Il sait la voir et la peindre en artiste.
Théodore de Banville Voici un des plus beaux et des plus curieux livres de poèmes qui aient été écrits depuis longtemps (Le Jardin des rêves), un livre qui s’impose à l’attention, car il est bien de ce temps, de cette heure même, et il contient au plus haut degré les qualités essentielles à la jeune génération artiste et poète, c’est-à-dire, à la fois, la délicatesse la plus raffinée et la plus excessive, et le paroxysme, l’intensité, la prodigieuse splendeur de la couleur éblouie.
— Poème ou peinture — les artistes nouveaux sont friands de vie lyrique.
Le premier de ces genres peut conserver son appellation primitive puisqu’il est tout d’appréciation ; quant au second, il serait bon qu’on se mît à le désigner par un vocable propre ; celui d’esthopsychologie by pourrait convenir à un ordre de recherches où les œuvres d’art sont considérées comme les indices de l’âme des artistes et de l’âme des peuples ; mais ce mot est incommode, disgracieux ; nous nous excusons de l’employer parfois et nous le remplacerons le plus souvent par le terme critique scientifique que nous opposons à critique littéraire dans un sens à préciser.
Si exceptionnel qu’il soit, un artiste subit tout comme un autre ses métamorphoses intérieures, ses besoins de renouvellement. […] Il est tout simplement un grand artiste, c’est-à-dire l’égal d’un très grand penseur. […] Mais Heredia était trop jalousement artiste pour accepter comme des principes ces pures concessions de forme. […] Mais Heredia était trop jalousement artiste pour accepter comme des principes ces pures concessions de forme. […] Artiste épris de bon style, ardent admirateur de Flaubert, Dierx incarnait le type du fonctionnaire, le bourgeois de tout repos.
L’idéal suprême, à l’instant où on le découvre, fait tomber le ciseau des mains de l’artiste ; mais il le reprend bientôt, et poursuit plus lent et plus sûr, ne perdant plus de l’œil la grande beauté.
Mais, encore une fois, ce que l’on souhaiterait d’un artiste comme M.
Schwob, plus artiste à coup sûr qu’Hérodas, met dans ses récits une poésie et une mélancolie qui manquaient au poète de l’Île de Cos, lequel était volontiers jovial et « réaliste ».
Doué d’un esprit souple, neuf, avisé, curieux, extraordinairement compréhensif, amoureux de nouveauté, aidé d’une très solide érudition, il est affligé d’une excessive modestie, d’une timidité violente, oppressive, qui est cause que ce subtil artiste est un des producteurs les moins actifs de cette heure.
Comment cette femme admirable, d’une activité dévorante, artiste jusqu’au bout des ongles, ne se serait-elle pas imposée impérieusement à l’élite de son temps et n’y eût-elle pas marqué son empreinte ?
Parmi les artistes qui, sous toute forme et dans toute œuvre, arrivent à ce degré de profondeur et d’intensité qui est plus que la vie et qui en constitue l’idéal, il y a ceux qui ont tiré à eux toute cette magnifique couverture du nom de poètes et qui l’ont gardé pour eux seuls.
Comme le dit fort bien Guillaume de Greef dans son Introduction à la sociologie 58 : « L’inaction libre ou forcée est la condition sine qua non de l’art ; à la différence du producteur ordinaire, l’artiste travaille irrégulièrement, à ses heures, c’est-à-dire quand le repos l’a rendu sensible et irritable… ; c’est dans cet état nerveux que l’homme de génie inconscient et véritablement inspiré enfante ces créations en apparence subites et spontanées, mais, en réalité, jaillies d’une lente et considérable épargne d’accumulation d’énergie. » Aussi y a-t-il une liaison perpétuelle entre l’état plus ou moins prospère d’un pays et les œuvres auxquelles ce pays donne naissance. […] Or, dans tous ces pays, qu’on ne l’oublie pas, explorateurs et commerçants sont entrés les premiers ; soldats, marins, et à plus forte raison écrivains et artistes ne sont venus qu’à la suite de ces précurseurs. […] C’est l’artisan et non l’artiste qui travaille à la vapeur. […] Celui qui veut demeurer artiste en dépit de tout est apprécié d’une petite élite ; mais, à moins d’une chance Ou d’un talent extraordinaire, il se condamne à une demi-obscurité qui a pour conséquence une certaine médiocrité de vie ; il n’est pas coté sur la place : il est dédaigné des libraires et des éditeurs ; il est même en danger de mourir de faim, s’il n’a pas une autre source de revenus.
Deux pays, la France et l’Allemagne, sont en présence, deux pays unis par un séculaire échange d’idées et d’efforts, un jour séparés par une guerre folle et à jamais détestable : mais la paix a été faite, les anciennes relations, si amicales, ont été retrouvées ; depuis des générations, c’était, entre les deux, une réciprocité de salutaires influences, un constant retour, au-dessus des rives du vieux Rhin, de ces choses intellectuelles et morales dont vivent les peuples ; à grand peine donc, et malgré les fanatismes un instant renouvelés, l’œuvre de mutuelle régénération est reprise ; et voilà que l’un de ces pays enfin a produit l’œuvre qui résume son âme, l’artiste absolu lui est né en qui aboutissent les qualités nationales éminentes, l’homme par excellence dont l’œuvre résume toutes les aspirations d’une race ; à son tour, ce pays offre à l’autre, à travers les frontières, ce magnifique tribut d’idéalité nouvelle : appartient-il à quelqu’un de protester ? […] Les artistes français, qui ont horreur de toute esthétique philosophique, et se dispensent de l’étudier dans les œuvres théoriques de Wagner, sous le prétexte qu’elles leur semblent obscures, ceux-là, qui se récrient devant les mots objectif et subjectif, s’intéresseront peut-être à la partie purement pratique de l’œuvre d’art de Bayreuth, à ses procédés de réalisation. […] Néanmoins, le seul fait d’avoir joué exactement ce que Wagner voulait est un titre incomparable de gloire pour un artiste, et les noms de Mmes Materna et Malten, de Schnorr, Gudchus, Scaria et de tant d’autres deviendront plus célèbres, par le seul fait que ceux qui les portaient ont préféré obéir à un maître, que ceux qui essayent de se donner un renom particulier, et suivant l’ignoble argot du cabotinage, de tirer à eux la couverture. […] Le public rappelle invariablement les artistes après chaque acte, après le deuxième tout aussi bien qu’après les autres.
