais-tu ce qui arrivera ?
C’est de là que je vois sortir et l’enfant et l’homme adulte et le vieillard ; et l’homme sauvage et l’homme policé ; et le magistrat et le militaire et le portefaix. […] L’enfant est une masse informe et fluide qui cherche à se développer ; le vieillard est une autre masse informe et sèche qui rentre en elle-même, et tend à se réduire à rien. […] Puis je lui expose des enfants, des adultes, des hommes faits, des vieillards, des sujets de tout âge, de tout sexe, pris dans toutes les conditions de la société, toutes sortes de natures, en un mot.
Ce que le Ranz de l’enfant des Alpes produit, pour qui l’entend, d’ennui, de langueur ardente et de besoin, jusqu’au mourir, de revoir la patrie, Louis Wihl l’éprouve dans Les Hirondelles pour un pays qu’il n’a pas vu, mais qu’en sa qualité de poète il a mieux fait que de voir, puisqu’il l’a rêvé. […] Tout fils qu’il est, comme nous, de cette pénétrante et éparpillante civilisation qui tend de plus en plus à se substituer à toutes les patries, et qui éteindra un de ces jours jusqu’aux sons du cor de l’enfant des Alpes, l’auteur des Hirondelles a entendu, dans sa pensée, ce Ranz, qui n’était pas ailleurs, des montagnes de la Judée muette, et il en a mis l’écho dans des vers capables de donner le mal du pays aux âmes lâches qui ne l’éprouvent plus. […] Les vers de Louis Wihl, ces vers, fils de la Bible et ressemblant à la Bible comme des enfants amoureusement faits ressemblent à leur mère, peuvent se lire après la Bible et ne pas tomber dans le néant où le rapprochement de la Bible fait tomber toute imitation qu’on fait d’elle.
Il a femme et enfants, une femme à laquelle il aurait pu demeurer fidèle comme le premier honnête homme venu, si Meurice n’avait pensé que le Chevalier du libre esprit devait être en même temps le Chevalier du libre amour ! […] Quand, sorti de chez sa maîtresse pour rentrer chez sa femme, il y trouve des enfants qui, tout à l’heure, par le fait du roman, vont le mettre au supplice (sa fille en voulant épouser le fils d’un ennemi politique, son fils en jugeant et en réprouvant sa conduite quand il accepte le ministère), ce père, qui aurait pu être sublime dans ce déchirement de Laocoon, dévoré non plus par des serpents, mais par ses propres enfants, a perdu le bénéfice et l’auguste caractère de la paternité, et tous les sophismes de l’auteur n’ont pas le pouvoir de les restituer à cette paternité souillée.
L’enfant accompagne les jeunes filles ; mais, on ne peut croire que l’amour soit au repos, tant qu’il porte ses flèches. […] La mère de l’enfant ailé a ordonné la présence de toutes : et elle ordonne aussi aux jeunes filles de ne croire en rien l’Amour. […] À peine était-il né, et, rampant sur terre, avait-il jeté un faible cri, que dans son sein Calliope le reçut, et dépouilla pour la première fois le long deuil d’Orphée : Enfant, dit-elle, consacré désormais aux Muses, et bientôt supérieur aux poëtes antiques, ce ne sont ni les fleuves, ni les bêtes féroces, ni les forêts gétiques, que tu remueras de ta lyre ; mais les Sept Collines, le Tibre du dieu Mars, les chevaliers et le sénat vêtu de la pourpre, tu les entraîneras par l’éloquence de ton chant. » Le poëte alors rappelait ces premiers essais de Lucain qui lui valurent la jalousie de Néron, et ce poëme inachevé qui lui mérita la mort.
Ce n’était qu’une bande, et à ce titre, épousant les femmes du pays, il faisait entrer dans ses enfants la séve étrangère. […] Les peuples sont comme les enfants ; chez les uns la langue se délie aisément, et ils comprennent d’abord ; chez les autres la langue se délie péniblement, et ils comprennent tard. […] C’est un enfant aimable et bavard ; ce qu’on appelle alors sa poésie, la poésie neuve, n’est qu’un babil raffiné, une puérilité vieillotte. […] Lentement, par degrés, à travers les douloureuses plaintes des chroniqueurs, on voit ce nouvel homme se former en s’agitant, comme un enfant qui crie parce qu’une machine d’acier en le blessant lui fortifie la taille. […] Leurs femmes et leurs enfants vont pieds nus… Car plusieurs d’entre eux qui avaient coutume de payer chaque année à leur seigneur un écu pour leur terre, payent maintenant au roi, par-dessus cet écu, cinq écus.
Quand il y a des enfants, ce sont encore : une Gouvernante d’enfants, une Nourrice, un Gouverneur ou Précepteur, un Valet de Chambre, deux Laquais, une Servante pour la Nourrice. […] Ainsi la mère disant de son enfant, je ne sais à propos de quel petit méfait : « Alors j’ai fait des nœuds à mon mouchoir…, et je lui en ai donné…, je lui en ai donné ! […] Il boit, il mange, fait des enfants, déborde d’une grosse gaieté. […] Or — c’est curieux et personnel à la race hébraïque — l’autopsie avait lieu le plus souvent chez un banquier, chez un riche juif de l’endroit, dont les enfants voulaient préserver leur avenir, des maladies de leur père. […] Mme Daudet, peinte à l’huile par Tissot (1890), sur un exemplaire d’ : Enfants et mères, un portrait délicatement touché.
Sa poésie est charmante et purificatrice… Max Elskamp chante comme chante un enfant ou un oiseau de paradis. Il se veut un enfant ; il est l’oiseau des légendes qu’un moine écouta pendant plus de cinq cents ans ; et, de même qu’en la légende, lorsqu’on l’a écouté et qu’on revient à la vie, il y a du nouveau dans les gestes des hommes et dans les yeux des femmes.
Son premier germe fut, sans doute, cet instinct inné de l’imitation qui fait simuler à l’enfant les actions viriles, au sauvage la chasse du lendemain et le combat de la veille. […] Le drame naissant se mouvait, comme l’enfant, avant de parler.
Encore enfant, elle se donne au vieux Lépide parce qu’il était riche. […] Et je relis quelquefois Boileau, pour redevenir enfant. […] pas d’insulte, enfant, sur ce nom chaste et doux ! […] Il aime également ces deux enfants. […] Les Chantemelle ont naturellement emmené avec eux la nourrice de l’enfant.
Comme beaucoup d’enfants intelligents, elle eut grand’peine à apprendre à lire. […] Joseph Reinach n’ont pas oublié le temps où elle les appelait ses enfants. […] Elle n’eut jamais pleine conscience d’elle-même, cette divine enfant. […] Sans la géométrie, l’enfant pourrait-il marcher, l’abeille faire son miel ? […] Il ne pouvait souffrir que les enfants fissent des caresses à leur mère.
La scène où Michel-Ange apprend la mort de Raphaël et pleure cet enfant divin atteint au sublime. […] Mais l’enfant le comprendra-t-il ? » Pour que l’enfant le comprenne, il lui suffit de lire jusqu’au bout. […] Un castel de Basse-Normandie, habité par des fossiles, deux couples de vieillards falots et un enfant infirme. […] Le premier printemps qui suit la mort de l’enfant irrite le père comme un non-sens.
Va, mon enfant chéri, d’une famille à l’autre, Emporte le bonheur et laisse-nous l’ennui. […] Fille, épouse, ange, enfant, fais ton double devoir : Donne-nous un regret, donne-leur un espoir ; Sors avec une larme, entre avec un sourire.
Alfred de Musset : 1° la Confession d’un Enfant du siècle, revue et corrigée avec le goût que l’auteur apporte désormais à tout ce qu’il écrit ; 2° les Comédies et Proverbes en prose ; 3° les Poésies complètes. […] Mes premiers vers sont d’un enfant, Les seconds d’un adolescent, Les derniers à peine d’un homme.
Mais qu’apprendra ainsi la mère aux enfants ? […] S’il en était ainsi, si ce principe de certitude et cette méthode pour arriver à la vérité demeuraient infaillibles, on sent que l’éducation de la mère de famille deviendrait facile, et que ce qu’elle aurait à enseigner à ses enfants serait également trouvé.
. — La Croisade des enfants (1896) — Spicilège (1896). — Moll Flanders, traduit de Daniel de Foë (1896). — Les Vies imaginaires (1897). — Hamlet, traduit de Shakespeare avec Eug. […] Et Bûchette et Jeanie, qui regarde en dedans, et Ilsée, Ilsée qui est l’apparition la plus essentielle que je sache ; et Marjolaine qui, la nuit, jette des grains de sable contre les sept cruches multicolores et pleines de rêves, et Cice, la petite sœur de Cendrillon, Cice et son chat qui attendent le prince ; et Lily, puis Monelle qui revient… Je ne puis tout citer de ces pages, les plus parfaites qui soient dans nos littératures, les plus simples et les plus religieusement profondes qu’il m’ait été donné de lire, et qui, par je ne sais quel sortilège admirable, semblent flotter sans cesse entre, deux éternités indécises… Je ne puis tout citer ; mais, cependant, la Fuite de Monelle, cette Fuite de Monelle qui est un chef-d’œuvre d’une incomparable douceur, et sa patience et son royaume et sa résurrection, lorsque ce livre se renferme sur d’autres paroles de l’enfant, qui entourent d’âme toute l’œuvre, comme les vieilles villes étaient entourées d’eau… [Mercure de France (août 1894).]
S’il se bat comme un lion, « c’est, dit-il à son frère, que chaque grade gagné me rapproche de vous et de mes enfants » ; et plus tard : « Il vaut mieux pour mes enfants qu’ils soient orphelins d’un colonel que d’un chef de bataillon. » En versant ainsi son sang en Afrique, en prodiguant sa vie, il ne cesse d’être occupé des siens : « Moi, je n’ai que votre souvenir pour me soutenir. […] mon pauvre frère chéri, si tu veilles sur mes enfants, si tu me remplaces auprès d’eux, il faut bien aussi que tu aies ta compensation et que ton cœur bondisse comme le mien de joie et de fierté au récit de mes succès, où tu es pour bonne part, ami, car je n’ai jamais donné deux coups de sabre aux Bédouins sans qu’il y en ait eu un à ton intention, et l’autre dans la pensée de mes enfants… Est-ce que tu n’as pas l’intention de demander bientôt une bourse pour mon fils ? […] Je les aime comme mes enfants, tout en désirant leur faire entendre quelques balles d’un peu près. » — Et quand il est déjà colonel : « Je viens de recevoir pour mon brave régiment une croix d’officier, quatre croix de chevalier et deux grades à l’occasion de l’affaire de Dellys. […] Moi je penserai à vous tous, à ma femme, à mes enfants. » Un moment viendra où il entendra la messe pour elle-même, le sacrifice pour le sacrifice : il a en lui un commencement de disposition, qui de la tête lui descendra dans le cœur. […] Cette nomination de général de division qui lui arrive en même temps que la nouvelle que son fils a passé un bon examen pour Saint-Cyr, lui tire de la plume et du cœur cette lettre charmante et qui décèle en Saint-Arnaud des qualités, des jets de source qu’on ne peut s’empêcher d’aimer : Cher enfant, tu es admissible, et moi je suis général de division.
