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2194. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Arthur de Gravillon, qu’il l’ait voulu ou qu’il l’ait simplement souffert, a dû porter d’abord sur sa pensée l’influence de La Bruyère Est-ce que nous ne commençons pas tous par être le pavois d’un homme ? […] Mais, quoi qu’il fasse, il y mettra ce fil doré de poésie qui, mêlé à toutes les trames de la vie et de la pensée, semble, en y passant, y glisser comme le scintillement d’une étoile.

2195. (1876) Romanciers contemporains

Balzac n’a jamais été maître de sa pensée. […] Comment espérer pouvoir retenir le lecteur sérieux, quand celui-ci n’aperçoit pas le fil conducteur de la pensée ? […] La netteté de la pensée, la vigueur du trait, la précision du burin sont incomparables. […] Sans doute il y a à la fois dans cette coutume un sens philosophique et une pensée touchante. […] Toutes leurs forces, toutes leurs pensées vont à elle et la forment.

2196. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVI » pp. 183-185

Cousin sur le texte de Pascal, travaux qui doivent bientôt, on l’annonce, recevoir leur complément par une publication exacte et entière du manuscrit des Pensées.

2197. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Colet, Louise (1810-1876) »

Et certes, il faudrait avoir l’esprit bien mal fait pour ne pas s’associer à la pensée qu’il exprime si judicieusement et avec une si naïve confiance ; mais de quelle solide foi romantique ne devait pas être animé le statuaire qui avait représenté Mme Louise Colet, splendide alors et épanouie comme les Néréides du maître d’Anvers, sous la figure d’une jeune femme rêveuse et mourante, étendue près d’une fontaine, et intitulée : Penserosa !

2198. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Désaugiers, Marc-Antoine-Madeleine (1772-1827) »

Bernard Jullien Ce qui distingue éminemment les chansons de Désaugiers, et toutes ses productions, c’est la verve, le naturel, la bonne et franche gaîté, la peinture vraie et plaisante des mœurs et des ridicules de tous les états, souvent aussi une fécondité singulière pour tirer une multitude de pensées d’un fond qui ne semblait pas les comporter.

2199. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fuster, Charles (1866-1929) »

— Les Pensées d’une mondaine (1897). — L’Année des poètes, 8 volumes (1890-1897). — Des yeux au cœur (1890)

2200. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Margueritte, Victor (1866-1942) »

Rodolphe Darzens Victor Margueritte fit preuve d’une grande précocité en publiant, à dix-sept ans, un recueil de vers, Brins de lilas (1883), et l’année suivante, la Chanson de la mer, toutes poésies où la perfection de la forme et la science du rythme s’allient à l’élévation des pensées et au charme des expressions.

2201. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mockel, Albert (1866-1945) »

Rien n’y arrive aux sens qu’à travers la pensée, rien n’y palpite que pour un triomphe d’art, tout y est essentiellement intellectuel.

2202. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Popelin, Claudius (1825-1892) »

Pierre de Bouchaud Somme toute, c’est l’artiste qui a dominé chez lui et lui a dicté ses moindres pensées, en poésie, où les mots : gloire, patrie, amour, bonheur, souffrance (toute la vie), reviennent sans cesse sous sa plume, sauvés de la vulgarité par le charme d’une langue nerveuse, colorée, et par de beaux élans d’enthousiasme, transformés par la magie d’un talent sensitif, fécond, impressionnable, précisément parce qu’il provient d’une nature artiste, revêtus enfin du majestueux vêtement d’un style imagé, toujours respectueux de la forme.

2203. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Trarieux, Gabriel (1870-1940) »

Bien qu’il se soucie plus de l’idée, de la pensée, que de la forme dans laquelle elle tombe, ce de quoi on ne saurait trop le louer, son vers est naturellement harmonieux et élégant.

2204. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la première édition »

Persuadé que les lettres doivent être un supplément de l’expérience personnelle une force active et présente, une discipline qui s’ajoute aux exemples du foyer domestique, à la religion, aux lois de la patrie, j’ai cherché dans nos grands écrivains moins l’habileté de l’artiste que l’autorité du juge des actions et des pensées, moins ce qui en fait des êtres merveilleux, dont la gloire nous peut troubler, que ce qui les met de tous nos conseils et les mêle à notre vie, comme des maîtres aimés et obéis.

2205. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 198-200

Dans les Ouvrages de prose, le style étoit l’objet dont on s’embarrassoit le moins : pourvu que l’expression ne fût point barbare, qu’elle rendît la pensée de l’Auteur, on croyoit avoir le talent d’écrire.

2206. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 252-254

Sa maniere est plutôt d’attacher par les peintures, que par le raisonnement ; & l’on sent que l’élévation & le courage des pensées, la noblesse & l’énergie des expressions, la vigueur & la vérité des tableaux sont très-capables d’y suppléer.

2207. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 414-416

Bouhours cite souvent, avec éloge, quelques morceaux des Placets qu’il adressoit au Roi pour obtenir la fin de sa disgrace : ces morceaux sont éloquens, pleins de pensées délicates & bien exprimées, sans intéresser toutefois le sentiment, quoiqu’ils aient l’appareil du sentiment.

2208. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 235-237

On y apprend à connoître ce qui constitue le style figuré ; à saisir, dans toutes les expressions, le sens propre & celui que l’imagination y ajoute pour mieux colorier la pensée.

2209. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 280-282

Ses Vers ne sont point surchargés de ces mots inutiles, de ces épithetes oiseuses, tristes enfans de la stérilité, nés pour être les esclaves de la mesure & de la rime ; mais ils sont froids & monotones, quoique plus remplis de pensées que ceux de ses prédécesseurs & de ses contemporains.

2210. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 378-380

Le style de ses Ouvrages, qui sont en très-grand nombre, est clair, net, plein de pensées saillantes, quelquefois nerveux, plus souvent diffus & beaucoup trop chargé de citations.

2211. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre premier. De l’Écriture et de son excellence. »

Les productions les plus étrangères à nos mœurs, les livres sacrés des nations infidèles, le Zend-Avesta des Parsis, le Veidam des Brahmes, le Coran des Turcs, les Edda des Scandinaves, les maximes de Confucius, les poèmes sanskrit ne nous surprennent point : nous y retrouvons la chaîne ordinaire des idées humaines ; ils ont quelque chose de commun entre eux, et dans le ton et dans la pensée.

2212. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

La ville capitale a pris pour elle la pensée, et les gens de cour l’élégance. […] L’artisan, dans son étroite échoppe, attaché à son métier machinal, occupé tout le jour par sa pensée d’un écu, perd le sens du beau, l’aisance d’esprit, la hardiesse des désirs, et son âme se rapetisse avec ses pensées. […] Mais l’homme du tiers, qui n’a rien, qui n’est rien, et ne parvient qu’à force de labeur, reçoit en naissant un joug qui courbe sa pensée vers les soucis d’argent et de place, qui devient une partie de lui-même, et qu’il garde par habitude, lors même qu’il a gagné le droit de s’en délivrer. […] Autrefois à Rome, en Grèce, l’homme, à demi exempt des professions et des métiers, sobre, n’ayant besoin que d’un toit et d’un manteau, ayant pour meubles quelques vases de terre, vivait tout entier pour la politique, la pensée et la guerre. […] Pour que les moeurs puissent s’ennoblir, la pensée doit se développer ; ici l’esprit reste engourdi comme celui d’un cheval de labour, et pour les mêmes causes.

2213. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Quand ma pensée va à cette nomination, elle ne s’y arrête pas, comme elle s’arrête aux événements de votre vie qui, vous donnent de la sincère joie, et passe de suite à autre chose. […] Curieuse, vraiment l’occupation que met dans la pensée de Paris, un banquet. […] Et aux politiciens de circonstance, aux Thiers, il oppose Lamartine, un politique aux grandes vues, aux envolées de la pensée à travers l’avenir, et qui fut un prophète miraculeux de tout ce qui est advenu depuis sa mort, dans notre vieille société. […] Alors il saute à bas de son lit, et cherche l’oubli de cette opération, dans le travail, la lecture, la mise de sa pensée, dans quelque chose qui la distrait de son idée fixe. […] En voiture, Mme Daudet s’élève, avec des paroles colères, contre ce militariat universel, qui est le tourment de la pensée de toutes les mères, envoyant leur malédiction à Bismarck.

2214. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Essayez de soumettre au crible de la pensée ce style fabriqué avec des couleurs reposant sur un nuage, votre entendement ne saisira que le vide. […] Descendu du pouvoir qui n’a pu ni l’éblouir ni le changer, il est encore aujourd’hui ce qu’il était autrefois, ce qu’il sera toujours, — un journaliste, — un journaliste toujours prêt à défendre, — contre des bourgeois, anciens libéraux convertis, — les prérogatives de la pensée et l’initiative de l’esprit humain. […] Louis Veuillot a écrit un livre, les Libres Penseurs, qui renferme, sinon des pages complètes, du moins çà et là des passages, des traits marqués au coin d’une pensée vigoureuse et d’un style personnel. […] Quand je me borne à constater un fait, loin de moi la pensée d’en conclure que ce soit pour Roger un insuccès ni un malheur c’est un accident dont l’artiste a finalement triomphe par le suprême effort de sa volonté et de son savoir-faire. […] vous confondez la manifestation de la pensée avec la pensée elle-même, et vous estimez un même prix l’intelligence créatrice et le moule qui a servi à créer.

2215. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIII » pp. 206-208

Voici la suite : « Enfant par la foi, vieillard par l’expérience, homme par le cerveau, femme par le cœur, géant par l’espérance, mère par la douleur et poëte par les rêves ; à toi qui es encore la Beauté, cet ouvrage où ton amour et ta fantaisie, ta foi, ton expérience, ta douleur, ton espoir et tes rêves sont comme les chaînes qui soutiennent une trame moins brillante que la poésie de la pensée, que le poëme gardé dans ton âme, semblable à l’hymne d’un langage perdu dont les caractères irritent la curiosité des savants. »

2216. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blanchecotte, Augustine-Malvina (1830-1897) »

. — Impressions d’une femme, pensées, sentiments et portraits (1867). — Tablettes d’une femme pendant la Commune (1872). — Les Militantes, poésies (1876). — Le Long de la vie, nouvelles impressions (1876).

2217. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dujardin, Édouard (1861-1949) »

Dujardin est toujours sage, prudente et calme ; s’il y a des écarts de langue, des essais de syntaxe un peu osés, la pensée est sûre, logique, raisonnable.

2218. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leygues, Georges (1857-1933) »

Sous toutes les formes et à chaque page se trahit la pensée intime et la constante préoccupation d’un poète blessé qui, ne songeant qu’à la patrie, pleure sur elle et pour elle espère.

2219. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Manuel, Eugène (1823-1901) »

Manuel : l’un vient du fond d’une vie sincère, souvent troublée, mais plus forte que ses troubles, et d’une âme virilement attachée au devoir, défendue, par lui, contre les lâches défaillances ; l’autre vient, non plus de ces profondeurs émues de l’existence humaine, mais des hauteurs de la pensée pure, de ces sommets sacrés où l’esprit se sent plus voisin de l’infini.

2220. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pichat, Laurent = Laurent-Pichat, Léon (1823-1886) »

Il aime l’art et la liberté ; les causes désespérées l’attirent… Le livre est le reflet de l’homme ; on trouve dans ses vers les mêmes qualités d’élévation et de générosité ; la pensée n’y est jamais étroite ou banale ; les strophes s’élancent fièrement vers l’idéal et peignent bien cette vaillante nature de poète polémiste et de penseur.

2221. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIII. Des sympathies anarchistes de quelques littérateurs » pp. 288-290

(Je prends ces noms sans arrière ni ironique pensée, comme d’esprits d’à peu près même force mais d’orientation différente.)

2222. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 354-356

Ses Périodes ne sont ni décousues ni hachées, comme celles de la plupart des Orateurs de ce siecle ; mais les incises en sont trop symétriques, ce qui donne à son élocution, d’ailleurs forte de pensées & de couleur, un air maniéré qui la dépare.

2223. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 2-5

Qu’on suppose que Rabelais ait voulu s’envelopper, pour ne point paroître attaquer si directement ce qui aiguisoit son humeur satirique : étoit-ce d’un tissu de pensées triviales, de propos obscènes, d’expressions basses, qu’il devoit former le voile destiné à cacher ses allégories ?

2224. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 441-443

Sa Prose est assez communément dans le même goût ; mais si elle n’a pas le mérite des tours & de l’expression, elle a quelquefois celui des pensées.

2225. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Avis du traducteur » pp. -

Rendre sensible cette unité, telle devait être la pensée de celui qui au bout d’un siècle venait offrir à un public français un livre si éloigné par la singularité de sa forme des idées de ses contemporains.

2226. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Nés dix ou quinze ans plus tard, et s’ils n’avaient eu que dix-sept ans en 1800, ces deux chefs de la pensée eussent-ils fait tête aussi fermement à l’assaut ? […] Il avait déjà fait imprimer à Besançon, en 1801, et tirer à vingt-cinq exemplaires Quelques Pensées de Shakspeare, avec cette épigraphe de Bonneville : Génie agreste et pur qu’ils traitent de barbare. […] Pascal, à l’article V, demeure hautement accusé d’avoir pillé Montaigne ; son plagiat est même proclamé le plus évident et le plus manifestement intentionnel que l’on connaisse, et l’on oublie que Pascal, mort depuis plusieurs années lorsqu’on recueillit et qu’on publia ses Pensées, ne peut répondre des petits papiers qu’on y inséra et qui, pour lui, n’étaient que des notes dont il se réservait l’usage. […] puisque dans ma misère, De tous les biens qu’il voulut m’enlever, Il m’a laissé le bien que je préfère : Ô mes amis, quel plaisir de rêver, De se livrer au cours de ses pensées, Par le hasard l’une à l’autre enlacées, Non par dessein : le dessein y nuirait ! […] Peu m’importe que la pensée Qui s’égare en objets divers, Dans une phrase cadencée Soumette sa marche pressée Aux règles faciles des vers ; Ou que la prose journalière, Avec moins d’étude et d’apprêts, L’enlace, vive et familière, Comme les bras d’un jeune lierre Un orme géant des forêts ; Si la manière en est bannie Et qu’un sens toujours de saison S’y déploie avec harmonie, Sans prêter les droits du génie Aux débauches de la raison.

2227. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Aussi La Fontaine voit toutes les pensées de ses personnages, les plus légers changements de leurs physionomies, leur vie, leur généalogie, leur patrie. […] La Fontaine montre d’où vient le lien, et cette petite circonstance ramène notre pensée au bord du marécage : Un brin de jonc en fit l’affaire. […] Je sais quand il faut m’arrêter et quand il faut courir. » Au contraire ici la critique est en action et le ridicule palpable, parce que la sottise tombe du moral dans le physique, et que l’impertinence des pensées et des sentiments devient l’impertinence des gestes et des mouvements. […]          Notre laitière ainsi troussée          Comptait déjà dans sa pensée Tout le prix de son lait, en employait l’argent, Achetait un cent d’oeufs, faisait triple couvée. […] Celle que vos préteurs ont sur nous exercée     N’entre qu’à peine à la pensée.

2228. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Roger monte à son tour l’hippogriffe, cheval ailé qui le transporte avec l’indocilité du caprice et avec la rapidité de la pensée d’un pays à l’autre ; l’hippogriffe s’abat en Sicile, dans une délicieuse vallée plantée de myrtes. […] « Elle demande enfin pitié à celui qui l’a percée d’un tel coup sans le savoir. » Ici le poète, par une apostrophe tragi-comique, qui sort d’elle-même du sujet, tourne sa pensée vers Roland, l’amant obstiné et toujours malheureux d’Angélique. […] La souriante Léna semblait préoccupée des mêmes pensées que moi, sans se rendre compte davantage de la nature de ses impressions. Cette longue lecture de l’Arioste et les milliers d’imaginations tendres et chimériques que cette lecture fait flotter dans l’esprit paraissaient avoir pris un corps et une âme dans sa pensée, mais quel corps et quelle âme ? […] Nous avons commis une erreur, faute d’avoir ici le Moniteur sous les yeux, en attribuant au gouvernement du général Cavaignac la première pensée de l’intervention armée à Rome.

2229. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

« Nous sortîmes, mon frère et moi, de l’Académie au mois d’octobre 1782, avec la pensée d’entrer dans la prélature. […] Deux des cardinaux de la Congrégation étant morts, comme le Pape avait toujours eu la pensée d’abolir cette Congrégation et de faire de Saint-Michel une charge prélatice, il ne les remplaça pas. […] « Il était bien naturel que la nouvelle de cette mort dirigeât toutes les pensées vers la célébration du Conclave pour l’élection de son successeur. […] On pensa que cet homme, n’inspirant pas de jalousie et ne soulevant pas de défiances, ni par sa dignité, ni par aucune autre distinction, pourrait préparer les choses de façon que celui à qui il devait souffler la pensée semblât presque en être l’auteur. […] Mais, une fois convaincu de cette impossibilité et reconnaissant comme inévitable la nécessité de choisir le nouveau pape dans le parti contraire, il accueillit admirablement l’heureuse pensée que son parti eût l’honneur du choix, et plus encore que cet honneur lui fût attribué de préférence à tous les autres.

2230. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Mais si ç’a été la profonde pensée de Wagner, faire des œuvres de pure musique avec le commentaire de paroles et de gestes, tardivement est-il arrivé à la conscience de cette idée ; de là les erreurs éparses, parmi tant de géniales réalisations, dans l’œuvre qu’il institua et qui commence à l’ère glorieuse du printemps de 1849. […] verrait-il, l’artiste poète et musicien, qu’à dire ces pensées excellerait encore le langage de Gœthe ? […] Chamberlain, le centre de l’action psychologique a disparu… avec lui disparaît l’élément réfléchissant, la Pensée ; il ne reste que les émotions, la Passion, ce que la musique exprime. […] La direction de la pensée et de l’action n’est-elle pas facile sous la garde des deux pouvoirs : la suite spirituelle des évêques, s’appuyant à la suite héréditaire des rois. […] Et c’était, au moyen-âge, une splendeur de l’esprit humain en l’humilité du droit chemin, et c’est, aujourd’hui, les folles œuvres d’Antéchrist ; toute pensée antireligieuse étant devenue possible par le fait rebellieux de la Réforme au seizième siècle.

2231. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

À quoi sert donc, encore une fois, votre forme a priori, votre moule produit par une pensée distincte de la sensation ? […] Elles supposent des éléments particuliers et détachés, tels que les sensations, qu’on groupe ensuite selon des lois intellectuelles, soit celles de l’association, soit celles de la « pensée pure ». […] Les sensations de ce genre ne sont pas des conclusions de raisonnement, des constructions de la pensée qui dirait : — l’étincelle jaillie du foyer était au premier moment à tel point, au second moment à tel autre point ; donc elle s’est mue. — Dans le temps nécessaire à l’aperception (et qui n’est, pas infiniment petit, mais mesurable), nous voyons le mouvement ; nous le voyons, dis-je, nous ne le concluons pas : nous avons un mode particulier de sentir, d’être affecté, (qui correspond en nous au mouvement extérieur et qui, si le mouvement est rapide, soudain, peut aller jusqu’à nous faire tressaillir par contre-coup. […] Lachelier distingue trois idées pures de l’être, dont « la plus haute, naît d’un libre vouloir et n’est réellement que liberté ». « Cette idée, ajoute-t-il, n’a pas, à proprement parler, d’image sensible ; mais elle se réalise dans la pensée appliquée ou empirique, qui réfléchit sur la conscience sensible et affirme l’existence des éléments qui la constituent. » Ainsi naissent les formes à priori. « La première forme de cette pensée est la réflexion individuelle par laquelle chacun de nous affirme sa propre vie et sa propre durée, et s’en distingue en les affirmant.

2232. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Le hasard voulut que Mariette rencontrât, au sortir de sa classe, la dame de ses pensées. […] Tout jeune, il appartint à la catégorie de ceux qui vivent pour écrire, et dont les pensées et les actions ne semblent avoir d’autre but que de laisser une trace ineffaçable, en lignes noires, sur du papier blanc. […] Toutes ses pensées et ses inclinations s’étaient tournées du côté de la vie religieuse. […] Nul n’a mieux mesuré l’étendue et le contenu de cette intelligence, la portée de cette prévision si lucide, la rapidité, la fécondité, « le jeu et le jet » de cette pensée victorieuse, dont l’essor n’avait pas de limites. […] Ce livre, que vous aimerez dès que vous l’aurez ouvert, est plein de cette pensée : on la sent, bien que l’auteur se défende de toute prédication, on la sent qui circule sous le tissu du style coloré, alerte et pimpant.

2233. (1883) Le roman naturaliste

Mais le sens de ses paroles allait au-delà de sa pensée même, et portait plus loin, qu’il y visât ou non. […] » Tantôt, la parenthèse ou l’exclamation viennent continuer la pensée du personnage en scène, à qui M.  […] Les mots qui peignent, s’il y en a, ne sont sans doute pas ceux qui traduisent l’émotion tout intime du sentiment, ou le travail tout intérieur de la pensée ! […] Condamnerez-vous peut-être le procédé du chef de cette substitution systématique de la sensation au sentiment et de l’image à la pensée ? […] tant enfin les moindres reprises du dialogue y sont conformes au secret du caractère et au travail latent de la pensée !

2234. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Il prononce sa pensée d’un ton uni, en termes exacts, précis, souvent crus, avec des comparaisons familières, abaissant tout à la portée de la main, même les choses les plus hautes, surtout les choses les plus hautes, avec un flegme brutal et toujours hautain. […] La musique involontaire dont la pensée s’enveloppe cache la laideur et dévoile la beauté. […] Les rimes et le rhythme ne sont que des machines officielles, qui lui ont servi pour presser et lancer sa pensée ; il n’y a mis que de la prose : la poésie était trop fine pour être saisie par ces rudes mains. […] Dans l’Arétin et Brantôme, dans La Fontaine et Voltaire, il y a la pensée d’un plaisir. […] Swift a le génie de l’insulte ; il est inventeur dans l’ironie, comme Shakspeare dans la poésie, et ce qui est le propre de l’extrême force, il va jusqu’à l’extrémité de sa pensée et de son art.

2235. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Tel est le charme de ces livres qui remuent tous les sujets, qui donnent l’opinion de l’auteur sur toutes choses, qui nous promènent dans toutes les parties de sa pensée, et, pour ainsi dire, nous font faire le tour de son esprit. […] Cette abondance de pensée et de style, cette multitude d’explications, d’idées et de faits, cet amas énorme de science historique va roulant, précipité en avant par la passion intérieure, entraînant les objections sur son passage, et ajoutant à l’élan de l’éloquence la force irrésistible de sa masse et de son poids. […] Le courant qui emporte les choses excite en lui, dès qu’il l’aperçoit, un courant qui emporte sa pensée. […] Sa pensée est une force active ; elle s’impose à l’auditeur ; elle l’aborde avec tant d’ascendant, elle arrive avec un si grand cortége de preuves, avec une autorité si manifeste et si légitime, avec un élan si puissant, qu’on ne songe pas à lui résister, et elle maîtrise le cœur par sa véhémence en même temps que par son évidence elle maîtrise la raison. […] Plus nous lirons l’histoire des âges passés, plus nous observerons les signes de notre époque, plus nous sentirons nos cœurs se remplir et se soulever d’espérance à la pensée des futures destinées du genre humain1379.

2236. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

C’était un de ces hommes dont la physionomie laisse lire toutes les pensées, et dont toutes les pensées sont bienveillantes et vertueuses. […] Il dut sentir alors la vérité de cette pensée qu’il développa si bien dans la suite: Où le secours humain fait défaut, Dieu produit le sien. […] Il s’étonne d’avoir pu concevoir la pensée d’apporter un projet de liberté au milieu de tant d’esclaves. […] La première pensée de cette pauvre demoiselle fut de supplier son frère de ne plus quitter la France, et de lui permettre de vivre auprès de lui. […] Mais à leurs regards qui cherchaient à se rencontrer, à leurs sourires rendus par de plus doux sourires, on les eût pris pour ces enfants du ciel, pour ces esprits bienheureux dont la nature est de s’aimer, et qui n’ont pas besoin de rendre le sentiment par des pensées et l’amitié par des paroles.

2237. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Non-seulement il y a l’ordre des êtres, mais il y a encore l’ordre des pensées qui les représentent ; non-seulement il y a des plantes et des animaux, mais encore il y a une botanique et une zoologie ; non-seulement il y a des lignes, des surfaces, des volumes et des nombres, mais encore il y a une géométrie et une arithmétique. […] Renouveler la notion de cause, c’est transformer la pensée humaine ; et vous allez voir comment Mill, avec Hume et M.  […] Nous allons même plus loin que vous : nous pensons qu’il n’y a ni esprits ni corps, mais simplement des groupes de mouvements présents ou possibles, et des groupes de pensées présentes ou possibles. […] Ils ont essayé de les atteindre et de retrouver par la pensée pure le monde tel que l’observation nous l’a montré. […] Ils ont voulu déduire de leurs théorèmes élémentaires la forme du système planétaire, les diverses lois de la physique et de la chimie, les principaux types de la vie, la succession des civilisations et des pensées humaines.

2238. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Le Gongorisme ne suffit plus, il n’admet la bizarrerie que dans l’expression, et se laisse entendre ; l’art sera de trouver un système où la pensée sera voilée par les mots. […] Entre la crainte et l’espérance, l’homme fait sa demeure du désir, il vit par la pensée et meurt par l’oubli : pour lui, c’est bonheur que la tribulation soufferte par amour. […] le style d’Edmond de Goncourt est comme un maillot pour la pensée, il en moule les moindres accidents, il en conserve la couleur naturelle dans ses teintes les plus fugitives. […] De son argent et de ses biens, il lui souciait fort peu : toute sa pensée était pour l’amour. […] Peyrusse rejette absolument l’a parte — cet idiot stratagème de convention ; dès lofs, pour révéler la secrète pensée de ses personnages, il se croit contraint de leur faire afficher par trop cyniquement leurs secrètes pensées.

2239. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Et l’on peut adorer une femme tout en observant ses attitudes, et se noyer dans ses yeux tout en y poursuivant l’ombre de ses pensées secrètes. […] Je n’ose en dire toute ma pensée ; mais la folie feinte de Lisette et ces éclats de rire de théâtre (qui ne font jamais rire personne) me sont insupportables. […] Dumas avait l’air de répondre à un être bizarre et lointain avec qui il ne se sentait pas une pensée commune, à quelque chose comme un jongleur de l’Inde. […] Son œil n’est pas le mien, sa pensée n’est pas la mienne. […] disait Sénèque… Heureusement, nous ne nous apercevons pas toujours des rabâchages du monde, ni de ceux de notre pensée.

2240. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Lorsque je choisis pour sujet de ce cours Jean-Jacques Rousseau, ce ne fut point d’abord dans une pensée d’extrême bienveillance pour le citoyen de Genève. […] Donc (et je ne force point la pensée de Rousseau, et je n’en tire que la conséquence la plus proche), hache, fronde, échelle, domestication du cheval, autant d’inventions tout à fait regrettables. […] Sa pensée aurait paru assez humble s’il ne l’avait pas follement outrée. […] Mais il la décrit d’abord à Émile comme un objet imaginaire, dont la pensée combattra l’impression des objets réels. […] Je dirai toute ma pensée : — Pourquoi regretter qu’il en soit ainsi ?

2241. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

L’une et l’autre ne vivent que de sentiments libres, vrais, énergiques ; l’une et l’autre ne respirent que le sublime, et jamais celui-ci ne se démontre dans l’asservissement des pensées. […] Comme il distingue le bon et le mauvais dans l’expression, il discerne le mauvais et le bon qu’elle exprime ; c’est ainsi qu’il purge le style et la pensée. […] Lebrun composa cette ode dans sa vieillesse, et la pureté des pensées et de la diction qu’on y distingue répond victorieusement aux détracteurs de cet habile poète. […] Une fois ces dieux admis dans la pensée sous des apparences corporelles, l’analogie veut qu’ils aient les passions qui animent les corps. […] Ce fantôme du pays, ce simulacre de l’effroi de la violation la plus sacrilège, personnifie la pensée qui troubla l’homme le plus vicieux, le plus inflexible.

2242. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XII. Dernière et nécessaire opération, qui consiste à corriger ce que l’on a écrit »

Qu’on laisse l’ouvrage sortir de ses mains, sans angoisse ainsi que sans orgueil, et que, dominant les craintes comme les espérances de l’amour-propre, on se résigne à la pensée de n’avoir pas fait un chef-d’œuvre, malgré tant de soins et de peines, et de ne forcer l’admiration de personne : faire de son mieux, sans défaillance, quand on ne se flatte pas de faire mieux que personne, n’est pas un mérite mince ; du moins ce n’est pas banal.

2243. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fleury, Albert (1875-1911) »

Henri de Régnier notamment, qui, l’un des premiers, en discerna le charme, et combien je suis heureux d’avoir trouvé en un confrère de qui j’ignore tout, sauf ses vers, un aussi bon compagnon de pensée pour les heures tristes !

2244. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Goudeau, Émile (1849-1906) »

Mais il y a mieux : il y a l’effort personnel d’Émile Goudeau, son labeur d’écrivain, sa pensée de poète.

2245. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soumet, Alexandre (1788-1845) »

Philarète Chasles Poète des derniers temps, qui semble enivré de sons et de lumière, de pensées métaphysiques qu’il transforme en images et de créations gigantesques qui le séduisent et le ravissent, nul ne ressemble plus à

2246. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Z — Zola, Émile (1840-1902) »

Dans sa pensée, cela formait donc un tout complet, une sorte de cycle poétique auquel il donna un titre général : L’Amoureuse Comédie.

2247. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

Ses peintures sont peu gracieuses, mais elles sont hardies ; ses images sont lugubres, mais elles saisissent l’ame & la subjuguent ; ses pensées ne sont pas philosophiques, mais elles sont vives & pleines d’énergie ; sa versification est quelquefois rude, mais elle est toujours mâle & vigoureuse.

2248. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 210-213

Le dialogue est juste & concis, le comique des personnages est tiré de la pensée, quelquefois de la situation, & ne consiste point dans des jeux de mots ou de froides saillies, ressources ordinaires des Auteurs médiocres.

2249. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 548-551

Cet Orateur prouve assez bien les vérités qu’il avance, ses raisonnemens sont assez suivis, ses pensées assez souvent lumineuses & toujours assez bien exprimées ; mais il ne touche, il ne remue, il n’est vraiment éloquent que par intervalles, & les intervalles sont très-longs, si ce n’est dans le Discours sur l’aumône, où il se montre souvent sensible & pathétique, toujours noble & quelquefois sublime.

2250. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1823 »

Il peut, aujourd’hui que ses Odes ont subi l’épreuve hasardeuse de la publication, livrer au lecteur la pensée qui les a inspirées, et qu’il a eu la satisfaction de voir déjà, sinon approuvée, du moins comprise en partie.

2251. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Châtiments » (1853-1870) — Au moment de rentrer en France. — 31 août 1870 »

France, tu verras bien qu’humble tête éclipsée                                J’avais foi, Et que je n’eus jamais dans l’âme une pensée                                Que pour toi.

2252. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

C’est pour cette raison que les beaux parleurs sont ordinairement si insupportables aux gens d’esprit, qui cherchent beaucoup plus à bien penser qu’à bien dire, ou plutôt qui croient que pour bien dire, il suffit de bien penser ; qu’une pensée neuve, forte, juste, lumineuse, porte avec elle son expression ; et qu’une pensée commune ne doit jamais être présentée que pour ce qu’elle est, c’est-à-dire, avec une expression simple. […] En rhétorique on apprend d’abord à étendre une pensée, à circonduire et allonger des périodes ; et peu à peu l’on en vient enfin à des discours en forme, toujours ou presque toujours en langue latine. […] Mais il est au moins un grand nombre de mots qui, de l’aveu de tout le monde, se refusent à quelque espèce de définition que ce puisse être ; ce sont principalement des mots qui désignent des propriétés générales des êtres, comme existence, étendue, pensée, sensation, temps, et un grand nombre d’autres. […] Il paraît même avoir regardé cet objet comme très essentiel dans des morceaux très frappans par le fond des choses, et où la beauté de la pensée semblait dispenser du soin d’arranger les mots. […] Le préjugé contraire est fondé en grande partie sur les fausses idées qu’on acquiert de l’éloquence dans nos collèges : on la fait consister à amplifier et à étendre une pensée ; on apprend aux jeunes gens à délayer leurs idées dans un déluge de périodes insipides, au lieu de leur apprendre à les resserrer sans obscurité.

2253. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

M. de Meilhan était un grand ambitieux, un ambitieux incomplet, puisqu’il était paresseux et sans esprit de suite ; mais, comme les gens de beaucoup d’esprit que l’ambition soulève, il voyait bien de loin, et sa pensée s’offre souvent avec des sillons rapides et dans un jour lumineux. […] L’ouvrage des Considérations sur l’esprit et les mœurs est bien composé ; il l’est en apparence au hasard et comme un jardin anglais ; ce sont des pensées, des analyses morales, relevées de temps en temps par des descriptions, des portraits ; animées en deux endroits par des dialogues, par des fragments de lettres : l’ensemble de la lecture est d’une variété agréable et d’un art libre que Duclos dans son livre n’a point connu. […] Sur la politique, sur la métaphysique, sur tous les objets, il y a là des vues, des idées, de la pensée.

2254. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Elle acquiert la légèreté, l’animation, la vie spirituelle que la pensée ou l’impression attribuent à l’air du visage. […] Que tout ceci demeure entre nous ; car vous savez que je crains les tracasseries autant que vous. » On s’écrit des lettres pour être montrées, et l’on s’en écrit d’autres où l’on met sa pensée secrète. […] Je dois dire pourtant que, dans la pensée de l’auteur, ce portrait de la maréchale d’Estouteville se rapportait bien plus en réalité à la maréchale de Beauvau ; il n’est pas défendu de croire que la maréchale de Luxembourg, qu’on crut généralement y reconnaître, y était pour quelques traits.

2255. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Je me dis : Voyons quelles sont les pensées de ce parti, et j’acceptai. […] Certes, la pensée de dissolution alors n’était pas décidée ni formulée, comme on dit, et le germe seul en était déposé dans l’esprit de Louis XVIII ; mais l’orateur semblait la présager, la prédire, la promener à l’avance sur toutes les têtes, et il faisait entendre à cette Chambre, au moment de se séparer, les considérants, pour ainsi dire, de son Arrêt de condamnation ; il en faisait planer la menace et briller l’éclair avant-coureur pour qui l’aurait su comprendre. Bien aveuglés et infatués étaient les adversaires ; car, dans leur confiance en eux-mêmes, ils s’estimaient si nécessaires à la royauté qu’à cette seule pensée que le roi pût les dissoudre, il n’en était pas un seul qui n’eût dit : Il n’oserait !

2256. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

comme ils ne sont pas nés dans les hauteurs métaphysiques de l’âme et descendus par degrés des nuages de la pensée ! […] L’idée, en partie fausse, mais haute du moins et sévère, qu’il se faisait des droits et des devoirs de la royauté, ne l’abusa point en ceci : il se dit que ce serait une calamité pour ses peuples et une honte pour lui comme pour sa race d’avoir un tel rejeton et successeur après soi sur le trône. il n’en admettait même pas la pensée. […] Dans toutes ces lettres une pensée revient et se marque en termes exprès : c’est que ce n’est pas pour une offense ni pour une faute particulière, ni dans un but de châtiment, de correction et d’amendement, que le prince est enfermé, et qu’il ne l’est point, par conséquent, pour un temps limité : « Cette affaire a un autre principe et d’autres racines. » Ce principe, c’est la raison d’État qui frappe un héritier reconnu pour incapable, inepte et indigne, pour incurable, et qui l’interdit à jamais, si elle ne le retranche.

2257. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Comme Gavarni n’est qu’un amateur en ce genre, qu’il n’écrit pas pour écrire, mais pour se faire plaisir à lui-même, on trouverait là, en cherchant bien, le fin mot et le fond de sa pensée sur toutes choses. […] point de bonheur sans la pensée. » Le joueur de flûte : — « A quoi bon la pensée ?

2258. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Printemps au dehors, jeunesse au dedans, soleil sur le gazon, sourire sur les lèvres, neige de fleurs à tous les buissons, blanches illusions épanouies dans nos âmes, pudique rougeur sur nos joues et sur l’églantine, poésie chantant dans notre cœur, oiseaux cachés gazouillant dans les arbres, lumière, roucoulements, parfums, mille rumeurs confuses, le cœur qui bat, l’eau qui remue un caillou, un brin d’herbe ou une pensée qui pousse, une goutte d’eau qui roule au long d’un calice, une larme qui déborde au long d’une paupière, un soupir d’amour, un bruissement de feuille… — quelles soirées nous avons passées là à nous promener à pas lents, si près du bord que souvent nous marchions un pied dans l’eau et l’autre sur terre ! […] Deux ou trois scènes, qui ont le tort de parler trop complaisamment aux sens, ont masqué la pensée philosophique de ce livre qui est fait pour déconcerter plus d’un lecteur vulgaire. […] La Comédie, de la Mort, qui parut en 1838, nous montre de plus en plus développée dans le poète à qui le préjugé n’accorde guère que la palme de la description, une pensée intime et amère d’ennui, de dégoût consommé, la réflexion désespérée et fixe d’un néant final universel.

2259. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

De la base au faîte de ce monument, on retrouve, pour ainsi dire, l’empreinte du génie politique et administratif des Romains. » Et analysant le chef-d’œuvre, y montrant la pensée triomphale dans son déroulement ascendant et dans le double étage de son orgueilleuse spirale, il déclare cette fois l’art grec vaincu, « sinon dans sa forme, au moins dans son esprit ». […] On a la contre-partie de la même pensée. […] Viollet-Le-Duc est sévère pour l’art emprunté, copié, extérieur, fastueux, plus apparent que réel, pour l’art massif qui s’impose et qui ne correspond ni à un état de civilisation, ni à un besoin réel, ni à une pensée sincère, ni à un bien-être, à une habitude ou à une convenance de la société régnante et vivante.

2260. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

À quelles pensées et à quelles réflexions fut-il livré dans cet intervalle, durant cette solution de continuité de son existence politique ? […] Parler ensemble de la pairie, faire des vœux pour la prospérité de ses armes, se pénétrer réciproquement de l’honneur qu’il y a d’être martyr du zèle qu’on a mis à la servir, devancer par la pensée ses triomphes et sa gloire, telles étaient les idées que je me formais des moments que j’allais passer aux Sept-Tours jusqu’à l’époque de notre délivrance commune. » Il arrangeait sa persécution à souhait et se faisait en idée un martyre commode. […] Je dirai là-dessus toute ma pensée.

2261. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Les œuvres et productions de l’esprit, quand elles n’éclatent point au théâtre par de grandes et vivantes créations, quand elles se tiennent plus près de la pensée et dans les régions intermédiaires, sont d’une appréciation infiniment plus discrète et plus voilée, plus incertaine et plus douteuse aussi dans ses nuances, et elles exigent, pour être senties convenablement, des esprits plus avertis de longue main et plus préparés. […] Et pourtant je sens la force ou plutôt l’agrément des raisons qu’on m’oppose ; je le sens si bien, que je suis tenté parfois de m’y associer et de pousser aussi mon léger soupir ; tout en marchant vers l’avenir, je suis tout prêt cependant, pour peu que j’y songe, à faire, moi aussi, ma dernière complainte au passé en m’écriant : Où est-il le temps où, quand on lisait un livre, eût-on été soi-même un auteur et un homme du métier, on n’y mettait pas tant de raisonnements et de façons ; où l’impression de la lecture venait doucement vous prendre et vous saisir, comme au spectacle la pièce qu’on joue prend et intéresse l’amateur commodément assis dans sa stalle ; où on lisait Anciens et Modernes couché sur son lit de repos comme Horace pendant la canicule, ou étendu sur son sofa comme Gray, en se disant qu’on avait mieux que les joies du Paradis ou de l’Olympe ; le temps où l’on se promenait à l’ombre en lisant, comme ce respectable Hollandais qui ne concevait pas, disait-il, de plus grand bonheur ici-bas à l’âge de cinquante ans que de marcher lentement dans une belle campagne, un livre à la main, et en le fermant quelquefois, sans passion, sans désir, tout à la réflexion de la pensée ; le temps où, comme le Liseur de Meissonier, dans sa chambre solitaire, une après-midi de dimanche, près de la fenêtre ouverte qu’encadre le chèvrefeuille, on lisait un livre unique et chéri ? […] Le critique dont je voulais parler, et que j’opposais dans ma pensée à M. 

2262. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Votre Majesté rira peut-être de ce que je lui dis là, mais la bénédiction du lit, les prêtres, les bougies, cette pompe brillante, la beauté, la jeunesse de cette princesse, enfin le désir que l’on a qu’elle soit heureuse, toutes ces choses ensemble inspirent plus de pensées que de rires. […] A l’âge de cinquante-quatre ans, il semblait jeune encore et nageait dans la plénitude des pensées et des sens. […] Saint-René Taillandier que je choque de plus en plus, bien malgré moi, mais il est par trop prêcheur aussi), osons rétablir tout ce joli début d’un certain chant VII : Lorsqu’autrefois, au printemps de mes jours, Je fus quitté par ma belle maîtresse, Mon tendre cœur fut navré de tristesse, Et je pensai renoncer aux amours ; Mais d’offenser par le moindre discours Cette beauté que j’avais encensée, De son bonheur oser troubler le cours, Un tel forfait n’entra dans ma pensée.

2263. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le respect qu’il inspirait autour de lui ne permettait pas d’aller au fond de ses pensées. […] Elle suggère plus d’une réflexion mélancolique, plus d’une pensée. […] Le général de Saint-Joseph, avant de mourir, eut à cœur de consacrer la mémoire de son ancien chef, et cette pieuse pensée lui a porté bonheur : l’humble Notice honore aujourd’hui, à son tour, et protège la mémoire de M. de Saint-Joseph ; elle donne de lui et de sa manière de sentir la plus respectable idée.

2264. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

 » Avec un auteur comme Du Bellay, dont tout le discours est ainsi pavé de réminiscences antiques, de telle sorte qu’on ne peut faire un pas avec lui sans marcher sur une pensée d’un Ancien, il est bon d’avoir un éditeur qui ait son Antiquité bien présente. […] Il faut nous représenter Ronsard et sa Pléiade se précipitant, pleins d’ardeur, sur tous les chemins de l’intelligence avec la pensée bien arrêtée qu’ils sont les premiers à y entrer et que personne avant eux n’a connu le printemps ni les fleurs. […] L’on comprend d’ailleurs ce succès ; les habitudes scolastiques données aux esprits par les théologiens et par les légistes, qui étaient les deux classes de la société spécialement littéraires, rendaient facile à comprendre et intéressante à suivre une forme de pensée et de style qui nous paraît aujourd’hui pénible autant que fastidieuse et monotone, parce que nous ne sommes plus dans un milieu imprégné de ce genre d’études et de ces distinctions quintessenciées qui étaient comme dans l’air.

2265. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Pour tout dénoûment, pour tout expédient dramatique dont quelque auteur était en peine : « Allez le trouver, disait-il ; il n’y a que lui pour vous tirer de là. » Pour résumer d’un mot ma pensée sur tous deux, le Molière de Picard était tout simplement Molière ; le Molière de M. […] Quand on lui avait raconté ce détail, elle n’avait pas écouté, ce semble, tant sa pensée était ailleurs ; mais voilà que sa jalousie en éveil a intérêt à s’en ressouvenir, et il se trouve qu’elle a entendu comme après coup ; elle se ressouvient. […] Je préciserai ma pensée par un exemple.

2266. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Lorsque mon âme, en soi tout entière enfoncée, A son être pensant attache sa pensée, Sur cette scène intime où je suis seul acteur, Théâtre en même temps, spectacle et spectateur, Comment puis-je, dis-moi, me contempler moi-même Ou voir en moi le monde et son Auteur suprême ? […] Six chants sont nécessaires à la conduite et à la conclusion de cette pensée. […] Il y a dans les vers de de Loy, souvent redondants, faibles de pensée, vulgaires d’éloges, je ne sais quoi de limpide, de naturel, et de captivant à l’oreille et au cœur, qui fait comprendre qu’on l’ait aimé151.

2267. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Dans ce jardin et dans cette cour où mon âme est née, il y a plus de mes pensées et de mes rêves, éclos et enracinés dans le sol et dans le ciment rongé des murs, qu’il n’y a de brins de mousse sur les lattes de pierre brute qui tapissent les vieux toits. […] Je m’y enfermai avec mes pensées comme dans une cellule. […] Son front était penché comme sous une pensée méditative ; ses traits étaient fins, comme ils sont restés depuis, mais nobles et francs ; son expression profonde sans double entente, son œil intelligent mais sincère.

2268. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Fénelon n’avait pas assez d’énergie dans l’imagination pour exercer sur ses pensées cette pression du style qui les incruste dans le rhythme et qui solidifie, pour ainsi dire, la parole et l’image en les jetant dans le moule des vers ; mais sa prose, aussi poétique que la poésie, si elle n’a pas toute la perfection, toute la cadence et l’harmonie de la strophe, en a cependant le charme. […] Il les reçut avec cette grâce naturelle qui le faisait régner par anticipation sur les cœurs : il régnait, en effet, déjà dans ses pensées. […] Celui-ci détourna ses regards des décadences et des calamités du règne qui finissait, et il se tourna tout entier aux pensées immortelles.

2269. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Mais il a la force, et un éclat intellectuel, qui résulte du ramassé de la pensée, de la justesse saisissante des mots, de la netteté logique du discours. […] Il ne crée pas, avec les mots, les images, les harmonies de son vers, une sorte d’atmosphère poétique où vivront ses héros ; au contraire, il dessine la courbe de leur effort sur un fond neutre, qui laisse la pensée libre, et ne dérobe aucune partie de l’attention. […] Il reste le rythme, le rythme pur, séparé du son, dont la qualité est ordinaire ; et le rythme, c’est le mouvement : le lyrisme de Corneille, ce sont des pensées en mouvement, qui se pressent, s’élancent, enlèvent la stance ou la strophe ; et c’est la sensation expressive de ce mouvement abstrait que le rythme nous communique.

2270. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

de cet Ouvrage ; ce fragment a été trouvé imparfait dans ses papiers : l’auteur n’a pas eu le tems d’y mettre la derniere main ; mais les premieres pensées des grands maitres méritent d’être conservées à la postérité, comme les esquisses des grands peintres. […] Ce qui fait ordinairement une grande pensée, c’est lorsque l’on dit une chose qui en fait voir un grand nombre d’autres, & qu’on nous fait découvrir tout-d’un-coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. […] De même dans nos pensées, lorsqu’elles contiennent une opposition qui est contre le bon sens, lorsque cette opposition est commune & aisée à trouver, elles ne plaisent point & sont un défaut, parce qu’elles ne causent point de surprise ; & si au contraire elles sont trop recherchées, elles ne plaisent pas non plus.

2271. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

A cet habile artisan de mots il ne vient jamais de pensées profondes, de douces ni de bienfaisantes. […] Rousseau fait-il un pas hors du lieu commun, et s’avise-t-il de penser hors des pensées des autres, d’écrivain incertain il devient barbare. […] Il est de ce beau temps des lettres françaises par la mesure, les images modérées et justes, par l’éclat doux et égal, par les beautés antiques, pensées et senties de nouveau, par le style, où il a la noblesse du grand siècle, sans en avoir l’étiquette.

2272. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Jamais pressé de parler, il examinait, il pénétrait les caractères et les pensées ; mais, comme il était sage et qu’il savait combien les paroles des rois sont pesées, il renfermait souvent en lui-même ce que sa pénétration lui avait fait découvrir. […] Ce furent les deux derniers des sept enfants que le roi eut de Mme de Montespan : Je ne puis, ajoute Mme de Caylus, me refuser de dire ici une pensée qui me vient dans l’esprit : il me semble qu’on voit encore dans le caractère, dans la physionomie et dans toute la personne de Mme la duchesse d’Orléans, des traces de ce combat de l’amour et du jubilé. […] Mme de Caylus, y faisant allusion, dira ailleurs, dans une image pleine de pensée : Je suis fort bien ici, je ne perds pas un rayon du soleil, ni un mot des vêpres d’un séminaire (Saint-Sulpice) où les femmes n’entrent point ; c’est ainsi que toute la vie est mêlée : d’un côté, ce palais (le Luxembourg), et de l’autre, les louanges de Dieu !

2273. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

On aurait ainsi les trois moments, les trois tons les plus distants et les plus opposés ; et le seul rapprochement ferait naître bien des pensées sur ce qui est perfection, progrès ou corruption en telle matière. […] Le 3e numéro marque mieux la pensée de Camille : sous prétexte de traduire Tacite, et d’énumérer d’après lui tous les suspects de la tyrannie des empereurs, il fait, sous un voile transparent, le tableau des suspects de la République. […] Cette place est réservée aux œuvres saines, à celles qui sont pures de ces amalgames étranges et de ces indignités de pensée comme de langage, à celles où le patriotisme et l’humanité ne souffrent aucune composition avec les hommes de sang, et ne se permettent point, comme passeport et comme jeu, de ces goguettes de Régence et de Directoire ; aux œuvres dans lesquelles la conscience morale plus encore que le goût littéraire n’a pas à s’offenser et à rougir de voir Loustalot et Marat, par exemple, grotesquement, impudemment cités entre Tacite et Machiavel d’une part, et Thrasybule et Brutus de l’autre.

2274. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

C’est un charmant causeur, trouvant de jolies paroles qui précèdent quelquefois la pensée, mais qui atteignent souvent la nuance fugitive. […] En approchant du cap de Bonne-Espérance, on croirait qu’il va essayer de se mettre à la hauteur du sujet et de proportionner sa pensée à la majesté des horizons : La mer commence à être fort creuse, c’est-à-dire qu’on se voit quelquefois dans une vallée entre deux montagnes blanchissantes d’écume. […] Mais quelle agréable langue, familière, fine, légère, pleine de ces tours inachevés et de ces négligences qui sont dans le génie même de la conversation et qui entrent mieux, si l’on peut dire, dans les plis de la pensée !

2275. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Le vaisseau de l’État est battu par la plus violente tempête, et il n’y a personne à la barre. » Ce mot : il n’y a personne à la barre, exprimait déjà la pensée de Mirabeau. […] En agissant ainsi, il était sincère et tout à fait d’accord avec le fond de sa pensée politique. Six mois auparavant et lorsqu’il partait pour se faire élire en Provence, son père, le marquis, écrivait de lui au bailli (22 janvier 1789) : « Il dit hautement qu’il ne souffrira pas qu’on démonarchise la France, et en même temps il est l’ami des coryphées du Tiers. » La double pensée politique de Mirabeau, dès avant l’ouverture des États généraux, était tout entière dans ces deux conditions, tiers état et monarchie, et l’on peut dire qu’il ne cessa d’en poursuivre l’accord et le maintien depuis le premier jour de sa vie législative jusqu’à sa mort, avec toutes les secousses pourtant, les intermittences et les fréquents écarts qu’apportaient dans sa marche et dans sa conduite ses impétuosités d’humeur et de caractère, ses instincts d’orateur et de tribun, ses nécessités de tactique, et ses irritations personnelles.

2276. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

On sent que la pensée des hommes lui gâte les lieux et l’empêche d’en goûter au premier abord la beauté grandiose jusqu’alors inconnue. […] … » Et Rousseau lui répondait dans la même pensée : « Il y a un si bel ordre dans l’ordre physique, et tant de désordre dans l’ordre moral, qu’il faut de toute nécessité qu’il y ait un monde où l’âme soit satisfaite. » Et il ajoutait avec effusion : « Nous avons ce sentiment au fond du cœur : Je sens qu’il doit me revenir quelque chose. » Que les personnes religieuses, avant de frapper sur Bernardin et sur Rousseau, veuillent toujours se rappeler ces deux belles paroles de l’un et de l’autre, ce quelque chose et ce quelqu’un. […] Disons toute notre pensée : si Bernardin n’avait sollicité de la sorte qu’en ces années dont nous parlons, quand il en avait si absolument besoin, quand il était comme un père ou comme une mère voulant produire le fruit ignoré de son génie, l’enfant de ses entrailles, s’il n’avait pas conservé ces habitudes de plainte et de sollicitation jusque dans des temps plus heureux et fait alterner perpétuellement l’idylle et le livre de comptes, ce serait simplement touchant, ce serait respectable et sacré.

2277. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Je résolus de percer, — sans plus de retard, les ténèbres de ce pourquoi où se perdait ma pensée. […] Du moment qu’une pensée humanitaire était au fond de tout cela, je n’avais plus qu’à rentrer mon exaspération. […] Détachons pourtant cette pensée, jetée, en manière de conclusion, à la suite de considérations sur les finances de l’État, par un ex-caissier qui a perdu ses illusions : « En général, ceux qui prennent le sac sont ceux qui ne l’ont pas. » Mon Dieu !

2278. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Amédée Thierry ne manque pas à l’histoire de l’Église universelle, et l’historien aurait pu la trouver là, s’il ne la trouvait pas dans sa propre pensée. […] Hommes, choses et ruines, s’y marquent de caractères qu’on n’a vus qu’à certains moments de la Bible, et, pour les faire flamboyer dans une pensée et dans un style harmoniques au sujet, il faudrait une puissance de prophète. […] ), l’impulsion d’Attila, l’impulsion de tous ceux qui veulent brûler des Rome est toujours l’idée effroyable et naturelle d’un Communisme, éternel comme les passions de l’humanité, c’est toujours la pensée qui se cache perpétuellement dans les bas-fonds pour remonter aux surfaces de l’histoire ; qu’un jour arrive où chacun peut prendre tout !

2279. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Il suffit de rapprocher par la pensée nos grandes sociétés modernes, avec les trentaines de millions de citoyens qu’elles comptent, de toutes les sociétés primitives qu’on nous présente, et dont aucune ne paraît compter plus de quelques milliers de membres67, pour se rendre compte que si les sociétés modernes sont nettement distinguées des primitives par leurs tendances à l’égalité, elles n’en sont pas distinguées moins nettement par la grande quantité de leurs unités : coïncidence de caractères distinctifs qui nous autorise à chercher, entre l’un et l’autre, un rapport de condition à conséquence. […] L’accroissement numérique des hommes avec lesquels nous entrons en rapports donne à notre pensée une sorte d’élan, qui la porte à concevoir un nombre d’hommes indéfiniment accru. […] Et sans doute, — encore que l’exiguïté des cités grecques ait laissé plus d’une empreinte sur la morale même de leurs philosophes, — l’effort d’une pensée personnelle, devançant les temps, est capable de franchir les bornes des milieux sociaux les plus étroits ; mais pour que l’idée conçue, de personnelle, devienne collective et descende dans les masses, n’importe-t-il pas que les transformations de ces mêmes milieux lui préparent les voies ?

2280. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

En ta pensée Se dresse tout d’abord son image glacée : Tu vois d’avance au loin les bois découronnés, Dans chaque arbre un squelette aux longs bras décharnés ; Plus de fleurs dont l’éclat au jour s’épanouisse ; Plus d’amoureux oiseaux dont le chant réjouisse ; La Nature au linceul épand un vaste effroi. —  Pour toi quand tout est mort, ami, tout vit pour moi : Ce déclin que l’Automne étale avec richesse Me parle, à moi, d’un temps de fête et d’allégresse, Du meilleur des saints jours, — alors qu’heureux enfants, Sur les bancs de la classe, en nos vœux innocents, Les feuilles qui tombaient ne nous disaient encore Que le très-doux Noël et sa prochaine aurore.

