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2072. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Cette opinion chez eux, non pas de pur instinct et de passion comme chez plusieurs, mais très-raisonnée, très-suivie76 et beaucoup plus arrêtée que chez leurs jeunes amis libéraux du monde, donna du premier jour à leur attaque toute sa portée et imprima à l’ensemble de leur direction intellectuelle une singulière précision. […] Tous ceux qui, sans mettre le doigt aux affaires du monde, aiment à tout en comprendre, doivent savoir un gré infini à M.Mignet. […] Osons bien nous l’avouer, oui, c’est au prix de cette connaissance et aussi de cet emploi du mal que le monde est gouverné, qu’il l’a été jusqu’ici. […] La série des Historiens modernes de la France dans la Revue des Deux Mondes.

2073. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Cependant MM. les capitaines des gardes, et nommément M. de Beauvau et M. le duc d’Ayen, s’en formalisèrent d’une manière qui me parut ridicule ; car ce changement, en procurant plus de tranquillité au roi, n’attentait nullement à leurs droits, et ne les confondait pas avec plus de monde, puisque la chambre où l’on plaçait leurs entrées était interdite à tous ceux qui ne les avaient pas. […] Son affaissement, le peu d’inquiétude qu’il témoignait, lui qui était l’homme du monde le plus douillet et le plus penaud, me paraissaient la preuve la plus décisive du danger de son état à ajouter au danger seul de la nature de sa maladie. […] Sur le matin, et dans les moments où ils voyaient avec plus d’effroi l’état du roi, M. de Bouillon, qui, tout en pleurant, venait de s’éveiller, regarda tendrement La Martinière, et lui avançant les deux bras : « Vous voyez bien cela, lui dit-il, mon cher La Martinière, ce sont mes deux bras, c’est certainement ce que j’aime le plus au monde ; eh bien ! […] d’Aumont ne restait pas court aux expressions de douleur et de regret de M. de Bouillon ; il enchérissait encore en assurance de dévouement, et, à l’offre que faisait l’autre de ses chers bras, il marquait peu d’étonnement, et disait, avec un verbiage emphatique et que j’aurais peine à rendre, que si au lieu d’une vie il en avait quatre, il les perdrait pour racheter celle du roi avec une satisfaction et un bonheur inimaginables, quoiqu’il priât d’observer qu’il était fort heureux dans ce monde.

2074. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

De la fête des fous laïcisée par force, il ne subsista que le principe, l’idée d’un monde renversé qui exprimerait en la grossissant la folie du monde réel : c’est ce que développèrent au gré de leur libre fantaisie nombre de sociétés joyeuses, comme Mère folle à Dijon, et les Sots de Paris. […] La fameuse sottie, intitulée le Monde, Abus, les Sots, vaut surtout par sa liste de personnages : Sot Dissolu, habillé en homme d’Église, Sot Glorieux, habillé en gendarme, Sot Corrompu, habillé en marchand, Sot Ignorant, habillé en vilain, et Sotte Folle, en femme. […] Cette imitation se serait organisée et développée, en prenant le sens d’une parodie universelle et consciente des folies de ce pauvre monde.

2075. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Tout — que la jeunesse abrite sa croissance dans l’architecture de pensifs locaux, serait simple, avec même la côtoyant, en aînés, une présence d’hommes, uniques par l’Europe et au monde, qui, à mon sens, domine la pierre historiée comme je fus surtout étonné d’eux. […] Tout l’acte disponible, à jamais et seulement, reste de saisir les rapports, entre temps, rares ou multipliés ; d’après quelque état intérieur et que l’on veuille à son gré étendre, simplifier le monde. […] Au vers impersonnel ou pur s’adaptera l’instinct qui dégage, du monde, un chant, pour en illuminer le rythme fondamental et rejette, vain, le résidu. […] Mon avis, comme public ; et, explorateur revenu d’aucuns sables, pas curieux à regarder, si je cédais à parader dans mon milieu, le soin s’imposerait de prendre, en route, chez un fourreur, un tapis de jaguar ou de lion, pour l’étranger, au début et ne me présenter qu’avec ce recul, dans un motif d’action, aux yeux de connaissance ou du monde.

2076. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Il dédaigne l’éclat, te monde, la mode, l’applaudissement et les louanges. […] De même, au lecteur de la Revue bleue, Jules Lemaître ou Faguet ; au lecteur de la Revue des deux mondes, Ferdinand Brunetière ; au lecteur du Temps, M.  […] En effet, passez cinq ans, dix ans, à faire une œuvre pensée, méditée, intensément sentie, où vous aurez mis tout votre cœur, toute votre flamme, tout votre art, et vous aurez dix-neuf chances sur vingt de voir cette œuvre tomber dans un monde sourd et muet. […] Marcel Ballot ou Philippe Gille, ses prédécesseurs ; Le Gaulois possède Abel Hermant, les Débats Pierrefeu et Narsy, Le Journal Descaves, Excelsior Brousson, etc… D’autre part de grandes revues ont créé des feuilletons littéraires qui naguère n’existaient point : Fernand Vandérem et Henry Bidou y tiennent au courant leurs lecteurs ; peut-être que la Revue des deux mondes, elle-même, jugeant le système bon, y viendra dans vingt ou vingt-cinq ans… Tout est donc parfait, et il semble, en somme, que les amateurs de littérature — ceux-là seuls importent — soient très suffisamment renseignés.

2077. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

C’est sur la foi de ceux qu’on suppose plus instruits, plus éclairés, qu’on se forme les différentes idées des choses ; celui qui croit savoir moins qu’un autre, quelque pénétrant qu’il soit d’ailleurs, s’en rapporte volontiers à des lumieres qu’il juge supérieures ; & c’est sur cette adhésion aux idées d’autrui, que se sont établies les différentes persuasions qui ont donné cours à tous les systêmes adoptés depuis le commencement du monde. […] D’après leurs prédications, l’Univers reconnoît un seul Maître : le monde n’est plus qu’une figure qui passe, ses biens qu’une vapeur qui se dissipe ; la vie qu’un passage à un autre plus durable, & dont l’usage de la premiere fixera le sort : l’Homme, cet être auparavant si foible, triomphe de ce que le monde a de plus flatteur & de plus redoutable : les combats qu’il est contraint de livrer à ses passions, sont la source de son repos & de celui de ses semblables ; le mariage est rappelé à son institution primitive : les Loix qui n’arrêtoient que la main, agissent sur le cœur : la bienséance devient un devoir général, même à l’égard des ennemis : le disciple d’Epicure embrasse cette morale mortifiante & austere : on ne reconnoît plus l’Homme dans l’Homme, comme l’a dit Bossuet ; mais dans cette étonnante révolution, on reconnoît le doigt de Dieu. […] Que deviendroit donc le monde ?