Dans ce pays sauvage, montueux, séparé des routes, l’enfant grandissait, libre sous son père, et apprenait tout presque de lui-même. […] Daburon fit observer qu’ils étaient en latin : sur quoi l’enfant parut consterné de ne pas savoir le latin ; et le père dit : « Je les expliquerai à mon fils » ; et M. […] » Autre consternation de l’enfant ; et M. […] Son père était juge de paix à Lyon avant le siége, et pendant le siége il avait continué de l’être, tandis que la femme et les enfants étaient restés à la campagne. […] Il mourut comme tant de Constituants illustres, comme tant de Girondins, fils de 89 et de 91, enfants de la Révolution, dévorés par elle, mais pieux jusqu’au bout, et ne la maudissant pas !
… Malgré ses prétentions à la jeunesse, l’Amérique, cette fille de l’Europe, est née vieille comme tous les enfants de vieillards, et elle a les épuisements spirituels de sa mère. […] Il y croit comme un enfant, lui, le satanique et le mystificateur ! […] Terrible supplice qui le rend sinistre, même quand il taille de petites babioles pour les enfants ! […] Tout cela — des contes d’ogre pour des enfants qui se croient des hommes — n’a qu’une prise d’un moment sur l’imagination du lecteur, et manque, comme impression d’Art, de profondeur et de vraie beauté. […] Elle vient d’une grande chose : de la foi qui lui montre l’enfer à l’œil nud et de l’indignité sentie, qui lui dit qu’il y peut tomber, tandis que la peur d’Edgar Poe est la peur de l’enfant ou du lâche d’esprit, fasciné par ce que la mort, qui garde le secret de l’autre monde, quand la religion ne nous le dit pas, a d’inconnu, de ténébreux, de froid.
Né au Havre en 1737, son imagination d’enfant s’égara de bonne heure sur les flots. […] Cette idée, qu’enfant il avait conçue en lisant Robinson, Télémaque et les récits des voyageurs, c’était d’avoir quelque part, dans un coin du monde, son île, son Ithaque, sa Salente, où il assoirait par de sages lois le bonheur des hommes. […] Tous les enfants qui naissaient en ces années se baptisaient Paul et Virginie, comme précédemment on avait fait à l’envi pour les noms de Sophie et d’Émile. […] Le nom de Paul se trouve être aussi, non sans dessein, celui d’un bon religieux dont il avait voulu, enfant, imiter la vie, et qu’il avait accompagné dans ses quêtes. Le bon vieux frère capucin est devenu l’adolescent accompli, ayant taille d’homme et simplicité d’enfant : ainsi va cette fée intérieure en ses métamorphoses.
Son poème s’intitule Lazare ; c’est le poème des misérables ; c’est la plainte des enfants, esclaves de la machine, privés d’air pur, de jeux, de sommeil ; c’est l’appel de détresse des femmes réduites à envier le sort de la vache, qui reste du moins à l’étable, oisive et paisible, lorsqu’elle a mis au monde un petit. Et le poète s’apitoie sur cette population qui ne peut se consoler de la vie qu’en s’abrutissant de gin ; il montre l’amour dégénérant en bestialité sauvage dans ces centres putrides ; il supplie les habitants de climats plus doux, les joyeux enfants de l’Italie, de ne pas changer leur heureuse pauvreté pour cette existence infernale, où, dans le bruit des métiers, des rouets, des bobines, Le fer use le fer et l’homme use les hommes. […] Laissez passer quelques années et voici que surgissent des hommes partis de plus bas : Rousseau., fils d’horloger et ancien laquais ; Diderot, fils de coutelier, qui a connu la misère et la faim ; Sedaine, qui fut tailleur de pierre ; d’Alembert, enfant naturel recueilli par la femme d’un vitrier ; Chamfort, né aussi de père inconnu ; la Harpe, élevé par charité, etc.. […] Il consiste à proclamer et à rendre les fonctions publiques aussi accessibles au fils d’un ouvrier ou d’un paysan qu’à celui d’un financier ou d’un marquis ; à égaliser le point de départ pour tous les enfants ; à exiger que la place de chaque citoyen dans la société soit en raison de sa valeur intellectuelle et morale. […] La Confession d’un enfant du siècle, chap.
Je jouai beaucoup et je repartis le lendemain, aimant fort ce petit enfant qui venait de naître. […] Mon Dieu, le voilà tombé lui aussi, lui si jeune, le dernier né de la famille, que je comptais bien laisser en ce monde, entouré d’enfants qui m’auraient pleurée comme leur mère ! […] C’était joli de voir tomber les fléaux en cadence et les épis qui dansent, des femmes, des enfants, séparant la paille en monceaux, et le van qui tourne et vanne le grain qui se trie et tombe pur comme le froment de Dieu. […] On doit en boire une gorgée et cacher la coupe à ses enfants, de peur qu’ils n’en boivent le poison. […] Voilà le père revenant de ses champs pour l’heure des repas, et embrassant ses enfants qui l’attendent pour prendre avec lui le dîner frugal sur la table de la cuisine, au milieu de cinq ou six serviteurs respectueux quoique familiers.
Le jeudi saint, on y conduisait les enfants pour voir les cloches aller à Rome. […] Quand un enfant marchait tardivement, avait les jambes faibles, on le lui apportait. Il trempait son doigt dans sa salive, traçait des onctions sur les reins de l’enfant, que cela fortifiait. […] La tête de la malheureuse enfant n’y tint pas, elle s’égarait. […] Cette chasteté admirable ne faisait qu’exciter l’imagination de la pauvre enfant.
Ils s’égaient un instant à regarder « les eaux dansantes » des petits ruisseaux s’échapper, enfants joueurs, de la fontaine maternelle. […] Il trouve chaude la fraîcheur exquise de son teint ; les yeux tristes, tendres et profonds deviennent dans ses litanies brillants et malicieux ; chez la svelte et souple enfant, il vante les qualités majestueuses et le puissant équilibre des matrones. […] que le sang de tous les justes retombe sur les bourreaux, et sur leurs enfants, et sur les enfants de leurs enfants ! […] La première partie nous montre l’enfant descendant de là-haut, puis dégringolant les bas degrés, tombant homme. […] Or l’enfant qui tombe est un sensible, un poète, un de ceux que le choc de la vie risque de tuer ou d’affoler.
il fut presque un enfant célèbre. La fortune de l’enfant fut naturellement celle de l’homme. […] Son cercueil d’enfant aurait été plus vaste que son cercueil de vieillard ; mais la place littéraire de l’homme, que sera-t-elle, quand la postérité, pour laquelle il n’est pas d’enfance et qui ne se soucie que des hommes faits, aura oublié en le lisant l’enfant célèbre et trop gâté pour n’avoir pas un peu noué l’homme ? […] Le bataillon des hommes de gloire n’est jamais sorti de ces enfants ! Avant Villemain, François de Neufchâteau, ministre comme lui, avait été, comme lui aussi, un enfant célèbre ; François de Neufchâteau, entré maintenant plus, profondément que Villemain dans cette mer d’obscurité où, comme les vivants s’enfoncent dans la mort, s’enfoncent leurs tombeaux après eux !
Si on se rappelle deux axiomes (48, Il est naturel aux enfants de transporter l’idée et le nom des premières personnes, des premières choses qu’ils ont vues, à toutes les personnes, à toutes les choses qui ont avec elles quelque ressemblance, quelque rapport. […] La langue articulée commença par l’onomatopée, au moyen de laquelle nous voyons toujours les enfants se faire très bien entendre. […] Nous pouvons observer en effet que les enfants disent des noms, des particules, mais point de verbes : c’est que les noms éveillent des idées qui laissent des traces durables ; il en est de même des particules qui signifient des modifications. […] Nous l’avons dit dans un axiome : Les enfants sont grands imitateurs ; la poésie n’est qu’imitation ; les arts ne sont que des imitations de la nature, qu’une poésie réelle. […] Maintenant encore, au milieu de tant de moyens d’apprendre à parler, ne voyons-nous pas les enfants, malgré la flexibilité de leurs organes, prononcer les consonnes avec la plus grande peine.
M. de Balzac fut donc transplanté de bonne heure ; ce ne fut pourtant qu’après avoir fait ses premières études au collége de Vendôme probablement, car j’aime à croire que son récit de Louis Lambert n’est en rien une fiction, et qu’il a été lui-même cet ami inséparable du pauvre et sublime enfant extatique. […] Lambert enfant s’était écrié un jour devant lui, en se frappant le front : « Je serai célèbre ! […] » Ailleurs, dans Louis Lambert, non loin des brûlantes et simples lettres du jeune homme, ce sent des expressions de mnémotechnie pécuniaire, un enfant dont je partageais l’idiosyncrase ; dans les Célibataires, je trouve une raison coefficiente des événements, des phrases jetées en avant par les tuyaux capillaires du grand conciliabule femelle, etc. […] Il comparera tout d’abord la voix du chaste enfant Louis Lambert à une voix qui prononce un mot d’amour, au matin, dans un lit voluptueux ; il abusera, en peignant Mme Claës, des projections fluides dans les regards. […] Quel homme n’a pas plusieurs de ces vierges souvenirs qui, plus tard, se réveillent, toujours plus gracieux, apportant l’image d’un bonheur parfait ; souvenirs semblables à ces enfants perdus à la fleur de l’âge, et dont les parents n’ont connu que les sourires ?
