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1476. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

C’est cet Art poétique, bien entendu, qu’il faut prendre pour base en essayant de dégager le véritable caractère de la théorie de Boileau ; mais comme il s’agit moins d’analyser un ouvrage que tout le monde à peu près sait par cœur, que d’en indiquer l’esprit et la portée, je mettrai à profit dans cette exposition toutes les indications, parfois d’une importance capitale, que nous fournissent les autres ouvrages de notre critique, comme la Satire II et l’Épître IX, la Dissertation sur Joconde et le Dialogue des héros de roman, enfin les Réflexions sur Longin, surtout la septième, dont l’intérêt est tout particulier. […] Cependant après que les Grecs nous ont enseigné que l’enthousiasme poétique est une ivresse, un délire, une divine manie, après que nos romantiques, envoyant par les plaines et par les monts les poètes « sacrés, échevelés, sublimes », nous ont confirmés dans l’idée qu’il est de leur essence de ne point être raisonnables comme le commun des hommes, nous nous étonnons d’entendre Boileau rappeler incessamment les poètes à la raison. […] Si ce vers et tout le contexte ont un sens, il faut entendre que tout ce qui est a sa grâce du fait de son existence, et que toute nature plaît, parce qu’elle est la nature. […] Les dégoûtés qui trouvent le sujet de Britannicus trop « noir », sont des petits-maîtres et de jolies dames qui n’entendent rien à l’art.

1477. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

— Il flétrit Louis XV  Il entend, dans la nuit, les esprits du mal encourager les panthères, les serpents, les plantes vénéneuses, les prêtres et les rois  Il nous ouvre un mausolée royal et nous montre la poignée de cendre qu’il contient  Il fait tous ses compliments à Mlle Louise Michel pour sa conduite après la Commune… Puis, viennent des paysages. […] Voici le début : Entendez-vous Marat qui hurle dans sa cave ? […] Dès qu’on essaye de les « réaliser » sur la scène, de donner un corps à ces froides et éclatantes chimères, les drames de Hugo sonnent si faux que c’est une douleur de les entendre. […] Entendez Ce que dit la bouche d’Ombre. « La première faute fit le premier poids et créa la matière.

1478. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Plus tard et principalement au xviie  siècle, il faudra l’entendre de cette profondeur particulière que l’esprit chrétien donne à tous les écrits supérieurs sans exception, même à ceux qu’on pourrait appeler profanes, et qui ont tant profité de ces lumières dont la philosophie chrétienne a éclairé l’intérieur de l’homme. […] Quoique Calvin pût laisser voir, dès ce temps-là, par quelques marques, la dureté qu’on devait lui reprocher un jour, les éloges que firent tous ses maîtres successivement, de son assiduité au travail et de sa docilité, ne permettent pas de douter que Wolmar ne l’entendit d’une certaine souplesse d’esprit, qui ne regarde pas le moral. […] Il y eut le parti de Calvin, lequel souscrivit à la confession qu’il dressa, et le parti des anciennes mœurs, ou des libertins, comme on les appelait, qui n’en voulut pas même entendre la lecture. […] Sa sœur Marthe, qui craignait Dieu, et tenait à l’honneur de sa lignée, la décidait à aller entendre prêcher un jeune homme, le plus beau de tous, disait Marthe.

1479. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Il voudrait nous faire croire qu’à la première Restauration, il aurait été d’avis qu’on gardât la cocarde tricolore : c’est un mensonge : « Qu’entend-on en France depuis six mois, écrivait-il en 1814, sinon ces paroles : Les Bourbons y sont-ils ? […] Ce qu’il voulait alors, c’était le gouvernement de la France par les royalistes purs, par ceux qui n’avaient trempé à aucun degré dans les régimes précédents, par ceux qui étaient tout à Dieu et au roi (et Dieu sait ce qu’on entendait alors sous cette formule !)  […] J’ai entendu raconter à l’une des personnes qui étaient alors dans la rédaction du Conservateur que, primitivement, la phrase de M. de Chateaubriand était ainsi conçue : « Les pieds lui ont glissé dans le sang, et il a été entraîné par le torrent de nos pleurs. […] Il s’est entendu applaudir, chaque matin, des deux côtés ; il a eu les fanfares des deux camps.

1480. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

De tous les généraux sous lesquels il servit, il n’en est aucun avec qui Bussy s’entendît si bien qu’avec le prince de Conti, frère du Grand Condé. […] « On a mille fois entendu vanter, disait-on de lui en son temps, la politesse de son esprit, la délicatesse des pensées, un noble enjouement, une naïveté fine, un tour toujours naturel et toujours nouveau, une certaine langue qui fait paraître toute autre langue barbare. » C’est beaucoup dire, et je dois avertir aussi que c’est d’une harangue d’académie que je tire ces louanges. […] Dans cette indiscrétion si coupable qui avait causé sa ruine, il entrait beaucoup de cette sollicitude paternelle de l’homme de lettres qui ne veut rien laisser perdre de ce qu’il a une fois écrit, et qui entend bien en retirer louange, même au prix de quelque estime. […] Mais ce qui reste vrai et ce qu’il importe de bien remarquer, c’est que le mérite de M. de Turenne, à force de persister et d’éclater à tous les yeux, finit par désarmer Bussy, qui écrivait à Mme de Sévigné, le 20 mars 1675 : « Je ne réponds point à vos nouvelles du mois de janvier… Je vous dirai seulement que j’aime autant M. de Turenne que je l’ai entendu haï ; car, pour vous dire la vérité, mon cœur ne peut plus tenir contre tant de mérite. » Et au moment de la mort du grand capitaine : « Je suis si rempli du mérite du maréchal de Turenne que je ne puis me lasser d’en parler, et quand je suis épuisé sur cette matière, je redis ce que les autres ont bien dit. » Et il transcrit l’éloge que Guilleragues, secrétaire du cabinet, avait fait de lui dans la Gazette. — On sait, de plus, que le premier président de Lamoignon s’était mis en tête de réconcilier Bussy avec M. de Turenne, et qu’il y avait trouvé ce grand homme tout disposé.

