L'Abbé Terrasson avoit beaucoup d'esprit, en effet, mais il l'appliqua aussi mal en littérature qu'en finances.
Que de tableaux à tracer depuis le pasteur du hameau, jusqu’au pontife qui ceint la triple couronne pastorale ; depuis le curé de ville, jusqu’à l’anachorète du rocher ; depuis le Chartreux et le Trappiste, jusqu’au docte Bénédictin ; depuis le missionnaire et cette foule de religieux consacrés aux maux de l’humanité, jusqu’au prophète de l’antique Sion !
En attendant ce feuillet, permettez, pour le soulagement de ma conscience tourmentée de remords, que je réclame ici contre tout ce que j’ai dit soit en bien, soit en mal.
Le particularisme des Baillard supporte mal l’immixtion du prélat dans leurs affaires. […] Ne disons pas trop de mal de l’érudition ni de la bibliographie : elles sont fort utiles. […] Athènes n’a pas mal fait de donner la ciguë au trop sage Socrate. […] Sauf le soupir et le mal de mes fautes, quelle trace me reste-t-il de ma jeunesse ? […] Que cela t’a mal réussi de vouloir devenir un homme d’Occident !
Rivarol traduit l’Enfer, tant bien que mal, vers la fin du siècle. […] Un valet qui sert les vices de son maître pèche s’il veut favoriser le mal, non, s’il n’a en vue que le gain. […] Mais Mme de Pompadour elle-même l’abandonna, se lassant de protéger un homme si mal vu. […] Ce fanatique de Gluck, de Beethoven et de Weber, ne plaçait pas trop mal non plus ses admirations littéraires. […] Ce n’est pas si mal, pour l’époque.
Toutefois Gordon est fort mal représenté dans le livre de M. […] Ces sortes de comparaisons, si elles sont très sottes, ne font aucun mal. […] Le pays a été mal traité : il est pauvre et misérable. […] Pour lui, l’origine du mal c’est l’accumulation de la richesse. […] Balfour, au sujet de sa contrainte, et de l’activité avec laquelle l’Irlande est mal gouvernée.
L’ascète est moins mal venu à mettre, sous ses pieds nos affections et nos plaisirs, quand nous le voyons traiter de la même manière les causes de nos souffrances. […] Voilà un grand mal pour nous ! […] Et cela la détourna de mal faire. […] L’ensemble de son œuvre ne serait pas mal intitulé : « Suite de paradoxes sur la littérature française. » Ce prétendu « immuable » s’est d’ailleurs beaucoup modifié en vingt ans. […] Il pouvait mal tourner.
L’une l’entend trop bien pour en dire du mal, L’autre l’entend trop mal pour en dire du bien. […] Le style de l’auteur n’est ni assez coulant, ni assez simple ; les métaphores hardies, qui ne doivent se trouver dans un Ouvrage que comme les dissonances dans un morceau de musique, y dominent ; & quelquefois ces métaphores sont, ou mal soutenuës, ou trop étrangeres. […] Il lui prête même quelquefois un langage un peu plus philosophique qu’il ne l’a dans la naïveté du texte, & ce n’est pas un mal. […] Il est bien éloigné de ce style prosaïque, froid & négligé, que nous confondons mal à propos avec le style simple & naturel qu’exige l’églogue en général. […] Tous les gens de goût en ont dit du mal.
Si des règles de conduite presque identiques se tirent tant bien que mal de principes aussi différents, c’est probablement qu’aucun des principes n’était pris dans ce qu’il avait de spécifique. […] Mais tout conspire à encourager l’interprétation fausse : un amour-propre mal placé, un optimisme superficiel, une méconnaissance de la vraie nature du progrès, enfin et surtout une confusion très répandue entre la tendance innée, qui est transmissible en effet du parent à l’enfant, et l’habitude acquise qui s’est souvent greffée sur la tendance naturelle. […] Aujourd’hui l’on mettrait volontiers sur leur compte les maux dont nous souffrons. […] Elle en donnera surtout envie à des générations nouvelles, qui n’auront pas fait l’expérience des anciens maux, et qui n’auront pas eu à peiner pour en sortir. […] Ici encore la croyance à l’hérédité de l’acquis a fait beaucoup de mal.
Il y en aurait plutôt dans certaines incorrections grammaticales, dans quelques-unes de ces négligences de rime et de langue, que le poëte (a dit autrefois Nodier) semble jeter de son char à la foule en expiation de son génie, et qu’en prenant une plus pastorale image je comparerais volontiers à ces nombreux épis que le moissonneur opulent, au fort de sa chaleur, laisse tomber de quelque gerbe mal liée, pour que l’indigence ait à glaner derrière lui et à se consoler encore. […] Quant au vicaire (curate), il est admirable et touchant de vérité naïve : sa science dans les classiques grecs ; sa pauvreté, la maladie de sa femme ; ses quatre filles si belles et si pieuses, ses cinq fils qui s’affligent avec lui ; ce mémoire de marchand, entre deux feuillets, qui le vient troubler au milieu du livre grec qu’il commentait dans l’oubli de ses maux ; sa joie simple, triomphante, un matin qu’il a lu au réveil et qu’il annonce à sa famille qu’une société littéraire (il le tient de bonne source) se fonde enfin, pour publier les livres des auteurs pauvres ; toutes ces petites scènes successives composent un ensemble fini qui ne peut être que de Wilkie ou de Crabbe. […] Or, Wordsworth nous parle ainsi de la cabane du Highlander : Elle est bâtie en terre, et la sauvage fleur Orne un faîte croulant ; toiture mal fermée, Il en sort, le matin, une lente fumée, (Voyez) belle au soleil, blanche, et torse en vapeur ! […] Dans la région où Jocelyn habite, à la hauteur de Valneige, le mal cesse par degrés ; les miasmes des villes expirent et se dissipent dans cet air vif des sapins et des mélèzes.
C’est la rosée du matin que le soleil du jour n’a pas encore pompée, et qui même après qu’elle a été bue par les rayons, laisse au fond du calice quelques gouttes mal séchées qui gardent encore un arrière-goût de rose mouillée. […] C’est là que je vivais à quinze ans entre un père militaire, une mère jeune encore et belle comme la mémoire mal voilée de son matin, et cinq sœurs groupées autour d’elle selon leurs âges différents comme des anges échelonnés sur les degrés de l’échelle de Jacob. […] écrivait-elle peu d’années avant la Révolution, pourquoi me flatterais-je d’un tel espoir, tandis qu’un mal affreux me dévore (elle était attaquée d’un cancer au sein) et me ravit jusques au calme du sommeil ? […] « Honni soit qui mal y pense !
Le mal d’Obermann, c’est que ne croyant plus à la religion, ne pouvant rien par sa raison, il s’épuise, se ronge, use sa vie dans l’ennui ; il n’agit point, parce que la vie et le but de la vie lui sont incompréhensibles. Il ne trouve enfin d’autre action possible que l’action littéraire, qui consiste à décrire son mal. […] « On met bien du noir sur du blanc en douze heures, petite sœur, écrivait-il, et, au bout d’un mois de cette existence, il y a pas mal de besogne de faite. » Il se couche à six heures, « avec son dîner dans le bec », il se lève à minuit, prend du café, et travaille jusqu’à midi. […] Ses jeunes filles sont des répliques de l’ingénue banale ; il les a tirées de la même armoire que Scribe : de fades poupées, modestes, patientes, aimantes : la vertu, comme la grâce, réussit mal à Balzac ; son génie commence à la vulgarité et au vice.