2078. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Il semble que les procédés de la connaissance soient les mêmes, qu’ils s’appliquent aux choses de l’esprit ou au monde physiologique. […] Or, si elle parvient en effet à prendre le change sur elle-même, son pouvoir de déformation n’atteint pas le monde extérieur et elle ne peut faire que les choses deviennent en réalité autres qu’elles ne sont. […] Mis aux prises avec cette nouvelle réalité, son pouvoir de s’imaginer autre qu’elle n’est trahit encore son impuissance à modifier le monde extérieur ; aucune image adverse ne peut empêcher que les effets souscrits ne soient présentés à leur échéance, qu’impayés ils ne soient protestés. […] Ils ont exactement les sentiments et les opinions qu’exigent leur profession, leur fortune et leur monde, et il semble bien que les uns et les autres seraient fort empêchés de penser, d’agir et d’être hommes s’ils n’étaient d’abord notaire, fonctionnaire, prêtre ou gentilhomme.

2079. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Aujourd’hui, pour toujours, chacun d’eux appartient à ce monde des tranchées par ses impressions profondes, par ses premières et grandioses expériences. […] Et c’est à nous, protestants, ou plutôt à nous, « croyants », qu’il appartient de révéler cette vie nouvelle au monde.‌ […] Et qu’une telle expérience, éclaboussée de sang, s’associe à la fraîcheur intacte du cœur, c’est ce que le monde n’avait jamais vu ! […] Les mères françaises, les plus tendres, les plus craintives qui soient au monde, ont dit à leurs garçons en 1914 : « Je t’encouragerais de la voix, si je te voyais t’élancer au-devant de l’ennemi ».

2080. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Un autre, assis encore sur sa monture paisible, et la main armée de l’aiguillon comme d’un sceptre, porte au front la gravité native des descendants des maîtres du monde ; il regarde deux hommes de la troupe qui dansent en s’accompagnant du piffero, la cornemuse du pays. […] D’habitude il n’allait point dans le monde ; ses bonnes journées, c’étaient celles où il avait pu travailler depuis le commencement du jour jusqu’à la nuit : « Je suis si heureux quand je puis travailler autant ! […] Léopold Robert avait des besoins de cœur de plus en plus timides et de plus en plus profonds avec l’âge : « Je ne peux m’expliquer, pensait-il, comment on peut trouver dans ce monde des êtres qui paraissent n’éprouver aucun besoin de nourrir le cœur. » Il craignait avec les années le refroidissement graduel de ce qui fait la vie morale : « En vieillissant, on devient d’un froid de cœur !

2081. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Goethe a très bien raconté comment, ayant écrit Werther, il se trouva tout d’un coup soulagé et guéri ; mais, en s’en débarrassant, il avait inoculé son mal aux autres ; ce fut le tour de bien des lecteurs, par le monde, d’être atteints de la même fièvre. […] On y découvrirait pourtant quelques notes avant-courrières d’un lointain printemps, par exemple : Je suis seul, mécontent, au sein de la nature ; Quand tout chante l’amour, à mes sens moins émus Tout est muet, et l’onde, et l’ombre, et la verdure ; Avec le monde, hélas ! […] À la vue des imposantes barrières qui le séparent du reste du monde, l’âme la plus froide éprouve un frémissement secret.

2082. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Il avait des facultés naturelles très remarquable pour la poésie et le bel esprit : « C’était, a dit de lui l’exact et honnête abbé de Marolles, l’un des plus beaux naturels du monde pour la poésie, et de qui les bons sentiments de l’âme égalaient la gaieté de l’humeur. » Tallemant lui reproche une outrecuidance et une habitude de vanterie qui est un des caractères de la littérature de ce temps-là ; mais Saint-Amant ne paraît point avoir poussé ce défaut aussi loin qu’un Scudéry, et il n’en resta pas moins avant tout un bon vivant. […] Que ces lieux sacrés à la nuit, Éloignés du monde et du bruit, Plaisent à mon inquiétude ! […] C’est ce qu’on peut voir dans son ode intitulée La Solitude, qui est son meilleur ouvrage, où parmi un fort grand nombre d’images très agréables, il vient présenter mal à propos aux yeux les choses du monde les plus affreuses, des crapauds et des limaçons qui bavent, le squelette d’un pendu, etc.

2083. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Pendant plusieurs années, il y eut là à deux pas de Genève Mme de Staël, à Coppet, avec son monde, avec Benjamin Constant et Auguste-Guillaume de Schlegel entre autres, et qui par le mouvement de son voisinage communiquait à la cité savante une activité inaccoutumée. […] À voir, sous le Consulat et au commencement de l’Empire, ce jeune homme d’une physionomie et d’une vivacité plus méridionale encore que genevoise, gai, riche, élégant, beau danseur, fort recherché dans le monde, même dans celui de Paris, « faisant de Genève à Paris dix-sept voyages en neuf ans », on n’aurait jamais supposé, remarque M.  […] C’est une loi en effet : chez les nations qui n’avaient pas l’imprimerie, sous les gouvernements qui n’avaient pas leur Moniteur, il arrivait très vite que les personnages glorieux qui avaient frappé l’imagination des peuples et remué le monde, livrés au courant de la tradition et au hasard des récits sans fin, se dénaturaient et devenaient des types purement poétiques.