Ce plat gentilhomme de la chambre, au mépris de son devoir, renonça au droit qu’il avait d’entrer chez le roi, d’en savoir des nouvelles lui-même, de le servir, pour empêcher d’entrer ceux qui avaient le même droit que lui, et pour laisser le roi malade passer honteusement la journée à un quart de lieue de ses enfants, entre sa maîtresse et son valet de chambre. […] Tout cela était l’effet des persécutions de Mme Dubarry, qui, enragée du retour du roi à Versailles, voulait se renfermer avec lui autant qu’il serait possible, et en exclure ses enfants. […] Il voulait qu’il ne fût livré qu’à elle et à ceux qu’elle y introduirait, te roi, comme je l’ai dit, avait déjà fait acte de soumission en disant à ses enfants de ne pas revenir sans qu’il les envoyât chercher. […] Il avait, vers les cinq heures, envoyé chercher ses enfants, qui étaient venus passer auprès de son lit une demi-heure, sans en entendre et sans lui dire une parole. Il n’aurait pas pensé à se procurer cette visite, si L……., qui voulait lui en procurer une autre, ne lui eût pas proposé d’aller chercher ses enfants.
« L’influence et les richesses que Côme avait acquises l’avaient, depuis longtemps, rendu l’égal des plus puissants princes de l’Italie, avec lesquels il aurait pu contracter des alliances par le mariage de ses enfants ; mais, craignant qu’une pareille conduite ne le fît soupçonner d’avoir des projets contraires à la liberté de l’État, il aima mieux étendre son crédit parmi les citoyens de Florence par l’établissement de ses enfants dans les familles les plus distinguées de cette ville. « Pierre, l’aîné de ses fils, épousa Lucretia Tornabuoni, de laquelle il eut deux enfants : Laurent, né le 1er janvier 1448, et Julien, né en 1453. […] « Outre ses enfants légitimes, Côme laissa aussi un fils naturel, Charles de Médicis, qu’il fit élever avec soin, et qui, par les vertus dont il donna l’exemple, effaça la tache de sa naissance. […] Ne pouvant en même temps se dissimuler l’état d’infirmité où il était lui-même, il les exhortait à ne se plus considérer comme des enfants, mais comme des hommes ; car il prévoyait que les circonstances où ils allaient se trouver les réduiraient bientôt à la nécessité de mettre à l’épreuve leurs talents et leurs moyens personnels. « On attend à toute heure l’arrivée d’un médecin de Milan, leur dit-il ; mais pour moi, c’est en Dieu seul que je mets ma confiance. » Soit que le médecin ne fût pas arrivé, ou que le peu de confiance que Pierre avait dans ses secours fût bien fondé, environ six jours après, le premier jour d’août de l’année 1464, Côme mourut, à l’âge de soixante et quinze ans, profondément regretté du plus grand nombre des citoyens de Florence, qui s’étaient sincèrement attachés à ses intérêts, et qui craignaient que la tranquillité de la ville ne fût troublée par les dissensions qui allaient probablement être la suite de ce triste événement. […] Un enfant de huit ans, Jean Galéas, hérita de ce sang.
Un de mes voisins de campagne, homme de joyeuse humeur et philosophe cynique, s’amusait, quand il avait chez lui des étrangers, à poser au fils de son fermier, un enfant de huit ans, les questions suivantes dont il avait dicté les réponses : « — Qu’est-ce que tu veux être, Germain ? […] — Parc’ qu’on va manger dans les châtiaux. » L’enfant faisait ces réponses avec un sourire niais, enchanté d’être en scène devant des messieurs. […] On saurait comment se comporte un prêtre chez lui et avec ses confrères ; on se serait imprégné de leurs façons ; on les aurait vus au naturel ; car, n’étant qu’un enfant, et un enfant destiné au sanctuaire, on ne les aurait pas gênés et ils vous auraient laissé tourner autour de leurs plus intimes réunions. […] Il arrive là avec sa vieille mère et commence par recueillir chez lui une pauvresse et sa bande d’enfants. […] Elle est proche de son terme : le curé la recueille au presbytère, et c’est là qu’elle met son enfant au monde.
Les zélés qui, en ces derniers temps, ont parlé de remplacer les Pères par les auteurs païens, ne se doutent guère que l’idée était venue à Diderot de mettre aux mains des enfants de dix à onze ans des extraits des Pères, « comme ayant autant d’esprit que les plus beaux esprits d’Athènes et de Rome. » Et poussant sa pointe, il voulait qu’on fît argumenter les enfants de douze ou treize ans sur les preuves métaphysiques de la religion. Type du décousu, de la témérité, se permettant tout, même la raison et la vérité, agité de tous les souffles du temps, sans lest, point incapable du bien, pourvu qu’il n’y fallût que le premier mouvement, faisant le mal avec l’étourderie de l’enfant qui lapide une statue, il y aurait autant de duperie à l’admirer qu’à lui demander, comme la Harpe, au nom de la religion, de la morale et du goût, un compte pédantesque de tous ses paradoxes. […] Pour apprendre à lire aux enfants, on met des dragées sur chacune des lettres de l’alphabet. […] Les pères endettés pour les mois de nourrice de leurs enfants, s’y réfugieraient contre les gens de justice, et nul n’y pourrait être arrêté que sur un ordre du roi, signé de sa main. […] Mettre un jeune couple aux champs, parmi les tentations d’une nature sensuelle ; les faire dormir côte à côte, non tout enfants dans le même berceau, comme Paul et Virginie, mais adolescents, sous une cépée de chênes, et préserver leur innocence par leur ignorance, c’est un jeu d’esprit dont le moindre tort est de n’être pas chaste.
Ainsi Clytemnestre prépara le meurtre misérable du premier mari qui la posséda, et je péris quand je croyais rentrer dans ma demeure, bien accueilli de mes enfants, de mes servantes et de mes esclaves. […] Tout enfant on l’avait oubliée, une nuit, dans le temple d’Apollon ; on la retrouva, le matin, ceinte d’un serpent noué autour de ses tempes, qui lui léchait les oreilles. […] » — Les crimes anciens se mêlent aux crimes annoncés ; les enfants tués se réveillent, elle les entend pleurer et vagir dans la vapeur de l’affreux banquet. […] Elle y voit ce qui s’y est fait, ce qui va s’y faire : les enfants de Thyeste reparaissent « tenant à pleines mains leurs entrailles brûlées, leurs chairs déchirées ». […] C’est lui qui a immolé l’homme pour prix des enfants massacrés. » Figure épouvantable et superbe : si le monde tragique avait un Enfer, la Clytemnestre d’Eschyle en serait la reine.
Les Correspondances du père et de l’oncle du grand tribun, la Notice sur son grand-père, et en général toutes les pièces qui font le tissu de ces huit volumes, ont révélé une race à part, des caractères d’une originalité grandiose et haute, d’où notre Mirabeau n’a eu qu’à descendre pour se répandre ensuite, pour se précipiter comme il l’a fait et se distribuer à tous, tellement qu’on peut dire qu’il n’a été que l’enfant perdu, l’enfant prodigue et sublime de sa race. […] Né le 9 mars 1749 d’une race florentine établie depuis cinq siècles en Provence, le cinquième de onze enfants et l’aîné des garçons, Gabriel-Honoré de Mirabeau avait, en naissant, apporté plusieurs des traits essentiels de la famille paternelle, mais en les combinant avec d’autres qui tenaient de sa mère. […] Ce n’est là qu’un aperçu du monstre, comme Eschine disait de Démosthène ; mais il ne faut rien s’exagérer et ne pas faire comme les enfants qui se prennent au masque et s’y tiennent. […] J’ai sous les yeux une espèce de lettre d’elle à Mirabeau, écrite à ce moment, et de sa meilleure écriture, d’une écriture d’enfant, sans orthographe, mais avec un caractère visible d’ingénuité. […] Elle avait l’esprit naïf quoique fin, solide et gai tout ensemble, des saillies d’enfant, et quand la passion l’eut touchée une fois, cette âme douce devint forte, résolue, courageuse.
Il exposait d’une manière touchante ses idées aux enfants de son école. […] Je pars vaillamment, écrit-il, avec l’espoir que notre dévouement, et peut-être notre sacrifice serviront à nos enfants. […] Mais c’est vrai que le travail et le labeur normal font les mœurs et les courages, sans lesquels rien n’est possible et d’où naissent les supériorités, et je reconnais, je salue tout ce qu’il y a de réel et de bienfaisant dans cet orgueil de classe, dans cette piété du travail manuel qui rattachent l’enfant à la stabilité et l’empêchent de se jeter aux courants rapides. […] Souvent il a pensé, ce qui s’appelle penser ; souvent ce qu’il exprime, ce sont les expériences de l’instituteur, de l’homme « en proie aux enfants », comme il disait, et de l’honnête homme en proie au scrupule. […] Beaucoup de socialistes sont à la fois pareils et différents… Enfant du Paris ouvrier, le fusilier marin Luc Platt est socialiste.
le régiment rouge des gardes anglaises, couché derrière les haies, se leva, une nuée de mitraille cribla le drapeau tricolore frissonnant autour de nos aigles, tous se ruèrent, et le suprême carnage commença. » Tout de suite après la vision de la bataille, c’est la vision de l’enfant qui se lève, touchante, familière, naïve. […] Victor Hugo a su pénétrer ces petites âmes d’enfants, qui sont si près des nôtres par l’amour, et en même temps si loin de nos manières de voir, de souffrir, de nous exprimer. […] Tout en rêvant et tout en jasant, tout en faisant de petits trousseaux et de petites layettes, tout en cousant de petites robes, de petits corsages et de petites brassières, l’enfant devient jeune fille, la jeune fille devient grande fille, la grande fille devient femme. Le premier enfant continue la dernière poupée. » Quel âge faut-il pour goûter ces lignes-là ? […] J’ai cité ces différents thèmes empruntés au même roman : le repentir du criminel, la guerre, l’enfant, parce qu’ils sont des thèmes universels, d’une grandeur simple, qui caractérisent l’œuvre de Hugo.