De plus, nous n’avons de ces Mémoires qu’une seconde rédaction, et qui date de 1817, d’une époque où il était utile de penser et de dire du mal du demi-dieu déchu. — Mais, d’abord, il n’est nullement prouvé que Mme de Rémusat eût contre l’empereur le genre de griefs qu’on a dit : ce n’est qu’une supposition de notre malignité. […] Parce que, dans la situation unique qu’il occupait sur la planète et que ses origines rendaient plus extraordinaire, la mesure du bien et du mal ne devait pas lui sembler la même pour lui que pour les autres hommes. […] Mais, prenez garde, elle ne s’appliquerait pas mal à Frédéric II ou à Catherine de Russie. […] Il ne m’eût pas déplu, d’abord, que le poète éliminât de son paradis l’amour charnel, parce que c’est un bien trop douteux, trop rapide, mêlé de trop de maux, précédé de trop de trouble, suivi de trop de dégoût… J’ose presque dire que M.
Après Marot, que la Réforme avait si mal à propos occupé de querelles théologiques et dont elle avait gâté le génie en lui faisant traduire en vers enfantins les magnifiques pensées des livres saints, deux sortes de poètes se partagent la faveur de la cour de Henri II. […] Singulier temps que celui où l’on voit un homme d’Église dire du mal de Rome, et s’excuser des négligences de ses poésies par la violence de ses tourments amoureux ! […] Puis il prie les anges de lui inspirer un peu de leur esprit, afin, dit-il, … qu’à vue ouverte Je puisse avoir vesrité découverte, Pour faire entendre à tout le moins aux miens La différence et des maux et des biens ; Et comme ils sont l’autre et l’un desguïsés Pour imposer mesme aux plus advisés ; Car ce savoir sans autre art et estude Est le chemin de la béatitude. […] Ses vers si fort admirés, et ses préceptes si obéis, attirèrent les esprits à ces études fécondes où nous devions prendre le goût d’ouvrages plus parfaits que les siens ; cet enthousiasme, même mal exprimé, pour ce qui a fait depuis lors le fond de notre éducation intellectuelle, a de la vie.
Et malgré les souvenirs parfois du mal, la discrète joie s’affermit ; des ondées scintillent ; rappel d’heureux passés, imaginations gaies ? […] mais parce que toi même le veux ; et ce mal, qui doit être, n’est un mal que si tu le veux ! […] Tandis que les Italiens improvisaient quelques agréables sentimentalades, tandis que Boïeldieu prostituait le vénérable opéra-comique de Grétry, le vidant de toute signification émotionnelle, Meyerbeer reprenait plus habilement la besogne que Berlioz avait mal exercée.
Lundi 19 février Excelsior à l’Eden, un ballet, qu’on pourrait appeler le ballet de la danse de Saint-Guy, huit cents jambes perpétuellement en l’air, dans des flamboiements et des paillons de verre de kiosques chinois, dans des feux de Bengale canailles : — une frénésie de mouvement, vous donnant une courbature, parmi de la lumière faisant mal aux yeux, comme si, on avait, trois heures, l’œil à un kaléidoscope, vigoureusement secoué. […] C’est pas mal gênant sur un chemin de fer, où à chaque station peut monter quelqu’un qui vous apostrophe par : « Ah ! […] Je dors mal. […] Dimanche 26 août J’ai des lâchetés de vouloir, quand les choses me demandent de la locomotion, des lâchetés, comme on en a dans le mal de mer.
S’il parvient dans la Légende des siècles à faire passionnément déclamer Dieu, saint Jean, Mahomet et Charlemagne, le Cid, les conseillers du roi Ratbert, des thanes écossais, une montagne et une stèle, on peut en conclure sa grande souplesse d’esprit, et aussi l’intérêt mal concentré, superficiel et passager, qu’il porte à toutes ces ombres et ces symboles. […] Il n’est pas en somme, dans toute l’œuvre du poète, des sujets aux péripéties, de la psychologie à la philosophie, une pensée qui ne soit prise à la foule ou aux livres, qui ne doive être tenue pour inadéquate ou mal conçue. […] Une merveilleuse puissance verbale, abondante, fertile, colorée, sans cesse renaissante et variée comme un fouillis de lianes ; sous ce revêtement une pensée simple, nue, énorme, brute et à gros grains, comme un entassement de rocs ; l’on aura là une image approchée des livres du poète, l’enchevêtrement luxuriant de sa forme, sur l’édifice grandiose de ses simples et énormes idées, tout le déploiement de ses livres hérissés et fleuris, érigés en gros blocs friables et mal assemblés. […] Mais il est un domaine où le vulgaire ne peut même le mal renseigner.
Ce n’est point un enfant, parce qu’il a dix ans de moins qu’elle, mais parce qu’il n’a ni force de volonté, ni principe, ni manière à lui de concevoir la vie, ni rien, enfin, de ce qui constitue en bien ou en mal la virilité morale d’un homme. […] C’est le mariage, la racine de tous les maux, le mariage indissoluble, imprévoyant, sacrilège envers la sainte et libre nature, et que les écrivains comme M. […] Le Manfred bourgeois croisé de Werther, qu’il a appelé Daniel, ne sera pas la floraison et l’épanouissement d’une branche de plus sur cette vieille souche de types connus et coupables, et qu’il faut à présent couper au ras de terre pour tout le mal qu’elle nous a fait. […] Tous les héros de roman sont des héros, soit dans le mal, soit dans le bien, et ils doivent l’être… C’est de poétique éternelle, quel que soit leur costume ou leur destinée, depuis César Birotteau, le parfumeur, jusqu’au duc de Nemours de La Princesse de Clèves, depuis Vautrin, le voleur, jusqu’à Julien Sorel, l’ambitieux et l’hypocrite, comme le cardinal de Retz à dix-huit ans.
., que l’éclectisme a toujours mal menés et méprisés avec hauteur.
Des vers ne se discutent pas, et la prose est mal venue à vouloir en reproduire l’impression ; mieux vaut en donner un échantillon.
Parodi ; la facture de ses drames rappelle celle de Severo Torelli ou des Jacobites : c’est dire que les procédés des dramaturges de la période romantique y sont pastichés moins mal que dans Par le glaive ; aussi, comme M.
On rapporte que ce Comédien s’étant un jour trouvé mal dans l’appartement du Roi, à cause de la chaleur extrême, occasionnée par un grand feu, le Monarque prit lui-même la peine d’ouvrir une fenêtre pour lui procurer de l’air.
Il avoit principalement le talent d’exprimer avec grace jusques aux plus petites choses : « C’est en quoi, disoit* Boileau, il ressemble mieux aux Anciens, que j’admire sur-tout par cet endroit ; plus les choses sont seches & mal aisées à dire en Vers, plus elles flattent quand elles sont dites noblement & avec cette élégance qui fait proprement la Poésie ».
Duclos, son ami, l’un de ceux qui ont le mieux parlé de lui, et dont la brusquerie habituelle s’est adoucie pour le peindre, a dit : « De la naissance, une figure aimable, une physionomie de candeur, beaucoup d’esprit, d’agrément, un jugement sain et un caractère sûr, le firent rechercher par toutes les sociétés ; il y vivait agréablement. » Marmontel enfin, moins agréable cette fois que Duclos, et avec moins de nuances, nous dit : « L’abbé de Bernis, échappé du séminaire de Saint-Sulpice, où il avait mal réussi, était un poète galant, bien joufflu, bien frais, bien poupin, et qui, avec le Gentil-Bernard, amusait de ses jolis vers les joyeux soupers de Paris. » Cette figure ronde et pleine, cette belle mine rebondie et à triple menton, qui frappe dans les portraits de Bernis vieilli, il la prit d’assez bonne heure : mais d’abord il s’y mêlait quelque chose d’enfantin et de délicat ; et toujours, jusqu’à la fin, le profil gardera de la distinction et de l’élégance : le front et l’œil sont très beaux. […] Dans quelques épîtres, il y a d’assez jolis passages, et qui le peignent, sur l’ambition, sur la paresse : Qui sait, au printemps de son âge, Souffrir les maux avec courage A bien des droits sur les plaisirs. […] On veut trop faire fortune aujourd’hui, et on craint trop de la perdre quand on l’a faite : c’est le mal général qui afflige aujourd’hui l’Europe ; car, Dieu merci, on a beau dire, nous ne sommes pas les seuls qui méritions des reproches.