Y paraissent des auteurs comme Ezra Pound (qui contribuera à Action) ou Joyce (célébré longuement par Fels dans le n° 6) qui y prépublie Portrait de l’artiste en jeune homme. […] C’est ainsi que les anarchistes ne comprennent pas qu’en condamnant le « tu ne dois pas », ils lui substituent un « je le veux » tout aussi absolu. « Soyez des artistes libres, frayez le chemin », clament-ils, et ils ne se soucient guère de limitations et des lois, Mais l’artiste, par définition, ne saurait négliger les lois et les limitations. […] Les Artistes jouent bien.
Mais c’est que, pour lui, tout ce qui n’est pas lui n’est pas… Victor Hugo, cet artiste en mots, cet homme-dictionnaire, n’a de comparable à son vide que son orgueil. […] Je le traite en artiste fort, en homme qui doit savoir la nature humaine et la faire vibrer à commandement quand il lui plaît ; mais qui, malheureusement, n’a montré dans son Homme qui rit ni art, ni âme, ni nature humaine ! […] … Qui pourrait croire à son ingénuité, même comme artiste ? […] il y a plus beau dans la réalité et dans l’Histoire, et l’aveugle artiste, plus aveugle qu’Homère, ne s’en souvient donc pas !
Année 1861 Janvier 1861 Un livre qui n’est ni d’un artiste ni d’un penseur, n’est rien. […] 6 mars Dans ce petit passage infect de l’Opéra, où est l’entrée des artistes, nous demandons : « La loge nº 3 ? […] * * * — Le confortable anglais est l’admirable entente du bonheur matériel du corps, mais d’une espèce de bonheur d’aveugle, où rien n’est donné au sens artiste de l’homme, à l’œil.
Prenez des joies exceptionnelles, celle de l’artiste qui a réalisé sa pensée, celle du savant qui a découvert ou inventé. […] Si donc, dans tous les domaines, le triomphe de la vie est la création, ne devons-nous pas supposer que la vie humaine a sa raison d’être dans une création qui peut, à la différence de celle de l’artiste et du savant, se poursuivre à tout moment chez tous les hommes : la création de soi par soi, l’agrandissement de la personnalité par un effort qui tire beaucoup de peu, quelque chose de rien, et ajoute sans cesse à ce qu’il y avait de richesse dans le monde ? […] Le point de vue de l’artiste est donc important, mais non pas définitif.
Un Français un peu artiste y fit quelque escapade, et il dut avoir recours, dans son embarras, à l’ambassadeur de France. Bernis le gronda, et pour s’excuser, l’artiste se hasarda à lui dire : « Mais, vous-même, monseigneur, dans votre jeunesse… » — « Oui, repartit Bernis ; mais j’ai fait comme Sixte-Quint, j’ai jeté ma béquille. » 100.
Lorsque Ulysse, après avoir tiré vengeance des prétendants et avoir reconquis son palais, veut se faire reconnaître de Pénélope, l’intendante Eurynome le met au bain et le parfume ; puis, au sortir de là, Minerve le revêt de toute sa beauté première et même d’un éclat tout nouveau ; elle le fait paraître plus grand de taille, plus puissant encore d’attitude ; elle répand autour de sa tête, par boucles épaisses, sa chevelure semblable à une fleur d’hyacinthe : « Et comme lorsqu’un artiste habile, que Vulcain et Minerve ont instruit dans la variété de leurs arts, verse l’or autour de l’argent et accomplit ses œuvres gracieuses, ainsi elle verse la grâce autour de la tête et des épaules du héros, et il sort du bain tout pareil de corps aux Immortels… » Certes l’habile critique Aristarque, si bien enseigné qu’il fût par Minerve, n’en a pas tant fait pour son poëte ; il n’a pas ajouté la couche d’or, il n’a pas rehaussé l’Homère qui lui était transmis ; mais il l’a lavé de ses taches, il lui a enlevé la rouille injurieuse des âges et a dissimulé sans doute quelque cicatrice ; il l’a fait, en un mot, sortir du bain avec toute sa chevelure auguste et odorante, ambrosiæque comæ : c’est tel à jamais que nous le reconnaissons. Lorsqu’on demandait à Praxitèle lesquels de ses ouvrages en marbre lui plaisaient le plus : « Ce sont, disait-il, ceux auxquels Nicias a mis la main. » Tant, ajoute Pline, il mettait de prix à la préparation de cet artiste.
Ronsard, moins impatient que son ami, et plus artiste en ce sens qu’il s’efforça de réaliser, non de définir son idéal, a semé pourtant ses théories dans ses Préfaces des Odes et de la Franciade, ainsi que dans un Abrégé d’art poétique qu’il donna en 1565. […] Mais on le sent artiste dans l’attention qu’il donne à la sonorité des vers, dans cette curieuse prière qu’il adresse à son lecteur de ne point lire sa poésie « à la façon d’une missive ou de quelques lettres royaux », dans des remarques telles que celle-ci sur la valeur sensible des sons : « A, O, U, et les consonnes M, B, et les SS finissant les mots, et, sur toutes, les RR qui sont les vraies lettres héroïques, sont une grande sonnerie et batterie aux vers ».
» — « Elle était jeune, riche, d’un nom superbe, belle, spirituelle, d’une large intelligence d’artiste, et naturelle avec cela, comme on l’est dans votre monde, quand on l’est … » Mais cette illusion se rattache à une autre plus générale et qui a été celle de tous les romantiques. […] Au reste, le dandy est très réellement un artiste à sa manière.
