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585. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

En Allemagne, les femmes de la main gauche, et non pas les reines, sont des maîtresses et quelque chose de plus. […] Il ne fait pas Henri IV, ce séducteur de l’histoire, — on ne sait vraiment ni comment ni pourquoi, — un homme plus séduisant que Gabrielle ne fut elle-même une femme séduite. […] Et je doute qu’après ce portrait, si peu chargé et si peu fidèle, de cet heureux de la gloire, on continue de nous donner ce triple Gascon, qui gasconnait avec ses amis, avec les femmes, avec Dieu même, pour le modèle des rois français. […] Henri, que les gravures du temps représentent sous la figure d’un bouc, Henri, le Faune couronné, n’était pas seulement le libertin affolé qui courait après toutes les femmes, au dire de toutes les chroniques de l’époque, de tous les mémoires, de toutes les chansons. […] En amour comme en religion, avec les femmes comme avec Dieu, ce prince était le plus grand donneur de paroles pour ne pas les tenir qui ait jamais existé, alors que la fierté de la parole donnée existait encore, et que l’outrage n’avait pas vieilli de l’ancien mot de foi mentie.

586. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Il est marié à une femme d’esprit qui est un peu l’auteur, dit-on, d’un des derniers ouvrages du bibliophile, trilogie dont la première époque a pour titre : Une Femme malheureuse. […] Quant à Mlle Ida, c’est une jeune femme petite et d’un embonpoint trop prononcé. […] Il écrit, mange et dort avec des gants ; il se parfume et vit comme une femme fort éprise d’elle-même. […] Il est d’une taille mignonne, et il a un pied de femme. […] Sa femme (Mlle Foucher, sœur de Paul Foucher) a été et est encore même fort jolie ; c’est une brune qui rappelle les belles jeunes femmes espagnoles peintes par Velasquez.

587. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Mme de Coislin, une des femmes les plus considérables et les plus consommées de l’ancienne Cour, invitait l’auteur à la venir voir. […] Retiré à Essonne, il y perdit bientôt sa première femme, qui lui laissa deux enfants nommés comme de juste Paul et Virginie, et qui lui légua aussi de fâcheux démêlés avec sa famille. […] Il y a de très jolis détails dans les lettres de Bernardin à sa seconde femme ; un pur amour des champs y respire à chaque ligne. […] Une femme qui écrivit sur cette séance académique une lettre, insérée dans la Gazette de France du 28 novembre, disait, en arrivant au discours de Bernardin de Saint-Pierre : Peut-être l’attention était épuisée, quand le président a pris la parole, ou plutôt a demandé à M.  […] Je laisse parler le témoin même qui raconte : Bernardin de Saint-Pierre était à la Malmaison chez Mme Lecoulteux du Moley ; il s’y montrait aussi peu aimable que l’abbé Delille l’était aisément ; il disait des choses désagréables aux femmes et sur les femmes.

588. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Ce sont des cœurs vierges prêts à la tendresse ou des cœurs épris prêts aux sacrifices, d’adorables jeunes filles et d’adorables femmes mariées ; mais la chrétienne dans le sens rigoureux, et, disons le mot à scandale ! […] Maintenant, les femmes qu’il a peintes, dans son livre, donneront-elles aux pécheresses des tentations vertueuses ? […] Il est impossible de mettre plus de rouerie de talent que n’en met Aubryet à les peindre, ces femmes bonnes à aimer, quand les autres sont si mauvaises ! Seulement, c’est ici que la critique va commencer, si les femmes des nouvelles de Xavier Aubryet sont délicieuses, le cadre dans lequel elles se meuvent est moins irréprochable qu’elles. […] En mettant à part ses figures de femmes, qui sont très réussies, le plus grand intérêt de son livre est celui qu’on a pour soi-même, lorsqu’on est très fatigué… Jusqu’aux titres des chapitres sont prétentieux.

589. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Elle essaye de donner le change, parce qu’elle sait qu’une femme d’esprit qui s’ennuie n’a pas tout à fait assez d’esprit. […] Les romanciers retardent donc quand ils nous peignent ces soirées de province où des hommes, qui semblent descendus des cadres d’un musée, s’entretiennent de niaiseries de village avec des femmes prétentieuses, sans grâce et sans esprit. […] Pas une femme ne dirait aujourd’hui le mot d’une maîtresse de maison d’il y a quarante ans : « Nous serons ce soir trente chaufferettes. » Les fameuses piles de linge, fleurant l’iris et la lavande, diminuent de hauteur dans l’armoire maternelle. […] Que les temps sont loin où notre Jeanne d’Arc se faisait gloire de filer « aussi bien que femme de France » ! […] Les jeunes femmes d’aujourd’hui, en province comme à Paris, ont d’autres occupations et d’autres distractions.

590. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Deschamps, Émile (1791-1871) »

Alphonse de Lamartine Émile Deschamps, écrivain exquis, improvisateur léger quand il était debout, poète pathétique quand il s’asseyait, véritable pendant en homme de Madame de Girardin en femme, seul capable de donner la réplique aux femmes de cour, aux femmes d’esprit comme aux hommes de génie.

591. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Krysinska, Marie (1857-1908) »

Le vers libre est un charmant non-sens, un bégayement délicieux et baroque convenant merveilleusement aux femmes poètes dont la paresse instinctive est souvent synonyme de génie. […] Je ne vois nul inconvénient à ce qu’une femme pousse la versification jusqu’à sa dernière licence ! […] Je les aime, arrêtées mélancoliques au bord des flots, dans des marines tristes, puis rebondissant dans des marines gaies, mais sans explication, surtout, sans préface trop savante, car moins une femme s’explique et plus elle est vraiment forte.

592. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Jamais femme d’ailleurs ne donna de plus sages conseils. […] les Romains n’étaient pas des anges plus que nous ; mais quand ils avaient des fantaisies d’amour poétiques et dramatiques, ils n’y mêlaient pas leurs femmes, il y avait de belles esclaves grecques élevées pour cela ; quant à leurs femmes, ils les traitaient comme des saintes, et il en résultait qu’elles étaient en effet des saintes. […] À cet égard même il avait un principe : c’était que l’esprit romanesque est la véritable et même l’unique cause de la perdition des femmes. […] où veillant l’inexprimable veille, La femme a pleuré mort le meilleur de sa chair ! […] Quand, après avoir publié le Disciple, il avait écrit Cœur de femme, on eût dit qu’il voulait dérouter la critique.

593. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

La scène des lamentations des femmes et des vieillards sur les cadavres de leurs époux et de leurs fils, semble être écrite par un ancêtre gigantesque d’Eschyle. […] Tu es la perle des femmes, et Nala est le diadème des hommes ! […] L’adversaire implacable contre lequel il joue et perd même ses vêtements, lui propose à la fin de jouer sa femme, la belle et infortunée Damayanti. […] Abattu par la tristesse, l’homme ne trouve nulle part un berceau aussi doux que dans les bras d’une tendre épouse ; non, je ne te quitterai pas, femme timide. […] En route, le mauvais génie qui possédait Nala sort de son corps à l’approche de sa femme.

594. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Quelles femmes en larmes, penchées sur les galeries et sur les bords des loges ! […] Jéhu avait fait jeter par les fenêtres du palais de Samarie Jézabel, femme d’Achab et mère d’Athalie. […] Une femme inconnue, Qui ne dit point son nom, et qu’on n’a point revue. […] Il passe en revue les femmes, les vieillards, les lévites. […]     Où menez-vous ces enfants et ces femmes ?

595. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVII » pp. 264-265

. — la femme de quarante ans, par m. d’onquaire. […] C'était bien la peine à M. de Molènes de s’ériger en juge si sévère et si tranchant des hautes qualités de Mérimée pour venir donner soi-même dans des affectations d’immoralité, comparer tout d’abord les femmes à des chevaux du bois de Boulogne, et finir par citer des vers de la Pucelle. […] — On vient de recevoir, à la Comédie française, une comédie intitulée La femme de quarante ans, d’un M. d’Onquaire ; on en attend beaucoup, et on se demande si ce n’est pas un auteur comique qui nous vient : Dî omen… advertant !

596. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Le Barillier, Berthe-Corinne (1868-1927) »

. — Femmes antiques (1890) […] De plus, et en outre, Jean Bertheroy est une femme. C’est déjà quelque chose ; ce qui est mieux, c’est qu’elle est une très jolie femme.

597. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Necker était alors dans tout l’éclat et la faveur de sa première disgrâce ; il triomphait dans le public par ses écrits sur les finances ; il faisait secte dans le monde des femmes et des gens de lettres. […] Il n’y a plus, à proprement parler, de lats, de ces fats transcendants, qui primaient dans la société, donnaient des lois sur la parure et les modes, qui subjuguaient les femmes et en imposaient aux hommes par l’audace et les succès, et dont la jeunesse s’empressait de copier les manières et d’imiter le ton. […] [NdA] On ne le pouvait dans un journal, je le puis dans un livre. — On lit dans les Considérations sur l’esprit et les mœurs de M. de Meilhan, à propos des femmes célèbres par leur galanterie, qui n’ont jamais eu pour amant leur égal et qui cherchent l’éclat par des choix disproportionnés : « Un mari disait à sa femme : Je vous permets tout, hors les princes et les laquais. Il était dans le vrai : les deux extrêmes déshonorent par leur scandale. » — Eh bien, ce mot cité par M. de Meilhan était un mot même de son frère Sénac, le fermier général, parlant à sa femme ; c’était un mot de famille. La remarque est de Grimm, qui ajoute : « Mais sa femme n’en crut rien : elle prit M. le comte de la Marche, aujourd’hui prince de Conti ».

598. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Autour du char se groupent des hommes armés d’instruments de moissonneurs, et des femmes au tablier gonflé d’épis. Sur le char même, à côté du père de famille, un jeune homme se dispose à déployer les toiles, et une belle jeune femme, tenant sur son sein un enfant à la mamelle, s’élève dominant la scène comme une apparition majestueuse qui préside aux moissons. […] Peut-être est-ce le défaut des peintres : ils aiment trop à être bien, à avoir une vie qui ressemble à celle des bons propriétaires… À Venise, il se laisse peu à peu gagner à la couleur : il voudrait donner au costume de ses pêcheurs et de ses femmes quelque chose qui rappellerait les étoffes vénitiennes des siècles précédents : Les femmes en hiver ont des robes en laine avec d’immenses dessins de toutes les couleurs les plus vives. […] Ce qui frappe et touche dans la peinture est un caractère d’énergie, de force dans les hommes, et de sensibilité, de douceur dans les femmes. […] c’est un travail, je vous assure, qui donne bien plus de peine que celui de chercher quelque chose de touchant et de sensible dans une femme.

599. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Ce grand et frêle jeune homme, tour à tour timide et vain, au cœur « mol comme cire », n’avait rien de ce qui impose à une femme et de ce qui la subjugue. […] Elle ne devient politique, comme cela est le propre des femmes passionnées, que dans l’intérêt de sa passion même et de sa vengeance. […] Il pouvait se dire, comme plus tard Norfolk, que l’oreiller d’une telle femme , pour y dormir, était peu sûr . […] Marie Stuart justifia en tout le mot de Shakespeare : « Fragilité, ton nom est Femme ! » Et nulle ne fut plus femme que Marie Stuart.

600. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

Depuis Oswald, qui, dans Mme de Staël, ne sait plus celle qu’il aime de Corinne ou de Lucile, jusqu’à la femme de Leone Leoni, qui retombe toujours à son vil coquin d’amant, comme Maurice Berthaud (le héros de M. Malot), femme à sa manière et de l’espèce la plus méprisable, retourne à sa vile coquine de maîtresse, n’avons-nous pas vu, — et bien ailleurs encore, l’esclavage insensé d’un cœur lâche, empoisonné pour jamais par cette première passion que notre vie a bue, comme une éponge, et dont on peut dire avec la chanson grecque : « J’ai craché sur la terre, et elle est tout empoisonnée ?  […] Dans une époque comme la nôtre, sans force de principe et sans force de volonté, je sais bien que ce misérable type d’homme ou de femme à deux amours, indésouillable du premier, ayant pris corps avec cette fange, est le type commun et presque universel ; que c’est le cri du sang, de ce sang que nous avons gâté, et que de son temps tout romancier, qui en porte le joug comme un autre homme, peut jeter ce cri à son tour ! […] N’avons-nous pas vu plus travaillées et plus rutilantes qu’ici les éternelles antithèses de la femme de vingt-sept ans et de la jeune fille de dix-sept, de la femme qui sait et de la jeune fille ignorante, de la brune enfin et de la blonde, pour que la physiologie, sans laquelle nous ne pouvons vivre même littérairement, y soit ? […] Hector Malot, qui est la Leone Leoni en femme, a-t-elle sur sa figure, morale ou physique, un signe quelconque, grand comme une mouche, qui la distingue de toutes ces plates drôlesses qui sont partout et pour lesquelles on s’est épuisé d’invention quand on a dit qu’elles étaient belles comme Antiope, dans leur crinoline ?

601. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Une fois marié avec cette Picot, et brouillé, à cause de ce mariage, avec un oncle, moitié bourgeois, moitié manant, qui le déshérite, il est devenu un médecin de campagne très-réussissant et très-heureux, avec une femme qui me semble à moi la vraie femme d’un homme d’action et de pensée, mais que M.  […] Il croit à l’égalité intellectuelle de l’homme et de la femme. […] Cette femme, M.  […] Il ne l’a point été et il l’a sacrifiée à sa jeune sœur Rosette, belle nature de femme entretenue, la mademoiselle Bovary du livre, pour laquelle le docteur Quérard se prend d’un amour qu’il faut bien appeler incestueux. […] Certes, le premier venu peut planter dans sa maison un beau jeune homme qui lui vole sa femme sous ses yeux.

602. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

René jeune, ambitieux, vigoureux, embrasé du désir de la femme, vivait « inconnu dans la foule » et les femmes parées et enivrantes allaient et venaient autour de lui et l’ignoraient. […] Il réalise ce qu’il peut de la fortune de sa femme, la laisse achever en Bretagne toute seule sa lune de miel et file sur Paris : en un rien de temps il gaspille dans des maisons de jeu et de débauche l’argent de sa légitime. […] Chateaubriand se révéla artiste incomparable dans cet art de cuisine littéraire ; il enthousiasma les femmes et les hommes et fonda l’école romantique de France. […] Oscar aime Malvina, la femme de son ami, qui meurt au deuxième acte, ressuscite au quatrième, juste à temps pour empêcher le mariage d’Oscar et de Malvina. […] — Malvina, quatre volumes (1800), par une femme, ainsi que le précédent roman.

603. (1874) Premiers lundis. Tome II « Li Romans de Berte aus Grans piés »

Comment échapper à ce mari qui tue ses femmes, à ce Pépin, vrai Barbe-Bleue ? […] Ce sont des voleurs qui surviennent ; l’un la veut prendre pour femme, l’autre la lui dispute : Berte s’échappe encore. […] Elle arrive chez Symon, où sont Constance sa femme, et ses deux filles, qui deviennent comme ses sœurs ; car il faut dire que, durant ses périls, Berte a fait vœu, si elle échappait, de ne pas dire qu’elle est la reine et de rester pauvre et méconnue. […] Berte, la blonde, l’accomplie, rentre dans ses droits, et d’elle naquit la femme de Milon d’Ayglent, mère du brave Roland ; d’elle, de Berte la Débonnaire, naquit Charlemagne.

604. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

Une lettre anonyme lui apprend que, le 23 septembre, c’est-à-dire le lendemain du premier tour de scrutin, la femme d’un de ses plus zélés partisans a fait demander secrètement une entrevue à l’un des ministres de M.  […] Il songe : «Ô femmes ! ô femmes !  […] Ça manque de théâtres, de restaurants et de femmes… Le soir après dîner, les exilés jouent au whist, avec un mort.

605. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

Nous l’avouerons, depuis cette femme qui tremble derrière un mur en serrant son fils que les bourreaux vont venir égorger tout à l’heure, nous n’avons pas vu plus hagard, plus épouvanté, plus noir et plus beau ! […] Sa femme l’a aidé, et à son tour il aide sa femme à porter le poids du crime partagé, mais en la brutalisant, si parfois ce poids lui échappe. […] La femme de Clément était enceinte lors de l’assassinat du Pont-Rouge.

606. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Là-dessus propos malicieux d’Albin sur les femmes. […] Nous aimons tous deux la même femme. […] Il te faut des femmes encore à naître. […] ces beautés du corps de la femme, où vont-elles ? […] C’est une maîtresse femme, qui n’aime pas les femmes maîtresses.

607. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Nous ne pourrons arriver que bien tard après les autres ; à peine si cette pauvre femme garde un souffle de vie, et son nouveau-né repose tout nu entre ses bras. […] Herman, désespéré, veut s’engager comme soldat dans l’armée de l’Allemagne ; sa mère l’en détourne avec des paroles emmiellées d’amour de femme et de tendresse de mère. […] J’ai en elle une confiance comme jamais homme n’en a eu pour aucune femme. […] Ne me plaignez pas ; toute femme apprend de bonne heure à servir selon la vocation qui lui est assignée par sa condition. […] À son retour elle soigne la pauvre femme accouchée et distribue l’eau et le pain entre tous les autres petits enfants de la pauvre femme. » Greuze n’a pas de plus touchant tableau de famille sous son pinceau.

608. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Pensaient-ils donc nous dégoûter ainsi des prétentions, des absurdités, des poses disgracieuses, des sottes impuissances de la femme qui veut être un homme en jupes dans la vie, et qui n’est plus qu’un masque grotesque dans ce carnaval de l’orgueil ? […] Renée Mauperin, qui aspirait à être un type correct, sévère, intaillé et complet, de toute une classe de femmes, n’est rien de plus qu’une fantaisie, mais une fantaisie ravissante, dans laquelle l’imagination de deux poètes a glissé. […] Elle est une femme, et voilà tout. […] … M. de Goncourt, métamorphosé en capucin du Naturalisme, tend la main et demande l’aumône à toute femme et fille qui a la moindre petite piécette d’un document humain à lui donner. Par une dernière délicatesse d’un talent qui fut parfois délicieusement féminin, par un reste en lui du xviiie  siècle, le galantin M. de Goncourt ne quête que les femmes.

609. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Accusée de honteuses faiblesses pour Concini, qu’elle avait fait maréchal d’Ancre, elle est reléguée à Blois, en 1617 ; le maréchal d’Ancre est assassiné ; Galigaï, sa femme, décapitée et brûlée. […] Et enfin, il n’est pas déraisonnable de penser que l’état d’humiliation où la première jeunesse du roi fut tenue par sa déraisonnable mère, lui rendait impossible cette confiance en lui-même et dans les autres, qui est le premier véhicule de l’amour ; qu’il ne voyait dans Anne d’Autriche qu’une femme attachée à lui par le devoir ; qu’il avait besoin d’être relevé de cette dépression par la tendresse de personnes désintéressées. […] Les écrits du temps n’indiquent pas les femmes qui faisaient partie de la société dans cette deuxième période, à la fin de laquelle la marquise avait atteint sa trente-cinquième année, et sa fille sa treizième. […] Mainard était secrétaire de la reine Marguerite de Valois, femme de Henri IV. […] « C’était, dit-il, une femme admirable. » Voiture l’appelle divine.

610. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Les années 1677 et 1678 ne présentent que la continuation, à la fin très monotone, des mêmes alternatives de refroidissement et d’ardeur entre le roi et madame de Montespan ; de galanteries entre le roi et quelques femmes de la cour ; et au milieu de ces aventures d’un genre fort commun, le progrès lent, très peu dramatique, très peu sensible de l’empire que madame de Maintenon prenait sur l’esprit du roi, par la sagesse, la convenance, le charme de sa conversation121. […] Elle fut une des plus intéressantes victimes de l’empire que Louis XIV exerçait sur toutes les femmes de sa cour, et de l’empire qu’une d’elles exerçait sur lui. […] « Quand la débauche et le dévergondage sont poussés à un certain point de scandale, je suis persuadée, dit madame de Sévigné, que cet excès fait plus de tort aux hommes qu’aux femmes. » Elle s’exprime ainsi à l’occasion d’un marquis de Thermes qui l’avait fort assidûment visitée aux eaux de Vichy et qui n’osa la revoir à Paris, étant là sous le joug de la maréchale de Castelnau, sa jalouse maîtresse, qui avait si bien renoncé aux bienséances, que, malgré son veuvage, elle ne prenait pas la peine de cacher ses grossesses… Mais laissons Thermes sous sa férule », dit-elle en finissant ; « il y aurait encore bien des choses à dire d’une autre vieille férule qui ne fait que trop paraître sa furie ». […] Il arriva, en effet, que le roi, entre une femme qui l’excédait de ses feintes ardeurs, et une autre qui le lassait par ses résistances, s’abandonna à son humeur avec toutes deux ; l’une avait à souffrir des infidélités sans déguisement, l’autre des froideurs passagèrement affectées. Et les deux femmes, ayant toujours quelque raison de s’accuser l’une l’autre de ce qu’il y avait de fâcheux dans leur situation, étaient continuellement en guerre ouverte l’une contre l’autre, ou dans un état de défiance qui n’était pas la paix.

611. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Mais lorsque, sous les rapports chrétiens, on vient à penser que l’histoire des Israélites est non seulement l’histoire réelle des anciens jours, mais encore la figure des temps modernes ; que chaque fait est double, et contient en lui-même une vérité historique et un mystère ; que le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine, représentant, dans ses aventures, tout ce qui est arrivé et tout ce qui doit arriver dans l’univers ; que Jérusalem doit être toujours prise pour une autre cité, Sion pour une autre montagne, la Terre Promise pour une autre terre, et la vocation d’Abraham pour une autre vocation ; lorsqu’on fait réflexion que l’homme moral est aussi caché sous l’homme physique dans cette histoire ; que la chute d’Adam, le sang d’Abel, la nudité violée de Noé, et la malédiction de ce père sur un fils, se manifestent encore aujourd’hui dans l’enfantement douloureux de la femme, dans la misère et l’orgueil de l’homme, dans les flots de sang qui inondent le globe depuis le fratricide de Caïn, dans les races maudites descendues de Cham, qui habitent une des plus belles parties de la terre91 ; enfin, quand on voit le Fils promis à David venir à point nommé rétablir la vraie morale et la vraie religion, réunir les peuples, substituer le sacrifice de l’homme intérieur aux holocaustes sanglants, alors on manque de paroles, ou l’on est prêt à s’écrier avec le prophète : « Dieu est notre roi avant tous les temps. » Deus autem rex noster ante sæcula. […] « L’homme né de la femme vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misères96. » Cette circonstance, né de la femme, est une redondance merveilleuse ; on voit toutes les infirmités de l’homme dans celles de sa mère. […] « Au temps d’Hérode, roi de Judée, il y avait un prêtre nommé Zacharie, du sang d’Abia : sa femme était aussi de la race d’Aaron ; elle s’appelait Élisabeth. […] Élisabeth, remplie tout à coup de l’Esprit saint, élève la voix et s’écrie : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de votre sein sera béni.

612. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Voyez cette femme qui a perdu les yeux dans sa jeunesse. […] Mais appelez la nature, présentez-lui ce col, ces épaules, cette gorge ; et la nature vous dira, Cela c’est le col, ce sont les épaules, c’est la gorge d’une femme qui a perdu les yeux dans sa jeunesse. […] L’étude de l’écorché a sans doute ses avantages ; mais n’est-il pas à craindre que cet écorché ne reste perpétuellement dans l’imagination ; que l’artiste n’en devienne entêté de la vanité de se montrer savant ; que son œil corrompu ne puisse plus s’arrêter à la superficie ; qu’en dépit de la peau et des graisses, il n’entrevoie toujours le muscle, son origine, son attache et son insertion ; qu’il ne prononce tout fortement, qu’il ne soit dur et sec, et que je ne retrouve ce maudit écorché même dans ses figures de femmes ? […] Qu’une femme laisse tomber sa tête [en devant], tous ses membres obéissent à ce poids ; qu’elle la relève et la tienne droite, même obéissance du reste de la machine. […] Lorsque l’élève sait dessiner facilement d’après l’estampe et la bosse, je le tiens pendant deux ans devant le modèle académique de l’homme et de la femme.

613. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Auguste fit lui-même l’oraison funèbre de Marcellus, son neveu et son gendre, et de Drusus, le fils de sa femme. […] Il y eut encore, sous ce règne, un éloge funèbre qui fit du bruit ; c’était celui de Junia, nièce de Caton, sœur de Brutus, et femme de Cassius, morte soixante et trois ans après la bataille de Philippe. […] Néron prononça sur la tribune un autre éloge ; c’était celui de Poppée ; nous savons qu’elle était la femme la plus belle de son temps ; elle avait tout, dit Tacite, hors des mœurs. Elle était parvenue au rang d’impératrice par ce mélange de coquetterie, d’artifice et de grâces, qu’ont eu tant de femmes célèbres. Néron en fit d’abord sa maîtresse, ensuite sa femme ; enfin le même homme fut son amant, son époux, son assassin.

614. (1893) Alfred de Musset

Non point l’éloquence qui fait dire d’une femme qu’elle parle comme un livre, mais l’éloquence pathétique qui remue. […] N’est-ce rien que d’avoir maté l’orgueil d’une femme et de l’avoir jetée à ses pieds ? […] Non moins charmant est le tableau du modeste intérieur de la pâle jeune femme aux grands yeux noirs. […] sa femme l’avait trompé. […] Musset a beaucoup trop vécu de la vie de salon et dans la société des femmes.

615. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ajalbert, Jean (1863-1947) »

. — Paysages de femmes (1887). — Sur les talus (1888). — Le P’tit, roman (1889). — En amour, roman (1890). — Femmes et paysages (1891). — La Fille Élisa, pièce tirée du roman d’Ed. de Goncourt (1891). — En Auvergne (1898) […] Gustave Geffroy Les Paysages de femmes et Sur les talus révèlent plus complètement la personnalité d’Ajalbert.

616. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Demarteau » p. 335

Le groupe d’enfans, la tête de femme, les deux petites têtes, la femme qui dort avec son enfant, gravés au crayon, mais à plusieurs crayons, sont d’un effet vraiment surprenant. […] Les deux enfans en l’air, sortant de dessous un lambeau de draperie, sont d’une finesse et d’une légèreté étonnantes ; cette femme qui regarde ironiquement par-dessus son épaule, est d’une grâce et d’une expression peu communes.

617. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

C’était de quoi ne jamais songer à la pauvre femme sans un secret remords. […] Ses vers laissent deviner des femmes diverses ; il n’a pas eu, semble-t-il, une vision supérieure de la femme et de l’amour. […] La femme qu’il célèbre en ses strophes merveilleuses ne lui est qu’une occasion d’hosannahs. […] Il n’écrivait plus de vers que pour aider aux œuvres de charité de sa femme. […] Les cotillons des femmes se tiennent en l’air comme s’il y avait un champignon dessous.

618. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Des femmes grosses accouchèrent. […] On l’accusoit d’en vouloir à toutes les femmes, depuis qu’il avoit éprouvé l’infidélité de la sienne. […] Sophocle accuse Euripide d’aimer l’argent, & d’avoir été gagné pour maltraiter les Lacédémoniens, leur roi, les femmes en général, & Médée en particulier. […] Quelques personnes veulent qu’il n’ait péri que de la main des femmes.

619. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Il ne faisait pas partie d’un ordre rigoureusement cloîtré. « C’est une chose louable pour un religieux, dit-il, de sortir rarement. » Donc il pouvait sortir. « N’ayez de familiarité avec aucune femme, mais recommandez à Dieu, en général, toutes les femmes de vertu. » Donc il connaissait des femmes. […] C’est durant cette période qu’il écrit ses tragédies, si douces et si violentes, et qu’il crée ses délicieuses femmes damnées. […] Les malveillants diraient : un vieux garçon mécontent des femmes et un littérateur mécontent de la société. […] Il a fait sur les femmes les remarques les plus audacieuses (que ne puis-je citer !) […] Les amours de la femme de quarante ans, dans l’Automne d’une femme, s’encadrent entre deux confessions de deux entretiens de la pécheresse avec son directeur, où le ton est singulièrement juste, la casuistique pénétrante, l’orthodoxie irréprochable.

620. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

— « Femme, apportes-en une seconde ! […] J’ai vu expirer un jeune homme et une jeune femme en chantant. […] La femme du maire patriote n’était pas encore levée ; Dietrich l’éveilla ; il appela quelques amis, tous passionnés comme lui pour la musique et capables d’exécuter la composition de de Lisle. […] Dietrich, sa femme, le jeune officier se jetèrent en pleurant dans les bras les uns des autres. […] L’infortuné Dietrich marcha peu de mois après à l’échafaud, au son de ces notes nées, à son foyer, du cœur de son ami et de la voix de sa femme.

621. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Elle aimait l’Angleterre et les Anglais ; elle causait bien politique, et ce fut une des femmes du xviiie  siècle qui, les premières, surent manier en conversant cet ordre d’idées et de discussions à la Montesquieu. […] Il y a deux femmes en elle, celle d’en haut et celle d’en bas. […] Sans le vouloir, elle passe à la Cour, a la ville, chez l’étranger, et dans la République des Lettres pour une des premières femmes de sa nation et de son siècle. […] cette femme si répandue, si fêtée et adorée, cette Idole, pour l’appeler encore une fois par son nom, qui, dans le plus éclairé des siècles, s’était attachée, par les liens durables de l’estime, des princes et des monarques, des philosophes et des lettrés célèbres ; qui faisait les délices ou l’envie du beau monde qui l’entourait ; que l’on cultivait et que l’on courtisai ! […] Au milieu du lever, entra une jeune femme avec trop de sans-façon, me parut-il, pour être autre qu’une proche parente.

622. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Il a l’habitude, on rentrant le soir, de noter brièvement ce qu’il a entendu de plus remarquable ; il nous livre aujourd’hui ces notes ; il y joint les lettres qu’il a reçues de ces personnages célèbres ou de ces femmes d’esprit. […] Coulmann a le plus connues, et il a eu l’honneur d’inspirer à cette femme distinguée une amitié véritable. […] Il est difficile, en général, à une femme de se créer sa palette ; elle accepte d’ordinaire celle de son temps. […] Elle pensait tout à fait là-dessus comme Mme Récamier, comme Mme de Staël ; et puisque j’ai rappelé ces deux noms de femmes célèbres, je citerai un touchant passage de lettre qui les concerne. […] Je me suis trouvée avec une douzaine de femmes ou maîtresses de voleurs qui venaient aussi chercher leur permission.

623. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Plus elle est monstrueuse, plus elle est vivace, accrochée aux plus frêles vraisemblances et tenace contre les plus fortes démonstrations  Sous Louis XV, pendant l’arrestation des vagabonds, quelques enfants ayant été enlevés par abus ou par erreur, le bruit court que le roi prend des bains de sang pour réparer ses organes usés, et la chose paraît si évidente, que les femmes, révoltées par l’instinct maternel, se joignent à l’émeute : un exempt est saisi, assommé, et, comme il demandait un confesseur, une femme du peuple prend un pavé, crie qu’il ne faut pas lui donner le temps d’aller en paradis, et lui casse la tête, persuadée qu’elle fait justice739  Sous Louis XVI, il est avéré pour le peuple que la disette est factice : en 1789740, un officier, écoutant les discours de ses soldats, les entend répéter « avec une profonde conviction que les princes et les courtisans, pour affamer Paris, font jeter les farines dans la Seine ». […] Arthur Young, visitant des sources près de Clermont, est arrêté741 et l’on veut mettre en prison la femme qui lui a servi de guide ; plusieurs sont d’avis qu’il a été « chargé par la reine de faire miner la ville pour la faire sauter, puis d’envoyer aux galères tous les habitants qui en réchapperont ». […] J’ai vu dans le dépôt de Rennes plusieurs maris arrêtés sur la seule dénonciation de leurs femmes, et autant de femmes sur celle de leurs maris ; plusieurs enfants du premier lit à la sollicitation de leur belle-mère ; beaucoup de servantes grosses des œuvres du maître qu’elles servaient, enfermées sur sa dénonciation, et des filles dans le même cas, sur la dénonciation de leur séducteur ; des enfants sur la dénonciation de leur père, et des pères sur la dénonciation de leurs enfants : tous sans la moindre preuve de vagabondage et de mendicité… Il n’existe pas un seul jugement prévôtal qui ait rendu la liberté aux détenus, malgré le nombre infini de ceux qui ont été arrêtés injustement. » — Supposons qu’un intendant humain, comme celui-ci, les élargisse : les voilà sur le pavé, mendiants par la faute de la loi qui poursuit la mendicité et qui ajoute aux misérables qu’elle poursuit les misérables qu’elle fait, aigris de plus, gâtés de corps et d’âme. « Il arrive presque toujours, dit encore l’intendant, que les détenus, arrêtés à vingt-cinq ou trente lieues du dépôt, n’y sont renfermés que trois ou quatre mois après leur arrestation, et quelquefois plus longtemps. […] Les hommes et les femmes sont renfermés dans la même prison, et il en résulte toujours que celles qui n’étaient pas grosses quand elles ont été arrêtées le sont toujours quand elles arrivent au dépôt. […] La populace, délivrée du frein auquel elle est accoutumée, s’abandonnerait à des violences d’autant plus cruelles qu’elle ne saurait elle-même où s’arrêter… Tant que le pain de Gonesse ne manquera pas, la commotion ne sera pas générale ; il faut que la halle779 y soit intéressée, sinon les femmes demeureront calmes… Mais si le pain de Gonesse venait à manquer pendant deux marchés de suite, le soulèvement serait universel, et il est impossible de calculer à quoi se porterait cette grande multitude aux abois, qui voudrait se délivrer de la famine, elle et ses enfants. » — En 1789, le pain manque à Gonesse et dans toute la France.

624. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Mais les femmes, même celles de talent comme la Champmeslé, n’avaient pu conquérir à aucun degré la considération ; elles restaient dans une condition socialement infime. […] Elle n’eut pas plutôt achevé, qu’elle vit entrer une femme qui dit brusquement : « Non, madame, ce n’est point une dame, c’est la Beauval. » Toute part faite à la singularité de la personne qui disait ce mot, on a là une mesure vraie du préjugé social au commencement du xviiie  siècle. […] Elle fut la première à conquérir en France, pour les actrices, la position de Ninon, c’est-à-dire d’une femme honnête homme, recevant la meilleure compagnie en hommes et même en femmes, pour peu que celles-ci eussent de la curiosité et un peu de courage. […] On peut y joindre une ou deux femmes spirituelles, de condition et pas trop grandes dames, telles que la présidente Bertier, par exemple. […] Quoique d’un âge où il ne tient qu’aux femmes de paraître encore jeunes, elle ne craint pas de parler des années qui approchent et de ce qu’elles amènent de moins gracieux avec elles, des soins, des devoirs auxquels, dans dix ans, on sera obligé auprès d’une vieille amie.

625. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Son attitude dans le salon de sa femme était particulière ; bien que ce fût à son intention, et en grande partie pour lui plaire, pour servir et accroître sa renommée, qu’elle s’appliquât à rassembler cette élite brillante, il n’était là qu’un spectateur silencieux et froid : « Hormis quelques mots fins qu’il plaçait çà et là, personnage muet, il laissait à sa femme le soin de soutenir la conversation. » Marmontel, qui fait cette remarque, ajoute que ce silence et cette gravité de M.  […] « Ses traits ne ressemblent à ceux de personne ; la forme de son visage est extraordinaire. » C’est sa femme qui disait cela, et d’autres qu’elle l’ont également remarqué. […] Necker assistait dans son propre salon à la lecture que faisait sa femme d’un portrait de lui, écrit en 1787 ; portrait où il est célébré sur tous les tons, où le mot de génie est prodigué aussi bien que les comparaisons les plus ingénieuses et les plus recherchées ; où, dans une suite disparate de rapprochements et d’images, M.  […] Il écoutait ce portrait lu par sa femme devant témoins, comme s’il eût été question d’un tiers, et plus tard il le publia lui-même dans les Mélanges qu’il donna d’elle en 1798. […] Necker avec moins de distinction et de délicatesse : Je choisirai toujours les femmes pour exemple, dit-il, parce qu’elles sont plus particulièrement destinées à la garde des vanités, et que les hommes semblent eux-mêmes l’avoir voulu ainsi.

626. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Il n’a pas cherché le corsage de la femme dans la syrène ; les écailles de la bête lui ont suffi. […] Dans une telle position, c’est pour moi un grand soulagement d’avoir quelqu’un dans le ciel à qui je puisse adresser mes gémissements pendant la nuit, après que ma femme est couchée. […] Dans ces Aveux d’un poète si familiers et si nobles, si élevés et si intimes, Heine, qui nous a dit tout, parce qu’il a le don du langage avec lequel on peut tout dire, nous parle de son mariage catholique à Saint-Sulpice et des vertus chrétiennes de la femme qu’il a épousée. […] Il n’était, après tout, qu’un Fontenelle à sa plus haute puissance, auquel une femme aurait pu très bien dire ce qu’une autre femme disait à Fontenelle, en lui frappant doucement sur la poitrine, un jour qu’il se vantait d’avoir un cœur : « Allons donc ! […] — amoureux, passionnément amoureux de sa jeune femme, et il constatait avec désespoir que ses lèvres, ses pauvres lèvres, frappées comme tout le reste de son corps, n’avaient plus — supplice épargné à Tantale ! 

627. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

La taille moyenne paraît grande, parce quelle est souple et proportionnée ; la démarche révèle la race : on y sent je ne sais quoi de souverain et la femme en pleine possession de la vie. […] Femme et princesse, elle admet, elle appelle la contradiction. […] Dans un voyage que lui-même il fit en Italie, l’empereur Nicolas, qui s’intéressait à cette belle jeune femme du sang des Napoléon jetée sous son aile et presque sous sa serre, envisagea de près sa situation domestique, déjà compromise, et estima qu’elle ne pouvait longtemps se prolonger. […] — Il présida et tint constamment la main par la suite aux arrangements qui furent réglés dans l’intérêt de la jeune femme, lors de la séparation des époux. […] Sa manière n’a rien de petit ni de léché, ni qui sente le faire de la femme ; on croirait plutôt avoir devant soi les productions d’un jeune homme de talent qui s’exerce avec largeur et se développe.

628. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Que vous appreniez comment Hermann, prince régent d’Alfanie de par l’abdication provisoire de son père le vieux roi Christian, et son frère Otto sont tués dans la même nuit, en chapitre final, le premier par sa femme Wilhelmine, le second par un garde-chasse, cela nous intéressera moins que le tragique fait-divers dont l’histoire d’une des grandes monarchies de l’Europe centrale a été éclaboussée l’autre année ; et j’aime mieux les imaginations successives qui m’expliquent, suivant le gré de l’heure, ce drame princier que l’affabulation de livraison populaire qu’y a, dans une préface qui est tout le roman, ajustée M.  […] Une très belle anecdote, lentement développée, souligne par l’opposition de ses deux héros l’infranchissable distance de deux civilisations, celle de la mère-patrie et de la colonie : l’aventure se poursuit, sentimentale, de la sous-préfète Clotilde Hardigny, femme d’esprit et de cœur, et du riche interprète arabe, Saïd-bel-hadj-Ali. […] Des aventures, des hommes, des princes, des caractères, des héros, des femmes merveilleuses et d’émotion, des âmes qui s’exaltent et crient et s’acharnent et s’apaisent, du malheur qui s’obstine, et du lyrisme, et du cœur, et des larmes. […] C’est le caractère ardent, héroïque du duc Floris qui soulève des colères paternelles et fait couler des larmes de mère, de femme, de sœur. C’est des amours fous ou criminels, l’oubli de la femme chérie, le droit à changer d’objet que s’arroge l’Amour, et à choisir en aveugle, qu’il faut accepter puisqu’on n’a pas refusé son choix quand il avait fait une première sélection, providentielle ; c’est la sœur de l’épouse qu’on désire, et c’est deux femmes qu’on tue ; et l’envie dans le mal dont on se sent irresponsable de courir le monde et des cieux non témoins, et la lassitude finale de tout ce qu’on peut toucher dans la vie d’inutile, de tragiquement bête, de vaniteusement vain.

629. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

Des femmes faibles ou coupables, surprises de tant de charme, et goûtant pour la première fois le contact plein d’attrait de la vertu, s’approchaient librement de lui. […] Des femmes, le cœur plein de larmes et disposées par leurs fautes aux sentiments d’humilité, étaient plus près de son royaume que les natures médiocres, lesquelles ont souvent peu de mérite à n’avoir point failli. […] Des femmes venaient verser de l’huile sur sa tête et des parfums sur ses pieds. […] Aussi les enfants et les femmes l’adoraient. […] La religion naissante fut ainsi à beaucoup d’égards un mouvement de femmes et d’enfants.

630. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Le roi s’abandonna donc à tous ses caprices, se livra à peu près à toutes les femmes. […] Qu’on se figure, dans la position de madame de Maintenon, une femme d’un autre caractère : elle mettra en jeu tout ce que l’art de la galanterie aura de plus raffiné, d’abord pour nuire à sa rivale, ensuite pour plaire toujours plus qu’elle-même : elle disputera sa possession autant qu’il faudra pour en exalter le désir jusqu’à la passion. […] Mais madame de Maintenon marchera autrement vers un but plus élevé que ceux de la galanterie : elle veut être aimée, préférée, et respectée, tâche impossible à une femme galante. […] sur quel pied l’épouse légitime, la mère de l’héritier de la couronne, sera-t-elle obligée à vivre avec la femme coupable qu’un double adultère met dans les bras du roi ? […] La femme de l’ami (la reine) a fort pleuré.

631. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

Coppée ressemble quelquefois aux femmes de Chéret et vous donne une sorte de joie presque physique. […] J’ai fait parler la femme à la démarche parisienne et aux ornements barbares. […] D’ici, de là, un peu d’amour du silence, et du calme, et des intimités : c’est avec une honnête femme et une bonne ménagère que nous sommes. […] Et encore la pitié est un sentiment pénible contre lequel, instinctivement, la petite femme se défend. […] Une pauvre petite bourgeoise anémique et geignarde, voilà, au fond, ce qu’est la femme à la démarche d’un rythme souple, aux boucles d’oreilles trop riches.

632. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

… Il y a, je ne sais où, un adorable conte d’une bergère qui a trouvé un os de femme qu’elle prend pour un ivoire et qu’elle dole avec son couteau pour voir ce que c’est, quand, tout à coup, voilà que l’os se met à chanter mélodieusement qu’il est celui d’une pauvre femme assassinée. […] Henri IV, que, dans son histoire, il diminue pour rester vrai, l’aimait au point de vouloir le faire servir à ses vices et employer à ses amours, sachant que les femmes qui résistaient au roi ne résisteraient pas au poète, et qu’il les lui prendrait comme les forteresses… Mais il était trop fier faucon pour de telles chasses, et il resta ce que le pur et délicieux Joinville lui-même serait resté, si, par impossible, Saint Louis eût été Henri IV ! […] L’âme religieuse de cet homme triple atteignait au sublime d’une foi profonde, quoique erronée ; mais pour retomber bientôt de cette hauteur aux faiblesses, ou aux forces, de l’humanité : à l’amour toujours païen de la femme, — à cette époque plus païen que jamais, — aux fureurs sacrées, comme disent les poètes » de la Muse, aux sonnets ardents qu’à la cour, pendant les trêves de ces guerres protestantes, il jetait, comme des torches, dans l’escadron volant des filles de la reine, pour leur embraser les sens et les cœurs. […] Il a l’honneur d’être intellectuellement l’aïeul de Corneille, comme, physiologiquement, l’honneur d’être celui de cette admirable femme taillée pour la Royauté et l’Histoire, qui racheta le protestantisme de son grand-père et qui fut madame de Maintenons Et Corneille, d’ailleurs, qui est partout en ces poésies, dont on trouve la physionomie engravée par avance dans la fière mine de d’Aubigné, n’est pas le seul de sa descendance. […] — Et aussi à cet endroit, où il dit des femmes qui déguisent leur envie : D’un propos contrefait tout autre que le cueur, Cachent pour t’affiner la cause qui les meine, En la même façon que la fine Clymenne Qui du beau Francion disoit mal à sa sœur.

633. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Quoiqu’il ait déjà publié des romans, — et un entre autres pour lequel les femmes, qui en raffolent, ont été de véritables oiseaux : le Bouquet de cerises, — Francis Wey est beaucoup moins connu comme romancier que comme linguiste, comme critique littéraire et d’art. […] Classé parmi ceux qui ne prennent pas les tambourinades des journaux pour la gloire, et qui attendent que de tels bruits finissent, pour introduire la célébrité qui ne finit pas, Wey est au meilleur rang des vrais et trop rares hommes de lettres contemporains qui, un jour, ont trouvé la littérature dans la rue et l’ont fait monter chez eux, l’ont essuyée des éclaboussures du ruisseau, qui n’était pas d’azur, et l’ont rendue la noble femme qu’elle doit être de la bohémienne qu’elle avait été trop longtemps. […] Il guérit par l’amour d’une femme pieuse qui le sauve et qui met en relief cette pensée, le vrai fond du livre : — les femmes, malgré l’infériorité de leur sexe, peuvent plus que les hommes à cette heure, car elles ont une éducation moderne unitaire, et les hommes ne l’ont pas ! […] La femme aimée de Christian est une jeune fille, belle comme toutes celles qu’on aime dans les romans et dans la vie. […] On sent que pour résister à cette poignante et cruelle ironie de l’ange qui regarde la terre et lève les épaules sous ses ailes, — dernier mouvement de la femme que la religieuse n’ait pas réprimé, — il faut que Christian ait jeté dans l’âme troublée d’Éliane de bien brûlantes impressions.

634. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Pastorales et paysages de Boucher. » pp. 120-121

quel sujet a jamais rassemblé dans un même endroit, en pleine campagne, sous les arches d’un pont, loin de toute habitation, des femmes, des hommes, des enfants, des bœufs, des vaches, des moutons, des chiens, des bottes de paille, de l’eau, du feu, une lanterne, des réchauds, des cruches, des chaudrons ? que fait là cette femme charmante, si bien vêtue, si propre, si voluptueuse ? […] Il est fait pour tourner la tête à deux sortes de gens ; son élégance, sa mignardise, sa galanterie romanesque, sa coquetterie, son goût, sa facilité, sa variété, son éclat, ses carnations fardées ; sa débauche, doivent captiver les petits-maîtres, les petites femmes, les jeunes gens, les gens du monde, la foule de ceux qui sont étrangers au vrai goût, à la vérité, aux idées justes, à la sévérité de l’art ; comment résisteraient-ils au saillant, au libertinage, à l’éclat, aux pompons, aux tétons, aux fesses, à l’épigramme de Boucher.

635. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Il inspira plus d’un dévouement de femme, sans parler de la sienne (car il était marié, et à une femme de mérite, ce qu’il cachait aussi tant qu’il pouvait) ; il se fit plus d’une fois aimer. […] Le héros aimait une jeune femme, en était aimé, et il s’éloignait pourtant, bien qu’elle fut libre. […] Plus d’un lecteur y fut pris et se dit avec étonnement : « Mais est-il possible qu’une personne comme Mme de Duras, qu’une femme du monde et qu’une femme, soit allée choisir une pareille donnée ? […] On sent d’abord que c’est une femme qui écrit : Je n’ai pas défini, je n’ai pas deviné, dit-elle, cette énigme obscure et brillante, j’en ai subi l’éblouissement et la crainte. […] Ce témoignage indulgent d’une femme poète (Mme Desbordes-Valmore) s’accorde bien avec celui de Mme Sand, même pour l’expression : « Cette âme, a dit Mme Sand, n’était ni faible, ni lâche, ni envieuse, elle était navrée, voilà tout. » Ces deux charités de femmes poètes se sont rencontrées dans une même explication adoucie : nous autres hommes, nous sommes plus durs et plus sévères.

636. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Ils sont différents comme l’homme et la femme, qui, séparés et unis pourtant, font ce prodigieux Androgyne que l’on appelle l’humanité. […] Évidemment le critique, à son tour femme aussi, mais trop femme, a pris les perles pour le front. […] … Sainte-Beuve, comme les femmes, et comme les actrices, deux fois femmes, porte le reflet des personnalités qu’il avoisine ; ne voilà-t-il pas un grand miracle ? […] Quand on tient par l’affection ou par l’admiration à la gloire d’un homme ou au charme incontesté d’une femme, il n’est permis, sous aucun prétexte, de publier des choses si évidemment, si manifestement inférieures que cette gloire et ce charme en reçoivent une profonde atteinte. […] Après cela, il n’est pas besoin d’insister pour qu’on soit bien sûr qu’il n’avait pas ce qu’il faut de grâce et de légèreté et de souplesse pour enlever une lettre à une femme, — cette chose ailée qui se pose surtout et qui n’y pèse pas.

637. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Qui de vous n’a été témoin de ces bruyantes occupations, de ces repas, de ces jeux après l’ouvrage de nos jeunes femmes occupées du soin de blanchir ? […] Jamais de mes yeux je n’aperçus une personne semblable, ni parmi les hommes, ni parmi les femmes, et une respectueuse admiration me saisit à ton aspect. […] Femme, c’est ainsi que je te contemple, t’admire et que j’ai tremblé de toucher tes genoux, car j’éprouve des douleurs cruelles. […] Car les animaux, Madame, dit-il à ma femme, c’est un grand et doux mystère ! […] lisez-nous les vers que vous avez faits sur ce pauvre oiseau, lui dirent ma femme et ma nièce, émues d’avance de son émotion.

638. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Deux ou trois petits cadres de portraits, cloués contre les murailles, attestaient ses amitiés ou ses préférences en hommes ou en femmes. […] Cette religion pratique, son seul refuge après la mort précoce de sa femme, avait redoublé en lui par l’isolement de son cœur. […] S’il eût consulté une femme, Platon n’aurait pas écrit cela : tu le penses bien ? […] Puis nous l’avons fait jaser sur son pays d’à présent, sur ses enfants et sa femme. […] Dix ans, c’est un siècle pour une femme.

639. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Pourtant c’était quelque chose à une femme d’un si grand monde, à une princesse, que de passer ainsi plusieurs heures chaque jour seule dans son cabinet et en présence de son écritoire. […] Elle assiste en honnête femme au débordement du temps, à celui de sa famille, et elle exprime le dégoût profond qui lui en vient. […] Elle ne pouvait s’habituer à voir en plein Opéra les femmes qui portaient les plus grands noms se permettre des familiarités qui les affichaient : « Madame ! […] Si les princesses honnêtes femmes s’écrivaient de telles gaietés sans aucune vergogne, de quel droit reprenaient-elles les autres, celles qui cherchaient leur plaisir ailleurs et entendaient le carnaval autrement ? […] [NdA] Par exemple à la page 134 de ces Nouvelles lettres : « Le temps est venu où, comme dit la sainte Écriture, sept femmes, etc. »

640. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Veuf de sa première femme, en 1675, il s’éprit éperdument de Marianne Pajot, célèbre par son aventure avec le duc de Lorraine, et l’épousa. […] À quelques jours de là, elle renvoyait à M. de Lorraine la valeur d’un million de pierreries qu’il lui avait données, « lui disant qu’il ne lui convenait pas de les garder, n’ayant pas l’honneur d’être sa femme ». […] Devenu à vingt-trois ans veuf de sa première femme, il songea à faire un mariage d’amour, et crut pourvoir au bonheur de toute sa vie en épousant une personne accomplie, mais qui était restée dans une position fausse, duchesse de Lorraine durant quelques heures, et puis bourgeoise après comme devant. […] Il le croyait du moins, et récapitulant sa vie dans sa vieillesse, revoyant ses affections passées dans leur vrai jour, et ne comptant que celles qui méritaient de survivre, il disait : « La source de tous mes malheurs et ce qui ne se peut réparer, est d’avoir perdu une femme que j’avais choisie selon mon cœur, et pour qui j’avais tout quitté. […] Il est possible que ce soit à la terre de Lassay qu’il soit allé vivre avec sa femme, et, en ce cas, Saint-Simon se serait mépris en disant la Basse-Normandie au lieu du Maine.

641. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Mme de Staal a raconté spirituellement, et avec ce grain d’ironie qu’elle met à tout, comment elle fut sur le point de remplacer à titre d’épouse cette femme illustre auprès de M.  […] Sa femme passait pour en savoir plus que lui en ces deux langues, en antiquités, en critique, et a laissé quantité d’ouvrages fort estimés. Elle n’était savante que dans son cabinet ou avec des savants ; partout ailleurs simple, unie, avec de l’esprit, agréable dans la conversation, où on ne se serait pas douté qu’elle sût rien de plus que les femmes les plus ordinaires. […] Pour elle, qui se mêle à ces illustres ombres, elle est accueillie aussi par les femmes célèbres dont la renommée peut faire envie aux plus grands hommes ; mais, jusqu’en cette demeure dernière et parmi ces naturelles compagnes, « ce n’est ni Sapho ni la docte Corinne qui lui plaisent le plus, c’est plutôt Andromaque et Pénélope ». « Le silence est l’ornement des femmes.

642. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Mais, sous cette forme où il la présente, à l’usage d’une société élégante et d’une civilisation consommée, que de vérités sur les passions, sur l’amour, sur les femmes, sur les différents âges, sur la mort ! […] Cousin sur les femmes du xviie  siècle a eu grand succès : c’est plein de talent d’expression, de vivacité et de traits ; pourtant c’est choquant pour qui a du goût (mais si peu en ont) ; il traite ces femmes comme il ferait les élèves dans un concours de philosophie ; il les régente, il les range : Toi d’abord, toi ensuite ! […] Quand on parle des femmes, il me semble que ce n’est point là la véritable question à se faire, et qu’il serait mieux de se demander tout bas, non pas si on daignera les accueillir, mais si elles vous auraient accueilli. […] Cousin aime une femme, il faut que l’univers en soit informé, il a le tumulte de l’admiration. […] Cousin est-il de quelqu’un qui a connu les femmes, et qui les a aimées ? 

643. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Le sien a des caractères qui lui sont propres, entre les diverses relations qu’ont laissées les femmes échappées au glaive de la Terreur. […] En faisant toujours la part de sa vivacité de femme et de royaliste, son témoignage, en tout ceci, ne diffère pas sensiblement de celui du duc d’Arenberg, ce même comte de La Marck qu’elle vient de citer, et dont la correspondance avec Mirabeau, publiée il y a une dizaine d’années, a éclairé bien des points obscurs de ce commencement de la Révolution. […] Mme Elliott n’hésita point et rentra dans Paris au jour et à l’heure même où tous eussent voulu s’en échapper ; femme timide, mais enhardie par un sentiment d’humanité, elle se replongea bravement dans la gueule du monstre et en pleine fournaise. […] Ce qui est certain, c’est que tous les honneurs de la contenance et du courage, dans ces scènes à la fois atroces et grotesques, sont pour la charmante et généreuse femme qui risque vingt fois sa vie en le cachant. […] ils furent aussi traînés à cet horrible échafaud, et nous donnâmes à leur mort des larmes sincères. » — Là, Mme Elliott connut Mme de Beauharnais, la future impératrice, avec qui elle se lia tendrement et passa, dit-elle, des moments délicieux : « C’est une des femmes les plus accomplies et les plus aimables que j’aie jamais rencontrées.

644. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Jérôme Pichon, offre un curieux traité de morale, de civilité honnête et d’économie domestique, le tout dressé par un bon bourgeois de Paris du xive  siècle, à l’usage de sa jeune femme. […] Ces deux noms de femmes, qui honorent la liste de la Société des bibliophiles, sont ceux de Mme Gabriel Delessert et de Mme la vicomtesse de Noailles ; et, pour être indiscret jusqu’au bout, j’ajouterai que ce n’est point la première qui est l’auteur de la Notice sur la duchesse de Bourgogne, Notice qui est à la fois d’un membre de la Société et d’une femme. […] La princesse qui arrivait en France à l’âge de onze ans, avait déjà reçu en Savoie une certaine éducation, surtout celle qui était nécessaire aux princes, et que la nature toute seule donne aux femmes, l’envie et le soin de plaire. […] Elle avait donc suivi son grand-père à Marly, et le roi se promenait après la messe auprès du bassin des Carpes, quand arriva une dame de la duchesse, tout empressée, et qui annonça au roi que, par suite du voyage, la jeune femme était en danger d’une fausse couche. […] La duchesse de Berry, fille du futur Régent, n’était pas la seule jeune femme d’alors à qui il arrivât de s’enivrer.

645. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

On ne le peut d’ailleurs même pas, pas plus que la femme ne peut volontairement s’empêcher de mettre au jour le fruit mûr de ses entrailles. […] Au Salon, elle se presse avec de légers cris d’admiration, pas plus hauts qu’il ne sied, autour des femmes de M.  […] Des livres qui traitent simplement des rapports de l’homme et de la femme, même sans aucun voile, semblent absolument d’une moralité fade. […] Sir James dit encore dans son discours : « Hommes et femmes vieillissent avant l’âge. […] Cette énumération de cinq noms de femmes forme deux vers.

646. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

L’ennemie irréconciliable du christianisme devrait être la femme. […] La femme tient de plus près à la nature que l’homme. […] Elle est aux hommes ce que la grande beauté est aux femmes. […] Les femmes le lisent peu. […] C’est la femme réduite à sa plus simple et plus grossière expression.

647. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

C’est la même que Boileau désignait pour la femme de France qui avait le plus d’esprit et qui écrivait le mieux. […] n’est-elle pas la plus heureuse femme du monde ? […] madame, la pauvre femme n’est présentement que trop justifiée… Elle avoit deux polypes dans le cœur, et la pointe du cœur flétrie. […] « Il y a telle femme qui anéantit ou qui enterre son mari au point qu’il n’en est fait dans le monde aucune mention : vit-il encore, ne vit-il plus ? on en doute… » (La Bruyère, des Femmes.

648. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Et combien est nouvelle celle qui se livre avec une grâce presque mûre à son aimé, et comme on la sent, à travers ses cris de jeune maîtresse, la femme de maison, être déjà responsable et dénué d’enfantillages. Puis les épreuves viennent, sa chair se durcit en de plus fermes contours et, par le revirement habituel, il lui faut un plus jeune amant, pour lequel elle est en effet la maîtresse, la femme chez qui de despotiques ardeurs précèdent les attitudes maternelles, que coupent encore les coups de folie d’une créature sentant le temps et la joie lui échapper, jusqu’à ce qu’elle consomme virilement un suicide, en femme forte et faite, qui sentit les romances sentimentales des premiers ans se taire sous les rudes atteintes d’une existence sans pitié. […] Enfin Flaubert satisfait son amour de l’énergie et de la beauté en concevant les admirables femmes de ses romans, pâles, noires, fines et tristes, Mme Bovary et Mme Arnoux. […] Et parmi ces architectures, entre l’embrasement des catastrophes, sous les yeux droits et mâles, d’étranges femmes passent. […] Madame Bovary est par certains côtés la femme, et Homais reste comme l’exemple grotesque de toute une catégorie sociale.

649. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

En cela, il commet la gaucherie d’art qu’avait commise avant lui une femme d’un grand talent fantastique, cette Anne Radcliffe qui avait sous sa pâleur sinistre et idéale quelques gouttes du sang de Shakespeare. […] Quoique marié (son biographe ne nous dit pas à quel autel), quoique marié à une femme qu’il aima, prétend-on, — mais nous savons trop comment aiment les poètes, — la famille ne créa point autour de lui d’atmosphère préservatrice. […] Il épousa une femme qui lui apporta en dot une mère44. […] La mort de la femme de Poe n’entraîna pas, du reste, la mort de l’âme qui l’avait si éperdument aimée. […] Avec son affamement de tendresse, qui survécut à la mort de sa femme dans son âme, il alla se cogner à la raison pratique des femmes américaines et il fut repoussé par elles.

650. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Par malheur l’historien doit être comme la femme de César, ne pas même pouvoir être soupçonné d’infidélité. […] Que de piquants et de gracieux portraits d’hommes et de femmes, M. de Cernay, Mme de Penafiel ! Celle-ci, adorable figure, femme à la mode aussi calomniée que courtisée, captive bientôt Arthur. […] Cette espèce de crime se renouvelle encore deux autres fois, et dans l’une des deux à propos non plus d’un amour de femme, mais d’une amitié d’homme. […] Mais Napoléon, par exemple, n’était-il donc pas dur aussi et inexorable d’étiquette avec les femmes de sa cour ?

651. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Ce n’est point l’argent de Monteprade qu’elle convoite, c’est le titre de femme honnête que lui conférerait le mariage. […] En revanche, — et les exemples sont bien plus nombreux, — que de femmes bien nées, entourées de toutes les protections de la famille et de la fortune, n’aspirent qu’à descendre pour se mêler aux saturnales du monde inférieur ! […] Les portes closes et les domestiques renvoyés, la voilà qui met bas sa couronne de comtesse et son masque de femme honnête ; la fille reparaît. […] Comme toutes les femmes de son type, elle se prenait à aimer, avec la soumission d’une esclave, le mâle énergique qui lui faisait sentir sa force dans son mépris. […] Le premier acte nous introduit dans la maison austère de Mademoiselle Diane de Mirmande, une vierge héroïque, une femme forte de la Bible calviniste.

652. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Là-dessus Bussy, entreprenant comme il était, et à qui il ne fallait pas répéter deux fois qu’une femme l’aimait, ni conseiller deux fois une témérité, résolut d’enlever la veuve. […] Il en témoigne du regret, mais il ne ressentit jamais assez la honte de ses torts envers une faible et courageuse femme qui faillit en mourir sur le coup, et qui devint, à partir de là, une mère de charité et une sainte. […] Sans parler des hommes qui, en fait de procédés, s’y montrent capables de tout, les femmes qu’il met en scène sont emportées, violentes, surtout intéressées et cupides. Bussy, dans l’exil, en se souvenant des femmes qu’il avait connues, disait : « Elles aimaient, de mon temps déjà, l’argent et les pierreries plus que l’esprit, la jeunesse et la beauté. » On doit plaindre Bussy de n’avoir su rencontrer que de pareilles femmes à l’époque où vivaient les Sévigné, les La Fayette et bien d’autres. […] Mais ce qui est moins beau et moins touchant, Bussy avait dans l’un de ses châteaux une galerie de portraits, parmi lesquels on voyait les diverses femmes qu’il avait connues et aimées.

653. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il me semble que c’était une femme. […] La femme belle exprime aussi bien une face du but divin que la femme vertueuse. […] Il est avec la femme malheureuse. […] La jeune femme vieillit le jeune mari, le jeune mari vieillit la jeune femme. […] “Que lui veulent les femmes ?”

654. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Sur les parfums chauffés brûlant comme des flammes, Sur les fleurs qu’on est las d’arroser, sur les femmes Qu’est-ce qu’on pourrait bien écrire de très doux ? […] Je m’exclamerai, parlant de la femme : Si tu n’étais fausse, eh ! […] Verlaine se sentait, en outre, attiré vers cette femme qui approche de l’idéal rêvé par lui. Cette femme qui, malgré la flamme qu’elle portait au côté, ne se mit ni en dehors, ni au-dessus de la vie, qui accepta simplement sa destinée et fit simplement ses devoirs de jeune fille, d’épouse, de mère et de grand-mère, cette femme réalisait bien la vie que concevait Paul Verlaine. « Toujours le pardon, toujours le sacrifice. » Tel il s’était conçu, lui, surtout « né pour plaire à toute âme un peu fière », « tout prière et tout sourire, sorte d’homme en rêve et capable du mieux », comme il dit de lui-même quelque part.

655. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

… Sans la marquise de Sévigné et sa passion incompréhensiblement folle pour sa maussade fille, qui donc se douterait seulement de l’existence de ce Grignan, qui ne fut qu’une bouture assez mal venue de sa mère, et dont la possession d’État — comme on dit en droit — vient de deux femmes, deux cents ans avant que ce bâtard de Girardin demandât que la femme fît la possession d’État de l’enfant légitime ! […] Il l’adore, et parfois il s’en moque, mais comme on se moque de la femme qu’on adore ! […] Il ne peut pas se passer d’elle, et son haleine — l’haleine de son style — a l’haleine de cette femme aimée, comme cette autre femme qui sentait par la bouche le bouquet de violettes de Parme qu’elle avait, une seule fois, respiré !

656. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Cette instruction, divisée par chapitres et où nul n’est oublié du personnel de la valetaille : le butler (sommelier), la cuisinière, le laquais, le cocher, le groom, l’intendant, le portier, la femme de chambre, la fille de service, la fille de laiterie, la bonne d’enfants, la nourrice, la femme de charge et la gouvernante ; ce mandement d’un doyen que Mascarille, après boire, refuserait de signer, ne peut être évidemment qu’une mystification immense et même une mystification à commencer par l’auteur lui-même, — car rien ne doit équivaloir, non seulement pour un esprit élevé, mais pour un esprit quelconque, au dégoût d’écrire, dans quelque but de raillerie que ce soit, ces conseils de friponnerie et de bassesse où tout le sens est dans la grosseur de l’ironie et dans une impudence égale entre l’idée et le langage… Et ce n’est pas tout. […] On sait que, vieux, cet anglais, chez qui tout fut si anglais, fut aimé de deux femmes, dont l’étrange passion ne pouvait aussi exister que dans deux cœurs de femmes anglaises. […] Cela lui apprit tard la fatuité : « Le plus beau jeune homme de la terre — dit-il — « n’a jamais que vingt-quatre heures d’avance sur moi. » Du reste, il n’avait jamais aimé les femmes, et il avait pour elles un mépris qu’il ne pensait pas à recouvrir d’ironie. […] La femme est au-dessous du singe, dit-il à cette pauvre enfant qui venait lui demander, en tremblant et en rougissant, des conseils.

657. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Car, d’avoir paru le premier des trois, on n’en saurait faire un si grand mérite à l’auteur de l’École des femmes. […] Arrivons donc promptement à Arnolphe, et parlons de l’École des femmes. […] Quelle est donc « l’école des femmes » d’après Molière, et quelle est la leçon qui ressort de sa comédie ? […] Ils reconnurent dans l’École des femmes une intention qui la passait elle-même. […] Molière leur répondit coup sur coup par la Critique de l’École des femmes, l’Impromptu de Versailles, et Tartufe.

658. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Les femmes, jusqu’à présent souveraines maîtresses, ne vont plus être que les très humbles esclaves de l’amour. […] Il est le rêve des femmes oisives à qui tout a manqué, même la séduction et la haine ! […] Quelle postface, La Critique de l’École des femmes ! […] Mon maître, a perdu tant d’honnêtes femmes que je puis bien avoir une inclination ! […] Ce n’est pas celui-là qui passerait des nuits et des jours à la porte de la maison où repose la femme qu’il lui faut absolument, seule entre toutes les femmes de la création28 !

659. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Le caractère de Madeleine se peint dans ses paroles, non pas tout à fait tel qu’on aime à se le figurer d’après la tradition ordinaire, non pas celui d’une femme tendre, passionnée et abandonnée. […] En la rapprochant du même type conçu au xiie  siècle, tel qu’on le trouve dans un drame liturgique d’un latin farci, où elle est présentée comme une pécheresse vulgaire et une femme de mauvaise vie, baragouinant du mauvais allemand et chantant du latin grossier, on distinguerait un progrès notable de délicatesse. […] Elle est restée ce qu’on appelle honnête femme par un point. […] Elle attend des visites et, pour être sous les armes, elle demande son miroir, car il n’y a femme au monde qui lui soit comparable pour les « amignoncmens. […] Une dernière lutte s’élève dans le cœur de la Vierge entre la femme née d’Ève, faible par conséquent, et la mère de Dieu.

660. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

s’écrie Sosie, je crains fort que cette Andrienne ne nous apporte quelque malencontre. » — Pourtant tout se passe encore à merveille ; la femme, il est vrai, pressée par le besoin, se lasse bientôt de gagner sa vie à filer et à tisser ; elle prend un amant, puis un autre, puis plusieurs, et se fait payer. […] Sur ces entrefaites, cette femme, cette Chrysis vient à mourir. […] Et le père de s’attendrir sur ces marques de bon cœur et de sensibilité de son fils : « S’il se montre ainsi touché pour une femme qui n’a été qu’une simple connaissance, que serait-ce s’il l’avait aimée en effet ! […] Cependant, parmi les femmes qui sont du cortège, on voit s’avancer une toute jeune fille, d’une beauté ! […] Mais ce Dave lui-même, qui va éventer le stratagème du père, n’est coquin qu’à demi ; ce sont volontiers de braves gens chez Térence, même les femmes, les courtisanes ou demi-courtisanes qui se trouvent, à la fin, de naissance libre et d’un naturel ingénu.

661. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Mais M. de Senfft est un de ces hommes qu’on ne peut bien connaître sans connaître aussi sa femme ; car il lui était entièrement attaché, dévoué et même jusqu’à un certain point soumis ; il l’était parce qu’il appréciait en elle les plus hautes vertus, les plus tendres délicatesses ; il avait pour elle un vrai culte comme on en aurait pour une femme qu’on n’aurait adorée qu’à distance, comme pour une Laure ou une Béatrix. […] Peut-être certains passages ont-ils été supprimés. — M. de Senfft était donc, à proprement parler, l’un de ces hommes qu’Horace et Virgile eussent qualifié d’uxorius, un mari ayant un faible pour sa femme. […] Cependant cette glace fondit du côté de M. de Talleyrand, qui eut occasion d’apprécier le mari et la femme depuis sa sortie du ministère après la paix de Tilsitt. […] M. de Senfft se plaint en deux endroits, soit du grand maréchal du palais, Duroc, soit du premier chambellan, M. de Rémusat, pour de légers oublis ou des atteintes aux droits et prétentions de Mme de Senfft comme femme de ministre étranger. […] Bignon qu’une pareille question de cérémonial et d’étiquette fut soulevée par M. de Senfft pour sa femme, pendant le séjour du roi de Saxe à Varsovie en 1811.

662. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre III. La Phèdre de Racine. »

La crainte des flammes vengeresses et de l’éternité formidable de notre Enfer, perce à travers le rôle de cette femme criminelle39, et surtout dans la scène de la jalousie, qui, comme on le sait, est de l’invention du poète moderne. […] Cette femme, qui se consolerait d’une éternité de souffrance, si elle avait joui d’un instant de bonheur, cette femme n’est pas dans le caractère antique : c’est la chrétienne réprouvée, c’est la pécheresse tombée vivante dans les mains de Dieu ; son mot est le mot du damné.

663. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Elle rompait là-dessus des lances avec ses parents et amis d’autrefois : et cependant, quand l’Empereur rencontrait Mme de Coigny aux Tuileries, la sachant femme avant tout, prompte aux bons mots et aux reparties, il lui arrivait le plus souvent de lui demander : « Comment va la langue ?  […] Or il y avait en ces années trois personnes, trois femmes distinguées qui, dans la rue d’Anjou, s’occupaient à la fois de littérature sacrée et des Pères4. […] Que font de leur vie les femmes oisives, quand elles ne peuvent plus la dépenser dans le monde ? […] Que l’on ne dise pas que les hommes en ont moins besoin que les femmes. […] Penser par soi-même est fort rare en France dans le monde, et chez une femme c’est assez mal vu d’ordinaire ; on s’en indigne ou l’on en sourit.

664. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Les églises que nous avons parcourues étaient pleines de femmes à longues failles sur la tête, et qui tombent jusqu’à leurs pieds. […] les Rubens y pleuvent, et ses deux femmes, presque vivantes de son pinceau, et lui-même, peint de sa main : on croit voir ses lèvres bouger. […] Celui qui vient d’en haut guide toujours bien les femmes, qui n’ont pas besoin de la valeur permanente des hommes. […] C’est ici l’unique joie de la femme. […] Évidemment il y a là un remède à chercher, il y a (ne fût-ce que dans l’éducation des femmes) quelque chose à faire.

665. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Et elle est nécessaire pour la vraisemblance : j’admets plus aisément qu’une femme tue ses enfants, un frère sa sœur, un père sa fille, quand cette femme s’appelle Médée, ce frère Horace, ce père Agamemnon. […] Il a aperçu et décrit des états d’âme qui sont devenus de plus en plus fréquents et universels, des sensitifs et des impulsifs, des nerveux et des femmes. […] Il a peint des femmes toujours viriles, parce que toujours elles agissent par volonté, par intelligence, plutôt que par instinct ou par sentiment. La femme selon la définition moderne, lui est inconnue : c’est Racine, le premier, qui l’a « constatée ». […] Tous les personnages de Corneille, du moins ceux du premier plan, les héros sont construits sur cette donnée, les femmes comme les hommes, les scélérats comme les généreux.

666. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Sa femme accoucha d’une fille. […] Fabio demande si on lui donnera Virginia pour femme. […] Lelio, en habit de femme, reçoit Fabio sans lumière. […] Pandolfo veut savoir qui est la femme qui est entrée chez lui et la force à se découvrir le visage. […] — Femme !

667. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Le bourgeois, l’homme d’affaires, le gamin, la femme, rient et passent souvent, les ingrats ! […] Une femme rentre précipitamment en se bouchant le nez et la bouche. […] Sans doute Grandville a fait de belles et bonnes choses, ses habitudes têtues et minutieuses le servant beaucoup ; mais il n’avait pas de souplesse, et aussi n’a-t-il jamais su dessiner une femme. […] Les principales créations de Gavarni sont : La Boîte aux lettres, les Etudiants, les Lorettes, les Actrices, les Coulisses, les Enfants terribles, Hommes et Femmes de plume, et une immense série de sujets détachés. […] Il est bon d’avertir les collectionneurs que, dans les caricatures relatives à Mayeux, les femmes qui, comme on sait, ont joué un grand rôle dans l’épopée de ce Ragotin galant et patriotique, ne sont pas de Traviès : elles sont de Philipon, qui avait l’idée excessivement comique et qui dessinait les femmes d’une manière séduisante, de sorte qu’il se réservait le plaisir de faire les femmes dans les Mayeux de Traviès, et qu’ainsi chaque dessin se trouvait doublé d’un style qui ne doublait vraiment pas l’intention comique.

668. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

Alors la mère furieuse se fit monstre par désespoir ; elle fendait le ventre des femmes grosses et mangeait leurs fruits. […] En regardant de tous les côtés, il entrevit une grande femme maigre et livide, « semblable par les traits du visage et par l’habillement à une Furie tragique ». Cette femme allait et venait dans le vestibule, et elle en balayait âprement les dalles. Elle s’évanouit au cri que poussa Dion, mais le héros comprit le présage. — Quelques jours après, Dion était égorgé par ses soldats révoltés, son fils se jetait du haut d’un toit et mourait, sa femme et son nouveau-né périssaient en mer.

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