Il pourrait avoir entendu dire que le corps des laquais est « le séminaire de la noblesse98 » ; et, en attendant que la fortune le traite selon son mérite, il est plein d’égards pour sa grandeur future ; il ôterait volontiers son chapeau pour se parler.
Qui ignore que les yeux de l’esprit sont encore plus variables & plus variés que ceux du corps ?
L’ombrelle de Baronnette, oubliée sur un sofa, met entre ses mains le corps du délit ; elle le déchire à belles griffes, s’indigne, récrimine, fait à son amant une scène orageuse détrempée par une pluie de larmes, et lui arrache la promesse de la rejoindre à Trouville, où elle va passer la saison d’été.
Il n’aurait pu le trouver que dans une belle femme, et ces rencontres-là, d’un génie de Richelieu en un corps de Pompadour, ne sont peut-être pas dans l’ordre des choses humaines possibles.
On a une brochure, alors imprimée, de lui, où il raconte par le menu et où il décrit les pompes et solennités touchantes dont la ville de Pontarlier fut le théâtre en cette occasion, et le repas donné aux notables du lieu par M. de Saint-Mauris, et les courses, de bague, vieil usage légué par les Espagnols, et les soixante bourgeois qui s’étaient formés en un corps de dragons volontaires, et les devises et les illuminations, enfin tout un bulletin naïf et sentimental.
Il faut l’entendre qualifier cette « scandaleuse bacchanale », cette « bambochade ignominieuse », que favorisaient la lâcheté des corps constitués et l’immortelle badauderie parisienne, et s’écrier, par un mouvement digne d’un ancien : On dit que, dans toutes les places publiques où passera cette pompe, les statues seront voilées.
Alors les valets de l’exécuteur se sont attelés aux pieds de la femme, et à travers les hurlements de la malheureuse, et à force de tiraillements et de soubresauts, ils lui ont séparé la tête du corps par arrachement.
Le corps où l’on pénètre sans difficulté. — V.
Au lieu que lorsqu’on sait combien elle diffère, on comprend beaucoup mieux les raisons qui prouvent que la nôtre est d’une nature entièrement indépendante du corps, et par conséquent, qu’elle n’est point sujette à mourir avec nous. » Vous le voyez, la grande raison pour laquelle les cartésiens ne voulaient pas que l’on attribuât une âme aux bêtes et voulaient que l’on considérât les bêtes comme des machines, cette raison est une raison religieuse ; une raison de philosophie spiritualiste, si vous voulez, mais, en même temps, une raison religieuse.
A son passage à Petrograd, on lui offre de servir dans l’armée russe : il refuse, arrive en France, rentre dans le rang comme lieutenant, se bat sur l’Yser et partout avec le glorieux 20e corps.
Corps flexibles, âmes molles et tendres, en qui la force précocement s’éveille, véridiques et modestes jusqu’à l’humilité, connaissant leur honneur et leur devoir, ces soldats de dix-sept, dix-huit, vingt ans, sont « les fils de France », comme dit l’univers qui les admire.
Devant une destinée si noblement, si heureusement remplie, une destinée bénie par la nature et menée à bonne fin par la plus admirable volonté, je sens flotter incessamment dans mon esprit les vers du grand poëte : Il naît sous le soleil de nobles créatures Unissant ici-bas tout ce qu’on peut rêver : Corps de fer, cœurs de flamme, admirables natures !
J’accorde même qu’il y aura toujours un certain nombre d’hommes, attachés de corps et dame à la besogne journalière, tellement privés de toute culture, que l’art ni la littérature ne pourront jamais trouver place dans leur vie.
Tel était donc, trois siècles avant les luttes de la Grèce contre l’Asie barbare, le degré de sublime où, devant les maux de la patrie juive et la chute espérée de son oppresseur, s’élevait la voix d’Isaïe, d’un homme de race sacerdotale et royale, de celui qui plus tard paya sa dette à la tyrannie, et, dans sa patrie délivrée du joug étranger, subit, sous un roi ingrat et féroce, le supplice d’être scié par le milieu du corps.
On sait qu’il n’écrivit Madame Bovary qu’à son corps défendant et presque à contre-cœur. […] De là cette altération des lignes et des formes, cet amenuisement des corps et des faces, ces chairs exsangues, ces tonalités blafardes qu’affectionne le Greco. […] Il ne voulait point que l’on donnât des sujets de plainte à « notre frère le corps » ni qu’on se refusât le nécessaire sous prétexte de pénitence. […] Le faune y guette trop avidement la nymphe craintive, au corps agile et nu. […] Or, cette scène se déroule dans la chambre ardente, où est exposé le corps du grand-duc Fédor, qui vient de mourir.
