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750. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Cette instruction, divisée par chapitres et où nul n’est oublié du personnel de la valetaille : le butler (sommelier), la cuisinière, le laquais, le cocher, le groom, l’intendant, le portier, la femme de chambre, la fille de service, la fille de laiterie, la bonne d’enfants, la nourrice, la femme de charge et la gouvernante ; ce mandement d’un doyen que Mascarille, après boire, refuserait de signer, ne peut être évidemment qu’une mystification immense et même une mystification à commencer par l’auteur lui-même, — car rien ne doit équivaloir, non seulement pour un esprit élevé, mais pour un esprit quelconque, au dégoût d’écrire, dans quelque but de raillerie que ce soit, ces conseils de friponnerie et de bassesse où tout le sens est dans la grosseur de l’ironie et dans une impudence égale entre l’idée et le langage… Et ce n’est pas tout.

751. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Avant de faire parler Théodore, il doit m’être permis de dire mon opinion personnelle. […] D’habiles circonlocutions, toujours faciles à trouver, n’aboutiraient en somme qu’au même fait, qui est de soumettre à l’appréciation personnelle de chacun de mes lecteurs une opinion toute personnelle. […] Il interrogeait ces chemins avec une certaine anxiété, à travers la bonne humeur de sa résignation personnelle. […] J’avais écrit souvent pour mon amusement personnel. […] Ses préoccupations n’étaient pas étroites et personnelles à leur point de départ.

752. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Les stances de la consolation personnelle s’agrandissent ; elles sont un hymne pour accompagner la patrie dans la tribulation qui la conduit à ses fins augustes. […] Du reste, les mémoires ont pullulé, quand le roman personnel fut à la mode. […] Dans le roman personnel, tout n’est que toi ; et tu fais de toi un thème poétique. […] Et, d’autre part, penché vers lui, le romancier n’est pas toujours satisfait : plusieurs romans personnels sont des actes de repentir et, quelquefois, d’humilité. […] Dès son premier ouvrage, Le Roman personnel, de Rousseau à Fromentin (sa thèse pour le doctorat), tel nous apparaît M. 

753. (1929) Amiel ou la part du rêve

La révolution radicale, en révoquant en bloc le personnel, remplaçait cette volée par une autre. […] Elle a renoncé à toute part personnelle, mais peut-être avec moins de décision volontaire qu’Alissa, car elle fût devenue volontiers la femme du professeur Amiel. […] Il avait espéré longtemps l’immortalité personnelle. […] Mais le peu de foi qu’il avait dans l’existence de sa personne pendant la vie ne le préparait point à exiger d’une ferme espérance l’existence personnelle d’outre-tombe. […] C’est pourquoi « toute chose au-dessus de l’ordinaire accomplie par un autre homme » était à Teste une défaite personnelle.

754. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Car le dramatiste qui a une intelligence personnelle la montre quelquefois, à tous risques et le plus souvent à son dam, et blesse le public par le heurt même de l’intelligence personnelle rencontrant l’intelligence impersonnelle. […] Mais, précisément, Molière n’a fait la scène du pauvre que pour montrer que Don Juan, en dehors de tout libertinage et en dehors de tout intérêt personnel, est méchant pour le plaisir de l’être et aime le mal pour le mal. […] On a pu lui faire celle objection qu’il faudra bien que son militaire, son médecin ou son magistrat ait un caractère personnel, et que dès lors de deux choses l’une : ou le caractère professionnel sera d’accord avec le caractère personnel et dans ce cas en peignant le caractère professionnel c’est le caractère personnel que l’on peindra tout comme autrefois ; ou le caractère personnel et le caractère professionnel seront en divergence et par conséquent en lutte, et dans ce cas ce sera deux caractères en un seul homme que l’on aura à peindre, ce qui donnera un résultat confus, ambigu et trouble. […] Il n’y a que le premier cas prévu dans l’objection où l’objection soit juste : si le caractère professionnel et le caractère, personnel sont d’accord, en peignant le caractère professionnel vous ne peignez que le caractère personnel ; oui, mais le second cas prévu dans l’objection laisse matière à une comédie qui peut être excellente, puisque cette lutte même entre le caractère personnel et le caractère professionnel peut être merveilleusement dramatique ; exemple la Robe rouge de M.  […] Madame Pernelle la déteste qui a marié une première fois son fils avec une fille riche, puisque Mariane parle de son bien personnel, et qui en veut à sa seconde bru d’être dépensière et de se couvrir de toilettes magnifiques étant pauvre.

755. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

L’empereur sentait si bien que ses vues personnelles à cet égard étaient une sorte de nœvus qu’il fallait cacher, que toujours, à l’époque de la fondation de son pouvoir, nous le voyons occupé à protester qu’il veut la paix. […] La guerre déclarée au mois de juillet 1870 est donc une aberration personnelle, l’explosion ou plutôt le retour offensif d’une idée depuis longtemps latente dans l’esprit de Napoléon III, idée que les goûts pacifiques du pays l’obligeaient de dissimuler, et à laquelle il semble qu’il avait lui-même presque renoncé. […] On comprend maintenant comment la sélection du commandement, qui, jusqu’à la fin du xviie  siècle, s’est faite si remarquablement en France, est maintenant si abaissée, et a pu produire ce corps de gouvernants, de ministres, de députés, de sénateurs, de maréchaux, de généraux, d’administrateurs que nous avions au mois de juillet de l’année dernière, et qu’on peut regarder comme un des plus pauvres personnels d’hommes d’État que jamais pays ait vus en fonction. […] La Russie, par ses instincts profonds, par son fanatisme à la fois religieux et politique, conservait le feu sacré des temps anciens, ce qu’on trouve bien peu chez un peuple usé comme le nôtre par l’égoïsme, c’est-à-dire la prompte disposition à se faire tuer pour une cause à laquelle ne se rattache aucun intérêt personnel. […] L’intérêt personnel ne conseille jamais le courage militaire ; car aucun des inconvénients qu’on encourt par la lâcheté n’équivaut à ce que l’on risque par le courage.

756. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Dans ce cas, rendu à la vie ordinaire, il pourrait devenir un philosophe libre de répandre ses idées personnelles, peut-être quelque jour un député socialiste d’une nuance nouvelle. […]   Un mot personnel pour finir. […] Ce volume est composé des souvenirs personnels de l’auteur, pris au cours d’un voyage fait aussi bien dans les campagnes, les rues, les musées, que dans l’histoire, les salons, la littérature du Portugal d’autrefois et de celui d’aujourd’hui. […] Dans cet ouvrage d’une forme très personnelle et très originale, je rencontrai des observations qui me parurent commander l’attention et qui, sous une forme fantaisiste, renfermait des opinions fort justes sur la politique, la philosophie, l’art, etc. […] On ne rend guère plus compte d’un recueil de poésies que d’un bouquet, de son odeur et de sa couleur ; c’est affaire de goût, d’impression personnels.

757. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il lui demande, lorsqu’elle a perdu son lionceau, et qu’elle rugit de désespoir, « si tous les enfants qui lui sont passés par les dents n’avaient ni père ni mère. »68 Il appuie, et vigoureusement ; ce n’est pas lui qui, par ménagement, évitera d’employer les arguments personnels. « Si tant de mères se sont tues, que ne vous taisez-vous aussi ?  […] 88 Quant au rat, il est réfuté à l’instant par un argument personnel. […] Elle va droit au fait, et trouve les arguments personnels : dans six mois « vous mourrez de faim. » L’esprit positif arrive naturellement à la réfutation insultante. […] Ce ne sont pas les individus avec leurs particularités personnelles et singulières, Louis XIV, M. le duc, l’abbé de Polignac, M. d’Antin qui nous intéressent, mais les caractères principaux qui résument la société humaine et l’histoire du temps, le roi, le noble, le courtisan, le bourgeois, l’artisan, le peuple.

758. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Il ne résume rien, ce n’est pas sa manière, il recommence son étude entière et toute son information personnelle pour tous et devant tous.

759. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Les anciens prenaient souvent leur point d’appui dans les erreurs, souvent dans des idées factices ; mais enfin ils se sacrifiaient eux-mêmes à ce qu’ils reconnaissaient pour la vertu ; et ce qui nous manque aujourd’hui, c’est un levier pour soulever l’égoïsme : toutes les forces morales de chaque homme se trouvent concentrées dans l’intérêt personnel.

760. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

La perfection de quelques-unes de ces poésies prouve, sans doute, le génie de leurs auteurs ; mais il n’en est pas moins certain qu’en Italie les mêmes hommes n’auraient pas composé les mêmes écrits, quand ils auraient ressenti la même passion ; tant il est vrai que les ouvrages littéraires ayant le succès pour but, l’on y retrouve communément moins de traces du caractère personnel de l’écrivain, que de l’esprit général de sa nation et de son siècle.

761. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

On fera toujours de la critique avec ses goûts personnels ; c’est la plus ancienne manière et la plus commode à première vue, celle qui nécessite le moins d’études préalables.

762. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

La moindre impression personnelle, qui nous fait sentir l’Âme d’un homme du passé comme nous sentons celle d’un vivant de notre connaissance, fût-ce de la même imparfaite et faible façon, vaut mieux que la servile répétition des plus complets jugements qu’on a portés sur lui.

763. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Le livre latin est admirable de correction classique et d’énergie personnelle : c’est le chef-d’œuvre d’un grand humaniste, et l’on sait que Calvin n’était pas même dénué d’érudition hébraïque.

764. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Il ne vous a pas suffi de contester, comme vous le pouviez, dans quelque journal ou dans quelque brochure, la justesse de mes critiques ; vous avez prétendu me confondre dans cette Revue même, et vous avez voulu m’y discréditer par des insinuations désobligeantes sur des faits entièrement étrangers à notre différend : j’entends mes relations personnelles avec la Comédie-Française.

765. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

[Souvenirs personnels (1883).]

766. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

D’abord quelques changements eurent lieu dans le personnel de la troupe : Mario Antonio Romagnesi, fils de Marc Romagnesi et de Brigida Bianchi (Aurelia), débuta dans les seconds rôles d’amoureux sous le nom éclatant de Cintio del Sole.

767. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

Le droit comme idée intérieure, comme sentiment individuel et volonté de revendication personnelle s’est trouvé en conflit avec le droit comme contrainte sociale.

768. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Nier l’immortalité de l’ame, ôter tout frein aux passions, confondre les notions du bien & du mal, réduire tout à l’amour de soi-même, exterminer toutes les vertus, rompre tous les liens, attaquer les Loix, renverser les principes, ne faire, en un mot, de la vie humaine qu’un tissu de motifs arbitraires, d’intérêts personnels, d’appétits sensuels & déréglés, d’actions animales* ; la terminer par un anéantissement entier, ou préconiser un suicide aveugle qui, par foiblesse ou par désespoir, en abrege le cours : n’étoit-ce pas en insulter les membres, & leur porter les coups les plus funestes ?

769. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Malheureusement, ces règnes furent personnels, ils n’établirent point de dynastie.

770. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

En effet, le génie personnel d’Hérodote a été doublé par la langue qu’il a parlée.

771. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Il a laissé là tous ceux auxquels il serait malaisé à toutes les philosophies de l’histoire d’arracher l’influence et d’en faire les mystiques instruments d’une force cachée, idée ou chose, divinités abstraites de tous ceux qui ne croient pas au Dieu vivant et personnel, et il a choisi des individualités secondaires par-dessus lesquelles un esprit superficiel aurait passé.

772. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

L’auteur était un abbé Richard… Mais, pour le second, Hefele a suivi son inspiration personnelle, et cette inspiration a été heureuse.

773. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Comment le reconnaître dans cette dernière histoire, sans marquants détails personnels sur personne, et où les portraits ne sont que des lieux communs en grisaille ; dans ce livre à dix mille pieds au-dessus du niveau de la mer… et des faits, qui a la fatuité de renfermer en un demi-volume toute l’Histoire de France, depuis Mérovée jusqu’à François Ier !

774. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

Il a peut-être aussi, comme Saint-Simon, écrit son livre jour par jour, page par page, le condensant, le cristallisant au souffle de chaque événement ; mais il n’y a pas dégorgé de passion personnelle.

775. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

Qu’il cite moins et pense davantage en son nom personnel.

776. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

C’est que la morale ne peut pas exister par elle-même, et qu’où elle est seule, avec ses principes tirés de soi, sans le Dieu personnel et rémunérateur qui punit ou qui récompense, elle n’est plus qu’une sotte et intolérable dérision !

777. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

En effet, le droit municipal des anciens (municipes) n’était qu’un droit d’émancipation personnelle en ces temps d’inégalité, tandis que le droit communal des modernes est le droit de tous à la communion sociale, en vertu de l’égalité humaine.

778. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Mais le couronner de moitié avec l’auteur d’un autre ouvrage franchement et ardemment protestant, et cela quand il y a à côté, dans le même concours, un livre de talent réel mais pénétré de l’esprit catholique, bien plus important dans une pareille question que le talent, c’est en vérité plus fâcheux que d’obéir simplement à des impressions personnelles, la plus vulgaire des appréciations ; car c’est révéler qu’on a cédé à des doctrines fortes ou faibles, enchaînées ou éparses dans des esprits plus éclairés que résolus ; c’est démentir, par le fait, la signification de son programme de 1849, et donner à croire à ceux-là qui ne tiennent pas les Académies pour des héroïnes intellectuelles, que ce qu’il y avait de courageux — d’implicitement courageux dans ce programme — n’était que la bravoure bientôt refroidie d’un poltron d’idées révolté !

779. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Malheureusement, Hayem l’a énervé de métaphysique… C’est la métaphysique, et la plus mauvaise des métaphysiques, — la métaphysique moderne, qui donne l’égalité des choses apprises à la pensée et au style des hommes qui ont une valeur propre et qui devraient rester personnels, — c’est cette métaphysique générale qui noie tout, inféconde même quand elle a la prétention d’être positive, qui est le défaut capital du livre.

780. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Eloa, c’est l’Athalie de M. de Vigny, c’est l’Athalie de ce Racine du Romantisme qui, comme le Racine classique, — on vient de le voir à propos de Moïse, — est plus idéal, plus inventif, plus personnel, — toutes choses qui disent à quel point on est poète, — qu’historique et local, et fidèle à la tradition !

781. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Dans ses Nuits d’hiver comme dans sa Vie de Bohême, il n’a pas plus d’inspiration personnelle qu’il n’a de style à lui, pour recevoir l’inspiration des autres.

782. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Mais, comme un enfant vigoureux qui s’ennuie de ces grêles amusettes et qui s’en retourne à la récréation en plein air, il a fini par jeter le jeu de cartes sous la table et il est retourné, sans foi ni loi, à la Sensation, qui a décidé de sa vie ; — car Henri Heine est le poète de la Sensation, du Doute et de l’Impression personnelle, comme, du reste, le plus grand du χιχe siècle, l’auteur du Childe Harold et du Don Juan.

783. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

il s’acharne à l’être : mais, ne l’étant point en son nom personnel, il nous charrie des plaisanteries qui traînent sur toutes les routes de la conversation, des arrière-trains de plaisanteries.

784. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Il faut se dire, pour s’expliquer ce peu de succès personnel, à une époque déjà si raffinée de la société, que Racine était sans doute, de sa personne, bien bourgeois, bien auteur, bien rangé dans sa classe par ses habitudes, bien peu en rapport avec les tendresses touchantes que son talent mettait en action sur la scène. […] Mme de Verdelin mérite d’être distinguée entre les diverses dames amies de Rousseau, en ce qu’elle n’était nullement bel esprit ni bas-bleu, ni rien qui en approche70 ; qu’avec un esprit fin elle n’avait nulle prétention à paraître ; qu’elle aimait l’écrivain célèbre pour ses talents et pour son génie sans doute, mais pour lui surtout, pour ses qualités personnelles, non pour sa réputation et sa vogue : elle n’apporta dans cette liaison aucun amour-propre ni ombre de susceptibilité, lui resta activement fidèle tant qu’il le lui permit, et elle ne cessa, elle ne renonça à la douceur de le servir que lorsqu’il n’y eut plus moyen absolument de l’aborder ni de l’obliger ; et alors même elle garda intact son sentiment d’amitié, comme un trésor, hélas ! […] Bref, elle fit bon marché de son bonheur personnel et dissimula ce qu’elle continuait de sentir tout bas, en remerciant courageusement Margency et le laissant libre de contracter d’autres engagements.

785. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Ce désintéressement d’ambition est un défaut selon le monde, qui le regarde comme une faiblesse de la volonté ; en réalité c’est une force de la raison ; cette abnégation personnelle laisse le sang-froid au cœur dans les affaires publiques, et par là même elle donne plus de lumière à l’esprit. […] Nous avons vu les mêmes fureurs des ministres congédiés ou déçus par leur roi, les mêmes séditions de plume ou de paroles, les mêmes coalitions personnelles, et non patriotiques, entre des adversaires ambitieux désunis pour servir, réunis pour nuire, les mêmes chutes dans la rue, et les mêmes récriminations après la chute. […] « Donnez-moi une plume et la liberté de la presse, s’écriait-il, et en trois mois je rétablirai la légitimité. » On lui laissa sa plume et la licence de la presse, et il ne rétablit rien que sa dignité personnelle au milieu des ruines de sa monarchie.

786. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Parvenu à l’âge de quarante et un ans, possesseur par ses héritages personnels et par la dot de Térentia, sa femme, d’une fortune qui ne fut jamais splendide (car il ne plaida jamais que gratuitement, pour la justice ou pour la gloire, jugeant que la parole était de trop haut prix pour être vendue) ; lié d’amitié avec les plus grands, les plus lettrés et les plus vertueux citoyens de la république, Hortensius, Caton, Brutus, Atticus, Pompée ; père d’un fils dans lequel il espérait revivre, d’une fille qu’il adorait comme la divinité de son amour ; n’employant son superflu qu’à l’acquisition de livres rares, que son ami, le riche et savant Atticus, lui envoyait d’Athènes ; distribuant son temps, entre les affaires publiques de Rome et ses loisirs d’été dans ses maisons de campagne à Arpinum, dans les montagnes de ses pères ; à Cumes, sur le bord de la mer de Naples ; à Tusculum, au pied des collines d’Albe, séjour caché et délicieux ; mesurant ses heures dans ces retraites comme un avare mesure son or ; donnant les unes à l’éloquence, les autres à la poésie, celles-ci à la philosophie, celles-là à l’entretien avec ses amis ou à ses correspondances, quelques-unes à la promenade sous les arbres qu’il avait plantés et parmi les statues qu’il avait recueillies, d’autres au repas, peu au sommeil ; n’en perdant aucune pour le travail, le plaisir d’esprit, la santé ; se couchant avec le soleil, se levant avant l’aurore pour recueillir sa pensée avant le bruit du jour dans toute sa force, sa santé se rétablissait, son corps reprenait l’apparence de la vigueur, sa voix ces accents mâles et cette vibration nerveuse que Démosthène faisait lutter avec le bruit des vagues de la mer, et plus nécessaires aux hommes qui doivent lutter avec les tumultes des multitudes. […] Sans doute personne n’eut plus que moi le droit de haïr Clodius ; mais c’était l’ennemi commun, et ma haine personnelle pouvait à peine égaler l’horreur qu’il inspirait à tous. […] Quand Antoine, Lépide et Octave se furent réconciliés en se livrant mutuellement les têtes de leurs ennemis personnels comme gage de paix, Antoine demanda la tête de Cicéron ; elle fut disputée, mais enfin accordée.

787. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Mais des circonstances qui lui étaient personnelles ayant alors empêché mon amie de me rejoindre à notre maison de campagne, et me voyant condamné à soupirer encore après son retour, seule consolation que j’eusse au monde, je tombai dans un trouble d’esprit, qui pendant plus de trois mois obscurcit mon entendement. […] Enfin, le 3 novembre, nous arrivâmes à Florence, que nous n’avons plus quittée, et où je retrouvai le trésor vivant de ma belle langue, ce qui me dédommagea amplement de tant de pertes en tout genre, qu’il m’avait fallu supporter en France. » XII Qu’on se figure l’accès de rage d’Alfieri, homme si personnel et si mobile au gré de ses passions, après une telle aventure de la révolution, qu’il avait célébrée en républicain classique, et qui s’était retournée pour lui disputer sa tête au moment où il se sauvait devant elle ! […] Si M. le général, en sa qualité de commandant de Florence, lui fait signifier l’ordre de l’attendre chez lui, Alfieri, qui ne résiste pas à la force qui commande, quelle qu’elle soit, se constituera immédiatement en tel état que de raison ; mais si M. le général ne veut que satisfaire une curiosité personnelle, Victor Alfieri, naturellement très sauvage, ne désire plus faire connaissance avec personne, et le prie, en conséquence, de l’en dispenser.”

788. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il avait pu cependant publier, à l’aide de souscriptions, un recueil de poésies dont il envoya un exemplaire à Goethe, en y joignant quelques explications personnelles. […] Ce qui m’a fait écrire, ce qui m’a mis dans cet état d’esprit d’où est sorti Werther, ce sont bien plutôt certaines relations, certains tourments tout à fait personnels et dont je voulais me débarrasser à toute force. […] Je fis quelques pas en arrière, et me tins près du cabinet dans lequel, il y a plus de trente ans, j’avais passé bien des heures, tantôt de plaisir, tantôt d’ennui… L’Empereur se leva, vint vers moi, et, par une sorte de manœuvre, me sépara des autres personnes au milieu desquelles je me trouvais ; leur tournant le dos, et me parlant à demi-voix, il me demanda si j’étais marié, si j’avais des enfants, et me fit toutes les questions habituelles sur ma situation personnelle.

789. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Cet écrivain si grave et si solide n’a pas échappé cette fois à la tentation, si ordinaire de notre temps, de substituer son jugement personnel à l’opinion commune. […] Seulement il y a mis une sorte de perfection, soit en complétant ce personnel d’êtres allégoriques, soit en y établissant une hiérarchie plus raisonnée. […] Aucun événement publie ni personnel, ne le fit descendre en lui-même jusqu’à la source des accents virils et des expressions de génie.

790. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Une verve grosse mais qui va toujours, des ripostes qui sabrent tout, sans souci de la politesse, un aplomb qui touche à l’insolence, et qui en donne à sa parole toutes les bonnes fortunes ; par là-dessus, une amertume cruelle… mais incontestablement un esprit bien personnel, un esprit mordant, coupant, emporte-pièce, que je trouve supérieur à l’esprit que l’auteur dramatique met dans ses pièces, par sa qualité de concision et de taille à arêtes vives, qu’il a, cet esprit, dans sa première spontanéité ! […] 31 août C’est aujourd’hui que Hostein doit nous communiquer ses impressions personnelles. […] Le mépris vous en vient avec un sentiment de supériorité personnelle.