Les Gelosi ne sont pas sans doute, ainsi que nous l’avons dit, la première troupe d’artistes italiens qui visitèrent la France. […] Il suffit de se rappeler ce que dit Brantôme du goût de Catherine de Médicis pour les spectacles de la commedia dell’arte, pour qu’on ne doute pas que l’apparition des artistes italiens parmi nous dût suivre de près le mariage de cette princesse et devenir, dès lors, de plus en plus fréquente.
qui avait, de plus, en perspective, deux cent mille livres de rente, qui était connu de toute l’Europe, bien venu de ses Princes et de ses artistes, et que tous les courtisans de son feuilleton, qui étaient nombreux, appelaient le Prince de la Critique bien avant que M. […] Cet homme, heureux dès sa jeunesse, qui n’eut jamais, comme les bohèmes de son temps — qui fut le temps de la Bohème — de déchirure à son coude, n’eut pas non plus pour s’en venger le luxe momentané de Balzac, aux boutons d’or pur, chez la princesse de Belgiojoso… Il ne se sentait aucun goût pour ces somptuosités d’artiste, — quoique pourtant il en fût un !
Sa vocation, ce semble, si elle avait pu se développer naturellement, eût été le commerce des poètes, des artistes, parmi lesquels il n’aurait pris, à titre de poète lui-même, qu’une place modeste ; il se faisait de l’art une si haute idée, il avait un tel dédain du goût vulgaire, qu’il n’admettait guère les essais incomplets et qu’il ne voulait que les œuvres sûres.
De plus, nous ne nous sommes pas — en nos citations — exclusivement borné aux artistes relevant des manifestes réalistes et pratiquant ce Credo littéraire.
C’est vraiment un livre très artiste.
C’est pour nous, au contraire, une vive joie de pouvoir admirer, dans un aîné, une aussi ferme conscience d’artiste qui ne défaut point aux pins périlleuses tentatives.
Ajoutons encore deux volumes de prose, Roseaux pensants et Autels privilégiés, où, par un goût très rare, l’auteur se plaît à évoquer des physionomies d’artistes oubliés ou méconnus.
Maurice Perrès Le vers libre pour donner au lecteur l’impression musicale et le frisson du grand art doit être manié avec une dextérité rare et une haute conscience d’artiste.
L’Auteur, à chaque Regne, indique, avec autant de méthode que de précision, les révolutions, les mœurs, les événemens les plus remarquables ; fait connoître les Savans, les Hommes de Lettres, les Artistes qui se sont le plus distingués, & caractérise, en peu de mots, le moral de chaque Souverain, tantôt par des réflexions, & tantôt par des anecdotes aussi piquantes, que bien présentées.
La mort des personnes les moins connues est bientôt suivie d'une espece d'apothéose, & le moindre Artiste, sur le point de finir une carriere ignorée, pourroit presque dire comme Vespasien : Voici le temps où je vais devenir un Dieu.
Considérant ensuite l’œuvre de chacun d’eux comme compréhensible et admirable seulement pour des esprits dont elle exprime les penchants et qui se trouvent être ainsi dans une certaine mesure, les pareils moralement de son auteur, nous saurons à la fois et ce qu’ont de particulier les écrivains que nous sommes allés adopter à l’étranger, et ce que signifient les adhésions qu’ils ont recueillies eux et les artistes qui les imitent en France ou qui leur ressemblent.
Le romantisme a opéré rétroactivement sur le classicisme, comme le dessin de l’artiste sur ce nuage. […] Sur elle se concentre l’attention de l’artiste, ce que j’appellerais son intellectualité. […] Ce sont les artistes. […] — Remarquons que l’artiste a toujours passé pour un « idéaliste ». […] Sa mère, artiste de talent, rêvait peut-être de faire de lui un artiste.
. — Que les véritables historiens sont des artistes et des psychologues. […] Si vous êtes artiste, vous saisirez d’ensemble la force, la série des effets et la belle façon régulière dont la force produit la série ; à mon gré, cette représentation sympathique est, de toutes, la plus exacte et la plus complète ; la connaissance est bornée tant qu’elle ne s’avance pas jusque-là, et la connaissance est achevée quand elle est arrivée là. […] Il considère le poète, l’écrivain, l’artiste « comme un interprète de l’idée divine qui est au fond de toute apparence, comme un révélateur de l’infini », comme un représentant de son siècle, de sa nation, de son âge ; vous reconnaissez ici toutes les formules germaniques. Elles signifient que l’artiste démêle et exprime mieux que personne les traits saillants et durables du monde qui l’entoure, en sorte qu’on peut extraire de son œuvre une théorie de l’homme et de la nature, en même temps qu’une peinture de sa race et de son temps. […] Tout entier aux écrivains, il néglige les artistes ; en effet, la source des arts est le sentiment de la forme, et les plus grands artistes, les Italiens, les Grecs, n’ont connu, comme leurs prêtres et leurs poëtes, que la beauté de la volupté et de la force.
En ce temps-là, M. de La Popelinière tenait grand état à Passy ; nobles seigneurs, petites maîtresses, ambassadeurs, poètes, artistes, tous venaient puiser à sa somptueuse et débonnaire hospitalité.
Simon Lévy, directeur du théâtre de Lille), se plaignent d’abus qui se seraient produits à leur préjudice et qui seraient du fait de diverses sociétés représentant les artistes compositeurs de musique.
Notre nation, ce me semble, est moins sensible que sensuelle et moins sensuelle qu’intellectuelle : plus capable d’enthousiasme que de passion, peu rêveuse, peu poétique, médiocrement artiste, et, selon le degré d’abstraction et de précision que comportent les arts, plus douée pour l’architecture que pour la musique, curieuse surtout de notions intelligibles, logicienne, constructive et généralisatrice, peu métaphysicienne ni mystique, mais positive et réaliste jusque dans les plus vifs élans de la foi et dans les plus aventureuses courses de la pensée.