Elle était assise auprès du corps ; et pas un ami, ni une connaissance, ni un parent, personne d’autre qu’une vieille bonne pour l’assister et pour s’occuper avec elle des funérailles. […] S’il pouvait seulement être absent de son corps au moment de l’acte matériel ! […] Bref, je suis malheureux de ne pouvoir, même en imagination, coiffer à la Titus le buste de Racine, ni lui ajouter un corps, ni l’asseoir devant moi et l’accouder de l’autre côté de ma table… Et il en est de même des œuvres de ces grands écrivains. […] Il ne s’agit que de s’emparer de cette âme, de la voler à sa mère, pour que celle-ci souffre à son tour… Christine est fiancée à un professeur, Georges Pierrard, un excellent garçon et dont elle est profondément aimée, mais qui, avant de la connaître, a vécu comme presque tous les jeunes gens, et dont ni le cœur ni le corps sont intacts. […] Maurice Barrès s’amuse à prendre publiquement de sa santé dans Un Homme libre, et qui, sous une apparence de raillerie, exprime l’importance que le digne poète attache très sérieusement et très réellement à son précieux corps.
Il se passe, en effet, dans l’expression de la pensée quelque chose d’analogue au phénomène observé dans la composition des corps. […] On le rapporte jusque sous les fenêtres de la pauvre Emma, qui le reconnaît tout de suite et qui tombe sur son corps en disant encore une fois : « Pauvre petit. » C’est le leitmotiv de cette symphonie funèbre. […] ces beautés du corps de la femme, où vont-elles ? […] A peine l’a-t-il franchie et s’est-elle refermée, qu’on entend un cri, puis le bruit sourd d’un corps tombant sur un parquet. […] s’écrie Paul Margès, et il envoie deux balles de revolver dans le corps de Jean qui tombe mort. — Mal réglé, le jeu de scène.
Ces Productions donnent un corps de faits qui prouvent les mœurs et la manière de penser du siècle ; quand celui qui les a recueillis n’aurait pas été répandu dans le Grand-monde, dès qu’il a rapporté fidèlement, il a peint. […] L’intérieur c’est l’intimité de la vie ; on dépose chez soi toutes ses grimaces, toutes ses hypocrisies ; comme le costume il prend peu à peu toutes les inflexions du corps, trahit toutes ses habitudes, on peut deviner un homme en voyant sa chambre. […] Challes a fait de charmants portraits de jeune fille : « Sylvie n’avait au plus que dix-neuf ans ; elle était d’une taille un peu au-dessus de la moyenne, mais faite à charmer, si menue que je la prenais facilement entre mes mains toute vêtue en corps. […] Il conservait pendant ce léger sommeil un sourire tranquille, posé sur de grosses lèvres vernies et reluisantes ; ce sourire allait, venait, et participait de la respiration qui soulevait également son gros corps pour sortir par sa bouche entrouverte. […] Les Contemplations de Victor Hugo, ou le gouffre géant des sombres abîmes romantiques (Suite) Je veux poursuivre encore mes comparaisons, parce que je cherche à trouver un point de ce corps poétique où la sensibilité existe.
Est-il vraisemblable que Valère, encore sous les yeux du bourru, de l’argus qui l’observe, et dont il veut capter la bienveillance, permette à son valet de se clouer pour ainsi dire à lui, et que, la tête immobile, le corps droit, le jarret tendu, ils aillent, côte à côte, et comme deux soldats alignés, depuis le milieu d’une rue jusque dans leur maison ? […] Une stature colossale interdit à l’esprit, comme au corps, les mouvements prestes ; ils font plutôt souffrir qu’ils ne font rire : la nature avait formé Desessard exprès pour peindre les lourds Midas, et tous les ridicules de l’épaisse finance. […] Préville remplissait merveilleusement le rôle de Bourgeois gentilhomme, il y était gauche de corps et d’esprit, d’un bout à l’autre, mais gauche à faire plaisir, et voilà le difficile. […] D’après cela, mon cher habitué, parcourez la ville et la province, choisissez l’acteur le plus adroit à démentir son extrait de naissance, chargez-le de représenter l’amant de Lucile ; je n’ai pas besoin de le voir, de l’entendre ; je le devine d’avance, je le sais par cœur : c’est inutilement que, pour se donner une physionomie agréable, il aura soin de quarrer sa bouche et d’épanouir son visage, à l’aide d’un demi-sourire ; c’est inutilement qu’en parlant de son cœur, une main convulsive le cherchera sur toutes les parties de son corps, et, trop souvent, sans le trouver ; enfin, c’est inutilement que, pour paraître mieux pénétré de sa passion, et pour éluder les désagréments d’une voix aigre et chevrotante, il martèlera chaque syllabe des mots amour, tendresse, âme, sensibilité, de ces mots qui doivent voltiger avec tant de grâce sur la bouche d’un amant : vain et pénible effort !