2084. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Ainsi, après avoir enregistré quelque interdiction légale, dont l’application s’était faite le jour même, il passait brusquement, sans transition, à des nouvelles de l’autre monde et des pays transatlantiques : « Le Pérou vient de déclarer la guerre à l’Équateur… » ou bien : « On n’apprendra pas sans intérêt que la route qui vient d’être ouverte entre San-Francisco et la Nouvelle-Orléans abrégera d’une semaine le temps exigé naguère, etc. » Puis venait l’histoire des oiseaux du Palais de Cristal à Londres, les perroquets et les perruches qu’on avait représentés dans le catalogue comme d’excellents parleurs, et qui, « intimidés apparemment par la présence du public, ont gardé le silence » ; de jolies malices enfin, un peu renouvelées de Swift, mais accommodées à la française. […] Avoir un Credo absolu en politique, affiché et proclamé d’avance, est chose spécieuse et qui fait honneur devant bien du monde ; j’y verrais, moi, au contraire, moins de sûreté et de force que de faiblesse. […] Qu’on ne se figure pas que le talent seul et l’esprit suffisaient ; il fallait autre chose encore ; il fallait une certaine fortune, une certaine position, des alliances dans le monde.

2085. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Au nom de Dieu, qu’il ne se laisse gouverner ni par vous (le duc de Chevreuse), ni par moi, ni par aucune personne du monde. […] Deux soleils dans le monde nous jetteraient dans les ténèbres, en nous éblouissant : trop de savants nous rendraient ignorants. […]  » « Ainsi, dans cet aimable prince, l’un des meilleurs hommes du temps, se trahit l’incurable vieillesse d’un monde qui va finir… » Je reprends ma pensée.

2086. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

a exercé et exerce encore cette sorte de magistrature au Journal des Débats ; qui y a défendu les traditions de l’École de David contre toutes les tentatives d’innovation et tous les assauts du romantisme ; qui est un ennemi déclaré du gothique qui est très-consciencieux, assez bienveillant pour les personnes, sans quartier sur les principes ; qui a beaucoup causé de toutes choses autres encore que beaux-arts ; qui a eu de bonne heure l’habitude d’écrire les conversations des gens d’esprit qui venaient chez lui ou qu’il rencontrait dans le monde ; qui a des masses de ces procès-verbaux et de ces minutes d’entretiens qui seront, un jour plus intéressants pour nos neveux que les plus élégants rapports académiques, et où les pauvres d’idées en quête d’érudition facile iront puiser comme dans les papiers de Conrart. — M.  […] Lacretelle l’académicien entrant à l’improviste à ce moment de la lecture ; il venait en visite et n’était pas des invités ; j’ai, encore présent à l’esprit son visage étonné, car il ne savait absolument de quoi il s’agissait, et il avait peine évidemment à concevoir ce que faisait tout ce beau monde attentif à écouter une description si peu engageante. […] J'ai fait autrefois, en 1862, dans la Revue des Deux Mondes, un article sur Mademoiselle de Liron, où j'ai rendu pleine justice à ce roman à la fois délicat et réel ; l'article a été recueilli depuis dans le volume des Portraits de Femmes, édtion de 1855.

2087. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Il n’y résistera pas longtemps, et se relancera, tête baissée, dans ce monde qui tourbillonne autour de lui. […] Tout ce qu’on en voyoit au dehors inspiroit de la piété ; on admiroit la manière grave et touchante dont les louanges de Dieu y étoient chantées, la simplicité et en même temps la propreté de leur église, la modestie des domestiques, la solitude des parloirs, le peu d’empressement des religieuses à y soutenir la conversation, leur peu de curiosité pour savoir les choses du monde et même les affaires de leurs proches ; en un mot, une entière indifférence pour tout ce qui ne regardoit point Dieu. […] Le procédé en est d’ordinaire analytique et abstrait ; chaque personnage principal, au lieu de répandre sa passion au dehors en ne faisant qu’un avec elle, regarde le plus souvent cette passion au dedans de lui-même, et la raconte par ses paroles telle qu’il la voit au sein de ce monde intérieur, au sein de ce moi, comme disent les philosophes : de là une manière générale d’exposition et de récit qui suppose toujours dans chaque héros ou chaque héroïne un certain loisir pour s’examiner préalablement ; de là encore tout un ordre d’images délicates, et un tendre coloris de demi-jour, emprunté à une savante métaphysique du cœur ; mais peu ou point de réalité, et aucun de ces détails qui nous ramènent à l’aspect humain de cette vie.

2088. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Les esclaves doivent aimer à se réfugier dans un monde chimérique ; et comme le soleil du Midi anime l’imagination, les contes arabes sont infiniment plus variés et plus féconds que les romans de chevalerie. […] Depuis que ce pays a perdu l’empire du monde, on dirait que son peuple dédaigne toute existence politique, et que, suivant l’esprit de la maxime de César, il aspire au premier rang dans les plaisirs, plutôt qu’à de secondes places dans la gloire. […] Il faut que l’auteur italien prenne tout en lui-même pour faire une tragédie, qu’il s’éloigne entièrement de ce qu’il voit, de ses idées et de ses impressions habituelles ; et il est bien difficile de trouver le vrai de ce monde tragique, alors qu’il est si distant des mœurs générales.

2089. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Il n’écrit que pour occuper son loisir, tromper son impatience ; et quand il doit se dire qu’il n’y a pas de rôle pour lui en ce monde, il écrit le rôle qu’il ne jouera pas : c’est un rêve d’action que toute sa littérature développe. Il regarde le monde et la vie, comme un capitaine étudie son terrain. […] Il nous enseigne à nous faire du monde extérieur des idées claires, précises, ordonnées.

2090. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Renan a préparé, parmi les incrédules, les esprits qu’il faut pour faire à cette nouvelle attitude de l’Église l’accueil qu’elle mérite ; et, si le mouvement dessiné depuis plusieurs années s’achève, si l’Église redevient, selon son véritable esprit, une grande force démocratique, l’Église en profitera sans doute, le monde plus encore, et notre pays plus que les autres. […] Brunetière (né en 1849), maître de conférences à l’École normale supérieure, directeur de la Revue des Deux Mondes. […] Brunetière, Symbolistes et Décadents, Revue des Deux Mondes, 1er nov. 1888.

2091. (1903) Zola pp. 3-31

Le monde entier pouvait dire en se regardant en ce miroir : « Jamais je n’ai été aussi laid. » L’homme pouvait se dire en lisant ces pages : « Jamais je ne me suis senti si méprisé. » Il ne faut pas s’y tromper. […] Je ne vois pas quelqu’un au monde qui ait été plus le contraire de Swift, de Sterne, de La Rochefoucauld, de La Fontaine, de La Bruyère et de Voltaire. […] Le Français est le seul peuple du monde qui ait ce singulier goût ; mais il est chez lui extrêmement fort.