Lavallée, en étudiant Mme de Maintenon, ce qui arrivera à tous les bons esprits encore prévenus (et j’en rencontre quelquefois de tels) qui approcheront de cette personne distinguée et qui prendront le soin de la connaître dans l’habitude de la vie : je ne dirai pas qu’il s’est converti à elle, ce serait mal rendre l’impression simplement équitable que reçoit un esprit droit ; mais il a fait justice de cette foule d’imputations fantastiques et odieusement vagues qui ont été longtemps en circulation sur le prétendu rôle historique de cette femme célèbre. […] Mme de Maintenon avait rêvé une maison qui ne ressemblât à nulle autre, où l’on fût régulier sans y être tenu par des vœux absolus, où l’on n’eût rien des petitesses et des minuties des couvents, où l’on en gardât pourtant la pureté et l’ignorance du mal, en participant d’ailleurs avec prudence, et sous la réserve chrétienne, à toute la fleur de la politesse et du monde. […] Vous ne voyez point en France de livres où l’on traite si mal nos femmes du Septentrion.
Mon oreille est blessée, mon âme est malade de ce que j’apprends chaque jour des maux et des outrages dont la terre est remplie. […] Et toujours aimer, bien qu’accablée de maux, dans l’hiver des ans ne sentir aucun froid de cœur, pour moi c’est être la plus aimable toujours, Ma Marie25 ! […] Newton, et aux exemples qu’on lui alléguait de cas plus ou moins semblables au sien, et qui avaient été restaurés et guéris, il répliquait : « Ce n’est point là exactement mon mal, et je suis une exception. » Dans cette désespérance entière de lui-même, voyant son nom définitivement rayé du livre de vie, religieux et chrétien comme il était, on peut juger de son angoisse et de sa dépression mortelle.
Si l’on y regarde bien, il en est plus ou moins toujours ainsi : à chaque époque, quelles que soient les réputations régnantes et les vogues qui paraissent tout envahir, il y a toujours dans la diversité des esprits un nombre suffisant de contradicteurs, de critiques qui voient juste ; seulement, ils n’écrivent pas, on ne les imprime pas, ou quand ils écrivent, ils écrivent souvent mal, hors de portée et hors de saison, ils mêlent à leurs vérités des choses inutiles, ils sont à contretemps, comme l’est ici ce sieur de Girac qui s’en va dire la vérité sur Voiture, mais en latin, ou, quand il écrira ensuite en français, qui la dira dans un style chargé de latinismes et à la mode du xvie siècle. […] » Dans les lettres badines même il trouvait trop de familiarité et de sans-gêne, et du mauvais goût à plaisanter sur certains sujets, comme lorsque Voiture parle de ses clous à Mme la princesse et à Chapelain, et qu’il nomme de vilains petits insectes qui font mal au cœur. […] Costar n’a fait que copier ses recueils ; qu’il applique très mal un passage de Tacite. » — Et un autre chapitre : « Que M.
Le marquis de Mirabeau a une théorie du mal écrire et de l’incorrect qu’il pratique assidûment. […] Car notez que Louis XIV avait opéré une centralisation qui n’était complète que de son vivant et grâce à son prestige personnel ; mais, sous des souverains apathiques ou faibles, on retombait après lui dans la confusion d’un régime mal défini, à demi centralisé, trop ou trop peu : il fallait aller plus loin et poursuivre, ou revenir en deçà. […] La façon de penser des autres ne m’a jamais conduit : si je m’en suis mal trouvé du côté de la fortune, j’ai toujours pensé qu’un homme de qualité était au-dessus d’elle ; et, du moins, cela m’a-t-il toujours attiré de ces attentions de société qui ne dépendent que de nous.
C’était peut-être une injustice pour quelques-unes de ces versions qui pouvaient donner une certaine idée de l’auteur latin, en attendant mieux ; et, comme il le disait naïvement en une de ses préfaces : « Si je n’ai pas rendu en cela un grand service au public, je crois facilement aussi que je ne lui ai pas fait beaucoup de mal. » Il écrivait ces paroles d’innocence dans la préface de son Tibulle, en 1653, et s’y plaignait dès lors du peu de cas qu’on faisait de son travail, du malheur de n’avoir point pour amis « ceux qu’on tenait pour arbitres de la réputation des livres », et du silence barbare qu’affectaient de garder au sujet de ses productions quelques personnes sur l’amitié desquelles il avait cru pouvoir compter. […] Colbert, il le définissait très bien en peu de mots : C’est un écrivain rapide, dont le style est ce qu’il a de moins mauvais ; il n’est pas sans savoir, mais il est sans aucun jugement, traduit mal, ne fait rien raisonnablement que les généalogies. […] Chapelain donc, écrivant au docte Nicolas Heinsius, « secrétaire latin de messieurs des États à la Haye », portait ce jugement péremptoire qui embrassait et sapait l’entreprise du fécond traducteur dans les douze premières années, qui sont encore les moins mauvaises de toutes (2 janvier 1659) : Cette traduction française de Stace par l’abbé de Marolles est un de ces maux dont notre langue est affligée.
L’auteur vient de parler des vexations et des procédés brutaux qu’il eut à essuyer de la part des Prussiens dans son domaine d’Alsace, à Brumath ; cela le conduit à une réflexion fort sage : « De ces excès, dit-il, dont aucune armée n’est innocente, soit qu’ils empruntent de la main lourde et de l’intelligence lente des Autrichiens un caractère de petitesse et de détail, à la fois étouffant et solennel ; soit que la demi-civilisation du Russe leur imprime une fourberie raffinée ou une violence sauvage ; soit que le Prussien y mette sa hauteur et sa prétention ; soit enfin que la malice et la moquerie rendent insupportables les ingénieux tourments que le Français sait infliger à ses victimes, je ne veux tirer qu’une conséquence : c’est que la guerre, quelquefois si légèrement commencée, laisse aux intérêts et aux amours-propres des plaies qu’un siècle cicatrise à peine. « C’est grand pitié que de la guerre : je croy que si les sainctz du paradis y allaient, en peu de temps ils deviendraient diables », dit Claude Haton en 1 553 déjà. » 1815 vient renflammer les plaies et aggraver tous les maux. […] ) » Du même Jouy, il disait encore : « Pour lui, il ne sait jamais s’il a bien ou mal fait ; il écoute toutes les critiques et efface tout ce qu’on veut. […] Lui-même il n’écrit pas mal, il n’écrit pas bien non plus ; il semble, à un moment, d’après Cuvier, prêt à abjurer la rhétorique, puis tout aussitôt les fausses fleurs reviennent et abondent sous sa plume.