1481. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Pour lui, il ne fera point ainsi : tout résolu qu’il était d’abord à ne point sortir de son obscurité, à ne point faire entendre sa voix inconnue au milieu de cette confusion de clameurs, il a pensé qu’il fallait triompher de ces réserves d’amour-propre plutôt encore que de modestie, et payer, coûte que coûte, son tribut pour le salut commun : J’ai de plus, ajoute-t-il, goûté quelque joie à mériter l’estime des gens de bien en m’offrant à la haine et aux injures de cet amas de brouillons corrupteurs que j’ai démasqués. […] Il faut l’entendre qualifier cette « scandaleuse bacchanale », cette « bambochade ignominieuse », que favorisaient la lâcheté des corps constitués et l’immortelle badauderie parisienne, et s’écrier, par un mouvement digne d’un ancien : On dit que, dans toutes les places publiques où passera cette pompe, les statues seront voilées. […] Il réclame la punition énergique, exemplaire, des coupables ; il fait entendre de grandes vérités : « Souvenez-vous que rien n’est plus humain, plus indulgent, plus doux, que la sévère inflexibilité des lois justes ; que rien n’est plus cruel, plus impitoyable, que la clémence pour le crime ; qu’il n’est point d’autre liberté que l’asservissement aux lois. » Un caractère essentiel à noter dans ces articles de prose d’André Chénier, c’est que si le poète s’y marque par l’élévation et la chaleur du sentiment, par le désintéressement de la pensée et presque le détachement du succès, par une certaine ardeur enfin d’héroïsme et de sacrifice, il ne donne pourtant au style aucune couleur particulière. […] A repondue quil entendoit par attaque lorsque le mal est un (peu) plus violent et enpeche dagire A lui demandée a quelle époque il apris le médecin donc il vien de nous parllee et à quelle epoque il a quitté sommé de nous endonné des certificats A repondue que sa famille le certifira que cettoit de tout temps le medecin de la maison A lui demandé sy il montoit sa garde le dix aoust mil sept cents quatre vingt douze A repondue quil la montoit lorsque sa senté le permetoit A lui demandee sy lors du dix oust quatre vingt douze lorsquil à enttandue battre la générale sy il apris les armes pour vollaire au secours de ses concitoyent et pour sauvé la patrie A repondue que non quil étoit en core trop foible A lui demandée quelle est le motife qui lui en a empechée A répondue la faiblesse de sa santée dans ce moment A lui demandée de nous en donnée les preuves par les certificat signiée du cherugien et de la section vus qu’il n’est pas juste dans ses reponce A répondue quil na nent point A lui demandee que veux dire cemot a nous est comme17 quil nen a point A répondue quil na point de certificat cy dessus énoncés A lui représentés quil est un mauvais citoyent de navoir point concourue à la defense de sa patrie vue que les boiteux et infirme on prie les armes et se sont unie sur la place avec tout les bons citoyent pour y défendre contre les courtisans du cidevant Capet et royalliste A repondue quil navoit point assée de force de corp pour le pouvoir A lui demandee sy lord de ceste epoque ses frere et son pere sy etoit rendue avec les citoyent de leur section sur les places defansifs contre les tirand de la Republique sommé de nous dire la vérité A repondue que son pere etoit vieux et étoit employée a sa section et que son frere etoit vice-consulte en Espagne les auttres ne demeurant point a la maison il y gnoroit ou ils étoits A lui demandée ou etoit le domestique quil les servoit ou etoit il le dix oust A repondue quil lignoroit.

1482. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Depuis, chaque fois qu’au gré des funèbres jeudis de la cour de cassation, il arrivait un de ces jours où le cri d’un arrêt de mort se fait dans Paris, chaque fois que l’auteur entendait passer sous ses fenêtres ces hurlements enroués qui ameutent des spectateurs pour la Grève, chaque fois, la douloureuse idée lui revenait, s’emparait de lui, lui emplissait la tête de gendarmes, de bourreaux et de foule, lui expliquait heure par heure les dernières souffrances du misérable agonisant, — en ce moment on le confesse, en ce moment on lui coupe les cheveux, en ce moment on lui lie les mains, — le sommait, lui pauvre poëte, de dire tout cela à la société, qui fait ses affaires pendant que cette chose monstrueuse s’accomplit, le pressait, le poussait, le secouait, lui arrachait ses vers de l’esprit, s’il était en train d’en faire, et les tuait à peine ébauchés, barrait tous ses travaux, se mettait en travers de tout, l’investissait, l’obsédait, l’assiégeait. […] Le jour où il avait entendu les faiseurs de lois parler humanité, philanthropie, progrès, il s’était cru perdu. […] Il avait écouté du côté des Chambres et n’avait plus entendu prononcer son nom. […] Vous entendez ?

1483. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Au 4 août 1914, derrière les pontifes du socialisme que nous venons d’entendre, tous les militants se sont scandalisés et irrités. […] Il attend ses supérieurs à l’épreuve. »‌ En conformité de ces vues, j’ai entendu un prêtre sous-officier raconter que dans certaines compagnies les hommes se fient de préférence à certains d’entre eux, parfois de simples soldats, qui ont montré l’art de se débrouiller. […] Les Français d’après l’an xv, dit-il, qui se sont tenus un an par la main depuis la mer du Nord jusqu’au Rhin, quels que fussent d’ailleurs leurs intérêts économiques, leur opinion politique, leur croyance, leur idéal, n’entendent plus se brimer ni se tourmenter les uns les autres : la vieille haine française, qui avait sa noblesse, la lègue à une tendresse française que ni la France ni l’univers n’ont encore connue.‌ […] Je désire entendre ; je m’assieds au talus du fossé auprès de ce Vauvenargues de la retraite de Charleroi.‌

1484. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

J’entends par la Solidarité des Élites, cette communauté de vision chez des êtres profondément différents d’âge, de race et de caractère, vivant sous les plus dissemblables latitudes, ne se connaissant pas entre eux pour la plupart, mais donnant de l’énigme du monde une solution identique, au fond, malgré les innombrables différences dans l’expression de leur désir. […] Ils ont entrevu, entendons bien, un monde nouveau et un homme nouveau, ou plutôt, ils ont considéré le monde et l’homme anciens avec des yeux nouveaux.‌ […] N’entendons-nous pas là, chaleureusement exprimée, la défense de ce sentiment nouveau, qu’il n’y a dans la nature et dans l’être, ni rupture, ni opposition, ni séparation radicale, que chaque parcelle du tout poursuit silencieusement sa lente genèse infaillible, prenant sa part du devenir commun ; que l’intelligence, loin d’être une faculté d’origine spéciale, hors de l’animalité, prend sa source, plonge ses racines dans le monde de l’instinct, dans les entrailles du sol ? […] Nous venons d’entendre Carpenter nous parler de l’« autorité intérieure » et déclarer que les formes extérieures du gouvernement actuel n’étaient que « les parodies, les substituts provisoires du gouvernement et de l’ordre intérieur ».

1485. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

On pourrait facilement établir qu’Alexandre Dumas père, George Sand, Erckmann-Chatrian, Jules Verne, ont eu le secret de se faire entendre des masses, et comment, par le côté technique ou artistique, ils méritent d’être étudiés ; comment, d’autre part, la valeur morale est, chez eux, inférieure à la valeur littéraire, ou insuffisante, ou tout à fait absente. […] ils ont, de plus, la certitude d’être entendus lorsqu’ils élargissent l’horizon terrestre et qu’ils expriment un sentiment religieux ; entendus non pas d’une élite, mais du peuple encore pénétré de christianisme, et qui conserve, de ses origines, un idéal divin mêlé à tous les appétits humains. […] L’orgue a-t-il été inventé pour l’unique plaisir des riches, ou n’est-il pas plutôt la preuve d’un effort de génie, pour assembler tous les instruments sous les doigts d’un seul homme et les faire entendre à des foules ignorantes, et, d’autre part, peut-on douter que l’âme de ces foules en ait été embellie et réjouie ?

1486. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Cette idée, hypothétique dans tous les cas, nous paraît même prendre une rigueur et une consistance particulières dans la théorie de la Relativité, entendue comme il faut l’entendre. […] Maintenant, il est très vrai que la simultanéité ainsi entendue n’est constatable entre moments de deux flux que si les flux passent « au même endroit ». […] Qu’entendrons-nous par là ?