Voici quelques pierres rares, choisies par un artiste, que la poésie trouvera digne d’embellir sa parure.
Alfred Mortier Dans tels poèmes, dans certains de ses contes, j’ai trouvé un artiste magnifiant ses pensées dans la forme large et belle d’un symbole en intime communion avec la nature profondément sentie et non à l’aide des artificiels joyaux dont parent l’idée tant de modernes poètes.
A la tête de l’ouvrage, on trouve le traité des Beaux-Arts réduits à un même principe, qui est l’imitation de la belle nature : principe simple, aisé à saisir, facile à expliquer, également propre à soulager l’artiste qui travaille & l’amateur qui juge.
Il ressort sur la toile et met dans tout son jour l’habileté de l’artiste. […] Mais pour cela il ne renonça pas à ses goûts d’artiste et il essaya d’atteler Pégase à la charrue. […] C’est tout l’ornement que le sobre artiste se permet. […] On reproche toujours aux artistes de ne pas s’inspirer de leur temps et d’aller chercher dans le passé des sujets qu’ils trouveraient autour d’eux s’ils voulaient regarder. […] Prendre une pièce oubliée, lire un rôle inédit, les étudier, les pénétrer de son intelligence, les animer de soi-même et de sa vie, c’est la grande ambition, c’est la joie de l’artiste créateur.
En fait de rime Béranger devance donc nos plus savants artistes. […] Il y a donc un artiste dans Béranger, moins savant que ceux qui sont venus depuis, mais un véritable artiste de style et pour la rime et le rythme le premier en date. […] Béranger, nous le voyons, a réuni presque tous les dons de l’écrivain artiste. […] Béranger ne cesse pas d’être artiste et poète et en même temps il fait découvrir en lui le consolateur unique, le seul vengeur de la patrie. […] Les germes de toutes ses œuvres ont été déposés en impressions premières dans ce cerveau d’artiste, dans cette conscience de penseur.
La gloire des écrivains et des artistes va au petit bonheur. […] L’auteur d’Eugénie Grandet rêva toute sa vie la fortune ; mais ses besoins d’argent n’influencèrent jamais sa conscience d’artiste. […] Sauf quelques exceptions, trois ou quatre noms peut-être, il n’y a plus ni écrivains, ni créateurs, ni artistes. […] On n’est écrivain, artiste et créateur que par la persévérance et le travail. […] Cependant Flaubert était lettré, artiste, et d’un rare éclectisme d’intelligence.
Entre lui et tel artiste enfermé des années dans un labeur très lent, il n’y eut guère plus qu’une différence de temps. […] Toute voie est bonne où consciemment, s’engage un artiste authentique. […] Peut-on rêver pour un artiste, plus de deux siècles après sa mort, un hommage moins convenu ? […] Le plus souvent l’une supplée à l’autre : l’artiste crée ce qu’il n’a pas vécu. […] Des initiateurs travaillent pour la commodité des artistes futurs — et Malherbe pour Lamartine.
C’est surtout dans les gens de lettres, c’est même uniquement parmi eux que ces hommes se rencontrent : c’est aux personnes seules de l’art qu’il est réservé d’apprécier les vraies beautés d’un ouvrage, et le degré de difficulté vaincue ; s’il appartient aux grands d’en porter un jugement sain, ce n’est qu’autant qu’ils seront eux-mêmes gens de lettres dans toute la rigueur Rarement un simple amateur raisonnera de l’art avec autant de lumières, je ne dis pas qu’un artiste habile, mais qu’un artiste médiocre. […] Il est vrai qu’à l’exception d’un petit nombre de grands seigneurs, assez heureux pour sentir tout le prix du talent de cet homme célèbre, et assez courageux pour le dire, les autres n’ont pas la satisfaction de voir le public ratifier leur avis, et finissent au contraire par souscrire d’assez [mauvaise grâce au jugement de la nation ; jugement qu’ils auraient prévenu (sans savoir pourquoi) si l’illustre artiste avait daigné faire semblant de les consulter sur sa musique. […] C’est elle qui a donné à l’Italie tant d’artistes célèbres dont un petit nombre a vécu dans l’opulence. […] Par là les hommes seront remis plus à leur place, les grâces devenues moins faciles à obtenir ne seront plus disputées que par ceux qui pourront les mériter ; et les écrivains, les philosophes, les artistes célèbres, trouveront d’ailleurs dans l’estime de leur nation un prix assez flatteur pour attendre patiemment d’autres récompenses, ou pour faire rougir ceux qui les en priveraient.
Avec leurs plumes, ils s’expriment comme les artistes d’autrefois, avec leurs pinceaux. […] L’un et l’autre bénéficient de procédés d’artistes italiens, vénitiens en particulier, puis les accordent à des sensations d’hommes du Nord. […] Quelle candeur, en effet, chez des artistes truculents, parfois même grossiers ! […] Il n’est point, comme ceux que nous quittons, le poète d’un sentiment, l’artiste d’une « manière ». […] Gilkin (Iwan). — La Damnation de l’artiste.
Souvenez-vous des Dante, des Pétrarque, des Médicis, des Capponi, des Strozzi, des Guicciardini, des Michel-Ange, des Mirabeau, des Bonaparte ; poètes, artistes, écrivains, hommes de tribune, hommes d’État, hommes de guerre et de tyrannie, la Toscane est une mère féconde ; Florence a du sang étranger dans les veines. […] Il prit en apparence le succès pour un dogme ; il oublia que la moralité est la première condition des actes publics ; il crut aux deux morales, la petite et la grande ; comme Mirabeau, son élève et son égal, il matérialise la politique en la réduisant à l’habileté, au lieu de la spiritualiser en l’élevant à la dignité de vertu : mais, à cette faute près, faute punie par la mauvaise odeur de son nom, il fut honnête homme ; il fut même chrétien dans sa foi et dans ses œuvres ; il fut en même temps le plus parfait artiste en ambition que le monde moderne ait jamais eu à étudier pour connaître les hommes et les choses ; son malheur fut d’être artiste, et de donner dans le même style et avec le même visage des leçons de tyrannie et des leçons de liberté. […] Artiste en succès, voilà le vrai nom de Machiavel : ne lui en cherchez pas un autre ; c’est bien assez pour le flétrir dans cette œuvre trop équivoque de son génie, car le succès en politique est trop souvent la récompense du crime.