Excité par ses encouragements, l’entrepreneur se mit à chanter avec une telle agilité et à tirer de son gosier des sons si brillants, que lorsque, complétement exténué par ses efforts, le visage pâle et inondé de sueur, il rejeta le corps en arrière et poussa avec effort un dernier cri, — tout l’auditoire y répondit par une exclamation frénétique. […] Il n’y a que des gentilshommes qui puissent entrer dans les corps des Cadets.
Cultivés de corps et d’esprit, les hommes sont lettrés et bien faits, les fermes sont fées. […] Il amplifie son vocabulaire, hasarde des néologismes, pense qu’un mot imprévu frappera plus que ne fait un mot mis en son juste jour, et il ne s’aperçoit pas que cette parure incertaine semble un fard sur un visage malade, des atours trompeurs sur un corps malingre. […] Dans le domaine des réalités, il ne peut s’intéresser à rien qui ne prenne corps et qui ne reçoive l’existence par ses soins. […] Et maintenant — mes yeux, ma bouche et tout mon être ivres d’un sang nouveau d’où ma force en mon corps avec lui va renaître — je jette ce roseau (Id.
Lui, siffle pour les encourager, enveloppe dans son vaste manteau son corps glacé par les ans et la pluie. […] Mais si ton corps échappe à leur voracité Pour laisser aux vautours un repas détesté, (Car le sort, envers toi, redouble de furie !) […] « La troisième, une femme de vingt-six ans, une femme silencieuse, aux impatiences frémissantes du corps, à la tiède pâleur que rosaient à tout moment des animations passagères du sang, au bleu foncé de la prunelle se répandant dans le blanc de l’œil comme un crépuscule, à la coiffure bouffante montrant de délicats modelages des tempes, et des oreilles ciselées en des contours transparents. […] Oser toucher aux Autheman, flageller le fanatisme qui brûla Servet renaissant sous une forme, nouvelle en plein xixe siècle, dénoncer les empoisonnements de l’esprit par les livres d’une piété malsaine, par les discours qui tuent le corps après avoir tué les affections dans l’âme, par le poison même qui dévore le cerveau, le tétanise, affole, anéantit ! […] Les valets (soulevant le corps) Las !
Son corps épuisé ne put résister à ces derniers efforts. […] Le sujet, qui d’abord ne se révèle pas en plein, mais qui se dessine et se précise au bout de quelques pages, n’est autre que la lutte des sens et de la volonté : c’est le duel du plaisir et de l’intelligence, de la mollesse et de la réflexion du corps, et de l’âme, le combat acharné de la volupté contre l’amour. […] J’ai connu des caractères singuliers, d’une paix austère et permanente, à peine au seuil de leurs années, dédaigneux de la jeunesse qui s’agitait autour d’eux, empressés à vieillir avant l’âge, ambitieux de sentir sous les tresses dorées de leur chevelure les pensées qui d’ordinaire ne mûrissent que sous les fronts chauves et ridés ; ceux-là prenaient la volupté par son côté impitoyable et terrible : ils tuaient leurs sens pour dégager leur âme ; ils déchiraient le corps pour ouvrir à l’intelligence des horizons plus larges, de plus lointaines perspectives. […] Elle a résisté dans sa faiblesse ; mais il n’est pas juste de dire qu’elle succombe dans sa force, à moins qu’on n’appelle du nom de force la sécurité mensongère d’un cœur qui croit avoir tué la passion, parce qu’il a longtemps lutté corps à corps avec elle. […] C’est le corps sans l’âme.
Qu’il relise là-dessus son Gil Blas, ou ses Lettres persanes : « Le corps des laquais est plus respectable en France qu’ailleurs ; c’est un séminaire de grands seigneurs ; il remplit le vide des autres états… » Voilà pour « l’époque ». […] si les Dieux jaloux, vierge, n’ont pas formé La neige de ton corps d’un marbre inanimé Viens au fond du grand bois, sous les larges ramures Pleines de frais silence et d’amoureux murmures. […] Non pas qu’aux yeux des psychologues le corps ne soit qu’une enveloppe ; et ils savent que ce qu’il y a de plus intérieur en nous se traduit souvent avec fidélité dans notre attitude ou dans notre physionomie. […] l’ombre sans le corps, le parfum sans le vase ? […] ou comment enfin a-t-elle opéré son mouvement de concentration sur elle-même, et du Rhin jusqu’aux Alpes, ou des rives de la Méditerranée jusqu’aux bords de l’Océan, comment, dans un jour de victoire ou de défaite, peut-être, a-t-elle senti, comme un grand corps, le même sang couler dans ses veines et battre dans son cœur ?