Casaubon, né à Genève de parents français réfugiés, y professait le grec depuis l’âge de vingt-trois ans ; il était gendre de Henri Estienne, et sa femme, la plus féconde des mères, lui donnait chaque année un enfant ; il y avait quatorze ans déjà qu’il enseignait, et il s’était fait connaître au dehors par des ouvrages de première qualité en leur genre, notamment par ses travaux sur Strabon, sur Théophraste, lorsque le président de Thou eut l’idée, sur sa réputation, et l’estimant le premier des critiques, de l’attirer en France et de le rendre à sa patrie : après les ravages des guerres civiles, les études y étaient comme détruites, et l’on avait bien besoin d’un tel restaurateur des belles-lettres. […] et en ce qui est de mes enfants si chers, Celui-là en aura soin, qui a veillé sur moi jusqu’ici. […] Père de vingt enfants (ce qui ne laisse pas d’être une distraction et une charge pour un savant et un pur homme de lettres), Casaubon, on le voit, ne considère chaque nouveau-né qui lui arrive que comme un présent du ciel. — Et c’est ainsi que tout en lisant Sénèque et les stoïciens, il s’emparait de leurs maximes pour leur donner le vrai sens, et il les détournait, il les accommodait, par une parodie d’un genre nouveau, disait-il, à la piété véritable. […] Mais cette chère enfant, ainsi échappée au danger, — cette enfant, l’unique soin de sa mère et la joie de la maison, — meurt quelques mois après, et elle laisse dans l’âme du père une douleur qui s’épanche en plus d’une page.
L’enfant n’avait alors que neuf ans. […] Un jeune Piémontais, âgé de quinze ans, le comte de Frine, nommé à une place de page dans la Grande-Écurie de Louis XIV, et faisant des armes peu avant son départ avec un autre enfant de qualité du même âge, se prit de querelle avec lui par trop de vanterie ; les camarades s’étant mis du côté du plus faible, une rixe s’ensuivit avec bourrades et coups, et l’escrimeur battu provoqua ses agresseurs en duel. […] L’enfant timide disparaissait : le jeune homme commençait à se révéler. » On remarqua aussi, vers ce même temps, qu’il était moins farouche auprès des femmes, et Mlle de Saluces commençait à l’humaniser. […] Il affecte en enfant d’être au-dessus des passions ; il a beaucoup d’ostentation dans ce qu’il dit et dans ce qu’il fait. […] Le mot de verges revient souvent dans les ordres et dépêches de ce temps : il y est question de montrer les verges aux nations et aux souverains, comme aux enfants, pour leur faire peur.
Elle aimait à la folie ses enfants, surtout sa fille ; les autres passions lui restèrent toujours inconnues. […] Tant qu’elle se borne à rire des Etats, des gentilshommes campagnards et de leurs galas étourdissants, et de leur enthousiasme à tout voter entre midi et une heure, et de toutes les autres folies du prochain de Bretagne après dîner, cela est bien, cela est d’une solide et légitime plaisanterie, cela rappelle en certains endroits la touche de Molière : mais, du moment qu’il y a eu de petites tranchées en Bretagne, et à Rennes une colique pierreuse, c’est-à-dire que le gouverneur, M. de Chaulnes, voulant dissiper le peuple par sa présence, a été repoussé chez lui a coups de pierres ; du moment que M. de Forbin arrive avec six mille hommes de troupes contre les mutins, et que ces pauvres diables, du plus loin qu’ils aperçoivent les troupes royales, se débandent par les champs, se jettent à genoux, en criant Meà culpà (car c’est le seul mot de français qu’ils sachent) ; quand, pour châtier Rennes, on transfère son parlement à Vannes, qu’on prend à l’aventure vingt-cinq ou trente hommes pour les pendre, qu’on chasse et qu’on bannit toute une grande rue, femmes accouchées, vieillards, enfants, avec défense de les recueillir, sous peine de mort ; quand on roue, qu’on écartèle, et qu’à force d’avoir écartelé et roué l’on se relâche, et qu’on pend : au milieu de ces horreurs exercées contre des innocents ou pauvres égarés, on souffre de voir Mme de Sévigné se jouer presque comme à l’ordinaire ; on lui voudrait une indignation brûlante, amère, généreuse ; surtout on voudrait effacer de ses lettres des lignes comme celles-ci : « Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants : mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Forbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses ; » et ailleurs : « On a pris soixante bourgeois ; on commence demain à pendre. […] On a un charmant portrait de Mme de Sévigné jeune par l’abbé Arnauld ; il faut qu’elle ait eu bien de l’éclat et de la couleur pour en communiquer un moment au style de ce digne abbé, qui ne paraît pas avoir eu, comme écrivain, tout le talent de la famille : « Ce fut en ce voyage, dit-il en ses Mémoires (à l’année 1657), que M. de Sévigné me fit faire connoissance avec l’illustre marquise de Sévigné, sa nièce… Il me semble que je la vois encore telle qu’elle me parut la première fois que j’eus l’honneur de la voir, arrivant dans le fond de son carrosse tout ouvert, au milieu de M. son fils et de mademoiselle sa fille : tous trois tels que les poëtes représentent Latone au milieu du jeune Apollon et de la jeune Diane, tant il éclatoit d’agrément dans la mère et dans les enfants ! […] un esprit, une beauté, une grâce à plein soleil, dans un carrosse tout ouver, et radieuse entre deux beaux enfants ! […] Selon moi, on peut se figurer assez bien que la raison et l’enjouement de Mme de Sévigné, si agréablement mélangés en elle, s’étaient divisés et comme dédoublés entre ses enfants : l’un, le fils, avait la grâce, mais non pas très-raisonnable et solide : l’autre, la fille, avait la raison, mais un peu rêche, ce semble, non assez tempérée, non plus enchanteresse et piquante.
Si M. de Chateaubriand ne traite pas mieux ses parents poétiques, Jean-Jacques et Bernardin de Saint-Pierre, il n’a guère plus d’indulgence pour sa propre postérité, pour ses propres enfants en littérature. […] « Épouvanté, j’ai beau crier à mes enfants : N’oubliez pas le français ! » Et voilà qu’il tourne ces malheureux enfants en caricature. […] Une famille de Renés poètes et de Renés prosateurs a pullulé ; on n’a plus entendu que des phrases lamentables et décousues… » Évidemment René ne voulait pas avoir d’enfants, et, s’il avait pu, il aurait voulu (en littérature) ne pas avoir de père. […] La vanité d’abord et surtout, inimaginable à ce degré dans un aussi noble esprit, une vanité d’enfant ou de sauvage ; une personnalité qui se pique d’être désabusée et qui se fait centre de toute chose, que l’univers englouti n’assouvirait pas, que tout gêne, que Bonaparte surtout importune ; qui se compare, chemin faisant, atout ce qu’elle rencontre de grand pour s’y mesurer et s’y égaler ; qui se pose à tout moment cette question, qu’il faudrait laisser agiter aux autres : « Mes écrits de moins dans le siècle, qu’aurait-il été sans moi ?
Pline parlant encore d’un tableau d’Aristide qui representoit une femme percée d’un coup de poignard, et dont l’enfant sucçoit encore la mammelle, s’énonce avec autant de goût et de sentiment que Rubens l’auroit pû faire en parlant d’un beau tableau de Raphaël. […] La crainte que son enfant ne se fit mal en sucçant du sang au lieu de lait, étoit si bien marquée sur le visage de la mere, toute l’attitude de son corps accompagnoit si bien cette expression, qu’il étoit facile de comprendre quelle pensée occupoit la mourante. […] Tout le monde sçait que cet enfant étant un jour demeuré auprès de son pere durant une assemblée du sénat ; sa mere lui fit plusieurs questions à la sortie pour sçavoir ce qui s’y étoit dit, choses qu’elle n’esperoit pas d’apprendre de son mari, les romains étant encore aussi peu polis qu’ils l’étoient alors. […] curiae capax praetexta, qu’on emploïe pour dire qu’un enfant à beaucoup plus de discretion qu’on n’en doit avoir à son âge. […] Quoique son air de tête soit naïf, quoique son maintien paroisse ingénu, on devine à son sourire malin, qui n’est pas entierement formé, parce que le respect le contraint, comme au mouvement de ses yeux sensiblement gêné, que cet enfant veut paroître vrai, mais qu’il n’est pas sincere.
Son œuvre entière respire les sentiments les plus opposés à ceux que doit avoir un enfant de Dieu : elle implique le culte et la superstition de toutes les vanités mondaines, l’orgueil, et la délectation dans l’orgueil, la complaisance la plus décidée et même l’admiration la plus éperdue pour les forts et les superbes, fussent-ils ennemis de Dieu. […] Elle a la manie de mâchonner continuellement des tiges de résédas, et, après sa mort, on trouve dans son salon, au fond d’une caisse de résédas, le cadavre d’un enfant (le Dessous des cartes d’une partie de whist). — Pendant la Terreur, l’abbé Reniant, prêtre défroqué, jette aux cochons des hosties consacrées : ces hosties avaient été confiées par des prêtres à une pauvre sainte fille qui les portait « entre ses tétons » — Le major Ydow, quand il découvre que sa femme Pudica n’était qu’une courtisane, brise l’urne de cristal où il gardait le cœur de l’enfant mort qu’il avait cru son fils, et lui jette à la tête ce cœur qu’elle lui renvoie comme une balle. « C’est la première fois certainement que si hideuse chose se soit vue ! un père et une mère se souffletant tour à tour le visage avec le cœur mort de leur enfant » (A un dîner d’athées) Le duc de Sierra-Leone, ayant soupçonné don Esteban d’être l’amant de la duchesse, le fait étrangler par ses nègres, puis lui arrache le cœur et le donne à manger à ses chiens.
On désigne par le nom d‘hérédité l’ensemble de ces manières d’être corporelles et mentales que tout enfant apporte en venant au monde. […] Or, comme deux enfants, nés en même temps, ne sont pas identiques, il s’ensuit que, même en les supposant soumis à des influences absolument semblables, ils ne peuvent en être modifiés de la même façon. […] Nous remarquons, en lisant les tragédies de Racine, que tous ses personnages ont toujours un langage noble ; qu’ils gardent, même dans la passion, un sentiment profond des bienséances ; qu’Achille en fureur, que Néron prêt au crime, enveloppent de politesse leur colère et leurs desseins de meurtre ; que Mithridate expire avec une majesté théâtrale ; qu’un enfant comme Joas, qu’une nourrice comme Œnone, parlent en termes choisis où ne détonne aucune expression basse ou vulgaire ; que, en dépit d’une amitié restée proverbiale, Pylade ne tutoie pas Oreste (par lequel il est tutoyé), parce que l’un est simple citoyen, et l’autre héritier du trône d’Agamemnon.
« Ce que les autres enfants, dit un de ses biographes, font en enfants, lui le fit avec méthode. […] L’enfant meurt… Lisez le reste. […] Jusqu’à nouvel ordre, il n’y a pas deux manières de mettre les enfants au monde. […] Alors, il faudra confier ces enfants à l’État ou les interner dans quelque Cempuis ? […] Une vieille inscription nous raconte la touchante histoire de ces enfants.