« Cela tient à ce qu’elle est artiste. […] Les peuples artistes sont aussi les peuples conséquents. […] Il ne faut être ni dilettante ni virtuose, mais il faut être artiste. […] Au point où la civilisation est parvenue, l’exact est un élément nécessaire du splendide, et le sentiment artiste est non-seulement servi, mais complété par l’organe scientifique ; le rêve doit calculer.
Delaunay, obéissant à des scrupules et à des modesties exagérées d’artiste, rendait le rôle de Paul de Bréville, pour lequel il ne se croyait plus suffisamment jeune. […] Rien que des artistes qui n’ont jamais appartenu à un parti. […] Nous allâmes dans ce salon, dans le salon de cette femme, une artiste qui est coupable d’être née princesse. Nous y trouvâmes toutes les libertés et presque toutes les intelligences, des artistes et des hommes de lettres comme nous, des philosophes, des savants, des poètes : M.
Rachel descend tout en larmes, et dans l’affliction la plus vraie, mais un quart d’heure ne s’était pas passé, que l’artiste était toute à l’étude de l’agonie de la femme, qui était devenue pour elle une étrangère, un sujet. […] Cette nuit, j’avais la fièvre, et chaque fois que je me retournais dans mon lit, je trouvais près de ma figure, sur mon oreiller, un des objets, dont je venais de dresser le catalogue pour la publication illustrée de La Maison d’un artiste, que doit faire Gauchez. […] Dans un coin, un vieil artiste que j’ignore, en train de se pocharder, en se livrant à une mimique à la Frédérick Lemaître. […] si j’étais plus jeune, le beau roman à recommencer sur le monde de l’art, et à faire tout dissemblable de Manette Salomon, avec un peintre de l’avenue de Villiers, un peintre-bohème, vivant dans le grand monde et la high life, comme Forain, un raisonneur d’art, à la façon de Degas, et toutes les variétés de l’artiste impressionniste.
Chateaubriand se révéla artiste incomparable dans cet art de cuisine littéraire ; il enthousiasma les femmes et les hommes et fonda l’école romantique de France. […] Le cerveau de l’artiste de génie n’est pas, selon l’expression de Hugo, « le trépied de Dieu », mais le creuset magique où s’entassent pêle-mêle les faits, les sensations et les opinions du présent et les souvenirs du passé : là, ces éléments hétérogènes se rencontrent, se confondent, se fusionnent et se combinent pour en sortir œuvre parlée, écrite, peinte, sculptée ou chantée ; et l’œuvre née de cette fermentation cérébrale est plus riche en vertus que les éléments qui concourent à sa formation : c’est ainsi qu’un alliage possède d’autres propriétés que les métaux qui entrent dans sa composition. […] Le Bourgeois a pris sa revanche : maintenant c’est son tour de mépriser les artistes, qui adoptent ses mœurs et ses idées, et qui singent son faste grossier et son inartistique manie de bibelots et de bric-à-brac. L’anecdote suivante est typique : La richissime Mme Mackay, qui débuta comme servante dans un bar d’une des villes minières du Colorado, ayant commandé, pour une somme fabuleuse, son portrait à Meissonier, et ne le trouvant pas à son goût, — le consciencieux artiste avait fait ressemblant, — l’accrocha dans son cabinet d’aisance.
Cet esprit, le plus contraire à celui de la grande et intelligente poésie, produit des jugements systématiques, engouement et anathème, mais le tout se passant le plus souvent entre soi, entre artistes et gens du métier : le public même celui qui s’occupe volontiers des lettres sérieuses, reste indifférent et regarde ailleurs. […] Je suis d’accord avec lui sur un point essentiel, c’est que l’artiste doit être de son temps, doit porter dans son œuvre le cachet de son temps : à ce prix est la vie durable, comme le succès.
Mais à cela près, le livre flamboie et reluit : c’est l’œuvre d’un artiste ardent. […] Tandis que l’artiste jeune et tout moderne nage à torrent dans le présent, y abonde, s’y abreuve et s’y éblouit, nous vivons de ces rapprochements qui reposent, et nous jouissons des mille idées qu’ils font naître.
L’artiste fécond, infatigable, dont M. […] Non que je veuille dire que l’artiste nous dépayse ; seulement, en traducteur supérieur et libre, il ne se gêne pas, il ne s’astreint pas aux plates vues bornées de Champagne et de Beauce, il incline du côté de la Lorraine, et n’hésite pas à élargir et à rehausser nos horizons.
Doré est bien celui d’un artiste qui se souvient du Cid de la légende jusque dans la chute et le délire du dernier et du plus lamentable de ses descendants. […] Mais la probité, chez les gens de lettres, les artistes et les hommes d’imagination, comme chez les anciens soldats (et Cervantes réunissait tous ces titres), est certes compatible avec quelque négligence.
Les Ternaires, livre lyrique, sont un savant et ferme prélude, un de ces recueils qui, différents en cela de Marie, s’adressent aux artistes encore plus qu’au public, et qui font surtout le régal et l’étude de quelques-uns. […] Ce sont là de ces fantaisies de poëte et d’artiste qu’il ne faut pas trop chicaner.
On sent sous ce philologue un savant, un philosophe, un artiste. […] Enfin ce savant de tant de patriotisme et cet érudit de tant de philosophie est, par surcroît, un artiste, un poète.