Vous étiez dieux aussi, jeunes gens, mêlés aux déesses joyeuses : Saint-Aignan, La Meilleraye, Maulevrier, Langeron, Thémines, Sillery, Fiesque, Coligny, Richelieu, danseurs choisis de Clio et de Melpomène, de Thalie et de Calliope, et autres cruautés aimables, mademoiselle de Praslin, et les trois Mazarins, suivies de tout le corps de la musique. […] vous n’avez sous ces ajustements qu’un vieux corps, une âme vide, un pauvre esprit, un fantôme, un mensonge, un copiste, un faux Shakespeare, un faux Schiller ! […] Et quand vous les avez toutes parcourues, il vous reste encore votre corps à assurer ; et une nouvelle compagnie enterre vos os dans ce jardin charmant — le cimetière de Londres !
Quelle solitude que tous ces corps humains ! […] Cette ingénue, Alfred de Musset en trace à l’occasion le portrait, et c’est Fantasio, justement, qui nous dit qu’elle le fait songer à un petit serin qu’il a, un serin qui a une serinette dans le corps. […] Et cette ombre dont nous parle ici Alfred de Musset, ce n’est pas seulement une vision, ou plutôt ce n’est pas seulement une fiction, mais Musset l’a vue réellement ; c’est une sorte de cauchemar auquel il a été en proie, c’est sa tristesse, c’est lui-même qui s’est apparu, qui a pris forme et corps devant lui.
Quant à nous, aujourd’hui, qui venons de lire la correspondance de Goethe avec la vraie Charlotte et avec Kestner son époux, et qui avons en même temps relu Werther, il nous semble (pour emprunter aussi une image à la Grèce) que nous pourrions dessiner la ligne sinueuse qui unit l’épaule d’ivoire de Pélops au reste du corps vivant, c’est-à-dire séparer les parties artificielles et factices d’avec celles qui étaient la vérité même.
Un libraire se rencontrera-t-il pour donner corps à cette bonne pensée, plus honorable qu’intéressée assurément ?
Mais vous venez de le voir vous-même, puisque j’ai dit le nombre d’hommes qu’il y avait dans les différents corps de l’armée punique.
Abordant ainsi le sujet à son corps défendant, c’était chose curieuse, pour un lecteur déjà poli, de l’entendre considérer les mots finement, discourir de la pureté des dictions, se demander d’où pouvait procéder, en fait de paroles, cette grande aversion contre celles qui ne sont pas dans le commerce ordinaire, dans l’usage, et en chercher la raison jusque dans les Topiques d’Aristote.
Son corps glacé dans la pourpre frissonne ; Son front fléchit sous la triple couronne ; Les saintes clefs lassent sa faible main.
Le corps intermédiaire du récit, les trente années de l’Empire et de la Restauration ne sont encore tracées que par endroits et ne présentent pas, à l’heure qu’il est, une ligne ininterrompue et définitive.
Il y met en corps ce qui était en pages.
Cosette se développait de corps et d’âme, sous les yeux de ce père inconnu, mais aussi tendre qu’une femme.
Mais les corps collectifs sont toujours poussés à prendre dans leurs antécédents les règles de leur avenir, M. de Lamennais fut nommé membre de la commission de Constitution: il se mit à l’ouvrage et chercha par la logique brutale du nombre à fonder sa société comme une troupe de sauvages sortis des bois ; il fonda les communes, puis il réunit toutes ces communes, et de leur réunion il fonda l’État, en sorte que l’État social matérialiste et se comptant par chiffre, et non par capacité ni par droits héréditaires et acquis, était l’expression seule du nombre et de l’impôt, abstraction faite de tout le reste, c’est-à-dire de la société tout entière.
Il prit pour lui une phrase que Nicole adressait à Desmarets de Saint-Sorlin, avec qui le jansénisme bataillait alors ; et se croyant traité d’« empoisonneur public, non des corps mais des âmes des fidèles413 », il lança contre ses anciens maîtres une lettre extrêmement spirituelle et satirique (1666), qui eût été suivie d’une autre, sans l’intervention de Boileau : Racine regretta plus tard amèrement cette aigreur de son amour-propre, qui l’avait fait un jour ingrat et méchant.
Si elle prenait corps, nous verrions se confirmer solidement cette vérité (dont, pour ma part, je suis déjà convaincu), que les études les plus élevées sont en même temps les plus pratiques.