791. (1894) Textes critiques

Une préface nous apprend que le présent recueil de vers a des droits à entrer dans le cercle symboliste ; et une seconde préface, que le « symbolisme fut hiératique, fut classique, est personnel. » C’est assez juste. […] Il a l’avantage d’indiquer le confortable des hôtels et restaurants non d’après leur affiliation à l’U.V.F. ou au T.C.F., mais d’après l’expérience personnelle des auteurs. […] Mais, si l’on examine quels sont, des immortels, ceux dont le nom s’attache à un effort personnel, à un progrès de pensée et de forme, à une marche intransigeante et raisonnée au Mieux : que de suppressions encore il faudrait !

792. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

XVI Premièrement, il faut bien m’apprécier moi-même, et bien entrer dans ma nature personnelle et dans l’esprit de mon rôle au moment à la fois terrible et grandiose où la république sortit du nuage avec la promptitude et l’éblouissement de l’éclair. […] Rousseau, la correspondance de Cicéron, celle de Voltaire, que les livres qu’on lit et qu’on relit le plus sont des livres personnels. […] Or, dans le livre personnel l’homme ouvre son cœur, il n’ouvre que son esprit dans ses autres œuvres ; il ne donne ainsi que la moitié de lui-même.

793. (1903) La renaissance classique pp. -

Et ainsi, attentifs à ne rien mutiler de ce qui vit autour de nous et qui peut servir à notre vie propre, nous pourrons atteindre à une compréhension plus large et plus personnelle des choses, comme à un art plus plastique, plus directement modelé sur la nature vivante ; et après tant de courses vagabondes hors de nos frontières, tant d’excursions dans tous les domaines défendus, y compris ceux de la chimère et de la folie, nous pourrons enfin nous rasseoir chez nous et inaugurer un mouvement qui sera vraiment un retour à la tradition française comme à la réalité humaine. […] Bien loin d’atteindre à cette haute et scientifique impersonnalité dont ils se vantaient, ils ont eu de la réalité la vision la plus personnelle et, pour tout dire, la plus sentimentale. […] C’est en cela qu’il s’oppose au romantisme, lequel professait que n’importe quoi peut être traité par n’importe qui (la valeur personnelle de l’artiste étant mise à part, comme de juste).

794. (1902) Le critique mort jeune

Mais c’est leur particularité, — leur défaut, si l’on préfère — qu’on n’en saurait parler sans les interpréter et que toute interprétation risque d’être personnelle et, partant, inexacte. […] Il se créa en fin de compte un genre personnel d’où la doctrine parfois n’est pas absente, où les impressions ne sont pas rares, et à qui l’on demandera toujours utilement des renseignements et des faits. […] Bourget nous montre accablé par les corrections de copies et les répétitions, renonçant à ses travaux personnels pour assurer la médiocre existence des siens. […] La continuité est la naturelle condition de ces familles fortes et lentes, au lieu que dans les autres — c’est la marque indélébile de leur anomalie — les efforts personnels se juxtaposent, ils ne s’additionnent pas. […] C’est un goût personnel, peut-être, mais qu’il ne serait pas malaisé de fonder en raison.

795. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Autant de goûts personnels, autant d’auteurs différents. […] La façon de lire dépend du tempérament personnel. […] Néanmoins la tempête de Virgile fait bonne figure, ne s’oublie pas et demeure personnelle. […] Des notes très personnelles nous montrent le profit de cette méthode. […] Après avoir analysé la perception personnelle, on cherche à exprimer surtout le sentiment de plaisir qu’elle produit, et l’on écrit : « chant joyeux ».

796. (1885) L’Art romantique

Aucun de ces hommes ne peut être remplacé ; visant tous à un but semblable, ils ont employé des moyens différents tirés de leur nature personnelle. […] Enfin, monsieur, notons bien que l’homme supérieur est obligé, plus que tout autre, de veiller à sa défense personnelle. […] G. connaît non seulement le cheval général, mais s’applique aussi heureusement à exprimer la beauté personnelle des chevaux. […] Je parle de ceux qui, lentement, passionnément, ont amassé des objets d’art bien appropriés à leur nature personnelle. […] Cette partie est peut-être la plus personnelle, c’est le développement d’une philosophie un peu ténébreuse, une espèce de mysticité amoureuse.

797. (1902) La poésie nouvelle

Enfin, tandis que certains critiques veulent identifier le lyrisme et la poésie personnelle, on pourrait peut-être donner comme synonymes lyrisme et insincérité.‌ […] Kahn ne se contente pas d’y analyser et juger les livres récents, mais, à leur sujet, il plaît à développer ses théories personnelles. […] Pour une œuvre bien plus limpide, les Méditations, Lamartine n’a-t-il pas donné au lecteur, en guise de « commentaire », de très personnelles indications ? […] En effet, les commentaires ne peuvent que donner un caractère personnel à cette « sensation franche » qui, telle quelle, est largement humaine. […] Henri de Régnier semble renoncer à la poésie intime, personnelle.

798. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Il a pu céder aussi à des impulsions passionnées et à des animosités personnelles. […] Ces Cahiers ont joué un rôle notable dans le mouvement des idées, tant par l’apport personnel de M.  […] Mais il a des procédés tout personnels. […] Il n’en ressort pas du tout qu’Isabelle ait exercé la moindre impulsion personnelle sur la Renaissance. […] Il faudrait peut-être établir une distinction entre son incontestable valeur personnelle et les fâcheux abus qui s’autorisent de sa doctrine.

799. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Les enfants, avec leur vision spontanée, singulière, incomplète et par là personnelle, sont de grands impressionnistes sans le savoir. […] Son Dieu tour à tour existe ou n’existe pas, est personnel ou impersonnel. […] Il est évident qu’il n’y a pas grand ‘chose à lui répondre et que c’est une affaire d’appréciation personnelle. […] Seulement qu’il soit établi, encore une fois, que ses « principes » ne sont aussi que des préférences personnelles. […] Zola, sous couleur de critique littéraire, n’a jamais fait qu’ériger son goût personnel en principe : ce qui n’est ni d’un esprit libre ni d’un esprit libéral.

800. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

C’est la Loi des Lois, c’est l’esprit des Lois, je l’ai dit sans aucune plaisanterie ; c’est « la raison primitive… qui agit selon les règles qu’elle a faites, qui les connaît parce qu’elle les a faites et qui les a faites parce qu’elles ont du rapport avec sa sagesse et sa puissance » ; c’est la Loi des Lois, intelligente, personnellepersonnelle autant qu’il faut l’être pour être intelligente ; — mais rien de plus. Le Dieu de Montesquieu est un Dieu personnel qui est à peine une personne. […] Nous ne savons rien et sommes, ce me semble, destinés à ne savoir jamais rien des opinions personnelles de Molière sur la religion. […] Molière le déteste bien d’une haine très probablement personnelle et où il entre de la rancune. « Le grand seigneur méchant homme » et corrupteur de femmes est franchement détesté par Molière. — La pièce, au premier regard, serait donc plutôt à tendances religieuses. […] Ces jeunes gens, tous bons Français, tous patriotes, ayant ainsi un lien commun, nécessaire et suffisant, ayant ainsi une « unité » nécessaire et suffisante, se rencontraient dans la vie, discutaient, remuaient des idées et se faisaient, par la discussion, des idées personnelles, et il n’y a que les idées personnelles qui soient des « idées-forces », et des idées fortes, et des idées fécondes.

801. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Quand je songe que, dans l’âge voisin de la vieillesse et de ses infirmités, me voilà seul sur la terre, comme un célibataire débauché ou un homme personnel qui n’a vu que lui dans la nature ; que le sein sur lequel je m’appuie doucement, pour y chercher la consolation, est le sein d’une bonne mère de soixante-quinze ans ; que les objets qui devaient vivre avec moi et auprès de moi m’ont précédé si jeunes dans le tombeau ; quand je parcours tout cet espace qu’on appelle la vie, et que j’embrasse d’un coup d’œil cette longue chaîne de besoins, de désirs, de craintes, de peines, d’erreurs, de passions, de troubles et de misères de toute sorte, je rends grâces à Dieu de n’avoir plus à sortir du port où il m’a conduit ; je le remercie de la tendre mère qu’il me laisse, et des amis qu’il m’a donnés, et surtout de pouvoir descendre dans mon cœur, sans le trouver méchant et corrompu. […]   ***   J’ai reçu, il y a quelques années, par les soins d’un lecteur bienveillant, des extraits d’un Journal personnel, écrit en 1800 et 1801 par un jeune homme, alors élève de l’École polytechnique, et qui, plus tard, devint professeur et secrétaire de la Faculté des sciences de Caen, M. 

802. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Qu’on ait marqué d’abord, qu’on ait été puissant et glorieux à tout prix en son passage, et l’on n’aura en aucun temps été plus absous ; on vous trouvera, à défaut de vertu personnelle, une vertu plus haute, une utilité et moralité providentielle qui est l’ovation suprême aujourd’hui. […] Hugo de s’être trop préoccupé dans le portrait de Mirabeau de sa propre question personnelle et de s’être vu, miré et copié lui-même, en quelque sorte, dans cette figure toute marquetée et couturée, comme dan un miroir à mille facettes. — Lamartine, depuis, a fait de même dans ses Girondins.

803. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Le Roy de Saint-Arnaud, qui avait la parole à l’ouverture de la séance, ayant, dans un discours plus vif et plus incisif qu’aucun des précédents, provoqué une réponse directe et presque personnelle de M. le ministre d’État, celui-ci monta immédiatement après lui à la tribune et prononça une de ces improvisations animées et puissantes qui émeuvent et enlèvent les assemblées. […] Au point où j’en suis de ma carrière, cette considération personnelle n’est pas, croyez-le bien, ce qui me touche le plus ; et, pour moi, ce malencontreux article m’est surtout odieux en ce qu’il tend à altérer et à dénaturer le tempérament de la France.

804. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Pour des gens qui veulent contrôler le pouvoir et abolir les privilèges, quel maître plus sympathique que l’écrivain de génie, le logicien puissant, l’orateur passionné qui établit le droit naturel, qui nie le droit historique, qui proclame l’égalité des hommes, qui revendique la souveraineté du peuple, qui dénonce à chaque page l’usurpation, les vices, l’inutilité, la malfaisance des grands et des rois   Et j’omets les traits par lesquels il agrée aux fils d’une bourgeoisie laborieuse et sévère, aux hommes nouveaux qui travaillent et s’élèvent, son sérieux continu, son ton âpre et amer, son éloge des mœurs simples, des vertus domestiques, du mérite personnel, de l’énergie virile ; c’est un plébéien qui parle à des plébéiens  Rien d’étonnant s’ils le prennent pour guide, et s’ils acceptent ses doctrines avec cette ferveur de croyance qui est l’enthousiasme et qui toujours accompagne la première idée comme le premier amour. […] Chacun, outre le grief général, a son grief personnel.

805. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

La grâce y est plus rare ; j’entends par là l’expression naïve de sentiments personnels à l’homme, alors que, pour féconder un sujet imaginaire, il mêle aux formules de la poésie amoureuse de son temps le souvenir d’émotions qu’il a connues. […] Rompant tour à tour avec toutes les servitudes de cette poésie qu’infectait l’imitation ou la folie du savoir, avec tous ces mensonges convenus, auxquels des poëtes bien doués étaient forcés d’accommoder leur naturel, il fit de la langue des vers la langue même des sentiments les plus personnels au poëte.

806. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

L’autre, qui est le don de choisir parmi les pensées justes celles qui le sont pour les esprits les plus exquis ; de saisir des vérités qui échappent à la foule et de se rendre personnelles celles qui lui appartiennent ; d’être subtil sans raffiner ; de dire du nouveau et d’être vrai ; de sentir plus délicatement que tout le monde ce que tout le monde sent ; d’avoir un naturel à soi, que les autres reconnaissent par le leur ; cet esprit, qui est celui des personnes cultivées dans notre pays, Mme de Sévigné en a plus que sa part, elle le personnifie. […] Mais la grandeur de la cause que défend Bossuet se communique à tout ce qu’il écrit pour elle, au lien que la cause de Saint-Simon est si mesquine et si personnelle qu’en lui donnant le dépit éloquent, l’art de faire ressortir les fautes, les couleurs vives pour peindre ses ennemis, le feu, l’emportement, l’éloquence des regrets, elle ne lui donne pas ce qu’elle n’a pas, la grandeur.

807. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

À défaut d’une acuité de regard qui n’eût été la cause que d’un suicide stérile, si vivace abonda l’étrange don d’assimilation de ce créateur quand même, que des deux éléments de beauté qui s’excluent ou, tout au moins, l’un l’autre s’ignorent, le drame personnel et la musique idéale, il effectua l’hymen. […] De même encore, Hegel et Wagner sont tous deux extrêmement préoccupés de l’action de l’art dramatique sur le public : le premier, dans le parallèle qu’il établit entre la poésie dramatique chez les anciens et chez les modernes, a marqué, dans le drame ancien « le caractère général éleve du but que poursuivent les personnages » en opposition avec la passion personnelle qui « fait l’objet principal » du drame moderne ; ailleurs, il assigne à l’art, une mission nationale.

808. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

C’est que les faits du clergé le touchent, et qu’en cette matière l’intérêt personnel l’avertit de ne pas s’en remettre à la théorie pure. […] Et il continue d’agiter ce même problème personnel comme aurait fait Alceste ou Jean-Jacques, et à tourmenter sa plaie irritée : Ils ne se sont jamais approchés de moi qu’avec l’intention et l’espoir de me tromper.

809. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Et ces plans diffèrent en ce qu’ils semblent en relation plus ou moins médiate avec notre centre personnel : ainsi, dans un tableau, les dernières lignes d’un paysage paraissent fuir dans un lointain imaginaire. […] Mais, tant que nous ne posséderons pas de documents précis sur ces points, il semble plus sage de rapporter les souvenirs nuageux qui hantent parfois l’esprit à des faits rentrant dans l’expérience personnelle de l’individu.

810. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

L’idée mère du positivisme, c’est que la science doit s’abstenir de toutes recherches sur les causes premières et sur l’essence des choses ; elle ne connaît que des enchaînements de phénomènes ; tout ce qui est au-delà n’est que conception subjective de l’esprit, objet de sentiment, de foi personnelle, non de science. […] L’un et l’autre cherchent, l’un et l’autre se persuadent par des raisons toutes personnelles, l’un et l’autre essayent d’entraîner les hommes en présentant ces raisons sous le meilleur jour possible.

811. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Au commencement et jusqu’au milieu du xviie  siècle, au contraire, on a vu des hommes, sans autre mission que le sentiment de leurs talents et de leur courage, tenir à leur solde des corps de troupes, réunir autour de leurs étendards particuliers des guerriers qu’ils dominaient par le seul ascendant de leur génie personnel, et tantôt se vendre avec leur petite armée aux souverains qui les achetaient, tantôt essayer, le fer en main, de devenir souverains eux-mêmes. […] Son amour pour Hippolyte, mais nullement son caractère personnel, indépendamment de cet amour.

812. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

C’était un descripteur et un analyseur et un disséqueur, à loupe, à pincettes et à scalpel, — et qui mettait au bout de sa description, de son analyse, de sa dissection, sa petite impression personnelle et la couleur de son esprit. […] Les lettres, ces espèces de photographies dans lesquelles on est aussi laid et aussi manqué que dans l’autre, les lettres, voilà ce qui va incessamment remplacer les livres à cette époque, vouée aux moi les plus drôles et qui fait plus cas d’un autographe que de la plus belle page, car une belle page, cela est écrit pour tout le monde, et un autographe, c’est personnel !

813. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Si on disait qu’un tel ouvrage est ennuyeux, malgré les noms célèbres qui étoilent faiblement d’une lueur d’intérêt, bientôt éteinte, les pages sans relief qui s’y multiplient, on aurait l’air de ne traduire qu’une sensation personnelle, et on dirait une vérité. […] Ainsi, dans le bien comme dans le mal, c’est toujours la même préoccupation personnelle et bornée, c’est toujours la même infirmité d’enthousiasme, c’est toujours le même égarement de la pensée, quand les squelettes des grandes dames du xviie  siècle viennent passer leurs mains sur les cheveux blanchis de cette tête, amoureuse de fantômes et qui ne se possède plus !

814. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Est-ce un hasard si la ville où se forgeait pour le monde la notion du Droit universel et personnel était aussi le rendez-vous des races ? […] Les croyances dernières apparaissent de plus en plus comme choses toutes personnelles. — si bien qu’on a pu dire, en un sens, qu’une seule foi commune nous reste, la religion de l’individu149.

815. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Mais chez l’auteur de Marie, tout cela est si habilement fondu, si intimement élaboré au sein d’une mélancolie personnelle et d’une originalité indigène, que la critique la plus pénétrante ne saurait démêler qu’une confuse réminiscence dans ce produit vivant d’un art achevé, et que si elle voulait marquer d’un nom ce fruit nouveau, elle serait contrainte d’y rattacher simplement le nom du poëte ; mais nous qui jugeons combien est sincère la modestie qui nous l’a caché81, nous ne prendrons pas sur nous de lui faire violence ; et pour conclure, nous nous bornerons à citer la plus touchante, à notre gré, des élégies que le nom de Marie décore : Partout des cris de mort et d’alarme !

816. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

La mission, l’œuvre de l’art aujourd’hui, c’est vraiment l’épopée humaine ; c’est de traduire sous mille formes, et dans le drame, et dans l’ode, et dans le roman, et dans l’élégie, — oui, même dans l’élégie redevenue solennelle et primitive au milieu de ses propres et personnelles émotions, — c’est de réfléchir et de rayonner sans cesse en mille couleurs le sentiment de l’humanité progressive, de la retrouver telle déjà, dans sa lenteur, au fond des spectacles philosophiques du passé, de l’atteindre et de la suivre à travers les âges, de l’encadrer avec ses passions dans une nature harmonique et animée, de lui donner pour dôme un ciel souverain, vaste, intelligent, où la lumière s’aperçoive toujours dans les intervalles des ombres.

817. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Les brouillons féodaux qui essaient de troubler les deux régences, sont mis en demeure de sacrifier à leurs intérêts personnels les prétentions traditionnelles de leur caste.

818. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

« Si j’avais la main pleine de vérités, je me garderais bien de l’ouvrir. » Ce n’était pas timidité intellectuelle, ou prudence personnelle : c’était délicatesse : il haïssait le tapage, le scandale, les luttes brutales ; tout cela était de mauvais ton ; il était trop bien élevé pour faire l’apôtre ou le tribun.

819. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

Outre ce que les motifs personnels ou les rivalités d’école apportent toujours de restriction dans l’éloge, l’auteur en cause fût-il, comme celui-ci, particulièrement « sympathique », M. 

820. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Mais chez Boussod et Valadon, chez Le Barc de Bouteville, chez Vollard, chez Bing, à l’École des Beaux-Arts, on a pu voir ces mois passés des séries d’expositions personnelles ou partielles : de Degas, de Pissarro, de Meissonnier, de Toulouse-Lautrec, de Sisley, des peintres symbolistes, etc.

821. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Ajoutons que Jean est le seul évangéliste qui ait une connaissance précise des relations de Jésus avec la famille de Béthanie, et qu’on ne comprendrait pas qu’une création populaire fût venue prendre sa place dans un cadre de souvenirs aussi personnels.

822. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

C’est aussi son inconvénient : fausse ou mal formée, elle échappe au contrôle, car rendant inutile l’expérience personnelle, elle tend il la supprimer ; aussi propage-t-elle le mensonge et l’erreur avec la même force, avec laquelle elle propage les vérités.

823. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Ainsi deux choses ont été prouvées à la fois, la liberté de la discussion et le désintéressement personnel du roi dans cette affaire où l’on est si porté à accuser son ambition.

824. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

J’y ai trouvé d’abord la femme infusée dans l’époux, une Madame Denis de la démocratie faisant des livres avec des souvenirs personnels extrêmement flatteurs pour Monsieur Denis, et cette petite femme, je l’ai tout d’abord dégustée ; mais à présent je me régalerai, si vous permettez, du bas-bleu.

825. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

quand on l’appelait de ce beau nom, de ce seul nom qui convienne au pouvoir : le gouvernement personnel !

826. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Si vous parcouriez, en effet, les académies de l’Europe, et il est de presque toutes, excepté, bien entendu, de celles de son pays, et si vous leur demandiez, à ces académies, pour votre édification personnelle, ce que c’est que César Daly, ce que c’est que le fondateur et le directeur de cette encyclopédie de science et d’art qui se publie, depuis plus de vingt ans, sous le titre de Revue générale de l’Architecture et des travaux publics, vous verriez ce qu’on vous répondrait !

827. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Doué des facultés les plus personnelles, il fond son originalité dans des idées qui ne sont à lui que parce qu’il les accepte.

828. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Sans préjugé à cet égard, Weiss les a bravement exposés à sa lumière ; il n’a pas craint que l’esprit qui lira son livre, accoutumé à l’intérêt grandiose et dramatique de l’histoire, ne trouve bien chétifs et parfois bien insignifiants les renseignements personnels à tant de familles qui n’ont d’autre titre à l’attention de l’historien que d’avoir été expulsées de France, où elles travaillaient à quelque industrie qu’elles sont allées porter ailleurs.

829. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

C’est ce qui explique enfin sa politique, qui entassait le mensonge et les tentatives de séduction personnelle, jusqu’à l’heure où une inconséquence de femme crevait tout à coup les mensonges de femme et emportait le brillant et faible réseau !

830. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Les suites des fautes commises sont longues, et leur résultat quelquefois incommensurable… Les royautés européennes, filles du Christianisme, qui avaient pour strict devoir de charité et de politique chrétienne de voler, dans l’atroce péril qui la menaçait, au secours de la Royauté française, quelles que fussent l’incapacité et les fautes personnelles de Louis XVI (il ne s’agissait pas de cela pour elles !)

831. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Aux immunités personnelles et réelles, à l’exemption de la juridiction ordinaire, qui accordait aux clercs de ne pouvoir être traduits devant les tribunaux séculiers et de faire juger leurs causes, en matière même temporelle, par les tribunaux ecclésiastiques, s’ajouta l’arbitrage des évêques, qui prit le caractère d’une véritable juridiction et qui fit que les tribunaux séculiers purent dès lors être récusés par ceux qui désiraient soumettre les procès civils aux tribunaux ecclésiastiques.

832. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Les sentiments et les sensations de ses lettres, exprimés avec la magie d’une forme très personnelle, sont infiniment au-dessus des jugements qu’on y trouve, et puisque ces lettres sont une histoire littéraire du temps où leur auteur vivait, il faut se demander, pour avoir une idée de son coup d’œil, ce qu’il a vu dans le xixe  siècle à mesure qu’il se déroulait devant lui.

833. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Ces modèles, dus au crayon de Notalis, de Matheus et de Spinx, et qui ont été retrouvés dans une pauvre cabane de paysans à Magny, sont d’une naïveté d’inspiration qui ferait croire qu’ils appartiennent à une époque d’une date plus ancienne que celle qu’ils portent, si on ne savait pas que l’Allemagne, par le fait seul du génie qui lui est personnel, peut, au xviie  siècle, équivaloir, en naïveté de touche et en candeur de sentiment, à ce que pouvaient être les autres nations de l’Europe au Moyen Âge.

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