2092. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Elle défendit l’usage des hypothèses contre une autre école, sortie d’elle et qui devait faire plus tard beaucoup de bruit dans le monde, l’école de M.  […] Lorsque Descartes au contraire supposait que le monde planétaire était mû par des tourbillons, il s’élançait immédiatement et sans intermédiaire à une généralité plus ou moins vraisemblable. […] Ce travail a été publié dans la Revue des Deux Mondes, à l’occasion de l’Introduction à la médecine expérimentale de M. 

2093. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Je ne puis assez m’étonner de l’émoi que mes livres ont paru causer dans un certain monde. […] Albalat répond avec la meilleure grâce du monde : le vôtre. […] Albalat répond avec la meilleure grâce du monde : le vôtre.

2094. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Nous avons vu ces pieux cénobites, exilés dans le monde où ils étaient étrangers, nous offrir le spectacle de ce sacerdoce aujourd’hui si méconnu. […] Nous trouvons un instant où la puissance guerrière et la puissance commerçante se sont disputé l’empire du monde. […] Ainsi le système de l’égalité est venu s’appliquer au monde intellectuel : il semblerait qu’on veut y substituer aussi la division indéfinie des propriétés au droit d’aînesse.

2095. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Elle était gâtée dans sa source, je le reconnais ; elle était physique, maladive, empoisonnée, mauvaise, décomposée par toutes les influences morbides de la fin d’un monde qui expire, mais elle n’en était pas moins de la poésie, prouvée même par la puissance qu’elle a sur nous tous, cette poésie faussée dans son inspiration et qui tournait et touchait souvent à la démence. […] Rollinat n’a rien dans le monde de l’air macabre de Paganini ni de la chevelure de Liszt, qui semblait, Samson musical, jouer du piano avec ses cheveux. […] C’est évidemment un poète de la famille du Dante, qui a mal tourné en tombant dans le monde moderne.

2096. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Laissez-le grandir et sortir de là, le Périclès rêveur ; il est volage, il est bruyant et glorieux, il est capable de mille entreprises enviables, il remplira le monde de son nom.  […] Une existence agitée est un suicide, si elle fait perdre le souvenir du monde meilleur ; et, quand on a conscience de sa dignité, il me semble que c’est une profanation d’employer son énergie et de ne pas lui laisser toute la sublimité des possibles… J’aime à vivre retiré, à faire les mêmes choses, à passer par les mêmes chemins : il me semble qu’ainsi je me mêle moins à la terre, et que je conserve toute ma pureté.

2097. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Vous avez beau remonter à l’origine des choses et des idées ou à l’A B C de la grammaire et de la rhétorique, suivre un à un les pas de la logique ou faire appel au sens commun simplement, mettre en avant la raison ou, ce qui vaut mieux, la nature ; au fond de toutes vos théories littéraires il y a un sentiment, pas autre chose, analogue, non point au sentiment large d’un homme libre de préjugés qui trouve belles toutes les belles fleurs et belles toutes les belles femmes, chacune dans son genre de beauté, mais au sentiment étroit d’un petit propriétaire qui n’a d’yeux que pour les fleurs de ses plates-bandes et de ses pois, ou d’un jeune amoureux prêt à rompre les os au premier qui osera dire que sa maîtresse n’est pas la plus belle femme du monde. […] Est-il impossible de concevoir un genre de comédie où le poète, loin de peindre la réalité comme elle est, transporterait l’action dans un monde fantastique, donnerait à des idées abstraites une existence réelle, aux êtres réels une vie, en quelque sorte, idéale, un corps, une voix à des nuages, une constitution politique aux habitants de l’air ?

2098. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Descartes part d’un mot de saint Augustin : Je pense, donc je suis, et ne prouve que de vieilles vérités, l’existence de Dieu, celle du monde extérieur, l’immortalité de l’âme. […] Ainsi Descartes n’invente rien que sa méthode, c’est-à-dire une certaine manière d’ordonner ses pensées ; par elle, il établit entre des vérités anciennement connues une liaison inconnue, il féconde une parole stérile dans saint Augustin, et il en fait sortir Dieu, l’homme et le monde.

2099. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Rédigeant ses Mémoires au temps où le roi de Prusse cajolait Voltaire, il y notait l’envoi eu exil d’un certain « Arouet, fils, écrit-il, d’un notaire qui l’avait été de mon père, et de moi » ; il n’eût pas parlé de cette bagatelle, « si ce Arouet n’était devenu une sorte de personnage dans la république des lettres, et même une manière d’important dans un certain monde ». […] Il n’est point écrivain à idées, et ne se soucie guère du monde intelligible.

2100. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Dans ces livrets d’une bouffonnerie énorme et pourtant fine898, dont la fantaisiste irréalité semble se rapprocher parfois de la comédie de Musset, dans cette « blague » enragée qui démolit tous les objets de respect traditionnel, en politique, en morale, en art, et qui ne reconnaît rien de sérieux que la chasse au plaisir, revit ce monde du second empire que les romans et les comédies, plus brutalement ou plus sévèrement, s’efforceront de représenter : monde effrénément matérialiste, si vide de conviction qu’il ne croyait même pas à lui-même, se moquant du pouvoir et de l’argent qu’il détenait, et se hâtant, avant de les perdre, d’en acheter le plus possible de plaisir.

2101. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

Coignard tempère son scepticisme par un sens très vif des plaisirs que ce très bas monde nous donne, au jour la nuit, et par une foi irraisonnée à l’égard des dogmes de la religion catholique. […] Un bon scepticisme, car : Il faut n’être pas dupe en ce farceur de monde, comme disait Verlaine.

2102. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Mais, sans sortir ainsi du monde, ne peut-on pas trouver quelque oasis, sauvée du positivisme animal de nos contemporains ? […] Le talent de saisir et de traduire le monde sensible est acquis.

2103. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

Les petites revues Vers 1885, une violente effervescence se produisait dans le monde des lettres. […] Huysmans. »   « … Pour moi, la poésie est l’interprétation du monde confiée à la seule sympathie (prise au sens philosophique du mot).