Que tu décrives tout un kiss Avec un tel Ne quid nimis Que pourrait te lire une miss, Ou qu’à Ponchon lorsqu’il balance Son demi-sans-faux-col par l’anse, Tu donnes le prix d’excellence ; Que tu racontes, en tes Jeux, Non lassé par cinq corps neigeux, Le page six fois courageux, Ou sertisses des confidences En de fins rondels, et cadences Des mots sur de vieux airs de danses ; Que tu nous montres Pierrot, vif.
Elsa, c’est la femme, curieuse, prompte à l’oubli, tendre cependant, aimante, et fragile d’âme et de corps.
Il est sans doute permis aux Poëtes de personnifier les Passions & même les Êtres abstraits ; mais pour conserver la vraisemblance & l'illusion, ils doivent leur donner un corps visible & naturel, dès qu'ils s'en servent comme d'agens destinés à influer essentiellement sur l'action.
Il avait le sentiment du brillant de ces anneaux et de je ne sais quelle puissance interne qui les animait : sa colère était de ne pouvoir les rejoindre et en faire un seul corps.
Un homme qui, comme lui, avait débuté par des prix d’académie, qui en avait fait sa carrière, qui avait toujours eu l’Académie en vue, qui avait mis en jeu tous ses amis, même ses amis de cour, jusqu’à ce qu’il y eût été admis, cet homme devait être le dernier à prendre la plume pour dénoncer publiquement les abus et pour solliciter la destruction du corps dont il était membre.
Contrairement aux idées courantes, le criminel n’apparaît plus comme un être radicalement insociable, comme une sorte d’élément parasitaire, de corps étranger et inassimilable, introduit au sein de la société44 ; c’est un agent régulier de la vie sociale.
Qu’apercevons-nous quand nous la remarquons, sinon la pensée elle-même, mais la pensée vêtue, enveloppée d’une ombre de parole, ombre légère, insaisissable, qui fait corps avec elle et ne peut en être séparée ?
Qu’on ébranle tant qu’on voudra le sens des mots, le nom du dix-huitième siècle n’en dira pas moins toujours à la pensée : corruption de mœurs, mépris du passé, c’est-à-dire de la paternité sociale, révolte de l’orgueil, impiété, vice du corps, abaissement de l’esprit et prostitution du génie.
Le Dr Pusey affirmait la présence réelle ; il disait que les éléments consacrés par le prêtre deviennent réellement le corps et le sang de Jésus-Christ.
À présent l’idée maîtresse du roman peut venir, et choisir, parmi tant de figures vagues, celles qui prendront corps et seront des personnages.
C’est alors seulement que la vérité relative d’une époque, d’un milieu, vécue par un artiste, prend une valeur absolue : elle n’est plus une abstraction, elle est un fait ; en prenant corps dans une œuvre précise et personnelle, elle devient une réalité agissante et durable à jamais.
Il faut traiter l’esprit comme le corps.
Odilon Redon, pour devenir des anges, le corps des hommes s’immatérialisait, virginal. […] Ces sites joyeux comme un dimanche d’été, avec leurs riches pacages, leurs fermes opulentes où rient de grasses filles plantureuses, leurs moissons rouges où, pareils à des flammes, les corps amoureux ont d’étroites étreintes, je ne doute point qu’il ait rêvé d’y séjourner.
Mais la pudeur ou la puderie, comme on voudra, à mesure qu’elle se développait, emplissait certains mots, pris un peu au hasard par elle, d’images ou libertines ou grossières, ou répugnantes, qui finissaient par faire corps avec la signification première du mot, si bien qu’elles s’éveillaient toutes à la fois quand il était prononcé. […] Ainsi, voilà un homme qui a passé sa vie à lutter contre une éventualité qui, pour lui, est la plus cruelle de toutes, et, pour s’en parer, il a pris la nature corps à corps ; il a chassé l’amour de son jeu et lui a dit : « Tu n’existes pas ; rien de plus aisé que de triompher de toi, ou même de s’en passer. » Et l’amour a repris l’offensive, et il l’a forcé, le couteau sur la gorge, à faire amende honorable et à dire : « Eh bien, je renonce à tout ce qui a été ma préoccupation depuis que j’ai l’âge d’homme ; je n’ai redouté qu’un malheur au monde, c’est d’être… trompé. […] Le père Provost, sans bouger de place, mais se levant sur ses pieds, et le corps à demi penché vers sa femme, d’un geste immense : Je vous le dis, criait-il, et il appuyait sur chacune de ces quatre syllabes ; puis, retombant sur ses talons, et faisant du buste un quart de conversion, comme s’il achevait un mouvement commencé : — Ma Sœur ! […] L’art de Molière, c’est d’avoir placé une personne de ce tempérament près d’un homme qui se croit malade, enfoncé dans la contemplation de ses maux, triste, maussade, atrabilaire, toujours une médecine dans le corps ou un lavement dans le ventre. […] J’aurais souhaité que ces jeunes gens à qui l’on a donné la charge de nous restituer Regnard y eussent apporté moins de soucis de correction, plus de verve et de diable au corps.