Mais pour tout sincère et sérieux enfant de ce siècle, la conversion sera douloureuse. […] Quand un enfant tousse, tous les autres toussent bientôt dans la maison. […] Exemple : J’ai ôté le couteau à l’enfant, je crains qu’il ne se coupe. […] Renan est le plus délicat des enfants de ce siècle. […] Guizot donne aux enfants, c’est de les traiter comme des personnes déjà raisonnables.
L’enfant n’a rien eu que la peur du plâtre tombé du plafond. […] Le ministre ne le laisse pas finir, lui dit : « Mon cher enfant, vous savez combien je vous aime ! […] Des compagnies composées de vieillards en cheveux blancs, et de garçonnets qui semblent des enfants. […] Mon voisin a, dans ce moment-ci, un enfant opéré du croup, que soigne une sœur. […] Il y a dans les moellons, des encoches comme la tête d’un enfant.
Il réprime la licence du peuple au théâtre, et défend aux usuriers de prêter aux enfants de famille. […] Qui est-ce qui ne connaît pas la longue persévérance avec laquelle un père attend le retour d’un enfant égaré ? […] Un enfant, un étourdi, en qui malheureusement quelque facilité d’écrire avait devancé le sens commun. Et qui est cet étourdi, cet enfant ? […] Puissent les pères et les mères en recommander la lecture journalière à leurs enfants !
Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants. […] Forcez-nous à ne pas entendre ces messieurs ; forcez-nous à ne pas avoir commerce avec eux ; forcez-nous à ne pas leur envoyer nos enfants. […] une partie de leur enseignement que la pression qu’ils exercent sur l’enfant de manière à compromettre le développement normal de son esprit. […] Elle repose sur ce principe qu’on ne peut préparer les enfants à vivre dans le monde qu’à la condition de lui ressembler trait pour trait ; qu’on ne peut préparer les enfants à vivre dans le monde qu’à la condition de n’être pas meilleur que lui : vous êtes docile, vous ne pouvez pas élever mon enfant ; vous méprisez l’argent, vous ne pouvez pas élever mon enfant ; vous êtes chaste, vous ne pouvez pas élever mon enfant. […] Ils n’aimeront pas la France si nous leur défendons de faire élever leurs enfants par des prêtres ?
C’était, disait-il, le coquet surplis avec lequel il servait la messe, l’élégante calotte qu’il avait sur ses cheveux bouclés, les compliments sur sa charmante petite personne, les louanges sur sa jolie voix de ténorino, qui lui donnaient l’air d’un enfant confit en dévotion. […] Et c’est vrai, il y a chez Léon, un amalgame du Nord et du Midi, et le garçon est curieux aussi, parce que c’est un enfant dans la conduite de la vie, et qu’il se trouve avoir une cervelle de l’homme mûr dans les choses de l’intellect. […] Le marquis de Varennes racontait, ce soir, chez Gavarni, que son grand-père ou son grand-oncle, emporté tout enfant dans les bois, à un moment de la Terreur, avait dit timidement : « Puis-je parler ici ? […] Mardi 14 juillet Une femme faisait, devant moi, la remarque que les ménages religieux ne procréaient jamais dans le carême, que leurs enfants dataient presque toujours des grandes fêtes, et qu’il y avait, à l’instar des œufs de Pâques, beaucoup d’enfants de Pâques. […] Je ne sais quel journal cite parmi les tombes délaissées, la tombe de mon frère, juste au moment, où je viens de faire polir une dalle de granit, et sceller dessus le médaillon du cher enfant, exécuté en bronze, cet été, par le sculpteur Lenoir.
Je vous trouvais charmante, moi, et votre père vous aimait bien alors, car vous étiez le premier enfant né de lui. […] Vous êtes une enfant de belle venue, anémique ni laide, je vous le jure.
En 1664, la comtesse de Grignan mourut, laissant deux enfants, dont il est plusieurs fois question dans les lettres de Sévigné. […] Quand un peu de terre eut couvert la marquise de Rambouillet, le roi ne laissa pas à la duchesse de Montausier le temps de pleurer sa mère : il la fit passer de la place de gouvernante des enfants de France, à celle de dame d’honneur de la reine, la première dignité du palais.
Roman sur le siège et la Commune : Faire revenir Maxime et les enfants. […] L’aîné des enfants recueillait l’avoine que les chevaux laissaient tomber aux stations des voitures de place. […] Le gangrené est déjà pour la société une lèpre assez dégoûtante, mais quand il a des enfants, il corrompt tout. […] Puis, vous voudriez que des enfants de sublimes soient sobres, respectueux, travailleurs, allons donc ! […] Abandonnée par un amant, elle a juré de vivre honnête et de se dévouer à ses enfants.
et si elle s’offrait à moi, cette aimable enfant, l’oserais-je toucher, et ai-je soif de la flétrir ? Je dirai tout : oui, un baiser me plairait, un baiser plein de tendresse ; mais surtout la voir, la contempler, rafraîchir mes yeux, ma pensée, en les reposant sur ce jeune front, en laissant courir devant moi cette âme naïve ; parer cette belle enfant d’ornements simples où sa beauté se rehausserait encore, la promener les matins de printemps sous de frais ombrages et jouir de son jeune essor ; la voir heureuse : voilà ce qui me plairait surtout et ce qu’au fond mon cœur demande. […] XXIX (Après une séance de la Chambre des Pairs :) Qui n’a pas vu une armée de braves en complète déroute, ou une assemblée politique qui se croyait sage, mise hors de soi par quelque discours passionné, ne sait pas à quel point il reste vrai que l’homme au fond n’est qu’un animal et un enfant : — (Ô éternelle enfance du cœur humain !)
Hommes, femmes, enfants ? […] Hugo a de préférence mis en lumière le plébéien ambitieux, sombre et fatal, comme Ruy Blas et Didier, l’enfant pour lequel il a témoigné une tendresse presque maternelle, le monstre, qu’il construit de pièces formant un contraste violent, témoin : Quasimodo, Triboulet, Lucrèce Borgia, Gwinplaine. […] xxv, De l’institution des enfants ; xxvi, C’est folie de rapporter le vray et le faulx au jugement de notre suffisance ; xxvii, De l’amitié ; xxviii, Vingt-neuf sonnets d’Estienne de la Boétie ; xxix, De la modération ; xxx, Des cannibales ; xxxi, Qu’il fault sobrement se mesler de juger des ordonnances divines ; xxxii, De fuir les voluptez au prix de la vie, etc.
Car, s’il est un délicieux enfant comme l’Amour, c’est un enfant que le Caprice, et il vient toujours un moment où il faut emporter les enfants pour que l’on s’entende.
Car, enfant par la balbutie, il l’est encore par l’imitation, cet enfant incorrigible à lui-même et incorrigé par la Critique qui le gâta, dès qu’elle le vit, et qui, pour cette raison, ne lui donna jamais l’âpre envie de devenir un homme. […] Ce vin des autres qu’on lui a versé, il l’a bu… dans sa main, quelquefois avec assez de grâce (toujours l’enfant et rien de plus !)
Elle avait toujours eu un grand goût pour élever les enfants, pour les enseigner, les reprendre, les morigéner : c’était un de ses talents particuliers et prononcés : « J’ai grande impatience, écrivait-elle à Mme de Brinon, la première directrice de ces écolières, de voir mes petites filles et de me trouver dans leur étable… J’en reviens toujours plus affolée. » De Rueil, l’institution fut transférée à Noisy, où elle continua de croître : Mme de Maintenon y consacrait tous les moments qu’elle pouvait dérober à la Cour. […] Rien ne m’est plus cher que mes enfants de Saint-Cyr : j’en aime tout jusqu’à leur poussière. […] Elle représenta au roi, après une visite qu’il avait faite à Noisy et dont il avait été fort content, que « la plupart des familles nobles de son royaume étaient réduites à un pitoyable état par les dépenses que leurs chefs avaient été obligés de faire à son service ; que leurs enfants avaient besoin d’être soutenus pour ne pas tomber tout à fait dans l’abaissement ; que ce serait une œuvre digne de sa piété et de sa grandeur, de faire un établissement solide qui fût l’asile des pauvres demoiselles de son royaume, et où elles fussent élevées dans la piété et dans tous les devoirs de leur condition. » Le père de La Chaise appuyait le projet ; Louvois se récriait sur la dépense. […] Elle aurait voulu que la question fût faite par l’enfant, et que, d’après la réponse qu’on lui aurait faite, il raisonnât et qu’il avançât ainsi de curiosité en curiosité. […] » Une haute idée, c’est que les Dames de Saint-Louis étant destinées à élever des demoiselles qui deviendront mères de famille et auront part à la bonne éducation des enfants, elles ont entre leurs mains une portion de l’avenir de la religion et de la France : « Il y a donc dans l’œuvre de Saint-Louis, si elle est bien faite et avec l’esprit d’une vraie foi et d’un véritable amour de Dieu, de quoi renouveler dans tout le royaume la perfection du christianisme. » La fondatrice leur rappelle expressément qu’étant à la porte de Versailles comme elles sont, il n’y a pas de milieu pour elles à être un établissement très régulier ou très scandaleux : « Rendez vos parloirs inaccessibles à toutes visites superflues… Ne craignez point d’être un peu sauvages, mais ne soyez pas fières. » Elle leur conseille une humilité plus absolue qu’elle ne l’obtiendra : « Rejetez le nom de Dames, prenez plaisir à vous appeler les Filles de Saint-Louis. » Elle insiste particulièrement sur cette vertu d’humilité qui sera toujours le côté faible de l’institut : « Vous ne vous conserverez que par l’humilité ; il faut expier tout ce qu’il y a eu de grandeur humaine dans votre fondation. » Quoi qu’il en soit des légères imperfections dont l’institut ne sut point se garantir, il persista jusqu’à la fin dans les lignes essentielles, et on reconnaîtra que c’était quelque chose de respectable en l’auteur de Saint-Cyr que de bâtir avec constance sur ces fondements, en vue du xviiie siècle déjà pressé de naître, et dans un temps où Bayle écrivait de Rotterdam à propos de je ne sais quel livre : On fait, tant dans ce livre que dans plusieurs autres qui nous viennent de France, une étrange peinture des femmes de Paris.