1487. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Notez que ces gens assemblés là par les soins du doge, et à qui l’on fait entendre la messe du Saint-Esprit afin de demander bon conseil d’en haut, ne savent pas encore, au moins la plupart, ce qu’on va leur proposer : quelques-uns cependant, qu’on a sondés à l’avance, sont groupés çà et là dans la foule. Le doge s’entendait à ménager ses effets, et à mettre en jeu ce qui restait du fonds démocratique dans le gouvernement vénitien de cette date : Quand la messe fut dite, le duc manda les députés, et leur dit, pour l’amour de Dieu, qu’ils priassent le commun peuple d’octroyer ce qui était convenu. […] Daru, que cette quatrième croisade n’eut guère pour résultat définitif que d’agrandir la suprématie maritime de Venise : « Le reste de l’Europe y perdit beaucoup de vaillants hommes et de monuments précieux, et n’y gagna que l’introduction de la culture du millet, dont le marquis de Montferrat envoya des graines en Italie. » S’il était vrai que la prise de Constantinople par les croisés et le sac de cette ville eussent fait périr, comme il est trop probable, des monuments de l’ancienne littérature grecque qui avaient échappé précédemment, il faudrait, nous les lettrés et les disciples des doctes, le déplorer avec regret, avec amertume : mais vouloir que toute une époque soit heureuse de la manière dont nous l’entendons, et que les chevaliers du siècle de Villehardouin conçoivent l’emploi de leurs facultés et de leur temps comme les hommes de cabinet de nos jours, c’est demander beaucoup trop.

1488. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

mon cœur ne s’entend plus. […] Il le fit à pied avec un ami né dans le pays, et, aussi bien que son compagnon, il entendait l’allemand dans tous ses dialectes. […] Son regard est d’une vivacité et d’une franchise qui inspirent à la fois la crainte et la confiance… On a beau critiquer son système et son ouvrage, les doutes cessent quand on l’entend, et l’on ne peut être son ami sans devenir son disciple.

1489. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Les Italiens l’appellent divin ; mais c’est une divinité cachée ; peu de gens entendent ses oracles. […] C’est celui-ci, disent-ils, qui a porté leur langue à son point de perfection, qui a surpassé tous les autres en force et en majesté… J’ai lu quelque chose du Dante à grande peine ; il est difficile à entendre, tant par son style que par ses allégories, ………………………… Car un sublime dur S’y trouve enveloppé dans un langage obscur. […] Dans les trois Per me si va, on croit entendre le glas de l’agonie du chrétien. » — Or, M. 

1490. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Thiers, en tête de ce tome xiie , que les circonstances avaient retardé et qui sera suivi rapidement de trois autres, a mis une préface vive, animée, dans laquelle il expose sa manière d’entendre et d’écrire l’histoire, et où il parle aussi de lui-même et des choses présentes avec dignité et convenance. […] Masséna a vieilli, fut le propos qu’on entendit répéter tout de suite, etc. […] On aimerait plus souvent à entendre ces paroles telles qu’elles furent, telles qu’elles jaillirent de ses lèvres et volèrent au but ou au-delà du but, et comme M. 

1491. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le maréchal de Villars n’était pas fâché par là de le donner à entendre : il n’était pas seulement ambitieux en avant, il l’était aussi dans son passé. […] à plus forte raison à des officiers, qui ne doivent pas quitter leurs troupes, et moins encore des troupes de cavalerie. » — « J’ai cru, lui répondit Villars, que Votre Majesté me pardonnerait de vouloir apprendre le métier, de l’infanterie, surtout quand la cavalerie n’a rien à faire. » C’est encore à ce siège, et pour une autre action de Villars, que le roi dit de lui : « Il semble, dès que l’on tire en quelque endroit, que ce petit garçon sorte de terre pour s’y trouver. » Le maréchal de Bellefonds, ne pouvant aider son jeune parent que de ses conseils, lui donna du moins celui-ci, dont Villars profita : c’était d’apprendre le métier de partisan, et d’aller souvent faire des partis avec ceux qui passaient pour entendre le mieux ce genre d’entreprise ; car, faute d’avoir ainsi pratiqué le détail de la guerre, et de cette guerre légère de harcèlement et d’escarmouches, bien des officiers généraux, quoique braves, se trouvent ensuite fort embarrassés quand ils commandent des corps détachés dans le voisinage d’une armée ennemie. […] Le jeune Villars, qui se tenait le plus près possible, ne put s’empêcher de s’écrier, de manière à être entendu de lui : « Voilà la chose du monde que j’avais le plus désiré de voir, le grand Condé l’épée à la main ! 

1492. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Buffon lui accorde le génie créateur qui tire tout de sa propre substance : « Il n’existera jamais, lui dit-il, de Voltaire second » ; c’était une réplique au compliment de Voltaire qui avait appelé Archimède de Syracuse Archimède premier, pour donner à entendre que Buffon était Archimède second ; et faisant ainsi à son rival de Ferney les honneurs du génie, Buffon ne se réserve pour lui que le talent, lequel, si grand qu’il soit, dit-il, « ne peut produire que par imitation et d’après la matière. » Cette lettre à Voltaire, comme plus tard celles qui seront adressées à l’impératrice Catherine, passe la mesure ; Buffon y est deux fois solennel ; il y fait de la double et triple hyperbole, et l’homme qui, à son époque, avait le plus de sens et de jugement, nous fait sentir par là que ces qualités solides d’une éminente intelligence ne sont pas du tout la même chose que le tact et le goût. […] Diderot, qui venait de causer avec Buffon et de l’entendre se louer, disait de lui un peu ironiquement : « J’aime les hommes qui ont une grande confiance dans leurs talents. » D’Alembert faisait plus ; il raillait Buffon, il le méconnaissait, n’appréciant ni ses talents ni sa personne. […] Voici en entier cette admirable lettre ; tout ce qu’elle a d’impérieux est puisé dans la tendresse même, dans l’amour paternel le mieux entendu, qui n’est pas séparable du sentiment de l’honneur et de la dignité : Au Jardin du roi, le 22 juin 1787.

1493. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Il faut l’entendre là-dessus ; son imagination aimable se déploie : Rien ne désole et ne flétrit la vie, se dit-il, comme la crainte de la mort. […] Il a exprimé, dans une page heureuse et que je veux citer, l’idéal de l’éducation libre comme il l’entendait et comme il avait commencé de la recevoir : On croit la jeunesse indomptable, parce qu’on se fait une fausse idée de l’autorité. […] Gray est assez bon pour me montrer Macbeth avec tout son cortège de sorcières, fées, démons, esprits, dont je n’aurais jamais entendu le langage sans lui.

1494. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

On n’entend rien : pas un être vivant, sauf quelques moineaux qui vont se réfugier en piaulant dans les sapins, qui étendent leurs longs bras chargés de neige. […] J’ai vu une hirondelle, et j’ai entendu bourdonner les abeilles sur les fleurs. […] Je crois que l’assertion, ainsi modifiée et entendue, est exacte.

1495. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

A-t-il voulu faire entendre qu’entre la première manière de comprendre l’Être divin et toutes les autres il y a précisément toute la distance de la vérité à la fiction, et qu’un seul et même voile d’illusion, sauf la juste différence du plus au moins, s’étendra indistinctement sur tout ce qui sera vu dans le songe ? […] — C’est alors que le vrai miracle commence : une voix se fait entendre dans les airs annonçant distinctement le fils de l’homme. […] Rien ne l’embarassait ; les questions les plus captieuses avaient à l’instant des solutions dictées par la sagesse ; il ne fallait que l’entendre une fois pour être persuadé : on sentait que le langage de la vérité ne lui coûtait rien, parce qu’il en avait la source en lui-même.