C’est bien fait, après tout, et cette stupidité excuse presque les artistes en démagogie. […] Puis il songe que, si dans un ou plusieurs siècles, la forme actuelle de la société se trouve radicalement changée, à cette distance tous les révoltés d’aujourd’hui, pêle-mêle, passeront pour des précurseurs et sembleront avoir travaillé pour l’avènement de la justice… Décidément le rôle de révolutionnaire artiste comporte des plaisirs si distingués qu’on est presque excusable d’y sacrifier un peu de sa conscience.
* * * L’énergie studieuse d’un artiste de la plastique porte sur deux objets principaux : la science des milieux lumineux (« couleur ») et celle des formes y contenues (« lignes »). […] Pour la « couleur » même, l’élément le plus objectif doit être évidemment cherché dans la proportion des valeurs lumineuses, dans l’harmonie aérienne des plans, car cette harmonie, cette proportion dérivent des rapports constants de la lumière et ne sont point régies par l’artiste.
La troupe italienne comprenait la plupart des artistes qui avaient quitté Paris au mois de juillet 1659 : Trivelin, le Pantalon Turi, Costantino Lolli, autrement dit le docteur Baloardo, Aurelia et Scaramouche. […] On en peut conclure qu’ils étaient en société, comme c’était l’usage pour les artistes de cette époque ; et, malgré la qualification donnée à Scaramouche, il ne semble même pas qu’il y ait eu parmi eux un véritable chef, comme l’était Molière, par exemple, parmi les siens.
Pourquoi, si quelque vrai talent essaie de ranimer en elle l’inspiration qui jadis y attirait les artistes comme dans leur cité naturelle et natale, toute la catholicité officielle le repousse-t-elle, bruyamment si c’est M. […] Il est plus d’une chambre d’étudiant au cinquième étage, plus d’un atelier d’artiste, sous les toits, où des initiés se rencontrent pour des sacrifices mystérieux, où l’on prononce les formules obsécratoires et les versets rituels de l’envoûtement.
Il ne voit guère qu’une recommandation à faire à l’artiste : « Il faut obéir à son génie. » Et il dit à tous : « On n’agit décemment qu’en conformité avec sa propre nature ; les gens qui veulent agir ou ne pas agir d’après les ordres d’une morale extérieure à leur vérité personnelle finissent, Dieu aidant, dans les compromis les plus saugrenus. » Décidément cet homme ne respecte rien : morale extérieure, lois, science aux prétentions « législatives », il raille toutes les beautés rectilignes qui émeuvent les braves gens de la « règle » et du « droit chemin ». […] Les Goncourt ne sont-ils pas précisément les premiers qui vantèrent « l’écriture artiste » ?
Après tout, ôtez le ciel d’Italie et le costume de Procida, ce n’est qu’une aventure de grisette, embellie et idéalisée par l’artiste, élevée après coup aux proportions de la beauté, mais une de ces aventures qui ne laissent que trop peu de traces dans la vie, et qui ne se retrouvent que plus tard dans les lointains de la pensée, quand le poète ou le peintre sent le besoin d’y chercher des sujets d’élégie ou de tableau. […] C’est à ce lendemain sévère que tout artiste sérieux doit songer.
Il y a encore en lui l’artiste amateur qui, dans les genres à la mode qui passent, en saisit un, l’essaie, s’y exerce, s’y déploie et y réunit peut-être plus qu’il n’ose croire : c’est ainsi que M. de Rémusat a fait, depuis près de trente ans, plusieurs drames historiques, philosophiques, qui enlevèrent les applaudissements du monde d’élite qui en entendit la lecture, et dont l’un au moins, le drame d’Abélard, obtiendrait, j’en suis certain, le suffrage du public des lecteurs, si l’auteur se décidait à le publier. […] Parlant, il y a quelque temps, d’Horace Walpole dans la Revue des deux mondes, et jugeant le roman et la tragédie que s’avisait de composer à un certain jour cet esprit distingué, M. de Rémusat y reconnaît bien quelques mérites d’idée et d’intention, mais il n’y trouve pas le vrai cachet original, et il ajoute avec je ne sais quel retour sur lui-même : « Le mot du prédicateur : Faites ce que je vous dis, ne faites pas ce que je fais, est l’éternelle devise des esprits critiques qui se sont mêlés d’inventer. » Si M. de Rémusat a, en effet, pensé à lui-même et à ses essais de drames en écrivant ce jugement, il a été trop sévère ; je suis persuadé que, pour être artiste, c’est-à-dire producteur d’ouvrages d’imagination, pleins d’intérêt, il ne lui a manqué que d’être un peu moins nourri dès son enfance dans le luxe fin de l’esprit, et d’être aiguillonné par la nécessité, cette mère des talents.
Son éclectisme, philosophie d’un curieux, aboutissait au panthéisme, philosophie d’un artiste. […] L’art ainsi défini deviendra un auxiliaire de l’éloquence, et l’artiste devra se considérer comme un maître de vertu.
Cet esprit avait passé jusque dans les ateliers des artistes : la peinture, la sculpture et la gravure, retraçaient sans cesse à Louis XIV tout ce qu’il avait fait de grand. […] Là on verrait Turenne et Condé, Catinat et Vauban ; Lamoignon tiendrait à la main le code des ordonnances ; Colbert, ses plans de marine et de commerce ; Racine s’avancerait sur les pas de Corneille ; Molière et La Fontaine suivraient : après eux viendraient les artistes célèbres.
Mais son premier gouvernement, dont il lui resta toujours quelque chose de rapide et d’impérieux, son patriciat sacerdotal et militaire, ses habitudes d’épargne et d’avidité, en faisaient un peuple politique, et nullement artiste comme les Grecs. […] « Sur la nouvelle du sénatus-consulte de rappel, qui venait de passer au sénat réuni dans le temple de la Vertu, ce grand artiste, dit Cicéron165, toujours au niveau des premiers rôles dans la république comme sur la scène, les yeux en pleurs, avec un rayon de joie mêlé de douleur et de regret, défendit ouvertement ma cause, par des paroles plus puissantes que je n’aurais pu en trouver moi-même.