2104. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

La mort du grand roi est le fait décisif qui se dresse, comme une véritable borne, sur la route parcourue par le temps et qui nous permet de dire : Ici un monde finit et un autre commence. […] Si nous jugions uniquement d’après ce qui se passe de nos jours, nous pourrions affirmer qu’une certaine façon de concevoir l’art et le monde dure environ trente-cinq ou quarante ans.

2105. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

L’auteur s’y donne pour un homme de grande considération dans le monde, fêté dans les meilleures compagnies, tenant à la cour par sa naissance, & connu de l’univers entier par ses poësies. […] Piganiol de la Force remarque, d’après un autre écrivain aussi spirituel que lui, que le corps de ce ministre ambitieux est placé dans le même endroit où étoient auparavant les latrines du collège de Calvi : « Soit, dit-il, que la providence, qui gouverne tout, ait voulu humilier, après sa mort, un homme qui avoit joué un si grand rôle dans le monde ; soit qu’elle ait voulu confondre l’orgueil des hommes, en leur faisant voir où se terminent les honneurs qu’ils estiment le plus. » Corneille étoit de Rouen, fils d’un maître des eaux & forêts.

2106. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Quelques professeurs du collège Royal, nouvellement établis, jaloux de se faire un nom dans le monde latin, étoient d’avis contraire. […] Il est encore moins permis à un homme du monde de l’ignorer : une belle prononciation annonce une personne bien élevée ; elle prévient en faveur d’une femme, autant & même plus que la figure & les habillemens.

2107. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

On n’a pas cherché le moins du monde à concilier nos divergences : on s’est borné à voir les choses par le rebours. […] On n’a pas cherché le moins du monde à concilier nos divergences : on s’est borné à voir les choses par le rebours.

2108. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

D’un autre côté, les grandes vertus et les grands talents appartiennent au monde : ainsi on ne doit plus que plaindre cette ostentation malheureuse de sept villes de la Grèce qui se disputèrent la naissance d’Homère, au lieu de s’être disputé le soin de nourrir le merveilleux vieillard. […] Mais soignez le bonheur de la société, parce que la société n’existe que dans ce monde ; l’homme qui vit au-delà peut attendre sa récompense.

2109. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Rien ne fit trembler dans sa main et ne ternit sous sa paupière le pur cristal de la lorgnette qu’il promenait sur tous les étages de cette grande salle de spectacle qu’on appelle le monde, et quand, de son encoignure, il se prit tout à coup à dire ce qu’il voyait, de cette belle voix d’or qui ressemble à la voix de Montaigne, mais sans ses fêlures et ses quintes, nulle des clameurs que soulève d’ordinaire la beauté d’organe du génie ne couvrit cette magnifique voix d’une si pleine et si merveilleuse résonnance ! […] C’est là, sans doute une délicatesse… mais il est évident aussi que des délicats de cette espèce ne sont pas faits pour traiter largement un mâle sujet littéraire et nous l’ouvrir jusqu’aux entrailles ; il est évident qu’ils n’ont pas été créés et mis au monde pour ne rien comprendre aux énergiques trivialités des grands écrivains, et qu’il leur faut renoncer à écrire la biographie intellectuelle du Génie, aussi bien qu’à peigner, la crinière des lions !

2110. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

La grande nation, l’aïeule du genre humain, malgré toutes ses chutes et son crime, exprime parfois dans quelques-uns de ses enfants les traits de sa primauté dans les annales du monde ; et Gotthold Éphraïm Lessing était une de ces créatures privilégiées. […] Un homme dont il parle dans sa Dramaturgie avec le sentiment du respect le plus profond, mais de l’apparition duquel dans l’histoire littéraire il n’a pas tiré les conséquences qu’il aurait fallu, aurait dû lui apprendre que l’ancien monde dramatique était clos et forclos, et qu’il sortirait de cet homme-prodige une théorie qui ne serait même plus une théorie et qui emporterait les théories anciennes, comme des pailles dans un ouragan !

2111. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

que direz-vous donc de la mémoire humaine, Immense Josaphat, où les siècles mêlés S’assemblent en congrès, dès qu’ils sont appelés ; Et non pas seulement les hommes ou leur cendre, Mais où viennent aussi se grouper et se rendre Les empires défunts, les forêts, les cités, Et des fleuves taris les Ilots ressuscités, Et des océans morts les flottes vagabondes, Et non pas seulement la terre, mais les mondes ? […] Mais n’y a-t-il pas dans cette poésie antithétique, dure, noueuse, qui heurte, dans un rapprochement si imprévu, l’idée de la vallée de Josaphat contenant le monde ressuscité à la fin des temps et l’idée du champ de la mémoire contenant aussi l’univers et son passé dans la tête de chaque homme en particulier, n’y a-t-il pas quelque chose de cherché, d’efforcé, d’insolite, qui sent l’alchimie d’un cerveau plus ou moins puissant, mais qui n’est pas l’originalité franche des grands poètes, — qui n’est pas le sang pur et si facilement jaillissant de la véritable originalité ?

2112. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Il n’y avait là, dans le titre de ce volume, que la coquetterie innocente, quoiqu’un peu futée, qui consiste à se faire petit pour être vu dans ce monde, offusqué de tant de grands hommes qu’ils se cachent les uns par les autres ! […] Pressentant la sphère natale, De ce monde on prend moins de soin !

2113. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

L’auteur des Idylles héroïques, qui a fait un poème intitulé Konrad, lequel est un Manfred vertueux, un Manfred retourné, car, de fait, il retourne au monde et à la vie morale en sortant de la solitude, l’auteur n’a pas besoin de s’appuyer sur lord Byron pour justifier ce que j’appelle nettement un défaut de composition permanente. […] Vous ne pourrez pas certainement compter le nombre de fois qu’on y rencontre ces mots sacramentels « de sommets et de hauts lieux » qui vont devenir la caractéristique d’une telle poésie à perte de vue et de terre : Venez (dit-il) vers ces hauts lieux mondes de lumière ?

2114. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Lisez ces vers à Léon Cladel dans lesquels il les a proclamés, ces privilèges immortels que nous ne déposerons pas, nous, sur l’autel de la Démocratie, et que la Démocratie veut nous enlever, comme elle nous a enlevé les autres, pour en blasonner tous les va-nu-pieds et tous les couche-tout-nus du monde moderne et les élever au-dessus de nous, — au-dessus de tout ce qui est esprit et génie, — sur le pavois de la pitié ! […] Nous qui perdons le monde et nous voyons mourir, Pleurons sur notre chute et n’en ayons pas honte.