1496. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

entend à merveille les idées ; c’est son domaine. […]  » Un jour, au temps de sa pleine gloire de tribune, Mlle Rachel, qui assistait à une séance de la Chambre, dit, après l’avoir entendu : « J’aimerais à jouer la tragédie avec cet homme-là. » Il a, en effet, le port, le geste, le regard, ce que les Anciens appelaient l’action. […] Si ce n’est pas là conseiller la fusion, je n’y entends plus rien.

1497. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Entre Ham et Noyon, sur la grande route, se traînant comme il pouvait, appuyé sur son sabre, il entend venir une voiture : « Si c’est une charrette, se disait-il, je monterai dessus. » C’était un cabriolet : un jeune homme élégant était dedans, qui lui dit : « Mais, mon camarade, où allez-vous ? […] Toute la Germanie entendit retentir dans l’air le fracas des armes ; les Alpes ressentirent des tremblements de terre inaccoutumés… insolitis tremuerunt molibus Alpes , » il insistait sur le mot insolitis : « Ne croyez pas, disait-il, que Virgile l’ait mis au hasard ; insolitis ! […] J’aurais aimé à entendre M. 

1498. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Je n’ai pas tout dit de cette éducation inventive et agréable où « la conversation, les amusements, la table, tout, par les soins et l’habileté du maître, devenait leçon pour l’élève, et rien ne paraissait l’être. » Je n’ai rien dit du Télémaque, ce cours de thèmes comme il n’y en a jamais eu, qui n’est, a le bien voir, que la plus longue des fables de Fénelon, l’allégorie développée, devenue épique, et où l’auteur, abordant par les douces pentes de l’Odyssée la grandeur d’Homère, de cet Homère qui, « d’un seul trait met la nature toute nue devant les yeux », n’a fait, en le réduisant un peu, que lui donner la mesure et comme la modulation virgilienne, et le ramener en même temps aux convenances françaises, telles crue les entendaient les lecteurs de Racine. […] Il apprit ensuite l’espagnol et l’italien, et il aurait appris le grec si l’on eut voulu, pour mieux entendre les bons auteurs, particulièrement les poètes… » Écoutez La Fontaine qui, dévot alors et bien près de sa fin, fut admis auprès du jeune prince et reçut de ses bienfaits ; il parle comme l’abbé Fleury, et célèbre « ce goût exquis, ce jugement si solide », qui l’élève si fort au-dessus de son âge. […] « J’entends dire que M. le Dauphin fait beaucoup mieux » ; c’est le plus grand éloge que Fénelon lui donne dans l’intimité ; mais il ajoute (et chaque mot, à le bien comprendre, est significatif) : « La religion, qui lui attire des critiques, est le seul appui solide pour le soutenir.

1499. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Il traverserait maintenant les flammes, dit-il ; — et, pour commencer, il se dirige tout droit, sans vouloir rien entendre, vers la maison d’Hamilcar, bien résolu de voir Salammbô. […] Un nuage de poussière brune, perpendiculairement étalé, accourait en tourbillonnant ; les palmiers se courbaient, le ciel disparaissait, on entendait rebondir des pierres sur la croupe des animaux ; et le Gaulois, les lèvres collées contre les trous de sa tente, râlait d’épuisement et de mélancolie. […] Qu’on me permette de m’étendre et de dire, une bonne fois, comment j’entends qu’on soit vrai dans l’art, et comment, selon moi, on peut cesser de l’être en y visant trop.

1500. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Il y a une trentaine d’années, un poëte naturel, sorti des rangs du peuple, Jasmin, est venu remettre à la mode, étendre et comme renouveler cette flore du Midi, restée longtemps si morcelée et si locale : homme d’esprit et de sensibilité, artiste habile, acteur et poëte, vrai talent, il avait su, par ses heureuses combinaisons et par ses récitations chaleureuses, remettre en honneur le vieux patois, nécessairement altéré, et faire accroire un moment à toutes les populations du Midi qu’elles s’entendaient entre elles, puisqu’elles l’entendaient, lui, et qu’elles l’applaudissaient. […] Dans ce pays de l’Est et aux abords du Jura, ce n’est nullement la même question et le même état de choses que dans le Midi ; il n’y a pas eu le même passé, des antécédents semblables, une belle langue romane autrefois régnante, entendue et applaudie depuis le Rhône jusqu’aux Pyrénées.

1501. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

En face du public, c’est autre chose, c’est la distribution bien entendue de revenus assez considérables, la dispensation de certaines récompenses littéraires, la provocation à de certains travaux ou exercices plus ou moins bien choisis. […] Je leur dis alors que mon discours leur ayant fait quelque plaisir, il auroit fait plaisir à toute la terre, si elle avoit pu m’entendre ; qu’il me sembloit qu’il ne seroit pas mal à propos que l’Académie ouvrît ses portes aux jours de réception, et qu’elle se fit voir dans ces sortes de cérémonies, lorsqu’elle est parée… Ce que je dis parut raisonnable, et d’ailleurs la plupart s’maginèrent que cette pensée m’avoit été inspirée par M. […] VIII, 22), dans laquelle l’aimable et ingénieux Romain recommande aussi l’indulgence comme tenant de près à la justice, et cite à l’appui un mot de Thraséas, de ce personnage à la fois le plus austère et le plus humain : Qui vitia odit, homines odit ; voulant faire entendre que c’est une pente trop aisée de passer de la haine des vices à celle des hommes.

1502. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Retrouver aujourd’hui cette prononciation enfantine, entendre sa voix comme je l’ai entendue dans ce passé effacé, lointain, où les souvenirs ne rencontrent que la mort, cela me fait peur ». […] Une respiration ronflante comme une basse, coupée d’une plainte continue et râlante qui vous déchire… Du milieu de cette plainte jaillissent des mots, des phrases qu’on ne peut saisir, et parmi lesquels il me semble entendre : “Maman, maman, à moi maman !”

1503. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

On ne peut détacher le regard du portrait ; on croit entendre sa voix douce et prévenante qui vous parle ; il n’a rien à cacher ; son timbre, juste et franc, sonne la sincérité avec le mot. […] Je me figure l’entendre autant que le revoir. […] Pendant la semaine sainte, étant allé entendre la messe à sa paroisse de Saint-Thomas d’Aquin, il inclina la tête à l’élévation et ne la releva plus.

1504. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Weiss a tout ce qu’on voudra : l’esprit, la sagacité, la profondeur ; mais, par-dessus tout le reste, il a « l’humeur » au sens où on l’entendait au siècle dernier. […] Weiss nous déclare qu’il se sent « peu de penchant pour elles »  Il semblait entendu, établi par une infinité de professeurs et de critiques qu’Esther était une fort belle élégie, mais un drame assez faible : M.  […] Qu’il soit bien entendu que je ne conteste point la justesse ni de ces admirations paradoxales ni de ces rapprochements imprévus.