2281. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Angellier, Auguste (1848-1911) »

Il comprend cent soixante-dix sonnets développant tout un roman d’amour qui commence par la floraison des aveux et des premières tendresses, se continue au bord des flots bleus, dans les monts, s’attriste d’une querelle, se poursuit en rêveries, devant la mélancolie des vagues grises, se termine enfin par le sacrifice, le deuil et l’acceptation virile qui n’est pas l’oubli… C’est bien l’histoire commune et éternelle des cœurs… C’est un véritable écrin que l’Amie perdue, un écrin plein de colliers et de bracelets pour l’adorée, et aussi de pleurs s’égrenant en rosaire harmonieux… C’est un des plus nobles livres d’amour que j’aie lus, parce qu’il est plein d’adorations et exempt de bassesses, parce que la joie et la douleur y sont chantées sur un mode toujours élevé, entre ciel et terre, comme le vol des cygnes qui ne s’abaisse pas même quand leur aile s’ensanglante d’une blessure… Je vous assure qu’il est là tel sonnet que les amants de tous les âges à venir, même le plus lointains, aimeront à relire, où ils retrouveront leur propre pensée et leur propre rêve, comme le doux André Chénier souhaitait qu’il en fût de ses vers d’amour… [Le Journal (26 juillet 1896).]

2282. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Meurice, Paul (1818-1905) »

Le style clair, vigoureux, dégage nettement la pensée ; l’action va droit au but.

2283. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rebell, Hugues (1867-1905) »

Rebell se porte mieux que sa pensée ; mais c’est un écrivain à considérer et à estimer, dont les défauts mêmes sont savoureux.

2284. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IV. Petits Symbolards » pp. 49-52

(Les personnes suggestibles songeront : Rêves, longs espoirs, vastes pensées, désenchantement précoce, du regret, de la fatigue, de l’amer.)

2285. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

On peut dire : elle est exquise, excellente, adorable ; ou bien : son mérite est surfait ; elle est pleine de défauts, mal composée, mal écrite, mal pensée, immorale, que sais-je encore ?

2286. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 308-311

Avec un grand appareil de pensées, rien n’y paroît senti.

2287. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 489-492

Après cela on ne trouve plus chez lui qu’une prose diffuse, traînante, monotone, incorrecte, dépourvue de tours & de pensées.

2288. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XV. Du Purgatoire. »

La ligne droite prolongée sans fin serait peut-être plus belle, parce qu’elle jetterait la pensée dans un vague effrayant, et ferait marcher de front trois choses qui paraissent s’exclure, l’espérance, la mobilité et l’éternité.

2289. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre premier. Musique. — De l’influence du Christianisme dans la musique. »

Frères de la poésie, les beaux-arts vont être maintenant l’objet de nos études : attachés aux pas de la religion chrétienne, ils la reconnurent pour leur mère aussitôt qu’elle parut au monde ; ils lui prêtèrent leurs charmes terrestres, elle leur donna sa divinité ; la musique nota ses chants, la peinture la représenta dans ses douloureux triomphes, la sculpture se plut à rêver avec elle sur les tombeaux, et l’architecture lui bâtit des temples sublimes et mystérieux comme sa pensée.

2290. (1824) Préface d’Adolphe

Sans la presque certitude qu’on voulait en faire une contrefaçon en Belgique, et que cette contrefaçon, comme la plupart de celles que répandent en Allemagne et qu’introduisent en France les contrefacteurs belges, serait grossie d’additions et d’interpolations auxquelles je n’aurais point eu de part, je ne me serais jamais occupé de cette anecdote, écrite dans l’unique pensée de convaincre deux ou trois amis, réunis à la campagne, de la possibilité de donner une sorte d’intérêt à un roman dont les personnages se réduiraient à deux, et dont la situation serait toujours la même.

2291. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Ouvrez-les ; chacune d’elles est un trésor ; il y a mis, dans un étroit espace, un long amas de réflexions, d’émotions, de découvertes, et notre jouissance est d’autant plus vive que tout cela, saisi en une minute, tient aisément dans le creux de notre main. « Ce qui fait ordinairement une grande pensée, dit-il lui-même, c’est lorsqu’on dit une chose qui en fait voir un grand nombre d’autres, et qu’on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une longue lecture. » En effet, telle est sa manière ; il pense par résumés : dans un chapitre de trois lignes, il concentre toute l’essence du despotisme. […] Au plus fort de la bouffonnerie comme au plus fort de la licence, il reste homme de bonne compagnie, né et élevé dans ce cercle aristocratique où la liberté est complète, mais où le savoir-vivre est suprême, où toute pensée est permise, mais où toute parole est pesée, où l’on a le droit de tout dire, mais à condition de ne jamais s’oublier. […] Du meilleur ton quand il le veut, et s’enfermant sans gêne dans les plus exactes bienséances, d’une politesse achevée, d’une galanterie exquise, respectueux sans bassesse, caressant sans fadeur472 et toujours aisé, il lui suffit d’être en public pour prendre naturellement l’accent mesuré, les façons discrètes, le demi-sourire engageant de l’homme bien élevé qui, introduisant les lecteurs dans sa pensée, leur fait les honneurs du logis. […] Jamais la pensée du siècle ne s’est montrée sous un déguisement qui la rendît plus visible, ni sous une parure qui la rendît plus attrayante.

2292. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Entre tant d’écrivains qui, depuis Herder, Ottfried Muller et Gœthe, ont continué et rectifié incessamment ce grand effort, que le lecteur considère seulement deux historiens et deux œuvres, l’une le commentaire sur Cromwell de Carlyle, l’autre le Port-Royal de Sainte-Beuve ; il verra avec quelle justesse, quelle sûreté, quelle profondeur, on peut découvrir une âme sous ses actions et sous ses œuvres ; comment, sous le vieux général, au lieu d’un ambitieux vulgairement hypocrite, on retrouve un homme travaillé par les rêveries troubles d’une imagination mélancolique, mais positif d’instinct et de facultés, anglais jusqu’au fond, étrange et incompréhensible pour quiconque n’a pas étudié le climat et la race ; comment avec une centaine de lettres éparses et une vingtaine de discours mutilés, on peut le suivre depuis sa ferme et ses attelages jusqu’à sa tente de général et à son trône de protecteur, dans sa transformation et dans son développement, dans les inquiétudes de sa conscience et dans ses résolutions d’homme d’État, tellement que le mécanisme de sa pensée et de ses actions devient visible, et que la tragédie intime, perpétuellement renouvelée et changeante, qui a labouré cette grande âme ténébreuse, passe, comme celles de Shakspeare, dans l’âme des assistants. […] L’Allemagne, avec son génie, si pliant, si large, si prompt aux métamorphoses, si propre à reproduire les plus lointains et les plus bizarres états de la pensée humaine ; l’Angleterre avec son esprit si exact, si propre à serrer de près les questions morales, à les préciser par les chiffres, les poids, les mesures, la géographie, la statistique, à force de textes et de bon sens ; la France enfin avec sa culture parisienne, avec ses habitudes de salon, avec son analyse incessante des caractères et des œuvres, avec son ironie si prompte à marquer les faiblesses, avec sa finesse si exercée à démêler les nuances ; tous ont labouré le même domaine, et l’on commence à comprendre qu’il n’y a pas de région de l’histoire où il ne faille cultiver cette couche profonde, si l’on veut voir des récoltes utiles se lever entre les sillons. […] Principales formes de pensées et de sentiments. […] Une certaine conception dominatrice y a régné ; les hommes, pendant deux cents ans, cinq cents ans, se sont représenté un certain modèle idéal de l’homme, au moyen âge, le chevalier et le moine, dans notre âge classique, l’homme de cour et le beau parleur ; cette idée créatrice et universelle s’est manifestée dans tout le champ de l’action et de la pensée, et, après avoir couvert le monde de ses œuvres involontairement systématiques, elle s’est alanguie, puis elle est morte, et voici qu’une nouvelle idée se lève, destinée à une domination égale et à des créations aussi multipliées.

2293. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

La soudaineté de la chute, l’incertitude prolongée, les vicissitudes de crainte et d’espérance, la bataille qui se livrait aux portes et dont ils étaient le prix sans même voir les combattants, les coups de canon, la fusillade retentissant dans leur cœur, s’éloignant, se rapprochant, s’éloignant de nouveau comme l’espérance qui joue avec le moment, la pensée des dangers de leurs amis abandonnés au château, le sombre avenir que chaque minute creusait devant eux sans en apercevoir le fond, l’impossibilité d’agir et de se remuer au moment où toutes les pensées poussent l’homme à l’agitation, la gêne de s’entretenir même entre eux, l’attitude impassible que le soin de leur dignité leur commandait, la crainte, la joie, le désespoir, l’attendrissement, et, pour dernier supplice, le regard de leurs ennemis fixé constamment sur leurs visages pour y surprendre un crime dans une émotion ou s’y repaître de leur angoisse, tout fit de ces heures éternelles la véritable agonie de la royauté. […] Peut-être ai-je été injuste même envers Danton en lui attribuant la première pensée de ce coup d’État de l’assassinat en masse ? […] Tous les traits divergeaient comme la pensée.

2294. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Écoutez encore, et remettez-moi ces grimoires de papier, ces sommations et ces actes que Nicolas del Calamayo, le conseil, l’avocat et l’huissier de Lucques, vous a fait signifier l’un après l’autre pour vous déposséder du pré, de la grotte, des champs, des mûriers, de la vieille vigne et du gros châtaignier, au nom de parents que vous ne vous connaissiez pas dans les villages de la plaine du Cerchio ; c’était peut-être une mauvaise pensée qui me tenait l’esprit, ajouta le frère, mais, quand j’ai su la passion bestiale du chef des sbires pour votre belle enfant, sauvage comme une biche de votre forêt ; quand j’ai appris qu’un homme si riche et si puissant dans Lucques vous avait demandé la main d’une fille de rien du tout, nourrie dans une cabane ; quand on m’a dit que la petite l’avait refusé, et qu’à la suite de ce refus obstiné pour l’amour de vous et de son cousin, le sbire s’était présenté tout à coup et coup sur coup, muni de soi-disant actes endormis jusque-là, qui attribuaient, champ par champ, votre petit bien au chef des sbires, acquéreur des titres de vos soi-disant parents d’en bas, je n’ai pu m’empêcher d’entrevoir là-dedans des hasards bien habiles, et qui avaient bien l’air d’avoir été concertés par quelque officier scélérat de plume, comme il y en a tant parmi ces hommes à robe noire qui grignotent les vieux parchemins, comme des rats d’église grignotent la cire de l’autel. […] Je vais d’abord consulter l’évêque aussi rempli de charité que de lumière, je monterai ensuite à San Stefano pour obtenir les dispenses de mes supérieurs ; je confierai ensuite à votre mère et au père de Fior d’Aliza la mission sacrée dont je suis chargé auprès d’eux ; j’obtiendrai facilement pour eux l’autorisation d’entrer avec moi dans votre prison, pour recevoir les derniers adieux du condamné, et pour ramener leur fille et leur nièce, veuve avant d’être épouse, dans leur demeure ; préparez-vous par la pureté de vos pensées, par la vertu de votre pardon à l’union toute sainte que vous désirez comme un gage du ciel, et surtout ne laissez rien soupçonner ni au bargello ni à ceux qui vous visiteront par charité, du mystère qui s’accomplira entre l’évêque, vous, votre cousine, vos parents et moi ; les hommes de Dieu peuvent seuls comprendre ce que les hommes de loi ne sauraient souscrire ! […] Voilà, mot à mot, les paroles du père Hilario ; mais j’ai bien vu à son accent et à son visage qu’il avait plus de confiance que de doute sur le succès de sa confidence à l’évêque et à ses supérieurs, et que mon désir était déjà ratifié dans sa pensée. CCXXXVI Nous passâmes ainsi ensemble ce soir-là, et tous les autres, de longs moments qui ne nous duraient qu’une minute, parlant de ceci, de cela, de ce que faisaient ma tante et mon père sous le châtaignier, de ce que nous y ferions nous-mêmes si jamais nos angoisses venaient à finir, soit par la grâce de monseigneur le duc, soit par la fuite que nous imaginions ensemble dans quelque pays lointain, comme Pise, les Maremmes, Sienne, Radicofani ou les Apennins de Toscane ; il se livrait avec délices à cette idée de fuite lointaine, où je serais tout un monde pour lui, lui tout un monde pour moi ; où nous gagnerions notre vie, lui avec ses bras, moi avec la zampogne, et où, après avoir amassé ainsi un petit pécule, nous bâtirions, sous quelque autre châtaignier, une autre cabane que viendraient habiter avec nous sa vieille mère et mon pauvre père aveugle, sans compter le chien, notre ami Zampogna, que nous nous gardions bien d’oublier ; mais, cependant, tout en ayant l’air de partager ces beaux rêves, pour encourager Hyeronimo à les faire, je me gardais bien de dire toute ma pensée à mon amant, car je savais bien que je ne pourrais assurer son évasion sans me livrer à sa place, à moins de perdre le bargello et sa brave femme, qui avaient été si bons pour moi, et que je ne voulais à aucun prix sacrifier à mon contentement, car les pauvres gens répondaient de leurs prisonniers âme pour âme, et le moins qu’il pouvait leur arriver, si je me sauvais avec Hyeronimo, c’était d’être expulsés, sans pain, de leur emploi qui les faisait vivre, ou de passer pour mes complices et de prendre dans le cachot la place du meurtrier et de leur porte-clefs.

2295. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Les sept odes enfantines ne prouvent rien : savons-nous s’il avait toujours été si heureux parmi des hommes si graves et si hantés de la pensée du péché originel ? […] L’artiste, habitué à regarder, et pour qui toutes choses semblent « se transposer » et n’être plus, à un certain moment, « qu’une illusion à décrire »36, observe malgré lui ce qu’il sent, n’en est pas possédé, démêle et se définit son propre état, trouve peut-être quelque « divertissement »37 dans cette étude, et tantôt accueille la pensée que tout est nuance et spectacle et que tout, par conséquent, est vanité, tantôt songe qu’il y a dans son cas quelque chose de commun à tous les hommes et aussi quelque chose d’original et de particulier qui, traduit, transformé par le travail de l’art, pourrait intéresser les autres comme un curieux échantillon d’humanité. […] Ajoutez que Mithridate a plusieurs fois la pensée de tuer ses fils, Racine a enregistré fidèlement les actes les plus significatifs que lui attribue l’histoire : a-t-il senti l’abîme creusé par ces faits et gestes entre le roi du Pont et un prince occidental du XVIIe siècle ? […] Sauf chez Camille (qui d’ailleurs est tout d’une pièce n’est point assez femme), nulle part avant Racine nous ne voyons l’amour-fureur, l’amour-possession, l’amour-maladie, qui pousse fatalement ses victimes au meurtre et au suicide, et cela au travers d’un flux et d’un reflux de pensées contraires, par des alternatives d’espoir, de crainte, de colère, et des raffinements douloureux de sensibilité, des ironies, des clairvoyances soudaines, puis des abandons furieux à la passion fatale, un art merveilleux à se faire souffrir, des sentiments de la dernière violence s’exprimant dans un langage d’une simplicité et d’une harmonie exquises — au point qu’on ne sait si l’on a peur de ces femmes ou si on les adore, et qu’on voudrait mourir avec elles et pour elles.

2296. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Pourtant ce monde implacable, qui rejette si brutalement de sa pensée ceux qui ne peuvent plus distraire et amuser ses loisirs, fit à Marie Duplessis l’honneur d’un adieu et d’une compassion : il plaignit et regretta sa victime. […] Le nom de Des Grieux traverse sa pensée et couvre ses joues de loyales rougeurs ; mais Marguerite supplie et tente, d’une voix si câline, si tendre, si mourante, qu’il succombe. […] Adieu le long espoir et les vastes pensées ! […] et c’est de grand cœur, pour notre part, que nous applaudissons ce victorieux, qui s’empare en maître, par deux invasions éclatantes, de ce terrain glissant du théâtre, Où l’on voit trébucher ceux qui, dans la carrière, Debout depuis vingt ans sur leur pensée altière, Des pieds de leurs coursiers ne doutèrent jamais.

2297. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Les joues pâlies par l’émotion du spectacle, et un peu déprimées par la précocité de la pensée, avaient la jeunesse mais non la plénitude du printemps : c’est le caractère de cette figure, qui attachait le plus le regard en attendrissant l’intérêt pour elle. […] s’écriait un grand juge des poètes de son temps, que tu es préférable dans ta naïveté à ces raffinements de la pensée, qui ne valent pas à eux tous un cri de la nature !  […] Ton visage était pâle, un frisson de pensées De ton front incliné lentement s’effaçait ; Comme sous un fardeau trop lourd, ta main glacée             Sur tes genoux glissait. […] Quand la vie disparaît, toutes les petites passions disparaissent avec elle ; il ne reste que de grandes pensées sous des noms d’hommes ou de femmes, qui secouent la poussière du monde et qui contemplent leur néant en face de Dieu.

2298. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Il a montré que le talent est toujours plus fort que son cadre, et que la peinture, qu’elle soit miniature ou fresque, peut remuer l’âme au même degré et nous passionner la pensée ! […] XII15 Ce qui fait le mérite des Rois en exil, c’est moins son exécution que sa pensée. La pensée en est grande et fière, et jamais peut-être, sous nulle plume, la visée d’un roman n’est montée plus haut. […] Même pour ceux-là qui ne croient plus à elle, la Royauté fut une si grande chose qu’on ne raconte pas ce qu’elle est devenue sans porter involontairement sur sa pensée la réverbération de sa grandeur et de la misère de sa fin ; mais quand, au lieu d’être un historien qui raconte, on veut être un artiste qui crée et combine des effets saisissants, des effets d’art, pathétiques ou impitoyables, dans ce navrant sujet d’histoire contemporaine, la tentative ne fait pas le génie, non !

2299. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Il le cite souvent, le réfute, s’en moque, s’en sert, lui arrange son Credo, le lui aiguise, le lui émoustille, et glisse ses propres pensées sous son nom. […] Les écoles avancées et progressives sont allées chercher dans ses écrits des pensées à l’appui de leurs espérances ; les économistes ont pris plaisir à y relever les vues utiles et les projets d’améliorations positives.

2300. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Lorsque dans deux ou trois littératures, dans deux ou trois poésies qui sont sous la main, on a su découvrir les fruits d’or et se ménager ses sentiers, c’est assez : l’horizon est trouvé ; tout s’y compose ; chaque pensée nouvelle a son libre jeu, en vue des collines sereines. […] J’en ai déjà touché quelque chose en commençant, et j’oserai à cet égard poursuivre ma pensée un peu plus en détail.

2301. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Je ne saurais mieux faire ici, Messieurs, que de vous lire la belle page par laquelle un maître admirable de libre pensée et d’action libre, que l’Université de Paris a eu la douleur de perdre l’an passé, Frédéric Rauh, commençait ses originales études sur la Méthode dans la psychologie des sentiments. […] Bien plus : l’idée de science tend, selon nous, à organiser… la pensée et la conduite humaine… Mais ce ne sont pas tels ou tels procédés qu’il faut emprunter à la science ; c’est son esprit… « Il nous paraît, en effet, qu’il n’y a pas de science, pas de méthode universelle, mais seulement une attitude scientifique universelle.

2302. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Mais un âne vivant vaut mieux, non seulement qu’un lion mort, mais même qu’un lion à naître, éventuel et douteux… Et jusqu’à ce qu’un mien livre ait prouvé le contraire, je n’ai pas le droit de ne pas reconnaître qu’Oscar Méténier, par exemple, dont cependant l’écriture est hâtive et la pensée de court vol, vaut mieux que moi-même. […] Riche et oisif, il consacre tout son argent, toutes ses pensées, toutes ses heures à animer un vaste phalanstère, une immense et légère usine où s’élaborent les produits nécessaires à l’entretien des hommes qui y peinent, les marchandises non utilisées étant échangées contre d’autres qu’on ne saurait fabriquer là.

2303. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Il semble avoir pris tout aussitôt pour devise ce mot de Vauvenargues : « La familiarité est l’apprentissage des esprits. » Dans des conseils qu’il adressait à un jeune homme, Vauvenargues, développant cette même pensée, disait encore : Aimez la familiarité, mon cher ami ; elle rend l’esprit souple, délié, modeste, maniable, déconcerte la vanité, et donne, sous un air de liberté et de franchise, une prudence qui n’est pas fondée sur les illusions de l’esprit, mais sur les principes indubitables de l’expérience. […] Royer-Collard, par exemple : « Il n’a rien de ce temps-ci, disait-on ; tour de pensée et langage, il est tout d’une autre époque. » Pardon !

2304. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Grand lecteur de Renan, Taine, Heine et Ibsen, introducteur de la pensée nietzschéenne au Danemark, présentée comme un « radicalisme aristocratique », il fut aussi l’auteur d’un texte sur le romantisme, rapidement traduit en français : L’École romantique en France, A.  […] Sa mystique de la Beauté eut une grande influence sur la pensée d’Oscar Wilde.

2305. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Il est libre d’aller ou de ne point aller sur cet effrayant promontoire de la pensée d’où l’on aperçoit les ténèbres. […] Un Gutenberg découvrant le procédé d’ensemencement de la civilisation et le mode d’ubiquité de la pensée, sera suivi d’un Christophe Colomb découvrant un champ nouveau.

2306. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Montrer à l’homme le but humain, améliorer l’intelligence d’abord, l’animal ensuite, dédaigner la chair tant qu’on méprisera la pensée, et donner sur sa propre chair l’exemple, tel est le devoir actuel, immédiat, urgent, des écrivains. […] Les chefs-d’œuvre recommandés par le manuel au baccalauréat, les compliments en vers et en prose, les tragédies plafonnant au-dessus de la tête d’un roi quelconque, l’inspiration en habit de cérémonie, les perruques-soleils faisant loi en poésie, les Arts poétiques qui oublient La Fontaine et pour qui Molière est un peut-être, les Planât châtrant les Corneille, les langues bégueules, la pensée entre quatre murs, bornée par Quintilien, Longin, Boileau et La Harpe ; tout cela, quoique l’enseignement officiel et public en soit saturé et rempli, tout cela est du passé.

2307. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Quant à ce sublime, qui résulte du choc d’une grande pensée et d’une petite image, nous allons en voir un bel exemple en parlant des comparaisons. […] Mes jours ont été courts et mauvais, et ils n’ont point égalé ceux de mes pères120. » Voilà deux sortes d’antiquités bien différentes : l’une est en images, l’autre en sentiments ; l’une réveille des idées riantes, l’autre des pensées tristes ; l’une, représentant le chef d’un peuple, ne montre le vieillard que relativement à une position de la vie ; l’autre le considère individuellement et tout entier : en général, Homère fait plus réfléchir sur les hommes, et la Bible sur l’homme.

2308. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Je ne craindrai donc pas de vous dire que, dans ma pensée, cette condition de l’impartialité n’écarte pas seulement les préjugés littéraires. […] Il y a tant de manières de mal exprimer sa pensée : le néologisme, l’abus des images, les termes techniques, les tours barbares ou étrangers, défauts qui mènent tous à n’être point entendu.

2309. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Dans ce livre écrit par une femme qui doit tout savoir de l’homme dont elle parle, puisqu’elle l’aima et en fut aimée, il n’y a pas même une vue, une pensée, une observation sur cet homme qui puisse ajouter à ce que nous en savons. […] Elle n’a rien compris à ce pensif et capricieux, qui eut le caprice au même degré que la pensée… Je parlais d’arc-en-ciel.

2310. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

La pensée, qui n’a toute sa pureté et toute sa force que dans le recueillement et dans la solitude, ne gagne rien à son tête-à-tête avec la foule. […] Le comte de Gasparin a choisi cette forme pour sa pensée.

2311. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

C’est le concours des philosophes et des poètes qui perfectionne les langues ; c’est aux philosophes qu’elles doivent cette universalité de signes qui rend une langue le tableau de l’univers ; cette justesse qui marque avec précision tous les rapports et toutes les différences des objets ; cette finesse qui distingue tous les progrès d’actions, de passions et de mouvements ; cette analogie qui dans la création des signes les fait naître les uns des autres, et les enchaîne comme les idées analogues se tiennent dans la pensée, ou les êtres voisins dans la nature ; cet arrangement qui, de la combinaison des mots, fait sortir avec clarté l’ordre et la combinaison des idées ; enfin cette régularité qui, comme dans un plan de législation, embrasse tout et suit partout le même principe et la même loi. […] Les poètes parcourent dans la nature tout ce qui donne des impressions ou agréables, ou fortes, et transportent ensuite ces beautés ou ces impressions dans le langage ; ils attachent par une sensation un corps à chaque idée, donnent aux signes immobiles et lents la légèreté, la vitesse ; aux signes abstraits et sans couleur, l’éclat des images ; aux êtres qui ne sont vus et sentis que par la pensée, des rapports avec tous les sens.

2312. (1910) Rousseau contre Molière

. ; mais je dis une leçon morale, une leçon de conduite ; et, à cause de cela, dans toute pièce de théâtre, ils cherchent le personnage interprète de la pensée de l’auteur, qui leur dira ce qu’il faut qu’ils soient. […] Je l’en crois très capable ; car, sans en vouloir beaucoup à cette pauvre cour, je crois un courtisan capable de tout ; encore est-il que nous ne pouvons pas savoir si ç’a été la pensée de Molière ; et que les hommes du temps aient été persuadés que ce l’a été, cela ne prouve pas qu’il l’ait eue. […] « Pour elle » est un mot pour le tribunal ; mais la pensée d’Horace et la pensée de la pièce, c’est évidemment : Voyez ! […] C’est un défaut de mêler des pensées religieuses où elles n’ont que faire ; mais Molière est un peu plus éloigné de ce défaut-là qu’il ne serait naturel au siècle où il vécut. Remarquez-vous que là où une pensée religieuse serait à sa place dans son texte elle n’y vient jamais ?

2313. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Sa veuve ne sera peut-être pas inconsolable… Il laisse, à un moment, entrevoir cette pensée ; de quoi Pauline le reprend assez durement. […] On ne saurait s’y tromper : dans la pensée de l’auteur du Misanthrope Alceste est un rôle comique et qui doit faire rire la plupart du temps. […] La pensée de Molière est assez claire quand on lit sa comédie avec simplicité. […] Il n’est point de poésie supérieure à cette mascarade des âges qui met aux pensées d’un siècle les habits d’un autre. […] Pardon de ces irrévérences ; mais j’exprime librement ma pensée et, comme dit élégamment le Chassagnol de Charles Demailly, « ceux à qui ça donne des engelures… eh bien !

2314. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « IX » pp. 33-36

Mais que les doigts me démangent, de penser qu’on ne peut pas en France dire au long, librement, quelque part toute sa pensée là-dessus !

2315. (1875) Premiers lundis. Tome III « Senac de Meilhan »

On donne volontiers raison au prince de Ligne, lorsqu’il disait : « Dans les pensées de M. de Meilhan, il y a des traits de feu qui éclairent toujours, et des fusées qui vont plus haut qu’elles ne font de bruit. » M. de Meilhan s’était exercé, dans la première partie de sa vie, à traduire les Annales de Tacite, une double école de politique et de style.

2316. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugues, Clovis (1851-1907) »

Clovis Hugues est bien frappé, vigoureux, facile, richement rimé ; la pensée qui l’anime est généralement élevée, et nul n’a plus de grâce quand il s’agit de peindre le charme de la nature.

2317. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 358-361

Il ne se borne pas, comme la plupart des Orateurs, dont le seul talent est de savoir raisonner, à des discussions seches & purement méthodiques ; il joint la chaleur à la netteté des pensées, & la véhémence à la justesse des raisonnemens.

2318. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

La seule différence qui se trouve entre l’Ouvrage de Coutel & le sien, est que l’un est en grands Vers, rangés par quatrains, & l’autre en Vers libres : à cela près, les pensées, les expressions, les tours, les rimes sont absolument les mêmes.

2319. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Un vieux poëte du seizième siècle (Pontus de Thyard), ayant à définir les Grâces, l’a fait en des termes qui reviennent singulièrement à ma pensée : « Des trois Grâces, dit-il, la première étoit nommée Aglaé, la seconde Thalie, et la tierce, Euphrosyne. […] Bien des poëtes modernes ont rendu ce déchirant contraste : les anciens, sous d’autres formes, arrivaient aux mêmes pensées. […] car, à mon sens, je n’en suis pas encore à vaincre ni le bon Asclépiade de Samos, ni Philétas, avec mes chants, et je me fais plutôt l’effet de la grenouille qui le dispute aux sauterelles. —  Ainsi je parlais exprès ; et le chevrier reprit avec un doux sourire… » Arrêtons-nous un moment à ces traits vivants de caractère ; nous savons dès l’enfance ces derniers vers par l’imitation heureuse de Virgile : Me quoque dieunt vatem pastores… ; ils nous frappent davantage ici comme se rapportant à la personne même de Théocrite et nous donnant jour dans ses pensées. […] Maintenant, s’il faut dire toute ma pensée, je trouverai que la pièce, si charmante, si agréable qu’elle soit, ne répond pas entièrement à l’accent du début ; elle n’est bien souvent que gracieuse et ingénieuse ; les adorables passages où se fait jour le sentiment, et qui nous sont plus familièrement connus par les imitations exquises dispersées dans Virgile, prennent un singulier tour dans la bouche du Cyclope amoureux, et appellent vite le sourire. […] Hélas dirai-je toute ma pensée ?

2320. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

L’autorité était le grand principe de sa critique, et ce n’était pas seulement, comme on pourrait le croire, l’autorité d’Aristote et d’Horace, mais celle des Pères de l’Église, d’Heinsius, de Grotius, et de tous les savants de quelque renom, qui avaient pu glisser dans leurs énormes in-folios une pensée relative à la poésie. […] Eh bien, je crois que cette pensée peut nous consoler encore, et que, s’il ne nous est pas possible de poser avec assurance les bases d’une définition a posteriori de la comédie, nous pouvons, avec assurance, nous dire que la critique aurait trouvé fort peu utile l’édifice que nous désespérons d’élever. […] Serait-ce qu’elle a aperçu l’idée du comique, l’idée du tragique, confusément d’abord, puis avec une netteté de plus en plus parfaite, jusqu’au point où l’idéal entièrement éclairci a brillé sans nuages dans le ciel de sa pensée ? […] Elle nous ravit à nous-mêmes, à notre égoïsme, à nos pensées basses. […] La beauté n’est point saisissable pour l’entendement, point définissable ; mais l’âme peut aspirer à la posséder, et chercher la beauté, vivre avec les choses belles, c’est établir sa demeure dans une sphère qui est au-dessus des sens et même de l’intelligence ; c’est communiquer avec ce Dieu inconnu qui échappe à la pensée, et que le sentiment moral peut seul atteindre316.

2321. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il faut y revenir une fois, deux fois, trois fois, chaque fois, en un mot, qu’un nouvel écho échappé de leur tombe nous rappelle leur nom ou leur pensée par une de leurs œuvres posthumes ou par les confidences rétrospectives d’un de leurs familiers. […] Mais aujourd’hui, déjà depuis bien des années cette voix est muette, et le bonheur dont je jouissais dans ce contact avec sa personne est bien loin derrière moi ; aussi je ne pouvais trouver l’ardeur nécessaire que dans les heures où il m’était donné de rentrer en moi-même, assez profondément pour pénétrer dans ces asiles de l’âme que rien ne trouble ; là je pouvais revoir le passé avec ses fraîches couleurs ; il se redressait devant moi, et je voyais de grandes pensées, des fragments de cette grande âme apparaître à mes regards, comme apparaîtraient des sommets lointains, mais éclairés par la lumière du jour céleste, aussi éclatante que la lumière du soleil. […] Dans ces moments, je le retrouvais dans toute sa vie, et ses paroles résonnaient de nouveau comme autrefois. — Mais on le sait, quel que soit le bonheur que nous ayons à penser à un mort bien-aimé, le fracas confus du jour qui s’écoule fait que souvent pendant des semaines et des mois notre pensée ne se tourne vers lui que passagèrement ; et les moments de calme et de profond recueillement où nous croyons posséder de nouveau, dans toute la vivacité de la vie, cet ami parti avant nous, ces moments se mettent au nombre des rares et belles heures d’existence. — Il en était ainsi de moi avec Goethe. — Souvent des mois se passaient où mon âme, absorbée par les relations de la vie journalière, était morte pour lui, et il n’adressait pas un seul mot à mon esprit. […] « Je sors d’avec vous, dit-il ; toute la matinée, j’ai lu votre écrit, il n’a besoin d’aucune recommandation, il se recommande de lui-même. » Il me dit que les pensées y étaient claires, bien exposées, bien enchaînées, que l’ensemble reposait sur une base solide, et avait été médité avec soin. […] Déjà, tout en ne disant rien, je m’occupe à m’acquitter avec vous en réfléchissant ici à vos pensées, à votre situation, à vos désirs, au but que vous cherchez, à vos plans d’avenir.

2322. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Malgré tout, la pensée de Catherine me réchauffait le cœur, et bientôt je découvris les premières maisons des Quatre-Vents. […] Puis tout à coup la pensée lui vint que s’il était parti l’année d’avant, Catherine serait aussi là pour prier et le redemander à Dieu. […] La pensée de Catherine, de la tante Grédel, du bon M.  […] … Durant plus d’une heure, malgré la joie que j’éprouvais de tenir dans mes bras celle que j’aimais, cette pensée affreuse ne me quitta pas une seconde, et même aujourd’hui, tout vieux et tout blanc que je suis, elle me revient encore avec amertume… Oui, nous avons vu cela, nous autres vieillards, et il est bon que les jeunes le sachent : nous avons vu l’Allemand, le Russe, le Suédois, l’Espagnol, l’Anglais, maîtres de la France, tenir garnison dans nos villes, prendre dans nos forteresses ce qui leur convenait, insulter nos soldats, changer notre drapeau et se partager non-seulement nos conquêtes depuis 1804, mais encore celles de la République : — C’était payer cher dix ans de gloire ! […] La tante Grédel et Catherine, à leur porte, regardaient s’écouler ce convoi funèbre ; leurs pensées, je n’ai pas besoin de le dire !

2323. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Et à l’église, ma pensée va au souvenir du petit enfant qu’il était, quand son père l’a envoyé, la première fois, chez moi. […] Elles flottent et sourient en votre pensée rêveuse, ces effigies vagues et noyées dans la demi-teinte, ainsi que des types poétiques, des incarnations idéales de la femme du Directoire, de l’Empire, de la Restauration. […] On dirait que tout s’est réuni, pour enfermer entre ces quatre murs, cette bienheureuse sérénité bourgeoise des bourgeois, et cependant transperce, par moments, sous la gaîté et la gentille griserie des paroles, un peu de la mélancolie qui habite tout atelier de la pensée. […] Lundi 17 août Le caractère des heures de découragement, c’est de vivre rencogné dans l’heure présente, la pensée comme ramenée sur elle-même, et retirée du champ de l’avenir, où elle est toujours à prendre le galop. […] Puis viennent les premières feuilles, où ma pensée est dans le cadre d’une page, mais encore dansante, et toute pleine de maculatures et de grosses fautes bêtes, puis enfin se succèdent les secondes, les troisièmes feuilles, où peu à peu, dans le nettoyage spirituel et matériel, m’apparaît le livre qui sera mon livre.

2324. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Une seule chose nous choque un peu, Mme Daudet, Porel et moi, c’est au quatrième acte, quand la mère fait la confession à sa fille : qu’elle, — aussi bien que toutes les autres femmes : — a été trompée par son austère mari, et qu’un moment, avant l’explication complète, la fille a la pensée que sa mère a été coupable… Une complication de scène, qui jette de l’antipathique sur la fille. […] Lundi 24 janvier Aujourd’hui, à la répétition de Numa Roumestan, j’étais frappé d’une chose, c’est que la pensée de la plupart des acteurs et des actrices n’a pas l’air de cohabiter avec la pièce qu’ils jouent, et qu’ils travaillent absolument comme des employés de ministère à leur bureau ; rien de plus, — et que sortis du théâtre, dont ils se sauvent, ainsi que des écoliers d’une classe, ils déposent en passant leurs rôles, et la mémoire de leurs rôles chez le concierge. […] Mais je lui demande de ne pas le faire paraître, lui disant que je ne veux pas répondre, que je trouve l’accusation au-dessous de moi, que j’ai ignoré absolument le manifeste, et que si je m’étais cru le besoin d’exprimer ma pensée sur la littérature de Zola, je l’aurais fait moi-même, avec ma signature en bas, et qu’il n’était pas dans ma nature de me cacher derrière les autres. […] La femme, de beaux yeux et un air aimable, l’homme, une tête à la détermination froide, et s’exprimant avec une netteté de la pensée et une correction de paroles, remarquables. […] Malheureusement la pensée, quand elle n’est pas supérieure ou très originale, c’est embêtant, tandis qu’une action même médiocre se fait accepter, et amuse par son mouvement.

2325. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Il le comprend vaguement lui-même, il souffre de souffrir d’une manière si pauvre, et il aspire à élargir sa blessure, sans y parvenir. « Quelquefois, il semble qu’une harmonie étrangère au tourbillon des hommes vibre de sphère en sphère jusqu’à moi ; il semble qu’une possibilité de douleurs tranquilles et majestueuses s’offre à l’horizon de ma pensée comme les fleuves des pays lointains à l’horizon de l’imagination. […] Prendre ainsi le moi pour centre et pour but, c’est méconnaître, somme toute, sa réelle grandeur ; y borner son regard, c’est enfermer la pensée et l’existence dans un cerveau humain, c’est oublier que la loi fondamentale des êtres et des esprits est un perpétuel rayonnement. « Connais-toi toi-même », dit l’antique sagesse ; oui, car se connaître, c’est s’expliquer à soi-même, par conséquent comprendre aussi les autres et se rapprocher d’eux ; le seul moyen que nous ayons de voir, c’est assurément de recourir à nos propres yeux et à notre propre conscience : nous sommes nous-mêmes notre flambeau, et nous ne pouvons que veiller à ce que tout serve en nous à alimenter la petite flamme qui éclaire le reste. […] Nous connaissons mieux, par la seule lecture de ses écrits, la personnalité d’un Pascal que la personnalité de tel ou tel qui nous conte par le menu ses faits et gestes, — choses qui s’oublient, — et qui nous retrace ses moindres pensées, ses moindres paroles. Tout cela s’efface même pour lui, à plus forte raison pour ses lecteurs, derrière les pensées ou actions véritablement expressives de sa vie et de la vie. […] C’est là ce qu’ils appellent de la musique en vers, des « romances sans paroles », comme dit Verlaine ; traduisez : des paroles sans pensées.

2326. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

À cette pensée je m’appuyai contre un noyer sous lequel, depuis ce jour, je me repose toutes les fois que je reviens dans ma chère vallée. Sous cet arbre, confident de mes pensées, je m’interroge sur les changements que j’ai subis pendant le temps qui s’est écoulé depuis le dernier jour où j’en suis parti. […] Si l’habitude du monde permettait à M. de Chessel de distinguer ces nuances, un jeune homme sans expérience croit si fermement à l’union de la parole et de la pensée chez une belle femme, que je fus bien étonné quand, en revenant le soir, mon hôte me dit : — Je suis resté, parce que vous en mouriez d’envie ; mais si vous ne raccommodez pas les choses, je suis brouillé peut-être avec mes voisins. […] Si d’abord je crus qu’elle affectait de me traiter en enfant, si j’enviai le privilège des hommes de trente ans qui permettait à M. de Chessel d’entretenir sa voisine de sujets aussi graves auxquels je ne comprenais rien, si je me dépitai en me disant que tout était pour lui ; à quelques mois de là, je sus combien est significatif le silence d’une femme, et combien de pensées couvre une diffuse conversation. […] Cette pensée me donna des vertiges.

2327. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Tourguéneff nous interrompt, en disant avec l’originalité de sa pensée et le doux gazouillement de sa parole : « La comparaison n’est pas noble, mais permettez-moi, messieurs, de comparer Taine à un chien de chasse que j’ai eu : il quêtait, il arrêtait, il faisait tout le manège d’un chien de chasse d’une manière merveilleuse, seulement, il n’avait pas de nez, j’ai été obligé de le vendre. » Zola est tout heureux, tout épanoui de l’excellente cuisine, et comme je lui dis : « Zola, seriez-vous, par hasard, gourmand ? […] L’exclusivisme de ces deux êtres tue notre dîner, qui avait jusqu’ici cela de particulier, que chacun pouvait dire sa pensée — même sa pensée poussée à l’outrance par la contradiction, — sur toute chose et tout individu. […] Il s’est montré causeur, fin, délicat, ténu, argutieux presque, et parlant des choses, avec le tour d’une pensée qui a cessé d’être française et qui s’est faite italienne. […] La pensée de la mort chez les autres, m’est horrible. […] Si ce n’était que l’argent, mais c’est la part de pensée que ça prend.

2328. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

L’histoire est ainsi remplie de pensées inachevées, de volontés brisées, de caractères tronqués, d’êtres humains incomplets et mutilés ; par là, non seulement elle entrave l’intérêt, mais elle perd en vérité humaine et ce logique qu’elle gagne en exactitude scientifique. […] Or, dans la réalité, il est des larmes tout intérieures, et ce ne sont pas les moins poignantes ; il est des choses, pensées, qu’on ne saurait dire, et ce ne sont pas toujours les moins significatives. […] A ce moment il rencontre Charlotte, il l’aime, et alors son amour remplit toutes ses pensées. […] On connaît le précepte antique : « hors du temple et des sacrifices, ne montrez pas les intestins. » Le roman naturaliste est une protestation outrée contre ce précepte : on a brisé les voûtes du temple de l’art pour l’égaler au monde ; soit ; mais le cerveau et la pensée finissent par disparaître au profit des intestins. […] Malheureusement les œuvres de ces romanciers portent trop souvent sur des conventions et sur des niaiseries.La vie mondaine est celle où le cœur et la pensée ont assurément le moins de part.

2329. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Spinoza disait que les modes de la pensée et les modes de l’étendue se correspondent, mais sans jamais s’influencer : ils développeraient, dans deux langues différentes, la même éternelle vérité. Mais la pensée du déterminisme physique, telle qu’elle se produit de notre temps, est loin d’offrir la même clarté, la même rigueur géométrique. […] Car l’action accomplie n’exprime plus alors telle idée superficielle, presque extérieure à nous, distincte et facile à exprimer : elle répond à l’ensemble de nos sentiments, de nos pensées et de nos aspirations les plus intimes, à cette conception particulière de la vie qui est l’équivalent de toute notre expérience passée, bref, à notre idée personnelle du bonheur et de l’honneur. […] Tantôt il se transporte par la pensée à une période antérieure, et affirme la détermination nécessaire, à ce moment précis, de l’acte futur ; tantôt, supposant par avance l’action accomplie, il prétend qu’elle ne pouvait se produire autrement. […] Vous effacez alors, par la pensée, la partie OXY de cette courbe, et vous vous demandez si, connaissant MO, vous eussiez pu déterminer à l’avance la courbe OX que le mobile décrit à partir du point O.

2330. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Lamartine.] » pp. 534-535

J’aurais couru, aujourd’hui même, vous dire tout cela et bien d’autres pensées encore, que les vôtres ont réveillées en moi et ont fait naître ; mais je suis comme vous, j’ai cet honneur, et je suis de corvée tous ces jours-ci : je ne pourrai aller rue de la Ville-l’Évêque que vers la fin de la semaine, et je n’ai pu attendre jusque-là pour vous envoyer les remerciements d’un cœur comblé, pardonné et récompensé à jamais par vous.

2331. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Donnay, Maurice (1859-1945) »

La dernière, surtout nous charma par une exquise, fantaisie, par l’esprit le plus vif et le plus délicat, par une aimable grâce de poésie, par la finesse de la plaisanterie et la générosité de la pensée.

2332. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

Ce qui constitue l’originalité curieuse et sans égale d’Albert Glatigny, c’est qu’il est non pas un poète de seconde main et en grande partie artificiel, comme ceux que produisent les civilisations très parfaites, mais, si ce mot peut rendre ma pensée, un poète primitif, pareil à ceux des âges anciens, et qui eut été poète, quand même on l’eût abandonné petit enfant, seul et nu dans une île déserte.

2333. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gourmont, Remy de (1858-1915) »

Louis Payen De même que dans la vie ordinaire nous nous plaisons à agrémenter d’un peu de beauté nos actes et nos pensées pour plaire à notre correspondant lointain, ainsi, dans Le Songe d’une femme, les personnages prennent des attitudes et cherchent à embellir mutuellement leur vie.

2334. (1887) Discours et conférences « Préface »

L’indulgence du lecteur admettra facilement que de brèves allocutions, parties du cœur sans nul apprêt, à peu d’intervalle les unes des autres offrent des pensées qui se ressemblent.

2335. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 56-59

Ce dernier Ouvrage est écrit avec cette précieuse simplicité, qui n’exclut ni l’élévation des pensées, ni la noblesse des expressions, & il donne à l’Auteur le droit de figurer dans la classe très-peu nombreuse des Ecrivains qui sont demeurés invinciblement attachés aux vrais principes de la morale & du goût.

2336. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 236-239

Dès qu’il eut fait paroître quelques-unes de ses Pieces, tous les esprits se réunirent pour admirer l’élévation de son style, la délicatesse & la force de ses pensées, l’énergie & la pureté de ses expressions, l’élégance & le naturel de ses Vers.

2337. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Préface »

Telle est la pensée générale qui anime toutes ces études.

2338. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

L’homme n’est lui-même qu’un édifice tombé, qu’un débris du péché et de la mort ; son amour tiède, sa foi chancelante, sa charité bornée, ses sentiments incomplets, ses pensées insuffisantes, son cœur brisé, tout chez lui n’est que ruines209.

2339. (1908) Après le naturalisme

Nous affirmons nous, que l’art toutes les fois qu’il n’est pas moral — nous ne disons pas moraliste — s’avère immoral et cela volontairement, de parti-pris, avec une pensée déterminée de scandale, de luxure, de perversion sentimentale ou autre. […] La pensée orthodoxe ne détourne plus des biens temporels, ne les dépeint plus comme vils et indignes de nos préoccupations. […] Aussi bien si lui-même a besoin de recevoir en métal représentatif le prix de son labeur, n’est-ce pas un peu de notre faute à nous, à notre société basée sur le mercantilisme où l’or constitue la monnaie de tout, la valeur suprême par laquelle s’évalue la pensée même — l’or sans quoi la pensée ne se développerait pas ? […] Et où ira-t-on la chercher cette Élite, si ce n’est parmi ceux qui possèdent le don du Verbe et de la Pensée ? […] Avec ce don coexiste une fonction de pensée, soutien de l’élocution.

2340. (1886) Le naturalisme

Latouche a dit d’elle, sans aucune courtoisie, qu’elle était un écho qui grossissait la voix ; et, ma foi, il ne se trompait point en ce qui est de la pensée, car George Sand dogmatisait toujours pour le compte d’autrui. […] Ils vécurent si unis, fondant leurs styles et leurs pensées, que le public les prenait pour un seul écrivain. […] La pensée se grave sur le visage, les idées transparaissent sous la peau : les figures de la génération romantique resplendissent de ces enthousiasmes et de ces mélancolies, de cet idéal poétique et philosophique qui échauffe leurs œuvres. […] Si parfois la langue va plus loin que la pensée, d’une manière générale les perceptions de l’entendement et les élans de la volonté sont violents et concis ; la langue les habille, les déguise et les atténue en les exprimant. […] Ceux qui affirment que la phrase crue, vulgaire et brutale, que la pensée cyniquement mise à nu, sont tout le style grossier de Zola, n’en sont pas plus justes pour cela.

2341. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Ma gloire future m’empêche d’y penser sérieusement, il semble qu’elle me reproche les pensées que je lui consacre. […] La pensée de cet homme depuis la mort de ce prince m’a fait mal, il doit être bien malheureux. […] Ce discours achevé, discours qui, pour la première fois de ma vie, rend fidèlement ma pensée, je vous embrasse et j’attends la réplique. […] Mais je vous avertis que je suis charmante, cette douce pensée vous encouragera à me répondre. […] Mais vous vous croyez sans doute bien supérieur à un peintre en fouillant inutilement dans le mécanisme de la pensée humaine.

2342. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

L’éternelle pensée de ce qu’il y a encore au fond du génie romain, exalte et dévore Sextus.

2343. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Elskamp, Max (1862-1931) »

Chaque jour de la semaine est défini en ces pages selon sa caractéristique, chaque jour y a sa chanson : lundi, où chôment les établis ; mardi, toute la blancheur des toiles et des langes ; mercredi, le « grand jour des jardiniers » et des marchés où sonnent les carillons ; jeudi, le jeudi des amoureux, baisers donnés, baisers à rendre ; vendredi, « l’heure des bouches », et samedi, « avec votre bel habit noir », ce sont les six jours de non-repos évoqués l’un après l’antre, et c’est la vie honorée plus simplement, s’il se peut, que dans En symbole vers l’apostolat, honorée en pensée humble, en paroles portant modeste robe de bure… Et voici : les quatre volumes que signa M. 

2344. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

Mais il ne convient pas que j’en parle plus longtemps ; car ne sont-ce de superficielles cervelles, celles qui froissent la pensée, pour des détails typographiques ?

2345. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre premier, premières origines du théâtre grec »

Elle la complique d’appels et de fuites, d’entraînements et de résistances ; bientôt chaque geste esquisse une pensée, chaque pas vole vers un sentiment.

2346. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre X. Machines poétiques. — Vénus dans les bois de Carthage, Raphaël au berceau d’Éden. »

Une de ses pensées est belle comme l’âme entière de l’homme, lorsque, digne de son immortalité, elle médite profondément.

2347. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre II. Du Chant grégorien. »

Ce chant pareil, qui revient à chaque couplet sur des paroles variées, imite parfaitement la nature : l’homme qui souffre, promène ainsi ses pensées sur différentes images, tandis que le fond de ses chagrins reste le même.

2348. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre premier. Du Christianisme dans la manière d’écrire l’histoire. »

Quiconque rejette les notions sublimes que la religion nous donne de la nature et de son auteur, se prive volontairement d’un moyen fécond d’images et de pensées.

2349. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

On voit croître l’homme et sa pensée : d’abord enfant, ensuite attaqué par les passions dans la jeunesse, fort et sage dans son âge mûr, faible et corrompu dans sa vieillesse.

2350. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Édouard Fleury »

Excepté une certaine aristocratie de forme que nous aimons à retrouver dans leur livre, il n’y a rien, du moins pour nous, dans leur histoire, qui indique l’énergie d’une pensée arrêtée et approfondie et l’enthousiasme ou la fermeté d’une conviction.

2351. (1900) Molière pp. -283

Pour donner toute ma pensée, et ne donner surtout que ma pensée, j’ai besoin de plus d’un entretien ; il m’en faudra deux ou trois ; Molière est un morceau qu’on n’avale pas, si je puis parler ainsi, qu’on ne digère pas en un jour et en une fois. […] Je sors du genre humain pour que ma pensée (ou du moins la pensée de Goethe) soit plus claire, plus facile à accepter. […] Ce n’est pourtant pas à dire qu’on puisse leur attribuer directement un rôle politique, et ce n’est pas ma pensée, quand je parle de l’action sociale de Molière. […] Personne, quand il le fallait, n’a eu, autant que lui, de mesure dans l’expression d’un caractère et d’élévation dans les sentiments et les pensées ! […] Ma première pensée en entrant à Babylone a été de lui envoyer les observations des prêtres chaldéens.

2352. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

« Il y a deux intentions dans la publication de ce livre, y disait le jeune poète, l’intention littéraire et l’intention politique, mais dans la pensée de l’auteur la dernière est la conséquence de la première, car l’histoire des hommes ne présente de poésie que jugée du haut des idées monarchiques et des croyances religieuses. » N’est-ce pas ici le lieu de rappeler que dès avant la publication des Odes, Victor Hugo était en relations étroites avec Lamennais ? […] S’ils ont assoupli, et en quelque sorte brisé l’alexandrin classique, c’est que l’alexandrin était pour la pensée, mais surtout pour le sentiment, une enveloppe ou une armure, dont la rigidité se ployait mal aux exigences de ce que le sentiment et la pensée ont de plus personnel. […] Et l’on voit sans doute ici comment, dans la pensée d’Auguste Comte, cette conception de la « psychologie » se lie à ce que nous disions plus haut des progrès de la science de son temps. […] De même que la curiosité de « l’ennui de celui-ci et de la fantaisie de celui-là » s’était changée en « pitié du peuple », cette pitié s’organisait à son tour en système, devenait toute une philosophie, « Vivre, c’est en essence avoir l’humanité pour objet », écrivait Pierre Leroux ; et il expliquait sa pensée en ces termes : « La normalité de notre existence consiste à ne pas violer le lien qui nous unit à l’humanité. […] Quel ordre de pensées et de sentiments a-t-il développé dans le monde ?

2353. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Trois femmes dont l’une, à l’occasion du Jour de l’An, écrit sur un paravent une pensée, dont l’autre peint un éventail, dont une troisième illustre une poésie. […] La même année Hokousaï illustre encore Misoka Tsouzoura, Le Panier à papier , un petit album de la plus grande rareté, contenant des pensées, des réflexions de Hokousaï. […] Du jour de ce dissentiment entre Hokousaï et Bakin, il entra dans la pensée du peintre de publier des dessins se passant du texte d’un littérateur, et d’une vente égale à un volume où avait associé à son nom le nom de Bakin. […] Une autre planche vous montre un prêtre bouddhique devant un kakémono représentant une femme, et sa tête aux cheveux rebroussés et semblable à celle d’un diable, appuyée réfléchissante sur une main, est toute pleine d’une pensée fixe, soucieuse. […] Dès l’âge de six ans, j’ai commencé à dessiner, et pendant quatre-vingt-quatre ans j’ai travaillé dans l’indépendance des écoles, ma pensée, tout le temps, tournée vers le dessin.

2354. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

. — Évidemment ; et voici que nous pressentons enfin la pensée de Sophocle. […] Si donc j’ai bien compris la pensée de M.  […] Comme on sent bien qu’il est, dans la pensée de l’auteur, le personnage le plus intéressant ! […] Il nous explique abondamment sa pensée ; et cette pensée est simple et directe. […] Nous voulons, ne fût-ce qu’un instant, avoir été présents à la pensée (ou seulement aux yeux) de ceux qui sont présents à la pensée de tous.

2355. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Note qu’il faut lire avant le chapitre de l’amour. »

Ce chapitre, me dira-t-on, est d’une couleur trop sombre, la pensée de la mort y est presque inséparable du tableau de l’amour, et l’amour embellit la vie, et l’amour est le charme de la nature.

2356. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre IV. Le développement général de l’esprit est nécessaire pour bien écrire, avant toute préparation particulière »

Si l’on a bien appris, si l’on a bien vécu, c’est-à-dire comme un être actif et conscient, toutes les connaissances et toutes les émotions antérieures concourront insensiblement dans tout ce qu’on écrira, et, sans qu’on puisse marquer précisément l’empreinte d’aucune, elles se mêleront dans toutes nos pensées et dans toutes nos paroles, comme on ne saurait dire quelle leçon de gymnastique ou quel aliment entre tous a donné au corps la force dont il fait preuve un certain jour au besoin.

2357. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VI. Utilité possible de la conversation »

L’expression, en donnant un corps à la pensée, en fait apercevoir le faible ; on la corrige, on l’étend, on l’approfondit ; parfois on l’abandonne, mais pour en prendre une autre dont la vérité s’est révélée à nous en parlant.