Les Saugrain eux-mêmes étaient une famille d’anciens libraires, venus de Pau avec Henri IV, très honoré dans leur profession, ayant donné des syndics au corps.
Marmier, qui a écrit sur Mme de Krüdner un morceau senti204, a très-bien remarqué dans Valérie nombre de pensées déjà profondes et religieuses, qui font entrevoir la femme d’avenir sous le voile des premières élégances ; j’en veux citer aussi quelques traits qui sont des présages : « Son corps délicat est une fleur que le plus léger souffle fait incliner, et son âme forte et courageuse braverait la mort pour la vertu et pour l’amour. » « ….
Robespierre l’avait nommé médecin en chef et en même temps agent principal de sa confiance à cette École de Mars, corps de jeunes janissaires personnels de Robespierre, logés au Champ de Mars, qui gardaient de loin la Convention et veillaient surtout sur Robespierre lui-même, prêts à voler à son secours dans le cas où ses collègues, fatigués de sa domination, viendraient à lui livrer combat dans l’Assemblée ou dans la capitale.
Il suffit de l’avoir vu à pied dans les steppes, la bride de son cheval passée autour du bras, promener pendant des journées entières le regard de ses larges yeux bleus sur l’horizon des monts Crapacks tacheté de pins noirs et de neiges roses, pour reconnaître à la charpente haute et solide du corps, à la dimension du front, au vague pensif du regard, à l’ovale effilé de la tête, à la gravité des lèvres, à l’attitude à la fois virile et un peu inclinée par la féodalité des membres, la consanguinité évidente des Huns et des Francs-Comtois : Deux races nobles, deux filiations du Caucase, deux peuples à héros dans les ancêtres, deux civilisations disciplinées où la fierté et l’obéissance s’accordent sur un visage pastoral, guerrier et poétique.
Prendre les ordres de Valjean contre le vol, de Thénardier contre le maraudage, des étudiants contre la débauche, des gamins héroïques de Paris et des jeunes émeutiers de la barricade sur l’organisation savante du travail et de la société parfaite, contre le luxe des riches et contre la misère du chômage du peuple, est une homéopathie par le vice, l’ignorance et le sang, qui nous laisse quelque doute sur la guérison du corps social.
Il lui fallait les sujets qui ont du corps et les entretiens prolongés, où l’on peut s’appesantir sans faire l’effet d’un lourdaud, et s’échauffer sans devenir ridicule.
Colomba, Tamunjo, Matteo Falcone, le corps du récit de Carmen, etc. ; Mérimée s’efface ; ce n’est plus qu’un scrupuleux artiste qui s’efforce à faire sortir le caractère du modèle naturel.
Cependant, le corps social a besoin d’une magistrature et il est nécessaire qu’on rende la justice, tant bien que mal.
Tantôt il enferme, entre un début et une fin traduite d’Horace, de Pindare, de Callimaque ou d’Anacréon, quelques pensées qui lui sont propres ; tantôt c’est le corps qui appartient aux modèles la tête et les pieds sont de l’imitateur.
L’âme de Bouvard et Pécuchet, celle d’un vieux fakir, fat et ignorant le ridicule, habitaient ce corps de militaire.
Le drame fait corps avec la musique.
Puis, par la hantise des sensations chaudes, la musique fut menée à vouloir sortir de sa destination : elle tâchait maintenant à être une peinture, imitant les bruits naturels, les mouvements des corps, leurs couleurs.
» Vous fûtes témoins, hier, quand on vint du palais pour le tirer d’ici par force, comment il courut aux vases sacrés, tremblant de tout le corps, le visage pâle et défait, faisant à peine entendre une faible voix entrecoupée de sanglots, et plus mort que vif.
Les moralistes ne sont pas encore parvenus à cette conception très simple que, comme notre représentation des choses sensibles vient de ces choses mêmes et les exprime plus ou moins exactement, notre représentation de la morale, vient du spectacle même des règles qui fonctionnent sous nos yeux et les figure schématiquement ; que, par conséquent, ce sont ces règles et non la vue sommaire que nous en avons, qui forment la matière de la science, de même que la physique a pour objet les corps tels qu’ils existent, non l’idée que s’en fait le vulgaire.
Il part, marche à courbette, Plus fort que ne voulait un quasi-Phaéton Dont le corps ne portait que sur un mousqueton.