Dans ses jeux, tout enfant, il jouait avec d’autres compagnons de son âge à la république. — à une petite république vertueuse et heureuse. […] Les femmes et les enfants s’occupent sans cesse à les cueillir ou à les relever, et leur travail présente une tout autre image que celle de l’hiver. » J’ai mis tout le tableau, moins quelques lignes. […] Mais elle a répliqué avec tant de chaleur en faisant parler les droits sacrés de la patrie véritable et première, le lien indissoluble qui lui attache ses enfants, la résignation, la constance et le courage avec lesquels ils doivent partager ses malheurs, lui en diminuer le poids, qu’elle m’a communiqué tout son enthousiasme. […] c’est comme un court mariage ; toujours et toujours ensemble, on se voit trop ; les défauts ne trouvent pas de coin pour se cacher : un enfant gâté, comme elle, de la nature et du monde, doit, certes, avoir les siens pour le matin, pour les moments de fatigue et d’ennui ; et je connais quelqu’un qui se cabre, lorsqu’il rencontre une tache chez les gens qu’il aime. […] Né comme par miracle hors de son siècle, il appartenait tout entier à des temps qui ne sont plus, et il avait été donné à l’Italie comme un monument de ce qu’avaient été ses enfants, comme un gage de ce qu’ils pouvaient être encore.
Riche propriétaire du pays, il y a été élevé et y a passé son enfance, sa première jeunesse ; il y est revenu après une assez longue absence, pour ne plus le quitter ; il est marié, il a une femme jeune encore et sérieuse, et deux enfants ; il a tout l’extérieur du bonheur. […] Il est orphelin de naissance et d’enfance ; il a perdu sa mère presque en naissant, et, peu d’années après, son père ; il a grandi au milieu des vieux domestiques de la maison, et a eu pour compagnons de jeux les enfants des paysans du voisinage. […] Vous dire comment une particularité de si peu de valeur a pu se fixer dans ma mémoire, avec la date précise de l’année et, peut-être bien, du jour, au point de trouver sa place en ce moment dans la conversation d’un homme plus que mûr, je l’ignore ; mais si je vous cite ce fait entre mille autres, c’est afin de vous indiquer que quelque chose se dégageait déjà de ma vie extérieure, et qu’il se formait en moi je ne sais quelle mémoire spéciale assez peu sensible aux faits, mais d’une aptitude singulière à se pénétrer des impressions. » Un précepteur qu’on lui donne, pour le mettre en état d’entrer bientôt au collège, ne réussit qu’à partager l’esprit du jeune enfant et à y introduire un élément d’étude régulière, sans rien supprimer d’une sensibilité vague et discrète qui ne se laissait pas soupçonner. Le devoir fait, la tâche remplie, l’enfant continuait de vaquer à ses rêves ; il est évident, à lire ces pages de description détaillée et comme attendrie, que l’enfance de Dominique n’est pas une fiction de l’auteur, et qu’il y a là-dessous une réalité vive et sensible, prise sur le fait et étudiée d’après nature ; on y sent l’observation de quelqu’un qui a vécu au sein de la campagne, qui a vu passer bien des fois et repasser sur sa tête le tour des saisons, qui en sait les harmonies et les moindres mystères : « Chaque saison nous ramenait ses hôtes, et chacun d’eux choisissait aussitôt ses logements, les oiseaux de printemps dans les arbres à fleurs, ceux d’automne un peu plus haut, ceux d’hiver dans les broussailles, les buissons persistants et les lauriers. […] L’adolescent, tout en restant écolier encore, a passé d’un âge à l’autre ; il a franchi la ligne qui sépare l’enfant du jeune homme.
Victor-Amédée allait avoir vingt ans ; Catinat le jugea d’abord un enfant indécis, encore incapable de se rendre compte au net d’une affaire et de se fixer à une résolution ferme ; il se trompait : c’était déjà un homme à double et triple fond, qui jouait plus d’un jeu à la fois. […] « Il faut, disaient encore les auteurs de cette lettre éloquemment résignée et presque aussi apostolique que politique, il faut subir les lois de la Providence divine qui, par les révolutions, met la foi de ses enfants à l’épreuve pour leur détacher les cœurs de ce monde, afin de chercher avec d’autant plus d’ardeur la patrie et cité permanente du Ciel. Il est vrai que le bras de Dieu, qui vous a soutenus dans les guerres passées, n’est pas encore raccourci ; mais si vous faites réflexion qu’un puissant roi s’est joint aux forces de votre prince, que les provisions, les officiers et l’union vous manquent, et que même vos obstinations vous feront abandonner de tous les princes et des États protestants…, vous ne pouvez pas espérer que la Providence divine, qui n’agit pas miraculeusement comme autrefois parmi les Israélites, veuille faire de vos ennemis ce qu’elle fit de Sennacherib ; et la parole de Dieu vous apprend que de se jeter dans les dangers sans prévoir humainement aucun moyen d’en sortir, c’est tenter Dieu qui laisse périr ceux qui aiment témérairement le danger… » On peut se figurer l’effet que dut produire la lecture d’une telle épître sur un auditoire mêlé de personnes timides, de vieillards, de femmes et d’enfants. […] À la fin d’avril tout semblait terminé ; les troupes avaient ramassé plus de six mille prisonniers de tout âge et de toute condition qu’on poussait devant soi comme des troupeaux ; il ne restait plus que quelques malheureux échappés au carnage, des enfants perdus sur des hauteurs inaccessibles. […] Ils sont mal couchés, mal nourris, et les uns sur les autres ; et celui qui se porte bien ne peut respirer qu’un air empesté : par-dessus tous ces maux, la tristesse et la mélancolie causée avec justice par la perte de leurs biens, par une captivité dont ils ne voient point la fin ; la perte ou au moins la séparation de leurs femmes et de leurs enfants, qu’ils ne voient plus et qu’ils ne savent ce qu’ils sont devenus.
De grands-oncles de ce nom de Desbordes, riches libraires établis en Hollande et restés protestants, proposèrent, à ce qu’il paraît, à leurs parents de Douai de les faire entrer dans leur succession, si les enfants étaient rendus à la religion protestante, qui était celle des aïeux avant la révocation de l’édit de Nantes. […] En la débarquant à Dunkerque, il retint à l’orpheline l’indigente petite malle qui contenait son peu d’effets, sous prétexte de se payer des menus frais de la traversée que la pauvre enfant ne pouvait acquitter. […] » — Et pour toute réponse et explication, toute revenue qu’elle était, la bonne maman Gontier leur disait dans sa langue du xviiie siècle : « C’est, voyez-vous, mes enfants, que celui-là, il ne payait pas ! […] mes enfants, n’importe quoi ! […] vous l’enfant gâté de deux muses !
« Quelles qu’aient été tes erreurs, innocent ou coupable, né sur un trône ou dans une chaumière, qui que tu sois, enfant du malheur, je te salue : Experti invicem sumus, ego ac fortuna. […] Celui-ci, s’il peut gagner passablement sa vie par une occupation quelconque, s’apercevra à peine qu’il a changé de condition ; tandis que celui-là, d’un ordre supérieur, regardera comme le plus grand des maux de se voir obligé de renoncer aux facultés de son âme, de faire sa compagnie de manœuvres, dont les idées sont confinées autour du bloc qu’ils scient, ou de passer ses jours, dans l’âge de la raison et de la pensée, à faire répéter des mots aux stupides enfants de son voisin. […] « Un infortuné parmi les enfants de la prospérité ressemble à un gueux qui se promène en guenilles au milieu d’une société brillante : chacun le regarde et le fuit. […] Les affections du cœur se changèrent bientôt dans les plus aimables des dieux ; et le sauvage en élevant le mont du tombeau à son ami, la mère en rendant à la terre son petit enfant, vinrent chaque année, à la chute des feuilles de l’automne, le premier répandre des larmes, la seconde épancher son lait sur le gazon sacré. […] Nous nous réunissions, au retour de la promenade, auprès d’un bassin d’eau vive, placé au milieu d’un gazon dans le potager : madame Joubert, madame de Beaumont et moi, nous nous asseyions sur un banc ; le fils de madame Joubert se roulait à nos pieds sur la pelouse ; cet enfant a déjà disparu.
L’enfant respira, à la maison paternelle, ce qu’il y avait de meilleur dans l’âme populaire du temps. […] Ce petit enfant, qui sera un grand ministre, va d’abord à l’école communale de la rue du Pot-de-Fer. […] L’enfant entre donc en 1824, avec une demi-bourse, dans une grande institution du quartier, qui devint plus tard le collège Rollin. […] C’était un professeur excellent, grave, sans gestes, un peu lent, fait pour la toge, et qui attachait autant par son sérieux même que par le don qu’il avait de voir et de peindre ; profondément respectueux de sa tâche, et qui n’ignorait point, — je cite ses expressions, — que « l’esprit de l’enfant est un livre où le maître écrit des paroles dont plusieurs ne s’effaceront pas. » Cependant on commençait à le connaître. […] Il écrivait encore à l’empereur : « Assurons à ceux qui, par leurs qualités naturelles, leur naissance ou leur fortune, sont appelés à marcher au premier rang de la société… la culture de l’esprit la plus large… afin de fortifier l’aristocratie de l’intelligence au milieu d’un peuple qui n’en veut pas d’autre… » — Et c’est pourquoi il supprima la bifurcation en études scientifiques et littéraires, « qui sépare, disait-il, ce qu’on doit unir lorsqu’on veut arriver à la plus haute culture de l’intelligence » ; introduisit dans les lycées l’histoire contemporaine et quelques notions économiques ; restaura la classe de philosophie, si prospère aujourd’hui et suivie avec tant de passion par les mieux doués de nos enfants.
La nature avait sans doute détruit, en partie, à coups de cataclysmes, les monstres conçus dans le rut sauvage de sa formation ; le Saturne des âges chaotiques avait dévoré ses enfants. […] L’accouchement est lent et laborieux, c’est sous un forceps que naît « l’Enfant de la force ». — « Cher Agni ! tu reposes encore, comme l’enfant à naître au sein de la femme grosse. » — On le voit poindre, faible et pâle, dans le germe de l’étincelle, et sa venue est saluée par des cris d’extase. […] L’enfant n’est reconnu par son père qu’après qu’il lui a fait traverser sa flamme ; l’épouse n’est légitime que lorsqu’elle a communié avec l’époux devant l’aire, en mangeant le gâteau nuptial. […] On voit aussi sur un bas-relief Prométhée astis devant sa plinthe de travail : il achève de modeler un enfant impatient de rejoindre trois autres figurines déjà descendues de leur socle.