2358. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Georges Rodenbach Ils sont exquis de sentiment, de vocabulaire, d’image, ces vers choisis au hasard dans un livre soigné, et d’un métier sur de lui-même, qui, sans rompre avec toute la tradition d’une prosodie fondée en raison, profite des acquêts nouveaux, aère l’alexandrin, ductilise le sonnet, embrume la rime jusqu’à l’assonance ; et ce n’est pas un des moindres charmes de ce poème que la netteté des impressions et des pensées en une forme fluide et flottante, comme qui dirait des figures de géométrie faites avec de la fumée.

2359. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Parodi, D.-Alexandre (1842-1902) »

Il ne faut pas chercher à comparer cette œuvre dramatique au beau poème de Victor Hugo sur le même sujet ; le maître est le maître ; mais un sentiment vrai appartient à tous, et cette pensée du pardon pour Caïn est aussi personnelle à M. 

2360. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 34-39

Au fond des pensées, l’Auteur joint les agrémens d’un style pur, net & facile.

2361. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « César Cantu »

Malgré la faiblesse de sa pensée, il aurait pu pourtant, en sa qualité d’étranger, répandre en France, sur l’Empereur, des opinions hasardées ou fausses, si sa bonne étoile ne lui avait envoyé, sur sa renommée, un traducteur doué de toutes les qualités qu’il n’a pas.

2362. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

mais pour notre pensée ! […] Monté sur un échafaud dressé en face des fenêtres du palais d’Holyrood, théâtre de son délit et séjour de la reine, il mourut en héros et en poëte. « Si je ne suis pas sans reproche comme le chevalier Bayard, mon ancêtre, dit-il, je suis du moins sans peur comme lui. » Il récita pour toute prière sur l’échafaud la belle ode de Ronsard sur la Mort ; puis, portant son dernier regard et sa dernière pensée sur les fenêtres du château qu’habitait le charme de sa vie et la cause de sa mort : « Adieu, s’écria-t-il, toi si belle et si cruelle, qui me tues et que je ne puis cesser d’aimer !  […] Rizzio aurait été le seul obstacle peut-être au consentement de Marie Stuart ; mais, soit prompte satiété d’amour dans une femme inconstante, soit politique raffinée de Rizzio qui concédait le trône pour garder le cœur, il favorisa lui-même de tous ses efforts la pensée d’Elisabeth. […] Bien que ces lettres textuelles, nous le répétons ici, n’aient aucune authenticité matérielle à nos yeux, bien qu’elles portent même des traces de mensonge et d’impossibilité dans l’excès même des scélératesses et des cynismes qu’elles expriment, il est certain qu’elles se rapprochent beaucoup de la vérité, car un témoin grave et confidentiel des entretiens de Darnley et de la reine, à Glascow, donne de ces entretiens une relation parfaitement conforme au sens de cette correspondance ; il relate même des expressions identiques à celles de ces lettres et qui attestent que, si les paroles ne furent pas écrites, elles furent pensées et prononcées entre la reine et son mari.

2363. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Pensées sans langagebh. […] L’association de Tolstoï et de la pensée indienne peut être située dans la dépendance de Romain Rolland, grand admirateur de Tolstoï avec qui il correspond et artisan de la connaissance de Gandhi en France : il est ainsi l’auteur d’une Vie de Gandhi qui paraîtra en 1924. […] B. », est réservé par rapport à Nietzsche, dont il a connu la pensée par Malwida von Meysenbug. […] Râteliers platoniques et Poésie ron-ron ont été publiés à Lausanne en 1918 et 1919 (sans nom d’éditeur), Pensées sans langage a été édité par Figuière en 1919 (Paris).

2364. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

Et dans cet accul de pensées elle se débattit sans résultat… […] Un envol de pigeons écarlates tonne autour de ma pensée. […] … Cette pauvre vieille libre pensée mourante d’une triste maladie pédiculaire. […] L’influence du souffle vernal doucement dilatant les immuables textes inscrits en sa chair, lui aussi, enhard par ce trouble agréable à sa stérile pensée, était venu reconnaître par un contact avec la Nature, immédiat, net, violent, positif, dénué de toute curiosité intellectuelle, le bien-être général, et candidement, loin des obédiences et de la contrainte de son occupation, des canons, des interdits, des censures, il se roulait, dans la béatitude de sa simplicité native, plus heureux qu’un âne.

2365. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Bref, il n’y a plus à en douter, surtout lorsque l’alliance déclarée avec l’électeur de Bavière va exiger un grand effort pour la jonction, Villars est l’homme du roi à l’armée du Rhin, l’homme de la pensée de Versailles et en qui on a confiance pour l’exécuter ; Catinat n’est plus général en chef que de nom, jusqu’à ce que les convenances mêmes indiquent qu’il n’y peut honnêtement demeurer. […] Faut-il que les raisons de cour, les protections, certains emplois déjà occupés, le grand âge, de longs mais froids services… Il s’embrouille dans sa phrase (ce qui lui arrive quelquefois quand les phrases sont longues), et il ne l’achève pas ; mais il suit très bien sa pensée, et il veut dire ce qu’il redit souvent encore ailleurs en des termes que je résume ainsi : « Les hommes à la guerre sont rares ; avec mes défauts, je crois en être un ; essayez de moi. » Villars, à la tête d’un détachement considérable et par le fait général en chef, investi de la confiance du roi, ne songe qu’à la justifier. […] La pensée politique dominait ce monarque ; il sentait l’importance de garder l’électeur de Bavière pour allié au centre de l’empire, et il voulait à tout prix lui prouver qu’il ne négligeait rien pour occuper les forces du prince Louis de Bade, et pour faire pénétrer un corps d’armée jusqu’à lui.

2366. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Wagner, en donnant la quatrième édition du Virgile consacré, et en paraissant demander grâce pour s’être permis d’y indiquer quelques corrections et d’y ajouter partout où il avait pu des perfectionnements, terminait sa préface par cette sorte d’adjuration aux mânes vénérables : « Mais toi, Âme pieuse et ingénue de Heyne, si ta pensée s’abaisse encore sur ces choses, pardonne, je t’en supplie, s’il m’est échappé, chemin faisant, quelques mots non assez respectueux à ton égard ; pardonne, si ma médiocrité a avancé quelque chose qui ne soit pas assez digne d’un si grand nom et d’une si grande renommée dont tu as acquis la plus grande part par ton zèle à éclairer ces mêmes poèmes. […] Il y a peut-être de l’art dans ces couplets de Thyrsis, mais il n’y a pas de bon sens ; la pensée est tirée par les cheveux. […] Tout cela est vrai, mais il n’est pas moins vrai que la beauté du vers célébré chez Virgile est empruntée d’Homère, qu’elle est empruntée et pour la pensée et pour la forme, mais empruntée d’une certaine manière qui n’est pas directe, qui n’est pas vulgaire, que Virgile seul a su introduire, et dont il vaut la peine de remettre ici sous les yeux une entière explication.

2367. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Saint-Pavin, Hesnault, Mme Des Houlières elle-même, tenaient du philosophe, de l’indévot : par leur liberté de pensée en morale non moins que par leur goût en poésie, ils devaient être antipathiques à Despréaux, à Racine. […] Elle semble plus moraliste qu’il ne convient à une bergère ; il y a des pensées sous ses rubans et ses fleurs. […] Toujours le cœur brisé qui chante, toujours le cri en poésie de cette autre parole dite à voix plus basse, en prose plus résignée, et que bien des existences sensibles ont pensée en avançant : « Il n’y a qu’une date pour les femmes et à laquelle elles devraient mourir, c’est quand elles ne sont plus aimées. » Mais je touche à l’élégie moderne, et je n’y veux pas rentrer aujourd’hui196.

2368. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Des deux opérations qui composent la pensée humaine, le classique fait mieux la seconde que la première. […] Condillac déclare que le procédé de l’arithmétique convient à la psychologie et qu’on peut démêler les éléments de notre pensée par une opération analogue « à la règle de trois ». […] Sauf dans les Pensées de Pascal, simples notes griffonnées par un chrétien exalté et malade, et qui certainement ne seraient pas restées les mêmes dans le livre imprimé et complet.

2369. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

La période antérieure est une période de confusion et d’irrégularité au milieu de laquelle émergent quelques chefs-d’œuvre, cinq ou six tragédies de Corneille et de Rotrou, les Provinciales de Pascal, et (pour nous seulement) ses Pensées. […] Mais, à l’ordinaire, la pensée est solide, exacte : la finesse est dans le discernement et dans la notation des nuances, dans l’appropriation exquise du mot à l’objet, dans la vaste compréhension des brèves formules, qui mettent l’esprit en branle, et l’obligent à parcourir un long cercle d’idées inexprimées. […] À cette date de 1665, contemporaine des Satires, antérieure de deux ans à Andromaque, de cinq aux Pensées, les Maximes sont un événement considérable, et par leur fond, et par leur forme.

2370. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

On a des heures de solitude où l’on reste presque sans pensée, hypnotisé par une idée fixe, celle du sacerdoce où l’on tend. […] Sans compter que sa fonction lui impose une vie à part, le fond de pensées habituelles que cette fonction implique doit non seulement réagir sur ses manières, sa parole et toute sa tenue, mais encore imprimer à tous ses sentiments, à ses passions, à ses vices comme à ses vertus, une marque énergiquement caractéristique. […] Mais surtout l’indépendance de pensée est un crime.

2371. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Bien qu’il les exprime toujours sous la forme la plus resserrée, il n’en écarte aucune, et souvent les jette pêle-mêle, à mesure qu’elles s’offrent à lui, en sorte que sa pensée, qui d’abord avait été rendue avec énergie, s’affaiblit en se reproduisant sous une forme moins frappante et avec un tour moins heureux. […] Il se contentera de sons au lieu de pensées, et croira avoir atteint le but de l’art lorsqu’il aura réjoui les oreilles par une certaine mélodie appréciable par un petit nombre de connaisseurs. […] Bien qu’il connût toutes les ressources, toute l’étonnante richesse de sa langue, sa pensée se produit toujours sous une forme si simple, qu’on ne croirait pas possible de l’exprimer autrement.

2372. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Il est dans la loi des choses que les formes de l’humanité acquièrent une certaine solidité, que toute pensée aspire à se stéréotyper et à se poser comme éternelle 175. […] Nous avons perdu le long espoir et les vastes pensées. […] Et quant à la mort d’un sauvage, ce n’est guère un fait plus considérable dans l’ensemble des choses que quand le ressort d’une montre se casse, et même ce dernier fait peut avoir de plus graves conséquences, par cela seul que la montre en question fixe la pensée et excite l’activité d’hommes civilisés.

2373. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Seroit-ce cette inquiétude de pensées, qui marche au hasard, ne respecte aucun frein, voltige sur tous les objets, s’épuise en questions, en conjectures, en raisonnemens sur tout ce qui s’offre à sa curiosité ? […] Ce n’est qu’à l’école d’un Dieu qu’un Homme sage peut apprendre l’usage de sa raison ; c’est de Dieu seul qu’il peut recevoir le frein qui doit régler ses pensées & ses actions. […] Mais s’ils avoient appris, & s’ils étoient fermement persuadés qu’ils ont le souverain Juge pour témoin de leurs actions & de leurs pensées les plus secretes, ne doutez pas que la plupart ne fussent retenus, par la crainte des supplices destinés à la méchanceté » *.

2374. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Tant qu’il resta près d’elle, l’épouse résista aux désirs d’Égisthe : la chaste lyre était là pour chasser de son cœur les pensées mauvaises. […] Mais cette femme pleine d’affreuses pensées couvrira de sa honte toutes les autres femmes, et même celles qui auront la sagesse en partage. […] Pour dissiper les noirs souvenirs qui l’obsèdent, il ne trouve qu’une pensée plus lugubre encore ; — « Pourquoi se lamenter sur tout cela ?

2375. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Il est très probable que, sans cette circonstance, et s’il eût été retardé de quelques années dans sa carrière de magistrat, il eût fait son entrée dans la vie littéraire par quelque publication d’ouvrage ; car, dans chaque ordre d’études, il aimait à se rendre compte par écrit de ses pensées. […] Et il en venait à proposer non pas de corrompre (loin d’un Malesherbes une pareille pensée !) […] On voit ici à nu quelle était la pensée bienveillante de Malesherbes à l’égard de cette grande entreprise, quand il s’en expliquait avec des hommes dont il était sûr et qui étaient philosophes comme lui.

2376. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Et tout d’abord je dirai la pensée qui, pour moi, résulte de toute cette étude que je viens de faire sur Saint-Just, c’est qu’il est déplorable que des hommes encore si jeunes, si peu faits, et qui périssent avant vingt-cinq ans, viennent ainsi s’imposer violemment au monde et condamner l’attention de l’histoire à les suivre dans leurs égarements d’écolier et de libertin. […] La pensée d’ailleurs est juste, et certes, s’il y avait moyen d’établir la proportion entre le degré de liberté qui peut être accordé par les lois et le degré de vertu qu’indiquent les mœurs, on aurait résolu le problème social ; mais les hommes sont peu bons juges dans cet examen d’eux-mêmes, et Saint-Just, tout le premier, commence par se trouver une très grande dose de vertu ; il se pose dès l’abord en sage : N’attendez de moi, dit-il, ni flatterie, ni satire ; j’ai dit ce que j’ai pensé de bonne foi. […] On a recueilli ses Fragments et pensées sur les institutions républicaines, trouvés dans ses papiers : en ce qui est de l’éducation, du mariage, de la pénalité, des fêtes et de toute l’organisation sociale, c’est une parodie sérieuse de la République de Platon, des lois de Lycurgue ou de celles de Minos.

2377. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Ou il y a eu, en effet, une liasse de papiers jaunes et inégaux sur lesquels on a trouvé, enregistrées une à une, les dernières pensées d’un misérable ; ou il s’est rencontré un homme, un rêveur occupé à observer la nature au profit de l’art, un philosophe, un poëte, que sais-je ? […] « De ces deux explications, le lecteur choisira celle qu’il voudra. » Comme on le voit, à l’époque où ce livre fut publié, l’auteur ne jugea pas à propos de dire dès lors toute sa pensée. […] Heureux si, sans autre outil que sa pensée, il a fouillé assez avant pour faire saigner un cœur sous l’ æs triplex du magistrat !

2378. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Dans cette agréable pensée, il prie ses divines sœurs, les Muses, de se mettre au travail, d’inventer quelque chose, d’essayer quelque chose qui ne soit ni du Marot, quoiqu’il soit bien agréable, ni du Voiture, quoiqu’il soit bien spirituel, ni du Malherbe, quoiqu’il soit bien brillant. […] Vous allez voir que La Fontaine, soit souvenir (je n’en répondrais pas), soit coïncidence, et il est tout naturel que les poètes de cette valeur se rencontrent dans un sentiment pareil, vous allez voir que La Fontaine va exprimer tout à l’heure les mêmes pensées. […] C’est aller trouver, comme dans le premier, et surtout dans le second Faust, c’est aller trouver le sens profond des inventions populaires, des pensées que le peuple a déposées dans ses récits, qui est le propre des hommes de génie.

2379. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Le jeune écrivain n’avait rien d’un débutant ; dans la pensée ni dans l’expression, rien n’était laissé au hasard. […] Elle doit désirer que son œuvre du moins subsiste, que cette meilleure part d’elle-même où elle a mis le plus vif de sa pensée et toute sa flamme, entre dorénavant dans l’héritage commun, dans le résultat général du travail humain, dans la conscience de l’humanité : c’est par là qu’elle se rachète et qu’elle peut vivre.

2380. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Lorsque, il n’y a pas moins de treize à quatorze ans, au lendemain de la révolution de Juillet, cette Revue comme nça, et qu’elle conçut la pensée de naître, elle dut naturellement s’adresser aux hommes jeunes et déjà en renom, aux écrivains et aux poëtes que lui désignait leur plus ou moins de célébrité. […] Parler trop longtemps de ces choses, ou seulement en connaître, c’est déjà par malheur y tremper ; c’est violer soi-même le goût, prêter à son tour l’oreille au Cyclope ; c’est peut-être faire la police des lettres, mais à coup sûr en corrompre en soi la jouissance. » Telle était ma pensée d’alors, telle aujourd’hui et plus confirmée elle est encore, à l’aspect de ce que nous voyons.

2381. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

A la fois secrétaire des commandements et poëte lyrique, il releva le mieux qu’il put la dépendance de sa vie par l’audace de sa pensée, et il s’habitua de bonne heure à garder pour l’ode, ou même pour l’épigramme, cette verdeur franche et souvent acerbe qui ne pouvait se faire jour ailleurs. […] Quelques hautes pensées, qui n’ont jamais quitté le poëte depuis son enfance jusqu’à sa mort, dominent toutes ses belles odes, s’y reproduisent sans cesse, et, à travers la diversité des circonstances où il les composa, leur impriment un caractère marquant d’unité.

2382. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Le livre de l’Intelligence parut en 1870 : il y avait vingt ans que Taine l’avait dans la pensée. […] Nous touchons ici à un dernier caractère par où l’œuvre de Taine entre en étroite relation avec le mouvement de la pensée contemporaine : ce grand esprit, qui, par sa théorie des signes, n’estime avoir prise que sur un monde abstrait et irréel, équivalent intelligible des réalités insaisissables, ce grand esprit a voulu se faire un style sensible et coloré.

2383. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Je perçois chez eux des séries de pensées, d’attitudes, de gestes ; mais, quand ils me parlent, ce n’est point une personne qui me répond, c’est quelque merveilleux automate. […] Ce n’est pas, comme le comédien, la pensée d’un autre qu’il interprète avec sa personne et son corps.

2384. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Au fond, Michelet conçoit l’amour comme Platon, comme les poètes des Chansons de chevalerie, comme d’Urfé (à cela près que d’Urfé, par un scrupule renchéri touchant la possession physique, ne veut considérer l’amour qu’avant le mariage), comme Corneille enfin, et Pascal lui-même. « À mesure qu’on a plus d’esprit, dit Pascal, les passions sont plus grandes, parce que les passions n’étant que des sentiments et des pensées qui appartiennent purement à l’esprit, quoiqu’ils soient occasionnés par le corps, il est visible qu’elles ne sont plus que l’esprit même et qu’ainsi elles remplissent toute sa capacité. » Pareillement Michelet : « L’amour est chose cérébrale. […] Ce sentiment s’oppose, d’une part, à la grossière frivolité gauloise et, de l’autre, à la pensée chrétienne qui attache toujours à l’amour physique une idée de souillure.

2385. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

Et il peut y avoir autant ou plus d’originalité de pensée et de sentiment chez un romantique ou un symboliste que chez un classique. […] L’artiste classique croit, selon la pensée de Goethe, que « se subordonner », pour l’écrivain, ce n’est pas seulement servir la société, c’est se servir lui-même.

2386. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Jusque-là il n’avait fait que communiquer ses pensées à quelques personnes secrètement attirées vers lui ; désormais son enseignement devient public et suivi. […] Le centre de ses pensées était là ; là, il trouvait foi et amour.

2387. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Une telle idée était profondément étrangère à l’esprit juif ; il n’y en a nulle trace dans les évangiles synoptiques 692 ; on ne la trouve indiquée que dans des parties de l’évangile de Jean qui ne peuvent être acceptées comme un écho de la pensée de Jésus. […] Il est évident que le titre de Rabbi, dont il s’était d’abord contenté, ne lui suffisait plus ; le titre même de prophète ou d’envoyé de Dieu ne répondait plus à sa pensée.

2388. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Le maître, au contraire, était obsédé de graves pensées. […] Pour lui, il se confirmait dans la pensée qu’il allait mourir, mais que sa mort sauverait le monde 1043.

2389. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

III Avant de pénétrer dans une région plus élevée de la psychologie, en allant des sensations à la pensée, il nous reste à passer en revue, d’une manière aussi complète que possible, tous les phénomènes qui sont la matière brute de l’intelligence et de la volonté. […] Enfin, on peut dire qu’il y a une loi générale d’harmonie dans tout le système musculaire qui fait que quand nous regardons ou écoutons attentivement, le corps s’arrête, les traits du visage restent fixes, la bouche est ouverte, notre élocution s’accorde avec nos gestes ; une marche rapide avive la pensée, etc.

2390. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

En tête marche la grande Électre, sombre comme la nuit, pâle comme la mort, le front chargé de pensées sinistres. […] Le Chœur entend sa pensée cachée et il y répond : — « Prie pour ceux qui aimèrent ton père… Pour toi et pour quiconque hait Égisthe… Souviens-toi d’Oreste… Parle des meurtriers… Souhaite qu’un vengeur arrive et les égorge à leur tour. » — La libation est empoisonnée, Électre peut la verser sur la tombe ; ses paroles l’imprègnent encore d’une mortelle amertume.

2391. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Elle avait un tour à elle, le don des images les plus familières et les plus soudaines, et elle en revêtait à l’improviste sa pensée comme pas une autre n’eût su faire. Même quand cette pensée est sérieuse, même quand la sensibilité est au fond, elle a de ces mots qui la déjouent et qui font l’effet d’une gaieté.

2392. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Sacrifie-lui ton or, et ton sang qui est plus que ton or, et ta pensée qui est plus que ton sang, et ton amour qui est plus que ta pensée ; sacrifie-lui tout, excepté la justice.

2393. (1761) Apologie de l’étude

Je n’ai trouvé dans la foule des orateurs que déclamations ; dans la multitude des poètes, que pensées fausses ou communes, exprimées avec effort et avec appareil ; dans la nuée des romans, que fausses peintures du monde et des hommes. […] Las de m’ennuyer des pensées des autres, j’ai voulu leur donner les miennes ; mais je puis me flatter de leur avoir rendu tout l’ennui que j’avais reçu d’eux.

2394. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Non pas qu’il soit jamais entré dans ma pensée d’établir un parallèle entre les deux livres. […] L’Amour, descendu sur la terre pour fuir une correction maternelle, s’attache successivement à différents types, destinés, dans la pensée de l’auteur, à attester la dépravation des sentiments et l’avilissement des cœurs de son siècle : une pédante, Polymathie-Armande ; une prude, Archelaïde-Arsinoë ; une coquette, Polyphile-Célimène ; Landore, une sotte ; Polione, une courtisane, etc., etc.

2395. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Dès lors pourquoi s’inquiéter de la pensée, de l’industrie, de la science, de la littérature, de l’art qui se manifestent à l’étranger, puisque la pensée française, l’industrie française, la science française, la littérature française, l’art français sont nécessairement et à priori supérieur ?

2396. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Ils ont observé le mouvement naturel de la pensée, et le reproduisent ; ils savent que ses premières opérations consistent dans la connaissance de faits particuliers, déterminés, et le plus souvent sensibles, que peu à peu elle se porte involontairement sur certaines parties détachées de ces faits, qu’elle les met à part, qu’aussitôt les signes apparaissent d’eux-mêmes, que les idées abstraites et les jugements généraux naissent avec eux ; ils suivent cet ordre dans les vérités qu’ils nous présentent, et en retrouvant la manière dont l’esprit invente, ils nous apprennent à inventer. Ils nous montrent comment des collections d’idées se rassemblent en une seule idée en se résumant sous un seul signe, comment la langue et la pensée marchent ainsi peu à peu vers des expressions plus abrégées et plus claires, comment la série immense de nos idées n’est qu’un système de transformations analogues à celles de l’algèbre, dans lequel quelques éléments très-simples, diversement combinés, suffisent pour produire tout le reste, et où l’esprit peut se mouvoir avec une facilité et une sûreté entières, dès qu’il a pris l’habitude de considérer les jugements comme des équations, et de substituer aux termes obscurs les valeurs qu’ils doivent représenter.

2397. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Deux vers isolés cependant offrent peut-être la trace, non d’une fiction poétique, mais d’un tourment réel : « Ma douce mère, je ne puis tisser ma toile, toute vaincue que je suis par la pensée de ce jeune homme, grâce à l’entraînante Aphrodite. » D’autres fragments bien courts, et par lit d’un sens douteux, pourront faire croire que Sapho vit le mariage de sa fille chérie, et chanta pour elle : « Heureux gendre, l’union que tu souhaitais s’est accomplie, tu as la vierge que tu aimais !  […] Le témoignage s’en trouve dans cette anecdote du médecin Érasistrate surprenant la passion secrète du fils de Séleucus pour sa belle-mère Stratonice, par l’observation même des signes qu’avait sentis et marqués sur elle-même Sapho saisie d’amour : « Les symptômes, dit Plutarque, étaient les mêmes, la perte de la voix, l’expression des regards, la sueur brûlante, l’ataxie de la fièvre et le trouble dans les veines, enfin l’abattement de l’âme, l’abandon, la stupeur et la pâleur. » Telle est en effet, dans son expressive vérité, l’analyse médicale de cette ode profane, de ce crime élégant de la pensée dont Catulle avait égalé la force, mais non la grâce, et que voici, dans la lettre morte de la prose : « Il est pour moi égal aux dieux l’homme qui s’assied en face de toi et t’écoute doucement parler et doucement sourire.

2398. (1874) Premiers lundis. Tome II « Le poète Fontaney »

A propos de cet article, nous prions le lecteur de se reporter à la belle pièce des Pensées d’août.

2399. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Auguste (1805-1882) »

Ce qui les fait admirables, c’est le mouvement lyrique qui les anime, et non pas, comme il le croit sans doute, les pensées honnêtes qu’elles sont chargées d’exprimer.

2400. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guerne, André de (1853-1912) »

— apparaissait Et sur l’honneur aux fers, le droit qui fléchissait, La vertu polluée et la loi violée, La pensée arrachée à la nue étoilée, Silencieux posait son pied chaussé d’airain.

2401. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

Ces pâquerettes, comme il les appelle, c’étaient des fleurs du jardin de Saint-Remy, fleurs toutes simples, mais toutes fraîches, fleurs de saine pensée comme de gai savoir, offrande et appel adressé du fond du Mas des pommiers à tout le peuple de Provence.

2402. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938) »

D’une grande fierté de pensée et d’une large majesté de rythme, elles s’avancent en une triomphale et sereine démarche, comme Junon dans l’Énéide. — Le mouvement, tantôt lent, tantôt rapide, l’inspiration toujours hautement lyrique, l’éclat des images et l’adéquate beauté de l’élocution leur donnent une perfection puissante. — Si elles rappellent, pour vrai, la grandeur des odes malherbiennes, elles sont néanmoins d’une originalité absolument personnelle.

2403. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre premier. Nécessité d’une histoire d’ensemble » pp. 9-11

Ce n’est pas à dire qu’il y ait dans ma pensée un plan unique et éternel, un plan fixé dans ses moindres détails et dont il soit interdit de s’écarter.

2404. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 202-207

Une connoissance profonde des hommes, des pensées neuves, des caracteres bien saisis, des peintures vraies, des réflexions justes, en font aimer la lecture à ceux qui ne sont pas révoltés par un certain pédantisme qui ne devroit pas se trouver au milieu des belles qualités que nous venons d’y reconnoître.

2405. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 115-120

Les meilleurs morceaux de son Poëme [& l’on ne peut disconvenir qu’il n’y en ait un certain nombre de bons] sont défigurés par des tirades de Vers durs, gigantesques, puériles, incorrects, monotones, que la force & la nouveauté de quelques pensées ne sauvent pas de la critique.

2406. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 122-127

Ce n'est pas tout, Ronsard égara une foule d'Imitateurs, qui crurent, d'après son exemple, ne pouvoir mériter le suffrage des Lecteurs, qu'en entassant des mots barbares, qu'en étalant une folle érudition, & qu'en s'enveloppant dans un entortillage de pensées ; abus ridicule dont on ne tarda pas à revenir, & que tout esprit censé auroit rejeté avec indignation.

2407. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 387-391

Le plus grand défaut qu’on puisse reprocher à l’Abbé Trublet, c’est d’appuyer trop long-temps sur une même pensée, de la retourner en trop de façons différentes ; défaut qui prouve au moins l’injustice des traits lancés contre sa stérilité & son peu d’imagination.

2408. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Préface »

Le grand homme en tout ordre est celui qui, en vertu de lui-même et par suite de son accord avec l’âme des générations contemporaines ou postérieures, sans limites de temps, parvient à gagner à sa personne ou aux manifestations sensibles qui l’expriment, un nombre, proportionnel à sa gloire, de partisans, de croyants, d’admirateurs, qui, reconnaissant en lui leur type exemplaire, amplifient pour ainsi dire et répandent son être en consentant à faire ses volontés, à éprouver ses émotions, à concevoir ses pensées, à ressentir ses croyances.

2409. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IV. Le Père. — Priam. »

Étudiez le discours de Priam : vous verrez que le second mot prononcé par l’infortuné monarque est celui de père, πατρὸς ; la seconde pensée, dans le même vers, est un éloge pour l’orgueilleux Achille, θεοῖς ἐπιείκελ’ Ἀχιλλεῦ, Achille semblable aux dieux.

2410. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XII. Suite des machines poétiques. — Voyages des dieux homériques. Satan allant à la découverte de la création. »

Tantôt il raconte que le char du dieu vole comme la pensée d’un voyageur qui se rappelle, en un instant, les lieux qu’il a parcourus ; tantôt il dit : Autant qu’un homme assis au rivage des mers Voit, d’un roc élevé, d’espace dans les airs, Autant des Immortels les coursiers intrépides En franchissent d’un saut81.

2411. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre VIII. Des Églises gothiques. »

Plus ces temps étaient éloignés de nous, plus ils nous paraissaient magiques, plus ils nous remplissaient de ces pensées qui finissent toujours par une réflexion sur le néant de l’homme, et la rapidité de la vie.

2412. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre premier. Du Christianisme dans l’éloquence. »

La religion chrétienne a seule fondé cette grande école de la tombe, où s’instruit l’apôtre de l’Évangile : elle ne permet plus que l’on prodigue, comme les demi-sages de la Grèce, l’immortelle pensée de l’homme à des choses d’un moment.

2413. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre premier »

Chacun dit : « Je ne me mettrai pas » fût-ce par une pensée secrète, en travers de rien qui travaille au salut de la patrie. » Le prêtre songe de l’instituteur et l’instituteur du prêtre : « Puissé-je m’être trompé, chaque fois que j’ai douté de celui qui m’a méconnu. » Et tout Français qui voit le fils de son adversaire monter dans le train et prendre le chemin de la frontière, forme dans son cœur des vœux pour le jeune soldat et salue ses parents.

2414. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Lettre-préface à Henri Morf et Joseph Bédier » pp. -

Kant, Hegel et quelques autres ont tellement pénétré la pensée humaine, qu’on peut fort bien être influencé par eux sans les avoir jamais lus.

2415. (1881) Le roman expérimental

« La méthode expérimentale est la méthode scientifique qui proclame la liberté de la pensée. […] Son style, c’est sa pensée elle-même ; et comme cette pensée est toujours grande et forte, son style aussi est toujours grand, solide et fort. […] Et cette dignité, ce respect, cet élargissement, cette affirmation de sa personne et de ses pensées, à quoi le doit-il ? […] Je ne lui demande pas de penser comme moi, je le supplie simplement de ne pas dénaturer ma pensée. […] Cette pensée d’une littérature déterminée par la science le surprend et le déconcerte.

2416. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Transportez-vous par la pensée dans la chapelle royale. […] Traduisons correctement la pensée qu’une modestie de bon, —  goût l’empêchait d’exprimer tout entière. […] mais de la pensée. […] Le libertinage de la pensée ne se traduit, ni dans les lettres qu’elle écrit ni dans les lettres qu’elle reçoit, par la grossièreté du langage. […] Est-ce à dire que la pensée soit interdite aux peintres ?

2417. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Voici un papier qui nous en dira plus long sur les pensées et les actes de ce grand homme. […] Orphelin de père et de mère, il ne devait compte de ses actes qu’à sa conscience de gentilhomme et de ses pensées qu’à Dieu. […] Leur présence parmi nous devait nous induire en des pensées sages et nous proposer de salutaires exemples. […] Cependant d’autres soins réclamèrent les pensées de Jean Tzimiscès. […] Enfin, le cœur content, l’âme remplie de saintes pensées, il sortit de son extase.

2418. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

C’est là la pensée maîtresse du Faust, le plus grand drame de Marlowe : contenter son cœur, n’importe à quel prix et avec quelles suites50. « Un bon magicien est un Dieu tout-puissant !  […] De Shakspeare à Milton, à Swift, à Hogarth, nulle ne s’est plus soûlée de crudités et d’horreurs, et ses poëtes lui en donnent à foison, Ford encore moins que Webster, celui-ci un homme sombre, et dont la pensée semble habiter incessamment les sépulcres et les charniers. […] Ainsi conçu, l’amour devient une chose presque sainte : le spectateur n’a plus envie de faire le malin et de plaisanter ; elles songent non à leur bonheur, mais au bonheur de celui qu’elles aiment ; c’est le dévouement qu’elles cherchent, et non le plaisir. « On m’appela en hâte, dit Euphrasie à Philaster en lui contant son histoire87, pour vous entretenir ; jamais homme, —  soulevé tout d’un coup d’une hutte de berger jusqu’au trône, —  ne se trouva si grand dans ses pensées que moi. […] Mais toutes ces peurs, sitôt qu’elles sentent la flamme des pensées nobles, s’envolent et s’évanouissent comme des nuages. —  Supposez que ce soit la mort. —  Je l’ai supposé […] Il y a dix jours qu’elle ne dort plus et ne veut plus manger, et toujours la même fatale pensée lui serre la poitrine, parmi de vagues rêves de tendresse et de bonheur maternel frustré, qui reviennent en son esprit comme des fantômes98. « Nulle fausseté n’égale une promesse rompue.

2419. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Elles l’ont forcé à condenser, à contraindre, à diriger sa pensée, qui était naturellement diffuse et volontiers vagabonde. […] Il n’a pas été même effleuré par la pensée chrétienne. […] D’avoir un horizon de pensée exactement limité, cela mène tout droit à posséder la certitude. […] Ce désaccord entre la pensée publique et la pensée des Goncourt devait subsister. […] Ce besoin de sentir que l’âme des choses est à l’unisson de notre pensée, cela est non d’un tâcheron de plume, mais d’un poète.

2420. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Ainsi, par le seul effet de cette double loi, le poète agit d’une façon certaine sur la direction de nos pensées. […] Son regard ne pénètre pas plus profondément que sa pensée ; l’un et l’autre s’arrêtent aux surfaces et son génie se complaît dans les apparences. […] J’ajouterai, afin qu’on ne se méprenne pas sur ma pensée, que cette différence peut être considérée comme le fondement du jugement littéraire. […] Phèdre, surexcitée par la pensée qui l’obsède sans trêve, agitée par la fièvre qui la dévore, a voulu quitter sa couche, revoir la lumière du jour, peut-être retrouver quelques traces fatales de cet Hippolyte dont le fantôme habile sa pensée. […] C’est là son modèle ; il s’efforce d’en bien concevoir les formes lumineuses, qui se dessineront dans la chambre noire de sa pensée.

2421. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Avertissement de la première édition »

Il se tentait dans l’art, dans la poésie, dans les diverses branches de la pensée, quelque chose de nouveau à quoi le public n’était pas encore accoutumé ; il a fallu bien des efforts pour qu’il y fût définitivement conquis.

2422. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

En même temps que le corps se contracte par les frimas, la pensée se replie aussi sur elle-même ; la sensation du froid porte au repos, et le repos à la réflexion.

2423. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aubanel, Théodore (1829-1886) »

Le Beau est partout comme Dieu : il y a dans Aubanel réaliste à sa manière et quand sa pensée l’exige, un merveilleux poète de la nature.

2424. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Deroulède, Paul (1846-1914) »

Dans ce petit livre, que terminait un appel éloquent à Corneille, les accents cornéliens ne manquaient pas… Vous retrouverez dans les Chants du paysan l’impression des Chants du soldat, le même patriotisme et la même flamme ; et aussi la même supériorité de la pensée sur l’expression, quoique celle-ci soit souvent neuve et pleine.

2425. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Judith (1845-1917) »

La ligne du nez continue celle du front, comme aux âges heureux où les divinités marchaient sur la terre, car il a été donné au poète que ses filles fussent véritablement créées et modelées à l’image de sa pensée.

2426. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pottecher, Maurice (1867-1960) »

Alfred Mortier Dans tels poèmes, dans certains de ses contes, j’ai trouvé un artiste magnifiant ses pensées dans la forme large et belle d’un symbole en intime communion avec la nature profondément sentie et non à l’aide des artificiels joyaux dont parent l’idée tant de modernes poètes.

2427. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Theuriet, André (1833-1907) »

Aujourd’hui, nous avons le Jardin d’automne, des pensées d’arrière-saison pour ainsi dire, des effets du soir de la vie.

2428. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 317-322

Les Dialogues des Morts ne sont que des assauts de pensées brillantes, où l’Auteur cherche plus à étonner par les Interlocuteurs disparates, qu’à instruire en développant le vrai caractere.

2429. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

Sans s’attacher à cet appareil scientifique, à ces phrases prétendues sentencieuses, à ce contour pénible de pensées qu’on appelle du nerf, & qui ne donne au langage que de la gêne & de l’obscurité ; son style est simple, noble, ferme, lucide, correct, toujours plein de sentiment quand le sujet l’exige.

2430. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 51-56

Les Rhétoriques & les Poétiques publiées dans ce Siecle, ne sont guere que de longues amplifications des Pensées judicieuses du P.

2431. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Introduction » pp. 5-10

Il nous répugnerait autant de louanger un médiocre imitateur, un plat versificateur, que de méconnaître un tempérament original égaré dans des recherches malheureuses de style ou de pensées ?

2432. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

D’où il résulte que le plus faible des chevaliers ne tremble jamais devant un ennemi ; et, fût-il certain de recevoir la mort, il n’a pas même la pensée de la fuite.

2433. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IX. Application des principes établis dans les chapitres précédents. Caractère de Satan. »

… Un rang élevé rappellerait bientôt des pensées ambitieuses ; les serments d’une feinte soumission seraient bientôt démentis !

2434. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Dans cette image, je sectionne par la pensée tous les nerfs afférents du système cérébro-spinal. […] La matière devient ainsi chose radicalement différente de la représentation, et dont nous n’avons par conséquent aucune image ; en face d’elle on pose une conscience vide d’images, dont nous ne pouvons nous faire aucune idée ; enfin, pour remplir la conscience, on invente une action incompréhensible de cette matière sans forme sur cette pensée sans matière. […] Se demander si l’univers existe dans notre pensée seulement ou en dehors d’elle, c’est donc énoncer le problème en termes insolubles, à supposer qu’ils soient intelligibles ; c’est se condamner à une discussion stérile, où les termes pensée, existence, univers, seront nécessairement pris de part et d’autre dans des sens tout différents. […] Surtout, comment imaginer un rapport entre la chose et l’image, entre la matière et la pensée, puisque chacun de ces deux termes ne possède, par définition, que ce qui manque à l’autre ? […] Il a trop souvent fait ainsi de la matière une entité mystérieuse, qui, justement parce que nous n’en connaissons plus que la vaine apparence, pourrait aussi bien engendrer les phénomènes de la pensée que les autres.

2435. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Ceux qui veulent connaître ma vraie pensée sur le public parisien qui a pris part à la chute de mon Tannhæuser, au Grand-Opéra, n’ont qu’à lire le récit que j’ai fait, peu après, de cet épisode, et qui a été reproduit dans le septième volume de mes œuvres complètes. […] À inspirer cette double conversion, prodigieuse, quelles circonstances furent, quels mouvements intérieurs des pensées ? […] Avant de juger les théories énoncées, recréons-les entièrement, de notre création personnelle, mettant les pensées au point de notre spéciale intelligence. […] Nous remplacerons telle phrase, telle page, par ce que nous aurions, nous-mêmes, écrit, ayant, au fond, la même pensée. […] Bibliographie53 La maison Breitkopf et Hœrtel va publier prochainement Œuvres posthumes de Wagner, Esquisses, Pensées, Fragments.

2436. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Les formules démocratiques, énoncées d’abord dans une pensée de protestation, se sont ressenties de leur origine. […] De la pensée socratique, suivie dans deux sens contraires qui chez Socrate étaient complémentaires, sont sorties les doctrines cyrénaïque et cynique : l’une voulait qu’on demandât à la vie le plus grand nombre possible de satisfactions, l’autre qu’on apprît à s’en passer. […] Volontiers elle suivait la mode, fabriquant sans autre pensée que de vendre. On voudrait, ici comme ailleurs, une pensée centrale, organisatrice, qui coordonnât l’industrie à l’agriculture et assignât aux machines leur place rationnelle, celle où elles peuvent rendre le plus de services à l’humanité. […] Nous ne croyons pas à l’inconscient en histoire : les grands courants souterrains de pensée, dont on a tant parlé, sont dus à ce que des masses d’hommes ont été entraînées par un ou plusieurs d’entre eux.

2437. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Il appartient au temps où la statuaire n’exprimait que des types surhumains et des pensées éternelles. […] Vos idées prendront le tour simple des pensées antiques. […] La signification précise de ces rites échappe aux recherches de la pensée moderne. […] Le marbre et l’homme, la végétation et la pensée expriment inégalement sa grandeur. […] Il est d’une nature peu sérieuse et n’a de pensées que pour ses intérêts.

2438. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

De là cette faiblesse ou cette impuissance de la pensée spéculative, de la vraie poésie, du théâtre original, et de tous les genres qui réclament la grande curiosité libre, ou la grande imagination désintéressée. […] Avec le renouvellement universel de la pensée et de l’imagination humaine, la profonde source poétique qui avait coulé au seizième siècle s’épanche de nouveau au dix-neuvième, et une nouvelle littérature jaillit à la lumière ; la philosophie et l’histoire infiltrent leurs doctrines dans le vieil établissement ; le plus grand poëte du temps le heurte incessamment de ses malédictions et de ses sarcasmes ; de toutes parts, aujourd’hui encore, dans les sciences et dans les lettres, dans la pratique et la théorie, dans la vie privée et dans la vie publique, les plus puissants esprits essayent d’ouvrir une entrée au flot des idées continentales. […] Quand un industriel ou un marchand a gagné quelques millions, sa première pensée est d’acquérir une terre ; au bout de deux ou trois générations, sa famille a pris racine et participe au gouvernement du pays : de cette façon les meilleurs plants de la grande forêt populaire viennent recruter la pépinière aristocratique. […] Par la suppression des légendes et des pratiques, la pensée entière de l’homme a été concentrée sur un seul objet, l’amélioration morale.

2439. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

III Montesquieu avait vendu sa charge de président à mortier au parlement de Bordeaux pour être plus libre de ses mouvements et pour se livrer aux grandes pensées qui emplissaient son cerveau et demandaient à se formuler. […] L’homme, cet être flexible, se pliant dans la société aux pensées et aux impressions des autres, est également capable de connaître sa propre nature lorsqu’on la lui montre, et d’en perdre jusqu’au sentiment lorsqu’on la lui dérobe. […] De temps en temps, il voit juste, comme dans cette allusion à la France : « S’il y avait dans le monde une nation qui eût une humeur sociable, une ouverture de cœur, une joie dans la vie, un goût, une facilité à communiquer ses pensées ; qui fût vive, agréable, enjouée, quelquefois imprudente, souvent indiscrète, et qui eût avec cela du courage, de la générosité, de la franchise, un certain point d’honneur, il ne faudrait point chercher à gêner par des lois ses manières, pour ne point gêner ses vertus. […] Les lettrés les enseignèrent, les magistrats les prêchèrent ; et comme ils enveloppaient toutes les petites actions de la vie, lorsqu’on trouva le moyen de les faire observer exactement, la Chine fut bien gouvernée. » XXII Il est évident que ce premier volume de l’Esprit des Lois, rempli de quelques axiomes sages et vrais, et d’une nuée d’axiomes légers et inconsidérés, n’était point un livre de législation dans la pensée de Montesquieu, mais un recueil de premiers aperçus rassemblés par lui pour faire plus tard un livre.

2440. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Gaveaux avait rendu cette pensée rêveuse et ce charme de la solitude qui font le caractère d’Atala » et remarquait que « depuis deux mois les journaux sont attelés à ce roman, on en morcelle, on en altère chaque phrase, on le parodie sans esprit, on le plaisante sans gaîté » ; mais, ajoutait-il, « le nom de l’héroïne et de l’auteur seront dans toutes les bouches qui récompensent le succès ». […] « La littérature, formulait crânement Mme de Staël, est l’expression de la société. » En effet, on ne peut s’expliquer l’enthousiasme qui accueillit les premières productions romantiques de Chateaubriand que si l’on revit par la pensée les sentiments et les passions des femmes et des hommes qui les acclamaient et que si l’on reconstitue l’atmosphère sociale dans laquelle ils se mouvaient. […] Les hommes aimaient l’action et recherchaient le mouvement, ceux qui agissaient par la pensée étaient des énergiques de la trempe de Julien Sorel, de le Rouge et le Noir et non des énervés et des affadis, comme Obermann, Amaury de Volupté et Didier de Marion de Lorme. […] Elle s’indigne que « des fortes têtes regardent les travaux de la pensée, les services rendus au genre humain comme seuls dignes de l’estime des hommes… Mais combien d’êtres peuvent se flatter de quelque chose de plus glorieux que d’assurer à soi seul la félicité d’un autre.

2441. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Cette pensée, si elle n’est pas exprimée aussi nettement, ressort pourtant, en bien des endroits, du récit de Villehardouin. […] Nicétas, lu ainsi en regard de Villehardouin, provoque une foule de réflexions et de pensées.

2442. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Aussi n’est-ce point une vaine pensée de croire que les corps des hommes illustres ne sont pas tout à fait mortels, et qu’il y a quelque esprit au-dehors qui ne se détache jamais des linéaments admirables dont la nature marque les gens de cette condition, en sorte que dans leurs portraits on connaît leurs génies, et qu’on y voit toujours je ne sais quoi de vif : ainsi qu’aux médailles antiques on dirait que ces têtes romaines respirent encore dans le métal quelque chose de leur vieille vertu. […] Il pria le président Jeannin, comme sien ami et comme agréé de plus par le roi, de l’accompagner dans le voyage qu’il avait à faire à Paris où l’appelaient tous les siens : « Il s’y achemina dès lors, raconte le président, avec environ deux cents chevaux et mille ou douze cents hommes de pied, toujours en intention de se mettre en sûreté et à couvert par un traité ; mais ses troupes, qui étaient petites d’entrée, grossirent par les chemins. » Il apprenait en même temps que de tous côtés dans le royaume, au bruit de l’attentat de Blois, des levées et des mouvements se faisaient en sa faveur ; la pensée de soumission s’affaiblit alors et fit place, dès qu’il y eut jour, au désir naturel de la vengeance.

2443. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Et il insiste sur ce que ce n’est point là le spectacle et la décoration des montagnes centrales, de ces hauteurs désolées et de ces déserts, où l’œil ne rencontre plus rien qui le rassure ; où l’oreille ne saisit pas un son qui appartienne à la vie ; où la pensée ne trouve plus un objet de méditation qui ne l’accable ; où l’imagination s’épouvante à l’approche des idées d’immensité et d’éternité qui s’emparent d’elle ; où les souvenirs de la terre habitée expirent ; où un sombre sentiment fait craindre qu’elle-même ne soit rien… Ici l’on n’est pas hors du monde ; on le domine, on l’observe : la demeure des hommes est encore sous les yeux, leurs agitations sont encore dans la mémoire ; et le cœur fatigué, s’épanouissant à peine, frémit encore des restes de l’ébranlement. […] Mais en même temps et en attendant que cette épopée encore à naître fut venue, Ramond, vers 1807, savait fort bien déterminer le caractère littéraire d’un siècle qui était le sien et qui a aussi sa force et son originalité : On le dépréciera tant qu’on voudra ce siècle, disait-il, mais il faut le suivre ; et, après tout, il a bien aussi ses titres de gloire : il présentera moins souvent peut-être l’application des bonnes études à des ouvrages de pure imagination, mais on verra plus souvent des travaux importants, enrichis du mérite littéraire… Nos plus savants hommes marchent au rang de nos meilleurs écrivains, et si le caractère de ce siècle tant calomnié est d’avoir consacré plus particulièrement aux sciences d’observation la force et l’agrément que l’expression de la pensée reçoit d’un bon style, on conviendra sans peine qu’une alliance aussi heureuse de l’agréable et de l’utile nous assure une place assez distinguée dans les fastes de la bonne littérature.

2444. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Ses Commentaires, ainsi nommés très justement, sont dans sa pensée un livre tout pratique, destiné à instruire la jeune noblesse de son temps et à la former au métier des armes. […] Lui qui n’a point lu les livres ni étudié, il a de belles et grandes paroles que lui envierait un Chateaubriand et tout écrivain d’éclat, et comme les trouvent parfois, sans tant de façons, ceux qui, avec une pensée vive et une âme forte, écrivent ou dictent en tenant l’épée.

2445. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il s’adressait d’ailleurs à une population déjà exercée et aguerrie ; dès avant son arrivée et au premier cri de cette indépendance menacée, la population de Sienne, et les femmes les premières, avaient eu l’idée de s’organiser pour la défense et d’y aider de leurs mains : à ce souvenir et à la pensée de ce que lui-même a vu de bonne grâce généreuse et patriotique en ce brave et joli peuple, Montluc s’émeut ; son récit par moments épique redouble d’accent ; quelque chose de l’élégance et de l’imagination italienne l’ont gagné : Il ne sera jamais, dames siennoises, que je n’immortalise votre nom tant que le livre de Montluc vivra : car, à la vérité, vous êtes dignes d’immortelle louange, si jamais femmes le furent. […] Montluc termine ses mémoires par une grande pensée et comme une vue d’éternité.

2446. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

» cette pensée mélancolique, ce Tu Marcellus eris est comme un refrain funèbre qui retentit de lui-même à notre oreille chaque fois qu’on prononce un de ces noms. […] Je me risquerai donc, à propos de cette singulière modestie de Joubert, à rappeler la pensée d’un moraliste de l’école de La Rochefoucauld : Une modestie obstinée et permanente est un signe d’incapacité pour les premiers rôles, car c’est déjà une partie bien essentielle de la capacité que de porter hardiment et tête haute le poids de la responsabilité ; mais de plus cette modestie est d’ordinaire l’indice naturel et le symptôme de quelque défaut, de quelque manque secret ; non pas que l’homme modeste ne puisse faire de grandes choses à un moment donné, mais les faire constamment, mais recommencer toujours, mais être dans cet état supérieur et permanent, il ne le peut, il le sent, et de là sa modestie qui est une précaution à l’avance et une sorte de prenez-y-garde.

2447. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

. — Le fait est que M. de Laprade adressait au chêne sous lequel il était assis des déclarations de sympathie, de fraternité ; il se faisait chêne par la pensée, comme Maurice de Guérin s’était fait centaure ; il se plaisait à se sentir végéter en idée ; il disait à son arbre : Pour ta sérénité, je t’aime entre nos frères. […] Mais en conscience, je ne savais pas M. de Laprade si étouffé ni si comprimé dans sa voix et dans ses pensées ; je ne le savais pas si mal apparenté avec le régime actuel5.

2448. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Je l’aime mieux quand ses longueurs portent sur le caractère merveilleux du Christianisme, sur le règne de la charité, sur l’explication qu’il donne de la folie et du mystère de la Croix, qu’il semblait déjà avoir épuisé ; mais encore est-il décidément trop long, traînant ; il abonde dans ses pensées ; il y nage, mais il s’y noie. […] Disons la vérité et rendons toute notre pensée sans détour.

2449. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Vuillart, entrant dans la pensée de son ami, pensée qui eût fait sourire un profane, mais où lui ne voyait qu’un sujet d’édification de plus, répondait assez agréablement : « Il eût été à désirer, monsieur, que l’on eût fait cadrer en tout la comparaison de Tobie le jeune et de la jeune Sara avec nos jeunes et nouveaux conjoints.

2450. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Plus de soixante ans après, au terme de sa carrière, M. de Talleyrand, adressant à l’Académie des sciences morales et politiques l’Éloge de Reinhard, prenait plaisir à remarquer que l’étude de la théologie, par la force et la souplesse de raisonnement, par la dextérité qu’elle donnait à la pensée, préparait très bien à la diplomatie ; c’en était comme le prélude et l’escrime ; et il citait à l’appui maint exemple illustre de cardinaux et de gens d’Église qui avaient été d’habiles négociateurs. […] Voltaire, — et j’entends le Voltaire du fond, de la pensée de derrière, tout ce qu’il y avait d’éclairé et de prophétique dans Voltaire, — eût été pour la Révolution, et je ne crois pas être loin du vrai en répondant : Talleyrand à l’Assemblée Constituante, c’est assez bien Voltaire en 89, un Voltaire moins irritable et sans les impatiences : mais aussi Voltaire avait de plus le feu sacré.

2451. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Tandis que la poésie antique ne connaissait que la passion physique, et, pour rendre raison de la force de l’amour, regardait le désir allumé par Vénus dans la nature entière à la saison nouvelle, la poésie moderne, par une orientation toute contraire, assimilera l’amour humain à l’amour divin et en fondera la puissance sur l’infinie disproportion du mérite au désir Même quand le terme réel de l’amour appartiendra à l’ordre le plus matériel et terrestre, la pensée et la parole s’en détourneront, et c’est à peine si, comme indice de ses antiques et traditionnelles attaches au monde de la sensation physique, il gardera ces descriptions du printemps, saison du réveil de la vie universelle ; encore ces descriptions seront-elles de moins en moins sincères et vivantes, et ne subsisteront-elles chez la plupart des poètes que comme une forme vide de sens, un organe inutile et atrophié. […] Dans le lyrisme savant, en résumé, rien n’est populaire, ni fond, ni forme ; par le raffinement des pensées, par l’artifice des vers, ces œuvres procèdent d’une essentielle aversion pour le vulgaire naturel : au bon sens, elles substituent l’esprit, et se proposent le plaisir d’une élite d’initiés, non l’universelle intelligibilité.

2452. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Or je le réimprime : « Il y a ceux dont la clameur jeta l’idée sur le déploiement des villes grises et bleuâtres, par-dessus les dômes des académies, les colonnes de victoire, les jardins d’amour, les halles en fer du commerce, les astres électriques éclairant les essors des express ou les remous nerveux des foules, jusque les océans de sillons fructueux, jusque les gestes du semeur et l’effort solitaire du labour, jusqu’aux lentes pensées du rustre fumant contre l’âtre, jusqu’à l’espoir du marin penché aux bastingages pour suivre la palpitation lumineuse de la mer. » Voyez-vous là un mot inintelligible ? […] Toutes les banalités sont claires, en ce sens qu’elles ne provoquent pas d’étonnement, qu’elles transmettent une pensée sans exercer aucune pression sur le cerveau récepteur.

2453. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Il est difficile d’admettre que celui qui les écrivait fût le moins du monde touché d’une pensée religieuse. Pourtant, comme on suppose que les dernières parties en ont été écrites vers cette époque de 1675-1676, il serait téméraire de dire qu’une pensée de ce genre n’ait pas fini par germer dans le cœur du cardinal de Retz.

2454. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Parmi les notes et extraits de ses lectures, qui datent de cette époque, on lit comme par pressentiment une pensée de Mme de Sévigné : « Ne quittez jamais le naturel, cela compose un style parfait. » Pour le préserver pourtant, quelques années encore, des amorces d’un monde trop présent et pour diversifier ses études, M.  […] Lorsqu’il l’eut perdue, il dirigea plus habituellement sa pensée vers ce lieu du rendez-vous suprême que se donnent les âmes aimantes.