Ferrari, soit-il doublé d’Hegel, est de n’en avoir aucune, même en acceptant le dogme de la fatalité que devait lui donner la science, c’est-à-dire (entendons-nous) celle du daguerréotype, qui réfléchit tous les corps existants au soleil, sauf leur couleur, leur mouvement, leur bruit, en d’autres termes, leur son, leur parfum, leur lumière !
Priam demandait à genoux le corps d’Hector à Achille et pleurait sur ses mains sanglantes… Hugo était tout à la fois Hector et Achille, et nous lui demandions de donner les restes de son génie, qu’il tuait, à la poésie du poème épique qui pouvait seule le ressusciter !
Le Titan littéraire s’aplatit ; il a senti le petit souffle qui faisait lever le poil sur le corps endommagé du pauvre bonhomme Job.
Si le voyageur est secoué, c’est évidemment que les points matériels dont son corps est fait ne conservent pas des positions invariables par rapport au train ni, en général, par rapport les uns aux autres.
Si vous m’accordez cela, et que l’attitude olympienne de Goethe vieillard est parfaitement légitime et n’est pas, même, sans une grande allure, et que « cette tête allait bien au vieux corps germanique » ; considérons maintenant Goethe jusque vers le milieu de sa vie et même un peu au-delà. […] Ce n’était pas un Goethe, ni même un Colardeau, que Rouget, surnommé de l’Isle, pour pouvoir entrer à l’École militaire (ce qui prouve en passant que ces terribles règlements de l’ancien régime excluant les roturiers du corps des officiers n’étaient rigoureux que sur le papier, étant si faciles à éluder) Rouget donc, ou Rouget de l’Isle, ou Rouget de Lisle, ou Rouget Delille, car il a porté toutes ces désignations suivant les régimes, n’était pas un Goethe. […] Il y a vécu d’une vie ample, large et joyeuse comme un athlète grec vivait de la vie du corps. […] Et le Romain sentait, sous sa lourde cuirasse, Soldat captif, berçant le sommeil d’un enfant, Ployer et défaillir sur son cœur triomphant Le corps voluptueux que son étreinte embrasse. […] Et voilà que le pauvre petit, sujet à des hémorragies nasales, par suite d’anémie, s’écoule un jour devant elle, sans qu’elle puisse lui porter secours, verse autour d’elle, sur elle, toute la pourpre de son pauvre corps, expire en la regardant, et la laisse, mourante elle-même, au milieu du sang de sa race.
Elle a contre elle son habitude de corps où je ne sais quelle force et vigueur plébéienne se marque plus que la grâce alanguie, brisée et défaillante. […] C’est surtout dans la pantomime qu’il voulait ce « diable au corps » dont on a tant parlé. — Je crois bien qu’il avait pleinement raison. […] Comme elle était trop froide au gré de l’auteur, elle s’impatienta : « Il faudrait avoir le diable au corps pour arriver au ton que vous voulez me faire prendre. — Eh ! vraiment oui, répliqua Voltaire ; c’est le diable au corps qu’il faut avoir pour exceller dans tous les arts. » Elle l’eut. […] le drôle de corps !
Mais tout de même que la santé du corps, que l’on croit être un don de la nature, n’est à vrai dire que le résultat d’une hygiène, et, par conséquent, d’un « travail » approprié, il ne suffit pas non plus d’abandonner le corps social à lui-même pour qu’il trouve son point d’équilibre, et il faut que chacun de nous travaille de sa personne à le rétablir constamment.
En effet, ce n’est guère qu’entre 1645 et 1660 que nos auteurs dramatiques, Thomas Corneille, Scarron, Quinault, — pour ne rappeler que ceux dont le nom n’a pas péri tout entier, — se jettent à corps perdu dans l’imitation du théâtre espagnol, et qu’ils en viennent jusqu’à ne pouvoir plus seulement écrire une pièce de leur cru sans en placer la scène à Lisbonne ou à Salamanque. […] Il ne s’est pas trompé non plus quand il a cru que, si l’on voulait opposer aux progrès du libertinage une résistance efficace, il fallait que l’on commençât par rassembler en un seul corps les membres épars de l’Église ; et c’est un point sur lequel non seulement le temps, mais aussi les aveux de l’orthodoxie protestante lui ont donné raison. […] Ce qui paraît naturel, c’est d’être, comme le dit l’anatomiste Du Verney, présentant à la duchesse du Maine Mlle de Launay, « la fille de France qui connaît le mieux le corps humain » ; et, au contraire, ce qu’on trouve étrange, c’est qu’il se trouve encore, pour admirer Pindare, des hommes qui se croient du jugement et du goût. […] — Les corps constitués n’aiment peut-être pas à en voir constituer d’autres à côté d’eux. — Mais Richelieu finit par l’emporter. — Les premiers académiciens. — Les Statuts de l’Académie. — [Cf. […] Rébelliau, Bossuet historien] — et que Bossuet, dans ce grand livre, a fait vraiment œuvre d’historien. — Solidité de son érudition ; — finesse et impartialité de sa critique. — Que d’ailleurs dans ce livre trop peu lu se trouvent quelques-unes des plus belles pages de Bossuet. — Les portraits dans l’Histoire des variations ; — les narrations ; — la dialectique. — Sobriété, force et rapidité du style de Bossuet. — Effet produit par l’Histoire des variations. — Elle est attaquée par Burnet, et par Jurieu, dans ses Lettres pastorales. — Bossuet répond à Burnet dans sa Défense de l’Histoire des variations, 1691 ; — et à Jurieu par ses Avertissements aux Protestants, 1689-1691. — Comment les Avertissements font corps avec l’Histoire des variations. — Les trois premiers Avertissements [Cf.