2115. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Or, encore, si vous ne mettez pas dans votre roman les facultés surabondantes nécessaires à une création, vous avez interverti l’ordre des œuvres, et, au lieu de ce monde inventé et organisé d’un roman dans lequel Walter Scott, par exemple, aurait fait tenir jusqu’à l’Histoire, vous n’avez qu’une histoire, qui n’a peut-être pas la réalité pure de l’Histoire, et c’est dans les formes énergiques, mais étroites, maigres et décharnées de cette histoire, que vous étranglez le roman ! […] Bourgeois, le maire de Poitiers, — ni les deux autres espions, Degranges et Méhu, — ni les personnages historiques, qu’il fallait d’autant plus intensément peindre qu’on ne les nommait pas et que leur visage devait crever le masque d’incognito que l’auteur leur attache, — ni le jeune frère de Rochereuil, — ni sa mère, — ni la femme aimée de Rochereuil, profonde comme une grisette, fusain à peine indiqué de fille facile, — rien de tout ce monde ne sort, ne se détache, mais tout reste blafard, exsangue, indécis et inanimé, sous la plume la plus mâle, la plus appuyée, la plus énergique et la plus amoureuse d’énergie.

2116. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Une des personnes qui me communiquèrent leurs impressions s’était crue à la fin du monde, an commencement du jugement dernier. […] C’est ainsi que le monde matériel apparaît à la pure intelligence. […] Croit-il précisément que le monde soit fait pour lui ? Non, sans doute, car il ne se représente pas le monde, et n’a d’ailleurs aucune envie de spéculer. […] Les Grecs partagent le monde entre Zeus, dieu du ciel et de la terre, Poséidon, dieu des mers, et Hadès, auquel appartient le royaume infernal.

2117. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bal, Georges »

. — Autres mondes (1891).

2118. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Il se trouve plus à l’aise dans ce monde qu’il s’est créé ; là il est chez lui, là il peut croire encore à sa force et à son importance. […] C’est aussi le premier homme du monde pour voler le miel ; les abeilles ne le piquent point. […] Du reste, ajouta-t-il un instant après, dans ce monde, tout est possible, surtout ici, chez vous, en Russie. […] Lavretzky retiré dans sa solitude de Wassilianoskoi disparaît du monde. […] » Que dire de personnes qui vivent encore, mais qui sont déjà descendues de la scène du monde ?

2119. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Cher monsieur, Excusez-moi, j’étais fort occupé, depuis deux mois ; et maintenant je me repose en parcourant le monde à bicyclette. […] Je considère Mistral comme un très grand poète, un des plus grands sans doute qui soient à l’heure présente, non seulement en France, mais dans le monde entier. […] — Tous les passades écrits en italique, mis dans la bouche du Comte, nous furent donnés, avec la meilleure grâce du monde, par M. de Montesquiou. […] où pris-tu l’âme d’être seul au monde ? […] Bruneau est un enthousiaste ; aussi, à peine lui avions-nous exposé le but de notre enquête qu’il nous fit, le plus aimablement du monde, cette courte et si docte conférence : « Le vers ?

2120. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Car ces yeux seuls peuvent adoucir la virulence de son souci, et aucune autre chose au monde ne saurait lui être agréable, ni le récréer. […] Puis, à la fin, Louise fait un retour charmant sur elle-même et sur le petit livre qu’elle envoie par le monde. […] Laure avait les plus beaux yeux du monde, brillants et tendres. […] Je suis pour ma part assez choqué qu’il soit nécessaire en ce monde de bouleverser quelquefois l’ordre. […] Abstenons-nous donc, pour la sûreté de notre personne, de ce nom si cher au peuple, et qui révolterait le monde contre nous.

2121. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Loy, Aimé de = Desloye, Jean-Baptiste Aimé (1798-1834) »

[Revue des deux mondes (1840).]

2122. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vanor, Georges (1865-1906) »

Jacques des Gachons Lorsque ce trouvère quitta sa viole, douce à vêtir les rêves de précises couleurs, il oublia toute naïveté, et ses yeux virent le monde, hier dédaigné pour les envols paradisiaques.

2123. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nardin, Georges »

Il s’est fait connaître dans le monde poétique par un recueil de vers, les Horizons bleus (1880), volume plein de promesses, où nous avons particulièrement remarqué les Digitales et les Violettes, strophes de jeunesse d’un sentiment pur et d’une heureuse allure.

2124. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Nattier »

Rien de cela, mais à la place, une coiffure de tête élégante, un ajustement recherché, toute l’afféterie d’une femme du monde à sa toilette, et des yeux pleins de volupté, pour ne rien dire de plus.

2125. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article »

Les Lecteurs bénévoles, qu’un style rampant & diffus ne seroit pas capable de décourager, pourront trouver des réflexions utiles & quelquefois profondes dans ceux de ses Ouvrages qui sont intitulés, la Science du monde, de la manière de parler à la Cour, du Bel-Esprit, de la manière de négocier avec les Souverains.

2126. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article »

Ce Voyageur ne semble avoir couru le monde que pour instruire les Commerçans, & plus particuliérement encore les Joailliers.

2127. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 400

Ces Ouvrages offrent de temps en temps quelques traits heureux, peu propres toutefois à soutenir une réputation dans le monde littéraire.

2128. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Ce ne sont plus seulement des femmes du monde et d’un rang distingué, comme on disait, qui se délassent de la sorte ; ici comme ailleurs il n’y a plus de rang, et la démocratie coule à pleins bords. […] Le regard se promène avec dédain ou sérénité sur le monde, l’intelligence des choses n’a jamais été si limpide ; mais où est la vie, où est l’amour ?

2129. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

La Revue des Deux Mondes, venue à un moment où cette faculté de jeune et active union était déjà perdue, a essayé du moins d’en ressaisir et d’en sauver les débris. […] Il y a eu pourtant à cela bien des exceptions fermes, énergiques, et plus d’un auteur ne serait pas, je le crois bien, de cet avis, qu’il n’y a pas eu assez de critique jusqu’ici dans la Revue des Deux Mondes.