Au sortir du collège, la Nécessité passe à l’enfant sa robe virile, l’uniforme d’un métier ou d’une profession, et elle le pousse dans la mêlée humaine, comme les soldats orientaux qu’on chassait au combat, à coups de fouet. […] Elle forme l’enfant à son image, qui est celle du plus saint amour ; elle lui apprend le dévouement, la foi, l’enthousiasme, la fierté du cœur, toutes les puretés et toutes les beautés. […] Car il est l’enfant du siècle, dont le plus grand philosophe a donné du mariage cette définition redoutable : « Le mariage est une société de commerce instituée pour supporter en commun les frais de la vie. » De temps en temps, sa jeunesse matée se cabre, s’insurge, se remet à jeter la gourme et le feu ; mais la triste raison de sa mère le ramène bientôt dans l’étroite ornière. […] C’est qu’elle a le loisir d’être encore une épouse ; Elle reste charmante, et de plaire jalouse ; L’office maternel qu’elle s’est réservé, C’est de gâter l’enfant… par d’autres mains lavé. […] Mais l’air est si pur, le ciel si bleu, l’accueil de la jeune fille si délicat et si tendre, que l’enfant prodigue renonce au mariage d’argent et revient à cet amour pur que les Grecs disaient fils de la pauvreté.
Je suis constant dans mes goûts… Constant dans ses goûts, je le veux bien ; mais, certes, extrêmement mobile dans ses impressions, et il le dit lui-même en face de son portrait par Michel Van Loo, portrait dans lequel il avait peine à se reconnaître : « Mes enfants, je vous préviens que ce n’est pas moi. […] Ces gens-là ne savent pas que les paupières ont une espèce de transparence ; ils n’ont jamais vu une mère qui vient, la nuit, voir son enfant au berceau une lampe à la main, et qui craint de l’éveiller. […] Cette jeune enfant, qui a l’ait de pleurer son oiseau, elle a son secret, et elle pleure pour autre chose encore : Oh ! […] On s’approcherait de cette main pour la baiser, si on ne respectait cette enfant et sa douleur. Et, tout en se disant de respecter cette douleur de l’enfant, il s’approche ; il se met à lui parler, à soulever le plus doucement qu’il peut le voile de mystère : Mais, petite, votre douleur est bien profonde, bien réfléchie.
Je pourrais, en citant, donner de jolis mots qui s’y rencontrent ; mais c’est le sens même et la suite qui fait le prix de ce délicieux morceau ; voici quelques traits pourtant : Son esprit, dit-il de Montaigne, a cette assurance et cette franchise aimable que l’on ne trouve que dans ces enfants bien nés, dont la contrainte du monde et de l’éducation ne gêna point encore les mouvements faciles et naturels… Les vérités (dans son livre) sont enveloppées de tant de rêveries, si j’ose le dire, de tant d’enfantillages, qu’on n’est jamais tenté de lui supposer une intention sérieuse… Sa philosophie est un labyrinthe charmant où tout le monde aime à s’égarer, mais dont un penseur seul tient le fil… En conservant la candeur et l’ingénuité du premier âge, Montaigne en a conservé les droits et la liberté. Ce n’est point l’un de ces maîtres que l’on redoute sous le nom de philosophes ou de sages, c’est un enfant à qui l’on permet de tout dire, et dont on applaudit même les saillies au lieu de s’en fâcher. […] En philosophie, il le traite avec le dédain d’un homme qui n’en est pas resté aux demi-partis et dont l’incrédulité, du moins, n’est point inconséquente : Voltaire, au contraire, s’arrête à mi-chemin et, en continuant de mal faire, s’effraye par moment de sa propre audace : « Il raisonne là-dessus, dit Grimm, comme un enfant, mais comme un joli enfant qu’il est. » À partir de Tancrède, tout ce que Voltaire produit pour le théâtre lui paraît marqué du signe de la vieillesse ; mais, à sa mort, il se reprend à l’envisager dans son ensemble, et avec l’admiration qu’une telle carrière inspire ; il exprime très bien le sentiment de la décadence littéraire que, selon lui, Voltaire retardait, et qui va précipiter son cours : « Depuis la mort de Voltaire, un vaste silence règne dans ces contrées, et nous rappelle à chaque instant nos pertes et notre pauvreté. » Il écrivait cela à Frédéric (janvier 1784). […] Dans l’espèce de biographie qu’il trace de Rousseau à l’occasion de l’Émile (15 juin 1762), Grimm s’arrête dans ses souvenirs à ce qui serait une révélation indiscrète et une violation de l’ancienne amitié ; et, après avoir retracé les principales époques de la vie de Rousseau, ses premières tentatives plus ou moins bizarres, il ajoute : « Sa vie privée et domestique ne serait pas moins curieuse ; mais elle est écrite dans la mémoire de deux ou trois de ses anciens amis, lesquels se sont respectés en ne l’écrivant nulle part. » Si Grimm avait été un perfide et un traître comme le croyait Rousseau, quelle belle occasion il avait là, dans le secret, de raconter, en contraste avec l’Émile, ce qu’avait fait Rousseau de ses propres enfants, et tant d’autres détails qu’on n’a sus depuis que par Les Confessions !
Coupeau, gouailleur, bon enfant les yeux gais et le nez camus, un peu niais en plusieurs occasions, se trouve montré tel dans sa cour auprès de Gervaise, et résumé de même par ces mots : « avec sa face de chien joyeux » ; aux premiers chapitres du Ventre de Paris est décrite la beauté calme de Lisa, puis des actes, de raisonnable placidité, double trait que condense encore cette apposition répétée « avec sa face tranquille de vache sacrée » : Saccard, brûlé de toutes les lièvres et de toutes les cupidités, est sans cesse suivi des adjectifs « grêle, rusé, noirâtre », comme Renée, possède cette « beauté turbulente » qui concentre la physionomie ardemment avide de joie, et les passions à subites sautes, de celle dont les faits d’égarement tiennent tout le volume. […] Sylvère et Miette, l’attachement de ces deux enfants nets, chastes et tendres, sont racontés avec amour. […] Que ce soit le simple et presque symbolique attrait d’une enfant ignorante pour un enfant oublieux, ou la salacité diffuse d’une troupe de jeunes poissardes entourant de leurs gorges rebondies un souffreteux jeune homme, l’impudique nudité d’une courtisane italienne achetant le pouvoir de la rondeur de ses membres ou la prostitution d’une harscheuse, femelle à tous les mâles, la femme, chez Zola, toujours, tend à l’homme le piège de son sexe. Enivrant et dissolvant toute une société comme dans la Curée, victime passive dans les milieux ouvriers des grosses luxures et des coups, défaillante et amoureuse dans Une page, séduisant dans Pot-Bouille un cacochyme délabré en un mariage aussitôt souillé, domptant à force de refus, dans le Bonheur des dames, un obstiné viveur, toutes, dépeintes en leur fonction utérine, se résument en cette Nana, folle et affolante de son corps, qui subjugue par la douceur de son embrassement toute une cavalerie, des ouvriers aux princes, des enfants aux polissons séniles.
Ils sont également les enfants de la peine, et ils sont venus parce que le corps de l’homme énervé manquait de force pour les contraindre33. […] C’est pourquoi je ne trouve pas étonnant que nous, enfants d’une loi meilleure que les lois religieuses antiques, nous, disciples favorisés de Jésus, nous possédions plus d’éléments comiques que la païenne antiquité. […] Aussi le rire des enfants, qu’on voudrait en vain m’objecter, est-il tout à fait différent, même comme expression physique, comme forme, du rire de l’homme qui assiste à une comédie, regarde une caricature, ou du rire terrible de Melmoth ; de Melmoth, l’être déclassé, l’individu situé entre les dernières limites de la patrie humaine et les frontières de la vie supérieure ; de Melmoth se croyant toujours près de se débarrasser de son pacte infernal, espérant sans cesse troquer ce pouvoir surhumain, qui fait son malheur, contre la conscience pure d’un ignorant qui lui fait envie. — Le rire des enfants est comme un épanouissement de fleur. […] Et pourtant, remarquez bien que si le rire des enfants diffère encore des expressions du contentement animal, c’est que ce rire n’est pas tout à fait exempt d’ambition, ainsi qu’il convient à des bouts d’hommes, c’est-à-dire à des Satans en herbe.
Et nous pensons aux secrets de la naissance et de la formation de ce vrai enfant de vous-même, une création de la pensée, véritablement pareille, en son miracle et son mystère, à la création de la vie d’un être. […] Et dans notre mur de droite, un cheval ; et dans notre mur de gauche, trois ou quatre enfants du Midi. […] Elle donne la main à un petit frère hydrocéphale, aux bras attachés plus bas que des bras humains, aux mains traînant presque à terre, et tous deux, en le paysage frais et chantant, détachent la silhouette fantastique d’un couple d’enfants nabots, dans un conte de fée, allant chez l’Ogre, ou chez la grand-mère Loup. […] Il parle de sa maladie, de ses médecins, de sa tête qu’on électrise, d’un grand mal de gorge, que rendent encore plus violent les éclats de voix que lui font faire son diable de bel enfant, et sa turbulente et vivace et criarde petite fille, qui a l’œil tout noir d’un pochon reçu de son frère. […] * * * — On pourrait dire sage, comme un enfant malade.
On lit dans l’observation d’un dégénéré de la clinique de Magnan : « Un enfant lui demande à boire à la fontaine Wallace ; il ne trouve pas cela naturel. Cet enfant le suit, et cela le surprend. […] Elle méconnaît les principes primordiaux de l’esthétique et embrouille, avec l’inconscience d’un enfant qui s’amuse étourdiment, les limites des différents arts. […] C’est le contraste existant entre le balbutiement d’un enfant et le bégaiement d’un vieillard ramolli, entre l’infantile et l’enfantin. […] J’ai aimé mainte belle enfant Et maint bon compagnon — Où sont-ils allés ?
Des sons confus sortirent comme d’une bouche d’enfant. […] Le poète s’amusait comme un enfant qui regarde des estampes pleines d’horreurs. « Le chanoine Docre ! […] Elle est restée enfant, non pas quant aux sens, mais par tout ce qui regarde l’esprit. […] On ne comprend guère qu’un seul cœur puisse loger en même temps l’âme d’un enfant et d’un homme. […] L’Enfant prodigue !