Artistes et écrivains fraternisent sous les ombrages de ce promenoir à la française dont ils sont les passants immobiles et méditatifs. […] Il semble que le publié, en effet, accorde une réelle valeur au jugement des dix artistes qui lui signalent ainsi, chaque année, une œuvre remarquable dont ils lui garantissent en quelque sorte le mérite littéraire. […] José-Maria de Heredia, en effet, n’était pas seulement un poète original dont le vers a une sonorité, si l’on peut dire, personnelle, il était aussi le plus habile des artistes et le plus industrieux des ouvriers. […] Cette énigme, plusieurs critiques ont trouvé sa solution en déclarant que Le Greco était fou, ce qui est un moyen facile d’expliquer tout artiste difficile. […] Maurice Barrès est, avant tout et par-dessus tout, un merveilleux artiste et un incomparable écrivain.
Le poète aurait pu dire encore qu’il avait, fort jeune, et en plus d’une circonstance mémorable, donné à la monarchie et au prince d’humbles gages qu’il ne séparait point, dans sa pensée, des autres gages qu’on devait donner aussi aux libertés et aux institutions du pays ; il aurait pu (et le roi l’eût cru sans peine) protester de son aversion contre toute malice détournée, de sa sincérité d’artiste, de sa bonne foi impartiale à l’égard des personnages que lui livrait l’histoire ; et, alors, la conversation tombant sur le caractère de Louis XIII, et sur le plus ou moins de danger ou de convenance qu’il y aurait à le laisser paraître dans la pièce en litige, le poëte eût pu expliquer à loisir à l’auguste Bourbon que le drame n’ajoutait rien là-dessus, retranchait bien plutôt à ce qu’autorisait la franchise sévère de l’histoire, et que l’image de temps si éloignés et si différents des nôtres ne pouvait le moins du monde paraître une indirecte contrefaçon du présent.
Ils sont où ils sont, et contrefaits par un artiste, quelque habile qu’il soit, ils ont un drôle d’air.
Il donne dix-neuf professeurs au Collège de France ; il loge au Louvre les artistes illustres.
« Que ceux qui ont une idée médiocre ou pauvre et qui ont besoin d’être en face de grands hommes pour s’apercevoir de la grandeur de l’homme, s’adressent à nos de Lesseps, à nos Edison, à nos Pasteur ou bien à nos politiques, aux généraux, aux écrivains, aux artistes, aux grands commerçants, aux industriels fameux, aux philosophes ; mais que ceux qui se sentent l’âme élevée et le cœur vibrant pour la suprême beauté de leur race prennent les plus humbles, les va-nu-pieds et les derniers pauvres gens.
Toujours cachant et choisissant, retranchant ou ajoutant, ils se trouvèrent peu à peu dans des formes qui n’étaient plus naturelles, mais qui étaient plus parfaites que la nature : les artistes appelèrent ces formes le beau idéal.
On aurait pu lui donner plus de noblesse dans le visage ; rendre ces cadavres fraîchement égorgés moins livides ; écarter la confusion, du groupe d’Enée, d’Apollon, du nuage et des cadavres, en y conservant le désordre, et éviter quelques autres défauts qui échappent dans la chaleur de la composition et qui tiennent à la jeunesse de l’artiste.
Et cette volupté, je suis persuadé qu’il est des médecins artistes qui ne se la refusent pas. […] C’est, je crois, principalement par son visage que Mme Duse est un artiste extraordinaire. […] Pareillement, l’image que la Vie de Bohème offre de l’« artiste » est toute bourgeoise. […] On ne peut citer, je crois, un seul artiste ou poète de premier rang qui ait été proprement un bohème. […] Il a des satisfactions d’artiste, presque de comédien, et s’y complaît.
Ce que la postérité artiste connaîtra d’Hugo et en adorera, que je crois, c’est le Victor Hugo épique, infiniment supérieur, encore que son temps s’y soit trompé, au Victor Hugo lyrique. […] C’est le secret des artistes populaires de produire cet effet. […] Il n’y a pas excès, parce qu’en même temps qu’érudit, il est grand artiste et qu’il n’est jamais, ni lui ni son héroïne, étouffé par les entours. […] C’était une assemblée d’artistes, opposée au cénacle trop restreint et sentant trop, prétendait-on, l’air renfermé, qui s’appelait l’Académie de Peinture et de Sculpture. […] Il cite les grands artistes qui n’ont consulté que la nature ; il cite aussi leurs imitateurs, qui, toujours, restèrent en arrière ; et les idées de l’opinant sont appuyées ».
Je ne voudrais pas qu’on se méprît sur ma pensée, ni qu’on crût le moins du monde que j’exclus l’artiste des vraies, sincères et profondes affections de la vie ; tellement que ce qu’il gagne du côté de la tendresse, il le perde du côté de l’art, et que, pour arrondir le domaine de l’un, il faille nécessairement circonscrire l’autre. […] L’artiste qui aime, qui chérit, qui croit, qui hait, qui repousse et qui abhorre, qui s’engage de tout son être dans ce qu’il sent et ce qu’il exprime, porte en lui des sources plus abondantes et dont la saveur pénètre. […] L’art aussi est un monde, et l’artiste souverain a du dieu.
En effet, à de certains moments, pendant une demi-seconde, on croit voir des objets réels ; je l’éprouvais tout à l’heure, et les artistes, les écrivains, tous ceux qui ont la mémoire exacte et lucide, savent bien qu’il en est ainsi ; une personne nerveuse, qui a subi une opération chirurgicale ou quelque accident tragique, porte le même témoignage18 ; l’acuité du souvenir est telle que parfois elle pâlit et jette des cris. […] Il s’agit de ces représentations précises, intenses, colorées, auxquelles atteint l’imagination des grands artistes, Balzac, Dickens, Flaubert, Henri Heine, Edgar Poe21 ; j’en ai cité quelques-unes. […] Flaubert m’écrit : « N’assimilez pas la vision intérieure de l’artiste à celle de l’homme vraiment halluciné.