2455. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

. — En France, le triomphe du catholicisme est aussi celui de l’unité nationale ; « Paris vaut bien une messe » n’est pas une boutade, c’est un mot qui résume une grande nécessité ; ce catholicisme-là n’asservit pas la pensée ; pour plusieurs écrivains, qui nous l’ont dit expressément, il est la liberté ; il ne soumet pas la France à la Papauté, il mène au gallicanisme de Bossuet ; de même, la tradition académique, malgré tous ses défauts, contribue à la discipline nationale. […] La Révolution française, la pensée allemande, et surtout le travail original de nombreux savants, critiques et patriotes italiens ont transformé l’esprit général ; il y a maintenant en Italie une grande espérance, héroïque et joyeuse chez les uns, douloureuse chez les autres par contraste avec la réalité de la domination étrangère.

2456. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Voilà une occasion de regarder de près une de ces images fraîches au moment même où elle descend dans le mécanisme de notre pensée et s’incorpore à l’habitude de notre langage. […] Les termes, l’accent, le rythme même de pensée qu’emploie ici M. 

2457. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Notice sur M. G. Duplessis. » pp. 516-517

. — Il préparait dans les derniers temps une édition des Pensées de La Rochefoucauld, qui doit paraître chez le libraire Jannet119.

2458. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Il s’indignait même à la seule pensée de la résistance de Paris et faisait les plus belles phrases de rhétorique du monde sur le boulet qui viendrait éclater au milieu du musée et détruire les plus beaux chefs-d’œuvre de l’art, etc., etc.

2459. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXI » pp. 281-285

Tranchons le mot, tout cela est triste et honteux pour les Lettres, et nous avions grand’raison d’insister sur la nécessité pour le véritable homme littéraire et pour le poëte de modérer ses goûts, ses désirs de bien-être matériel, et de se tenir dans une certaine médiocrité, nourrice des bonnes et saines pensées.

2460. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

A parler sérieusement, il n’est qu’un cas où le personnage vivant ait plein droit d’invoquer avec éclat et franchise l’attention publique sur l’intimité de ses pensées et de sa vie ; c’est quand ce personnage est public lui-même, que ses actes extérieurs sont dévolus à l’opinion, et qu’il les discute par-devant elle : ses mémoires ne sont rien alors qu’un plaidoyer qu’il lance dans les débats, et le procès se poursuit jusqu’à ce que vienne l’histoire.

2461. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Le poète aurait pu dire encore qu’il avait, fort jeune, et en plus d’une circonstance mémorable, donné à la monarchie et au prince d’humbles gages qu’il ne séparait point, dans sa pensée, des autres gages qu’on devait donner aussi aux libertés et aux institutions du pays ; il aurait pu (et le roi l’eût cru sans peine) protester de son aversion contre toute malice détournée, de sa sincérité d’artiste, de sa bonne foi impartiale à l’égard des personnages que lui livrait l’histoire ; et, alors, la conversation tombant sur le caractère de Louis XIII, et sur le plus ou moins de danger ou de convenance qu’il y aurait à le laisser paraître dans la pièce en litige, le poëte eût pu expliquer à loisir à l’auguste Bourbon que le drame n’ajoutait rien là-dessus, retranchait bien plutôt à ce qu’autorisait la franchise sévère de l’histoire, et que l’image de temps si éloignés et si différents des nôtres ne pouvait le moins du monde paraître une indirecte contrefaçon du présent.

2462. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

Joubert… quelques pensées de lui sont ce qu’on a écrit de mieux en fait de critique littéraire des Grecs.

2463. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Mais il faut être bien sûr de soi, bien maître de sa pensée et de la langue.

2464. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XVI. Le Paradis. »

Tout est machine et ressort, tout est extérieur, tout est fait pour les yeux dans les tableaux du paganisme ; tout est sentiment et pensée, tout est intérieur, tout est créé pour l’âme dans les peintures de la religion chrétienne.

2465. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

Il nous semble qu’on a vanté trop exclusivement son Petit Carême : l’auteur y montre, sans doute, une grande connaissance du cœur humain, des vues fines sur les vices des cours, des moralités écrites avec une élégance qui ne bannit pas la simplicité ; mais il y a certainement une éloquence plus pleine, un style plus hardi, des mouvements plus pathétiques et des pensées plus profondes dans quelques-uns de ses autres sermons, tels que ceux sur la mort, sur l’impénitence finale, sur le petit nombre des élus, sur la mort du pécheur, sur la nécessité d’un avenir, sur la passion de Jésus-Christ.

2466. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lundberg » pp. 169-170

Quand je dis de La Tour qu’il est machiniste, c’est comme je le dis de Vaucanson, et non comme je le dirais de Rubens ; voilà ma pensée pour le moment, sauf à revenir de mon erreur, si c’en est une.

2467. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 28, de la vrai-semblance en poësie » pp. 237-242

Les sentimens où il n’y a rien de merveilleux, soit par la noblesse ou par la convenance du sentiment, soit par la précision de la pensée, soit par la justesse de l’expression, paroissent plats.

2468. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

Mais du moins il faut l’être avec une telle désinvolture, avec une telle verve, avec un tel style, que, l’œuvre d’art dominant tout, le livre ne soit plus qu’une forme, une arabesque de la pensée, une volupté littéraire, et non une prétention à la science et à l’aperçu.

2469. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Échappant aux règles du goût par l’excentricité même de sa nature intellectuelle, — car c’est un excentrique que Mercier, et il a je ne sais quoi dans l’esprit qui rappelle la bizarrerie de certaines imaginations anglaises, — méconnaissant l’autre règle de la vie, plus importante que le goût, c’est-à-dire la religion, qui, en nous éclairant le cœur, fait monter la lumière jusqu’à la pensée, Mercier s’adapte exactement à l’époque qu’il a plutôt inventoriée que peinte.

2470. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VII » pp. 278-283

Le caractère individuel d’Homère, disparaissant ainsi dans la foule des peuples grecs, il se trouve justifié de tous les reproches que lui ont faits les critiques, et particulièrement de la bassesse des pensées, de la grossièreté des mœurs, de ses comparaisons sauvages, des idiotismes, des licences de versification, de la variété des dialectes qu’il emploie ; enfin d’avoir élevé les hommes à la grandeur des dieux, et fait descendre les dieux au caractère d’hommes.

2471. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Des pensées de suicide l’assiégent, et il ne se tuera pas ; des projets d’émigration en Amérique le tentent, et il n’émigrera pas. […] Le post-scriptum précédent a tellement sa gravité, qu’il se rattache au début de la prochaine lettre ; il faut se donner encore pendant quelque espace l’entier spectacle de cette libre pensée qui court, qui s’ébat, qui se prend atout sujet, qui a en un mot tout le mouvement varié d’une intime conversation. […] Cette question est sans exagération la chose la plus extraordinaire que vous ayez dite, pensée ou écrite de votre vie : elle mériterait un long sermon et une plus longue bouderie ; mais je suis trop paresseux pour prêcher par lettre et trop égoïste pour vous bouder. […] De retour en Suisse dans les derniers mois de cette année (1795), il n’avait de pensée que pour les affaires publiques et pour Paris. […] Elle en gardait très-peu, il est le premier à l’attester : « Je veux faire rougir une personne que j’aime de sa disposition à prendre ma plus simple, ma plus naïve pensée pour un mensonge prémédité… » Une pensée naïve  !

2472. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Je ne voudrais pas qu’on se méprît sur ma pensée, ni qu’on crût le moins du monde que j’exclus l’artiste des vraies, sincères et profondes affections de la vie ; tellement que ce qu’il gagne du côté de la tendresse, il le perde du côté de l’art, et que, pour arrondir le domaine de l’un, il faille nécessairement circonscrire l’autre. […] Mais Arnault, que le général avait chargé de la négociation et qui échoua, nous fait remarquer que Ducis, « hardi par la pensée, n’était rien moins qu’aventureux dans les actions. » Nous le savons de reste. […] Un libraire se rencontrera-t-il pour donner corps à cette bonne pensée, plus honorable qu’intéressée assurément ?

2473. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

L’ancienne Académie française étant morte, ayant été détruite et supprimée comme toutes les Académies en 1793, la Convention nationale, qu’assaillirent d’abord des soins plus impérieux que ceux de la littérature et des arts de la paix, la Convention, sitôt pourtant qu’elle y vit jour, se recueillant au lendemain de la Terreur et des proscriptions, aspirant à instituer, à laisser après elle un régime républicain éclairé et durable, eut une grande pensée, digne couronnement du xviiie  siècle : elle fonda l’Institut par cette parole créatrice et féconde : « Il y a pour toute la République un Institut national chargé de recueillir les découvertes, de perfectionner les arts et les sciences174. » Cet Institut national, dans sa simplicité première, composé de cent quarante-quatre membres résidant à Paris et d’un égal nombre d’associés répandus dans les différentes parties de la République, et pouvant aussi s’associer des savants étrangers au nombre de vingt-quatre, se divisait en trois classes : la première comprenant les Sciences physiques et mathématiques ; la seconde, les Sciences morales et politiques ; la Littérature avec les Beaux-Arts formait la troisième classe. […] On redoutait jusqu’à l’ombre de la dictature, même dans l’ordre de la pensée ; que dis-je ! […] Elle fit, ce jour-là, sa rentrée dans le grand courant du sentiment public, de la pensée nationale d’alors, et elle confirma hautement cette disposition par le choix qu’elle fit, quelques mois après, de M. 

2474. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Souvent, Wagner a ressenti le besoin de s’expliquer à lui-même cet ouvrage ; ses explications, les contradictions qu’elles renferment, l’étude approfondie de l’œuvre telle que nous la possédons sur le théâtre, tout concourt pour nous démontrer que — du point de vue qui nous occupe actuellement, celui de l’état d’âme du Maître pendant cette période de la genèse de Lohengrin — c’est le doute qui caractérisa sa pensée. […] Houston Stewart Chamberlain Le système harmonique de Richard Wagner63 Si l’on ouvre pour la première fois l’une ou l’autre de ces volumineuses partitions qui s’appellent Tristan, les Maîtres chanteurs, l’Anneau du Nibelung ou Parsifal, on considère d’abord avec étonnement, avec effroi même, ces pages noires de notes, ces portées où grimace la silhouette inédite de traits compliqués et bizarres, ce fouillis où s’entassent dièses, bémols, points, syncopes, tous les signes enfin propres à traduire sur le papier la pensée du compositeur, signes d’autant plus nombreux que la pensée est plus raffinée.

2475. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

On me le peint encore, dans cette même demi-teinte à la fois fidèle et adoucie, arrivant tard à la littérature sérieuse, ne s’y naturalisant qu’avec effort ; s’en distrayant souvent ; s’essayant de bonne heure à des sujets de poésie plus ou moins imités de l’anglais, de l’allemand, à de petites pièces remarquables de ton et de coloris, mais où l’expression trahissait la pensée, et qu’il a corrigées et retravaillées depuis, sans les rendre plus parfaites et plus faciles ; « nature exquise pour l’intelligence, avec des moyens de manifestation insuffisants ; point d’amour-propre en tête-à-tête, humble aux observations dans le cabinet, douloureux et hargneux devant le public ; généreux de mœurs et désintéressé, mais faisant mille tours à ses amis et à lui-même. » D’un cœur ardent, passionné, d’un tempérament vif et amoureux, il avait un grand souci de sa personne et de tout ce qui mène à plaire. […] Après avoir marqué les divers caractères des sites qu’elle parcourt, le romancier continue en exprimant une de ces pensées familières à tous, mais qu’on aime toujours à retrouver : Il est bien peu d’hommes qui puissent revoir sans émotion le lieu où ils ont commencé à vivre. […] Dans les lettres que Carlin écrit de Paris, c’est moins l’acteur de la Comédie italienne qui parle, que M. de Latouche lui-même jugeant et persiflant les coteries littéraires de 1826, se moquant de l’alexandrin consacré : « En France, écrit Carlin, ces longues choses à qui je ne sais quel Alexandre a donné son nom, sont toujours terminées par des rimes : cela tient lieu de pensées. » Toute cette partie du livre se ressent, à première vue, de la querelle classique et romantique, de même qu’une grande part aussi est faite aux préoccupations antijésuitiques du moment.

2476. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

» Il me regarda de l’air étonné d’un homme, qui voit percer le secret de sa pensée, et me répondit, en appuyant sur chaque mot : « Je sens que je ne pourrai plus jamais travailler… plus jamais !  […] Il monte en moi un apaisement doux et triste, produit par la pensée de le voir délivré de la vie. […] L’impitoyable « Jamais » ne peut faire partie permanente de ma pensée.

2477. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Néanmoins ces maximes générales exprimées par le peuple, et qui prenaient plus de vérité et plus de chaleur, parce qu’elles lui paraissaient suggérées par la conduite de ses chefs et par les malheurs qui rejaillissaient sur lui-même ; cette opinion publique, personnifiée en quelque sorte, et qui allait chercher au fond de mon cœur mes propres pensées, pour me les présenter avec plus de précision, d’élégance et de force ; cette pénétration de poëte, qui devinait ce que je devais sentir, et donnait un corps à ce qui n’était en moi qu’une rêverie vague et indéterminée, me firent éprouver un genre de satisfaction dont je n’avais pas encore eu l’idée. […] Tout l’univers s’adresse à l’homme dans un langage ineffable qui se fait entendre dans l’intérieur de son âme, dans une partie de son être inconnue à lui-même, et qui tient à la fois des sens et de la pensée. […] Chacun, dans le sanctuaire de sa pensée, s’explique cette voix comme il le peut ; chacun s’en tait avec les autres, parce qu’il n’y a point de paroles pour mettre en commun ce qui jamais n’est qu’individuel.

2478. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Causeur charmant, aimable jusqu’à l’âge, vous le voyez, de soixante-cinq ou six ans, parlant de toute chose, laissant aller son imagination et sa douce fantaisie à travers tous les sujets, papillon non seulement du Parnasse, mais en quelque sorte de l’univers, aimant la discussion, et puis enfin, peut-être un peu brusquement s’échappant, mon Dieu, parce qu’il peut en avoir assez de la société dans laquelle il est, ou plutôt, et j’en suis sûr, plutôt parce qu’une pensée particulièrement chère lui est venue, une pensée favorite, en quelque sorte, qu’il veut suivre dans cette solitude si féconde qu’il aime tant. […] Est-elle belle, cette longue phrase sinueuse, traînante, qui est figurative de la pensée qui se traîne, en effet, et qui s’attarde sur des souvenirs lointains et chéris ?

2479. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Quelque sujet dont il parle, il n’a jamais qu’un but, qu’une pensée. […] Mais à supposer même qu’en effet l’homme ne soit rien qu’un animal, et que nos sentiments, nos désirs, nos pensées mêmes et nos convictions soient uniquement les résultats nécessaires du jeu de nos organes, de notre constitution, je répondrai que la physiologie doit être laissée aux physiologistes ; méfions-nous de la physiologie littéraire autant que de la musique d’amateurs. […] On n’a point été conduit par une pensée philanthropique et populaire.

2480. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

C’est un morceau de haut goût, violemment plaisant par le contraste que font la dignité du langage, la majesté des arguments et l’élévation des pensées avec l’objet de la plainte et la condition de l’orateur. […] (Comparez à Solness le livre original, chargé de pensée, fumeux parfois, et d’une beauté sombre, de M.  […] La pensée est impie et le drame est pieux. […] Je ne vois rien dans la pensée humaine qui n’ait rencontré son expression scénique. […] Il fallait d’autant plus se défier d’Une Page d’amour que, dans la pensée du maître, Une Page d’amour est un roman chaste.

2481. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Cet optimiste, impatient de vivre, fut cependant obsédé par la pensée de la mort […] Cette familiarité allait bien avec sa perpétuelle ébullition de pensée. […] » — « Mais oui, lui dis-je, beaucoup. » Il renifla et ôta son monocle, n’osant dire toute sa pensée. […] L’idée ne m’était jamais venue que Moréas eût pu être tourmenté un seul instant par la pensée de la mort. […] Elle heurtait son âme à cette pensée, comme on heurte son front à la pierre d’un cachot. « Oui, pourquoi ?

2482. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

René d’Argenson semble croire qu’à cette distance de plus d’un siècle il a plus de droits qu’un autre sur ceux qu’il appelle les siens, et qui par leurs actes ou leurs pensées sont dévolus à l’histoire.

2483. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

On pourrait dire aussi que Soumet récite à l’un de ses amis quelques vers de sa Clytemnestre, de sa voix la plus flûtée, et ajoute : « En voilà, mon cher, et du meilleur, on vous en fera ainsi tant que vous en voudrez. » Le succès de Lucrèce, si légitime qu’il soit, me suggère ces deux pensées, ces deux petits axiomes critiques : 1° En France, pour réussir en matière littéraire, il ne faut rien de trop, mais toujours et avant tout une certaine mesure.

2484. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Il l’a été de Lamennais d’abord en politique, de Victor Hugo en architecture et en art moyen âge : il développe avec un zèle tranchant et avec une logique assez éclatante les idées et les thèses des autres ; mais il a peu d’idées à lui, aucune pensée intermédiaire.

2485. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

Mais ce qui ne nous a pas intéressé le moins dans la lecture de ces volumes, ce sont les divers endroits qui nous servaient à reconnaître et à composer dans notre pensée l’image de l’auteur même.

2486. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

Dans une lettre, on passe d’une chose à l’autre au hasard de la pensée et de l’occasion, on ne s’inquiète pas qu’elle soit décousue.

2487. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Gaston Deschamps L’auteur de la Vie des chambres , du Cœur de l’eau, des Cloches du dimanche et de Au fil de l’âme murmure si bas, si bas, ses chansons tristes, que souvent sa voix hésite, s’éteint et que sa pensée fuit, dans un clair-obscur de limbes.

2488. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

Il fallait le don verbal et la sublimité de pensée propres à un pareil poète pour en réaliser aussi parfaitement la figure.

2489. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 512-518

Les bonnes plaisanteries, les tours heureux, les pensées courageuses, les expressions énergiques qu’on trouve sur-tout dans celle qu’il a intitulée Mon dernier mot, prouvent qu’il a un talent marqué pour ce genre de Poésie, & nous l’invitons à le cultiver.

2490. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Peu d’Ouvrages offrent autant d’exemples de ce sublime, qui consiste dans l’expression simple d’une grande pensée.

2491. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

C’est ici le lieu de s’étonner que Louis XIV, qui protégeoit les talens & sentoit le prix de ceux de Moliere, [à qui il donna plus d’une fois des marques d’estime], n’ait pas eu la pensée de le mettre, par ses bienfaits, au dessus de son état, & de lui faire quitter une profession qui ne pouvoit que nuire à la perfection de son génie.

2492. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Cette découverte fit changer de face à la création : par sa partie intellectuelle, c’est-à-dire par cette pensée de Dieu que la nature montre de toutes parts, l’âme reçut abondance de nourriture ; et par la partie matérielle du monde, le corps s’aperçut que tout avait été formé pour lui.

2493. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

On acquiert à force de mediter l’habitude de transporter à son gré sa pensée d’un objet sur un autre, ou de la fixer sur un certain objet.

2494. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

S’ils ne contiennent pas une action il faut qu’il y ait un ordre ou sensible ou caché, et que les pensées y soient disposées de maniere que nous les concevions sans peine, et que nous puissions même retenir la substance de l’ouvrage et le progrès du raisonnement.

2495. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XII »

Qu’attendre de ses adversaires, si les critiques amis méconnaissent à ce point votre pensée ?

2496. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

Ni vous ni moi nous ne pouvons savoir ce que vous trouverez, ce qui en résultera, et je n’ai jamais prétendu, corrigées ou non, que vos pensées vaudront celles des grands écrivains ; je suis seulement convaincu qu’il n’y a pas d’autre moyen de perfectionner ses dons naturels et de mettre en œuvre son propre talent.

2497. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVII »

»‌ Or, non seulement je ne le proscris pas, ce genre de phrases, mais j’ai déclaré formellement ceci, de peur qu’on ne se méprenne :‌ « Cela ne veut pas dire qu’on doive proscrire ces expressions, Il y a des cas où il les faut, où elles sont très belles et où rien ne peut les remplacer… On peut se permettre ces locations et on les trouve chez les meilleurs écrivains ; mais c’est la continuité qui crée la banalité et le caractère incolore du style. »‌ Pourquoi nos adversaires tronquent-ils toujours notre pensée et ne rapportent-ils que la moitié de nos opinions ?

2498. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Le mécanisme de cette jonction est très simple, et ici la pensée animale conduit naturellement à la pensée humaine. — Quand un chien voit dans une rigole ou dans un creux un liquide coulant, inodore, incolore et clair, cette perception, en vertu de l’expérience antérieure, suscite en lui par association l’image d’une sensation de froid, et la perception, jointe à l’image, fait chez lui un couple. […] Qu’est-ce à dire, sinon qu’à défaut de la vue claire vous avez le sentiment confus de cette soudure, et que la jonction existe entre les deux membres de votre pensée, sans que vous puissiez montrer précisément les points de jonction ? […] À présent, comparons une de ces collections avec une autre collection analogue98, et faisons correspondre, par la pensée ou autrement, un premier objet de la première avec un premier objet de la seconde, un second avec un second, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’une des deux soit épuisée. […] À présent, comparons une ligne à une ligne, ou une surface à une surface, et, par la pensée ou autrement, transportons la seconde sur la première, en ayant soin dans ce transport de ne rien changer à la seconde. […] Par la pensée, et avec la confirmation auxiliaire des faits sensibles, nous faisons correspondre, membre à membre, deux grandeurs artificielles, ou nous faisons coïncider, élément à élément, deux grandeurs naturelles ; si cette correspondance ou cette coïncidence sont absolues, l’idée d’égalité naît en nous.

2499. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Celui qui lit un poète lyrique, s’isole dans sa rêverie ; celui qui lit un roman, prend part à une action… en pensée : celui qui va au théâtre, entre en contact direct avec la masse ; auteur et spectateur obéissent à la psychologie des foules. […] Balzac, Chapelain, Descartes, Pascal, Bossuet, Boileau, tant d’autres encore, voilà les ouvriers, modestes ou éminents, de la pensée classique. […] Sa tragédie, d’un calme apparent si classique, ouvre alors un monde en raccourci ; cette forme étroite ne l’a point gêné ; il était de ces génies qui, par un art merveilleux, entrent en toutes choses, et plient toutes formes à leur pensée ; qui sont forts sans violence, ardents sans rhétorique, profonds sans obscurité. […] Après avoir parcouru le domaine des œuvres purement littéraires, il faudrait reprendre, en dehors de la question des genres, quelques-uns de ceux que j’ai nommés les ouvriers de la pensée classique. […] Que, dans une histoire de la langue, on nomme Pascal comme on nomme Calvin, ou, en Allemagne, Luther, soit ; qu’on le prenne, après Descartes, et par opposition à lui en le rapprochant de Montaigne, comme un représentant insigne de la pensée française au xviie  siècle, et qu’on dise à propos de lui toute l’importance du Jansénisme dans la littérature de l’époque, cela est nécessaire ; mais, pour l’essentiel, qu’on le remette dans son domaine, parmi les moralistes ; non dans l’art qui resplendit en œuvres définitives, mais dans la pensée qui cherche la voie, comme un pilote dans la nuit.

2500. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Oui, nous avons fait de la littérature facile ; oui, nous avons jeté au vent les précieux trésors de l’âme, la pensée qui est l’âme du style, le style qui est le coloris de la pensée ; oui, nous avons raconté à qui voulait l’entendre le premier battement de notre cœur ; oui, nous avons gaspillé toute notre jeunesse poétique au hasard : en voici ! […] Non, non, je le sais, telle n’a pas été votre pensée. […] Voltaire a commencé cette révolution dans les produits de l’imagination et de la pensée. […] » Dans sa pensée, à ce mot-là : Je suis Monteil, M. le préfet devait se dire : « Allons, Soyons justes. […] Qui nous eût dit que cet homme si puissant par la pensée, par la parole, par le style, était un homme mort ?

2501. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Mais l’ouvrage, arrivé à ce tome 12e et au xiie  siècle, et n’étant plus soutenu par la pensée active du fondateur, était resté interrompu durant près de cinquante ans, lorsque l’Institut le reprit sous l’Empire. […] Qu’on me permette encore un retour d’un moment sur ce premier fondateur et sur sa noble pensée.

2502. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Ce vaisseau, dont chaque partie et chaque agrès est un vice et une méchante pensée, est décrit d’une façon ingénieuse et pédantesque qui rentre déjà tout à fait dans le genre faux du xive  siècle, et qui signale une véritable décadence dégoût en même temps qu’un raffinement très habile dans les idées. […] Le bon chevalier Beaumanoir va vers lui, et lui dit dans un sentiment tout humain qui est rare au Moyen Âge, qui manque chez Froissart, historien de cour, et qu’on est heureux de retrouver ici : Chevaliers d’Angleterre, vous faites grand péché De travailler les pauvres, ceux qui sèment le blé… Si laboureurs n’étaient, je vous dis ma pensée, Les nobles conviendrait travailler en l’airée (aux champs), Au fléau, à la houe, et souffrir pauvreté ; Et ce serait grand peine quand n’est accoutumé.

2503. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Et Arago de son côté repassant sur ses souvenirs : Au moment où j’écris ces lignes, dit-il, vieux et infirme, avec des jambes qui peuvent à peine me soutenir, ma pensée se reporte involontairement sur cette époque de ma vie où, jeune et vigoureux, je résistais aux plus grandes fatigues et marchais jour et nuit dans les contrées montagneuses qui séparent les royaumes de Valence et de Catalogne du royaume d’Aragon, pour aller rétablir nos signaux géodésiques que les ouragans avaient renversés. […] Cette nouvelle espèce de direction donnée à sa carrière, et que je n’ai ni le droit ni la pensée d’appeler une dispersion, devint pour lui un devoir selon ses goûts lorsqu’il eut été nommé secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences en remplacement de Fourier, le 16 juin 1830.

2504. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

» Ces pensées nous ouvrent un jour sur ce qu’il est, en général, si important de connaître lorsqu’on veut juger d’un écrivain, sur la religion philosophique et morale de Ramond. […] C’est ce sentiment, si souvent exprimé depuis, des hautes cimes et de l’allégresse intime, de la sérénité de pensée qu’on y rencontre, c’est cette sublimité naturelle et éthérée que Ramond excelle à rendre dans ces pages comme il y en avait si peu à cette date dans notre langue.

2505. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Ce qu’était Buffon dans l’habitude de la vie, dans le train et le ton ordinaire de sa pensée, on le sait à présent, et l’on peut s’en faire une idée exacte, sans exagération, sans caricature. […] Voltaire est le premier, et il demeure incomparable : vif, naturel, facile, toujours prêt, donnant au moindre compliment un tour aisé, une grâce légère, exprimant au besoin des pensées sérieuses, mais les déridant bientôt, et toujours attentif à plaire, à faire rire l’esprit.

2506. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

J’éclairerai sa pensée par quelques exemples. […] Lorsqu’on a fermé ces deux volumes dans lesquels ont passé devant nous tant de figures sérieuses, souriantes à peine, originales et modestes, une pensée vous suit ; on se fait à soi-même une question.

2507. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Je n’ai pas à caractériser ici le dessein général et la pensée politique qui peut inspirer cet écrivain patriote, je ne cherche que le côté historique ; et quand il n’y aurait que les Mémoires authentiques où l’Impératrice Catherine a raconté les premières années de sa jeunesse et de sa vie si contrainte et si intriguée avant d’atteindre à l’empire, qui donc parmi les lecteurs sérieux et les observateurs de la nature humaine pourrait y rester indifférent ? […] Il est vrai que l’impression croissante et totale, la conclusion irrésistible résultant de la quantité de détails accumulés chemin faisant, est qu’il était impossible que Pierre III régnât, et bien difficile que Catherine, au contraire, ne devint point Impératrice de son chef ; ce qui avait été sa première pensée en mettant le pied en Russie et n’avait cessé d’être son secret désir.

2508. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

. — Eckermann, selon son usage, reprenant la pensée de Goethe au point où elle s’arrêtait, et la lui renvoyant avec de légères variantes, lui répondit (toujours pendant ce même dîner) : « La mesure dans laquelle se renferme l’œuvre entière m’a paru excellente ; c’est à peine si on rencontre une allusion à des objets étrangers qui nous feraient sortir de cet heureux cercle. On ne voit agir, en fait de divinités, que Pan et les Nymphes : on n’en nomme guère d’autres, et on voit en même temps que ces divinités suffisent aux besoins des bergers. » — « Et cependant, ajoutait Goethe, obéissant a la suggestion de son interlocuteur et continuant la pensée d’Eckermann ou plutôt la sienne propre, cependant, avec toute cette mesure, là se développe un monde tout entier : nous voyons des bergers de toute nature, des laboureurs, des jardiniers, des vendangeurs, des mariniers, des voleurs, des soldats, de nobles citadins, des grands seigneurs et des esclaves. » C’est tout ce dialogue qui manque, pour le dire en passant, dans la page de préface ajoutée à ta présente édition, où elle fait d’ailleurs une si digne et si magistrale figure.

2509. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

La Grèce, depuis que ses dissensions intestines ont éclaté, depuis qu’elle a cru devoir se passer du roi modeste qu’elle avait gardé pendant trente ans et en quêter partout un autre, a présenté à ses anciens amis et admirateurs un spectacle bien digne de réflexion et qui reporte la pensée avec d’étranges vicissitudes vers des temps de meilleure mémoire. […] « Une goutte d’encre tombant chaque matin comme la rosée sur une pensée est féconde. » A force d’écrire et de parler pour la Grèce, — la Grèce elle-même continuant de s’acharner à la délivrance et de combattre, — il s’était créé pour tous une Grèce —, elle se détachait aux yeux sur la carte de l’Europe en traces de sang ; on la voyait en idée, et mieux qu’en idée : on la voulait ; plus ou moins, elle devait désormais se réaliser.

2510. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Surtout il semble radicalement guéri du travers originel des Fouquet et dont son père même n’était point du tout exempt, de ce qui est vanité et présomption, le trop d’entreprise, l’audace et le vaste des pensées : lui, il est modéré dès vingt ans, modeste, appliqué, prudent, et il ne semble amoureux que d’une juste gloire. […] Rendons-lui dans notre pensée quelque chose des mêmes honneurs que lui ont payés ses contemporains.

2511. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Loyson, spiritualiste et même expressément chrétien, est tout voisin de cette muse prochaine des Méditations ; il l’est par l’élévation de la pensée, par le sentiment ; mais l’imagination n’est pas à la hauteur, et trop nourri de l’ancien goût, trop plein des formes classiques un peu usées, il n’atteint pas à l’expression puissante. […] On a vu des poètes eux-mêmes dont la pensée était volontiers en révolte et en humeur de secouer tous les jougs rentrer par instants, et comme par un mouvement involontaire, dans cette atmosphère et ce courant de croyances élevées.

2512. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Ledru-Rollin, craignant avec raison qu’ils ne fussent massacrés par le peuple en allant à Vincennes, eut l’heureuse pensée de les garder jusqu’à la nuit à l’Hôtel de ville. […] Il se livra alors à la dévotion la plus entière et la plus vive, et il consacra à Dieu toutes les pensées éparses de sa vie.

2513. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Ainsi, suivant l’auteur, nous parcourons rapidement par la pensée la série des états de conscience, intermédiaires entre le moment du souvenir et le moment où l’événement s’est produit, et c’est par ce mouvement rapide qu’un fait nous apparaît comme passé, et par suite que la mémoire diffère de l’imagination. […] Sans chercher si, comme le veut l’auteur, nous répétons réellement dans la pensée, quoique brièvement, toute la série intermédiaire ; expliquer la mémoire par le moi, ressemble fort à expliquer une chose par cette chose même.

2514. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Quand une langue a reçu toute sa perfection, les traductions y sont aisées à faire et n’apportent plus que des pensées. […] Tels sont sans doute aussi les beaux vers de Virgile et d’Homère ; ils offrent à la fois la pensée, l’image et le sentiment : ce sont de vrais polypes, vivants dans le tout, et vivants dans chaque partie ; et dans cette plénitude de poésie, il ne peut se trouver un mot qui n’ait une grande intention.

2515. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Dans les premiers temps de ce séjour à Cirey, il écrivait à d’Argental, en revenant de faire un voyage de Hollande, et en nous découvrant toute sa pensée, ses affections, les parties les plus sérieuses de son âme : Je vous avoue que si l’amitié, plus forte que tous les autres sentiments, ne m’avait pas rappelé, j’aurais bien volontiers passé le reste de mes jours dans un pays où du moins mes ennemis ne peuvent me nuire, et où le caprice, la superstition et l’autorité d’un ministre ne sont point à craindre. […] Pour faire le plus charmant et le plus vrai portrait de Voltaire, il suffirait d’extraire avec choix quelques-unes de ses propres paroles ; Voltaire n’est pas homme à se contraindre, même en ce qui le juge, ni à retenir longtemps ses pensées : Ne me dites point que je travaille trop, écrivait-il vers ces années de Cirey : ces travaux sont bien peu de chose pour un homme qui n’a point d’autre occupation.

2516. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Incapable d’une mauvaise pensée, mais aussi d’une feinte, si elle ne vous aimait pas, il lui était impossible de vous dire ou de vous laisser croire le contraire. « C’était le plus loyal gentilhomme, me dit-on, et qui n’a jamais menti. » Elle aimait ses amis, elle pardonnait à ses ennemis ; mais, dans la religion de sa race et de son malheur, elle croyait aux fidèles et aux infidèles, aux bons et aux méchants : peut-on s’en étonner ? […] Mme la duchesse d’Angoulême vécut et habita continuellement dans cet ordre de pensées, sans s’en laisser distraire un seul jour.

2517. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Cette pensée, je m’assure, vous paraîtra visionnaire d’abord, voyant ceux de qui dépendent ces sortes de grâces, si éloignés de vous en faire ; mais, pour vous éclaircir cette énigme, sachez que, parmi une infinité d’affaires qui se traitent entre la France et l’Angleterre, cette dernière en aura dans quelque temps, à Rome, d’une telle conséquence et pour lesquelles on sera si aise d’obliger le roi mon frère, que je suis assurée qu’on ne lui refusera rien ; et j’ai pris mes avances auprès de lui pour qu’il demandât, sans nommer pour qui, un chapeau de cardinal, lequel il m’a promis, et ce sera pour vous ; ainsi vous pouvez compter là-dessus… Ce chapeau de cardinal, qu’elle montre ainsi à l’improviste prêt à tomber sur un homme en disgrâce, fait un singulier effet, et on reste convaincu encore, même après avoir lu, qu’il y avait là-dedans un peu de vision et de fantaisie, comme les femmes qui ont le plus d’esprit en mêlent volontiers à leur politique. […] Il ne fut ni ému, ni embarrassé de l’opinion de Madame ; il dit qu’il fallait donner de cette eau à un chien ; il opina, comme Madame, qu’on allât quérir de l’huile et du contrepoison, pour ôter à Madame une pensée si fâcheuse.

2518. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Ses remarques, à ce sujet, portent le cachet, a-t-on dit, de cette « ingénieuse simplicité de pensée qui est le signe d’un esprit véritablement philosophique ». […] Les hostilités s’allument, le sang a coulé ; il perd sa dernière étincelle d’affection pour l’antique patrie de ses pères : on ne voit plus dans tous ses actes et toutes ses pensées que l’homme et le citoyen du continent nouveau, de cet empire jeune, émancipé, immense, dont il est l’un des premiers à signer l’acte d’indépendance et à présager les grandeurs, sans plus vouloir regarder en arrière, ni reculer jamais.

2519. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

De même que le développement d’un thème se distingue de celui-ci par un plus enchevêtré fouillis de notes, l’on sent en Raskolnikoff un trop rapide et sursautant et sinueux flux de pensée, au lieu de la stupéfaction première et de la peur seconde qui devraient le lanciner monotonement. […] Natacha au départ de son amant, Nelly au sortir d’un bouge, le prince Valkowski en ses rages contenues, Marmeladoff, Sonia, la sœur de Raskolnikoff, dans des crises cependant pour elles suprêmes, sentent jaillir en eux des pampres et des fusées de pensées, trépident et divaguent avec abondance et un désintéressement de fous.

2520. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Entre autres monstruosités, vous y verrez ceci : « Le style n’existe pas plus sans l’idée que l’idée sans le style. » Et encore : « Traitez votre pensée comme Dieu traite ses montagnes, — du granit dessous, des fleurs dessus (pages 92 et 95). » La doctrine romantique sur l’idée et le style est tout entière dans ces deux lignes. Rien de plus net et de plus précis. — Puisqu’il parle et qu’il s’exprime de manière à être compris, le Romantisme n’a pas besoin qu’on parle pour lui et qu’on lui fasse dire officieusement que « la forme est le principal, et la pensée l’accessoire », lorsqu’il dit tout le contraire.

2521. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Poinsot et Normandy sur les tendances de la poésie nouvelle, j’insisterai à mon tour sur des innovations nécessaires qui tendent à élargir le domaine poétique, qui sont acceptées par des poètes de grand talent et dont l’emploi est fort justifiable, pourvu qu’il se fasse avec méthode, tact et goût, afin de garder à la pensée sa pleine valeur et sa juste expression, ce respect du bien dire. […] Voilà ce que signifie pour nous ce verger plein d’ombelles, ce pluriel qui étend, élargit, amplifie la pensée du poète, en évoquant, non pas seulement une simple fleurette, une simple ombellifère, ce qu’eut réalisé ombelle au singulier, mais bien l’ensemble d’une flore agreste, éclose en même temps, d’une flore s’enchevêtrant, s’enlaçant, croissant en liberté sous les arbres à fruits du lieu que les latins qualifiaient joliment de viridarium, cet enclos charmant, si insuffisamment dénommé : verger.

2522. (1903) Le problème de l’avenir latin

Un retour aux traditions de la primitive Eglise, une rénovation de la pensée religieuse : cela sans doute. […] Loin de nous certes la pensée de mépriser le don de l’expression et de nier la valeur oratoire. […] Il sera toujours temps d’élever la nouvelle demeure où s’abritera la pensée religieuse de générations soustraites à la contagion. […] C’est de pensée septentrionale qu’elle s’est nourrie, cherchant là sans doute, comme naturellement, l’antidote du poison latin. […] Il est encore une autre pensée de nature à calmer nos angoisses : c’est que, la nation détruite, il reste les individus.

2523. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Dans le respect que nous avons pour de nobles pensées rendues avec énergie, il nous sera permis toutefois de faire remarquer que si c’est une politique positive qui doit sortir de telles études et de telles méditations, il importe fort de ne la point puiser trop haut.

2524. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

Cette horreur de la persécution, liée en lui aux ineffaçables images de l’enfance, demeure l’idée fixe, la pensée dominante de toute sa vie ; elle lui dicta ses premiers écrits, comme ses dernières paroles.

2525. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Gilbert Augustin-Thierry »

Mais la pensée d’où il est éclos a un tel caractère de beauté morale, et en même temps les circonstances extérieures où il se déroule ont un tel air de réalité, qu’on est tenté de se demander : Pourquoi pas ?

2526. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bornier, Henri de (1825-1901) »

Mais il a si clairement vu, si profondément senti, si passionnément aimé ce qu’il avait entrepris de faire, que la pensée a, cette fois, emporté la forme et que, même aux endroits où cette forme reste un peu courte et où se trahit le défaut d’invention verbale, une âme intérieure la soutient et communique à ces vers un frisson plus grand qu’eux.

2527. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Quand il parle du bœuf et de l’âne, il s’inspire lui-même des pensées naïves qu’il prête à ses paysans de la nuit de Noël, au retour de la messe de minuit.

2528. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

Ses vers, assez souvent gauches et gris, surtout quand il s’agit d’exprimer les détails de la vie extérieure, s’affermissent singulièrement pour traduire les beaux lieux communs de la morale, les sentiments généreux ou les généreuses pensées.

2529. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

Placer ses Héros dans des circonstances embarrassantes, les en tirer sans effort ; étonner le Spectateur par des sentimens, des réponses, des raisonnemens imprévus ; réunir à la fois l’élévation des pensées, la grandeur des images, la variété & l’énergie du style : tout cela n’étoit qu’un jeu pour un Génie devant qui les difficultés s’applanissoient d’elles-mêmes.

2530. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « La course à la mort » pp. 214-219

Ma pensée en marche s’arrête soudain et recule meurtrie comme un bataillon décimé dans une embuscade, jusqu’aux retranchements du silence.

2531. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre deuxième. »

Voilà ce me semble la pensée dont il fallait achever le développement ; et c’est ce que l’auteur ne fait pas.

2532. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

Telle est l’incohérence des pensées, des sentiments et des images d’un songe.

2533. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire » pp. 43-50

Comme il est aussi propre par sa nature à peindre les actions qui peuvent porter les hommes aux pensées vertueuses, que les actions qui peuvent fortifier les inclinations corrompuës : il ne s’agit que d’en faire un bon usage.

2534. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Le brillant qui naît d’une action metaphorique, les pensées délicates qu’elle suggere et les tours fins avec lesquels on applique son allegorie aux folies des hommes ; en un mot toutes les graces qu’un bel esprit peut tirer d’une pareille fiction, ne sont point en leur place sur le théatre.

2535. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

Sous ce titre brutal : L’Assassinat du Pont-Rouge 22, titre de Gazette des tribunaux et de mélodrame de portière, la Critique a trouvé non seulement du talent (à force de métier on finit parfois par en avoir), mais de la pensée, mais de l’observation à une profondeur telle que, quand on observe ainsi, on peut dire qu’on a inventé.

2536. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

Cette trempe qui étonne et qu’on admire comme un luxe dans un écrivain, Ferry l’avait comme ses héros, et voilà ce qu’une critique qui voit plus que l’épiderme de la pensée doit noter.

2537. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

Il faut même remercier cet indiscret, s’il a sauvé du feu ces nobles pensées, ingénument formulées.

2538. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Il paraît cependant, qu’à une certaine époque de sa vie, son cœur devint corrompu et sa pensée s’éloigna de Dieu. […] La pensée leur vint de vider le pot de basilic. […] Et il sondait, avec extase, le mystère du cœur et de la pensée d’autrui. […] Au milieu des danses et des jeux, ce sont de telles pensées qu’il nourrissait. […] Elle voulait charger Champfleury d’écrire une préface aux Pensées de Balzac, et même de continuer ses romans restés inachevés.

2539. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Lorsqu’elle résiste aux instances de mariage que lui fait son passionné chevalier, parmi les raisons qu’elle oppose, on ne voit pas que la pensée d’une telle objection se soit présentée à elle ; elle ne se trouve point digne de lui par la fortune, par la situation, et non point du tout parce qu’elle a été la victime d’un autre. […] Souvent il en devient plus affecté, à mesure qu’il parle ; souvent il est embarrassé au choix du mot le plus propre à rendre sa pensée, et l’effort qu’il fait alors donne plus de ressort et d’énergie à ses paroles. […] Cette pensée se trouve exprimée avec ingénuité, avec énergie, en maint endroit des lettres ; elles suivirent de près le départ de Mme de Calandrini, à dater d’octobre 1726. […] Le joli chien Patie , comme s’il comprenait la pensée de sa maîtresse, se tenait toujours en sentinelle à la porte pour attendre les gens du chevalier. — Cependant Aïssé était une de ces natures qui n’ont besoin que d’être laissées à elles-mêmes pour se purifier : elle allait toute seule dans le sens des conseils de Mme de Calandrini. […] J’ai vraiment bien mieux à faire, madame : je chasse, je joue, je me divertis du matin jusqu’au soir avec mes frères et nos enfants, et je vous avouerai tout naïvement que je n’ai jamais été plus heureux, et dans une compagnie qui me plaise davantage. » Il a toutefois des regrets pour celle de Paris ; il envoie de loin en loin des retours de pensée à Mmes de Mirepoix et du Châtel, aux présidents Hénault et de Montesquieu, à Formont, à d’Alembert : « J’enrage, écrit-il (à Mme du Deffand toujours), d’être à cent lieues de vous, car je n’ai ni l’ambition ni la vanité de César : j’aime mieux être le dernier, et seulement souffert dans la plus excellente compagnie, que d’être le premier et le plus considéré dans la mauvaise, et même dans la commune ; mais si je n’ose dire que je suis ici dans le premier cas, je puis au moins vous assurer que je ne suis pas dans le second : j’y trouve avec qui parler, rire et raisonner autant et plus que ne s’étendent les pauvres facultés de mon entendement, et l’exercice que je prétends lui donner. » Ces regrets, on le sent bien, sont sincères, mais tempérés ; il n’a pas honte d’être provincial et de s’enfoncer de plus en plus dans la vie obscure : il envoie à Mme du Deffand des pâtés de Périgord, il en mange lui-même92 ; il va à la chasse malgré son asthme ; il a des procès ; quand ce ne sont pas les siens, ce sont ceux de ses frères et de sa famille.

2540. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Le paganisme tranquille de La Fontaine dut agir sur Jean Racine comme un dissolvant — au moins momentané — de sa pensée religieuse. […] Tandis qu’il conquiert l’Asie, il n’a pas de pensée plus profonde qu’un colonel de vingt ans des armées du roi. […] Tout ce qu’elle se permet, vers la fin, c’est de se réjouir à la pensée que sa mort assure la gloire d’Achille et la victoire de son pays. […] C’est dans cette pensée qu’il écrivit Phèdre. […] Il avait dû être ému déjà par les Pensées de M. 

2541. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

L’empereur, en se chargeant de la célébration de ses funérailles et en voulant y présider, en quelque sorte, par la pensée, a montré qu’ici comme en toute chose il sentait comme la France.

2542. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — III »

Ces derniers volumes éclairent enfin notre jugement ; nous étions, ce nous semble, et trop incrédules et trop sévères ; nous imputions obstinément à madame de Genlis un vieux péché de philosophie, et même quelques mauvaises pensées de patriotisme dont elle ne se souilla jamais ; jamais idées pareilles ne furent faites pour elle, et n’égarèrent son intelligence : cela nous est démontré, et le sera, nous l’espérons pour elle, & quiconque lira ses récits, d’une si inaltérable et si innocente frivolité.

2543. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Sous ces images piquantes, se cachent tour à tour de graves pensées ou des sarcasmes cruels, et M. 

2544. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Ainsi rien de plus étranger en apparence sous le rapport historique que l’homme de l’empire et les Hellènes ; et si le côté moral ou poétique semble plus fécond, il faut convenir que, sans l’appui de quelques faits, des pensées brillantes, mais nécessairement un peu vagues, ne suffiraient pas à un livre.

2545. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

C’est là du bon style ; mais il est fâcheux encore que toutes les saines pensées et les maximes justes de la pièce se trouvent rejetées dans la bouche de ce triste Féline, et qu’elles s’y trouvent (notez-le), non pas comme des ressorts de son rôle, mais à titre même de choses justes ; il devient ainsi par moments une manière d’Ariste véritable ; c’est Tartufe et Cléante mis en un, s’il est permis d’amener ici ces grands noms

2546. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bergerat, Émile (1845-1923) »

Il n’y lit pas long feu ; les injustices le crispaient ; puis, il avait déjà la mauvaise habitude de dire sa pensée tout entière.

2547. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

La Naissance du Poète, avec Un jour et les Vers, lui composent une œuvre enviable, car elle a été pensée dans la solitude et dans le loisir.

2548. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

D’une puissante originalité, d’un esprit profondément imbu des plus hautes pensées, il chante les désenchantements de la vie, les horreurs de la mort, la paix du sépulcre, les espérances futures, les déchirements du remords.

2549. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Signoret, Emmanuel (1872-1900) »

Calixte Toesca Ici, la splendeur sans défaut de la Symphonie initiale, sa profondeur d’accent et de pensée, l’harmonie parfaite et formidable de son mouvement s’allient aux grâces divines de la Fontaine des Muses pour faire de cette œuvre le plus beau des monuments.

2550. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VI. Recherche des effets produits par une œuvre littéraire » pp. 76-80

Il y a étudié les écrivains qui lui paraissent avoir fait passer le plus de leurs pensées et de leurs sentiments dans la jeunesse dont il faisait partie lui-même.

2551. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Ses plans, furent réguliers ; ses caractères beaux, nobles & soutenus ; ses peintures vives ; ses pensées sublimes & vraies ; sa diction belle, majestueuse, coulante.

2552. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

L’auteur y disoit librement sa pensée, & s’y moquoit des suffrages donnés au ton précieux & à la mauvaise plaisanterie.

2553. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Et qu’elle ne croie pas pouvoir détourner secrètement, au profit d’Abeilard, la moindre partie de son cœur : le Dieu de Sinaï est un Dieu jaloux, un Dieu qui veut être aimé de préférence ; il punit jusqu’à l’ombre d’une pensée, jusqu’au songe qui s’adresse à d’autres qu’à lui.

2554. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 6, des artisans sans génie » pp. 58-66

Il se nourrit l’esprit des pensées de son original, et il charge sa mémoire de ses expressions.

2555. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Je n’ai fait toute ma vie que des raisonnements, je suis habitué aux abstractions ; il faut que je sorte de moi-même, que je change toutes les allures de ma pensée, que j’apprenne le style descriptif23. »‌ La question est donc tranchée, Taine lui-même nous le dit : son évolution a été réfléchie ; il a changé volontairement sa manière : cet effort lui a coûté ; il a peiné, travaillé, persisté, et le labeur a fini par développer ses dispositions naturelles, et c’est ainsi qu’il s’est assimilé le style descriptif, où il a, d’ailleurs, excellé.‌

2556. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

Gustave Kahn Qui fut directeur de La Vogue, revue morte l’an dernier et dont la collection mérite, d’être relue, me semble avoir dépassé le but visé dans ses récents Palais nomades et avoir, en dégageant son style de toutes les coupes poétiques habituelles, façonné sous le nom de vers rythmiques une prose cadencée qui ne justifie pas la disposition typographique du volume ; — mais la pensée reste d’un poète.

2557. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Cette prudence, cette habileté, ces calculs, toute cette politique à la façon de Gœthe servent assurément le penseur qui en use ; mais comment s’en trouve la pensée même ?

2558. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Ces figures du langage, ces créations de la poésie, ne sont point, comme on l’a cru, l’ingénieuse invention des écrivains, mais des formes nécessaires dont toutes les nations se sont servies à leur premier âge, pour exprimer leurs pensées.

2559. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

C’est, au ton près, la pensée de cet Ancien qui disait : « Lorsque tu auras doublé24 le soixantième soleil, ô Gryllus, Gryllus, meurs et deviens poussière : bien sombre en effet est le tournant par delà ce point de l’existence, car déjà le rayon de la vie est émoussé25. » Le propre du chansonnier, c’est que la parole chez lui soit à peu près inséparable de l’air. […] Désaugiers l’était, si jamais on le fut, et tout ce qu’il a fait en ce genre a été tellement lancé d’un jet, qu’on ne peut guère y adapter d’autres airs ; rhythme et pensée, la chose légère est née tout entière avec le chant. […] Il disait lui-même que sa première pensée au réveil était toujours triste.

2560. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Je n’étais plein que de sa pensée, et je remplissais mes devoirs dans le but de me rendre le moins possible indigne du secours du ciel et d’aller l’y rejoindre un jour. […] XII Dès son enfance il était remarquablement beau ; non de cette beauté ostentative qui s’étale et qui s’affiche sur la physionomie, mais de cette beauté modeste, pleine de pensée et voilée de réticences, qui s’insinue dans l’âme par le regard. […] Les dons de Dieu lui parurent aussi sacrés que les titres des hommes, le nom de Cimarosa lui parut digne d’honorer la dernière pensée de Consalvi.

2561. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Là, on s’émancipait à de plus vives gaietés, encore bien inoffensives : comme il arrive souvent aux gens voués par profession aux graves pensées et aux travaux sérieux, ces magistrats, ces savants et ces prêtres ont le rire serein et facile de l’enfance. […] Il a toujours des libertés de pensée et de langage, un penchant à soupçonner le zèle d’hypocrisie, une révolte de la raison contre les sanglants effets des querelles théologiques et de la ferveur religieuse, qui ne sont certes pas d’un dévot. […] La tendresse est en-dessous, dans la pensée et non dans les mots.

2562. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Chacun des acteurs parlera comme il doit parler ; les scènes se suivront franchement et se déduiront logiquement ; l’orchestre enveloppera la tragédie d’une atmosphère de sons appropriés, commentera les péripéties, fera comprendre les âmes et, par des mélodies typiques qui circuleront à travers toute l’œuvre, rappellera à la pensée de l’auditeur tel personnage, telle situation, telle émotion. […] Peu à peu vous trouvez dans ces accords un charme inconnu qui vous attire ; vous vous livrez sans résistance, vous appartenez tout entier à la pensée du maître qui vous pénètre et vous envahit. » Il ne semble pas cependant que Gasperini eut la pleine intelligence de Tristan : il arrivait, voyant Wagner tout dans Tannhæuser et Lohengrin, ayant voulu trouver dans Tannhæuser et Lohengrin les « motifs intérieurs » et la « mélodie de la forêt » : il fut étonné, déconcerté, et il avoua une déception. […] Il est l’auteur de : Richard Wagner, Les étapes de sa vie, de sa pensée et de son temps, paru de façon posthume (Paris, hachette, 1923).

2563. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Le succès de la Walküre est grand toujours ; son premier acte, d’un effet facile, emporte les applaudissements ; les étonnantes beautés des premières scènes du deuxième acte et du milieu du troisième sont moins goûtées ; là pourtant se développe cette épopée aux larges signifiances qu’est l’Anneau du Nibelung ; ni un roman psychologique comme Tristan, ni un poème symbolique purement émotionnel comme Parsifal, mais, au moins dans ses trois premiers drames, un roman d’aventures en même temps un poème philosophique, l’épanouissement d’une âme juvénile en grandes actions et en pensées vastes et luxurieuses. […] En regard des innombrables métamorphoses par où passe le Leitmotif chez Wagner, je me bornerai à indiquer, parmi les modifications si originales de ce thème de l’« Idée fixe » de Berlioz, la fin du premier mouvement, fortissimo et en accords syncopés, haletants, dominés par la petite flûte aiguë d’un caractère sauvagement désespéré et diaboliquement triomphal, — et encore, et surtout, le fameux épisode du final, en mouvement dansant de 6/8 où la « Mélodie aimée », confiée à la petite clarinette en mi doublée de la petite flûte si vulgairement criarde, est travestie selon la remarque même de Berlioz, en « un air de guinguette triviale, ignoble et grotesque. » On connaît la pensée secrète de Berlioz et le sous-entendu vengeur de cette ironie sanglante à l’adresse de la belle miss Smithson57 az. […] Dans la pensée de l’auteur ils sont ainsi parodiés, mutilés même par « l’Esprit de Négation » : il faut lire de quelle façon intelligente et vraiment supérieure le docteur Pohl a interprété la conception et la mise en œuvre générales de toutes ces transformations, dans sa magnifique étude de l’œuvre qui nous occupe63.

2564. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Après avoir effleuré et touché cela d’un long coup d’œil, envoyé du cœur une pensée, un souvenir, une adoration à chaque lieu et à chaque pan de ce firmament, je descendis par un sentier rapide et sombre, bordé d’un côté de forêts, de l’autre de prés ruisselants de sources, le revers de la chaîne que je venais de franchir. […] Mais cette première impression toute sensuelle épuisée, je glissai bien vite dans les impressions plus intimes et plus pénétrantes de la mémoire et du cœur ; elles me poignirent, et je ne pus les supporter à visage découvert, bien qu’il n’y eût là, et bien loin tout alentour, que mes chiens, ma jument, les arbres, les herbes, le ciel, le soleil et le vent : c’était trop encore pour que je leur dévoilasse sans ombre l’abîme de pensées, de mémoires, d’images, de délices et de mélancolie, de vie et de mort dans lequel la vue de cette vallée et de cette demeure submergeait mon front. […] J’ai relu, pour ainsi dire, ma vie tout entière sur ce livre de pierre composé de trois sépulcres : enfance, jeunesse, aubes de la pensée, années en fleurs, années en fruits, années en chaume ou en cendres, joies innocentes, piétés saintes, attachements naturels, études ardentes, égarements pardonnés d’adolescence, passions naissantes, attachements sérieux, voyages, fautes, repentirs, bonheurs ensevelis, chaînes brisées, chaînes renouées de la vie, peines, efforts, labeurs, agitations, périls, combats, victoires, élévations et écroulements de l’âge mûr sur les grandes vagues de l’océan des révolutions, pour faire avancer d’un degré de plus l’esprit humain dans sa navigation vers l’infini !