1505. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Entendez-vous ? […] N’avez-vous jamais entendu dans quelque école un bambin épeler le terrible évangile de saint Mathieu sur la fin du monde ? […] Alphonse Daudet l’a certes vu et entendu ; mais sur l’observation exquise court, ainsi qu’une flamme légère, la fantaisie du petit Chose.

1506. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Il fallait l’entendre pouffer aux arguments opposés de l’ignorance et de la sottise. […] Il prétend que Wilde, qui faisait à Londres le silence autour de lui et qui était habitué à se voir réservé tout l’encens, s’éclipsa, offusqué d’avoir entendu des vers à l’unique éloge de Moréas. […] Pour Francis Vielé-Griffin, il se déclara perfidement incompétent : « J’aime mieux croire qu’il m’échappe car s’il n’y a chez lui que ce que j’ai compris, il n’y a pas grand-chose24. » Cette ruse de dialectique impressionna si fort Oscar Wilde qu’il me la rappelait en sortant : « N’avez-vous pas entendu, observai-je, ce que Mendès disait lorsque nous sommés entrés ?

1507. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Elle l’aimait si follement (avril 1567) qu’elle disait, à qui voulait l’entendre, « qu’elle quitterait la France, l’Angleterre et son propre pays, et le suivrait jusqu’au bout du monde, vêtue d’une jupe blanche, plutôt que de se séparer de lui ». […] et déjà blanchie avant l’âge ; quand on l’entend, dans la plus longue et la plus remarquable de ses lettres à Élisabeth (8 novembre 1582), lui redire pour la vingtième fois : « Votre prison, sans aucun droit et juste fondement, a jà détruit mon corps, duquel vous aurez bientôt la fin s’il y continue guère davantage, et n’auront mes ennemis beaucoup de temps pour assouvir leur cruauté sur moi : il ne me reste que l’âme, laquelle il n’est en votre puissance de captiver » ; quand on a entendu ce mélange de fierté et de plainte, la pitié pour elle l’emporte, le cœur a parlé ; ce doux charme dont elle était douée, et qui agissait sur tous ceux qui l’approchaient, reprend le dessus et opère sur nous à distance.

1508. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Nous le suivîmes des yeux, nous l’entendîmes mugir dans le lointain ; le ciel brilla d’une clarté plus pure ; et cette mer, dont les vagues écumantes s’étaient élevées jusqu’aux cieux, traînait à peine ses flots jusque sur le rivage. […] Au xviie  siècle, la Grèce ne fut pas aussi bien comprise ni aussi fidèlement retracée qu’on se le figure : Boileau qui, à la rigueur, entendait Homère et Longin, est cependant bien plus latin que grec ; Racine, dans ses imitations de génie et en s’inspirant de son propre cœur, n’a reproduit des anciens chefs-d’œuvre tragiques que les beautés pathétiques et sentimentales, si l’on peut dire, et il les a voulu concilier aussitôt avec les élégances françaises. […] En attendant qu’il fût connu, et que ses élégies, confiées à l’amour ou à l’amitié, dussent se répandre après sa mort par la bouche des admirateurs, on avait, à la fin du xviiie  siècle, un goût croissant et plus ou moins bien entendu pour l’antique : c’est ce goût et presque cette mode que le Voyage du jeune Anacharsis est venu servir et accélérer.

1509. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Tous deux pensaient qu’il devait y avoir un terme moyen entre la chose en soi, inaccessible à l’expérience, et le phénomène, additionné et juxtaposé dans le temps et dans l’espace ; tous deux s’entendirent encore en cherchant dans le sujet pensant ce terme moyen, cette racine d’une métaphysique nouvelle. […] Peut-être Ampère est-il bien sévère pour la théorie de Reid, qui peut s’entendre dans un bon sens. […] On peut dire que les phénomènes par lesquels se manifeste la chose externe sont des signes qui nous suggèrent immédiatement l’affirmation de son existence La perception immédiate des Écossais devrait donc s’entendre dans le sens d’une suggestion immédiate, et il n’y aurait pas alors une très-grande différence entre la théorie de Reid et celle d’Ampère lui-même.

1510. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Tous les spectateurs viennent pour voir et entendre également, en quelque endroit qu’ils soient placés. […] Le spectateur, au contraire, part de ce qu’il voit et de ce qu’il entend d’abord ; et il passe de là aux progrès et au dénouement de l’action, comme à des suites naturelles du premier état où on lui a exposé les choses. […] Par pièce, nous entendons le poème dramatique tout entier ; et nous comprenons les tragédies, les comédies, les opéras, même les opéras comiques, sous le nom générique de pièces de théâtre.

1511. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

… L’enthousiasme a ses prophètes ; les ensorcelés qui l’ont entendu disent hautement, en parlant de lui : « Vous savez la nouvelle ? […] Les petits poètes du temps qui lisent leurs vers dans les salons de manière à faire bailler les chaises, les musiciens qui osent s’entendre, et, qui sait ? […] avait dit, un soir, après avoir entendu cet extraordinaire Rollinat, qu’il était certainement très puissant, mais qu’il doutait qu’il fût sincère.

1512. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

Personne ne connaît mieux que vous les Champs élysées, et personne assurément ne peut entendre à y être mieux reçu ; ainsi les consolations que vous m’y faites espérer doivent vous flatter plus que moi. […] [NdA] La marquise de Villars était née Noailles ; mais par ses père et mère, le maréchal entend ici lui-même et la maréchale.

1513. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

On ne peut s’empêcher de penser, à bien regarder la situation de la France au sortir du ministère du cardinal de Fleury, que si le duc de Choiseul et Mme de Pompadour elle-même n’étaient venus pour s’entendre, et redonner quelque consistance et quelque suite à la politique de la France, la révolution, ou plutôt la dissolution sociale, serait arrivée trente ans plus tôt ; tant les ressorts de l’État étaient relâchés ! […] Plus j’y mis de discrétion et d’économie, et mieux nous nous entendîmes. » Nous ne nous sommes pas même cru en droit de nous permettre ce soin si sobre ; à part un ou deux endroits où la copie était évidemment fautive, nous en avons respecté tout le négligé.

1514. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Il désira à cet effet une entrevue avec les deux fondateurs du journal : mais le temps n’était pas mûr ; on ne s’entendit pas ; l’homme de génie avait vu plus loin et plus vite que les deux rédacteurs dans les conséquences de leur marche et dans la portée de leurs idées. […] Nous gardâmes donc à tout prix notre tribune, et, dans le vaste retentissement de la crise politique, nous tâchâmes de parler de manière à être entendus.

1515. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Les troubles de l’ouïe étaient absolument constants ; il me semblait que mes oreilles étaient bouchées ; j’étais étonné d’entendre ; mais j’entendais en effet très distinctement et même beaucoup trop ; car c’est l’hyperesthésie auditive qui constituait un de mes plus grands tourments.

1516. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Que ce soit dans la campagne flamande ou à Londres, sous le ciel de gel ou sous le ciel empli de cloches, par les plaines ou par les rues, ces soirs propagent leur énigme autoritaire ; ils attardent une ombre perfide où quelque chose qu’on ne sait pas, qu’on n’entend pas, enlace et rampe. Par les hasards, un cœur s’épeure, un esprit s’inquiète, une vie souffre, et entend, goutte à goutte, tomber son propre arrêt à l’infini hostile des horizons.