Il avait mal au foie quand il lui convenait, et c’était, selon lui, « le premier devoir d’un diplomate, après un congrès, de soigner son foie ». […] Sa vie de jeu, d’indolence et de loisir s’accommodait mal de cette application obligée de chaque heure et de chaque instant, et elle lui permettait tout au plus de l’activité par veine et intermittence. […] Il a fait un tel temps depuis quinze jours que je ne sais si les eaux m’ont fait du bien ou du mal. — Pauline37 a été mon seul plaisir.
Pline le Jeune, parlant d’un vieux et aimable rhéteur, Isée, qui avait un prodigieux talent de parole et d’amplification, une élégance et une pureté de diction réputée attique, ajoute : « Il a plus de soixante ans, et il n’en est encore qu’à s’exercer au sein des écoles ; c’est dans cette classe d’hommes qu’on trouve le plus de simplicité, de sincérité et de bonté pure ; car, nous autres, qui passons notre vie au barreau et dans les contestations réelles, nous y apprenons, bon gré, mal gré, beaucoup de malice32. » Gresset, même dans le temps de ses plus grandes malices, fut toujours un peu un homme de cette nature, un scholasticus comme Pline le dit en bonne part du rhéteur Isée, et comme Voltaire l’a dit moins bénignement de lui dans ces vers si connus : Gresset doué du double privilége D’être au collége un bel-esprit mondain, Et dans le monde un homme de collége. […] M. de Cayrol, qui n’entend pas contradiction sur son héros, traite fort mal M. de Feletz, pour avoir osé mettre en doute l’agrément de Gresset en prose ; il me semble qu’au moment où il plaidait pour les agréments d’un autre, le digne biographe l’aurait pu faire en un style plus persuasif et mieux assorti ; pour moi, en ces matières d’urbanité, je suis accoutumé à reconnaître M. de Feletz comme un excellent juge. […] Chargé en 1754 de recevoir D’Alembert à l’Académie, il trouva moyen, à propos de l’évêque de Vence qu’on remplaçait, de faire une critique des prélats de cour qui ne résidaient pas ; l’occasion était mal choisie, et l’on dit que, lorsqu’il alla ensuite à Versailles pour présenter au roi son discours, Louis XV, qui le crut esprit-fort, lui tourna le dos.
En 1751, d’Argenson écrivait sur son journal : « Rien ne les pique aujourd’hui des nouvelles de la cour ; ils ignorent le règne… La distance devient chaque jour plus grande de la capitale à la province… On ignore ici les événements les plus marqués qui nous ont le plus frappés à Paris… Les habitants de la campagne ne sont plus que de pauvres esclaves, des bêtes de trait attachées à un joug, qui marchent comme on les fouette, qui ne se soucient et ne s’embarrassent de rien, pourvu qu’ils mangent et dorment à leurs heures733. » Ils ne se plaignent pas, « ils ne songent pas même à se plaindre734 » ; leurs maux leur semblent une chose de nature, comme l’hiver ou la grêle. […] On rappelle les exploits de Mandrin en 1754756, sa troupe de cent cinquante hommes qui apporte des ballots de contrebande et ne rançonne que les commis, ses quatre expéditions qui durent sept mois à travers la Franche-Comté, le Lyonnais, le Bourbonnais, l’Auvergne et la Bourgogne, les vingt-sept villes où il entre sans résistance, délivre les détenus et vend ses marchandises ; il fallut, pour le vaincre, former un camp devant Valence et envoyer 2 000 hommes ; on ne le prit que par trahison, et encore aujourd’hui des familles du pays s’honorent de sa parenté, disant qu’il fut un libérateur Nul symptôme plus grave : quand le peuple préfère les ennemis de la loi aux défenseurs de la loi, la société se décompose et les vers s’y mettent Ajoutez à ceux-ci les vrais brigands, assassins et voleurs. « En 1782, la justice prévôtale de Montargis instruit le procès de Hulin et de plus de 200 de ses complices qui, depuis dix ans, par des entreprises combinées, désolaient une partie du royaume757. » — Mercier compte en France « une armée de plus de 10 000 brigands et vagabonds », contre lesquels la maréchaussée, composée de 3 756 hommes, est toujours en marche. « Tous les jours on se plaint, dit l’assemblée provinciale de la Haute-Guyenne, qu’il n’y ait aucune police dans la campagne. » Le seigneur absent n’y veille pas ; ses juges et officiers de justice se gardent bien d’instrumenter gratuitement contre un criminel insolvable, et « ses terres deviennent l’asile de tous les scélérats du canton758 » Ainsi chaque abus enfante un danger, la négligence mal placée comme la rigueur excessive, la féodalité relâchée comme la monarchie trop tendue. […] Ce n’est là encore qu’une légère idée des désordres que j’ai vus sous mes yeux764. » — « Excessive en elle-même, la misère des campagnes l’est encore dans les désordres qu’elle entraîne ; il ne faut point chercher ailleurs la source effrayante de la mendicité et de tous ses vices765. » — À quoi bon des palliatifs ou des opérations violentes contre un mal qui est dans le sang et qui tient à la constitution même du corps social ?
Les yeux toujours à demi clos, il ruminait confusément l’affranchissement des nationalités, l’établissement d’une démocratie un peu socialiste et pourtant césarienne et, par là, l’achèvement historique de la Révolution française : grands desseins dont les moyens d’exécution se précisaient mal dans son imagination de doux fataliste qui, ébloui par un destin prodigieux dont il était l’heureux jouet et dont il se croyait le héros, comptait indolemment sur la vertu de son étoile. […] L’empereur aima donc cette netteté, cette précision, ce sens pratique dont il était lui-même si mal pourvu. […] D’abord, quand on veut signaler les maux qui se mêlent à une réforme, on a toujours soin d’oublier ou de taire ceux auxquels elle est venue remédier.
Ceci définit un art très complexe, donc très difficile et spécial : Difficile — en dépit de l’insolent prolifisme des falsificateurs les plus mal fameux — difficile, car, devant, selon des rapports préétablis, séduire divers sens, l’œil, l’oreille, l’esprit, il réclame le concours de plusieurs métiers, et exige que l’inspiration soit servie par beaucoup d’ingéniosité, de délicatesse et de capitaux : pour des raisons analogues, on dirait la peinture plus difficile que le dessin, la statuaire polychrome que la statuaire monochrome ; un des moyens est-il en désaccord avec un autre, l’ensemble grimace : voir le musée Grévin, cette boulevardière adaptation des musées d’anatomie suburbains ; Spécial — car son extension est en raison inverse de sa compréhension. […] Tirard est à Richelieu. — Alors donc, que les consultations demeurent vaines et les thérapeutiques inefficaces, dirons-nous le mal incurable ? […] Ce n’est pas leurs succès qui nous rassurent : leurs meilleures œuvres furent mal reçues : Les Corbeaux, si supérieurs à La Parisienne qu’on affecte de seule connaître, subirent un accueil moins que médiocre ; fut jouée trois fois.
Ceci définit un art très complexe, donc très difficile et spécial : Difficile — en dépit de l’insolent prolifisme des falsificateurs les plus mal fameux — difficile, car, devant, selon des rapports préétablis, séduire divers sens, l’œil, l’oreille et l’esprit, il réclame le concours de plusieurs métiers, et exige que l’inspiration soit servie par beaucoup d’ingéniosité, de délicatesse et de capitaux : pour des raisons analogues, on dirait la peinture plus difficile que le dessin, la statuaire polychrome que la statuaire monochrome ; un des moyens est-il en désaccord avec un autre, l’ensemble grimace : voir le musée Grévin, cette boulevardière adaptation des musées d’anatomie suburbains ; Spécial — car son extension est en raison inverse de sa compréhension. […] Méline est à Richelieu. — Alors donc que les consultations demeurent vaines et les thérapeutiques inefficaces, dirons-nous le mal incurable ? […] Ce ne sont pas leurs succès qui nous rassurent : leurs meilleures œuvres furent mal reçues ; les Corbeaux, si supérieurs à la Parisienne qu’on affecte de seule connaître, subirent un accueil moins que médiocre ; Grand’mère fut jouée trois fois.