2565. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Parce qu’il possède la raison et l’imagination, la raison qui lui fait concevoir l’invisible et l’intelligible au-delà des choses visibles et sensibles, l’imagination qui confond les deux objets de sa pensée dans une représentation symbolique. […] Vainement donc on se flatte d’éliminer cette inconnue, cause ou force, qui subsiste toujours dans l’intimité de la pensée, sous quelque terme conventionnel qu’on la désigne, ou alors même qu’on ne la nomme pas. […] A voir comment elle règne, on croirait que son autorité est naturelle, et l’on dirait d’un ange qui n’a jamais connu les fatigues de la pensée, les orages des passions, et les révoltes d’une sensibilité capricieuse.

2566. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Ces pensées éclatent dans les Années de voyage, dans les Affinités électives, et même dans les dernières scènes du second Faust. […] Mais la pensée y manque de précision et de vigueur. […] Il n’y a de commun entre Henri Heine et ses amis qu’un échange de pensées frivoles. […] Si elle succombe aux pensées mauvaises, la part la plus forte de responsabilité dans sa chute revient à d’autres qu’à elle. […] Fink, cependant, est bien loin des pensées que lui prête Antoine.

2567. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

., ont pris la peine d’exposer, dans des opuscules spéciaux, leurs pensées sur la matière. […] Les documents sont les traces qu’ont laissées les pensées et les actes des hommes d’autrefois. […] On fera bien de reproduire textuellement les expressions qui sembleront caractéristiques de la pensée de l’auteur. […] Après avoir analysé le document et déterminé le sens littéral des phrases, on n’est pas certain encore d’avoir atteint la véritable pensée de l’auteur. […] Le tableau des habitudes de pensée, de vie et d’action des hommes est évidemment une portion capitale de l’histoire.

2568. (1933) De mon temps…

Maintenant que sa glorieuse destinée s’est accomplie et que son œuvre s’est achevée, nous sentons mieux la beauté de l’une et de l’autre, et notre tristesse s’apaise à la pensée que rien ne fut refusé à celle qui n’est plus et qui a vécu une des plus belles vies qui soient de poète et de femme. […] On le sentait retiré très loin de tous dans la solitude de sa vie et de sa pensée. […] Peut-être fut-ce dans ce fauteuil qu’il passa les dernières journées qui précédèrent sa mort, à regarder la mer en assemblant dans son esprit les images de quelque suprême « Contrerime » ou en ajustant en pensée les mots d’une de ces phrases si purement françaises, de ces phrases « à la Toulet » auxquelles il a su donner un tour et un ton inimitables. […] Sa vie est une vie de solitude et de pensée. […] Dans le silence qui l’entoure, il est tout à lui-même, aux jeux complexes de sa pensée toujours en éveil en sa merveilleuse activité.

2569. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Son style demande encore d’être assaisonné de pensées fines, délicates et d’expressions plus vives qu’éclatantes. […] Il ne faut pas que les vers marchent toujours de deux en deux ; mais que tantôt une pensée soit exprimée en un vers, tantôt en deux ou trois, quelquefois dans un seul hémistiche. […] On peut distinguer de deux sortes de style dans la poésie, le style d’imagination, et le style de sentiment et de pensées. […] Le style de sentiment est celui qui tire sa force et sa beauté, de la force même et de la beauté des sentiments et des pensées qu’il exprime. […] Le ridicule se trouve partout : il n’y a pas une de nos actions, de nos pensées, pas un de nos gestes, de nos mouvements, qui n’en soient susceptibles.

2570. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Hier j’ai marché deux heures dans la campagne ; j’ai dirigé mes pas du côté de la France, où vont mes pensées ; j’ai dicté quelques mots à Hyacinthe (son secrétaire), qui les a écrits au crayon en marchant. […] Il en est de même de tous les écrivains, voyageurs ou poètes, qui datent leurs pensées de cette terre ; il semble que ce nom de Rome répété sans cesse par eux donne à leurs fugitives personnalités quelque chose de grand et d’éternel comme Rome, et flatte en eux jusqu’à la vanité du tombeau. […] Je m’amuse à parer en pensée ma petite solitude auprès de vous. […] Je combattis à la Chambre cette mauvaise pensée ; il faut ennoblir les nations en leur faisant honorer contre soi-même les simulacres de l’honneur et de la fidélité.

2571. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

De temps en temps aussi passait l’orfraie, suivie d’un aigle à tête blanche ; et leurs mouvements gracieux, au sein des airs, emportaient ma pensée bien loin au-dessus d’eux, dans les régions du ciel les plus sereines, et me conduisaient ainsi délicieusement et en silence jusqu’au sublime auteur de toutes choses. […] Cette pensée remplissait mon âme d’un suprême étonnement. […] Puis, l’intérieur de l’arbre redevint silencieux, et elles se dispersèrent dans toutes les directions avec la rapidité de la pensée. […] Des titres et des mots, des chiffres et un numérotage éternel, qui ne parle ni à l’âme ni à la pensée.

2572. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Figaro est le plus adroit et le plus spirituel des libres penseurs, en un temps où telle est la passion pour la libre pensée, que les abus eux-mêmes, personnifiés dans ceux qui en profitent, sont les premiers à rire des coups mortels qu’on leur porte, sans se douter qu’ils sont enveloppés par une multitude immense et silencieuse, qui prend ces rires imprudents pour une confession. […] Spectacle piquant pour ceux qui savent quelque chose de cette vie aventureuse, et qui au plaisir d’assister à des pièces amusantes peuvent joindre le plaisir de se croire les confidents des plus secrètes pensées de l’auteur. […] Il y en a d’ailleurs de l’excellent ; par exemple celui qui donne à une bonne raison l’attrait d’une pensée neuve, et fait pénétrer une pointe où aurait glissé une vérité tout unie. […] Cependant une certaine force de pensée et de style vous fait revenir au livre, et tel est l’attrait de la vérité, que ce poète sans oreille, ce Crébillon de la comédie, finit par se rendre maître de vous et vous force à marcher à travers les impropriétés d’un style rocailleux et barbare, jusqu’au dénoûment naturel d’une pièce bien conçue et, aux bons endroits, bien écrite.

2573. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Cependant qu’étoit-ce qu’une critique de quelques vers foibles, de quelques mauvaises expressions, de quelques bévues réelles, & de quelques pensées fausses, en comparaison de tant de traits qu’il décocha sur toute la famille de Perrault ? […] Voilà ce que valut à Fontenelle son courage à dire librement sa pensée, ou plutôt son foible pour Charles Perrault qui l’avoit vanté souvent, & principalement dans une certaine épître sur le génie, dans laquelle il lui disoit platement : De l’églogue, en tes vers, éclate le mérite, Sans qu’il en coute rien au fameux Théocrite, Qui jamais ne fit plaindre un amoureux destin D’un ton si délicat, si galant & si fin. […] Je ne parle pas du coloris d’Homère, qu’il est impossible, à quelque traducteur que ce soit, de rendre parfaitement ; mais je parle de ses pensées, de ses images, du sublime & du merveilleux qui y règne, & qu’on peut faire passer dans quelque langue du monde que ce puisse être. […] On ne fait aucune grace à nos intrigues compliquées, à nos épisodes entassés, à nos fictions sans vraisemblance, à nos monologues abstraits, à nos dialogues doucereux, à nos développemens métaphysiques du cœur, à nos pensées épigrammatiques, à notre affetterie de stile voisine du phœbus & nécessairement ennemie de toute correction.

2574. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Mettons notre pensée au point de vue du fidèle serviteur de Henri IV, sans rien y ajouter ni retrancher. […] Le soupçon d’empoisonnement courut, et Gabrielle elle-même, dans ses étreintes de souffrance, en eut la pensée.

2575. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Il semble, en plusieurs de ses sermons, y avoir songé et y avoir répondu : qu’on lise dans cette pensée le sermon Sur l’injustice du monde envers les gens de bien et celui surtout Sur la médisance : Les traits de la médisance, dit-il, ne sont jamais plus vifs, plus brillants, plus applaudis dans le monde que lorsqu’ils portent sur les ministres des saints autels : le monde, si indulgent pour lui-même, semble n’avoir conservé de sévérité qu’à leur égard, et il a pour eux des yeux plus censeurs et une langue plus empoisonnée que pour le reste des hommes. […] Dans cet âge où les affections de l’esprit et celles de l’âme ont une communication réciproquement si soudaine, où la pensée et le sentiment agissent et réagissent l’un sur l’autre avec tant de rapidité, il n’est personne à qui quelquefois il ne soit arrivé, en voyant un grand homme, d’imprimer sur son front les traits du caractère de son âme ou de son génie.

2576. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Et c’est ainsi qu’à côté des choses bien vues et bien dites, et qui sont l’expression de sa pensée, ses lettres en contiennent tant d’autres qui ne sont que de méchants propos et des remplissages. […] Mais ce n’étaient là que des éclairs de joie, et le fond des pensées de Madame en ces années était le découragement et un soulèvement de cœur perpétuel contre la grande orgie dont elle était témoin.

2577. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Le charmant poète Gray qui, dans sa solitude mélancolique de Cambridge, étudiait tant de choses avec originalité et avec goût, écrivait à un ami en 1760 : Froissart (quoique je n’y aie plongé que çà et là par endroits) est un de mes livres favoris : il me semble étrange que des gens qui achèteraient au poids de l’or une douzaine de portraits originaux de cette époque pour orner une galerie, ne jettent jamais les yeux sur tant de tableaux mouvants de la vie, des actions, des mœurs et des pensées de leurs ancêtres, peints sur place avec de simples mais fortes couleurs. […] Quelques mots qu’il laisse échapper trahissent sa pensée.

2578. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

. — Ce sentiment, ajoutait-il, est né avec moi ; je l’ai eu dès mon enfance, et à peine en étais-je sorti, que je secouai le joug de la domination paternelle aux dépens de tout ce qui m’en pouvait arriver ; et, pendant plusieurs années, je me réveillais la nuit avec un mouvement de joie que me donnait la pensée de ne plus dépendre de personne. […] On a une lettre de lui « à un mari et à une femme qui s’aimaient fort, et qui avaient beaucoup de piété » ; il leur disait : J’ai vu les jours heureux que vous voyez ; il a plu à Dieu de me faire sentir la douleur mortelle de les voir finir ; et il lui plaît encore d’entretenir cette douleur si vive dans mon cœur… Tous mes jours sont trempés dans le fiel ; je ne me repose que dans la pensée de la mort, et, ce que Dieu seul peut faire, au milieu de tout cela je suis heureux, sans perdre rien de ma douleur.

2579. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Ici le nonchaloir et la philosophie sembleraient aller jusqu’à une égoïste indifférence pour les maux de tous : avec un peu de travail, Maucroix aurait rendu sa pensée sans prêter à ce reproche. […] En traduisant, il s’arrête plus au sens général qu’aux paroles ; quand il rencontre dans son auteur une pensée qui lui paraît subtile ou forcée, il ne se fait aucun scrupule de la retrancher ou de l’adoucir.

2580. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

On conçoit d’ailleurs ces dissidences naturelles et cette sorte d’antipathie instinctive entre une école scientifique tout analytique et précise, et une autre qui ne se refusait ni l’éclat ni les couleurs ; mais d’Alembert se laissait emporter à ses préventions personnelles lorsqu’il disait à propos des systèmes de Bailly et de Buffon qu’il associait dans sa pensée : « Supplément de génie que toutes ces pauvretés ; vains et ridicules efforts de quelques charlatans qui, ne pouvant ajouter à la masse des connaissances une seule idée lumineuse et vraie, croient l’enrichir de leurs idées creuses… » Dans la familiarité de la correspondance et lorsqu’il n’est point retenu par le public, d’Alembert s’abandonne souvent ainsi à des injustices presque injurieuses, dites d’un style assez commun. […] Le lendemain même de cette fête rurale, craignant d’après un avis reçu de Versailles d’avoir à soutenir une lutte au sujet de la présidence de l’Assemblée avec les présidents ou doyens particuliers des deux autres ordres, et résolu de ne rien céder des droits du tiers état, c’est-à-dire de la nation qui, en définitive, les absorbait tous, il cherche quelqu’un à consulter pour se fortifier dans ses résolutions : et tous les députés étant dispersés, il ne voit rien de mieux que d’aller faire part de ses honnêtes pensées au duc d’Orléans, qui était alors au Roule : J’avoue ici avec simplicité mon ignorance.

2581. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Celui-ci eut des torts, cela nous suffit ; il en eut en amour et en politique ; il manqua cette partie importante de sa vie, et, quand même la Fronde aurait obtenu quelque succès et aurait amené quelque résultat, il n’aurait encore donné de lui que l’idée d’un personnage brillant, mais équivoque et secondaire, dont la pensée, les vues et la capacité ne se seraient point dégagées aux yeux de tous. […] Il se plaît à ce jeu, il se met à rédiger chaque pensée avec soin, et tout aussitôt avec talent : une sorte de grandeur de vue se mêle insensiblement sous sa plume à ce qui ne semblait d’abord que l’amusement de quelques après-dînées.

2582. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

À toi tout ce que j’ai dit de vrai, tout ce que j’ai dit de saint ; à moi de n’avoir point traité dans une bonne pensée les bonnes chosesd, et en matière sacrée d’avoir été mû, non de l’ardeur de te plaire, mais d’un excessif orgueil poétique, dont je rougis. […] [1re éd.] dans une bonne pensée les choses bonnes e.

2583. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Pendant qu’une commission instituée par décret de l’empereur, sur le rapport du ministre d’État, et composée des hommes les plus autorisés et les plus compétents, travaille sans relâche et avec le sentiment de sa haute mission à recueillir non seulement les lettres, mais les ordres, les annotations, les décisions et pensées de toutes sortes de l’empereur Napoléon Ier, tout ce qui s’offre avec sa marque visible, avec son cachet personnel immédiat, et non seulement les documents relatifs à des matières de gouvernement et aux actes du souverain, mais aussi les écrits qui peuvent éclairer le caractère intime de l’homme ; pendant qu’on met à contribution les dépôts publics et les collections particulières de quelques familles considérables ; qu’à l’heure qu’il est près de vingt mille documents sont rassemblés, et que, la question de classement une fois résolue, on espère, dans un an ou quinze mois, être en mesure de livrer les premières feuilles à l’impression ; pendant ce temps-là, la publication des Œuvres de Frédéric le Grand, commencée depuis plusieurs années par ordre du gouvernement prussien sous la direction de M.  […] La pensée des grands hommes est une courbe que l’on n’embrasse bien qu’après qu’elle est décrite : il arrive même à de bons yeux de ne la voir d’abord que brisée et morcelée comme elle l’est souvent en effet dans le détail, et comme elle peut l’être à tout moment dans l’ensemble par les accidents plus forts que le génie.

2584. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Si saisissantes qu’en fussent les parties, il devait y perdre, et surtout la pensée générale, la conception devait en souffrir. […] Mais je raisonne, et l’auteur de Madame Bovary n’a prétendu que nous montrer jour par jour, minute par minute, son personnage en pensée et en action.

2585. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Je regrette d’être obligée de dire tout cela, ajoute Mme Elliott (dont je n’ai fait, dans ce qui précède, que resserrer la pensée), car je connaissais le duc d’Orléans depuis des années, et il a toujours été bon et aimable pour moi, comme il l’était du reste pour tous ceux qui l’approchaient. […] Elle ne put s’empêcher tout d’abord de lui jeter à la face la pensée dont son cœur était plein, et de lui dire qu’elle le supposait en deuil apparemment de la mort du roi : il sourit d’un air contraint et dit qu’il était en deuil de son beau-père le duc de Penthièvre.

2586. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Rigault, se méprenant ou feignant de se méprendre sur ma pensée, partait de là, au contraire, pour louer Casimir Delavigne de cette espèce de fusion équivoque en quoi consiste sa seconde manière : « Je ne puis me persuader, disait-il, qu’en portant si légèrement à ses lèvres la coupe du romantisme mitigée par son goût naturel, Casimir Delavigne se soit empoisonné. […] Ma première pensée, à cette nouvelle si peu prévue, fut de me rappeler le vers du poëte : Vive pius, moriere tamen… !

2587. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

La pensée de 1816 était que l’Académie restaurée, et très reconnaissante de ces faveurs rendues, l’Académie redevenue fille ou filleule des rois, avait à cœur, en retour, d’être particulièrement agréable au monarque et de le lui témoigner en chaque occasion, facie ad faciem. […] Je me place pour un moment dans un autre ordre de choses, dans un tout autre système qui rapprocherait l’Académie française de la pensée fondamentale de l’Institut.

2588. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Mme d’Albany : « Je souffre au dedans de moi de la seule pensée que les Français n’auront leurs propres lois, une liberté, un gouvernement à eux, que sous le bon plaisir des étrangers ; ou que leur défaite est un anéantissement total, qui les laisse à la merci de leurs ennemis, quelque généreux qu’ils soient. […] Ce qui peut se traduire ainsi : « Les pensées, les sentiments confiés à la harpe éolienne de Mme de Staël ne mourront pas. »

2589. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Mais, en attendant, et à part toute discussion, pourquoi, dans ce ramas d’hommes de guerre et d’assiégeants, l’auteur n’a-t-il pas eu l’idée de nous faire rencontrer un Grec, un seul, animé de l’esprit de Gélon, un disciple, par la pensée, des Xénophon, des Aristote, des anciens sages de son pays, un jeune Achéen contemporain d’Aratus, ayant déjà en soi le germe des sentiments humains de Térence, ayant lu Ménandre, et qui, fourvoyé dans cette affreuse guerre, la jugeant, sentant comme nous et comme beaucoup d’honnêtes gens d’alors en présence de ces horreurs, nous aiderait peut-être à les supporter ? […] J’en sais (et ici ma pensée se généralise) pour qui le talent ne commence réellement que là où l’humanité, l’honnêteté naturelle, ce qu’on croit être le fait de M. 

2590. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

C’est ainsi qu’au temps où se composait la Nouvelle Héloïse, lui parlant du prochain mariage d’une jeune fille, il la montrait dans sa pudeur, se désolant à l’approche d’un époux : « C’est, disait-il, une eau pure qui commence à se troubler au premier souffle du vent. » Et il ajoutait, comme pour le piquer au jeu : « Dites de belles choses là-dessus. » Rousseau, en effet, répondant à l’appel, s’emparait de cette pensée et de cette image virginale, et l’employait dans la Nouvelle Héloïse à l’occasion du mariage de Claire (deuxième partie, lettre XV) : « Et, en vérité, elle est si belle, disait-il, que j’aurais cru la gâter en y changeant autre chose que quelques termes. » Il aurait même mieux fait de n’y pas changer un seul mot. […] Les lettres sont semées de ces jolis paysages si gais, si français, des environs de Marly ou de Versailles, et qu’il nous rend d’un pinceau familier et vrai : « J’espère, mon cher Deleyre, que vous avez encore présent à la pensée tout ce que nous nous sommes dit dans notre longue promenade aux environs de Marly.

2591. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Il me semble que jusqu’à un certain point je m’absous. » Je force à peine sa pensée ; mais Térence ne la force pas du tout, et c’est là qu’est le charme. […] C’est injuste, car si nous avions eu de quoi, nous aurions fait comme les autres ; et celui que vous me jetez sans cesse à la tête (ilium tu tuum, ce fils modèle élevé aux champs), si vous étiez homme, vous le laisseriez faire maintenant, tandis que l’âge le permet, plutôt que d’attendre qu’il ait mené votre convoi, trop tard à son gré, pour s’en aller faire après coup toutes ces mêmes choses, dans un âge moins propice. » Je paraphrase un peu ; chez Térence, chaque nuance et intention est indiquée par de simples mots bien jetés, bien placés et qui laissent à la pensée toute sa grâce (ubi te expectatum ejecisset foras, alienore ætate post faceret tamen).

2592. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Il ne reverra plus son cher Tancarville qu’après trente années presque révolues d’absence (septembre 1845) ; en le revoyant, sa verve se ranime avec toutes les émotions de son cœur, et il le salue, il le célèbre encore une fois par une Épître où l’homme sensible et le sage jettent un dernier regard mélancolique, mais non morose, sur ce passé : Parmi tous ces débris où j’ai souvent erré, Où j’ai joui, souffert, aimé, rêvé, pleuré, Mon heureuse jeunesse en vingt lieux dispersée Soudain de toutes parts remonte à ma pensée. […] Lebrun, est admirablement exprimée ; jugez-en plutôt : Descendez, parcourez ces longues galeries, Qui sous le Luxembourg et vers les Tuileries S’étendent, et des morts montrent de toutes parts, En long ordre, aux parois, les reliques dressées, Et des fronts sans pensées, Et des yeux sans regards.

2593. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Puis, après une pause sérieuse de quelques minutes, il se fit lire le Traité qu’il écouta d’un bouta l’autre avec uns grande attention, et il reprit assez de force pour avoir la satisfaction suprême de donner « l’approbation d’un homme d’État mourant (ce furent ses propres paroles) à la plus glorieuse guerre et à la plus honorable paix que la nation eût jamais vue. » Et c’est ainsi que se révèle dans un noble exemple le commerce familier que l’aristocratie anglaise au dernier siècle n’avait cessé d’entretenir avec l’Antiquité grecque, et aussi la générosité vivifiante de sentiments et de pensées dont Homère est la source. […] Des lignes nettes, de purs horizons, des contours simples dans leur infinie variété, des formes à la fois sévères et gracieuses, qu’on admire sans effroi : nulle part de ces immensités qui humilient la pensée.

2594. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Byron l’a dit dans une parole célèbre : « Les mots sont des choses, et une petite goutte d’encre tombant, comme une rosée, sur une pensée, la féconde et produit ce qui fait penser ensuite des milliers, peut-être des millions d’hommes. » Et vous-même, sous l’empire des faits, sous le coup de l’évidence, vous l’avez dit, et aussi énergiquement que Byron : « La puissance des mots est immense ; il n’en est peut-être pas de plus grande sur la terre. […] Chez les modernes, il y a progrès : les oracles sont muets ; la voix des dieux et de ceux qui les faisaient parler n’est plus fatalement obéie ; les peuples pensent : et pourtant il y a toujours l’empire des mots, la puissance des déclamations de tout genre, des sophismes spécieux, ces autres formes d’idoles ; il y a la mobilité naturelle aux hommes, le jeu presque mécanique des actions et des réactions, mille causes combinées d’où résultent on ne sait comment, à certains jours, des souffles généraux qui deviendront plus tard des tempêtes ; et lorsqu’une fois il s’est établi parmi les peuples un mauvais courant de pensées et de sentiments, oracle ou non, il y a danger, si une main bien prudente et bien ferme n’est au gouvernail, qu’ils n’y obéissent en aveugles comme à un mauvais génie.

2595. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Elle eût évoqué l’affaire, s’en fût emparée par l’intelligence comme par le cœur, l’eût comprise dans le fond et dans la forme ; elle eût écouté les raisons des ministres de Louis XVI, y eût ajouté l’autorité de sa raison propre ; elle eût épargné à un roi faible ses tiraillements et son embarras, elle eût épousé sa politique sans abjurer la voix du sang : au lieu d’être un simple écho et de répéter sa leçon de Vienne, elle aurait eu sa façon de voir, un avis à elle, et indiquant toute la première la voie moyenne à suivre, la seule possible, renvoyant à Marie-Thérèse quelques-unes des objections que l’impératrice avait faites à Joseph II, elle eût réjoui Marie-Thérèse elle-même, et celle-ci, reconnaissant jusque dans les demi-résistances de sa fille ses propres pensées, sa propre sagesse, se fût écriée avec orgueil : « Elle est deux fois ma fille et mon sang !  […] Peu de princes, ne l’oublions pas, ont eu un plus sincère amour de l’humanité, une pensée plus fixe et plus suivie d’améliorer le sort des hommes confiés à leurs soins.

2596. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Mais une pensée me frappe. […] Vous voyez bien que mon attachement pour lui me fait sortir un peu des bornes de mon devoir. » Mais on ne brûle jamais les lettres qu’on recommande si fort de détruire : ce sont celles-là précisément qu’on garde, et nous devons à cette infidélité de connaître aujourd’hui la pensée intime de l’illustre guerrier resté fidèle à ses deux rois.

2597. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Il y en a dans la philosophie du dix-huitième siècle, et d’espèce étrange autant que puissante : car, non seulement il est l’œuvre d’une longue élaboration historique, l’extrait définitif et condensé auquel aboutit toute la pensée du siècle ; mais encore ses deux principaux ingrédients ont cela de particulier qu’étant séparés ils sont salutaires et qu’étant combinés ils font un composé vénéneux. […] Cherchons donc s’il n’est pas le fil dont toute notre trame mentale est tissée, et si le déroulement spontané qui le noue maille à maille n’aboutit pas à fabriquer le réseau entier de nos pensées et de nos passions  Sur cette idée, un esprit d’une précision et d’une lucidité incomparables, Condillac donne à presque toutes les grandes questions les réponses que le préjugé théologique renaissant et l’importation de la métaphysique allemande devaient discréditer chez nous au commencement du dix-neuvième siècle, mais que l’observation renouvelée, la pathologie mentale instituée et les vivisections multipliées viennent aujourd’hui ranimer, justifier et compléter346.

2598. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Abandonné à des écrivains amateurs, à des femmes, il se trouvait, au début du xviiie  siècle, libre et souple, sans règles, à traditions multiples et flottantes, prêt à recevoir toutes les formes, à contenir toutes les pensées. […] Autour du couple, mettons les convoitises des hommes qui ont de l’argent, la cupidité brutale d’un soldat ivrogne, joueur, escroc, frère de Manon, qui s’en fait l’exploiteur : nous aurons ce roman réel plutôt que réaliste, pathétique sans déclamation, expressif sans dessein pittoresque, et qui, malgré le sujet, malgré les héros, malgré les milieux, reste chaste ; l’auteur n’a eu aucune pensée brutale ou polissonne : il n’a vu que la puissance de la passion qu’il voulait peindre.

2599. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Beaucoup de livres, anciens ou récents, supposent un tout autre effort de pensée, d’invention et d’exécution. […] D’abord par l’impression de volupté particulière qui s’en dégage, volupté profonde, absorbée, sans pensée ni parole.

2600. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

C’est cet homme dont parle Pascal, qui était jeune au temps de l’antiquité, qui a pris des années depuis Pascal, qui se reconnaît dans les pensées d’un homme né trois mille ans avant lui, sous un autre ciel, dans une autre forme de société, avec d’autres dieux. […] Ainsi quand saint Bernard dit, Non est talis tristitia hypocritarum non incorde, sect in fade est ; la langue française traduit « Telle ne n’est mies li tristèce des ypocrites ; car elle ne n’est mies el cuer, mais en la fazon. » Et plus loin, où le latin dit, Hypocrila ungit potius semetipsurn ut propriæ fragrantiarn opinionis respergat ; le français, à l’orthographe près qui changera, ne reste guère au-dessous de cette vérité rendue si vive par l’image « Li ypocrite oynt ainzois ley-inesmes, por espardre l’odor de sa propre noméie. » La langue est déjà constituée puisque voilà le tour qui marque le mouvement de la pensée, et le terme propre qui en est le signe définitif.

2601. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Mais ici la pensée est élevée, naturelle, et la même réflexion s’applique à de bien plus grosses batailles et de plus savantes que celle-là. […] Mais la pensée de Louis XI n’allait pas au-delà.

2602. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

On trouvera qu’il était bien prompt à se former une pensée et une impression ; mais cette première impression, en effet, était capitale dans une Cour et sur une scène où il s’agissait avant tout de réussir en entrant, et de représenter toujours. […] Maintenant oserai-je exprimer ma pensée ?

2603. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

L’extrême rigueur dont on usa envers Fouquet désormais abattu et sans ressource, la justice exceptionnelle à laquelle on le livra, la partialité de quelques-uns des commissaires et de ceux qui étaient chargés de l’examen des papiers et du rapport, les pensées cruelles dont ses ennemis ne se cachaient point à son sujet, l’âpreté des vengeances politiques qui n’allaient pas à moins qu’à demander sa tête, les lenteurs et les péripéties du procès qui dura plus de trois ans à instruire, tout concourut à retourner l’opinion et à gagner à l’accusé la pitié universelle. […] Écouta-t-il la voix de ses amis alarmés de cette pensée ?

2604. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Ils emportaient à jamais dans leur pensée cette apparition de deux sépulcres côte à côte, l’arche surbaissée du caveau, la forme antique des deux monuments revêtus provisoirement de bois peint en marbre, ces deux noms : Rousseau, Voltaire, dans le crépuscule, et le bras portant un flambeau qui sortait du tombeau de Jean-Jacques. […] Exorbitants en tout, en pensées, en images, en convictions, en émotions, en passion, en foi, quel que soit le côté de votre moi auquel ils s’adressent, ils le gênent.

2605. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Un exemple : quand on parle de la littérature française au xviie  siècle, la pensée court aussitôt à Corneille, Racine et Molière. […] En France : le roman de Rabelais, les Essais de Montaigne, Le Prince de Balzac, les Pensées de Pascal, tout Fontenelle, etc.

2606. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Et si nous écrivons plus correctement, que ce soit pour exprimer surtout des sentiments droits ou des pensées justes.

2607. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Mais la pièce intitulée Les Larmes n’a pu se déguiser, et elles ont jailli plus vite que la pensée, par une force involontaire : Les larmes Si vous donnez le calme après tant de secousses, Si vous couvrez d’oubli tant de maux dérobés, Si vous lavez ma plaie et si vous êtes douces,     Ô mes larmes, tombez !

2608. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

Je mets de mes pensées où je puis, et à chaque édition nouvelle d’un ouvrage j’en profite comme d’un convoi qui part pour envoyer au public, à mes amis et même à mes ennemis (dussent-ils se servir de cette clé comme d’une arme, selon leur usage) quelques mots qu’il m’importe de dire sur moi-même et sur ce que j’écris.

2609. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Ne vous attristez donc pas, pourvu que vous ayez bien travaillé (car il n’est pas dans ma pensée d’absoudre les paresseux), ne vous attristez pas de n’être point des forts en thèmes ou des forts en mathématiques, puisque, si vous le voulez, votre vraie valeur humaine, et celle qui compte le plus, est absolument entre vos mains.

2610. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 181-190

Quiconque est capable de le lire avec attention, y découvre un génie créateur & profond, un ordre & une netteté dans les matieres, une énergie de pensées, un choix d’expressions vives, une solidité de raisonnement, en un mot, tout ce qui peut entretenir l’admiration & faire éclore la lumiere dans les esprits capables de réflexion.

2611. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Examen du clair-obscur » pp. 34-38

Examen du clair-obscur Si une figure est dans l’ombre, elle est trop ou trop peu ombrée, si la comparant aux figures plus éclairées et la faisant par la pensée avancer à leur place, elle ne nous inspire pas un pressentiment vif et certain qu’elle le serait autant qu’elles.

2612. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 25, du jugement des gens du métier » pp. 366-374

Le poëte dont le talent principal est de rimer richement, se trouve bien-tôt prévenu que tout poëme dont les rimes sont négligées ne sçauroit être qu’un ouvrage médiocre, quoiqu’il soit rempli d’invention, et de ces pensées tellement convenables au sujet, qu’on est surpris qu’elles soient neuves.

2613. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

S’il défendit le calvinisme dans son discours qui eut le prix à l’Académie, c’était au nom de la tolérance, par un sentiment de convenance domestique et d’équité civile ; mais il n’en sépara jamais dans sa pensée les longs malheurs que lui avait dus sa famille, de même qu’il associait l’idée de jansénisme au souvenir de ses propres douleurs. […] Si l’on voulait même y chercher aujourd’hui de ces traits de forme qui devinent et qui gravent le fond, ce génie d’expression qui crée la pensée, cette nouveauté qui demeure, on courrait risque de n’être plus assez juste pour la rapidité, le goût, la mesure, la netteté, l’élévation sans effort, l’éclat suffisant, le nombre, tout cet ensemble de qualités appropriées, dont la réunion n’appartient qu’aux maîtres. […] Si l’on ne voyait ses discours publics que de loin, on n’en découvrirait pas l’accord avec ce fond de pensée, on n’y sentirait pas les intentions secrètes et, pour ainsi dire, les nuances d’accent qu’il y glissait, que le maître saisissait toujours, et dont il s’irrita plus d’une fois ; on serait injuste envers Fontanes, comme l’ont été à plaisir plusieurs de ses contemporains, qui, serviteurs aussi de l’Empire, n’ont jamais su l’être aussi décemment que lui134. […] Dans la touchante pièce intitulée Mon Anniversaire 145, il fait une strophe exprès conforme à la marche attristée, résignée et finalement tombante de sa pensée. […] On pourrait aussi croire que le poëte s’est ressouvenu de Manilius, qui exprime la même pensée en maint endroit de son poëme des Astronomiques, et s’y complaît particulièrement au début du livre II.

2614. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

N’ayant pu les soumettre à la révision de l’auteur, nous ne saurions les présenter, jusque dans leurs moindres parties, comme l’expression définitive de sa pensée ; mais nous pouvons garantir l’exactitude de la reproduction sténographique dont nous avons corrigé les très rares erreurs, de même que nous avons vérifié sur les textes l’exactitude des citations. […] Mais comment est-ce que Victor Hugo est arrivé ici à donner à sa pensée toute son ampleur ? […] Il a répété sa pensée sous des formes différentes, mais elle seule, toujours la même ; et il l’a répétée douze fois. […] Paris, c’est tout à la fois le confluent de ce qu’il y a de plus frivole et de ce qu’il y a de plus sérieux ; de ceux qui cherchent à s’amuser et de ceux qui veulent travailler, des hommes qui vivent pour le plaisir et des hommes qui vivent pour la pensée. […] il y a un remède, qui est évidemment le plus efficace qu’on ait trouvé contre les tourments de la pensée, c’est celui qui consiste à supprimer la pensée.

2615. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Les uns croient que c’est outrager les hommes que d’en faire une si terrible peinture, et que l’auteur n’en a pu prendre l’original qu’en lui-même, ils disent qu’il est dangereux de mettre, de telles pensées au jour, et qu’ayant si bien montré qu’on ne fait les bonnes actions que par de mauvais principes, la plupart du monde croira qu’il est inutile de chercher la vertu, puisqu’il est comme impossible d’en avoir si ce n’est en idée ; que c’est enfin renverser la morale, de faire voir que toutes les vertus qu’elle nous enseigne ne sont que des chimères, puisqu’elles n’ont que de mauvaises fins.

2616. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Lorsque Andrieux avait rayé de l’ongle un mot, une pensée, une faute de grammaire ou de vraisemblance, il n’y avait rien à redire ; Collin obéissait ; le vieux Ducis regrettait que Thomas eût manqué d’un si indispensable censeur, et il l’invoquait pour lui-même en vers grondants et mâles qui rappellent assez la veine de Corneille : J’ai besoin du censeur implacable, endurci, Qui tourmentait Collin et me tourmente aussi ; C’est à toi de régler ma fougue impétueuse, De contenir mes bonds sous une bride heureuse, Et de voir sans péril, asservi sous ta loi, Mon génie, encor vert, galoper devant toi.

2617. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

Dans la pensée de l’artiste, c’était moins un roman qu’un poème, un poème moitié descriptif, moitié dramatique, renchérissant sur les anciens, sur les modernes, sur le poème de Paul et Virginie, le dernier en date.

2618. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

On a trop répété le mot de Vauvenargues : « Les grandes pensées viennent du cœur ».

2619. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Oui, dans le premier et célèbre portrait, malgré la robe de moyen âge de pendule, malgré la coiffure à la Ninon, malgré la lyre venue de chez le luthier, la grande Marceline, avec ses beaux yeux enflammés et humides, avec ce front droit et ces sourcils fièrement tracés, avec ce nez si caractérisé, aux bosses hardies et spirituelles, avec ce menton pointu, finement pensif, ces lèvres épaisses et si arquées, ce col énergique, attire, charme et retient le regard, qui se sent en face d’une pensée et d’une âme.

2620. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

Paul Fort offre un vaste répertoire d’images et de pensées.

2621. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

La forme était rudimentaire, il est vrai, mais la pensée, l’observation, la gaieté auraient parfois trouvé mieux leur compte dans ces grossières parades que dans les intrigues des Italiens.

2622. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Pressé de dire sa pensée, il avoue de bonne foi qu’il n’a presque rien entendu : Vous avez au moins , dit-il à son ami, mangé la moitié des vers.

2623. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Elle a dicté à La Rochefoucauld cette pensée que je ne suis point fâché de rappeler à M.  […] Elle suivra sa pente, agissant au besoin contre son intérêt, faute d’une pensée qui la serve. […] Ce mot pourtant est presque toujours le principal dans la pensée de l’auteur ; mais le reste jure avec lui. […] Flaubert a écrit son œuvre pour interdire aux humbles ces grandes pensées qui planent sur les hautes sphères de la société ? […] Pour Saint-Simon, la tentation était si forte, qu’il aurait dû s’interdire jusqu’à la pensée de la plus petite vengeance.

2624. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

A-t-il voulu, au contraire, nous émouvoir, éveiller en nous les réflexions sérieuses et les graves pensées ? […] On voit que ce lui est un bonheur et comme un rafraîchissement de revivre avec eux par la pensée. […] Dénouement commode, mais logique en ce qu’il exprime bien la pensée de M.  […] Mère, elle a presque abandonné sa fille ; mais lui, le père, n’a même pas eu pour l’enfant une caresse, une pensée. […] Dumas a laissé aller cette fois plus que jamais sa plume, comme sa pensée, à l’aventure.

2625. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Il est vrai que la comparaison ne servirait plus à grand’chose, car un être vivant est un être observable, tandis que le tout de l’univers est construit ou reconstruit par la pensée. […] Sa clarté apparente, notre impatient désir de la trouver vraie, l’empressement avec lequel tant d’excellents esprits l’acceptent sans preuve, toutes les séductions enfin qu’elle exerce sur notre pensée devraient nous mettre en garde contre elle. […] Il faut, pour se représenter cette irréductibilité et cette irréversibilité, rompre avec des habitudes scientifiques qui répondent aux exigences fondamentales de la pensée, faire violence à l’esprit, remonter la pente naturelle de l’intelligence. […] Les explications mécanistiques, disions-nous, sont valables pour les systèmes que notre pensée détache artificiellement du tout. […] C’est donc là que nous devrons aller chercher des indications pour dilater la forme intellectuelle de notre pensée ; c’est là que nous puiserons l’élan nécessaire pour nous hausser au-dessus de nous-mêmes.

2626. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Elle lisait aussi Pascal, dont les Pensées occupaient fort en ces années la critique littéraire. […] Je cherche souvent en moi-même ce qui peut m’avoir fait frapper si durement par notre cher Créateur ; car il est impossible que sa justice punisse ainsi sans cause, et cette pensée achève bien souvent de m’accabler… » Quand on écrit la biographie de certains poëtes, on peut dire que l’on montre l’envers de leur poésie : ici, dans cette longue odyssée domestique, on a simplement vu le fond même et l’étoffe dont la poésie de Mme Valmore est faite, et à quel degré, dans cette vie d’oiseau perpétuellement sur la branche, — sur une branche sèche et dépouillée, — près de son nid en deuil, toute pareille à la Philomèle de Virgile, elle a été un chantre sincère. […] Dans des lettres à une amie, Mme Derains, elle revient sur cette misère des logements à trouver, et elle exprime en paroles vivantes le trouble moral et le bouleversement de pensées qui résulte de ces déplacements continuels : « Ma bonne amie, vous me dites des paroles qui résument des volumes que j’ai en moi.

2627. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Beau vers, belle pensée, qui a dû naître bien des fois au cœur d’un baron féodal isolé, gardien d’une marche, d’une frontière, investi d’un fief éloigné où il n’était pas avec des gens de sa race, où il se sentait dépaysé et sans racines ; vers qui respire tout l’esprit de la féodalité, c’est-à-dire de la féalité au seigneur, du dévouement absolu, et qui exprime au vif la moralité cordiale de ces temps : c’est un vers d’or. […] « Ce n’est pas un poète bien entier, c’est le commencement et la matière d’un poète », a dit Balzac. — « Ce n’est qu’un maçon de poésie ; il n’en fut jamais architecte », a dit Chapelain. — « Il n’avait pas tort, a dit Fénelon, de tenter quelque voie nouvelle pour enrichir notre langue, pour enhardir notre poésie et pour dénouer notre versification naissante. » Son tort, ce fut de tenter trop de choses d’un seul coup : « on ne doit pas faire deux pas à la fois. » Mais, tout cela dit et accordé, que de beaux et bons endroits, quel riche fonds d’expressions et même de pensées pour quiconque aime à se renouveler dans les vieilles lectures ! […] Un petit exemple, entre beaucoup d’autres, m’a frappé et me servira à rendre ma pensée.

2628. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Par eux, les aptitudes poétiques de la race celtique, engourdies sous la domination romaine par l’élégant rationalisme de la littérature savante, comme par la pression monotone de la protection administrative, furent réveillées : les âmes, préparées déjà par le christianisme, violemment secouées par l’instabilité du nouvel état social, recouvrèrent le sens et le don des symboles merveilleux ; et dans la famine intellectuelle que produisit la ruine des écoles, l’aristocratie gallo-romaine, sujette des rois francs et compagne de leurs leudes, associée aux fêtes comme aux affaires, quitta sa délicatesse et ses procédés raffinés de pensée et de langage : elle retourna à l’ignorance, au peuple ; elle se refit peuple, avec toute la rudesse, mais avec toute la spontanéité du génie populaire. […] Et le nouveau, c’est la nouveauté extérieure, c’est la sensation nouvelle, l’apparence encore non rencontrée : ce public ne creuse pas, ne prolonge pas ses impressions par ses pensées : il ne voit pas au-delà de la forme particulière et sensible. […] Ce qui en fait la vérité, c’est l’absolue égalité, l’identité plutôt de l’auteur et du public, l’impossibilité où est celui-là de penser hors et au-dessus de la sphère où celui-ci enferme ses pensées.

2629. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Telle est la pensée qui prend l’esprit d’abord à la lecture du livre intitulé : Clément XIV et les Jésuites. […] La vie d’un Ordre qui a accompli les choses les plus puissantes et les meilleures qu’on ait vues depuis la Rédemption, est un sujet dont il est difficile de détacher sa pensée. […] … Ce qu’ils avaient accompli déjà leur donnait le sacrilège espoir de réaliser, dans l’histoire, le forfait qu’ils avaient consommé dans les spéculations de la pensée.

2630. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Mme de Staël en 1809, et du vivant du prince, a donné un choix de ses Lettres et de ses Pensées. […] Combien de fois ces jours derniers, en lisant cette suite de pensées et d’excursions du prince de Ligne sur les jardins, en comparant l’édition de 1781 avec celle de 1795 des Œuvres complètes, et y voyant des différences sans nombre et sans motif explicable, j’ai souhaité que, pour ce travail comme pour le reste de ces Œuvres, un homme d’attention et de goût (non pas un éditeur empressé et indifférent) pût faire un choix diligent et curieux qui ferait valoir tant d’heureux passages !

2631. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Suivre par la pensée leurs masses diverses dans tous ces mouvements compliqués que leur imprime le génie du chef ; calculer à chaque moment leur nombre sur chaque point ; distribuer avec précision le matériel dont on dispose, apprécier celui que peut fournir le pays ; tenir compte des distances, de l’état des routes, y proportionner ses moyens de transport, pour qu’à jour nommé chaque corps, la plus petite troupe, reçoive exactement ce qui lui est nécessaire : voilà une faible idée des devoirs de l’administrateur militaire. […] Assistant à la conception des plans les plus étendus et les mieux enchaînés, les écrivant le premier de sa main au moment où ils se produisaient au jour, les recueillant dans l’impétuosité du premier jet, devant à l’instant les embrasser avec développement et les saisir, s’associer en tout à la pensée qui les avait conçus et pourvoir sur les moindres points à l’exécution, M. 

2632. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Tandis que le voluptueux Salluste cherche au commencement de ses Histoires à élever sa pensée et celle de ses lecteurs et à la fixer vers les choses impérissables, La Fare, moins ami de l’idéal et qui sépare moins ses écrits de ses propres habitudes, commence par une citation de Pantagruel. […] Il est évident qu’il ne croit pas à la liberté dans le sens philosophique du mot ; il explique toute la diversité qu’on voit dans les pensées et par conséquent dans la vie des hommes, indépendamment des divers âges du monde et des états ou degrés de civilisation où ils naissent, par le tempérament, la fortune et l’habitude ; et il en vient ainsi, d’une manière un peu couverte, à exposer ce que nous appellerions sa philosophie de l’histoire.

2633. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

. ; en un mot, il y combat au long et avec détail l’épicuréisme, auquel il sait bien que Chapelle incline et est d’humeur, soit en théorie, soit en pratique, à s’abandonner : Je me promets, lui dit-il, que vous donnerez bien ceci à ma prière, qui est de repasser un moment sur ces pensées si ingénieuses et si agréablement tournées qu’on a su tirer de vos mémoires (apparemment quelques écrits et cahiers de philosophie et de littérature de Chapelle), sur tant d’autres fragments de même force que je sais qui y ont resté, et généralement sur tous ces enthousiasmes et emportements poétiques de votre Homère, Virgile et Horace, qui semblent tenir quelque chose de divin. […] Ces trois ou quatre points, sur lesquels il veut attirer son attention d’homme à jeun, sont précisément les divers degrés d’impression et de sensation, puis de jugement et de raisonnement, de réflexions générales ; la conception que nous avons du passé, du présent et de l’avenir ; la faculté de retour et de considération interne sur nous-mêmes ; l’invention et la découverte des hautes vérités ; tant de sublimes imaginations des beaux génies, « une infinité de pensées enfin, si grandes et si vastes, et si éloignées de la matière qu’on ne sait presque par quelle porte elles sont entrées dans notre esprit », toutes choses qui restent à jamais inexplicables pour une philosophie atomistique et tout épicurienne.

2634. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Il dit là toute sa pensée. […] Les hommes de lettres doivent veiller à leurs propos, à leurs pensées publiques, car ils ne peuvent donner au monde que cela.

2635. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Flousset aurait beaucoup le talent d’écrire et de peindre, d’être éloquent, comme on dit, dans le cas où il marcherait tout seul et où il aurait à composer, pour son compte, quelque morceau de sa propre étoffe ; mais aujourd’hui il ne nous donne pas le temps d’y songer : dans ce long travail d’analyse, d’extrait, de résumé et d’assemblage, il a fait preuve partout d’un excellent jugement, d’un goût sobre, d’un choix sévère, d’une fermeté de pensée et d’expression qui inspire toute confiance. […] Il confondait dans sa pensée cette gloire personnelle et celle de la France.

2636. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Mais le goût et une mâle pensée embrassent tout. […] que de vigueur de pensée !

2637. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Louvois, mieux avisé, en présence de ce naturel fermé de si bonne heure et de cette précoce dissimulation du jeune duc, et quand on lui parlait des variations de physionomie et de sentiments qu’il laissait apercevoir pour ce mariage de Portugal, écrivait à son agent : « Je crains également le chagrin et la gaieté de M. le duc de Savoie. » Le jeune prince, une fois majeur, n’eut plus qu’une pensée : prendre le pouvoir, mais aussi cacher ses desseins. […] D’ailleurs il s’adonnait aux affaires et ne laissait personne lire dans ses pensées.

2638. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Deux confréries représentent cette double influence : l’une, celle des Senoûsi, ainsi appelée du nom de leur fondateur Es-Senoûsi (mort en 1859), est notre ennemie mortelle ; elle est fondée sur une pensée de protestation religieuse contre toutes les concessions faites à la civilisation de l’Occident, contre toutes les innovations introduites dans divers États de l’Orient par les derniers souverains, et contré tout essai nouveau d’agrandissement ou d’action de la part des infidèles. […] On y voit toutes les passions en jeu et les cupidités qui ressortent des privations mêmes ; chacun fait de la poésie avec les images qui hantent sa pensée : toutes ces jouissances inconnues des Touâreg, y compris celle de l’eau qu’eux-mêmes n’obtiennent qu’à de rares intervalles, ils les enlèveront avec joie et rage à leur ennemi.

2639. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Le mieux serait assurément de tout concilier, de garder du passé les vues justes, les pensées ingénieuses et sensées, nées d’un premier et d’un second coup d’œil, impressions de goût qu’on ne remplacera pas, et d’y joindre les aperçus que suggèrent les faits nouveaux, d’accroître ainsi le trésor des jugements, sans en détruire une partie à mesure qu’on en construit une autre ; mais cette sagesse est rare ; la mesure n’est la qualité et le don que de quelques-uns. […] Je retourne la pensée dans tous les sens, mais je n’y mets rien de plus.

2640. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Mais le grand déserteur, dans son absence même, les domine et demeure présent à leur pensée, à la pensée de tous : ils ne sont que de premiers lieutenants.

2641. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Sans prétendre nier en rien les rapports du physique avec le moral, il me semble que c’est ici abuser même de la physiologie ; la pensée de l’homme a coutume de siéger plus haut que dans l’abdomen, et Gall, non moins qu’Homère, la fait asseoir vers le milieu du front, au-dessus des sourcils, comme sur un trône. […] mais en poésie, c’est la pensée et le sentiment qui restent le principal, qui gardent, pour ainsi dire, la haute main, tandis qu’en peinture la main-d’œuvre, au besoin, prend le dessus. — La quantité de noms célèbres que M.

2642. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

VI Enfin, il faut que l’historien soit arrivé à la vieillesse, ou du moins à cette maturité des années qui donne, avec le sang-froid de la pensée, le désintéressement de l’ambition, ce loisir studieux où l’écrivain se renferme dans la solitude de son âme pour recueillir, avant sa mort, les événements de son temps, les expériences, les jugements qu’il veut léguer à la postérité. […] Tacite est l’abréviateur de l’œuvre de Dieu ; il n’écrit pas, il note : mais chaque note ouvre un horizon sans borne à la pensée.

2643. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Le Miracle de Théophile, avec sa tenue édifiante et un peu compassée, avec sa forme travaillée, et parfois trop littéraire, avec l’artifice de ses développements et de ses rythmes qui marquent la maigreur de la pensée, n’est pas une œuvre supérieure. […] Des scènes décousues qui défilent devant nous comme une collection d’images sous les yeux d’un enfant, nulle préoccupation des caractères, des sentiments et de la vie intérieure, une stricte déclaration des pensées précisément nécessaires pour rendre les actes intelligibles dans leur suite, mais non pas dans leur production, un courant facile et plat de style où sont semés des îlots de rondels, motets et chansons, certains raffinements d’art, et point de poésie : voilà ces Miracles de Notre-Dame.

2644. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Elle ne demande au ciel et à la terre qu’une grande cause à servir par un grand dévouement ; l’amour y surabonde avec la force. » Il était alors voltairien comme sa génération, déiste, non pas sceptique et indifférent, remarquons-le bien : même quand il ne croyait pas, la forme de sa pensée était toujours nette et tranchée. […] Jamais le souvenir de ces premiers temps de son âge ne s’effaça de la pensée du général Drouot ; dans la glorieuse fumée des batailles, aux côtés mêmes de l’homme qui tenait toute l’Europe attentive, il revenait par une vue du cœur et un sentiment d’actions de grâce à l’humble maison qui avait abrité, avec les vertus de son père et de sa mère, la félicité de sa propre enfance.

2645. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Le Champi lui-même ne s’avoue cette pensée et ne l’ose exprimer que quand la malveillance a déjà parlé par la bouche de la Sévère. […] En insistant sur l’admiration qui est due à ces dernières productions de Mme Sand, je n’ai pas, au reste, la pensée de lui adresser un conseil : c’est un succès que j’ai voulu constater.

2646. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Et pourtant Mme Du Deffand méritait bien ce soin, car elle est un de nos classiques par la langue et par la pensée, et l’un des plus excellents. […] Elle est ingénieuse à revenir sans cesse sur ce qu’il lui défend, sur cette pensée constante qui n’est que vers lui.

2647. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Il a rempli cet autre vœu de Fénelon : « Il ne faut prendre, si je ne me trompe, que la fleur de chaque objet, et ne toucher jamais que ce qu’on peut embellir. » Et, enfin, il semble avoir été mis au monde exprès pour prouver qu’en poésie française il n’était pas tout à fait impossible de trouver ce que Fénelon désirait encore : « Je voudrais un je ne sais quoi, qui est une facilité à laquelle il est très difficile d’atteindre. » Prenez nos auteurs célèbres, vous y trouverez la noblesse, l’énergie, l’éloquence, l’élégance, des portions de sublime ; mais ce je ne sais quoi de facile qui se communique à tous les sentiments, à toutes les pensées, et qui gagne jusqu’aux lecteurs, ce facile mêlé de persuasif, vous ne le trouverez guère que chez Fénelon et La Fontaine. […] On voit trace de sa douleur profonde jusque dans cette Correspondance badine ; mais que les paroles sont simples, vraies, et qu’elles rejettent bien loin toute maligne pensée !

2648. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Une seule pensée m’absorbait ; je comptais avec impatience les moments. […] Quand M. de Chateaubriand essaie de nous peindre la douleur qu’il éprouva dans le temps, après avoir brisé le cœur de Charlotte, il parvient peu à nous en convaincre ; des tons faux décèlent le romancier qui arrange son tableau, et l’écrivain qui pousse sa phrase : « Attachée à mes pas par la pensée, Charlotte, gracieuse, attendrie, me suivait, en les purifiant, par les sentiers de la Sylphide… » et tout ce qui suit.

2649. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Telle est ma pensée sur les bonnes et saines parties du Cours de littérature. […] Le tort de La Harpe, ce n’est pas d’avoir varié, mais de s’être exprimé dans la disposition nouvelle de son esprit avec la même confiance aveugle et despotique, avec bien plus de confiance encore qu’il n’en avait montré dans sa première forme de pensée.

2650. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Les femmes, habituées aux éloges, aux protestations de tendresse, ont cela de malheureux qu’elles ne peuvent supporter la pensée d’être indifférentes même aux gens qui les intéressent le moins. […] [NdA] Léonie de Montbreuse était dédiée, dans la pensée de Mme Gay, à sa fille Mme la comtesse de Canclaux, née du premier mariage.

2651. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Nos plaisirs et nos peines ne sont plus que des « représentations obscures », nos émotions sont des « précipitations de pensées ». […] Là se cache la vraie et radicale origine de l’activité, du plaisir ou de la douleur, enfin de la pensée.

2652. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Encore qu’il affranchisse plus tard sa pensée de la gêne du rythme et de la mesure, il ne cessera plus de parler la langue ferme, sobre, correcte et un peu brutale, qui lui fait une place à part parmi ses rivaux ou ses émules. […] Tout l’œuvre du poète qui vient de mourir est inspiré par cette double pensée : relever, à ses propres yeux, le bourgeois défaillant et décadent par l’exemple des hautes vertus bourgeoises ; flétrir, comme on flétrissait la forfaiture d’un gentilhomme, les défaillances des bourgeois indignes d’être inscrits au livre d’or de la bourgeoisie.