1517. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

oui, que notre peuple est léger, mais il n’est pas si corrompu qu’il le laisse entendre. […] Elle entend prendre ses vacances.

1518. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

combien à mon tour Plaît ce dôme noirci d’une divine horreur, Et le lierre embrassant ces débris de murailles Où croasse l’oiseau chantre des funérailles ; Les approches du soir, et ces ifs attristés Où glissent du soleil les dernières clartés ; Et ce buste pieux que la mousse environne, Et la cloche d’airain à l’accent monotone ; Ce temple où chaque aurore entend de saints concerts Sortir d’un long silence et monter dans les airs ; Un martyr dont l’autel a conservé les restes, Et le gazon qui croît sur ces tombeaux modestes Où l’heureux cénobite a passé sans remord Du silence du cloître à celui de la mort ! […] Écoutons : sous ces voûtes antiques Parviennent jusqu’à moi d’invisibles cantiques, Et la Religion, le front voilé, descend : Elle approche : déjà son calme attendrissant, Jusqu’au fond de votre âme en secret s’insinue ; Entendez-vous un Dieu dont la voix inconnue Vous dit tout bas : Mon fils, viens ici, viens à moi ; Marche au fond du désert : j’y serai près de toi ?

1519. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Je le lui promis, et, en effet je vis Chardin, Cochin, Le Moyne, Vernet, Boucher, La Grenée, j’écrivis à d’autres, mais tous me répondirent que le tableau était déshonnête, et j’entendis qu’ils le jugeaient mauvais. […] On s’opiniâtre, on couvre de couleurs vingt toiles l’une après l’autre, on montre, on écoute, on n’entend rien.

1520. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Les plus échauffés des jeunes élèves s’attachent à ses vêtemens, et lui disent : croûte, croûte abominable, infâme croûte, tu n’entreras pas ; nous t’assommerons plutôt ; et puis c’était un redoublement de cris et de huées à ne pas s’entendre. […] Pigalle, le chapeau sur la tête et de son ton rustre que vous lui connaissez, s’adressa à un particulier qu’il prit pour un artiste et qui ne l’était pas, et lui demanda s’il était en état de juger mieux que lui ; ce particulier, enfonçant son chapeau sur sa tête, lui répondit qu’il ne s’entendait pas en bas-reliefs, mais qu’il se connaissait en insolens et qu’il en était un.

1521. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Pour entendre les passages des anciens, qui parlent de leurs représentations théatrales, il me semble necessaire de sçavoir ce qui se passe sur les théatres modernes, et même de consulter les personnes qui professent les arts lesquels ont du moins quelque rapport avec les arts que les anciens avoient, mais dont la pratique est perduë. […] Ciceron dit aussi dans le cinquiéme livre des tusculanes, en parlant des plaisirs qui restent encore à ceux qui ont eu le malheur de perdre l’ouïe : que s’ils aiment les beaux chants, ils auront peut-être plus de plaisir à les lire qu’ils n’en auroient eu à les entendre executer.

1522. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

Figurez-vous notre surprise, quand nous l’entendîmes détruire lui-même en quelques mots sa propre argumentation et réduire à néant tout son discours. […] Les qui et les que sont dans le génie de la langue classique du dix-septième siècle, c’est entendu.

1523. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

Il entendait la chasse par masses, comme Bonaparte entendait la guerre.

1524. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Cette inspirée, comme elle se donne, cette spontanée, cette inconsciente, fit spontanément ou inconsciemment le calcul que la littérature, entendue comme elle projetait de l’entendre, pourrait lui rapporter un argent que la préoccupation littérale ne lui a jamais fait oublier, et son calcul inconscient d’argent était juste, car toute sa vie elle en a abondamment gagné.

1525. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Cette étoffe qu’il a réellement, jointe aux airs qu’il exécute, et qui ont déjà été entendus, sentis, applaudis, trouvés et exécutés, d’ailleurs, par de bien plus grands maîtres que lui, enchante le public, qui aime à repasser sur ses impressions, mais impatiente la Critique, qui en voudrait de nouvelles, et qui, d’un homme si bien doué que M.  […] Seulement il envierait le trait de la fin, qui est charmant : Le silence, cet oiseau Dont on n’entend pas les ailes !

1526. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Et quand je dis brillant, entendez-le comme de l’acier. […] Il paraît que réellement, vers ce temps-là, le geôlier de la prison de Poitiers s’entendait avec une troupe de voleurs qui pillaient la ville toutes les nuits.

1527. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Et cependant, il n’y a pas d’autre façon de l’entendre : les Aventures parisiennes sont à peine des faits extérieurs ; ce sont des sentiments qui rident ou agitent les surfaces de l’existence, puisqu’on en souffre et qu’on en meurt : mais ce sont des sentiments dont l’âme est le théâtre encore plus que la vie, en ces récits qui semblent profonds et qui sont à peine appuyés ! […] Seulement, par cela même, il est très-peu apte à manier cette grossièreté matérielle que l’on appelle le roman d’aventures, et, certes, il y a une manière de l’entendre, ce roman-là, qui n’est celle ni de l’auteur des Mousquetaires adoré des bourgeois, ni de ce Casanova, autre romancier d’aventures, quoiqu’il se soit donné comme un historien, et que le prince de Ligne avait appelé Aventuros.

1528. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Qu’elle arme contre toi des bourreaux, qu’elle te jette dans les fers, qu’elle t’envoie aux combats pour recevoir des blessures et mourir, ton devoir est d’obéir ; fuir ou quitter ton rang est un crime ; dans les tribunaux, dans les prisons, sur les champs de bataille, partout les ordres de la patrie sont sacrés ; un citoyen qui se révolte contre elle est plus coupable qu’un fils armé contre son père… » Les lois continuent : « Il ferait beau entendre Socrate racontant sous quel déguisement ridicule il s’est enfui de sa prison ! […] tu entendrais souvent des discours qui te feraient rougir… Est-ce pour tes enfants que tu voudrais vivre ?

1529. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

On voit combien ce nom et le souvenir d’une ancienne grandeur en imposaient encore : « L’orateur, dit-il, craint de faire entendre devant les héritiers de l’éloquence romaine, ce langage inculte et sauvage d’au-delà des Alpes, et son œil effrayé croit voir dans le sénat les Cicéron, les Hortensius et les Caton assis auprès de leur postérité pour l’entendre. » Il y a trop d’occasions où il faut prendre la modestie au mot, et convenir de bonne foi avec elle qu’elle a raison ; mais ici il y aurait de l’injustice : l’orateur vaut mieux qu’il ne dit ; s’il n’a point cet agrément que donnent le goût et la pureté du style, il a souvent de l’imagination et de la force, espèce de mérite qui, ce semble, aurait dû être moins rare dans un temps où le choc des peuples, les intérêts de l’empire et le mouvement de l’univers, qui s’agitait pour prendre une face nouvelle, offraient un grand spectacle et paraissaient devoir donner du ressort à l’éloquence : la sienne, en général, ne manque ni de précision, ni de rapidité.