Le drame se recueillait dans son attente et dans sa douleur, il se retournait des maux passés vers les calamités à venir. […] Lorsque Antinoos, dans l’Odyssée, insulte Ulysse, qui rentre déguisé en mendiant dans sa maison envahie, et le frappe d’un escabeau à l’épaule, un autre des Prétendants le réprimande sévèrement. — « Antinoos, tu as mal fait de frapper ce malheureux vagabond. […] Un des magistrats du pays, Aristodichos, soutint que les messagers avaient menti ou mal entendu.
La courtisane mariée, au contraire, fait un métier qui n’est pas le sien, et elle le fait mal ; elle le compliqua d’indignes simagrées. […] L’heure s’approche, et l’Usure entre chez Séraphine, l’Usure criarde et mal embouchée, qui traite la Dette véreuse d’égale à égale, comme si elles avaient gardé ensemble les crocodiles empaillés. […] On ne l’accusera pas de farder le mal.
Analyste cruel, épargnez la vie dans sa fleur ; les sensitives font mal à voir sur les cartons des herbiers. […] Tout, autour d’elle, était disposé pour le mal. […] L’originalité de Jeannine, c’est justement l’espèce d’innocence passive qu’elle a conservée, au milieu du mal.
Aujourd’hui, on est passé à une autre extrémité contraire, et on serait assez mal reçu, je pense, si on en avait la vilaine idée, de venir risquer à ce sujet le plus petit mot pour rire. […] Robert la reçut d’abord très mal et la rudoya : « Il fallait que son oncle, disait-il, la ramenât chez son père et lui donnât des soufflets. » Mais, sur l’insistance de la jeune fille, sur la netteté et la vigueur de son attitude et de son dire, et la voyant décidée à partir malgré tout, il finit par être vaincu. […] En un mot, on se pose, bon gré, mal gré, cette question : Jeanne d’Arc peut-elle s’expliquer comme un personnage naturel, héroïque, sublime, qui se croit inspiré sans l’être autrement que par des sentiments humains ?
La plus délicieuse et la plus jolie des Boufflers et le plus brillant des Biron, Lauzun trouva moyen de faire de cela une union mal assortie. […] Lauzun ne fut rien de tel, et Besenval, un rival, il est vrai, mais qui n’en est pas moins clairvoyant, l’a très bien défini : Homme romanesque, n’ayant pu être héroïque, comme lui disait une femme ; voyant mal, s’étant fait aventurier au lieu d’être un grand seigneur et d’avoir un jour les gardes-françaises, auxquels il avait préféré un petit régiment de hussards ; du reste, plein de bravoure, de grâce dans l’esprit, d’élégance dans la tournure. […] Il y a des traits fort spirituels ; il fait surtout plaisir à ceux qui ont connu, non Émilie, comme écrit Mme Necker, mais Amélie, et il fait mal quand on pense que cette excellente femme, recommandée à un Ange pour ses derniers moments, a été livrée au bourreau.
Cela dit, Mallet entre en matière résolument, et procède à l’inspection du mal et à la recherche de ce qu’il croit le remède. […] — « Il est de l’essence de la démocratie, pense-t-il encore, d’aller toucher le pôle tant qu’aucun obstacle ne l’arrête. » Analysant avec une force de dissection effrayante les idées fausses, vagues, les sophismes de divers genres qui ont filtré dans toutes les têtes au milieu d’une nation amollie et de caractères déformés par l’épicuréisme, Mallet du Pan montre comment on n’a jamais opposé au mal que des moyens impuissants et des espérances dont se berçait la présomption ou la paresse : « Cependant on s’endormait sur des adages et des brochures : Le désordre amène l’ordre, disaient de profonds raisonneurs ; l’anarchie recomposera le despotisme. — La démocratie meurt d’elle-même ; la nation est affectionnée à ses rois. » C’est surtout aux émigrés, on le sent, qu’il parle ainsi ; et, tandis que les partis se nourrissaient de leurs illusions et de leurs rêves, les Jacobins seuls marchaient constamment au but : « Les Jacobins seuls formaient une faction, les autres partis n’étaient que des cabales. » Et il montre en quoi consiste cette faction, son organisation intérieure, son affiliation par toute la France, ses moyens prompts, redoutables, agissant à la fois sur toutes les mauvaises passions du cœur humain. […] Dans ces citations fréquentes que je me plais à faire des plus fortes pensées de quelques publicistes d’autrefois, je n’ai point la prétention d’ailleurs de proposer des recettes directes pour nos maux et nos inquiétudes d’aujourd’hui ; il n’est point de telles recettes souveraines. — « L’art de gouverner, disait très bien l’ancien Portalis dans une lettre à Mallet, n’est point une théorie métaphysique et absolue.
L’esprit que j’ai est un moule ; on n’en tire jamais que les mêmes portraits : ainsi je ne vous dirais que ce que j’ai dit, et peut-être plus mal que je ne l’ai dit. » Cette unité fondamentale du moule, chez Montesquieu, se sent même dans sa plus grande variété de productions, et de son premier à son dernier ouvrage. […] Il y a des incorrections, par exemple : « La plus grande peine n’est pas de se divertir, c’est de le paraître. » Mais Montesquieu, sur le style, a des idées fort dégagées : « Un homme qui écrit bien, pense-t-il, n’écrit pas comme on écrit, mais comme il écrit ; et c’est souvent en parlant mal qu’il parle bien. » Il écrit donc à sa manière, et cette manière, toujours fine et vive, devient forte et fière et grandit avec les sujets. […] S’il voit le mal, Montesquieu apprécie très bien les avantages qui le compensent ; ce qu’il exprime ainsi : L’Angleterre est à présent le pays le plus libre qui soit au monde, je n’en excepte aucune république… Quand un homme, en Angleterre, aurait autant d’ennemis qu’il a de cheveux sur la tête, il ne lui en arriverait rien : c’est beaucoup, car la santé de l’âme est aussi nécessaire que celle du corps.
Les hommes, selon lui, ne font le bien que quand ils ne peuvent faire autrement : « Mais, dès qu’ils ont le choix et la liberté de commettre le mal avec impunité, ils ne manquent jamais de porter partout la confusion et le désordre. » Machiavel est très persuadé que les hommes ont beau avoir l’air de changer pendant des jurées de régime, qu’au fond ils ne changent pas, et que, certaines occasions se reproduisant, on les retrouve absolument les mêmes. […] Ce n’est pas mal qu’un législateur pousse les hommes, fût-ce même moyennant un peu d’illusion, à toutes leurs facultés et à toute leur vertu ; mais il doit savoir au-dedans à quelles conditions cela est possible et prendre ses précautions en conséquence. […] Parlant des critiques étroits qui s’attaquent à un grand ouvrage par des chicanes d’école et des scrupules de secte : Cette manière de critiquer, disait-il, est la chose du monde la plus capable de borner l’étendue et de diminuer la somme du génie national… Rien n’étouffe plus la doctrine que de mettre à toutes les choses une robe de docteur… Vous ne pouvez plus être occupé à bien dire, quand vous êtes effrayé par la crainte de dire mal… On vient nous mettre un béguin sur la tête, pour nous dire à chaque mot : « Prenez garde de tomber !