2653. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Jamais, mon ami, nous ne nous embrasserons dans cette demeure antique, silencieuse et sacrée, où les hommes sont venus tant de fois accuser leurs erreurs ou exposer leurs besoins, sous ce panthéon, sous ces voûtes obscures où nos âmes devoient s’ouvrir sans réserve, et verser toutes ces pensées retenues, tous ces sentiments secrets, toutes ces actions dérobées, tous ces plaisirs cachés, toutes ces peines dévorées, tous ces mystères de notre vie dont l’honnêteté scrupuleuse interdit la confidence à l’amitié même la plus intime et la moins réservée. […] Je ne dis pas qu’une nature grossièrement viciée ne leur ait inspiré la première pensée de réforme et qu’ils n’aient longtemps pris pour parfaites des natures dont ils n’étoient pas en état de sentir le vice léger ; à moins qu’un génie rare et violent, ne se soit élancé tout à coup du troisième rang où il tâtonnait avec la foule, au second.

2654. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Ces derniers se transportent d’un endroit à un autre avec la rapidité de la pensée. […] — Le guinné devine la pensée.

2655. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Une fois seulement avant cette ambassade d’Espagne, vide d’affaires et d’hommes à manier, on l’avait vu arrêter sa pensée sur Saint-Simon et le désigner au Conseil pour l’ambassade de Rome, mais ce choix, qui avait étonné tout le monde, et Saint-Simon lui-même, ne fut jamais officiellement confirmé. […] Cette grande femme d’État avait peut-être jugé et pénétré Saint-Simon avant Louis XIV, mais sur ce point comme sur tous les autres, elle ne domina pas le roi, elle avait vu comme il devait voir, elle le devinait… Elle lui parlait sa propre pensée et le Roi se reconnaissait à l’instant.

2656. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Non, non, avec tout le respect que je dois au génie de vos lettres, je vous déclare que vous n’aimiez pas vos bois, que vous n’aviez qu’une tendresse bien vague pour un objet si vaguement décrit, et que vous ne goûtiez parmi eux que la liberté de vos pensées de femme et de vos regrets de Parisienne. […] Je regrette les ailes blanches que le vent soulevait, les châteaux ajourés des Normandes, casques de la douce guerre, les capuchons rouges des Béarnaises, les mouchoirs multicolores noués sur la nuque des Provençales, les coquilles enroulées, les bandeaux transparents qui laissaient deviner la blancheur de leur front, et ces fleurs merveilleuses, marguerites, cyclamens, digitales, pensées, qu’avaient imitées nos grand-mères inconnues quand elles inventaient la coiffe de leur bourg natal, poème féminin, l’un des plus exquis et des plus profonds qui soient sortis du génie anonyme de la foule.

2657. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Déjà ma pensée tressaille, impatiente de partir et d’errer ; déjà, dans leur ardeur, trépignent mes pieds agiles. […] La pensée studieuse de Catulle devait en être tentée.

2658. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Il fait comprendre tous ses défauts, mais il ne les excuse pas, et il ne semble point avoir la pensée de les faire aimer.

2659. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

On s’y perd : — pétulance, étourderie, entraînement d’une verve plus forte que l’homme, d’un cheval plus fort que son cavalier ; impossibilité de se contenir, oui, une véritable incontinence de pensée, c’est-à-dire une vraie faiblesse sous ces aspects de violence !

2660. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Ma pensée est que, s’il suit ce train, le catholicisme en France vise à la secte.

2661. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Les autres métaphores, si hardies qu’elles soient, y sont vraies, sensibles à la pensée subsistantes à la réflexion.

2662. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Et puis, comme l’art a mille faces possibles, et qu’aucune n’est à supprimer quand elle correspond à la nature, il y aura toujours lieu à des talents et à des œuvres qui exprimeront des sentiments plus isolés, plus à part des questions flagrantes, et s’inquiéteront, en les exprimant, de la beauté calme et juste, de la perfection de la pensée et de l’excellence étudiée du langage : ce seront ceux de la même famille qu’André.

2663. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Cette pensée a été celle de M. 

2664. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Les dernières livraisons de l’Encyclopédie pittoresque, publiée par Lachevardière, contiennent de remarquables articles, Arianisme, Aristote, où l’on reconnaît la pensée philosophique profonde et la plume énergique de M. 

2665. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

il se propose comme champion à la dame de ses pensées, qui, après quelques façons, l’envoie avec sérénité à une mort possible.

2666. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

Il s’est échappé de la royauté, comme un moine incroyant de son monastère, pour retourner à la nature, pour vivre vraiment selon sa pensée et selon son cœur, pour jouir librement du vaste monde, sans avoir à rendre des comptes spéciaux, à Dieu et aux hommes, d’une tâche à la légitimité de laquelle il ne croyait plus… Partout l’ordre ancien chancelle.

2667. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dierx, Léon (1838-1912) »

Tout ce monde-là se rappelle également ces troublants paysages, les Filaos, souvenir de l’Île natale, et ces Automnes où Le monotone ennui de vivre est en chemin, et ces pièces où le vers revient sans monotonie, forme toute nouvelle, car Baudelaire, qui lui-même a emprunté à Edgar Poe la réitération du vers, se borne, comme son modèle, à en faire un véritable refrain revenant toujours à la même place, tandis que Dierx promène, en écoliers buissonniers, plusieurs vers dans la même pièce, comme un improvisateur au piano qui laisse errer plusieurs notes, toujours les mêmes, à travers l’air qu’il a trouvé, ce qui produit un effet de vague d’autant plus délicieux, que le vers de notre poète est particulièrement fait et très précis, toute flottante que veuille être parfois sa pensée, mystique et sensuelle.

2668. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Il y a plus : il y a l’apport d’une émotion artistique de qualité spontanée et neuve, il y a l’emploi d’une phrase dont l’apparence simple est un miroir profond d’attitudes séculaires et de pensées accumulées, héritage perpétuel que se transmettront à jamais les âmes.

2669. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Georges Pioch Parce qu’il participe de la vie par cet amour qui souffre et jouit d’homme à femme, parce qu’il la surpasse en bonté et la domine par le pardon, ce livre (Les Quatre Saisons), qui nous vient avec le printemps, peut-il être admiré et chéri comme le commentaire généreux d’une année ; mieux même : de l’Année… Le goût littéraire y cueille des joies rares : celles qu’un art hautain et délicat procure et que fortifie le rayonnement d’une libre pensée ; celles, aussi, d’une surprise.

2670. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Laissez la pensée venir à vous, avec son vêtement naturel, qui est la parole ; ne l’appelez pas, ne la pressez pas.

2671. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

La reine-mère trouvait bon que le jeune roi fréquentât la maison de la comtesse de Soissons, sachant bien que Marie Mancini, la plus jeune des trois sœurs, attirait son attention, mais persuadée qu’il n’aurait jamais la pensée d’épouser cette étrangère, et que sa société serait pour lui un amusement sans autre conséquence possible que le déshonneur d’une bourgeoise italienne.

2672. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Pour les hommes a grandes pensées, ils sont des instruments d’une puissance incomparable pour l’accomplissement d’illustres desseins.

2673. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Voltaire n’a flotté parmi tant d’erreurs, tant d’inégalités de style et de jugement, que parce qu’il a manqué du grand contrepoids de la religion : il a prouvé que des mœurs graves et une pensée pieuse sont encore plus nécessaires dans le commerce des Muses qu’un beau génie.

2674. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

L’Église ne pouvait donc prendre, dans une question qui a partagé la terre, que le parti même qu’elle a pris : retenir ou lâcher les rênes, selon l’esprit des choses et des temps ; opposer la morale à l’abus que l’homme fait des lumières, et tâcher de lui conserver, pour son bonheur, un cœur simple et une humble pensée.

2675. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

Cette pensée est consolante.

2676. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

On conçoit donc que nous ayons insisté sur leur emploi, leur qualité et leur formation ; mais là encore on a essayé de travestir notre pensée.

2677. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Le fondateur des Dîners littéraires, à bon mot et à dix francs, n’est pas seulement un professeur d’hygiène intellectuelle aussi simple que cet ivrogne de Sheridan, qui disait : « Quand la pensée est lente à venir, un verre de bon vin la stimule, et quand elle est venue, un verre de vin la récompense », c’est un homme plus profond que cela : il connaît son temps et sait jouer du vice de son temps.

2678. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

Il ne fallait pas l’adorer et l’épouser dans sa pensée ; car bien évidemment le comte Zélislas est une espèce de sarbacane à travers laquelle l’auteur souffle au public ses propres idées, ses théories, ses espérances, ses désespoirs, et la condamnation (éloquente, croit-il, comme une victime !)

2679. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

Pour sa libre pensée, parlez-moi de sa libre peinture !

2680. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

On assiste chez tous, à l’opération d’esprit douloureuse, qui amène la pensée à la honte d’une capitulation. […] Et dans le moment où la pensée de la France était, tout entière, tournée contre les Prussiens, dans ce moment même — ah ! […] Mon jardin devient toute l’occupation, toute l’ambition de ma pensée. […] C’est à la fois merveilleux et triste, le despotisme qu’exerce sur la pensée de Renan tout ce qui se dit, s’écrit, s’imprime en Allemagne. […] Si, comme dans ce moment-ci, ce n’est pas un livre que je roule dans ma tête, ma pensée s’amuse, jour et nuit, de la plantation d’un jardin, de la formation d’un coin de verdure et de feuillée particulier.

2681. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Alors il faut deviner la pensée, l’obscurité étant inséparable de cette maniere de versifier…. […] Une pensée se perdoit dans une multitude de phrases. […] Un nouveau Narcisse, autant habile à se farder les joues qu’à déguiser ses pensées, s’offrit à nos yeux avec des ridicules si révoltans, qu’il fut hué. […] Chaque pas qu’elles font, chaque mot qu’elles proferent, chaque pensée qu’elles mettent au jour, prêtent à rire. […] L’Anglois n’a nulle aptitude dans la partie des modes, aussi bisarre dans la maniere de se mettre, que dans les pensées qui l’agitent.

2682. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

« Elle consiste, — nous dit-il, — dans un désordre de la pensée elle-même. […] Champlieu, aux vestiges romains, hante aussi ma pensée, avec sa lisière de bois profonds découpés à l’horizon tendre du beau pays de Valois. […] La pensée humaine est trop faible pour interpréter le sentiment qui ramène ce spectacle à une notion de la destinée. […] C’était une fumée sans doute, et rien n’a demeuré dans ma mémoire de ces pensées d’un adolescent. […] » « Ô ma fille, où la pensée doit-elle se fixer ! 

2683. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Le goût leur était venu tout de suite, c’est-à-dire l’envie de plaire aux yeux, et d’exprimer une pensée par des formes, une pensée neuve : l’arche circulaire s’appuyait sur une colonne simple ou sur un faisceau de colonnettes : les moulures élégantes s’arrondissaient autour des fenêtres ; la rosace s’ouvrait simple encore et semblable à la rose des buissons, et le style normand se déployait original et mesuré entre le style gothique dont il annonçait la richesse, et le style roman dont il rappelait la solidité. […] Parmi ces abbés du continent qui s’installent en Angleterre, tel établit une bibliothèque ; un autre, fondateur d’une école, fait représenter à ses écoliers « le jeu de sainte Catherine  » ; un autre écrit en latin poli des épigrammes « aiguisées comme celles de Martial. » Ce sont là les plaisirs d’une race intelligente, avide d’idées, d’esprit dispos et flexible, dont la pensée nette n’est point offusquée comme celle des têtes saxonnes par les hallucinations de l’ivresse et par les fumées de l’estomac vorace et rempli. […] Il entra en la chapelle où il y avait une petite huisserie et basse, et était bien petite la chapelle ; et alors devint la porte si grande qu’il semblait que ce fût la porte d’un palais. » Il s’arrête, se reprend, veut mieux s’expliquer pour les auditeurs d’outre-Manche, et dit en anglais : « Et quand Mahomet entra dans la chapelle, laquelle était chose petite et basse, et n’avait qu’une porte petite et basse, alors l’entrée commença à devenir si grande, si large et si haute, que c’était comme si c’eût été l’entrée d’un grand monastère ou la porte d’un palais108. » Vous voyez qu’il amplifie, et se croit tenu d’assener et d’enfoncer trois ou quatre fois de suite la même idée pour la faire entrer dans un cerveau anglais ; sa pensée s’est allongée, alourdie, et gâtée au passage. […] Ce sont bientôt des voyages impossibles, des défis extravagants qu’ils veulent voir, un tapage de combats, un entassement de magnificences, un imbroglio de hasards ; de l’histoire intérieure, nul souci : ils ne s’intéressent pas aux événements du cœur, c’est le dehors qui les attache ; ils demeurent comme des enfants les yeux fixés sur un défilé d’images coloriées et grossies et, faute de pensée, ne sentent pas qu’ils n’ont rien appris. […] C’est cette fière et persistante pensée qui produit et conduit tout le livre de Fortescue. « Il y a deux sortes de royautés, dit-il, desquelles l’une est le gouvernement royal et absolu, l’autre est le gouvernement royal et constitutionnel153. » Le premier est établi en France, le second en Angleterre. « Et ils diffèrent en cela que le premier peut gouverner ses peuples par des lois qu’il fera lui-même, et ainsi mettre sur eux des tailles et autres impositions, telles qu’il voudra, sans leur consentement.

2684. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

N’est-ce point, au fond, Monsieur James Sully, votre pensée ? […] Shakespeare, portant Cordelia dans sa pensée, a créé cette tragédie comme un Dieu qui, ayant une aurore à placer, ferait tout exprès un monde pour l’y mettre. […] Il a habillé à la française une belle pensée espagnole. […] … Le cœur, chez ces grands créateurs, reste dominé par la pensée. […] Et, à travers cet écheveau, vous comprenez bien la pensée de Sainte-Beuve et combien elle est juste.

2685. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Cette forme régnante de pensée s’impose à tous les écrivains, depuis Waller jusqu’à Johnson, depuis Hobbes et Temple jusqu’à Robertson et Hume ; il y a un art auquel ils aspirent tous ; le travail de cent cinquante années, pratique et théorie, inventions et imitations, exemples et critique, s’emploie à l’atteindre. […] Si la conversation offrait un trait dont on pût faire profit, il le confiait au papier ; si une pensée ou même une expression plus heureuse que l’ordinaire se levait dans son esprit, il avait soin de l’écrire ; quand deux vers lui venaient, il les mettait de côté pour les insérer à l’occasion. […] Voici ces vers si beaux traduits en prose ; j’ai beau traduire exactement, de toutes ces beautés il ne reste presque rien : Connais-toi donc toi-même, et ne te hasarde pas jusqu’à scruter Dieu. —  La véritable étude de l’humanité, c’est l’homme. —  Placé dans cet isthme de sa condition moyenne, —  sage avec des obscurités, grand avec des imperfections, —  avec trop de connaissances pour tomber dans le doute du sceptique, —  avec trop de faiblesse pour monter jusqu’à l’orgueil du stoïcien, —  il est suspendu entre les deux ; ne sachant s’il doit agir ou se tenir tranquille, —  s’il doit s’estimer un Dieu ou une bête, —  s’il doit préférer son esprit ou son corps, —  ne naissant que pour mourir, ne raisonnant que pour s’égarer, —  sa raison ainsi faite qu’il demeure également dans l’ignorance, —  soit qu’il pense trop, soit qu’il pense trop peu, —  chaos de pensée et de passion, tout pêle-mêle, —  toujours par lui-même abusé ou désabusé, —  créé à moitié pour s’élever, à moitié pour tomber, —  souverain seigneur et proie de toutes choses, —  seul juge de la vérité, précipité dans l’erreur infinie, —  la gloire, le jouet et l’énigme du monde. […] La sève en ce pays est toujours plus forte que chez nous ; leurs sensations sont plus profondes, comme leurs pensées plus originales.

2686. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Le premier suit sa libre inspiration, viole les règles et les traditions ; le second observe en tous points l’étiquette, habille sa pensée d’un perpétuel vêtement de parade. […] Elle dissimule savamment aux regards de la foule l’absence de pensée, la pauvreté des arguments, la puérilité de logique, la disette de bon sens. […] L’une des médailles frappées pour perpétuer le souvenir de cet acte mémorable, l’écrasement, pour un siècle, de la libre pensée religieuse en France, représente « la Religion plantant une croix sur des ruines, pour marquer, ajoute Weiss, le triomphe de la vérité sur l’erreur, avec cette légende ; Religio victrix ». […] Le grand nom de l’évêque de Meaux se présente naturellement à la pensée ; mais ni la correspondance de Bossuet, ni les documents relatifs à sa vie, ne fournissent de lumières à ce sujet, et l’on ignore s’il faut ajouter une responsabilité matérielle et directe a la responsabilité morale que les maximes de Bossuet et l’esprit de ses ouvrages font peser sur sa mémoire ».

2687. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

J’aime à croire que si Richelieu avait poursuivi ses Mémoires jusqu’à l’année de la mort de Sully, laquelle ne précéda que de peu la sienne, il aurait trouvé d’autres paroles pour rendre justice à un si méritant prédécesseur, et que la pensée morale et humaine exprimée par lui, et qui redouble de valeur sous sa plume, n’aurait pas étouffé les autres considérations d’équitable et haute louange que le nom de Sully rappelle. […] L’année suivante, à Nérac, il continue dans le même train : « La Cour y fut un temps fort douce et plaisante ; car on n’y parlait que d’amour et des plaisirs et passe-temps qui en dépendent, auxquels vous participiez autant que vous pouviez, ayant une maîtresse comme les autres. » Une maîtresse avouée, c’est-à-dire une dame de ses pensées.

2688. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Le Français est sociable, et il l’est surtout par la parole ; la forme qu’il préfère est celle encore qu’il donne à la pensée en causant, en raisonnant, en jugeant et en raillant : le chant, la peinture, la poésie, dans l’ordre de ses goûts, ne viennent qu’après, et les arts ont besoin en général, pour lui plaire et pour réussir tout à fait chez lui, de rencontrer cette disposition première de son esprit et de s’identifier au moins en passant avec elle. […] Quand je dis campagne et quand je prends les termes de guerre, je ne fais que suivre exactement sa pensée : car dans son séjour à Milan, dès 1818, je vois qu’il avait préludé à ce projet d’attaque en traçant une carte du théâtre des opérations, où était représentée la position respective des deux armées, dites classique et romantique.

2689. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Une femme savante de profession est odieuse ; mais une femme instruite, sensée, doucement sérieuse, qui entre dans les goûts, dans les études d’un mari, d’un frère ou d’un père ; qui, sans quitter son ouvrage d’aiguille, peut s’arrêter un instant, comprendre toutes les pensées et donner un avis naturel, quoi de plus simple, de plus désirable ? […] Pour peindre cette diction homérique dont elle est pénétrée et qui fait l’âme du poème, elle a des paroles qui sont d’un écrivain et des images qui portent sa pensée : « La louange, dit-elle, que ce poète donne à Vulcain, de faire des trépieds qui étaient comme vivants et qui allaient aux assemblées des dieux, il la mérite lui-même : il est véritablement cet ouvrier merveilleux qui anime les choses les plus insensibles ; tout vit dans ses vers. » Comment donc oser le traduire ?

2690. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

M. de Marolles a traduit les poètes romains en notre langue française, avec une naïve expression, rendant pensée pour pensée autant qu’il l’a pu faire pour ce qui est de ceux qui ont gardé étroitement les lois de la pudeur ; et pour les autres il a touché si adroitement aux endroits périlleux qu’on peut dire qu’il les a purifiés.

2691. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Tel est le personnage original qui, dans sa jeunesse, eut la pensée de devenir homme d’Église, et qui plus est, la tentation de se faire chartreux. […] » Mais la vue de la récréation aux jours de fête, avec la division tranchée des trois groupes, est d’une belle observation morale et d’un effet lugubre, qui termine bien cette suite de tableaux : « Ces jours-là, après les grâces dites à l’église, les chartreux se promenaient dans le grand jardin, en formant trois groupes séparés : les vieillards excluaient leurs confrères au-dessous de quarante ans, et ceux-ci les confrères au-dessous de trente ; les jeunes erraient pour la plupart seuls, craignant de se communiquer leurs tristes et douloureuses pensées ; la tète baissée, ils regardaient la terre et me semblaient lui demander de se hâter de s’ouvrir pour eux.

2692. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Un incident majeur, l’exil du supérieur et du curé de la paroisse, les ayant interrompues, il eut la pensée de les continuer à son compte et de les présider. […] Le premier président, M. de Novion, qui avait eu la même pensée que M. de Harlay, et qui y avait obéi en réunissant chez lui les parties adverses, ne fut pas long à s’en repentir : on en vint aux injures et à s’arracher les yeux en sa présence.

2693. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

On a trop peu de lettres ou de notes écrites de Mme d’Albanv ; on en possède assez toutefois pour bien se la représenter dans l’habitude et le train ordinaire de ses sentiments et de ses pensées. […] Il serait indiscret et contraire à la pensée sérieuse qui me dicte cette note d’indiquer le nom de ces divers Fabre que la société parisienne a connus, qu’elle a parfaitement acceptés et honorés.

2694. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Dominique s’enivre de sa vue ; il ne se nourrit plus que d’une pensée unique, et, dans son reste d’enfance, il ne conçoit pas la moindre crainte pour l’avenir ; il ne s’est pas aperçu que parmi les objets de voyage qu’on déballait, près d’un bouquet de rhododendrons rapporté de quelque ascension lointaine et enveloppé avec soin, une carte d’homme s’est détachée, dont Olivier s’est emparé aussitôt, et qu’un nom inconnu a été prononcé pour la première fois : Comte Alfred de Nièvres. […] Qu’on me permette d’insister sur ce point en terminant et de mettre ma pensée en pleine lumière.

2695. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Très peu d’esprits ont le loisir et la faculté de tout lire, d’avoir présents au même instant à la pensée les différents termes de comparaison, et de ne se décider qu’après examen et toutes pièces vues, toutes parties entendues. […] Je ne crains pas de confier ma pensée à tous ceux qui ont réfléchi sur les principes de la vraie morale.

2696. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Voici pourtant une page des Mémoires, sur les invasions étrangères, qui me semble aussi bien pensée que bien écrite. […] Lui seul avait la puissance, par un esprit égal au sien, de mettre en jeu tout son esprit, de la faire grandir par la lutte, d’éveiller une éloquence, une profondeur d’âme et de pensée qui ne se sont jamais montrées dans tout leur éclat que vis-à-vis de lui, comme lui aussi n’a jamais été lui-même qu’à Coppet.

2697. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Il vit aussitôt le ministre Clarke, qui lui demanda s’il voulait entamer une lutte avec l’Empereur, le pot de terre contre le pot de fer : « Je serais insensé en effet, répliqua Jomini, si telle était ma pensée, … mais loin de là ; j’ai eu de puissants motifs de donner ma démission. […] L’Empereur, mieux informé, traita si peu de niaiserie cette pensée ambitieuse du maréchal Soult qu’il lui adressa de Schœnbrunn, à la date du 26 septembre 1809, la lettre qu’on peut lire dans la Correspondance (tome XIX, page 527), et où il lui exprime son mécontentement le plus sérieux sur ce même sujet.

2698. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

D’ailleurs ce n’est pas vous, qui comprenez si bien la pensée de toutes choses, qui pouvez être un mauvais juge de la mienne. »  Vers ces premiers temps de notre connaissance, qui coïncidait avec l’entrée de George Sand à la Revue des Deux-Mondes, les directeur et propriétaires de cette Revue réunirent les principaux de leurs rédacteurs ou amis à un dîner chez Lointier, rue Richelieu.  […] La seule pensée que j’y aie cherchée, c’est la confiance dans l’amour présentée comme une belle chose, et la butorderie de l’opinion comme une chose injuste et bête. — J’avais, comme vous l’avez très-bien aperçu, commencé cette histoire de Saint-Julien dans d’autres vues, et les deux corps se joignaient fort mal.

2699. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

On sent courir à tout moment la vague pensée, on effleure le sujet interdit, mais au même moment on l’esquive : on est chatouillé et rassuré à la fois ; on se donne une entière licence avec une sorte de sécurité ; car, notons-le bien, c’est encore un novice qui badine, et non un page : le Chérubin dont l’enjouement a dicté ces gaietés d’un jour ne sera jamais l’amant de sa marraine ; que dis-je ? […] Des pensées plus douces et plus humbles lui sourirent ; le bonheur domestique lui fit envie.

2700. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Pour ne pas nous perdre ici en des apologies de détail dont le lecteur n’a que faire, nous poserons tout d’abord un principe, et ce principe est celui-ci : Il faut avoir l’esprit de son âge, dit-on : cela est vrai en avançant ; mais surtout et d’abord il faut en avoir la vertu : des mœurs et de la pudeur dans l’enfance, de la chevalerie, de la chaleur de conviction et de la générosité de pensée dans la jeunesse. […] Ce singulier fragment nous apprend bien des choses, et d’abord qu’il ne faudrait pas absolument se fier aux lettres d’amour qu’il écrivait, pour y trouver l’expression toute vraie de sa pensée ; car enfin ce qu’il appelle ici du tendre galimatias pourrait bien, si on le retrouvait sans comme ntaire, paraître tout simplement de la tendresse exaltée.

2701. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Si Mlle de Liron avait vécu à une semblable époque, elle se fût inquiétée, sans doute, de sa faute comme Mlle Aïssé ; elle eût exigé un autre confesseur que son amant ; elle eût tâché de se donner des remords, et s’en fût procuré probablement à force d’en échauffer sa pensée. […] Les Lettres de Lausanne sont un de ces livres chers aux gens de goût et d’une imagination sensible, une de ces fraîches lectures dans lesquelles, à travers de rapides négligences, on rencontre le plus de ces pensées vives, qui n’ont fait qu’un saut du cœur sur le papier : c’est l’historien de Mlle de Liron qui a dit cela.

2702. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Il nous procure cette douceur de rentrer, volontaires et conscients, dans le royaume de la vie sans pensée, dans notre pays d’origine. […] Cela fait quelque chose d’assez hybride : Le désert de Tessé faisait partie de son être ; mais le sentiment chez lui était passif, et ses accoutumances complétaient son cadre sans émouvoir sa pensée.

2703. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

La femme qui se déshabille pour se donner à un homme dépouille avec ses vêtements toute sa personne sociale ; elle redevient pour celui qu’elle aime ce qu’il redevient, lui aussi, pour elle : la créature naturelle et solitaire dont aucune protection ne garantit le bonheur, dont aucun édit ne saurait écarter le malheur. » Je suis ravi de cette beauté de pensée et de forme ; mais je tourne la page et j’y trouve une « floraison » ou un « avortement » qui « dérive » d’une certaine qualité d’amour. […] Et, s’il faut dire toute ma pensée (et non plus seulement sur André Cornélis), la psychologie de M. 

2704. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Sa flamme est une lumière qui en écarte les pensées mauvaises, comme elle en chasse au dehors les bêtes meurtrières. […] Isaïe, le grand prophète d’Israël, exprime avec une tristesse amère la même pensée que contient le vase de Pandore : — « Ô homme !

2705. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Plaisir ou étude, il veut que chaque chose qu’on fait, on la fasse bien, on la fasse tout entière et en son temps, sans se laisser distraire par une autre : Quand vous lisez Horace, faites attention à la justesse de ses pensées, à l’élégance de sa diction et à la beauté de sa poésie, et ne songez pas au De homine et cive de Pufendorf, et, pendant que vous lisez Pufendorf, ne pensez point à Mme de Saint-Germain ; ni à Pufendorf quand vous parlez à Mme de Saint-Germain. Mais cette libre et forte disposition de la pensée aux ordres de la volonté, n’est le propre que des grands ou des très bons esprits.

2706. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Quelquefois, bien rarement, sa pensée se fait jour par des réflexions morales qui accusent la haute misanthropie dont il est plein. […] Il allait, observant ainsi, se souriant à lui-même et redoublant ses pensées.

2707. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

C’est ainsi encore qu’il fera dire à un solliciteur, dans L’Intrigant malencontreux : « Monsieur Mitis, tâchez donc de placer mon fils dans un bureau ; vous me rendrez un grand service : il n’est bon à rien du tout. » Et ceci encore, dans le proverbe de Madame Sorbet, à qui on propose de jouer la comédie : « La comédie, je crois que nous la jouerions fort mal tous les deux ; nous avons trop de franchise, trop de naturel pour faire jamais de bons acteurs. » Marmontel, définissant un genre de finesse analogue à celui-ci, l’appelle une certaine obliquité dans l’expression qui donne à la pensée un air de fausseté au premier abord. […] Chaque pensée, chaque parole de Mme de Gerfaut est pénétrée d’une tendresse qui ne se peut contenir et qui rayonne autour d’elle.

2708. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

E. le ministre de l’Intérieur pour l’acquisition de Chambord (1821), est sorti de cette pensée, et c’est peut-être le chef-d’œuvre de son auteur. […] Il le sentait bien au reste ; dans son Pamphlet des pamphlets il a fait sa théorie tout à sa portée et à son usage ; mesurant la carrière à son haleine, il a posé en principe qu’il fallait faire court pour faire bien : La moindre lettre de Pascal, dit-il, était plus malaisée à faire que toute l’Encyclopédie… Il n’y a point de bonne pensée qu’on ne puisse expliquer en une feuille, et développer assez ; qui s’étend davantage, souvent ne s’entend guère, ou manque de loisir, comme dit l’autre, pour méditer et faire court.

2709. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Il n’est rien de tel pour un homme d’une organisation chancelante, que de franchir ces âges indécis, et de ne plus être tout bonnement et franchement qu’un jeune vieillard qui se sent frêle et qui l’est sans partage, qui renonce aux demi-passions et ne songe plus qu’à vivre par la pensée. […] Mais, quels que soient les motifs qui m’ont conduit, je n’ai point traversé cette Voie douloureuse sans éprouver une vive émotion et sans m’élever à de religieuses pensées.

2710. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Nous allons pouvoir goûter à loisir la sensation rare que donne le génie, — le plus grand bonheur pour la pensée ! […] Au dehors, le bon ordre, la conservation des familles, la paix et l’honneur des mariages, la source des alliances, la solidité des établissements, tout crie en faveur de ces lois ; au dedans de nous-même, une voix puissante se fait entendre qui les canonise et nous les fait respecter comme l’explication des lois de Dieu même. » Quelle accablante autorité dans la pensée et dans le style !

2711. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

Nous montrerons en effet tout à l’heure comment, d’après Einstein, on peut faire de S un système quelconque, provisoirement immobilisé par la pensée, et comment il faudra alors attribuer à S′, considéré du point de vue de S, les mêmes déformations temporelles et spatiales que Pierre attribuait au système de Paul. […] Bref, la « fixation du zéro » devra être entendue dans ce qui va suivre comme l’opération réelle ou idéale, effectuée ou simplement pensée, par laquelle auront été marqués respectivement, sur les deux dispositifs, deux points dénotant une première simultanéité.

2712. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

Le roi Louis-Philippe, dont les idées particulières sont celles du xviiie  siècle, mais dont la politique vise bien plutôt à la paix du présent qu’à l’avenir et aux longues pensées, n’est pas fâché de cette grande querelle qui en ajourne de plus périlleuses et qui prouve que les temps ont changé.

2713. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

 » Cette dernière pensée est la même que je trouve exprimée d’une manière plus formelle par M. 

2714. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Par malheur, le langage résiste souvent à la pensée et se plie avec peine à l’inspiration : de là quelque chose de prétentieux, ou, comme d’autres disent, de romantique, surtout dans les préambules où l’auteur parle en son nom, plusieurs fois même dans le dialogue ; lorsque Cinq-Mars et Marie de Gonzague s’entretiennent, on s’aperçoit trop que M. de Vigny est en tiers avec eux.

2715. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Ses taches nombreuses disparaissent sans doute et pour ainsi dire s’effacent parmi tant de mouvement et d’éclat ; mais qu’il eût été moins incorrect et négligé, loin de distraire du récit, il l’eût mieux fait ressortir encore : la pensée de l’écrivain, qui quelquefois s’affaiblit dans ses formes indécises, eût été plus sûre, gravée de la sorte, d’arriver pleinement intelligible et franche à cet avenir auquel elle a droit de s’adresser.

2716. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Moins précis en ses indications scéniques, il eût couru le risque de voir éluder ou transformer sa pensée.

2717. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Elle est peut-être, avec Lamartine et Michelet, l’âme qui a le plus largement réfléchi et exprimé les rêves, les pensées, les espérances et les amours de la première moitié du siècle.

2718. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Puisque leur gloire est la plus purement viagère de toutes ; puisqu’au surplus elle n’est jamais bien nette ni libre de redevances, et qu’il leur faut toujours la partager avec ceux dont ils incarnent la pensée (comment doit se faire ce partage ?

2719. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Quiconque a pu arrêter un instant sa pensée sur l’espoir de devenir riche, quiconque a considéré les besoins extérieurs autrement que comme une chaîne lourde et fatale, à laquelle il faut malheureusement se résigner, ne mérite pas le nom de philosophe.

2720. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Outre que le style en est communément froid & compassé, les pensées en sont triviales ou peu justes, & ne sont point liées ensemble.

2721. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

notre intelligence, Notre pensée est un corps circonscrit Qu’un agent meut par sa vive effluence, Qui suit, sans choix, les lignes qu’il décrit ?

2722. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

Année 1851 2 Décembre 1851 Au jour du jugement dernier, quand les âmes seront amenées à la barre par de grands anges, qui, pendant les longs débats, dormiront, à l’instar des gendarmes, le menton sur leurs deux gants d’ordonnance, et quand Dieu le Père, en son auguste barbe blanche, ainsi que les membres de l’Institut le peignent dans les coupoles des églises, quand Dieu m’interrogera sur mes pensées, sur mes actes, sur les choses auxquelles j’ai prêté la complicité de mes yeux, ce jour-là : « Hélas !

2723. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — La vision d’où est sorti ce livre (1857) »

* De l’empreinte profonde et grave qu’a laissée Ce chaos de la vie à ma sombre pensée, De cette vision du mouvant genre humain, Ce livre, où près d’hier on entrevoit demain, Est sorti, reflétant de poëme en poëme Toute cette clarté vertigineuse et blême ; Pendant que mon cerveau douloureux le couvait, La légende est parfois venue à mon chevet, Mystérieuse sœur de l’histoire sinistre ; Et toutes deux ont mis leur doigt sur ce registre.

2724. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

On se contenta d’applaudir au stile & aux pensées ingénieuses de l’orateur, & l’on ne crut pas qu’il eut raison.

2725. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

Quelle perfection n’eut il pas mis à ses ouvrages, s’il eut été jaloux de joindre la force & la pureté de Cicéron au choix heureux de ses pensées, à la délicatesse & aux agrémens de sa brillante latinité ?

2726. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

C’est pourtant cet enthousiasme, ces ornemens, cette sublimité de pensées, ce faste d’expression, tous ces ressorts puissans dont Démosthène & Cicéron firent usage, que nos avocats ont cru, pendant plus de quatorze siècles, devoir imiter.

2727. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Voler une pensée, un mot, doit être regardé comme un crime en littérature.

2728. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Nous ne connaissons point de mot de sentiment plus délicat que celui-ci : « Mon bonheur eût été d’être aimé aussi bien que d’aimer, car on veut trouver la vie dans ce qu’on aime. » C’est encore saint Augustin qui a dit cette parole : « Une âme contemplative se fait à elle-même une solitude. » La Cité de Dieu, les épîtres et quelques traités du même Père, sont pleins de ces sortes de pensées.

2729. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Je me moque de ces conditions ; cependant, quand elles se rencontrent dans un morceau de peinture par hasard, sans que le peintre ait eu la pensée de les y introduire, sans qu’il leur ait rien sacrifié, elles me plaisent.

2730. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Tel est le fond de la pensée de Wallon sur Cousin, et la manière dont il la présente.

2731. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Ce regard singulier, avec quelque chose de retourné en dedans, pas très net, un peu brouillé, vraiment d’un homme qui voit des abstractions, et qui doit se réveiller pour saisir la réalité, contribuait à lui donner, quand il causait idées, un air de surveiller sa pensée et non son interlocuteur, et ce défaut devenait une espèce de beauté morale.

2732. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Ceci nous indique la pente du siècle ; on demandait alors aux écrivains non seulement des pensées, mais encore des pensées d’opposition. […] On laissait un libre cours à tous les écrits réformateurs, à tous les projets d’innovation, aux pensées les plus libérales, aux systèmes les plus hardis.

2733. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

soupire la pauvre jeune fille, que ne suis-je délivrée des horribles pensées qui m’obsèdent et qui de toutes parts s’élèvent contre moi !  […] Nous eûmes, sans nous être entendus, et à la différence près du talent, la même pensée née du même temps : faire descendre la poésie des nuages, et l’introduire comme un hôte de tous les jours et de toutes les conditions au foyer domestique de famille, chez le savant comme chez l’ignorant, chez le riche comme chez le pauvre ; changer en pain quotidien de toutes les âmes pensantes ou aimantes cette ambroisie poétique jusque-là réservée aux dieux de ce monde. […] La cour de Weimar, sous les auspices de ces deux amis, dont l’un prêtait sa gloire, l’autre sa puissance à une pensée commune, devint en peu d’années le foyer de l’art, du théâtre, de la renommée en Allemagne.

2734. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Une utopie est une chimère qu’un esprit juste ou faux, ingénieux ou borné, se complaît à créer pour incarner son idéal ou son système dans une institution religieuse, politique ou sociale, le modèle de ses pensées. […] Du contact à la pensée il y a un monde aussi. […] Carthage, société de commerce et de navigation, comme aujourd’hui la Grande-Bretagne, ne pouvait être qu’un gouvernement mixte de marins, de soldats, de sénateurs enrichis, de pauvres acharnés à s’enrichir ; un gouvernement à trois ou quatre pouvoirs contrebalancés par des intérêts ; l’or devait être au fond de toutes ses expéditions comme au fond de toutes ses pensées.

2735. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Ces pensées étaient justes en politique, mais les avouer était humiliant pour une reine et surtout pour une femme, encore plus pour une parente. […] Tu es cependant un bon mime, mais tu es un meilleur serviteur. » Revenant bientôt à cette pensée que sa mort était un martyre, et s’adressant à Bourgoing, son médecin, qui la servait, Melvil, son maître d’hôtel étant retenu aux arrêts, ainsi que Préau, son aumônier : « Bourgoing, dit-elle, n’avez-vous pas entendu le comte de Kent ? […] Sa première pensée fut l’éternité.

2736. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Une certaine fermeté pourtant dans les vers, quelques passages où l’expression est parfaite, parce que la pensée est vraie, font soupçonner un esprit supérieur qui ne se connaît pas encore, et qui commence par imiter ce qui réussit, en attendant qu’il crée des choses inimitables. […] Cette courte durée du génie de Corneille, cette décadence dans l’âge viril, cette inégalité qui le fait glisser à chaque instant de ses qualités les plus élevées dans les défauts opposés, de la grandeur dans l’emphase, de l’éloquence dans la déclamation, du raisonnement dans la subtilité de l’école, des plus hautes pensées dans l’abus des sentences, le dirai-je enfin ? […] Le même écrivain qui tout à l’heure était si obscur, si incertain, et qui paraissait vouloir se donner le change sur la pauvreté de son fonds, redevient l’écrivain le plus clair, le plus franc, le plus sûr de sa pensée, le plus maître de sa langue.

2737. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

l’inflexible rigueur, qui fait surgir, nue, la pensée d’une œuvre ! […] C’est les émotions, la passionnante angoisse et la fervi de joie, états suprêmes, et rares de l’esprit ; elles sont encore un tourbillon confus de couleurs, de sonorités et de pensées : et puis un éblouissement devant ce vertige. […] Parker     Tannhaeuser par Franz Liszt15 L’ouverture de Tannhaeuser résume la pensée du drame.

2738. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

C’est ce que fait Boufflers : « Je parie pour l’esprit. » Nous disions que l’esprit consiste souvent à prolonger l’idée d’un interlocuteur jusqu’au point où il exprimerait le contraire de sa pensée et où il viendrait se faire prendre lui-même, pour ainsi dire, au piège de son discours. […] Mais la pensée, elle aussi, est chose qui vit. Et le langage, qui traduit la pensée, devrait être aussi vivant qu’elle.

2739. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Il n’accepta les Lettres Provinciales que comme d’ingénieuses Satires, & les Pensées de leur Auteur, comme les délassemens d’un Misantrope sublime. […] La Rochefoucaut reclama cette opinion, qui forme toute la base de ses Pensées. […] On admirait & l’abondante richesse de ses pensées, & les graces touchantes de son expression. […] Le style de cet Auteur est agréable, ses couplets sont ingénieux ; chaque pensée est heureusement tournée & mise dans son plus beau jour. […] Ses Pieces mêlées d’ariettes ont dans l’expression tout le piquant des Pieces à Vaudeville, & réunissent une délicatesse de pensée que le premier genre n’admet pas toujours.

2740. (1881) Le naturalisme au théatre

Je cours le risque d’ameuter les musiciens contre moi, mais je dirai toute ma pensée. […] On ne sait pas jusqu’où peut aller la peur de la pensée. […] Mais j’estime qu’un peuple qui élève un pareil temple à la musique et à la danse, montre une inquiétante lâcheté devant la pensée. […] J’ai déjà dit que je voyais, dans cette apothéose de l’opéra chez nous, la haine des foules contre la pensée. […] On joue tant de pièces odieusement pensées et écrites, qu’il y a un véritable charme à tomber sur l’œuvre voulue d’un poète.

2741. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Je ne trouve pas le sommeil, mais j’obtiens une espèce d’engourdissement, en la nuit de ma chambre fermée, dans laquelle mon ennui se formule à ma pensée, d’une manière moins distincte, plus vague, plus estompée. […] « Le mérite de mes livres, disait sérieusement un bibliophile, qui vient de vendre sa bibliothèque, — très cher : le mérite de mes livres, c’est qu’ils n’ont jamais été ouverts. » Jeudi 19 mars Elle est vraiment originale, cette pensée du Japonais Hayashi, qu’il émettait hier : « Pour les idées philosophiques, nous ressemblons un peu, nous les Japonais, à un collectionneur ayant une vitrine, et n’y introduisant que les choses qui le séduisent tout à fait, sans trop se demander au fond le pourquoi de cette séduction. » Vendredi 20 mars Un des leader du parti républicain, dans un dîner, où il y avait quelques droitiers, formulait, à ce qu’il paraît, un De profundis prochain de la République, à peu près en ces termes. […] Ribot crie qu’il est le plus heureux des hommes, qu’il est dans la lune de miel du repos, qu’il n’a jamais eu l’esprit si tranquille ; cependant il avoue qu’il ne sait pas si plus tard… Renan, revenu des bains de mer, boursouflé d’une graisse anémique, cause de son prêtre de Nemi, vantant l’avantage du dialogue, qui permet un tas d’interprétations autour des choses qui préoccupent sa pensée. […] Hading, cette actrice, que je venais voir avec la prévention d’une actrice d’Ohnet, joue très intelligemment le rôle de Sapho, et même tous les dessous psychiques du rôle, avec le flottement mou et las de son corps, la volupté de ses regards longs, l’impudeur de sa bouche, la fermentation des mauvaises pensées qu’on sent habiter son front, les chatteries sensuelles de ses gestes. […] On soupe dans l’absorption d’une pensée, tournée vers le lendemain, dans la contention d’esprit des soupers de premières, qui n’ont pas été précédés d’un succès à tout casser.

2742. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Bernis répond avec une pensée et, pour ainsi dire, avec une voix d’une douceur enchanteresse : Vous êtes en peine de mon âme, dans le vide de l’oisiveté à laquelle je suis condamné à l’avenir. […] C’est une dissertation continuelle et ennuyeuse : rien n’est plus plat qu’une politique superficielle. » Il redira cette même pensée avec une grâce et une vigueur nouvelles, et en résumant sous forme piquante les diverses variations de modes et d’engouements auxquelles il avait assisté dès sa jeunesse : À l’égard de Paris (juillet 1762), je ne désire d’y habiter que lorsque la conversation y sera meilleure, moins passionnée, moins politique.

2743. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

quelles parties lui sont propres, et quel est son coin d’originalité, soit pour la pensée, soit pour la forme ? […] Et quant à ceux auxquels il est accordé de revêtir leur pensée d’une expression d’éclat et d’imprimer il leur œuvre un cachet d’imagination et de grandeur, ne croyez pas, en général, qu’ils y soient arrivés du premier coup et sans une longue et opiniâtre conquête au-dedans.

2744. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Louis XIV, après la Fronde, revint de même à corriger les excès ; il semble avoir voulu en abolir jusqu’à la pensée et en couvrir la mémoire en poussant plus qu’on ne l’avait jamais fait le ressort monarchique à l’extrême. […] La France, en ne s’asseyant pas, et, à travers tout, en ne se sentant point satisfaite à demi, y a gagné d’être en étude, en expérience, en éducation perpétuelle, d’être comblée, puis épuisée, mais non pas rassasiée sous Louis XIV, de grandir par la pensée, même sous Louis XV, — surtout sous Louis XV, — d’en venir à la nécessité d’un 89 et d’un 1800, c’est-à-dire à un état social plus complètement débarrassé des liens du passé, à une plus grande perfection civile.

2745. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Je fus si frappé de ce qu’il dit, que je ne l’ai jamais oublié… » Les phrases de lui que cite Malouet ne ressemblent à celles que je vois citées ailleurs que par le fond de la pensée ; la sténographie, on le sait, était encore dans l’enfance. […] Un moment Malouet a la pensée de partir pour Saint-Domingue, où l’insurrection vient d’éclater, et où des intérêts de fortune l’appellent.

2746. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Joubert, dans une de ses plus vraies et de ses plus ingénieuses pensées, a dit : « Les savants fabriqués sont les eaux de Baréges faites à Tivoli. […] Pour dire toute ma pensée, a-t-on raison de prétendre savoir mieux le moyen âge aujourd’hui qu’avant la révolution ?

2747. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Pierre Corneille En fait de critique et d’histoire littéraire, il n’est point, ce me semble, de lecture plus récréante, plus délectable, et à la fois plus féconde en enseignements de toute espèce, que les biographies bien faites des grands hommes : non pas ces biographies minces et sèches, ces notices exiguës et précieuses, où l’écrivain a la pensée de briller, et dont chaque paragraphe est effilé en épigramme ; mais de larges, copieuses, et parfois même diffuses histoires de l’homme et de ses œuvres : entrer en son auteur, s’y installer, le produire sous ses aspects divers ; le faire vivre, se mouvoir et parler, comme il a dû faire ; le suivre en son intérieur et dans ses mœurs domestiques aussi avant que l’on peut ; le rattacher par tous les côtés à cette terre, à cette existence réelle, à ces habitudes de chaque jour, dont les grands hommes ne dépendent pas moins que nous autres, fond véritable sur lequel ils ont pied, d’où ils partent pour s’élever quelque temps, et où ils retombent sans cesse. […] Il y a peu de peinture et de couleur dans le style de Corneille ; il est chaud plutôt qu’éclatant ; il tourne volontiers à l’abstrait, et l’imagination y cède à la pensée et au raisonnement.

2748. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

De foi intacte et fraîche encore, mais mondaine, assez enthousiaste pour se croiser, il ne saurait se désintéresser longtemps : il a des pensées positives dans le cœur, tandis que le service de Dieu est sur ses lèvres. […] Aucune grande pensée ne le mène, lui ni ceux qui vont î Constantinople : il n’y a pas trace en eux d’une conception universelle et désintéressée, le rétablissement de l’unité chrétienne par la soumission de l’empire grec à l’autorité du pape n’est qu’un prétexte pour fermer la bouche aux malveillants.

2749. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Le fanatisme artistique de Flaubert n’est pas griserie d’imagination ni expansion de sympathie : c’est la dernière étape d’une pensée philosophique, qui n’a point voulu s’arrêter dans le scepticisme pessimiste. […] Amateur de curiosités philosophiques, érudit, bibliophile, il se promène de l’alexandrinisme au xviiie  siècle, de la Thébaïde à la rue Saint-Jacques, de Paris à Florence, mettant dans tous ses romans ses goûts de fureteur et de chartiste, son tour de pensée spirituel et séduisant, et son exquis sentiment de l’art.

2750. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Le Roy a évidemment dépassé sa pensée. […] J’ai évidemment mal compris la pensée de l’auteur et je ne saurais la discuter avec fruit.

2751. (1890) L’avenir de la science « II »

L’homme simple, abandonné à sa propre pensée, se fait souvent un système des choses bien plus complet et plus étendu que l’homme qui n’a reçu qu’une instruction factice et conventionnelle. […] Les Aristarque d’alors tiendront ceci pour une interpolation et en apporteront des preuves péremptoires, une aussi étroite conception du gouvernement du monde n’ayant jamais pu, diront-ils, venir à la pensée de l’auteur de l’Histoire de la Civilisation.

2752. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Vous avez eu une pensée délicate. […] Plus j’y réfléchis, messieurs, plus je trouve que le baron Montyon, à qui l’on reproche souvent d’être parti des principes d’une philosophie un peu superficielle, a obéi au contraire à une pensée très profonde.

2753. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Alors vint un chanteur de notre Opéra, m’apportant une lettre du compositeur Wagner, dans la pensée que les dires de l’homme dont le Tannhæuser m’avait tant enthousiasmé peu auparavant, m’intéresserait. […] que de fois j’ai vu, par pensée, le chevalier et son fidèle cygne sur les eaux.

2754. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Tout à côté on retrouve des pensées plus douces, plus conformes à l’idée qu’on se fait de cette âme délicate et timide : « Car, hélas ! […] En vérité, ses sentiments ont quelque chose de si divin, que je ne puis y penser sans être en de continuelles actions de grâces : et la marque du doigt de Dieu, c’est la force et l’humilité qui accompagnent toutes ses pensées ; c’est l’ouvrage du Saint-Esprit… cela me ravit et me confond ; je parle, et elle fait ; j’ai les discours, elle a les œuvres.

2755. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

La première Fronde, celle de 1648, ne lui fournit pas l’occasion de s’émanciper encore, et son esprit se borna à donner cours à ses préventions qu’elle ne prenait pas la peine de dissimuler : « Comme je n’étais pas fort satisfaite de la reine ni de Monsieur dans ce temps-là, ce m’était un grand plaisir, dit-elle, que de les voir embarrassés. » Lorsque la reine et la Cour, sur le conseil du cardinal, quittèrent Paris pour Saint-Germain dans la nuit du 6 janvier 1649, elle se fit un devoir de les accompagner, bien qu’elle fût loin de partager leurs pensées et leurs vues : « J’étais toute troublée de joie de voir qu’ils allaient faire une faute, et d’être spectatrice des misères qu’elle leur causerait : cela me vengeait un peu des persécutions que j’avais souffertes. » La légèreté, le désordre et la cohue de cette cour de Saint-Germain sont peints à ravir par une personne aussi légère et frivole que pas une, mais qui est véridique et qui dit tout. […] Mademoiselle, pendant tout ce temps, n’eut de pensée qu’en vue de lui ; elle fit tout pour obtenir sa délivrance, et elle l’acheta au prix des biens immenses dont Mme de Montespan lui soutira la donation en faveur de son fils, le duc du Maine, bâtard du roi.

2756. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Didot son Épître sur l’imprimerie, qu’on peut lire dans ses Poésies, et dans laquelle se trouvent quelques jolis vers descriptifs : Au lieu de fatiguer la plume vigilante, De consumer sans cesse une activité lente À reproduire en vain ces écrits fugitifs, Abattus dans leur vol par les ans destructifs ; Pour donner une forme, un essor aux pensées, Des signes voyageurs, sous des mains exercées, Vont saisir en courant leur place dans un mot ; Sur ce métal uni l’encre passe, et bientôt, Sortant multiplié de la presse rapide, Le discours parle aux yeux sur une feuille humide. […] Convalescent, une bonne pensée le saisit ; il partit pour Provins et alla demander l’hospitalité à Mme Guérard à la ferme de Saint-Martin.

2757. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Voilà l’inépuisable mine dans laquelle il trouve ses preuves, ses comparaisons, ses exemples, ses transitions et ses images… Il fond si bien les pensées de l’Écriture avec les siennes, qu’on croirait qu’il les crée ou du moins qu’elles ont été conçues exprès pour l’usage qu’il en fait… Tout, en effet, dans un sermon, doit être tiré de l’Écriture, ou du moins avoir la couleur des livres saints ; c’est le vœu de la religion, c’est même le précepte du bon goût. […] Je trouve ma pensée tout exprimée dans ce mot énergique : « Mirabeau, Maury, de mœurs égales, deux taureaux. » 36.

2758. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Et ne se sentant pour la poésie, ajoute-t-il, qu’un « talent médiocre », il s’adresse à Mme de Pompadour, sa protectrice, pour obtenir quelque place qui le mette à même de ne pas dépendre du travail de sa plume ; il avait présent à la pensée un conseil que lui avait donné Mme de Tencin : « Malheur, me disait-elle, à qui attend tout de sa plume ! […] Une instruction variée, des observations de détail ingénieuses, des nuances bien démêlées dans la pensée, une synonymie fine dans la diction, en font un livre qu’on parcourt toujours avec plaisir, et que la jeunesse non orgueilleuse peut lire avec fruit.

2759. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Ces seuls articles que je cite prouveraient que le projet était déjà arrêté et mûri dans sa pensée dès avant 1830. […] … Pourquoi avons-nous eu jamais la folle pensée qu’on pût renverser, par des complots d’élèves en droit et de sous-lieutenants, un gouvernement appuyé sur les lois et sur la force d’inertie de trente millions d’hommes ?

2760. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Peut-être que des réflexions sur ces phénomènes seront utiles à ceux qui observent curieusement le mécanisme de la pensée humaine. […]  » Et la banalité de cette pensée, en effet, incite à pleurer.

2761. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Je me trompe peut-être ; mais j’aurais, à sa place, reconnu un être très intelligent, qui m’aurait donné tant de suppléments de la vue ; et, en apercevant, par la pensée, des rapports infinis dans toutes les choses, j’aurais soupçonné un ouvrier infiniment habile. […] Le discours de l’Apôtre est simple, mais ses pensées sont toutes divines.

2762. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

On retient une pensée, on ne retient point l’enchaînement des inflexions fugitives et délicates de l’harmonie ; ce n’est pas à l’oreille seulement, c’est à l’âme d’où elle est émanée que la véritable harmonie s’adresse. […] Ce tableau est plus soigné et moins beau. à la tempête, le local est trop noir, les vagues lourdes, la pluie semblable à une trame de toile, à un réseau à prendre des bécasses ; il est monotone, point de clair, pas la moindre lueur ; les figures très-bien pensées, très-maussadement coloriées.

2763. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Apollinaire tint par réaction des propos barrésiens cependant que l’ambigu Francis, dont la pensée était ailleurs et dont le regard fixait avec rancune des pinards détestables, disait des choses molles en faveur de la Patrie. […] ACTION accepte la collaboration de quiconque veut exprimer librement sa pensée, à condition que notre titre soit justifié, notre dessein étant de rester hors les écoles, les tendances et les opinions, afin de réaliser une œuvre dépassant l’actualité.

2764. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

Lacordaire a pu hésiter un moment avant d’accepter les avances de l’Académie (et on assure qu’il a hésité en effet), il y a quelque chose qui a dû le décider plus que tout, lui orateur et depuis quelques années réduit au silence ; c’est la pensée d’une telle joute, la perspective d’une telle journée.

2765. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Lorsque Victorin fut mort, Auguste, atteint du coup, se renferma dans l’appartement de son frère, laissa croître sa barbe, ne sortit plus, ne permit plus qu’on enlevât la poussière des papiers et des meubles, désormais consacrés à ses yeux ; il mourut tout entier à ce deuil, et constatant sa pensée fixe dans un testament dont un récent procès est venu révéler les dispositions singulières.