2130. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

En voici le résumé : « Aujourd’hui les destinées de l’homme et de l’humanité s’agitent ; elles sont représentées par le pays qui a toujours marché à la tête de la civilisation moderne, en sorte que, si ces destinées peuvent être trouvées par la France, elles le seront pour l’Europe et pour le monde entier. […] « La science moderne, en fouillant cette terre, a découvert les restes informes de races d’hommes, d’espèces informes aussi, immenses ; … d’autres mondes, d’autres globes existent, auprès desquels celui-ci n’est rien… Les royaumes se succèdent et se détruisent ; une civilisation est remplacée par une civilisation.

2131. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

La politique, il est vrai, est au-dessus et peut avoir l’œil sur toute chose ; mais se soucie-t-elle de ce monde léger dont chaque plume n’est rien, dont toutes les plumes toutefois finissent par peser et comptent ? […] Le Play le problème pour une des futures livraisons des Ouvriers des Deux Mondes… 8.

2132. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Les Anglais se transportent dans le monde idéal de la poésie, mais ils ne mettent presque jamais de chaleur dans les écrits qui portent sur les objets réels. […] On applique en Angleterre l’esprit des affaires aux principes de la littérature ; et l’on interdit dans les ouvrages raison nés tout appel à l’émotion, tout ce qui pourrait influencer le moins du monde le libre exercice du jugement.

2133. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Quand vous avez fait, comme élève de William Schlegel, une Leçon sur la comédie ; quand vous avez écrit, comme émule de Jean-Paul, des Pensées sur la poésie comique, nous avons bien vu que vous vous moquiez du monde, assez maladroitement, il est vrai, avec un mélange d’idées graves et sensées qui plusieurs fois nous a fait douter de vos intentions ironiques. […] Quand Goethe déclare que « Klopstock n’avait aucun goût, aucune disposition pour voir, saisir le monde sensible, et dessiner les caractères », quand il trouve ridicule cette ode où le poète suppose une course entre la Muse allemande et la Muse britannique, quand il ne peut supporter « l’image qu’offrent ces deux jeunes filles courant à l’envie à toutes jambes et les pieds dans la poussière » : à ce moment-là Goethe est moins content, moins heureux, il jouit moins du plaisir de vivre, du bonheur de sentir que madame de Staël, qui traduit avec enthousiasme cette même ode, et déclare fort heureux tout ce que Goethe trouve ridicule.

2134. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Je suis, il est vrai, présentement au service de ce catalogue de la gloire du monde, mais je suis encore plus dévoué aux gentilshommes de mérite et de vaillance comme est votre seigneurie ; aussi je m’offre à elle, à sa maison, à sa table, à son office, à ses fourneaux, si elle daigne m’accepter. […] Où en est venu le monde ?

2135. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Jules Lemaître avouait qu’il avait forcé la note en parlant dans son étude sur Verlaine, des « ahuris » du symbolisme et Brunetière se mettait à les discuter dans la Revue des Deux Mondes avec une doctorale gravité. […] Les chroniques très suivies de Jean Lorrain avaient acquis au rite nouveau le monde des boulevards, des coulisses et des palace-hôtels.

2136. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Otsouka, reconnut que c’était une écritoire du xviie  siècle — personne au monde n’ayant un soupçon de la main illustre qui avait fabriqué cette curiosité. […] Il sut ainsi que le 14e jour du 12e mois, était le jour du grand nettoyage, et que ce jour le monde s’enivre et dort de fatigue.

2137. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Abailard, dégoûté du monde, des moines & de l’école, reste à Cluni, pour y vivre dans une solitude profonde. […]         Le monde, en lui, regrette Homère, Les François, leur soleil : mais cet astre éclatant         Est parmi ceux du firmament.

2138. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Du Spectateur anglois sont sortis le Spectateur françois de Marivaux, écrit avec trop d’affectation ; le Misantrope de Van Effen, qui dit des vérités utiles ; la Spectatrice Danoise, par M. de la Baumelle, qui a des meilleurs titres pour plaire aux gens de goût ; le Nouveau Spectateur, par M. de Bastide qui, avec de l’esprit, n’a pas pu égaler l’ancien ; le Monde, par le même, ouvrage périodique de morale critique, où l’on trouve des morceaux intéressans. […] Certains portraits satyriques, & un caractère de galant homme & d’homme du monde, ont fait le succès de ce livre.

2139. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Or, précisément, au milieu de ces événements qui ébranlaient le monde jusque dans sa raison, et qui semblaient pourtant moins une réalité qu’une fantasmagorie, on vit une singulière amazone qui n’était pas une bohème, celle-là, car elle était princesse ; elle était de la race de celles à qui les révolutions coupent très bien la tête, et qui venait par curiosité exposer la sienne. […] Cette cosmopolite qui n’est bien nulle part, pas même dans cette Asie, ce climat-palais où elle s’est retirée, cette cosmopolite qui n’est plus folle du Cosmos maintenant, et qui souffre de cette goutte d’infini que nous avons tous dans la poitrine et que tout un monde ne contiendrait pas, oublierait l’Europe sans les contrastes qui la lui rappellent ; et proscrite de tout, même de la sphère de l’esprit, dans son livre, s’y résigne avec une facilité plus rare et plus charmante que l’esprit même, tant celui qu’elle avait autrefois, elle y vise peu maintenant, et l’a peut-être, en Europe, oublié !

2140. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

C’est mettre quelque chose dans nos âmes qui n’y était pas… Saint-Victor, qui nous apprend Eschyle aujourd’hui, dans son premier volume, devient, en vertu de la faculté caméléonesque du talent regardant le génie, une espèce d’Eschyle, éclosant et fleurissant dans les racines du vieux tragique immortellement épanoui, et tellement que si, par miracle, le vieux Eschyle revenait au monde et qu’il lût le commentaire de Paul de Saint-Victor, il dirait comme Galathée, sortie de son état de marbre et touchant la poitrine de l’idolâtre Pygmalion : « C’est encore moi ! » Et ce qu’il a fait pour Eschyle, il l’a fait pour le monde tout entier de dieux et de héros qui précéda Eschyle et qui le produisit, splendide résultante poétique !

2141. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Statue de cloître pour le monde moderne, qui semble n’avoir guère le temps de la regarder. […] Il appartenait à la noblesse inférieure de Castille, mais la flamme épurée de la sainteté avait dévoré de bonne heure les grâces de l’homme du monde, Et consumé le bois du sacrifice austère !