Les services qu’il rendit par ses notices et ses livres agréables sur les sciences, par l’esprit philosophique qu’il y mit avec art et mesure, furent réels et se répandirent utilement dans la société de son temps : son style et son faux goût littéraire faillirent produire un mal durable. […] En philosophie, il le traite avec le dédain d’un homme qui n’en est pas resté aux demi-partis et dont l’incrédulité, du moins, n’est point inconséquente : Voltaire, au contraire, s’arrête à mi-chemin et, en continuant de mal faire, s’effraye par moment de sa propre audace : « Il raisonne là-dessus, dit Grimm, comme un enfant, mais comme un joli enfant qu’il est. » À partir de Tancrède, tout ce que Voltaire produit pour le théâtre lui paraît marqué du signe de la vieillesse ; mais, à sa mort, il se reprend à l’envisager dans son ensemble, et avec l’admiration qu’une telle carrière inspire ; il exprime très bien le sentiment de la décadence littéraire que, selon lui, Voltaire retardait, et qui va précipiter son cours : « Depuis la mort de Voltaire, un vaste silence règne dans ces contrées, et nous rappelle à chaque instant nos pertes et notre pauvreté. » Il écrivait cela à Frédéric (janvier 1784). […] Sa Constitution, à lui, était toute dans les vers de Pope : « Laissez les fous combattre pour les formes de gouvernement ; celui, quel qu’il soit, qui est le mieux administré, est le meilleur. » Les événements qui suivirent ne furent que trop propres à le confirmer, sans doute dans cette pensée favorite, que« la cause du genre humain était désespérée », et que la seule ressource était tout au plus, çà et là, dans quelque grand et bon prince que le sort accorde à la terre, dans « une de ces âmes privilégiées » qui réparent pour un temps les maux du monde.
Cela est si vrai que, depuis l’origine même de l’art, les écrivains, les musiciens et les peintres n’ont jamais hésité à présenter dans leurs œuvres les spectacles les plus pathétiques, à user des modulations les plus plaintives ; les genres les plus élevés dans l’estime publique sont les genres tragiques ; les plus grandes œuvres que l’art humain a produites, sont des œuvres montrant des images tristes et développant des idées lugubres qui restent grandioses, saisissantes, charmantes et ne font jamais à quelque point qu’on les pousse, de peine nocive, de vrai mal, de mal dont on veuille se défendre6. […] Et la douleur entière, la vraie, le désir de l’éviter, étant les derniers mobiles de toute l’activité animale, humaine et sociale, nous comprenons maintenant pourquoi les suprêmes émotions esthétiques sont improductives d’actes, comme nous l’avons dit au commencement de ce chapitre ; ces émotions comprennent toutes les souffrances harcelantes de l’existence, mais sans les aiguillons des périls, des angoisses, des menaces, des maux prévus ou ressentis.
Au-dessous de la gloire dont l’éclat frappe le visage de la sainte, dans des nuages rougeâtres, l’artiste a placé deux groupes d’anges et de chérubins entre lesquels il y en a qui semblent se disputer l’honneur de porter la houlette de la bergère de Nanterre, petite idée gaie qui va mal avec la tristesse du sujet. […] Mais, mon ami, quand nous laisserions là un moment le peintre Doyen pour nous entretenir d’autre chose, croyez-vous qu’il y eût si grand mal ? […] Je gage que son effet vous fatiguera ; qu’il n’y a point de plans, mais point ; rien de décidé ; qu’on ne sait toujours où posent les figures du parvis ; que cette grosse suivante à énorme derrière rouge, au lieu d’être large, continue d’être monstrueuse et mal assise ; qu’il n’y a point de repos, que vous y ressentez partout la furia francese ; qu’à juger de la figure qui tient le petit enfant, par le plan qu’on lui suppose, elle est d’une grandeur colossale, etc., etc.
Il avait le même mal que cette autre ennuyée, la marquise du Deffand, de cette femme, charmante aussi, que le monde fais ait mourir d’ennui pour sa peine de l’avoir aimé, de l’avoir diverti, et d’avoir mis à son service un esprit fait pour monter plus haut ! […] IV C’est dans cette préface du dictionnaire qu’il ne fit point, et auquel il pensa toujours, que Rivarol — dit très bien Sainte-Beuve — introduisit sa politique et sa métaphysique sur lesquelles, selon moi, Sainte-Beuve, qui a vu pourtant dans Rivarol le mal que le monde fait à la pensée, l’a cependant beaucoup trop favorablement jugé. […] Ils en versèrent même dans la Révolution, où ce qu’il y eut encore de mieux dans le mal furent des prêtres… On y vit Talleyrand, Sieyès, Foucher et beaucoup d’autres, plus avancés dans l’Église que l’abbé Rivarol, et qui s’en échappèrent avec scandale quand lui n’y était pas entré.
Le rire et la douleur s’expriment par les organes où résident le commandement et la science du bien ou du mal : les yeux et la bouche. […] L’humanité s’élève, et elle gagne pour le mal et l’intelligence du mal une force proportionnelle à celle qu’elle a gagnée pour le bien.
Le bien, pour le chien, est de persévérer dans son type, de manger, de se reproduire, de sentir, d’associer des images, de se mouvoir ; l’empêchement de ces opérations est son mal. Le bien pour la plante est de végéter et fleurir ; son mal est d’être arrêtée dans sa floraison ou dans sa croissance. […] Regardez un bien en général, et par exemple, prononcez ce jugement universel que la mort est un mal.
Le caractère du Dante, ce grand novateur, fut d’adorer Virgile, ce maître d’un langage si classique et si pur ; et il ne l’adora pas seulement, comme avait fait Stace, en l’imitant mal, en exagérant son élégance, en gâtant sa simplicité, en altérant sa passion. […] Voici cette ébauche de la transformation commencée : « Vers la source de l’éternelle vie aspire mon âme altérée : ces barrières de la chair, mon âme captive cherche à les briser : elle se lève, elle travaille, elle lutte dans l’exil, pour retrouver la patrie, en gémissant sous le poids des afflictions et des maux. […] Le mal présent accroît la mémoire du bien a perdu.
et gardera le silence sur Les Fleurs du mal. » Il est vrai que l’auteur de cet article diffamant avait publié, vers le temps où paraissait Fanny, un petit livre anodin et assez agréable, Les Païens innocents ; j’y avais remarqué assez d’esprit, mais de celui qui cherche plutôt qu’il ne trouve, et qui est tout plein de tortillage ; et je n’en avait dit mot au public, lequel d’ailleurs s’en était peu occupé. […] Et à propos des Fleurs du mal sur lesquelles l’austère critique me reproche étrangement d’avoir gardé le silence, vous savez, mon cher directeur, les raisons impérieuses qui (sans compter qu’Édouard Thierry en avait très bien parlé d’abord) nous interdisaient d’en raisonner.
Ajoutez à cela quelques manies de grand seigneur, l’amour de ce qui est cher, le dédain de l’épargne, l’inattention à ses dépenses, l’indifférence aux maux qu’elles peuvent causer, même aux malheureux ; l’impuissance de résister à ses fantaisies, fortifiée par l’insouciance des suites qu’elles peuvent avoir ; en un mot, l’inconduite des jeunes gens très généreux, dans un âge où elle n’est plus pardonnable, et avec un caractère qui ne l’excuse pas assez ; car, né prodigue, il n’est point du tout né généreux. […] Le voilà peint et estimé en mal, à la rigueur ; je ne crois pas que sa conduite et son caractère puissent mériter un reproche qui ne soit là. » Nous ne sommes qu’à moitié chemin.