2766. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Ces membres qu’au premier coup d’œil on croirait rompus, épars, simplement pressés les uns contre les autres, un lien Invincible les unit, une vie commune les meut, un seul et même souffle de pensée les anime.

2767. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Sur les autres sujets d’investigation et de noble inquiétude où s’est aventurée la pensée ardente de ce siècle, la Revue encyclopédique conserve cette ligne avancée, ce poste honorable d’avant-garde philosophique, qu’il est toujours bon d’avoir essayé de tenir, même lorsque par endroits on serait contraint de se replier.

2768. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Mais il est des natures sobres, réservées, qui ne peuvent pas ouvrir leur intime pensée et qui aiment en silence, toutes concentrées dans leur profondeur : que ceux-là ne se donnent pas une forme de sensibilité qui ne pourrait être en eux qu’un mensonge.

2769. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

De toutes ses différentes productions, ses Pensées diverses & son Dictionnaire sont celles qui lui firent le plus d’honneur.

2770. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Voyez Bayle, Pensées diverses écrites à un docteur de Sorbonne, à l’occasion de la comète de 1680.

2771. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Premier tableau » pp. 180-195

Saisis ma pensée : Je ne me déshabille pas… je garde sur moi mon paletot, que je trouve attendrissant.

2772. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

Il est de ceux qui expliquent la pensée, l’art, l’inspiration et l’esthétique par le mécanisme nerveux et les circonvolutions cérébrales.

2773. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Il a pris sur lui la responsabilité de sa pensée.

2774. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Seulement, ce n’est pas tout que d’être sensible, il faut être élevé ; il faut que, chez l’artiste qui sent et qui fait sentir, la pensée ennoblisse l’émotion, et s’il se peut la sublimise.

2775. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Si l’on en doutait, il faudrait prendre toutes les publications d’une époque, et l’on verrait combien il y a de bons livres, voire de livres excellents, dans tous les genres où la Pensée et l’Expression demeurent sérieuses, avant d’arriver à quelque chose qui ressemble ou qui soit analogue, par exemple, aux Mémoires du chevalier de Grammont.

2776. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Maintenant que les circonstances politiques ont changé et que les journaux s’éclaircissent, le livre, c’est-à-dire l’œuvre recueillie et pensée, va-t-il se relever ?

2777. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Connaissez-vous rien de plus magnifiquement oppressif pour la pensée que le vague mystérieux de Lara ?

2778. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

Je ne veux pas être une pensée mutilée, fragmentaire, dans l’universelle raison, un être isolé dans la communauté des hommes : j’entends servir la société et non point par goût des louanges, ni par désir d’être aimé, ni par sympathie pour mes contemporains, mais parce que le monde est un et que je veux me conformer à ses lois, qui sont d’ailleurs harmonieuses avec ma raison.‌

2779. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

À chaque pensée, à chaque action qu’il médite, il s’environne de témoins.

2780. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Isocrate prit enfin le parti de répondre ; ce discours d’un vieillard, qui, pour réfuter l’envie, fait la revue de ses pensées depuis quatre-vingts ans, et avant de descendre au tombeau, rend compte à la patrie et aux lois, de l’usage qu’il a fait de son éloquence, n’était pas moins susceptible de pathétique que de force ; mais l’ouvrage, avec des beautés, est bien loin d’avoir ce caractère ; le sujet est grand, l’exécution est faible.

2781. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Nulle part, dans aucune langue, on ne trouverait en effet tant de puissance unie à tant de bon sens, une pondération telle, une telle mesure jointe à une telle profondeur de pensée, une justesse de ton aussi profonde, une précision, une clarté, une harmonie aussi étonnantes. […] Liberté de la gravelure, interdiction de la pensée profonde : le programme des censeurs fut le même toujours. […] Quel contraste les idées vraies, solides, humaines, que Molière met dans la bouche de son Cléante, forment avec les dilutions de pensées dont se nourrit, ou plutôt dont meurt notre pays ! […] Mais imiter, mais vêtir à l’allemande, à l’espagnole ou à l’italienne la pensée française, c’était une autre espèce d’apostasie. […] En rappelant ce souvenir, je n’ai pas la pensée d’obscurcir la gloire du père de la Comédie-Française, je tiens à dire simplement que le ridicule qu’on donne aux Limousins est la meilleure preuve de la délicatesse de leur goût et de la sûreté de leur jugement.

2782. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Une lettre écrite à l’abbé de Rancé94, et par laquelle il le consultait presque au début sur la mesure à observer dans la rédaction de ses Mémoires, atteste encore mieux cette pensée de prévoyance ; il semble s’être fait donner par l’austère abbé une absolution plénière, une fois pour toutes. […] Et puis, oserai-je dire toute ma pensée et ma conviction ? […] On va vite en France, et, à défaut de l’abbé Siéyès pour théoricien, on avait déjà l’abbé de Saint-Pierre qui aurait trouvé des traducteurs plus éloquents que lui pour sa pensée et des interprètes.

2783. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Ces deux frères siamois de l’« écriture artiste », nous les aimons parce qu’ils sont de leur temps autant qu’on en puisse être, aussi modernes par le tour de leur imagination que tel autre par le tour de sa pensée, et aussi remarquables par la délicatesse de leurs perceptions et par leur nervosité que tel autre par la distinction de ses rêves et par le détachement diabolique de sa sagesse. […] J’entre autant que je puis dans la pensée de l’écrivain ; mais, si je devine ses raisons, elles ne me convainquent qu’à moitié. […] Et il me semble bien que, dans la pensée de l’écrivain ainsi que ne se rattache ni à l’un ni à l’autre, mais à mouches, au mépris de la syntaxe.

2784. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Nous nous inclinons devant nos maîtres, devant les maîtres de l’Odéon devenus les maîtres du Théâtre-Français et que nous espérons bien voir demain les maîtres de toutes les scènes, y décidant la chute de ce qui leur déplaira, empêchant les avenirs dont ils ne voudront pas, et tuant, du haut des cintres, toute pensée qu’ils voudront tuer, par-dessus la tête du public et la plume de la critique23 ! […] Nous entendîmes là, dans ce salon d’art et de libre pensée, M.  […] Voici la route de Bellevue, et, sur cette route, nous rencontrons tenant par la main un joli enfant, la jeune fille, jeune femme aujourd’hui, que l’un de nous a eu, au moins pendant huit jours, la très sérieuse pensée d’épouser… et qui nous rappelle du vieux passé… Il y a des années qu’on ne s’est vu… On s’apprend les morts et les mariages… et l’on nous gronde doucement d’avoir oublié d’anciens amis… Puis nous voilà dans la maison de santé du docteur Fleuri, causant avec Banville, et croisant dans notre promenade, le vieux dieu du drame, le vieux Frédérick Lemaître… « … Dans tout cela, par tous ces chemins, en toutes ces rencontres, au milieu de toute notre vie morte que le hasard ramène autour de nous et qui semble nous mener à une vie nouvelle, nous roulons, les oreilles et les yeux aux bruits et aux choses comme à des présages bons ou mauvais, et prêtant à la nature le sentiment de notre fièvre… En rentrant : rien. » Une semaine après, nous apprenions que notre pièce n’était ni reçue ni refusée, que Beaufort voyait un danger dans la mise à la scène de la petite presse… qu’il attendait.

2785. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Elles sont capables, malgré tout, de donner la sagesse à nos pensées, la dignité à notre conduite, la grâce à nos discours. […] Bergeret, homme serein, prend le parti de bouder silencieusement et relire les pensées de l’empereur Marc-Aurèle. […] On ne lit que des pensées d’avidité sous ces crânes épais, sur ces bajoues tombantes, sur ces lippes. […] Bourget n’est peut-être éloigné de cette opinion que par les nuances changeantes dont s’atténue et dont se voile l’expression de sa pensée. […] Toutes ses bonnes pensées, il les lui dédie, comme à une image de la Vierge tutélaire et consolatrice.

2786. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Voici comme il en parle dans un autre endroit : « Je ne m’arrête qu’avec les gens de bien, de quelque pays, de quelques siècles qu’ils soient ; j’en digère mieux mes pensées. […] Incessamment j’en dirai ma pensée. […] Quelle que soit notre réponse, voici la pensée de Sénèque, à qui je ne prête point ici des sentiments qu’il n’eut pas ; il dit : « Je crois avoir plus fait pour mes amis d’allonger ma vie, que si je fusse mort pour eux. […] Hommes sensés, imaginez tout ce qu’il vous serait possible d’alléguer pour et contre les accusés, et dites-moi quelle serait votre pensée. […] Il dit : « Faisons en sorte que tout m’appartienne170. » L’indiscrétion d’un souverain laisse quelquefois échapper la secrète pensée des autres : ils se taisent, mais leurs vexations parlent.

2787. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Qu’avais-je dit qui ne fût de tout temps dans mes pensées ? […] Sachons à quelle condition il eût acquis le premier rang dans sa pensée. […] L’enfance, la jeunesse, la maturité, la décrépitude, les états nobles et vils, les fortunes inégales, les prétentions contraires, tout influe sur les pensées et sur les actions des hommes. […] En eût-il fait l’occupation unique de ses pensées s’il n’en eût apprécié les mémorables avantages ? […] On voit que la pensée fondamentale de Térence est celle qu’a prise Molière ; mais qu’il en tire un meilleur parti.

2788. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Assurément non, et si c’était là sa pensée, je la laisserais à comprendre aux critiques français, qui s’extasient mal à propos à tous les endroits tragiques de leurs poètes comiques, et apprécient peu la pure comédie. […] Le but sérieux que je me proposerais d’examiner et de réfuter toutes ces erreurs ; le respect qu’on doit toujours garder pour la pensée d’autrui, lorsqu’elle est raisonnée et sincère ; la nécessité pénible d’avoir à répéter des sottises, et surtout ma préoccupation constante d’être un interprète à la fois intelligible, intelligent et fidèle : tout cela m’interdirait la gaieté. […] On y trouve de fortes études psychologiques et des sentences bonnes à noter dans un recueil de pensées choisies. […] L’ancienne poésie, au contraire, était de la poésie démocratique ; on s’y résignait à l’anarchie, plutôt que d’enchaîner l’imagination du poète, relativement aux desseins et à la conduite qu’il prête à ses personnages, comme à l’égard des pensées isolées, des allusions du moment et des saillies imprévues.

2789. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

C’est cette décision, cette suite, cette fermeté dans la pensée et dans le talent qui se fait désirer chez Denne-Baron, et dont le défaut ne permet de voir en lui que les membres épars du poète.

2790. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

En même temps qu’il a été si soigneux de rattacher à chaque page, à chaque vers, tout ce qui s’y rapporte directement ou indirectement chez les Anciens ou même chez les modernes, le nouvel éditeur ne tire point trop son auteur du côté des textes et des commentaires, et il ne prétend point le ranger au nombre des poëtes purement d’art et d’étude ; il relève avec un soin pareil, il sent avec une vivacité égale et il nous montre le côté tout moderne en lui, et comme quoi il vit et ne cesse d’être présent, de tendre une main cordiale et chaude aux générations de l’avenir : « Chénier, remarque-t-il très justement, ne se fait l’imitateur des Anciens que pour devenir leur rival. » À Homère, à Théocrite, à Virgile, à Horace, il essaye de dérober la langue riche et pleine d’images, la diction poétique, la forme, de la concilier avec la suavité d’un Racine, et quand il en est suffisamment maître, c’est uniquement pour y verser et ses vrais sentiments à lui, et les sentiments et les pensées et les espérances du siècle éclairé qui aspire à un plus grand affranchissement des hommes.

2791. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Paul Albert saisit bien et dénonce le point défectueux de ce charmant poème, œuvre d’un tout jeune homme et où l’on sent trop aujourd’hui l’absence des pensées mûres.

2792. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Nous soumettons cette idée à quelque jeune artiste pour l’exécution ; et quant à la pensée même, nous ne craignons pas de la proposer au zèle éclairé de ceux qui président chez nous à l’administration des Beaux-Arts.

2793. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Sainte-Beuve a porté un dernier jugement sur Turquety dans les Notes et Pensées qui ont remplacé la Table analytique à la fin du tome XI des Causeries du Lundi, page 517. — On peut lire aussi une note sur ce poète dans le tome XIII et dernier des Nouveaux Lundis, page 398 (article Malherbe).

2794. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Le scélérat est inquiet et défiant au fond de sa propre pensée ; il traite avec lui-même comme avec une sorte d’ennemi ; il garde avec sa réflexion quelques-uns des ménagements qu’il observe pour se montrer au public ; et, dans un tel état, il n’existe jamais l’espèce de calme méditatif, d’abandon à la réflexion, qu’il faut pour contempler toute la vérité et prendre d’après elle une résolution irrévocable.

2795. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Chaque âge de l’humanité lègue aux suivants ses découvertes : donc les bons esprits d’aujourd’hui possèdent toutes les pensées des bons esprits de l’antiquité, et de plus celles qu’ils peuvent former eux-mêmes.

2796. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

Ils sont doux et bénins ; ils fondent en larmes sur eux-mêmes et sur autrui ; ils maudissent la pensée.

2797. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

salués d’applaudissements de triomphe, des milliers de savants s’emploieront à des investigations physiques presque infinitésimales ; à rechercher la composition atomique et la structure microscopique du corps ; à explorer les formes innombrables de la vie animale et végétale, invisibles à l’œil tout seul ; à découvrir des planètes qui ont parcouru, inconnues pendant des siècles, leurs orbites obscurs ; à condenser, par la puissance du télescope, en soleils et systèmes, ce qui était regardé récemment encore comme la vapeur élémentaire des étoiles ; à traduire en formules numériques l’inconcevable rapidité des vibrations qui constituent ces rayons, si fermes en apparence que les plus forts vents ne les ébranlent pas ; à mettre ainsi en vue les parties les plus mystérieuses de l’univers matériel, depuis l’infiniment loin jusqu’à l’infiniment petit ; mais l’analyse exacte des phénomènes de conscience, la distinction entre les différences, si fines pourtant et si petites, des sentiments et des opérations ; l’investigation attentive des enchaînements les plus subtils de la pensée, la vue ferme mais délicate de ces analogies mentales qui se dérobent au maniement grossier et négligent de l’observation vulgaire, l’appréciation exacte du langage et de tous ses changements de nuances et de tous ses expédients cachés, la décomposition des procédés du raisonnement, la mise à nu des fondements de l’évidence : tout cela serait stigmatisé comme un exercice superflu de pénétration, comme une perte de puissance analytique, comme une vaine dissection de cheveux, comme un tissage inutile de toiles d’araignées ?

2798. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Du moment qu’elle devint confidente et dépositaire des sentiments et des pensées du roi, et même des secrets de l’État, elle cessa de s’appartenir à elle-même : ce fut un devoir pour elle de donner au roi une parfaite sécurité sur le dépôt que sa confiance mettait à la discrétion de son amie ; elle lui devait de rompre toute familiarité qui aurait pu compromettre ce dépôt : il n’y a rien de si difficile à cacher qu’un secret avec tes personnes à qui l’on parle habituellement à cœur ouvert ; et il y a des secrets à la cour qui se découvrent par le soin de les cacher ; si bien qu’affecter de taire certaines choses, c’est les dire.

2799. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Nous ne prétendons pas justifier Lafontaine sur quelques défauts de langage : nous pourrions dire que ces défauts tiennent en quelque sorte à la tournure de sa pensée, & contribuent souvent à l’embellir.

2800. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Actuellement, au contraire, on la tient pour ce qu’elle est, c’est-à-dire pour un des moyens d’expression de la pensée les plus parfaits.

2801. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Le public, éclairé sur la vraie noblesse de pensée & sur la justesse d’expression, ne vit dans Balzac que du brillant & de l’enflure.

2802. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

L’imitation est à peu près semblable : même contexture, mêmes personnages, mêmes situations, même fond d’intérêt, de sentiment & de pensées.

2803. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Peut-être était-il d’un goût plus sévère de s’arrêter là et de ne pas ajouter les vers suivans, qui n’enchérissent en rien sur la pensée.

2804. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Mes pensées bizarres sur le dessin La nature ne fait rien d’incorrect.

2805. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Un homme de lettres qui n’est pas sans mérite prétendait que les épithètes générales et communes, telles que grand, magnifique, beau, terrible, intéressant, hideux, captivant moins la pensée de chaque lecteur, à qui cela laisse, pour ainsi dire, carte blanche, étaient celles qu’il fallait toujours préférer.

2806. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Pour toutes les questions de la vie ou de la pensée, c’est toujours ou la mort sans phrases, ou la mort avec des phrases et des sursis, que nous agitons !

2807. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

dans le temps une autre Religieuse, plus complète en désordre, en impiétés, en horreurs de toutes sortes, l’épouvantable Religieuse de Diderot, qui, du moins, est un affreux chef-d’œuvre, et pour laquelle le talent de l’exécution a dû se montrer au moins l’égal de la scélératesse de la pensée ?

2808. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

mais l’animale, la sensuelle, la physiologique, celle qui vient, comme la toison de nos poitrines, plus du tempérament que de la pensée, mais, après tout, l’inspiration spontanée et fougueuse, qui a fini, hélas !

2809. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

Mais une telle femme manquerait de fierté ou manquerait de laquais, si elle ne faisait pas jeter hors de chez elle les hommes qui foulent aux pieds toutes les convenances de la pensée et de la vie !

2810. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Le Caïn l’emporte sur le doux Abel dans ce talent et cette pensée ; le Caïn grossier, affamé, envieux et farouche, qui s’en est allé dans les villes pour boire la lie des colères qui s’y accumulent et partager les idées fausses qui y triomphent !

2811. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Nous ne disons plus avec la grossière brutalité de Cabanis : « La pensée n’est dans l’homme qu’un excrément de son cerveau » Mais nous disons philosophiquement et exactement la même chose, avec des mots différents et un autre style.

2812. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

La plupart de ces messieurs présomptueux, — nous ne voulons pas les nommer, — qui représentent assez bien dans l’art les adeptes de la fausse école romantique en poésie, — nous ne voulons pas non plus les nommer, — ne peuvent rien comprendre à ces sévères leçons de la peinture révolutionnaire, cette peinture qui se prive volontairement du charme et du ragoût malsains, et qui vit surtout par la pensée et par l’âme, — amère et despotique comme la révolution dont elle est née.

2813. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Ma pensée est captive en ce vaste univers : Lançons-nous dans le vague, et qu’au bruit de mes vers Jaillissent au hasard sur la terre éblouie Des torrens de lumière et des flots d’harmonie.

2814. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

* * * — L’homme est lâche dans le rêve, dans le réveil, dans les pensées du matin, dans les cogitations du lit. […] Et Voltaire amène chez Sainte-Beuve un éloge de Rousseau, dont il parle comme un esprit de sa famille, comme un homme de sa race, éloge qu’un brutal coupe par ces mots : « Rousseau, un laquais qui se tire la q…. » Renan devant cette violence de la pensée et du verbe, un peu effarouché, reste à peu près muet, curieux pourtant, attentif, intéressé, buvant le cynisme des paroles, ainsi qu’une femme honnête dans un souper de filles. […] Alors il esquisse un Jésus, fils d’une parfumeuse et d’un charpentier, un mauvais sujet qui quitte ses parents et envoie dinguer sa mère, qui s’entoure d’un tas de canailles, de gens tarés, de croquemorts, de filles de mauvaise vie, qui conspire contre le gouvernement établi, et qu’on a très bien fait de crucifier ou plutôt de lapider : un socialiste, un Sobrier de ce temps-là, un exaspéré contre les riches, le théoricien désespéré de l’Imitation, le destructeur de la famille et de la propriété, amenant dans le monde un fleuve de sang, et les persécutions, et les inquisitions, et les guerres de religion, faisant la nuit sur la civilisation, au sortir de la pleine lumière qu’était le polythéisme, abîmant l’art, détruisant la pensée, en sorte que les siècles, qui viennent après lui ne sont que de la m… jusqu’à ce que trois ou quatre manuscrits, rapportés de Constantinople par Lascaris, et trois ou quatre morceaux de statues, retrouvés en Italie, lors de la Renaissance, soient, pour l’humanité, comme un jour rouvert, en pleines ténèbres… » « Ça c’était un livre, ça pouvait être faux, mais le livre avait sa logique. […] C’est un état délicieux de pensée figée, de regard perdu, de rêve sans horizon, de jours à la dérive, d’idées qui suivent des vols de papillons blancs dans les choux. […] Je ne suis plus une pensée.

2815. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

L’idée de la mort obscure et de l’océan infini où va descendre la pauvre âme fragile, la pensée de cette justice invisible, partout présente, partout prévoyante, sur laquelle s’appuie l’apparence changeante des choses visibles, les illuminent d’éclairs inattendus. […] Les sourdes pensées qui ont longuement fermenté dans ces imaginations mélancoliques éclatent tout d’un coup en orages, et le lourd tempérament brutal est secoué par des accès nerveux qu’il n’a pas encore connus. […] Il eut une méthode et une clarté de géomètre830, une fécondité inépuisable, une impétuosité et une ténacité de logique extraordinaires, écrivant le même sermon trois et quatre fois de suite, insatiable dans son besoin d’expliquer et de prouver, obstinément enfoncé dans sa pensée déjà regorgeante, avec une minutie de divisions, une exactitude de liaisons, une surabondance d’explications si étonnantes que l’attention de l’auditeur à la fin défaille, et que pourtant l’esprit tourne avec l’énorme machine, emporté et ployé comme par le poids roulant d’un laminoir. […] Cet enchevêtrement vous lasse ; mais quelle force et quel élan dans cette pensée si méditée et si complète ! […] C’est cette pensée qui rallie autour du christianisme toutes les forces que Voltaire tourne contre lui en France.

2816. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Elle disait plaisamment : — Je viens d’envoyer mes pensées au rimeur. […] Que de pensées ingénieuses pourtant et que de sentiments délicats ! […] J’aime la belle violette, L’œillet et la pensée aussi, J’aime la rose vermeillette, Mais surtout j’aime le Souci. […] « Veut-on voir, dit-il, combien une pensée fausse est froide et puérile ? […] « Toutes les glaces du Nord ensemble ne sont pas, à mon sens, plus froides que cette pensée.

2817. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

(Voyez les pensées sur l’interp. de la nat. […] Si Homere avoit embrassé dans l’Iliade l’enlevement d’Helene vengé par la ruine de Troye, il n’auroit eu ni le loisir ni la pensée de décrire des tapis, des casques, des boucliers, &c. […] On a dit qu’une pensée appartenoit à celui qui la rendoit le mieux : cela ressemble au droit du plus fort. […] Mais le soin qu’on prend de polir le style ne peut-il pas refroidir l’imagination & rallentir la pensée ? […] Dans ce premier jet, l’expression se fond avec la pensée, & ne faisant plus qu’un même corps avec elle, ne laisse à la réflexion que des traits à rechercher & des contours à arrondir.

2818. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Cependant dirai-je ici toute ma pensée ? […] D’ailleurs il est probable que son père chéri vivait encore, et que la pensée de consoler ce tendre auteur de ses jours lui parut un devoir plus sacré et plus vertueux que celui de mourir pour des regrets. […] Là quatre États divers arrêtent ma pensée : Je vois de ma terrasse, à l’équerre tracée, L’indigent Savoyard, utile en ses travaux, Qui vient couper mes blés pour payer ses impôts, Et du bord de mon lac à tes rives du Tibre Je te dis, mais tout bas : Heureux un peuple libre !

2819. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Elle me traitait en fils plus qu’en protégé ; à sa mort elle porta mon nom dans son testament, pour me prouver que sa pensée survivait en elle à la vie ; je lui garde de mon côté un souvenir où la reconnaissance et l’attrait se complètent ; excusez-moi d’en avoir parlé un peu longuement à propos de madame Récamier, son amie ; ces deux figures se confondent, bien qu’elles ne se ressemblent pas. […] Elle avait tant vu familièrement la célébrité et la passion, qui n’avaient pas fait le bonheur de sa mère, qu’elle avait appris dès l’enfance à n’estimer que la vertu ; mais cette vertu était libre et grande, une vertu antique ; sa religion ne rétrécissait rien de ses pensées, sa foi donnait à sa physionomie une expression grave comme celle des femmes qui sortent des temples où elles ont eu commerce avec Dieu ; elle sortait à toute heure de l’infini. […] Le talent de M. de Chateaubriand était lyrique et non scénique ; son imagination le soutenait sur ses ailes dans des régions trop élevées de la pensée pour s’abattre en face d’un parterre et pour faire dialoguer des hommes d’os et de chair.

2820. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Mais nous savons que jamais les vers d’un poète, pas même de Schiller et de Goethe, ne pourraient donner à la musique cette précision qu’elle demande ; seul peut la donner le Drame, et non point, certes, le poème dramatique, mais le Drame se mouvant réellement devant nos yeux, l’image devenue visible, de la Musique, où les mots et les discours appartiennent, seulement, à l’Action, non point à la Pensée poétique. […] La suprématie de la pensée intuitive sur la pensée analytique est aussi présente dans les textes de Wagner que dans ceux de Schopenhauer.

2821. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Là-dedans, la pensée s’engourdit, le sentiment de la réalité des personnes et des choses s’en va, et l’on reste somnolent, les yeux ouverts, pendant que vos doigts tripotent machinalement toutes les choses de la toilette et du maquillage. […] Ce qui le frappe surtout dans Hugo, qui a l’ambition de passer pour un penseur : c’est l’absence de pensée. […] Quand vous avez travaillé toute la journée, quand votre pensée s’est échauffée le jour entier, sur le papier, sans le contact et le rafraîchissement de l’air extérieur et des distractions, votre tête que vous sentez, dans la journée, lourde de la crasse d’une cervelle, vous semble à la nuit, pleine d’un gaz, léger, spirituel, capiteux.

2822. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Combien, au contraire, sont différentes les fleurs de la Pensée ! […] Ces progrès se manifestent avec évidence dans l’accroissement de taille et de beauté qu’on remarque aujourd’hui dans la Pensée, la Rose, le Géranium, le Dahlia et autres fleurs, quand on les compare avec des variétés plus anciennes ou avec les souches mères. Nul ne pourrait jamais s’attendre à obtenir du premier coup une Pensée ou un Dahlia de la graine d’une plante sauvage.

2823. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Et puisque l’idée qui suit se présente à ma pensée, il vaut encore mieux que je l’indique que de l’omettre. […] Je remarquerai seulement que chez toutes les nations, la langue a dû ses progrès aux premiers génies ; c’était le résultat des efforts qu’ils faisaient pour rendre fortement et clairement leurs pensées. […] Voir le chapitre de Pascal : De l’esprit géométrique, dans les Pensées.

2824. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Tout sujet de lettres lui était bon comme matière à esprit et presque à éloquence : « un bouquet, une paire de gants, une affaire d’un écu ; prier le maire d’une ville de faire raccommoder un mauvais chemin, recommander un procès à un président », tout cela, sous sa plume, devenait un texte à belles pensées et à beau langage, et ne lui fournissait pas moins de quoi plaire « que toute la gloire et toute la grandeur des Romains ». […] Cette forme d’expression hyperbolique, je l’ai remarqué déjà, est celle qu’affectionne Gui Patin ; quand il avait ainsi lancé sa pensée dans une parole à outrance, bien imprévue, pittoresque ou même triviale, il était content : il avait l’hyperbole gaie et amusante.

2825. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Elle lisait aussi Pascal, dont les Pensées occupaient fort en ces années la critique littéraire. […] Allons, va recevoir ta pension, ou je me fâche. » Mme de Launay eût encore moins compris sa singulière amie si on lui avait dit que sa pensée avait été d’abord de faire offrande des premiers quartiers échus à la cause des Grecs ; car elle ne savait comment justifier et purifier à ses yeux cet argent.

2826. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Cette pensée secrète qui le travaillait perce déjà dans la préface de Phèdre, et dut le soutenir, plus qu’on ne croit, dans l’analyse profonde qu’il fit de cette douleur vertueuse d’une âme qui maudit le mal et s’y livre. […] Quelques remarques, à propos de Britannicus, préciseront notre pensée et la justifieront si, dans ces termes généraux, elle semblait un peu téméraire.

2827. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Examinons tour à tour les mots et les images qui composent nos pensées ordinaires. — À l’état normal, nous pensons tout bas par des mots mentalement entendus ou lus ou prononcés, et ce qui est en nous, c’est l’image de tels sons, de telles lettres ou de telles sensations musculaires et tactiles du gosier, de la langue et des lèvres. — Or il suffit que ces images, surtout les premières, viennent à s’exagérer, pour que le malade ait des hallucinations de l’ouïe et croie entendre des voix. — « Au milieu de ma fièvre, dit Mme C…8, j’aperçus une araignée, qui, au moyen de son fil, s’élançait du plafond sur mon lit. […] N… se met à l’écart pour mieux écouter et pour mieux entendre ; il questionne, il répond ; il est convaincu que ses ennemis, à l’aide de moyens divers, peuvent deviner ses plus intimes pensées… Du reste, il raisonne parfaitement juste, toutes ses facultés intellectuelles sont d’une intégrité parfaite, il suit la conversation sur divers sujets avec le même esprit, le même savoir, la même facilité qu’avant sa maladie… Rentré dans son pays, M. 

2828. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Cette pensée répandait l’amertume sur ses derniers jours ; et peu de temps avant sa mort, comme on le portait dans les appartements de son palais, au moment où il venait de recevoir la nouvelle de la mort de son fils, il s’écria avec un soupir : Cette maison est trop grande pour une famille si peu nombreuse ! […] Tous les mouvements, tous les sentiments de sa dame occupent sans cesse sa pensée : elle sourit, ou elle s’irrite ; elle refuse, ou elle est près de céder ; elle est absente, ou présente ; elle s’introduit le jour dans sa solitude, ou elle lui apparaît dans ses songes de la nuit, précisément au gré du caprice de l’imagination qui le guide.

2829. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Condorcet], qui déclament contre l’imagination & la Poésie, qui réduisent le mérite des Vers au seul mérite de la pensée [Voyez l’art. […] Oui, je suis Abbé [je veux dire, tonsuré], & je lis les Pieces de Théatre : je les lis, non pas comme ces Esprits superficiels à qui une légere broderie fait oublier les défauts du fond ; non pas comme ces Lecteurs humoristes que quelques pensées aussi fausses que hardies transportent, & qui ne peuvent être émus que par la bizarrerie & la surcharge ; non pas comme ces Panégyristes aveugles qui transforment en beautés les défauts, & immolent à leur prévention le goût & le bon sens ; non pas comme ces Journalistes à gages, qui ravalent des Grands Maîtres de la Scene, pour célébrer les intrus qui y rampent loin d’eux ; non pas enfin comme tant de petits Abbés frivoles, dignes échos des fatuités du siecle, comme ils en sont les parfaites images.

2830. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Depuis la publication des Mémoires de Saint-Simon, vers lesquels l’air et le ton des ancêtres de Mirabeau reportent naturellement la pensée, il ne s’est rien publié d’aussi marquant dans ce genre de mémoires historiques. […] On a en masse et surabondamment les témoignages, tant imprimés que manuscrits, de ses travaux pendant cet intervalle, de ses pensées, de ses sentiments, de ses tortures, et aussi de ses égarements, hélas !

2831. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Dimanche 21 septembre Toujours un état vague au bord de l’évanouissement, et où l’équilibre de votre corps demande à être surveillé : un état plein de trouble et de la pensée continuelle d’un coup de foudre dans la cervelle. […] Vendredi 14 novembre On m’apporte aujourd’hui mon lit, le fameux lit de campagne de la princesse de Lamballe, provenant du château de Rambouillet, et quand ma chambre complètement finie, m’apparaît dans sa coquette élégance, la première pensée qui me vient, c’est où les croque-morts placeront la bière, quand ils viendront me chercher sur ce lit.

2832. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Il arrive quelquefois que l’œil tombe sur des morceaux charmants, irréprochablement vivants ; mais cette méchante pensée traverse alors l’esprit, que ce n’est pas M.  […] On dirait que cette peinture, comme les sorciers et les magnétiseurs, projette sa pensée à distance.

2833. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Tantôt, en effet, par une reconnaissance toute passive, plutôt jouée que pensée, le corps fait correspondre à une perception renouvelée une démarche devenue automatique : tout s’explique alors par les appareils moteurs que l’habitude a montés dans le corps, et des lésions de la mémoire pourront résulter de la destruction de ces mécanismes. […] La fonction de l’entendement est de détacher de ces deux genres, extension et tension, leur contenant vide, c’est-à-dire l’espace homogène et la quantité pure, de substituer par là à des réalités souples, qui comportent des degrés, des abstractions rigides, nées des besoins de l’action, qu’on ne peut que prendre ou laisser, et de poser ainsi à la pensée réfléchie des dilemmes dont aucune alternative n’est acceptée par les choses.

2834. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

et si, dans la pensée du poëte, cette fiction était l’image des combats que soutient ici-bas la vérité contre la violence, si le Prométhée d’Eschyle représentait l’être supérieur qui se dévoue pour éclairer les hommes, qui d’abord en porte la peine, sous la torture des fers et de l’inaction, puis est délivré, reprend son œuvre et la voit accomplie ; si l’enseignement moral de cette gradation tragique paraissait tellement vraisemblable que plus d’un père de l’Église a cru pouvoir, sans profanation, reconnaître dans les souffrances de Prométhée un type précurseur de celles du Christ, quelle ne devait pas être l’illusion pathétique de ces trois drames humains, dans leur ensemble et leur péripétie dernière ! […] » Ainsi, la pensée morale du poëte, le vœu de la paix, l’horreur de la guerre, l’amour de la patrie se fait jour, à travers les crises sanglantes du drame ; et l’éclat du génie lyrique adoucit, en s’y mêlant, les terreurs de la scène.

2835. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Quinet, à qui un jour vous avez conseillé le vers comme devant clarifier sa pensée, a profité du conseil : il a fait un poëme de Napoléon ; ce qui a été mis dans la Revue a été supprimé et n’en donnerait qu’une idée peu juste.

2836. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Le livre de M. de Carné, qui nous fournit l’occasion de ces remarques, met parfaitement en lumière toutes les pensées politiques, les jugements, les espérances et les doutes de cette école dont il est l’un des principaux soutiens.

2837. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

C’est dans cette conviction qu’en livrant ces pages au public, nous sommes assuré de ne manquer en rien ni à la mémoire ni à la pensée de celui qui les a écrites.

2838. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Ce sont moins des écoles que trois différents esprits de la critique, et, pour ainsi dire, trois moments par lesquels doit passer successivement la pensée de tout homme qui, dans ce siècle où chaque chose est mise en question, examine la question de la critique littéraire : 1º le moment dogmatique (l’esprit humain affirme d’abord) ; 2º le moment critique (c’est vraiment la crise de l’intelligence ; nous ne croyons plus : resterons-nous sceptiques ?) 

2839. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Il moule sa phrase sur sa pensée, l’étire, l’élargit, la courbe, la brise, selon son besoin, non selon la grammaire.

2840. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Mais sa prose est ferme, nette, toute pleine de pensée et chaude de sincérité.

2841. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

Paul Verlaine est un prodigieux ouvrier qui a vidé son âme de pensées ou d’images, et ouvre des assonances d’une légèreté et d’une dolence fluides.

2842. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

C’est le simple, c’est le vrai qui, dans cette âme candide, l’attire et le retient, et n’est-il pas évident, qu’au milieu des dandies amers, secs, brûlés, que sont les autres, la spontanéité, disons l’ingénuité de style et de pensée de Desbordes-Valmore frappe comme un rappel d’enfance et séduit comme une vertu ?

2843. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Jamais grammairiens ne méritèrent plus qu’alors l’application de cette pensée : l’ extrême exactitude est le sublime des sots .

2844. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Quittez le long espoir et les vastes pensées.

2845. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Mais Ovide dit mes vers, meos versus, parce que les pensées, l’expression, en un mot les vers considerez sur le papier, étoient entierement de lui.

2846. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Mais il déclare, et avec raison, qu’il y a de grands modèles dits classiques et qu’à force d’étudier leur pensée puissante et leur style génial, de se pénétrer de leur goût impeccable, on arrive à développer ses qualités personnelles, oui personnelles, et à se former à leur école, sans être contraint de tomber dans le bovarysme et la servilité, et sans renoncer à son originalité si l’on en a9. »‌ La question est ainsi fort bien posée.

2847. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Il y jouissait du loisir et de la dignité qui doublent les forces de la vie et de la pensée.

2848. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

Tout cela classé, récapitulé et réglé, comme, dans un herbier, des plantes mortes ; tout cela à l’état de faits morts aussi, qui n’engendrent pas une pensée dans la tête qui les relate et n’y appellent jamais une réflexion… Louis XVI n’est jamais là-dedans que le plus stérile des nomenclateurs, de la plus étonnante impassibilité.

2849. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Charrière — est devenu dans notre traduction les Mémoires d’un seigneur russe, c’est pour prendre avec ce titre le caractère du témoignage de l’aristocratie russe sur la situation du pays qu’elle domine. » Aveu plus forcé que naïf, et qu’il fallait bien faire tout d’abord pour expliquer ce changement de titre qu’on ose se permettre, mais qu’on expie presque immédiatement par un embarras qui commence : « Quelques fragments de cet ouvrage — ajoute le traducteur — avaient paru dans un journal de Moscou et frappé l’attention, quoique venant d’une plume inconnue et qui n’avait pas fait ses preuves devant le public… On était loin de prévoir l’impression que devait produire la réunion de ces morceaux, lorsque ayant été mis en volume et complétés dans leur ensemble, on put saisir la donnée supérieure qui s’en dégageait et qu’on vit s’y manifester la pensée intime de l’auteur ou plutôt l’inspiration sociale à laquelle il avait involontairement cédé… » Certes !

2850. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Mézières n’a rien ajouté dans son introduction à ce que le livre de Lessing nous apprend, avec le mouvement et le tour de la pensée de Lessing.

2851. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Mais, faible comme une jolie femme qui le serait, — les poètes comme lui sont les jolies femmes de la pensée, — Beauvoir s’excuse de l’avoir subi dans ces vers spirituels et légers : Les meilleurs fruits de mon panier !

2852. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Il en était au trois centième jour quand Dieu lui envoya cette salutaire pensée, et dès lors il ne songea plus qu’à s’en aller, et « ainsi comme auparavant un jour ne lui semblait pas une heure, maintenant une heure lui semblait dix jours ». […] Revenez à d’autres pensées : Allons dans ma chambrette, Et jouissons du noble jeu d’amour ! […] Les légendes de saint Grégoire, incestueux et parricide, de saint Jean Bouche d’Or, fornicateur et assassin, de Robert le Diable, chargé de tous les crimes, de bien d’autres saints, ne sont, dans leurs versions médiévales, que des illustrations de cette pensée. […] C’est ainsi que les rêves des vieux âges, passant de lieux en lieux, et de générations en générations, se colorent des pensées changeantes des époques, des races et des patries qui se les transmettent. […] Il avait un heureux génie, et, s’il n’a pas toujours eu le courage d’éviter les écueils que ne redoutaient pas assez les rimeurs du moyen âge, la prolixité inutile, l’emploi des formules banales, les rimes de pur remplissage, il a su en général revêtir sa pensée d’expressions précises et gracieuses.

2853. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Eh bien, ce tour de force, le magicien Soulary l’accomplit, et il vous met en quatorze vers symétriquement contournés et strangulés des mondes de pensées, de passions et de boutades ; le tout dans une stricte et parfaite mesure.

2854. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Que de fois j’ai regretté que ces pages d’éclat, d’imagination et bien souvent de pensée, ainsi semées à tous les vents, ne fussent point recueillies en volumes pour qu’on pût les relire et pour que l’auteur, si distingué, si hors de ligne, pût définitivement prendre son rang et compter dans la sérieuse et noble élite à laquelle de droit il appartient !

2855. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Pour mieux m’expliquer là-dessus, je n’ai qu’à transcrire les lignes suivantes que je trouve dans un volume inédit de Pensées : « Quand on critique aujourd’hui un auteur, un poëte, un romancier, il semble qu’on lui retire le pain, qu’on l’empêche de vivre de son industrie honnête, et l’on est près de s’attendrir alors, de ménager un écrivain qui ne produit que pour le vivre et non pour la gloire.

2856. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Son article, pour nous autres Français, est tout simplement… (le mot d’inintelligent rendrait faiblement ma pensée), et il offre une confusion en tout point, qui doit nous rendre très humbles et un peu sceptiques dans les jugements que nous portons des littératures auxquelles nous n’avons pas assisté, même quand nous avons les pièces en main et que nous les avons compulsées soigneusement.

2857. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Dubout ne se méprend pas ici sur ma pensée.

2858. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Ce sont des Philosophes qui déclament contre l’imagination & la Poésie, qui réduisent le mérite des Vers au seul mérite de la pensée, qui ont substitué, dans le style, l’emphase au naturel, l’enflure au sentiment, l’entortillage à la clarté, la glace au pathétique….

2859. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

La délicatesse & la vérité de leurs pensées, l’enchantement de leur stile, la profondeur & la variété de leurs connoissances, cette attention continuelle à tourner l’érudition en agrément, tout en eux annonce l’aurore du bel esprit François, Mais, quoique supérieurs à leur siècle, ils ne laissoient pas d’y tenir encore par un grand amour de la dialectique, des subtilités & de toutes les disputes de l’école.

2860. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

On y ridiculise l’affectation à courir après les mots nouveaux, les pensées énigmatiques, les tours recherchés, les petites sentences coupées, ces finesses, ces expressions, ces traits saillans, ces gaités, ces familiarités ingénieuses, tous ces jeux d’une imagination déréglée, qui sont l’esprit des sots.

2861. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Aussitôt qu’il se sentit en cet état, il tourna toutes ses pensées du côté du Ciel ; un moment après il perdit la parole, et fut suffoqué en demie heure par l’abondance du sang qu’il perdit par la bouche.

2862. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Pensers ; le penser est un mot poétique, pour la pensée.

2863. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Et si ces pensées qui ne sont pas tout à fait ridicules s’élèvent, je ne dis pas dans un bigot, mais dans un homme de bien, et dans un homme de bien je ne dis pas religieux, mais esprit fort, mais athée, âgé, sur le point de descendre au tombeau, que deviennent le beau tableau, la belle statue, ce groupe du satyre qui jouit d’une chèvre, ce petit Priape qu’on a tiré des ruines d’Herculanum ; ces deux morceaux les plus précieux que l’antiquité nous ait transmis, au jugement du baron de Gleichen et de l’abbé Galiani, qui s’y connaissent ?

2864. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Mais, tel qu’il est, ce livre a un accent à lui, et n’en a pas deux, qui vous attache et vous pénètre, et que vous retrouvez sous tous les spectacles qu’il étend devant la pensée, et cet accent unique, c’est l’âme de l’auteur, une âme plutôt lasse qu’apaisée et qui vide simplement son calice de vie, comme on boit tranquillement un verre d’eau à la fin du jour.

2865. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Une pareille pensée pourrait décourager d’autres hommes que nos missionnaires ; mais qu’importent les données de l’histoire, qu’importe la réalité humaine, et, dans un certain sens, le châtiment de Dieu sur des nations visiblement condamnées, à ces apôtres qui prêchent la folie de la croix et qui savent espérer contre toute espérance, spem contra spem !

2866. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Évidemment, il y a moins de cérémonies, moins de circonlocutions, moins de révérences en toutes choses, dans l’expression et dans le geste de la pensée, et la politesse, qui force souvent à être fin, quand elle n’est pas un prosternement vulgaire, donne précisément à l’abbé d’Olivet cette finesse qui pince sans avoir l’air d’y toucher, et qui est une grâce dans son hypocrisie transparente.

2867. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Quel est celui qui, oyant : Dieu a mis cela en ma pensée et Dieu l’a mis entre mes mains !

2868. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Malheureusement, nous devons le dire, le talent de la mise en œuvre n’est pas au niveau de l’impartialité de la pensée.

2869. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

… » Je ne sais pas si M. de Riancey s’est ravisé depuis cette époque, mais telle fut sa première pensée et sa première résolution.

2870. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Assurément, un souffle qui n’est pas celui de la bouche d’un homme a passé dans le livre des Prisons, sur cette giroflée jaune du mur d’un captif que toute l’Europe a respirée, les yeux en larmes ; mais ce souffle ne s’est purifié, il n’est devenu complètement pur que dans cette Correspondance, très infime de tout : de vue, de pensée, de passion, d’éloquence et même d’événements, et que cependant il faut lire pour savoir quelle saine et adorable chose le Christianisme peut faire… avec rien !

2871. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

La pensée qu’il pouvait ne jamais revenir à Paris fut la paille de son joyeux acier… Comme l’esprit épistolaire d’un homme est toujours l’esprit de sa conversation qu’il a transporté dans ses lettres, Galiani a transporté son esprit de conversation dans les siennes, et comme la qualité supérieure de cet esprit était la verve, le mouvement, le piétinement fécond sur une idée qui en fait sortir tous les aperçus, il a cette verve qui s’allume à la moindre question ou à la moindre suggestion et qui développe l’idée, mais en la creusant toujours.

2872. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Ils ne tuèrent sous eux aucun système, et ils passèrent leur temps et leur jeunesse à faire sur la pensée et les systèmes des autres le petit travail critique que fait sur lui-même le pauvre enfant de Murillo dont je veux leur épargner le nom !

2873. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Quant aux détails chinois du livre, ils sont pris à Duhald, au père Amyot, à Brosset, loyalement cités, du reste, et à notre courageux et impartial voyageur, le père Hue qui, lui, ne nous donna pas sur la Chine des idées de troisième main… Il y a bien ici par là deux ou trois manières assez inconvenantes de parler du christianisme et de son divin fondateur qui étonnent et détonnent dans l’auteur, athée discret qui surveille sa parole tout en laissant passer sa pensée, et qui, quoique badaud d’opinion, a quelquefois le sourire fin… M. 

2874. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Assurément un souffle qui n’est pas celui de la bouche d’un homme a passé dans le livre des Prisons, sur cette giroflée jaune du mur d’un captif que toute l’Europe a respirée, les yeux en larmes ; mais ce souffle ne s’est purifié, il n’est devenu complètement pur que dans cette correspondance très infime de tout, de vue, de pensée, de passion, d’éloquence et même d’événements, et que cependant il faut lire pour savoir quelle saine et adorable chose le christianisme peut faire… avec rien !

2875. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Les gens sans pensée qui picorent sur des mots, ont appelé Heine une âme païenne parce qu’il a fait jouer dans le diamant de son imagination réverbérante quelques formes du monde antique, mais il n’était pas plus païen que chrétien et que juif.

2876. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Mais où il l’a le mieux vue, c’est là où elle est le plus dans des hommes d’autant de sentiment et de pensée que Corneille, c’est-à-dire dans ses écrits.

2877. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Ainsi, dans la fiction du poëte, paraissait la pensée du citoyen d’un État libre.

2878. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

” — « Richesse et pauvreté, insensé, te répondront. » Le père, supplié d’aller demander Mireille à sa famille, combat cette pensée comme un ridicule orgueil. […] Parmi ces grands esprits, morts ou vivants, il y en a dont le génie est aussi élevé que la voûte du ciel, aussi profond que l’abîme du cœur humain, aussi étendu que la pensée humaine ; mais, nous l’avouons hautement, à l’exception d’Homère, nous n’en avons lu aucun qui ait eu pour nous un charme plus inattendu, plus naïf, plus émané de la pure nature, que le poète villageois de Maillane. […] voilà de ces épopées sur lesquelles les grossières imaginations du peuple inculte se façonnent, se modèlent, se polissent, et font passer avec des récits enchanteurs, de l’aïeul à l’enfant, de la mère à la fille, du fiancé à l’amante, toutes les bontés de l’âme, toutes les beautés de la pensée, toutes les saintetés de tous les amours qui font un sanctuaire du foyer du pauvre !

2879. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

» « Raconte-nous, lui dit Fingal, les aventures de ta jeunesse ; la tristesse, comme un nuage sur le soleil, obscurcit l’âme de Clessamor : seul, sur les bords du Lora, tu ne roules que de sombres pensées. […] je fus sourde à votre voix, car mes pensées ne se détournaient plus de Dargo. […] L’image de son fils, qui périt à la fleur de ses ans, vient se retracer à sa pensée.

2880. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Au fond, ces deux choses ne sont qu’une ; car, pour Wagner, la conception du poème et la langue ne font qu’un, de même que pour lui le style de la phrase musicale et le style de la phrase parlée ne sont que deux aspects d’une même pensée. […] C’est comme un écho de ces mots, « l’épée », et instantanément nous sentons comme la « grande pensée » de Wotan lui traverser l’esprit, celle qui le remplissait de joie et d’ambition démesurée lorsque pour la première fois il salua son Burg du nom de Walhail (Voir Rheingold, partition, page 207). […] Nous n’ignorons pas que l’on a parfois expliqué ce prélude en donnant aux motifs qui le composent la signification dramatique révélée pendant le cours de l’action, mais nous n’admettons pas le secours de ce contexte tout artificiel et nous ne croyons pas devoir accorder à la musique du prélude, que Wagner a naturellement placée avant toute manifestation définie de sa pensée, avant le drame, le sens si clair qu’elle prendrait si l’on possédait déjà l’œuvre entière qui nous est encore absolument étrangère.

2881. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

c’est-à-dire vive la liberté des théâtres et par conséquent la liberté de la pensée ; les autres criaient : À bas Godard, c’est-à-dire sauvons la censure et les censeurs. […] il n’est pas permis à un petit comédien de campagne, d’élever sa pensée jusqu’à ces fameuses héroïnes. » Voilà certes de la gaîté, de l’esprit, de l’abandon, de la bonne grâce, de la belle humeur la plus jeune et la plus limpide ! […] Tout se confond dans son rôle, dans sa pensée et dans sa raison. — Ô douleur ! […] Enfin ne voyez-vous pas combien le public se fatigue à reconnaître dans vos traductions d’Aristophane ou de Térence, des pensées de Molière ! […] Même, son autre confrère, Hemippus, lui a dérobé un de ses plus plaisants caractères, et cette belle pensée… un vrai proverbe : Que les Athéniens étaient plus heureux que sages !

2882. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Que votre diction soit pure, et cherchez avec soin, par de très belles paroles, les pensées nobles, vives, solides et remplies d’un beau sens !  […] Le Malade imaginaire est une comédie excellente, et pourtant dans la pensée de l’auteur c’était tout au plus une parade ! […] Cette poétique du doute si hardiment développée, et développée à haute voix, en plein théâtre, nous causait une espèce d’épouvante dont nous n’avions jamais eu la pensée ! […] Tu m’étais la pensée de cette vie remplissant l’univers d’amour et de sainteté, et revêtant de poésie la beauté humaine, etc. […] « En vérité, ses sentiments ont quelque chose de si divin, que je ne puis y penser sans être en de continuelles actions de grâces, et la marque du doigt de Dieu, c’est la force et l’humilité qui accompagne toutes ses pensées, c’est l’ouvrage du Saint-Esprit.

2883. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Nous rappelons nos pensées de la veille, mais non celles de la nuit pendant laquelle nous avons dormi ; si vives qu’elles aient été, quand même elles auraient provoqué des actions ou des commencements d’action, des cris, des gestes et tout ce qu’un homme agité fait en dormant, il est bien rare qu’au réveil nous puissions en ressaisir quelques parcelles. […] « Chez les individus qu’on hypnotise deux fois, nous voyons survenir, au réveil, l’oubli complet des pensées et des actes artificiellement produits, tandis qu’ils en retrouvent le souvenir distinct quand ils rentrent dans l’état artificiel.

2884. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

De tels mots, sciemment faux dans la pensée de celui qui les écrit, donnent la mesure de sa conscience. […] Pendant ces hésitations, le prince de Polignac, qui m’aimait, pense à moi ; il m’écrit, me conjure de venir à Paris, m’offre avec instance la direction des Affaires étrangères ; je n’hésite pas à refuser. — Il insiste sur un entretien ; j’arrive à Paris, je cause à cœur ouvert avec lui, il est moins sincère avec moi qu’avec M. de Marcellus, il nie imperturbablement la pensée du coup d’État.

2885. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Tandis que nous aimons à prendre le contact de la nature même, à ce point que le fruste et l’inachevé ont pour nous une force incroyable de séduction, et que nous donnerions pour les Pensées de Pascal, qui sont des notes, et pour les Sermons de Bossuet, qui sont des brouillons, les Provinciales et les Oraisons funèbres, dont la seule infériorité est d’être finies, nos aïeux d’il y a deux cents ans goûtaient sans inquiétude la perfection de l’art. […] Nous disons crûment les choses, on y conduisait autrefois la pensée avec des ménagements infinis : elles n’étaient pas moins exprimées et senties, mais l’impression caractéristique de la chose traînait avec elle tout un cortège de délicates jouissances, qui naissaient du rapport de l’expression à l’esprit auquel elle s’adaptait.

2886. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Il lut donc Saint Thomas et les Pères : mais le monde le garda ; les beaux esprits du lieu, les dames avaient bien reçu ce jeune poète qui avait l’air de Paris et connaissait Chapelain ; ses amis parisiens l’entretenaient aussi de pensées profanes. […] Racine ne fait pas de « pensées », ni de maximes.

2887. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

J’aurais pu additionner de notules certains paragraphes ; mais passons, car je dirai prochainement toute ma pensée sur la matière, en tête de l’œuvre qui occupe mes heures présentes. […] Consultons encore sur ce sujet Edgar Poë : « Deux choses sont éternellement requises : l’une, une certaine somme de complexité, ou plus proprement, de combinaison ; l’autre, une certaine quantité d’espritsuggestif, quelque chose comme un courant souterrain de pensée, non visible, indéfini… C’est l’excès dans l’expression du sens qui ne doit être qu’insinué, c’est la manie de faire du courant souterrain d’une œuvre le courant visible et supérieur qui change en prose, et en prose de la plate espèce, la prétendue poésie de quelques soi-disant poètes. » Et puis Stendhal n’a-t-il pas écrit : « Malgré beaucoup de soins pour être clair et lucide, je ne puis faire des miracles ; je ne puis pas donner des oreilles aux sourds ni des yeux aux aveugles ? 

2888. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Je n’avais jamais imaginé que le produit de ma pensée pût avoir une valeur vénale. […] Une fois, lors de la mort de ma sœur, elle m’a, à la lettre, chloroformé pour que je ne fusse pas témoin d’un spectacle qui eût peut-être fait une lésion profonde dans mes sens et nui à la sérénité ultérieure de ma pensée.

2889. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Par le jeu naturel de l’association des idées, l’identité, non pas seulement des pensées, mais celle des manières, celle même des physionomies de deux individus nous fait « préjuger » leur égalité. […] « À un certain point de civilisation, il y a trop de pensées diverses, de fois différentes, de sciences inégales, de morales particulières et d’éducations dissemblables.

2890. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Dès les premières pages de Valentine, je me hâte de le dire, ces théories laborieuses de la critique avaient fait place à d’autres pensées plus légères ; mes préventions chagrines ne tinrent pas ; le charme me saisit.

2891. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Les destinées presque infinies de la société régénérée, le tourment religieux et obscur qui l’agite, l’émancipation absolue à laquelle elle aspire, tout invite l’art à s’unir étroitement à elle, à la charmer durant le voyage, à la soutenir contre l’ennui en se faisant l’écho harmonieux, l’organe prophétique de ses sombres et douteuses pensées.