2142. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

— le monde et les mois de la Révolution française dans le monde d’Athènes et de Rome, ce que Chateaubriand fît aussi dans son Essai sur les Révolutions et ce qui devint chez Desmoulins un procédé presque monotone, tout cela suffit-il pour mériter réellement ce nom glorieux de grand artiste qu’on lui prodigue ?

2143. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Il avait la netteté positive et profonde des esprits italiens, qui sont, pour moi (preuve l’ancienne Rome et la cour pontificale romaine), les premiers politiques du monde. […] Un peu gravé de cette horrible petite vérole philosophique, du moins il n’en mourut pas ; car il faut bien qu’on le sache, cet Arlequin d’abbé philosophe est mort en chrétien… Il a trompé son monde, comme Littré.

2144. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

Elle était la fille légitime de l’Église, qui, pour le chrétien, est Dieu sur la terre, et elle fut la plus grande et la plus puissante de toutes les monarchies du monde tout le temps qu’elle eut le profond respect de sa mère… Pour Maurice de Bonald, le mal qui prit la monarchie et dont elle est absolument morte, si Dieu ne la ressuscite pas par des moyens présentement inconnus à toute prévoyance humaine, n’est pas d’hier. […] Seulement il en ressort, avec une netteté qui effraye, que s’il y a jamais une monarchie dans l’avenir ce ne pourra être que la monarchie fille aînée de l’Église, redevenue soumise et obéissante à sa mère, sous peine de n’être qu’une face retournée de la Révolution qui n’a pas fini de bouleverser le monde, et elle ne sera rien de plus qu’une monarchie de passage, qui s’en ira et disparaîtra avec les autres au premier souffle de cette révolution qui est le génie infatigable des tempêtes !

2145. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Et quand il s’agit de se prononcer sur la valeur du système représentatif qui règne à présent sur le monde, Armand Hayem, qui sera quelque jour un homme politique, se dérobe une fois de plus, si bien qu’en résumé et partout, sur toutes les questions, son Mémoire, fait pour une académie devant laquelle il savait bien qu’il parlait et dont il a fait un livre après coup, n’est absolument rien de plus qu’une vaste pierre d’attente à base tremblante, et pourrait s’appeler, pour la peine de l’avoir écrit, la philosophie et la politique de l’ajournement. […] Gymnastiques des esprits robustes, les métaphysiques n’en sont pas moins, depuis que le cerveau du monde a commencé de respirer, un effort fatal et vain de la force intellectuelle de l’homme.

2146. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

, mais Musset sous un jour nouveau, abordant, avec l’air cavalier du dandy moderne, le monde antique si imposant et si grandiose, même alors qu’il va s’écrouler. […] dont l’amant se fait gladiateur et se trouve en face d’un inceste quand il s’agit d’épouser la femme qu’il aime… Mais cette histoire, qui aurait pu être dramatique et touchante, surtout à l’heure où le christianisme, sortant comme une aurore des Catacombes, commençait de jeter, avec ses premiers rayons, dans les âmes, les troubles d’une vertu et d’une pudeur inconnus à cet effroyable monde romain qui finissait, cette histoire n’est pour Bouilhet qu’un prétexte : son vrai but, c’est de nous décrire le luxe inouï et les derniers excès d’une société dont les vices sont restés l’idéal du crime, et qui tombe, ivre-morte du sang dont elle a nourri ses murènes, sous la table de Lucullus.

2147. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Écrite en provençal, dans ce langage qui semble l’écho de tous les dialectes du monde italique, cette longue bucolique, où l’air qui vient de Grèce sur les flots de la Méditerranée a déferlé et se maintient grec sur les larges pipeaux de ce singulier pâtre du pays des Troubadours, peut soulever plus d’une question, mais non celle du talent. […] Tel est le fond du poème, tel est le motif de roman ou de romance qui, par le détail, devient épique et qui fait jaillir de la pensée du poète tout un monde grandiose, passionné, héroïque, infini, où passent des lueurs à la Corrége sur des lignes à la Michel-Ange !

2148. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Le La Bruyère qui écrira cette page d’observation terrible n’est peut-être pas né, mais tous ceux qui sentent en eux la conscience forte et tressaillante de la société où ils vivent savent si l’histrionisme nous dévore, et peuvent se demander, en lisant des œuvres poétiques comme ce dernier volume, si la fin de notre monde littéraire doit avoir lieu dans un cabotinage universel. Moralité, préoccupation, métaphores, tout dans ce livre est tiré du monde artificiel des planches, l’idéal de la vie et de l’art pour tant de folles imaginations !

2149. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

C’est un échantillon du monde entier, du monde civilisé du moins.

2150. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Leur cendre disparaît, et leur âme circule encore dans le monde. […] Il était en commerce avec les savants de toutes les parties du monde.

2151. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Il n’en fut pas ainsi : la Providence empêcha que le monde ne retombât dans la communauté des biens qui avait caractérisé la barbarie de premiers âges, en assurant par la forme même du gouvernement aristocratique la certitude et la distinction des propriétés. […] Ce qui donna aux Romains la plus sage de toutes les jurisprudences, est aussi ce qui fit de leur Empire le plus vaste, le plus durable du monde.

2152. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Les poésies homériques, incontestables d’antiquité et de génie, quel qu’en soit l’auteur, supposent, avant elles, un monde déjà poétique, des fêtes religieuses, des chants, des oracles, tout ce mouvement lyrique naturel à l’âme humaine quand elle s’élève ou se passionne. […] On sait combien ces fabrications antidatées, que la science moderne même ne prévient pas parmi nous, étaient communes dans les derniers âges du monde grec et romain.

2153. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 543

Son nom est connu dans le Monde Littéraire par une Histoire de l’Anatomie en six volumes, qui a essuyé des critiques assez ameres.

2154. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Des Essarts, Alfred (1811-1893) »

. — La Comédie du monde (1851). — La Guerre des frères (1867). — De l’aube à la nuit (1882).

2155. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Goujon, Louis »

Je parcours le recueil : c’est tout un monde bourguignon, des souvenirs du cru, des amitiés d’enfance, des paysages naturels, de riches aspects qu’anime la Saône… Quelques stances sur la Beauce à M. 

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