Si l’artiste a mal vécu, s’il a vécu au hasard, au seul gré de son caprice et de son plaisir, qu’arrive-t-il le plus souvent lorsqu’il a dépensé ce premier feu, cette première part toute gratuite de la nature ? […] S’il a conscience du mal secret qu’il enferme en soi, et de sa gestion mauvaise, aura-t-il la force, aura-t-il seulement la pensée d’y échapper ?
L’amour, qui s’était développé en l’homme sous l’égide de la force victorieuse du mal, délaissa cette force qui se complaisait dans son triomphe incomplet, et se mit tout entier du côté de l’esprit. […] On sent que toute une nouvelle morale découle de là ; c’est qu’en effet nous sommes arrivés à une époque où un grand progrès est tout près de s’accomplir, où l’humanité en masse va s’élever d’une conception passée à une conception supérieure et où, par conséquent, la ligne de démarcation entre le bien et le mal doit être portée en avant.
Un auteur qui croit que tout est mal à partir des XII Tables ne prouve rien autre chose, sinon qu’avec des dispositions misanthropiques, un homme de génie, grand peintre et moraliste intègre, peut manquer du tact si nécessaire à l’histoire pour discerner, au milieu des maux de ce monde, la somme toujours croissante des biens par lesquels la Providence vient les compenser. » Si cela est vrai de Tacite, de combien d’autres ne le dira-t-on pas ?
C’est mal connaître mon ouvrage que de supposer que j’aie eu pour but de faire une poétique. […] On dirait que les préjugés, les bassesses et les mensonges n’ont pas fait de mal à l’espèce humaine, tant on se montre sévère pour la philosophie, la liberté et la raison.
On l’a prise pour matière de programme, qu’il faut avoir parcourue, effleurée, dévorée, tant bien que mal, le plus vite possible, pour n’être pas « collé » : quitte ensuite, comme pour tout le reste, à n’y songer de la vie. […] Le temps est venu de faire rentrer le moyen âge dans l’unité totale de notre littérature française : et ce serait mal reconnaître les efforts de tant d’érudits spécialistes, que de leur en laisser indéfiniment la jouissance.
Armand Silvestre, hiérophante dans ses vers, commis voyageur et des plus mal élevés dans sa prose. […] Et l’historiette grivoise ne lui a point suffi : il l’a voulue incongrue et mal odorante.
Renan, développer une pensée analogue à celle du messianisme hébreu, c’est-à-dire la foi au triomphe définitif du progrès religieux et moral, nonobstant les victoires répétées de la sottise et du mal. » Voyons donc sous quel aspect se présente l’acte de foi de M. […] Antistius finit par reconnaître qu’avec ses bonnes intentions il a fait plus de mal que de bien, et qu’il « a porté préjudice à la patrie, laquelle repose en définitive sur des préjugés généralement admis. » Mais, si la réalité ne démentait pas son rêve, il ne croirait pas, il serait sûr, et la certitude abolirait la beauté et la grandeur de son effort.
Ou plutôt, on ne fait rien de mal quand on aime seulement. […] Mais peut-être direz-vous que, si elle est philosophe dans ses propos, c’est qu’elle reçoit Paul Vence à sa table et qu’elle a de la mémoire ; que c’est un instinct secret qui lui fait trouver plaisir aux rues mal soignées et fortement odorantes où grouille de l’humanité en tas, et qu’enfin son absence de préjugés lui vient de son tempérament et de son hérédité, car elle est la fille d’un rapace.
Est-ce un bien ou un mal, ce manque de groupement qui la caractérise ? […] Die lui à nous, l’écart s’accentue sans cesse : et veuillez le remarquer, notre langue même, si nous la gardons pure, l’éloigne de nous, car il a peu à peu perverti l’instrument merveilleux et ne sait plus guère se repaître que de termes impropres et de métaphores mal faites, des choses sans nom.
Mais ce qui étonne peu d’un bel esprit, attriste dans un prédicateur ; et je ne fais peut-être pas si mal de m’émouvoir d’un travers d’esprit qui s’était glissé jusque dans la chaire, et qui en faisait descendre, par moments, au lieu de ce grand langage qui élève l’âme en perfectionnant le goût, d’ingénieuses obscurités qui gâtaient le goût et laissaient l’âme froide. […] De là cette fortune des phrases contournées, de la précision louche, « de ces riens pesés dans des balances de toile d’araignée20 » ; de là le scandale des réimpressions de Trublet, qui indignaient un critique profond, Grimm, pensant, quarante ans après, au mal qu’aurait pu faire à l’esprit français, qu’il aimait comme le bien du genre humain, le retour du précieux qui se relevait des railleries du dix-septième siècle et reprenait l’offensive21.
Dans le monde tel qu’il est, c’est le mal qui règne. […] Maintenant le bien et le mal sont mêlés comme l’ivraie et le bon grain dans un champ.
Il ne pardonnait au riche que quand le riche, par suite de quelque préjugé, était mal vu de la société 526 Il préférait hautement les gens de vie équivoque et de peu de considération aux notables orthodoxes. « Des publicains et des courtisanes, leur disait-il, vous précéderont dans le royaume de Dieu. […] Ses disciples les repoussaient parfois comme importunes ; mais Jésus, qui aimait les usages antiques et tout ce qui indique la simplicité du cœur, réparait le mal fait par ses amis trop zélés.
Quelques-uns hésitaient, le selâm étant alors comme aujourd’hui, en Orient, un signe de communion religieuse, qu’on ne hasarde pas avec les personnes d’une foi douteuse. « Ne craignez rien, disait Jésus ; si personne dans la maison n’est digne de votre selâm, il reviendra à vous 831. » Quelquefois, en effet, les apôtres du royaume de Dieu étaient mal reçus, et venaient se plaindre à Jésus, qui cherchait d’ordinaire à les calmer. […] Ce fut pour Céphas en particulier l’occasion de montrer un absolu dévouement et de proclamer une fois de plus : « Tu es le Christ, fils de Dieu. » Il est probable que dès lors, dans les repas communs de la secte, s’était établi quelque usage auquel se rapportait le discours si mal accueilli par les gens de Capharnahum.
Je me suis mal expliquée si vous avez compris que je songeais à être religieuse. […] Madame de Maintenon veut toujours se plaindre de la cour, et quand elle s’y trouve mal, et quand elle s’y trouve bien.
Les enseignements directs, toutefois, et les rapprochements avec nous-mêmes n’y manquent pas ; ils ressortent presque à chaque page, et nous pouvons y apercevoir, sous un costume et un langage qui le déguisent à peine, notre même mal social, notre maladie morale, sinon notre remède. […] On croit sentir dans ces pages toutes sérieuses, tout étendues, et où nulle trace d’inquiétude littéraire ne se fait jour, ce je ne sais quoi d’achevé que donne au talent la connaissance du mal caché et l’épreuve même de la douleur.
Nous parcourons avec lui toute la maison et les interminables corridors du second étage, où d’anciens costumes de carnaval, mal emballés, s’échappent et ressortent de cartons à chapeaux de femmes. […] Il croyait par exemple que les gens qui font regarder la lune, mettent dans les lorgnettes des choses qui font mal aux yeux, etc., etc.
. — Ô mère, mère chérie, ma tête me fait si mal, laissez-moi aller me promener quelque temps, me promener le long de la mer. […] La fillette, spécialement, y apparaît à nu, tantôt se laissant mourir de désespoir, tantôt ne disant pas non au cavalier qui passe, pourvu qu’il ait bourse pleine, tantôt victime de sa paresse et de sa mauvaise conduite : Les soldats l’ont laissée Sans chemise et sans pain… Telle chanson, comme la Mal Mariée, révèle le pessimisme résigné de gens qui sentent que la vie est mauvaise, et mauvaise sans remède ; mais telle autre dit bellement la joie héroïque de l’amour, comme la Fille dans la Tour, dont voici une version mutilée : Le roi Louis est sur son pont, Tenant sa fille en son giron.