1530. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Ces appels aux dieux étaient faits d’abord par des hommes simples et grossiers qui croyaient s’en faire entendre sur la cime des monts où l’on plaçait leur séjour. […] Les Carthaginois se trouvèrent dans le premier cas : le traité qu’ils avaient fait avec les Romains leur avait assuré la conservation de leur vie, de leurs biens et de leur cité ; par ce dernier mot ils entendaient la ville matérielle, les édifices, urbs dans la langue latine ; mais comme les Romains s’étaient servis dans le traité du mot civitas, qui veut dire la réunion des citoyens, la société, ils s’indignèrent que les Carthaginois refusassent d’abandonner le rivage de la mer pour habiter désormais dans les terres, ils les déclarèrent rebelles, prirent leur ville, et la mirent en cendres ; en suivant ainsi le droit héroïque, ils ne crurent point avoir fait une guerre injuste.

1531. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Que faut-il entendre par cette expression un peu vague : mysticisme ? […] Il entend un mot et éprouve le besoin de le répéter une fois ou plusieurs fois : écholalie. […] Ils entendirent mal son malentendu. […] J’entendis ses pleurs ». […] Des personnes mentionnées par Suarez entendaient cette voyelle bleue, etc.

1532. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Il faut l’entendre là-dessus ; il est superbe. — Les immortels écrits d’Aristote, qu’est cela, je vous prie ? […] Il faut vous dire que le libraire en question est envers sa nombreuse clientèle, — j’entends la clientèle qui lit et n’achète pas, — d’une affabilité et d’une politesse ! […] Ce n’est pas qu’il n’y ait du talent, et beaucoup — mais beaucoup, entendez-vous !  […] Tel qu’il est, cet instrument ferait bien sa partie dans un concert ; — j’entends dans un concert nocturne de petite ville, quand un veuf, déjà mûr, convole en secondes noces. […] La nouvelle génération commence à se lasser d’entendre ce Ganéça de la critique ressasser constamment les mêmes formules dans sa pagode oubliée.

1533. (1888) Poètes et romanciers

Ce fut, ce soir-là, pour ceux qui l’entendirent, une véritable fête d’esprit. […] Les destinées remontent vers Jéhovah et font entendre autour de son trône leur lamentation. […] Bien entendu que nous ne parlons ici que preuves en main ; de pareilles choses ne s’inventent pas. […] « Avec quelle joie j’entendais proclamer les victoires de la République ! […] Cette idée, je l’ai entendu attaquer très vivement et je prétends la défendre.

1534. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Euripide, Apollonios de Rhodes, nous l’ont déjà laissé entendre en montrant l’influence que le corps et l’âme exercent l’un sur l’autre. […] Hamlet n’est pas si absorbé dans sa rêverie qu’il n’entende les fanfares lointaines et ne sente le vent qui pique ou l’heure qui passe. […] Javotte est un chef-d’œuvre d’éducation bourgeoise mal entendue. […] Il y faisait entendre les cris inarticulés de sa douleur. […] Il s’y roule, il éprouve une attaque de douleur ; il y crie, il y fait entendre des vers inarticulés. » Et il approuve ces hardiesses.

1535. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

mon cœur ne s’entend plus. […] On entend s’élever partout un murmure attristé. […] » Ses vœux furent entendus : le 9 novembre 1804, fut le terme de ses douleurs. […] Comment me faire entendre ? […] Je n’entends pas faire ici de Mme Georges Sand une étude complète.

1536. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Il disoit que, pour se garantir de ses charmes, il ne falloit ni la voir ni l’entendre.

1537. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

À les entendre, le dix-neuvième siècle était la lie des siècles, l’homme, cette œuvre éternellement jeune de Dieu, à chaque génération, se rapetissait dans ses mains. […] Mais si ma situation ne me permettait pas d’approcher, dans un salon, de ces grands hommes et de ces femmes célèbres dont j’entendais retentir le nom dans les journaux, je pouvais du moins, et c’était assez pour moi, en approcher du regard et emporter dans mes yeux l’image d’une de ces divinités terrestres. […] Nous n’entendîmes que le bouillonnement frémissant du sillage, qui creusait les lames avec la rapidité du vent. […] Il y avait toujours un excès entre nous ; comment nous entendre ? […] J’étais fier d’entendre dans la confidence du coin du feu cette âme qui venait de remplir la tribune et l’Europe entière de sa voix.

1538. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Paul m’a dit qu’il m’entend de l’hôtel de Flandre. […] Bien entendu, nous y allons tous. […] Il faut être Anglais pour… Oui j’ai entendu dire que des Anglais sont venus à Lausanne pour voir une cathédrale. […] Ainsi c’est entendu, vous n’en direz rien, ou vous vous ferez de moi une ennemie très sérieuse. […] Mais comment l’entendez-vous ?

1539. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « À M. Vacherot » p. 1

Entendre un philosophe parler littérature est l’un des plus grands plaisirs de l’esprit que je connaisse, et c’est une fête que vous m’avez donnée à Sainte-Barbe, pendant un an, toutes les semaines, à votre conférence du mercredi, lorsque je préparais mes examens de licence.

1540. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Trop plein de pudeur, et au lieu de parler en son nom à un siècle qui n’entend pas les vers à demi mot, il s’est déguisé ou enveloppé dans le carrick ou la douillette d’un certain chevalier d’Aï, dont il a mêlé la prétendue biographie à ses poésies mêmes. […] Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre, Elle suit son chemin, distraite, et sans entendre Ce murmure d’amour élevé sur ses pas.

1541. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Le monde ne s’arrête ni pour se laisser refaire, ni pour se laisser examiner ; et lorsqu’on entend déjà les journaux ministériels d’un royaume voisin attribuer la grande semaine de juillet aux concessions que M. de Martignac a faites à la Chambre de 1828, on se rappelle, en souriant, à combien d’accidents aussi petits que M. de Martignac on a attribué la Révolution de 1789. […] « A l’apparition des Ordonnances, ajoute-t-il, nous serions-nous portés vers le Parlement comme au temps de la Fronde, pour le supplier d’aller se jeter aux pieds du roi, afin de lui faire entendre la vérité, au moins pour la dernière fois, et de lui porter des propositions de conciliation ?

1542. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

D’Aubigny arrive ; mademoiselle de Belle-Isle ignore tout ; ils parlent longtemps sans s’entendre, et, lorsqu’il a expliqué enfin sa colère, elle ne peut l’éclairer d’un mot à cause de ce fatal serment que Mme de Prie lui a fait prêter devant nous dans une formule si rigoureuse. […] A entendre nos espérances d’alors, il semblait que, pour l’entier triomphe d’un genre plus vrai et des jeunes talents qui s’y sentaient appelés, il ne manquât qu’un peu de liberté à la scène et de laisser-faire.

1543. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Toutes les qualités féminines légères, délicates, fragiles, souffrantes ; ce qu’on entendait par de l’aristocratie quand le mot avait un sens ; la gracilité de ces héritiers élégants et maladifs en qui s’éteignent les familles nobles ; charmant, touchant, oui, — grand, non. […] Gustave Flaubert Musset aura été un charmant jeune homme et puis un vieillard, mais rien de planté, de rassis, de carré, de sérieux dans son talent (comme existence, j’entends) ; c’est qu’hélas !

1544. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Ce n’est pas, bien entendu, que ces types ne varièrent jamais, suivant les époques et suivant les acteurs qui les adoptèrent successivement. […] Voulant donner la définition de ce qu’on entendait par ce mot, qui, étymologiquement, veut dire liens (lazzi, parole lombarde, au lieu de lacci, parole toscane), Riccoboni se sert de l’exemple suivant : « Dans la pièce d’Arlequin dévaliseur de maisons, Arlequin et Scapin sont valets de Flaminia, qui est une pauvre fille éloignée de ses parents et qui est réduite à la dernière misère.