Jamais une tendresse de mère pour un enfant malade et partant ne coula plus à demi-voix du cœur sur ses lèvres. […] Déjà pèse sur toi la sombre nuit des Mânes et s’avance sur tes pas l’ombre des vides demeures de Pluton, où, une fois entré, tu ne pourras plus tirer au sort la royauté des festins, ni admirer les grâces de ce tendre enfant Lycidas (sans doute son fils) que toute la jeunesse romaine envie, et qui, bientôt, fera palpiter le cœur ému des jeunes vierges. […] » D’autres odes de ce genre ne sont qu’une légère caresse en vers à quelque charmante enfant qui a attiré en passant ses regards ; telle est ce sourire poétique à la jeune Chloé. […] « Calaïs brûle pour moi et moi pour lui d’une flamme mutuelle ; Calaïs, fils d’Ornytus de Thurium, Calaïs pour qui je consentirais à mourir deux fois si les dieux à ce prix consentaient à épargner la vie de ce bel enfant. […] Mécène, en les lisant, enviait Horace, car le laboureur de Sabine, c’était évidemment Horace lui-même ; il ne lui manquait que la chaste épouse et les enfants, ces deux âmes du foyer, ces richesses du pauvre ; mais nous avons vu qu’Horace, dans l’été de sa vie, ne les avait pas méritées ; il avait préféré le plaisir au bonheur : son isolement l’en punissait.
Montluc ne se donne pas pour un historien, c’est un écrivain spécial de guerre ; il semble qu’il tienne à justifier ce mot de Henri IV lisant ses Commentaires, que c’est la Bible du soldat : « Je m’écris à moi-même, et veux instruire ceux qui viendront après moi : car n’être né que pour soi, c’est à dire en bon français être né une bête. » Il commence par établir une bonne police dans la ville ; il la divise en huit parties, dont chacune est sous la surveillance et les ordres d’un des huit magistrats nommés les « huit de la guerre » : dans chacune de ces sections, il fait faire un recensement exact des hommes jusqu’à soixante ans, des femmes jusqu’à cinquante, et des enfants depuis douze, afin qu’on voie quels sont ceux qui peuvent travailler aux choses de siège et à quoi ils sont propres ; dans le travail commun, les moindres ont leurs fonctions ; chaque art et métier, dans chaque quartier, nomme son capitaine, à qui tous ceux du même métier obéissent au premier ordre. […] Or, sachez que ce meilleur cheval de Montluc, qu’il eût donné de tout son cœur pour avoir l’hymne des dames siennoises en l’honneur de la France, était un cheval turc dont il a dit « qu’il l’aimait, après ses enfants, plus que chose du monde, car il lui avait sauvé la vie ou la prison trois fois. » Je n’ai pas à entrer dans le détail du siège ; il me suffit d’en avoir signalé le caractère et de donner envie aux curieux de rechercher les pages qui y sont consacrées14. […] Ces idées graves lui revinrent plus présentes dans l’inaction forcée à laquelle le condamnait la vieillesse ; de ses quatre enfants mâles, il en avait vu mourir trois avant lui pour le service du roi ; il prévoyait pour la France et pour son pays de Guyenne de nouvelles guerres et de nouveaux malheurs. […] Tamizey de Larroque, un des érudits qui se sont occupés avec le plus de zèle de ces illustres enfants de la Gascogne, insiste pour qu’on écrive Monluc sans t : c’est ainsi, remarque-t-il, que le maréchal et l’évêque, et tous les membres de leur famille, ont constamment signé.
Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère. […] — As-tu porté, en ton sein gravée, la sainte prière apprise par l’enfant sous le toit paternel ? […] Ce n’est qu’obscurci et troublé que je te reviens enfin, ô maison et foyer de mes joies d’enfant.
En voici un pourtant, où Mme de Sévigné nous apparaît dans tout le feu et toute l’activité de son rôle de grand’-maman, occupée de changer la nourrice de sa petite-fille que Mme de Grignan lui a confiée en partant pour la Provence : « Pour votre enfant, voici de ses nouvelles. […] Pecquet était avec moi, qui dit l’état de l’enfant. […] C’est une bonne paysanne, sans façon, de belles dents, des cheveux noirs, un teint hâté, âgée de vingt-quatre ans ; son lait a quatre mois ; son enfant est beau comme un ange. […] Sa fille lui avait écrit qu’elle était un peu jalouse de voir cette tendresse extrême pour l’enfant : elle croyait sans doute, en parlant ainsi, faire plaisir à sa mère qui lui avait quelquefois reproché son air de froideur et d’indifférence.
J’ai été séparé de mes amis ; je n’ai pu conduire les premières années de mes enfants ; et, aujourd’hui, dans le vingt et unième de ces tristes printemps, j’ignore quelle région j’habiterai dans quelques mois et dans quelle autre peut-être sera ma fille. […] Mes enfants, du moins, sont bien constitués, et leurs dispositions paraissent bonnes. […] Le défaut de force dans les membres, l’impossibilité de dire : « Je vivrai dans toutes les situations où un homme peut vivre ; » cet assujettissement joint à l’immense difficulté de soutenir une femme, des enfants, sans revenus fixes, sans autres moyens que des débris à recueillir à des époques inconnues, sans état (même très-longtemps sans papiers et sans droits de citoyen), sans dettes, sans aucune intrigue, surtout aussi avec le sort contre soi, avec ce qu’on appelle du malheur (excepté la faveur marquée du sort en 1798 et en quelques autres circonstances rares), tout cela a rendu ma vie morale laborieuse et triste. […] J’aurais eu de la sécurité, j’aurais eu un plan de vie suivi ; mes enfants auraient été plus tôt entre mes mains, etc.
. — Le roi va en Flandre, madame de Maintenon à Barèges avec les enfants, madame de Montespan à sa terre de Clagny. — Dépenses de madame de Montespan à Clagny. — Rapprochement du roi et de madame de Montespan. — Mort de Turenne. — Nouvelle séparation du roi et de madame de Montespan. — Madame de Maintenon revient de Barèges. — Faveur de madame de Maintenon. […] Il faut attendre le temps du voyage de Barèges, et le faire si le petit duc le fait… J’ai grande envie d’aller à Maintenon, mais les maux de ces enfants me retiennent. » Les irrésolutions concernaient l’alternative de se retirer de la cour ou d’y continuer sa résidence. […] Sa fierté blessée se soumettait à l’intérêt qu’excitait en elle la mauvaise santé des enfants confiés à ses soins. […] C’est durant cette rechute que madame de Maintenon arrive et ramène sur ses jambes l’enfant chéri qu’elle a emmené impotent.
Quelques philosophes [Frédéric Nietzsche] « Je vais vous dire, annonce Zarathoustra, trois métamorphoses de l’esprit : comment l’esprit devient chameau, comment le chameau devient lion, et enfin comment le lion devient enfant. » Le chameau, c’est « l’esprit patient et vigoureux en qui domine le respect ». […] Mais, ayant opposé « une divine négation, même au devoir », il devient enfant pour « la sainte affirmation » qui créera des « valeurs nouvelles ». […] Mais il va bientôt, de lion destructeur devenu un enfant qui joue « le jeu divin de la création », forger au monde et à l’individu des chaînes aussi lourdes que les anciennes. […] Et le dragon « Tu dois », déchiré par le lion, a ressuscité aux vagissements de l’enfant.
Par exemple, lorsqu’un enfant désire jouer, qu’est-ce qui constitue l’impulsion intérieure par laquelle il est entraîné, et que Spencer, en somme, n’explique pas ? […] Lorsque l’enfant se représente le saut à la corde, il a conscience d’un mouvement commencé qu’il dépendrait de lui de continuer jusqu’au bout, la représentation dominante de ce mouvement étant le début cérébral du mouvement même. […] Il ne suffit pas à l’enfant de se représenter la corde et le saut pour actualiser pleinement les sensations que produirait la corde enveloppant le corps de son cercle mouvant, ni l’ivresse attachée à ces sensations. […] Ce que l’enfant désire, est-ce simplement la représentation claire et complète du jeu pour cette représentation même, ou n’est-ce pas la plénitude du plaisir attaché au jeu ?
La forêt où Chérie, enfant, se promène, est décrite en ses murmures, l’ondoiement de ses branches, les sautillements de la lumière sur le sol, les fuites d’une bête effarée. […] La physionomie de la Faustin lui apparaît tantôt dessinée en ombres et méplats lumineux, par une lampe posée près de son lit, tantôt s’assombrissant, se creusant sous une émotion tragique : Subitement sur la figure riante de la Faustin, descendit la ténébreuse absorption du travail de la pensée ; de l’ombre emplit ses yeux demi-fermés ; sur son front, semblable au jeune et mol front d’un enfant qui étudie sa leçon, les protubérances, au-dessus des sourcils, semblèrent se gonfler sous l’effort de l’attention ; le long de ses tempes, de ses joues, il y eut le pâlissement imperceptible que ferait le froid d’un souffle, et le dessin de paroles, parlées en dedans, courut mêlé au vague sourire de ses lèvres entr’ouvertes. […] Mais où le sens du joli éclate, c’est dans son nouveau livre, dans cette charmante étude de l’éclosion féminine qui forme la première moitié de Chérie, dans le geste mutin d’une petite fille perchée sur sa chaise et éventant sa soupe de son éventail ; dans la gaie répartie du maréchal consolant Chérie de s’apitoyer sur la douleur des parents des perdreaux servis à table ; dans la scène du baptême de la poupée ; dans l’inquiet effarement d’une troupe d’enfants enfermés dans les combles ; dans la bienveillante et aimable idée qu’a la maréchale de greffer sur les églantiers de de la forêt de Saiut-Cloud les roses du jardin impérial. […] Quand on y songe… Le mystère de l’enfantement leur a été confié et peut-être le comprennent-elles… Peut-être y a-t-il un moment solennel où si le mari ne dormait pas d’un sommeil stupide, il verrait la femme tenir entre ses mains son âme palpable et en déchirer un morceau qui sera l’âme de son enfant… » Les Goncourt faisaient de même des numéros entiers du Paris, qui ne contenait alors, outre le feuilleton et le Gavarni, qu’une nouvelle comme les admirables Lettre d’une amoureuse, et Victor Chevassier.
Tout cela ne vous reçoit pas comme l’enfant de la maison. […] Puis on aime les enfants. […] — Nos enfants n’ont pas notre âge. […] Alors, pour commencer, il n’y aurait plus d’enfants. […] Tout devient si simple, dès qu’il n’y a plus d’enfants.