Le cultivateur qui dit trop de mal de son champ dit du mal de soi ; tel laboureur, telle terre.
Et puis enfin, lors même que la folie serait une espèce d’erreur, quel mal voyez-vous à cela ? […] N’est-ce pas comme si l’on disait : J’apprends la nouvelle de la mort d’un ami ; cette nouvelle imprime une secousse anormale à mon cerveau, et à la suite de cette secousse j’éprouve une grande douleur, d’où il suivrait que le chagrin causé par la mort d’un ami ne serait en réalité que la conséquence d’un mal de tête.
Il y a des catholiques pour qui toutes les grandes conquêtes modernes, liberté de conscience, liberté de pensée, liberté de la presse, liberté politique, ne sont que de grandes et funestes erreurs : c’est la liberté du mal. […] La philosophie n’a autre chose à faire qu’à combattre ces mauvaises doctrines, à les refouler, et c’est surtout pour cette entreprise, si nécessaire à l’ordre social, qu’il faut s’unir à la religion, plus puissante encore et plus efficace que la philosophie dans cette lutte sociale du bien contre le mal.
Et cependant l’acteur, placé entre ces deux extrêmes, redoutant également d’être trop brusque, c’est-à-dire de paraître mal élevé, ou de paraître trop facile à vivre, c’est-à-dire de rien retrancher de la rudesse et de l’indignation de son personnage, l’acteur, entre ces deux excès, reste bien empêché. […] Avouez ensuite que c’est là véritablement insulter les fleurs du bon Dieu que de les jeter sans respect, et sans pitié, sur les planches huileuses d’un théâtre ; enfin, ajoutez, pour tout dire, que la plupart du temps ces couronnes maladroites tombent sur la tête mal peignée de quelque brave claqueur.
L’auteur commence par le plus grand ton… Un mal qui répand la terreur, etc… C’est qu’il veut remplir l’esprit du lecteur de l’importance de son sujet, et de plus il se prépare un contraste avec le ton qu’il va prendre dix vers plus bas. […] Il fallait passer bien vite à ces deux vers admirables : Le bien nous le faisons : le mal c’est la Fortune.
Platon, ce génie si amoureux des hautes sciences, dit formellement, dans un de ses plus beaux ouvrages, que les hautes études ne sont pas utiles à tous, mais seulement à un petit nombre ; et il ajoute cette réflexion, confirmée par l’expérience, « qu’une ignorance absolue n’est ni le mal le plus grand, ni le plus à craindre, et qu’un amas de connaissances mal digérées est bien pis encore149. » Ainsi, si la religion avait besoin d’être justifiée à ce sujet, nous ne manquerions pas d’autorités chez les anciens, ni même chez les modernes.
Un sourire calme et béat inondait sa physionomie ; on aurait été mal venu à le déranger dans ces moments-là : c’est qu’il composait alors une page de George Sand ou un chapitre de Michelet. […] Ces moralistes me font mal.
Est-ce que Lélia, aux yeux qui savaient voir, n’était pas Mme Sand elle-même, outrecuidamment idéalisée dans le bien comme dans le mal ? […] Mais avec ou sans talent, du reste, être un bas-bleu, avoir toutes les affectations du bas-bleu, l’exorbitance insupportable de toutes les prétentions du bas-bleu, l’extravagance de l’orgueil et le pédantisme des connaissances du bas-bleu, entassées, comme des affiquets dans un sac à ouvrage, dans une pauvre mémoire qui en crève ; mais joindre à cet affreux bagage les frivolités de la femme, qui plaisent dans la femme et qui ne sont que des puérilités ridicules dans ce gonflement monstrueux du bas-bleu, voilà le mal !
Mme Gustave Haller ne paraît pas se douter d’une loi souveraine en matière de roman, c’est qu’il faut que les événements sortent des développements et du choc des passions et des caractères, et non pas que les passions et les caractères y soient, comme dans les sots hasards de la vie, emboîtés dans les événements… III Quant aux passions et aux caractères qui pourraient exister fortement même dans un roman dont la trame serait aussi mal faite que celui de Mme Haller, les uns et les autres y sont posés, oui ! […] le sort des femmes qui se vouent au bas-bleuisme, c’est de se donner beaucoup de mal pour arriver au niveau du premier homme médiocre qui écrit, et qui, pour être médiocre, ne se donne pas tant de peine que cela.
Il aime mieux la creuser dans un espace resserré, d’un point à un autre, que de l’embrasser à vaste et pleine ceinture, par conséquent de la mal étreindre. […] Muableté, diffidence, envye, voilà, dans le langage de son siècle, ce qui agitait et rongeait ce triste Victorieux, lassé et « méhaigné » de ses guerres, ce chagrin « cagneux, aux chausses vertes », que la Légende et les Romances couronnent de myrtes et de lauriers par la main d’Agnès, et qui, mélancoliquement voluptueux, retiré dans les tourelles de ses châteaux des bords de la Loire, avait au front comme un reflet de la folie hagarde de son père, — reflet sinistre d’un mal héréditaire qu’on vit encore passer, dans de cruelles défiances, jusque sur le front de son fils !
Tolérant ou toléré, du reste, la tolérance est si chère à M. de Meaux, que dans cette furieuse et religieuse histoire du xvie siècle, où il s’agit de la Vérité absolue pour ceux qui y croient contre l’Erreur absolue pour ceux qui n’y croient pas, il s’est volontairement détourné des faits immenses et terribles de la Monarchie française déchirée dans sa Tradition et dans l’esprit de sa Constitution, et des hommes de ce temps qui furent parfois également sublimes dans le bien et dans le mal, pour ne voir uniquement que ce petit résultat exquis de la tolérance distillée de la fatigue et de l’indifférence des âmes, et qui lui paraît, à ce grand pharmacien historique, le cordial qui doit réconforter les peuples vieillis et les empêcher de mourir ! […] Rouée machiavélique, ce n’était pas elle qui pouvait appliquer aux maux de la France les remèdes employés par l’Église dans les temps antérieurs.
Et, quitte à se moquer, plus tard, d’un livre qui doit faire mal aux nerfs de leurs esprits positifs et légers, ils ont poussé au succès de ce livre, en disant bien haut qu’il le méritait ! […] Nous l’avons dit déjà, ce traité de Terre et Ciel, qui n’a de grave que le ton, agrandit vainement et cache mal sous le trompe-l’œil des détails scientifiques une théorie qui, réduite à ses plus simples termes, n’est que ridicule et… immorale, car voilà son côté sérieux !
Est un moraliste encore quelque pauvre déiste, d’honnête volonté, qui tire comme il peut un traité de conduite de la notion de Dieu, établie tant bien que mal dans sa judiciaire de philosophe. […] je connais vos maux par les miens. » Massillon, qui avait lu dans son âme ses deux beaux et touchants sermons sur la Madeleine, a quelquefois de ces traits sur les passions qui étonnent la paix du sanctuaire.
… Poétiquement mal bâti en Victor Hugo, — ce grand bossu déjà, comme l’appelle Henri Heine, — Quinet, par ainsi deux fois mal conformé, a toujours été, en poésie, à Victor Hugo ce qu’un eunuque est à un muletier ; mais s’ensuit-il que, scientifiquement, il puisse être un Hercule ?