Fléchier, dans ce portrait flatteur et qui a du ton de L’Astrée, insiste comme il doit sur la pudeur et la modestie qui fait le trait principal de la beauté célébréeag : Cette chaste couleur, cette divine flamme, Au travers de ses yeux découvre sa belle âme, Et l’on voit cet éclat qui reluit au dehors, Comme un rayon d’esprit qui s’épand sur le corps.
Dans la première forme de société, chez les Klephtes, chez les montagnards des Asturies, par exemple, chacun plus ou moins était poëte, chacun exhalait au ciel sa romance ou sa chanson, et n’en vivait que mieux et plus allègrement de toutes les saines et énergiques facultés de l’âme et du corps : ici, à cette autre phase extrême de la société, il se crée une situation inverse : la faculté poétique qui, aux époques intermédiaires, s’était successivement amortie et calmée dans beaucoup d’organisations occupées ailleurs, et s’était tenue à part et distincte en quelques hautes organisations couronnées, cette faculté revient avec une sorte de recrudescence, et se remue, se loge dans un nombre croissant de jeunes âmes.
Je veux le voir derrière les barreaux d’une geôle, comme François Villon, non pour s’être fait, par amour de la libre vie, complice des voleurs et des malandrins, mais plutôt pour une erreur de sensibilité, pour avoir mal gouverné son corps et, si vous voulez, pour avoir vengé, d’un coup de couteau involontaire et donné comme en songe, un amour réprouvé par les lois et coutumes de l’Occident moderne.
Je laisse les maladifs Goncourt, chez qui la sensation littéraire semble déjà, elle-même, une souffrance, et qui, ne fussent-ils pas torturés comme hommes, le seraient déjà comme artistes ; je n’alléguerai pas le calvaire de leur Germinie, à la fois héroïque et infâme, qui, parmi les hontes et la folie de son corps, garde un si grand coeur et, dans ses « ténèbres », pour parler comme Tolstoï, la pure flamme d’un absolu dévouement.
Peu importe que la pièce soit identique à un corps où la tête serait énorme et les membres tout petits !
Déjà, à certaines places, il est vrai, le rythme se montrait seul maître de lui-même, avec l’accompagnement d’une mesure, non plus traditionnelle, mais logique ; encore peu divers, il était franc, ingénu et de primesaut : « Vous, si claire et si blonde et si femme, Vous tout le rêve des nuits printanières, Vous gracieuse comme une flamme Et svelte et frêle de corps et d’âme, Gaie et légère comme les bannières ; Et ton rire envolé comme une gamme En écho, par les clairières — ».
Dans ces naufrages d’une foi dont on avait fait le centre de sa vie, on s’accroche aux moyens de sauvetage les plus invraisemblables plutôt que de laisser tout ce qu’on aime périr corps et biens.
Mais comme le divorce entre eux n’est pas nouveau, Et que peu de beaux corps, hôtes d’une belle âme, Assemblent l’un et l’autre point, Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.
Il part d’une pensée féconde, la distinction entre les langues domestiques ou de famille, et les langues des hommes réunis en corps de tribus ou de nations.
Alors, en fait, il n’y eut plus d’Assemblée constituante, plus d’unité, plus de pouvoir central et dirigeant, mais quarante mille corps souverains dans l’État !
L’exil, l’insupportable exil, même pour le gros ventre de Louis XVIII, qui, du moins, intriguait, s’agitait, avait encore des tronçons de royauté qui se remuaient dans son corps impotent, et qui ne se contentait pas des résidences aumônées sordidement par des souverains sans cœur à leur royal frère ; l’exil est à présent accepté et presque regardé comme une bonne aubaine, — la bonne aubaine de la Royauté en naufrage.