1545. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

Auguste Comte a bien exprimé l’antinomie entre ces deux façons d’entendre le droit quand il a prononcé sa fameuse condamnation du droit individuel : « L’idée du droit, dit-il, est fausse autant qu’immorale, parce qu’elle suppose l’individualité absolue. » Auguste Comte veut dire que l’idée du droit individuel est une idée antisociale parce qu’elle est un principe au nom duquel l’individu se tient en état de révolte virtuelle constante contre tout ordre social, en état de mécontentement virtuel à l’endroit de toute législation existante. — Et sans doute ces deux idées du droit : l’idée du droit social et celle du droit individuel ont des points de contact et réagissent l’une sur l’autre. […] Le syndicat entend exercer sur ses membres une domination unilatérale et illimitée.

1546. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Un homme avisé, songeant à l’avenir, doit donc chercher à les gagner. « Les Pharisiens, qui étaient des avares, dit l’évangéliste, entendaient cela, et se moquaient de lui 499. » Entendirent-ils aussi la redoutable parabole que voici ?

1547. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Instruits à fond de leurs sentimens & de leurs manœuvres, nous les voyons déjà se déchaîner contre nous dans les Sociétés, ne rien épargner pour décrier notre travail, notre personne, nos mœurs : nous entendons déjà les noms de Polisson, de Méchant, de Fripon, de Scélérat, de Monstre, &c. […]   Nous ne parlerons point des Auteurs qui n’ont cultivé que les Sciences : l’Ouvrage eût été trop volumineux ; d’ailleurs nous n’aimons à parler que de ce que nous entendons.

1548. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

« La Poésie veut bien se charger de donner des préceptes, mais sur des sujets qui soient dignes de son langage, & dans lesquels elle se puisse faire entendre à tout le monde, sans descendre à des expressions techniques, qui lui sont étrangeres, & qui sont à peine intelligibles pour le demi-quart des Lecteurs ». […] « On ne sauroit trop répéter qu’un Poëme est fait pour tout le monde, & que son plus grand mérite est d’être lu, entendu, estimé généralement ».

1549. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

En expliquant, comme il les entend et comme il les a déjà indiqués plusieurs fois, le principe, la loi et le but du drame, l’auteur est loin de se dissimuler l’exiguïté de ses forces et la brièveté de son esprit. […] Ici, comme partout, en esquissant ce croquis de la noblesse castillane vers 1695, nous réservons, bien entendu, les rares et vénérables exceptions. — Poursuivons.

1550. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Vandale, après avoir décrié les oracles, se proposoit encore, sur le succès de son entreprise, de décrier certains pélerinages, quelques pratiques de dévotion mal entendues : mais Fontenelle, après la publication de ses idées philosophiques, ne fut pas tenté d’en publier de nouvelles dans ce goût. […] On rend hommage à ses talens, sait à celui d’approfondir les principes des langues, d’entendre mieux que personne la métaphysique de la Grammaire, soit à celui de faire une chanson agréable.

1551. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

On entend mettre en question par des personnes d’esprit, si, au lieu de condamner pendant si longtemps un jeune homme à apprendre le Latin, il ne seroit pas plus convenable de le lui défendre absolument. […] Qui ne seroit, dit-il, indigné d’entendre les sons du sifflet de Rabelais parmi ceux de la flutte d’Horace , de voir joindre des attitudes de Calot à des figures de Raphaël  ?

1552. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

Aussi aucun tiran de la Grece n’entendit-il jamais autant de flatterie qu’un poëte médiocre s’en dit à lui-même quand il encense les prétenduës divinitez qui viennent de naître sous sa plume. C’est des mauvais poëtes principalement qu’il faut entendre ce que dit Ciceron.

1553. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

On est dans l’habitude de dire et d’entendre dire alors, le siecle d’Auguste, le siecle d’Alexandre et le siecle de Louis le grand. […] Corneille a dit souvent, qu’Attila étoit sa meilleure piece, et Racine donnoit à entendre qu’il aimoit mieux Bérenice qu’aucune de ses autres tragédies prophanes.

1554. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Nous n’avons pas entendu M.  […] Car, s’il est un délicieux enfant comme l’Amour, c’est un enfant que le Caprice, et il vient toujours un moment où il faut emporter les enfants pour que l’on s’entende.

1555. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

… L’originalité en histoire, ce n’est pas de l’invention, bien entendu ! […] Peut-être de cet homme raboté, vernissé par une éducation spéciale, sortira-t-il enfin quelque petite voix naturelle, quelque petite voix de génie, comme d’un étui de maroquin noir tout uni, centième exemplaire de la même boîte, peut très bien sortir une charmante mandoline dont les sons ne s’oublient jamais une fois qu’on les a entendus !

1556. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Venu plus tard, comme Thucydide, par exemple, qui vit flotter au-dessus de son jeune front la barbe de l’homme d’Halicarnasse et qui l’entendit lire son histoire aux Jeux olympiques, il n’aurait plus été, à génie égal, le même Hérodote. […] Dans ce siècle, dont la langue ressemble à une charmille taillée de Versailles, je ne connais qu’un homme qui aurait pu traduire Hérodote, s’il l’avait voulu : c’est le traducteur d’Anacréon qui, d’un coup de sa baguette gauloise, a transfiguré, à ravir les Grecs s’ils avaient pu l’entendre, L’Amour mouillé, ce chef-d’œuvre, en ce double chef-d’œuvre : J’étais couché mollement, Et, contre mon ordinaire, Je dormais tranquillement, Quand un enfant s’en vint faire À ma porte quelque bruit : Il pleuvait fort cette nuit, etc., etc.

1557. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Vaublanc, qui n’exerça jamais d’action supérieure et unitaire sur les hommes et les choses de son temps ; Vaublanc qui, en 1830, étant à Saint-Cloud, en disponibilité, au service de cette Restauration qui était aveugle quand elle n’était pas ingrate, vit Charles X, parla à Charles X et n’entendit pas un mot de ce qui se brassait alors au conseil, Vaublanc n’est en définitive qu’un grand homme et qu’un grand ministre du cimetière de Gray, mais le critique — qui n’a pas le droit de rêver comme le poète, — ne l’invente ni ne le suppose ; il le trouve dans ce que Vaublanc a laissé. […] Il le dit ou le fait entendre à vingt-cinq endroits de ses Mémoires.

1558. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Nous avons entendu les historiettes de M.  […] La notion de la religion naturelle, antiphilosophique et antithéologique, comme l’entend le sens très commun de M. 

1559. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Il ne s’agit pas ici, bien entendu, des talents du gymnaste intellectuel que l’on appelle un philosophe, ni même de la dorure de bec de la Gloire, qui répète parfois et crie des noms, comme les perroquets, sans rien y comprendre, mais il s’agit des hommes qui représentent pour les avoir réellement exprimées le petit nombre de vérités nécessaires à la vie et à l’honneur de l’esprit humain. […] Malheureusement, c’est le christianisme, purement et sévèrement entendu, qui manque à M. de Beauverger.

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