Après plusieurs cruelles années, années de faim et de désillusionnement, et juste au moment où, dans le Hollandais Volant, Wagner reprochait au ciel de ne le laisser ni mourir, ni trouver l’amour qui le sauvât (I, 21-24), à ce moment, une transformation subite, presque fantastique, avait tout changé ; Wagner avait été appelé à Dresde, son opéra Rienzi avait eu un grand succès ; une mort inopinée avait permis de le nommer chef d’orchestre ; après la plus noire misère, il était débarrassé de tous soucis, dans une position assurée, et, ce qui pour l’artiste était bien plus, avec le plus beau théâtre de l’Allemagne à ses ordres pour réaliser toutes ses inspirations (IV, 338). […] Il était malade, car il consultait un médecin (IV, 352) ; il sentait la nécessité d’un repos intellectuel, car il écrit à un ami, qu’il a l’intention de « faire le paresseux » pendant un an, et il ajoute qu’il est convaincu, que pour qu’une œuvre dramatique soit vraiment forte et originale, il faut « qu’elle soit le résultat d’un pas en avant dans la vie, d’une nouvelle période dans le développement de l’artiste », et que « ceci ne peut être le cas tous les six mois ». […] MUNICH. — L’Anneau du nibelung a de nouveau été joué par des artistes du théâtre.
Son indépendance d’artiste en souffrit. […] Il a poussé ce sentiment plus loin qu’il n’est permis, même à l’artiste, dans quelques élégies lascives qui font partie de ce qu’il appelle son Portefeuille volé (1845). […] À dater de cette défaite, il sentit que sa partie d’artiste était perdue et qu’il n’aurait jamais son jour.
Il les compare à des pièces de musique qui manquent de l’unité de mélodie : « Les gens de lettres ressemblent trop à la musique sans unité. » Pour lui, dans toute cette première partie de sa vie, et quand on le surprend comme je l’ai pu faire, grâce à cette masse de témoignages de sa main, dans l’intimité de sa méditation et de son intelligence, on le reconnaît et on le salue tout d’abord (indépendamment de ses erreurs) un grand harmoniste social, un esprit qui a sincèrement le désir d’améliorer l’humanité et d’en perfectionner le régime ; qui a en lui, sinon l’amour qui tient à l’âme et aux entrailles, du moins le haut et sévère enthousiasme qui brille au front de l’artiste philosophe pour la grande architecture politique et morale. […] Chez Sieyès, à cette date, il y avait tout autre chose qu’un homme délicat et dégoûté, aimant les aises de la vie et la bonne chère ; il y avait le philosophe artiste, ardemment préoccupé de son œuvre, de son plan chéri, et qui ne pouvait résister bientôt à le produire, eût-il dû être un peu gêné et retardé un moment par une grâce du ministre. […] Les premières séances consultatives qui suivirent le 18 Brumaire firent évanouir cette illusion dernière de l’artiste plus encore que du philosophe.
* * * — C’est curieux le mépris de la vieille Grèce pour la Rome du temps d’Auguste, pour la Rome polie, considérée par elle comme barbare, et dont ni Lucien, ni Denys d’Halicarnasse qui parla si bien des choses romaines, n’osent mentionner les poètes et les artistes : mépris d’une douce civilisation pour un peuple de soldats, et dont nous avons la délicate traduction dans ce refus d’une courtisane de coucher avec un fanfaron guerrier, se figurant coucher avec le bourreau. […] Là-dessus Saint-Victor se met à proclamer sa catholicité d’artiste et de lettré, à dire qu’il lit avec un plaisir énorme les débats de l’affaire Mortara, pris d’un intérêt passionné pour tout ce qui touche à la mythologie. […] Le monde de l’art, au contraire, contient les nobles âmes, les âmes mélancoliques, les âmes désespérées, les âmes fières et gouailleuses, comme Watteau qui échappe aux amitiés des grands, et parle de l’hôpital ainsi que d’un refuge ; comme Lemoyne qui se suicide, comme Gabriel de Saint-Aubin qui boude l’officiel, les académies, et suit son génie dans la rue, comme Le Bas qui met son honneur d’artiste sous la garde de la blague moderne.
Épiez le moment où la tête grave d’un artiste où d’un poète va s’enfouir dans la cohue bruyante d’un salon, et lisez dans les regards les sympathies qu’il inspire. […] Goethe et Œlenschlæger ont voulu mettre au théâtre le caractère d’un artiste méconnu. […] Je n’approuve pas, en général, l’intervention des artistes et des savants sur la scène. […] Lequel des deux a changé, de l’artiste ou du spectateur ? […] Que diraient aujourd’hui ces artistes laborieux, s’ils revenaient parmi nous ?
Dubard aime cette terre sénégalaise en patriote, en observateur artiste, et en poète de la mer et de l’exotisme. […] Pour lui l’artiste doit avant tout aimer la vie et nous montrer qu’elle est belle. C’est l’artiste qui doit nous empêcher d’en douter. […] La mode artiste passe comme toutes les autres modes. […] Maurras n’a, d’ailleurs, voulu écrire qu’une fable renfermant une belle leçon pour les artistes, il y a réussi.
S’attacher surtout à mettre en lumière les côtés lumineux du génie des grands penseurs et des grands artistes, et montrer de préférence ce qu’ils ont ajouté aux jouissances esthétiques et aux richesses intellectuelles et morales de l’humanité, c’est faire acte d’équité. […] Et c’est ainsi qu’il a pu être tout à la fois un artiste incomparable et un savant de premier ordre. […] Enfin, il eut une prédilection marquée pour la société des artistes. […] S’il a devant lui un écrivain ou un artiste, il induit ce qu’il a dû être de la race, du milieu et du moment ; puis, quand il a saisi la faculté maîtresse de son individualité, il en déduit tous ses actes et toutes ses œuvres. […] Qui pourrait oublier les pages consacrées au rossignol, cet artiste dont le chant, comme toutes les grandes créations musicales, fait entrevoir l’infini ?