2892. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

De cette constitution immuable de notre nature sort la nécessité qui s’impose à l’artiste et à l’écrivain de découper dans le monde immense et divers des formes et des pensées un fragment de médiocre dimension, formant un tout homogène, capable d’être supposé indépendant et isolé du reste, présentant un rapport des parties facilement intelligible à l’esprit, et fournissant une diversité d’impressions facilement réductibles en une émotion dominante.

2893. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Il sentit plus ou moins obscurément le danger : il jeta dans le moule tragique ses idées philosophiques, et toutes les formules analytiques de la pensée abstraite.

2894. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

C’est que cette tristesse vaine, et pourtant sincère, je l’ai souvent sentie en moi, et que j’en rougis ; c’est que j’ai peur d’y découvrir un mélange affreux de vanité, d’égoïsme, de « gendelettrerie », de complaisance pour la beauté et la distinction de ma propre intelligence ; et que, de souffrir uniquement par la pensée (oh !

2895. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

La petite police gêne plus l’originalité de la pensée que l’arbitraire pur et la persécution.

2896. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Mais un tel mot, quel que soit celui qui l’ait prononcé, fut la pensée de tout le parti sacerdotal.

2897. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Le style en est simple et noble ; les pensées en sont justes et pleines de raison ; les sentiments en sont vrais, élevés et profonds : on peut dans ces écrits rendre tout à la fois une idée juste de la portée et des directions de la marquise de Rambouillet, et des conversations qui avaient lieu dans son intimité.

2898. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Un aiguillon supérieur, l’amour de la gloire, la poussait aux travaux sublimes de faction et de la pensée.

2899. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Je crois cette pensée du nombre de celles qu’un peu de méditation lui auroit fait expliquer, car on sçait bien que celui des ouvrages de Monsieur Pascal que je cite, est composé d’idées qui lui étoient venuës dans l’esprit, et qu’il avoit jettées sur le papier plûtôt pour les examiner que pour les publier.

2900. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Tendant à l’émancipation universelle de leurs personnes ; de libre conduite comme de libre pensée, hardis comme des enfants qui jouent à l’homme, ils ont, ces aimables bas-bleus, en général, l’esprit fortement célibataire et les mœurs légèrement mormones.

2901. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Frères par la pensée comme par le sang, espèces de Ménechmes littéraires, tellement semblables (du moins quand on les lit) qu’on ne sait plus où l’un finit et où l’autre commence, et qu’ils semblent n’avoir à eux deux qu’une seule plume et qu’un même cerveau, MM. de Goncourt, pleins de confiance en eux-mêmes, par amour fraternel sans doute, — ce qui les préserve de la fatuité, — se sont dit un beau jour, après avoir collectionné des anecdotes et jeté l’épervier dans les courants les plus ignorés du renseignement, qu’ils étaient en mesure d’écrire cette œuvre immense, de détails concentrés et d’ensemble, que l’on appelle l’histoire d’une société.

2902. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Et ce ne fut pas tout : après Mallet-Dupan, longtemps après Mallet-Dupan, tué par le royalisme et qui n’était, après tout, qu’un écrivain resté sur les hauteurs de la pensée, le royalisme tua, mais sur le terrain de l’action, des hommes de gouvernement comme le duc de Richelieu, de Serres, Villèle et Martignac, ministres parlementaires, renversés par d’indignes coalitions de Parlement, qui en même temps, du coup, tuèrent la monarchie que ces ministres essayaient de fonder.

2903. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Lionne était, lui, de la race des susceptibles et des bouillants ; et c’est pourquoi, à part ces grandes manières qu’il avait et qui sont d’un immense emploi dans toutes les situations, il fut moins distingué et moins utile comme ambassadeur et ministre plénipotentiaire que comme secrétaire d’État et rédacteur éclatant de la pensée de son gouvernement.

2904. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Mais ces divers passages, qui donnent une idée fort nette du genre d’esprit de Fréron, de sa manière de penser et d’exprimer sa pensée ; ne donnent pas du tout la manière personnelle du critique… Le penseur y est.

2905. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Seulement, j’ose affirmer que de telles rubriques, employées bien plus pour accrocher le public qui passe que pour satisfaire le public qui s’assied, un véritable historien, si jamais on les suggérait à sa pensée, les rejetterait avec le mépris qui convient.

2906. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Elle est à chaque page du livre de Lavallée, le remplissant de son action, de sa pensée, et l’on oserait presque dire de son ubiquité, tant elle est partout et s’y multiplie.

2907. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

» sublime en tout, se racornir subitement en cette grandeur immense, et consacrer son dernier mot et sa dernière pensée à celle qui fut la rivale de la Gloire dans son âme et qui a pu abaisser sa vie, et l’on se sent aussi, comme il sentait la sienne, l’âme partagée entre deux sentiments contraires, et on voudrait s’arracher, du fond de son admiration, ce mépris !

2908. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Double raison, du reste, pour que ce livre n’ait pas mordu sur la pensée contemporaine, à qui il faut impérieusement des livres retentissants et gesticulateurs.

2909. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Le ton de ce monde qui énerverait le talent, l’âme et la plus forte pensée, ce ton qu’à son époque on appelait le bel air, était odieux à son esprit comme un ennemi personnel : « Je ne le peux souffrir », écrit-elle.

2910. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

» sublime en tout, se racornir subitement en cette grandeur immense et consacrer son dernier mot et sa dernière pensée à celle qui fut la rivale de la Gloire dans son âme et qui a pu abaisser sa vie, et l’on se sent aussi, comme il sentait la sienne, l’âme partagée entre deux sentiments contraires, et on voudrait s’arracher, du fond de son admiration, ce mépris !

2911. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Elle est morte en radotant de sa misère et dans l’écroulement complet, définitif, de l’être entier… Cette courtisane exceptionnelle, qui avait le génie du mot, de l’aperçu, de la répartie, et qui régnait sur la pensée autant que sur les sens des hommes, est morte aussi bête que les autres courtisanes vivent !

2912. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

C’en fut fait à jamais pour les yeux… Mais pour la pensée ?

2913. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Inférieur à certaines places dans le détail, qui n’a pas tout le fini que le détail doit avoir sous la plume des maîtres, il s’en revanche sur la hauteur de la pensée et sur l’amplitude de la tendance.

2914. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

L’auteur de La Vie et la mort d’un clown a sur les romanciers du moment, qui ne tiendront qu’un moment, sur cette école de photographes qui se croient si plaisamment le dernier mot de l’art de peindre, l’avantage immense, et qui leur est inconnu, d’avoir de l’âme dans le talent et de la pensée dans le style.

2915. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Pour me servir d’une expression hégélienne, il voulut, il essaya de repenser la pensée même de Richardson, et il prodigua dans cette tentative les ressources d’un très-grand talent.

2916. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Les Provinciales avaient paru depuis tantôt dix ans, et on préparait à Port-Royal la première édition des Pensées de Pascal. […] Vous savez également que, si sa « philosophie », si sa « pensée de derrière la tête » est quelque part, elle est là, dans cette comédie, sur le sens ou la portée de laquelle nous disputons encore comme si c’était hier qu’elle eût paru pour la première fois. […] Je voudrais vous montrer l’importance de Tartufe, non pas dans l’histoire de la vie, ni même de la pensée de Molière, mais, conformément à notre programme, dans l’histoire du théâtre français. […] Pour la première fois en effet, — je ne dis pas depuis Plaute ou Térence, qui n’en auraient jamais conçu la pensée seulement, mais depuis Aristophane, — la satire sociale redevient, avec Tartufe, la matière, le support, et l’âme de la comédie. […] Vous entendez bien sa pensée.

2917. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Quand nous fabriquons par la pensée tel nombre, tel polygone ou tel cylindre, nous n’avons pas à expliquer son origine ; il n’existe pas en fait dans la nature ; il n’est que possible et non réel. […] Une telle histoire est un livre déchiré, effacé, où quelques chapitres, surtout les derniers, sont à peu près entiers, où, des chapitres précédents, il subsiste çà et là deux ou trois pages éparses, où nous ne retrouvons rien des premiers, sauf les titres. — Mais tous les jours une découverte nouvelle restitue une page, et la sagacité des savants démêle quelque portion de la pensée générale. […] Sur ces indices, notre pensée s’emporte jusqu’à étendre cette structure des choses au-delà de notre monde et de notre histoire, à travers les deux abîmes du temps et de l’espace, par-delà tous les lointains que l’imagination peut atteindre, par-delà tous les confins que les nombres ou les quantités, vainement enflées et entassées les unes sur les autres, peuvent désigner à l’esprit pur. […] Soit un caractère transitoire ou permanent quelconque d’un objet quelconque, telle propriété d’un minéral, d’une plante ou d’un animal, telle réaction d’un corps chimique simple ou composé, telle pensée d’un individu pensant.

2918. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Dans ce pays, un tempérament plus grossier, surchargé d’une nourriture plus lourde et plus forte, a ôté aux impressions leur mobilité rapide, et la pensée, moins facile et moins prompte, a perdu avec sa vivacité sa gaieté. […] Si vous ne les observez que comme vertueuses ou vicieuses, vos illusions perdues vous enchaîneront dans des pensées noires, et vous ne trouverez en l’homme que faiblesse et que laideur. […] Jusqu’à la dernière heure de sa vie, Esmond se rappellera les regards et la voix de la dame, les bagues de ses belles mains, jusqu’au parfum de sa robe, le rayonnement de ses yeux éclairés par la bonté et la surprise, un sourire épanoui sur ses lèvres, et le soleil faisant autour de ses cheveux une auréole d’or… Il semblait, dans la pensée de l’enfant, qu’il y eût dans chaque geste et dans chaque regard de cette belle créature une douceur angélique, une lumière de bonté. […] Pâle, les dents serrées, le cerveau fiévreux par quatre nuits de pensées et de veilles, il garde sa raison lucide, son ton contenu, et explique au prince en style d’étiquette, avec la froideur respectueuse d’un rapporteur officiel, la sottise que le prince a faite et la lâcheté que le prince a voulu faire.

2919. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Je conviens que ces moyens ont quelque chose qui rabaisse l’esprit du lecteur tout en l’amusant, et qu’un homme d’une grande âme, relégué par le malheur dans la solitude de ses tristes pensées, ne se nourrira pas de Molière comme des beaux morceaux de Shakespeare ; mais, s’il consent à lire, il pourra lire tout, et s’il peut jouir encore, il jouira pleinement de cet art accompli qui lui fait admirer la justesse et les perfections de l’esprit humain. […] Elle était elle-même d’une beauté candide et pure, comme le rêve d’un philosophe sur le berceau d’un enfant ; la mélancolie de sa bouche et la fraîcheur de ses joues imprimaient les grâces de l’innocence sur le sérieux de ses pensées. […] Non que j’y croie, au fond, l’honnêteté blessée : Me préserve le ciel d’en avoir la pensée ! […] Par de pareils objets les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées.

2920. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

  Pour peu qu’on jette les yeux sur les ouvrages des anciens Ecrivains François, on voit quels obstacles ils eurent à vaincre, soit pour rendre leurs propres pensées, soit pour faire passer dans une langue, encore au berceau, les beautés de deux langues, dont le sort étoit fixé, & la supériorité reconnue depuis tant de siècles. […] L’éclair qui l’annonce, les idées qu’il conçoit, les pensées qui l’agitent ou qu’il produit, le jugement qui le conseille, le goût qui le guide, l’imagination qui l’embellit en agrandissant tous les objets intellectuels ou sensibles, la mémoire, ce miroir utile & officieux, qui les lui rappelle à son gré ; toutes ces admirables qualités ne sont-elles pas relatives au plus ou moins d’instruction, & par conséquent bornées au produit de l’éducation ? […]   Cet Art par excellence, qui peut seul, d’âge en âge, transmettre tous les autres Arts à la postérité la plus reculée, & qui, dépositaire des pensées, des opinions & des sentimens divers des hommes, fixe invariablement l’esprit de tous les siècles, ressuscita les Lettres, en tirant de l’oubli, & répandant de tous côtés les restes précieux de l’Antiquité. […] Cette pensée ne pouvoit venir, que d’un fonds d’orgueil & d’ignorance insupportable.

2921. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Oui, c’est de la plantureuse écriture, avec derrière de la pensée outrancière. […] La pensée de Constans est que la Cochinchine, bien administrée, rapporterait dans quelques années cent millions ; mais il nous donne connaissance de mesures extraordinaires, d’ordres imbéciles venus de Paris, et imposés par des tout-puissants du ministère, ne se doutant pas ce que c’est un pays de là-bas. […] À l’humiliation que Daudet et moi, éprouvons à voir notre littérature, allemanisée, russifiée, américanisée, Rodenbach oppose la théorie, qu’au fond les emprunts sont bons, que c’est de la nutrition avec laquelle s’alimente une littérature, et qu’au bout de quelque temps, quand la digestion sera faite, les éléments étrangers qui auront grandi notre pensée, disparaîtront dans une fusion générale. […] Il était encore maître de ses pensées, et pouvait les formuler par la parole, mais il ne pouvait plus sur le papier, leur donner la forme écrite.

2922. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

On y rencontre de tems en tems de belles pensées, de solides réfléxions, & des descriptions fort vives. […] Les unes & les autres sont profondément pensées, bien liées, remplies de vues & de conjectures heureuses. […] Ses réfléxions sont pensées, mais communes ; & il paroît infiniment mieux instruit des affaires militaires, où un homme de son état se trompe presque toujours, que de celles du cabinet. […] Si j’emprunte quelques pensées remarquables d’un auteur, je me fais un devoir de le citer.

2923. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Au 9 thermidor, la dictature républicaine a cessé, et pour la seconde fois l’anarchie recommence, non plus cette anarchie vive, confiante, aventureuse, animée au fond d’une seule pensée et d’une seule espérance, telle qu’on la vit du 14 juillet au 10 août, dans les luttes du peuple avec le trône ; mais une anarchie plus triste et parfois même Hideuse, plus en proie aux petites intrigues qu’aux grandes passions, pleine de peurs et de remords, de mécomptes et de rancunes, de découragement et de désespoir, espèce d’acharnement misérable entre des vaincus et des blessés sur un champ de bataille tout sanglant.

2924. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

En effet, les souvenirs sont toujours de quelque chose dans l’attendrissement ; et loin qu’il soit nécessaire, dans les sentiments comme dans les pensées, de captiver l’attention par des rapports nouveaux, quand on veut faire couler des larmes c’est le passé qu’il faut rappeler.

2925. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Cet homme que nous fait entrevoir le grand romancier Tolstoï, lorsqu’il peint le défilé interminable des blessés de Borodino qui passe sous les yeux de son héros ému et navré, cet homme couché sur le ventre au fond d’une charrette, dans la demi-ombre de la bâche, blessé, on ne sait où ni quand, d’on ne sait quelle blessure, sans visage, sans nom, sans passé, sans avenir, forme obscure et vague un moment devinée et disparue pour jamais : c’est là, semble-t-il, un détail insignifiant ; et pourtant que de pensée, que d’émotion ramassée en ce seul trait !

2926. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Émile Faguet Loin de moi la pensée de protester contre le beau succès que le public n’a point marchandé à M. 

2927. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

Le plaisir d’écrire, c’était de vivre avec une pensée, de la mûrir, de la vêtir, de la faire forte et belle … Autrefois, on faisait un livre comme on élève un enfant, avec diligence, avec patience 28. » Quoi qu’on dise, Louis Veuillot n’eût donc pas désapprouvé une méthode comme la nôtre, qui enseigne, comme il en exprimait le désir, à méditer, à corriger, à produire avec labeur, avec diligence, avec patience. ‌

2928. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Il est débile, anémique, inerme, sans style personnel, sans pensée nouvelle, correct et coulant (et déjà coulé !)

2929. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

… Assurément c’est ce que j’ignore, mais pour les bas-bleus religieux comme elle et comme il y en a encore quelques-uns dans la troupe de ces Bacchantes de la Libre Pensée, je ne serais pas surpris que la Vierge fût l’objet d’un culte vrai, quoique impur dans sa source.

2930. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Quand on lit Tallemant et quand on est, comme lui, un homme de lettres, on se coule dans sa peau par la pensée et on trouve le xviie  siècle un bien grand siècle, parce que les plus nobles compagnies voient l’homme de lettres à côté des seigneurs et des hommes les plus élégants de la cour.

2931. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Je crois même que si on remontait jusqu’à cette Femme au xviiie  siècle, leur meilleur livre pourtant, on pourrait y retrouver quelque chose des premiers linéaments, des premiers traits de ce réalisme dont ils ont été les générateurs, et le dégager de ce livre où il n’apparaît pas encore avec cette netteté qui viole le regard… L’abus du détail, l’accumulation des infiniment petits dans la description effrénée, illimitée, aveuglante, qui tient toute la place de l’attention et qui prend celle de la pensée, la matérialité plastique exagérée et impossible en littérature, on pourrait, en cherchant bien, trouver tout cela dans cette Femme au xviiie  siècle, qui, quand elle fut publiée pour la première fois, a passé sans qu’on y vit tout cela.

2932. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Seulement, et quoi qu’il en puisse être, en présence de faits pareils, ramassés avec une telle loyauté, on se demande le compte des pensées qui passèrent, durant toute sa vie, par l’esprit de l’homme qui ramassait ces faits et tellement s’en préoccupait ?

2933. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

— Balzac qui, un jour, s’inventa, dans sa pensée et dans son désir, l’homme politique qu’heureusement il ne fut jamais, n’avait pas besoin de s’inventer romanesque.

2934. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Dans tout son livre de la Démocratie, écrit dans la force de la jeunesse, je défierais bien de montrer une seule étincelle jaillissant de la forme ou de la pensée !

2935. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

— et ensuite parce qu’elle avait atteint l’homme qui devait le plus y échapper, — s’éteignit tout à coup, un jour, comme la flamme d’un grand incendie qui ne peut plus rien dévorer et qui tombe sur des débris fumants et noirs… Après avoir aimé Madame Récamier comme il l’avait aimée, Benjamin Constant retourna à la vie ordinaire de ces passions qui ne sont plus la passion unique, la passion despotique et torturante qui donne bien l’idée de ce que les catholiques entendent par leur possession du démon… Benjamin revint à la vie de la pensée, à ses travaux, à ses ambitions, à ses passions même ; car il en eut pour d’autres que Madame Récamier.

2936. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Préoccupé de ce malheureux système par lequel il mourra, s’il n’en défait pas sa pensée, et qui ne voit que l’Anglais, toujours l’Anglais, dans Lord Byron, même quand Lord Byron réagit le plus contre l’Angleterre, M. 

2937. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

, cette vie de monde que le monde lui avait faite, à ce dandy qui ne l’était que par les habits de Staub et les gants de Geslin, mais qui, sous ses caparaçons de mondain, garda toujours sa tendresse dans son incorruptible sensitivité… Hermine de pensée et de cœur jusqu’à sa dernière heure, qui mourut de ses taches encore plus que de ses blessures, pour qu’il fût bien et dûment puni d’avoir, étant hermine, cru qu’on peut se guérir de ses blessures en se roulant dans le ruisseau de feu du vice, comme le bison dans son bourbier !

2938. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

craint-on de prévenir l’esprit du lecteur et de nuire à l’indépendance de son jugement, à la liberté de sa pensée ?

2939. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Enfin, ailleurs encore, ne pouvant arracher cette teigne de l’Almanach des Muses qu’il a sur la pensée, voilà qu’il s’écrie, à propos de pins et de montagnes : Ô pics majestueux !

2940. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Il en montre trop… du moins… Quand ce qu’il sait par les livres pèsera un peu moins sur sa pensée, peut-être deviendra-t-il un observateur et un inventeur comme il faut l’être, quand on aborde le roman, notre dernière ressource de rajeunissement dans la décrépitude, où nous voilà, de toutes les formes dramatiques et littéraires !

2941. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

Encore que nous n’acceptions pas leurs indications sur tous les points, et qu’en particulier certaines divergences (mais d’expression peut-être plus encore que de pensée ?)

2942. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Laisse-moi reposer dans le sein de la vérité, et ne viens pas troubler ma paix par la flatterie que j’ai haïe. » Et ailleurs, après avoir parlé des conseils qu’on lui donnait sur la manière de se conduire à la cour, l’orateur ajoute : « Ces conseils lui parurent lâches ; il allait porter son encens avec peine sur les autels de la fortune, et revenait chargé du poids de ses pensées, qu’un silence contraint avait retenues.

2943. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

D’ailleurs, c’est ici le cas de rappeler cette pensée de Goethe : « Il y a peu de biographies qui puissent présenter un progrès pur, paisible continuel de l’individu. […] Le mariage de ses filles et l’établissement de ses garçons occupent presque toutes ses pensées. […] » Heureusement, la Révolution commençante fît dévier vers d’autres pensées le génie de cet officier tumultueux. […] Tous, ou presque tous, ils étaient de braves gens ; mais ils étaient incapables de longs espoirs et de vastes pensées. […] Lorsqu’on gravit, à travers la splendeur verte des sapinières, les chemins qui mènent aux ruines féodales, on oublie le présent, on quitte les pensées coutumières de l’homme moderne, on redevient contemporain des anciens âges.

2944. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

La pensée, du reste, est héroïque, et le sentiment passionné. […] C’est en cela que Voltaire est inférieur à Fontenelle, qui dans sa coquetterie a de la profondeur, et couvre les pensées les plus fortes d’un vernis de négligence et de familiarité : Voltaire n’emploie l’élégance et l’agrément du style qu’à relever des figures communes et sans physionomie. […] Il y a un contraste choquant entre la pompe de ses pensées, le fracas de son style et la mesquinerie de ses plans. […] J’en atteste tous nos braves guerriers ; en est-il un seul qui, dans l’ivresse de la passion la plus violente, pouvant se venger avec son épée, puisse imaginer d’avoir recours à une trahison infâme, et qui ne rejette pas avec horreur la pensée de faire lâchement égorger un prisonnier sans défense ? […] un bon drame est bon. » Voltaire n’était pas capable d’une pareille niaiserie, et ses commentateurs n’ont point saisi sa pensée.

2945. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce s’étend d’ailleurs au-delà des monts ; je lui connais des lecteurs enthousiastes en plus d’une ville d’Allemagne, et à Paris, et à Zurich ; c’est qu’il joint à une grande science quelques qualités trop rares chez les savants : une pensée toujours originale, libérée de toutes les vieilles formules, le bon sens lumineux, la compréhension de l’art et surtout le respect des individualités. […] Afin de ne trahir en rien la pensée de M.  […] Les Grecs ont créé un mot qui résume à lui seul une conquête de la pensée humaine : τὸ καλοκάγαθον, c’est-à-dire le Beau et le Bien unis indissolublement par une seule expression verbale

2946. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

» Je vais mettre en scène ce dialogue du mort avec les vivants, et faire parler cet oracle du fond de son sépulcre, autant du moins que ma faible intelligence et ma sagesse bornée peuvent interpréter les pensées présumées de cette forte tête et de cette grande vue sur les affaires humaines. […] Je n’eus que l’honneur d’avoir pris, avec tous mes collègues, l’initiative d’une pensée juste qui était dans la raison publique.

2947. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

L’œuvre est très riche de pensée : voisine de Cabanis et de Destutt de Tracy par certaines théories, par d’autres elle touche à Sainte-Beuve et à Sand, et par d’autres enfin elle nous semble devancer Gautier et Baudelaire. […] Il ne tient au xviiie  siècle que par certaines audaces et certaines crudités de pensée : par l’aspect extérieur aussi de sa personne intellectuelle.

2948. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

II Le grand cœur de la Terre, d’où toutes choses étranges et rares Prennent forme et verbe afin que chaque atome inséparé Puisse porter sa partie dans tout l’accord des pensées qui partagent       Le grand cœur de la Terre. […]   L’œil ne pouvait l’endurer, mais l’oreille et le cœur, avec une extase de délices ténébreuses, Avec une terreur et un émerveillement dont les racines étaient la joie et la force de la pensée mise en liberté, Percevait le surgissement d’un arrêt divin, comme une aube ensoleillée surgissante aux regards,       Des profondeurs de la Mer.

2949. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Les idées politiques de 1848 l’ont un moment enfiévré, fait revivre, mais quand elles ont été tuées, il a été repris de plus belle par l’ennui de l’existence, l’inoccupation des pensées et des aspirations. […] Bavard avec délices, il parle toujours et de n’importe quoi, avec un organe zézayant, un débit pressé, une pensée nette.

2950. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Par toutes ces raisons, il reste démontré que les tropes, qui se réduisent tous aux quatre espèces que nous avons nommées, ne sont point, comme on l’avait cru jusqu’ici, l’ingénieuse invention des écrivains, mais des formes nécessaires dont toutes les nations se sont servies dans leur âge poétique pour exprimer leurs pensées, et que ces expressions, à leur origine, ont été employées dans leur sens propre et naturel. […] Qui ne s’étonnerait de voir subsister jusqu’à nos jours une telle conformité de pensée et de langage entre les nations ?

2951. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Depuis lors, le fils du général Friant, dans une pensée de piété domestique, a publié une Vie militaire fort exacte de son glorieux père, auprès duquel il a servi lui-même durant des années, et il nous est maintenant permis de nous faire une idée précise du genre de mérite et d’héroïsme de ce modèle des divisionnaires.

2952. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Je l’ai dit, l’histoire littéraire à ses yeux est une construction de l’esprit ; elle est un monument de la pensée.

2953. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

L’Empereur n’avait plus son major-général unique et incomparable, ce Berthier qui était la main souple rapide et sûre de sa pensée.

2954. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Il ne fut rassuré que lorsqu’à une heure du matin, fort préoccupé de ses sombres pensées et du danger qu’aurait pour la France, menacée du côté du Rhin, tout retard dans la décision de cette campagne projetée par lui en deux coups de foudre, il fut sorti à pied, accompagné seulement du grand maréchal.

2955. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

La pensée en reste un peu dure.

2956. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Ce volume de Fléchier sera désormais un document précieux pour l’historien, et lui-même, esprit sérieux sous ses grâces, il a eu l’honneur de ne pas rester étranger à ce que nous appellerions la pensée administrative et politique qu’on en peut tirer.

2957. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

En général, moins les rencontres entre poètes qui s’aiment ont de but littéraire, plus elles donnent de vrai bonheur et laissent d’agréables pensées.

2958. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Boileau sans doute eut tort de sacrifier, je ne dis pas l’amitié, mais l’équité, à la peur de déplaire ; du moins aucune pensée de jalousie n’entra dans sa faiblesse.

2959. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

Si nous avions eu l’honneur d’être contemporains des derniers jours du grand Corneille, si nous avions eu à parler de ces productions malheureuses dans lesquelles sa vieillesse se complaisait avec une candeur si naïve, il nous semble que nous n’eussions pas dit toute notre pensée, et que nous n’eussions pas dû la dire.

2960. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Cet intervalle de près de deux ans est marqué, dans l’œuvre du critique : 1° par la publication en 1828 de son premier livre, en prose, Tableau historique et critique de la Poésie française et du Théâtre français au xvie  siècle ; 2° en 1829, par l’apparition de son premier volume de vers, Vie, Poésies et Pensées de Joseph Delorme.

2961. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Les La Fayette, les Daunou, et un petit nombre avec eux, sont là, sans doute, pour protester de la pensée persévérante de ces générations de 89 et de 92, dont l’élite fut trop tôt moissonnée.

2962. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Le lendemain, aux bureaux du National, la foule qui circula et s’inscrivit fut immense ; on y remarqua nombre d’ouvriers, Il y avait, sans doute, dans cette démonstration profonde, intérêt amical pour l’homme même, pour l’individu atteint ; il y avait hommage à un talent énergique, infatigable ; quelque chose de ce respect qu’on porte en France à toute belle intelligence que la valeur accompagne, à tout noble front où l’éclair de la pensée s’est rencontré volontiers avec l’éclair d’une épée ; mais il y avait aussi un sentiment dominant de solidarité, d’adhésion à des principes communs, de reconnaissance pour des services rendus, de confiance placée sur une tête forte et rare.

2963. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

C’est la première pensée de Tarass en revenant à lui.

2964. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Il n’a pas besoin de les chercher ; on voit que sa pensée habite dans ce monde.

2965. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

La valeur morale de certaines émotions, la noblesse de certaines pensées peuvent faire illusion : or ni la tendresse ni l’éloquence ne sont proprement poésie.

2966. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Ne peut-on pas avoir les mêmes sentiments et les mêmes pensées, aimer les mêmes choses en des langages différents ?

2967. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Aucune grande pensée morale ne pouvait sortir de races abaissées par un despotisme séculaire et accoutumées à des institutions qui enlevaient presque tout exercice à la liberté des individus.

2968. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Préoccupés d’une telle pensée, ils mirent en avant leur mère, Salomé, qui un jour prit Jésus à part et sollicita de lui les deux places d’honneur pour ses fils 462.

2969. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

J’entends le bercement nasillard de la musique, je regarde les plis des burnous ; lentement le « Bois en paix » de l’Orient me descend de la petite tasse jusqu’à l’âme ; j’écoute le plus doux des silences dans ma pensée et comme un vague chantonnement de mes rêves au loin, — et il me semble que mon cigare fait les ronds de fumée de ma pipe sous le plafond du Café de la Girafe.

2970. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Il se récria sur ce qu’on interprêtoit mal ses pensées, & sur ce qu’on empoisonnoit la réflexion suivante : « Le roi de Prusse a comblé de bienfaits les gens de lettres, par les mêmes principes que les princes Allemands comblent de bienfaits un bouffon & un nain. » Toutes ces tracasseries étoient faites & tous ces pièges tendus, sans que M. de Voltaire se doutât de rien.

2971. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

C’est sur elle qu’elles règlent leur prononciation, la gradation des accens, l’éloquence des regards, le geste toujours à l’unisson de la pensée, l’expression étonnante des mouvemens.

2972. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Son style simple & élégant est relevé par des pensées vraies & naturelles, & par de tours heureux.

2973. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

Tout, depuis les trois arbres morts jusqu’au squelette, révèle cette science inouïe d’observation que j’ai déjà signalée ; tout, depuis l’homme affaissé et les diables guillerets jusqu’à cette chauve-souris qui se noie, tout porte l’empreinte d’une merveilleuse habileté de main autant que d’une pensée philosophique profonde.

2974. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Et en effet, Messieurs, transportons-nous par la pensée dans l’avenir le plus lointain : supposons que de nombreuses générations se sont succédé, et que, par l’effet de ces grandes catastrophes qui bouleversent les empires, tout ce qui a été écrit sur les deux derniers siècles a disparu.

2975. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Et pendant que cet endiablé bas-bleu disserte majestueusement sur Spinosa ou sur Marc-Aurèle, ma pensée passe des jupes et il me trotte dans la tête des peignoirs, bien supérieurs encore à ceux que Mme de Blocqueville a mis dans ses livres, comme un petit regain de la femme échappé au bas-bleu.

2976. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Tout ce qui a en soi une force quelconque de pensée doit s’attacher à réprimer, dans la mesure de cette force, cet histrionisme envahisseur, qui va nous déborder demain et qui a fait toujours suivre, dans l’histoire du monde, les saltimbanques par les Barbares.

2977. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Résumé par la France, sa tête de colonne, le monde Occidental avait puisé à la double mamelle de ses nourrices, Rome et la Grèce, deux breuvages différents qui devaient troubler sa pensée et qui ne pouvaient pas remplacer le lait maternel de la Tradition.

2978. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Grâce aux renseignements qu’on y trouve, nous savons à présent, avec plus de détails que jamais, l’heure officielle et la date précise de l’abdication du grand homme, mais les motifs décisifs et suprêmes de cette abdication, qui fut un long dessein dans cette méditative pensée, nous ne les savons pas plus que nous ne les savions hier, en lisant Robertson ; et nous voilà presque tenté, pour y comprendre quelque chose, de retourner à l’hypothétique dialogue de Sylla et d’Eucrate, cette stérile partie de raquette jouée par le génie jongleur de Montesquieu !

2979. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Dans l’indigence de la pensée publique qui se rue si badaudement aux Expositions, et le néant des œuvres qu’on publie, la Critique est heureuse de pouvoir, en se retournant, mettre la main sur un livre resté dans l’obscurité de son mérite, — le destin, d’ailleurs, de tout ce qui est élevé en littérature.

2980. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

« La même pensée — ajoute-t-il — m’est revenue souvent dans mes promenades rêveuses à l’Arc de triomphe et aux Invalides.

2981. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Au temps de sa jeunesse, la pensée avait remplacé l’action.

2982. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Ce fut un sceptique et même un sceptique contradictoire, ce qui, par parenthèse, au lieu d’une faiblesse, en fait deux ; car dans son Kosmos il doute, à une certaine place, « qu’on puisse jamais, à l’aide des opérations de la pensée, réduire tout ce que nous voyons à l’unité d’un principe rationnel », et ailleurs il assure qu’il croit au mot de Socrate : « qu’an jour l’univers sera interprété à l’aide de la seule raison », vacillement d’un esprit qui ploie également sous l’affirmation et sous le doute !

2983. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Lacordaire ne vient pas de l’ignorance de la langue ni de l’audace des néologismes ou des barbarismes qui ont quelquefois, quand l’écrivain a de la pensée et reste intelligible, la sauvage grandeur de toute barbarie.

2984. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Ce fut un sceptique et même un sceptique contradictoire, ce qui, par parenthèse, au lieu d’une faiblesse, en fait deux, car dans son Kosmos il doute, à une certaine place, « qu’on puisse jamais, à l’aide des opérations de la pensée, réduire tout ce que nous voyons à l’unité d’un principe rationnel », et ailleurs il assure qu’il croit au mot de Socrate, « qu’un jour l’univers sera interprété à l’aide de la seule raison », vacillement d’un esprit qui ploie également sous l’affirmation et sous le doute !

2985. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Il s’était réfugié dans la pensée divine… Quand la crise de la France du temps, livrée aux démoralisateurs qui ne la démoralisaient que pour la gouverner et qui maintenant la gouvernent, l’appela, par une voix respectée, au secours de l’enseignement chrétien en péril, il n’était plus qu’un contemplateur à l’écart, avec les bras croisés de la méditation solitaire.

2986. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

jusqu’aux hommes d’action les moins tourmentés par leur pensée.

2987. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Or, ce milieu exerce sur leur pensée et sur leurs œuvres une tyrannie que je regrette, et que je voudrais, dans l’intérêt de leur talent et de leurs œuvres futures, les voir briser.

2988. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Brutal et violent, mais toujours préoccupé du sens moral de ses compositions, moraliste avant tout, il les charge, comme notre Grandville, de détails allégoriques et allusionnels, dont la fonction, selon lui, est de compléter et d’élucider sa pensée.

2989. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Quelquefois il attire même les choses communes à la hauteur de son âme, et les élève par la vigueur de l’expression : plus souvent il joint une expression familière à une idée grande ; et alors il étonne davantage, parce qu’il semble même au-dessus de la hauteur des pensées.

2990. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Malgré la fécondité de son imagination, il a senti qu’il valait mieux prendre sa pensée à l’état naissant que de remanier la forme déjà trouvée. Il se passe, en effet, dans l’expression de la pensée quelque chose d’analogue au phénomène observé dans la composition des corps. […] Il dit : « La Grand’Rose, qui, dans la pensée de l’auteur, signifie l’indulgence, n’est pas, pour moi, ce qu’elle devrait être. […] Il est homme de pensée, de réflexion rapide et nette, qui n’a pas besoin d’attendre au lendemain pour se rendre compte de tous les détails d’une situation complexe. […] Sa pensée est comme tirée dans deux directions contraires et son âme tout entière est déchirée.

2991. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Et puis, comme nous voici loin du monde et du souci d’être ou de paraître, quelle légèreté, quelle insouciance de pensée, quelle cordialité d’accueil et de fréquentation ! […] Viennent ensuite ce que j’appellerais les chefs-d’œuvre : versification impeccable, pensée neuve et forte, trouvailles extraordinaires, les Effarés, les Assis, les Chercheuses de poux, le Faune, Cœur volé, le Sonnet des voyelles, les Premières communions, le Bateau Ivre ! […] insuffisante d’un vieux rimeur qui porta les armes, — ce début : À un poète patriote, où l’auteur évoque, en pleine Angleterre moderne, dans un monde s’usant parmi le désert de la pensée, le poète qui ait « la passion de Catulle, l’âme séraphique dit Shelley, le sublime cœur rebelle de Byron ! » Et j’aime encore la Prière pour la Paix, où le poète se rêve et se crée un ossuaire parmi les pavots, pour y reposer enfin sa tête fatiguée et son cœur las, où il puisse tout de même, au bout de tant de vie et de pensée, dormir du vrai, vrai sommeil. […] J’étais heureux, bien sûr, à l’idée de revoir la France, mais bien heureux aussi à la pensée d’un si agréable séjour et de si excellents et durables souvenirs.

2992. (1774) Correspondance générale

Ne suis-je pas votre ami, n’ai-je pas le droit de vous dire tout ce qui me vient en pensée ? […] Ne riez pas : c’est moi qui anticipe sur l’avenir, et qui sais sa pensée. […] Aucune variété marquée dans le ton de celui qui déclame ce discours ; donc, aucune variété dans les sentiments, dans les pensées, dans les mouvements. […] C’est une tête froide ; il a des pensées, il a de l’oreille, mais point d’entrailles, point d’âme. […] Il faut toujours ou que j’occupe mes pensées ou que je sois dans un état de souffrance ; je trouve moins désagréable de souffrir que de bâiller.

2993. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Le style est un peu traînant, mais la pensée est délicate. […] Chez Fléchier, au contraire, nous avons, aux endroits où elle nous paraît moins convenable, la plaisanterie innocente et froide, non pas même d’un Voiture (celui-ci avait l’esprit trop libertin), mais d’un disciple compassé de Balzac, qui développe et déplisse lentement sa pensée, et ne fait grâce d’aucune des broderies qu’elle renferme.

2994. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Hyeronimo reconnut la ressemblance de ce messager avec Bartholomeo del Calamayo, l’ami du capitaine des sbires, de l’année précédente, mais il ne fit pas semblant, et l’enfant garda sa pensée en lui-même. […] Comme Jephté, dans la Bible, monsieur, qu’on dit qui alla se pleurer elle-même sur les collines, nous ne pûmes nous empêcher de nous pleurer nous tous : Fior d’Aliza, sur son beau pré vert et sur les bords fleuris de son bassin au bord de la grotte, dont elle aimait tant la chute de la source, gaie et triste, dans le bassin ; Hyeronimo, sur ses tiges presque mûres de maïs, dont il embrassait des lèvres les plus belles quenouilles en leur disant adieu dans sa pensée ; Magdalena, dans la plantation des mûriers dont les feuilles ne gonfleraient plus son tablier pour les rapporter à ses petites bêtes fileuses comme elle ; moi, sous le châtaignier qu’on nous avait coupé en quatre sur le papier, dont nous n’aurions plus que l’ombre d’un côté, et ce que l’automne fait tomber par charité sur notre herbe, et dont je n’aurais pas même une branche en toute propriété, à moi, pour m’y tailler une bière !

2995. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Au milieu de l’armée détruite, qu’on vient d’étaler sous ses yeux, sa pensée ne cherche qu’un homme. […] C’est là aussi que les Perses subiront le suprême désastre, prix de leur insolence et de leurs pensées impies.

2996. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

C’est à cette dernière pensée que je m’arrête, vous priant instamment de ne pas différer davantage à me donner de vos nouvelles et à me faire part de votre jugement dont je ferai toujours un grand cas, malgré votre modestie90. […] Aimé Martin a exagéré et faussé les couleurs : « Dès le premier jour, s’écrie le biographe, M. de Saint-Pierre éprouva le double ascendant de son génie et de sa beauté ; elle devint aussitôt l’unique pensée de sa vie… » et autres phrases de roman.

2997. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Je suis seul dans mon wagon, et en la trépidation du chemin de fer, et par la nuit qui vient, ma pensée va au roman des « Deux clowns. » (Les Frères Zemganno.) […] » * * * — C’est joli, une Parisienne marchant dans la rue, et que l’on voit absente de la foule qui la heurte, sourire à sa pensée.

2998. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Pour expliquer convenablement ma pensée à cet égard, je dois d’abord rappeler une conception philosophique de la plus haute importance, exposée par de Blainville dans la belle introduction de ses Principes généraux d’anatomie comparée. […] En assignant pour but à la philosophie positive de résumer en un seul corps de doctrine homogène l’ensemble des connaissances acquises, relativement aux différents ordres de phénomènes naturels, il était loin de ma pensée de vouloir procéder à l’étude générale de ces phénomènes en les considérant tous comme des effets divers d’un principe unique, comme assujettis à une seule et même loi.

2999. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Mais on se méprendrait étrangement sur notre pensée, si, de ce qui précède, on tirait cette conclusion que la sociologie, suivant nous, doit ou même peut faire abstraction de l’homme et de ses facultés. […] Nous avons montré ailleurs comment tout accroissement dans le volume et dans la densité dynamique des sociétés, en rendant la vie sociale plus intense, en étendant l’horizon que chaque individu embrasse par sa pensée et emplit de son action, modifie profondément les conditions fondamentales de l’existence collective.

3000. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Et il lui conseille de ne point se soucier de ceux qui menacent de changer de parti si lui-même il ne change sur l’heure de religion : Gardez-vous bien de juger ces gens-là sectateurs de la royauté pour appui du royaume, ils n’en sont ni fauteurs ni auteurs… Quand votre conscience ne vous dicterait point la réponse qu’il leur faut, respectez les pensées des têtes qui ont gardé la vôtre jusques ici ; appuyez-vous, après Dieu, sur ces épaules fermes, et non sur ces roseaux tremblants à tous vents ; gardez cette partie saine à vous, et dedans le reste perdez ce qui ne se peut conserver.

3001. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Depuis quelques années, les grandes bibliothèques de Paris où sont conservées des copies manuscrites avaient été soigneusement explorées ; les recueils mêmes de ces copies portaient des traces visibles du passage des patients investigateurs, ou plutôt des investigatrices (car c’étaient des dames, m’assure-t-on, qui se livraient à ce travail) ; des tables, des renvois et concordances d’une écriture très nette et toute récente faisaient présager une pensée d’assemblage et d’édition.

3002. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

La propriété même avait en grande partie passé en d’autres mains, et les débris de l’Ancien Régime étaient si complètement dispersés qu’un aveuglement extrême pouvait seul concevoir la pensée de les rassembler pour le reconstruire.

3003. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

je ne suis jaloux que des suffrages des Français qui n’en adoptent aucun, qui aiment la gloire de leur pays et la prospérité d’un gouvernement établi, ne ressemblant ni à la royauté ni à l’anarchie, qui enfin n’ont aucune pensée, royaliste ou jacobine.

3004. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

La souffrance physique peut se raconter, mais non se voir ; ce n’est pas l’auteur, c’est l’acteur qui ne peut pas l’exprimer noblement ; ce n’est pas la pensée, ce sont les sens, qui se refusent à l’effet de ce genre d’imitation.

3005. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Mais tous ces sarcasmes ne nous font ni changer de pensée, ni changer de cœur ; nous vivrions mille vies que nous les dévouerions encore à vous préserver autant qu’il serait en nous, non pas seulement d’une blessure au cœur, mais d’une piqûre à l’épiderme.

3006. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Mais de plus, la littérature était le terme de toutes les pensées de Boileau, sa passion et sa vie.

3007. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Une pensée du moins que Jésus emporta de Jérusalem, et qui dès à présent paraît chez lui enracinée, c’est qu’il n’y a pas de pacte possible avec l’ancien culte juif.

3008. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

II On a longtemps divisé, dit l’auteur, les phénomènes de la pensée en deux classes : facultés intellectuelles, facultés actives.

3009. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Ce berger-visir était-il un sage qui eût écrit ses pensées dans un ouvrage ?

3010. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Venez ensuite chez moi voir la première pensée de ces artistes, c’est le laocoon, tel qu’il est, mais un des enfans est renversé sur sa cuisse le cou embarrassé dans les plis du serpent ; mais l’autre enfant se rejette en arrière et cherche à se délivrer.

3011. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Ils répondront que l’énergie d’une phrase et l’effet d’une figure tiennent si bien, pour ainsi dire, aux mots de la langue dans laquelle on a inventé et composé, qu’ils ne sçauroient eux-mêmes se traduire à leur gré, ni donner le tour original à leurs propres pensées, en les mettant de françois en latin, encore moins quand ils les mettent de latin en françois.

3012. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

., sont infiniment variables, mais ces variations ne sont pas de telle nature qu’elles n’offrent aucune prise à la pensée scientifique.

3013. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Les temps modernes ne sont pas tellement beaux pour la littérature qu’elle ne puisse supporter beaucoup de choses cruelles et qu’elle n’y soit même accoutumée ; mais la condition d’avoir Buloz pour correcteur, — non plus d’épreuves, mais de son style et de sa pensée, — lui sembla cependant trop dure pour la supporter, et on vit en très peu de temps tout ce groupe de talents que je viens de nommer se détacher de la Revue des Deux Mondes 24, s’égrener et complètement disparaître d’un recueil dont la rédaction, pour qui avait le sentiment de sa valeur propre ou de son œuvre, était une douleur, quand ce n’était pas une indignité.

3014. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Pour Louis Teste comme pour nous, Léon XIIl est le pape, sous un nom qui n’est, en ce moment, qu’un nom, — le nom d’un pontife de plus, qui n’a pas encore d’exergue autour de sa médaille, et dont le visage, inconnu hier à la chrétienté, ne laisse passer — ferme et discret — que ce qu’il veut de ses projets et de sa pensée.

3015. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

La pensée et l’art étaient plus pour lui que la vie.

3016. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Il y intervient de sa pensée, de sa réflexion, de sa personne tout entière.

3017. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Il oublie que Dieu, dans sa loi, défend jusqu’aux pensées injustes, chose dont ne s’embarrassèrent jamais les législateurs mortels.

3018. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Chez une race mobile, enthousiaste, charmée des fêtes et des plaisirs comme de la gloire, ce génie prend part à tout : il commence où cesse le récit épique ; il donne à l’hexamètre majestueux l’accompagnement d’un second vers plus court, et, gravant ainsi la pensée, soutient le son poétique par l’accent musical.

3019. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Cazelles, qui a exprimé cette critique11, la pensée du philosophe serait défigurée sans l’adjonction du second membre de phrase. […] Cuvier lui-même développe, dans un passage souvent cité, cette pensée que la vie est une force qui résiste aux lois qui régissent la matière brute : la mort est la défaite de ce principe de résistance, et le cadavre n’est autre chose que le corps vivant retombé sous l’empire des forces physiques. […] Telle est la pensée de Pythagore, Platon, Aristote, Hippocrate, acceptée par les savants mystiques du moyen âge, Paracelse, Van Helmont ; soutenue par les scolastiques et formulée dans son expression la plus outrée, de l’animisme, par Stahl. […] Pour résumer notre pensée, nous pourrions dire métaphoriquement : la force vitale dirige des phénomènes qu’elle ne produit pas ; les agents physiques produisent des phénomènes qu’ils ne dirigent pas. […] Cette doctrine soutient que les phénomènes de l’âme, comme tous les phénomènes de l’univers, sont rigoureusement déterminés par la série des phénomènes antécédents, inclinations, jugements, pensées, désirs, prévalence du plus fort motif, par lesquels l’âme est entraînée.

3020. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Piron est, en politique comme en religion, un railleur du vieux temps, non un novateur à aucun degré ; quand il a lancé son trait, il est content, et il n’a pas la pensée de derrière, la seule dont la portée aille loin. […] Gœthe, très au fait de cette partie de notre littérature, a dit, à ce propos, avec bien de la justesse : « Jamais Piron ne put démentir sa nature indisciplinée ; ses vives saillies, ses épigrammes mordantes, l’esprit et la gaîté qui toujours étaient à ses ordres, lui donnèrent une telle valeur aux yeux de ses contemporains qu’il put, sans paraître ridicule, se comparer à Voltaire, qui lui était pourtant si supérieur, et se poser, non pas seulement comme son adversaire, mais comme son rival. » Et les premiers traducteurs de Gœthe, renchérissant sur sa pensée et jaloux de la compléter, ajoutent assez spirituellement et par une image qu’il n’eût point démentie : « Comme il était le Voltaire du moment, on l’excusait de se mettre en parallèle avec le Voltaire des siècles. […] Ainsi fait et créé par la nature, et n’ayant cessé d’abonder en lui-même, on a plus de traits piquants et personnels à citer de lui, que de pensées et de maximes d’une application générale ; en voici une pourtant qui mérite d’être conservée ; Fontenelle, à qui Piron la disait un jour, l’avait retenue et en avait fait un des articles de son symbole littéraire : « La lecture a ses brouillons comme les ouvrages100 », c’est-à-dire que, pour bien comprendre un livre et s’en former une idée nette, lire ne suffit pas, il faut relire.

3021. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Thucydide, alors âgé de quinze ans, assistait à cette lecture, et c’est là que ce jeune homme, déjà lettré, conçut la pensée d’écrire lui-même. […] « Après ce temps, la chute de l’empire d’Astyage, fils de Cyaxare, renversé par Cyrus, fils de Cambyse, et les progrès des Perses, en occupant la pensée de Crésus d’autres soins, firent taire sa douleur. […] Cyrus, reprenant alors la parole, leur découvrit sa pensée et leur dit : « Citoyens de la Perse, il en sera de même à jamais pour vous, si vous voulez me suivre.

3022. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Mercredi 28 juillet Ce pauvre Jean Lorrain doit être opéré, vendredi, d’une tumeur dans les intestins, et tous ces jours-ci, pour que sa pensée aille le moins possible à vendredi, il déjeune ou dîne chez des amis, et donne à déjeuner ou à dîner à des amis, chez lui. […] Dans ces gares, au passage incessant des trains, la pensée de ceux qui les habitent, ne doit avoir le temps de se poser sur rien, elle est sous le coup d’un ahurissement, produit par ce mouvement perpétuel. […] Dimanche 1er octobre Paul Alexis, de retour du Midi, me raconte qu’il a été faire une visite à Mme de Maupassant, qui, dans une conversation d’une heure à six heures, entre autres choses, au sujet de l’enterrement de son fils, lui disait : « J’aurais bien voulu pouvoir aller à Paris… mais j’ai clairement écrit, pour qu’il ne fût pas mis dans un cercueil de plomb… Guy voulait après sa mort, sa réunion au Grand Tout, à la Mère la Terre, et un cercueil de plomb retarde cette réunion… Il a été toujours très préoccupé de cette pensée, et l’a émise à Rouen, quand il a présidé à l’enterrement du pauvre Flaubert… Non, sa maladie ne tenait d’aucun de nous… son père, c’est un rhumatisme articulaire… moi, c’est une maladie de cœur… son frère qu’on a dit mort fou, c’est une insolation, à cause de l’habitude, qu’il avait de surveiller ses plantations, avec de petits chapeaux trop légers. » Alors, Mme de Maupassant entretenait Paul Alexis, des derniers mois de la vie de son fils.

3023. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Cet article 14 n’avait nullement dans la pensée de Louis XVIII le sens que lui prêtèrent les ministres de Charles X. […] C’est tout le contraire en Allemagne, où les universités sont des foyers d’esprit aristocratique, réactionnaire (comme nous disons ) et presque féodal, des foyers de libre pensée, mais non de prosélytisme indiscret. […] Pleins du juste orgueil que donne la conscience de savoir la vérité que le vulgaire ignore, ils ne voudront pas être les interprètes des pensées superficielles de la foule. […] Former par les universités une tête de société rationaliste, régnant par la science, fière de cette science et peu disposée à laisser périr son privilège au profit d’une foule ignorante ; mettre (qu’on me permette, cette forme paradoxale d’exprimer ma pensée ) le pédantisme en honneur, combattre ainsi l’influence trop grande des femmes, des gens du monde, des Revues, qui absorbent tant de force vives ou ne leur offrent qu’une application superficielle ; donner plus à la spécialité, à la science, à ce que les Allemands appellent le Fach, moins à la littérature, au talent d’écrire et de parler ; compléter ce faite solide de l’édifice social par une cour et une capitale brillantes, d’où l’éclat d’un esprit aristocratique n’exclut pas la solidité et la forte culture de la raison ; en même temps, élever le peuple, raviver ’ses facultés un peu affaiblies, lui inspirer, avec l’aide d’un bon clergé dévoue à la patrie, l’acceptation d’une société supérieure, le respect de la science et de la vertu, l’esprit de sacrifice et de dévouement ; voilà ce qui serait l’idéal ; il sera beau du moins de chercher à en approcher.

3024. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Et comme je l’interrogeais, sur ce que cette incroyable avalanche de mauvaises lectures avait dû produire dans son cerveau, elle me répondait que cette ouverture par les livres sur la vie aventureuse, lui avait donné l’éloignement des aventures, mais en même temps lui avait fabriqué une pensée, toute différente de la société, au milieu de laquelle elle vivait. […] La marchande, chez laquelle ma domestique a été commander une guirlande de roses et de pensées, lui disait : « C’est étonnant comme on meurt dans ce moment-ci !  […] Quant aux dessins à la plume, représentant des types juifs, Tissot nous les montre portraiturés dans la vérité du type juif autochtone, et donnant très exactement ces grands nez courbes, ces sourcils broussailleux, ces barbes en éventail, ces regards précautionneux soulevant de lourdes paupières, et les pensées calculatrices, et les jovialités mauvaises, et la perfide cautèle, sous la bouffissure de graisse de ces faces. […] Mardi 11 décembre Dans un salon, ce qui donne de la vie, de la chaleur à une société, à défaut d’affections de cœur entre les gens, ce sont les affections cérébrales, nouées entre les communiants d’une même pensée, d’une même élaboration intellectuelle .

3025. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Elle couvait un profond orage intérieur, et à cet âge de dix-huit ans, sous un extérieur calme, elle agitait les pensées les plus contradictoires. […] Il baissa la tête sous la tourmente ; il ne paraît pas avoir eu la pensée d’émigrer.

3026. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Je n’en admets pas même la pensée. […] La seconde, moins âgée d’un an, paraissait aussi réfléchie et moins timide ; elle avait l’air d’une pensée éclose tout fraîchement, mais qui jouit de se sentir, et qui dit à ses sœurs : « Voyez, comme ceci est semblable à ce que j’avais imaginé. » C’est ma seconde fille, me dit sa mère, elle sait par cœur tout ce qui intéresse votre famille ; dans le volume des Confidences, que nous avons lu en commun depuis que ce volume est tombé dans nos mains, votre mère, vos aimables sœurs, votre… Elle baissa la voix, craignant de faire saigner ma douleur, trop rapprochée de la perte ; les filles inclinèrent leurs fronts vers le gazon et nous restâmes un moment en silence.

3027. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Ce sont des phrases que l’on subit et que l’on impose sans y donner attention, par usage, par cérémonie, imitées des Chinois, utiles pour tuer le temps, plus utiles pour déguiser cette chose dangereuse, la pensée. […] « La mesure et toute espèce de décence et de bienséance étaient chez elle dans leur centre, et la plus exquise superbe sur son trône. » Cette même phrase, qu’il a cassée à demi, montre, par ses deux commencements différents, l’ordre habituel de ses pensées.

3028. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Il est constant néanmoins, à lire ce que nous avons sous les yeux que, dans, sa fermeté de pensée, Catherine avait prévu le cas extrême où elle aurait été prise au mot pour sa demande de renvoi, et elle exprime en cette circonstance les dispositions de son âme en des pages admirables et qui font le plus grand honneur en elle au philosophe et au moraliste : c’est là un autre portrait d’elle et qui, pour être tout intérieur, ne paraîtra pas moins digne d’être mis à côté et en regard de tous ceux que l’on possède déjà, soit du portrait de la grande-duchesse que nous avons découpé précédemment, soit de ceux de l’Impératrice que l’on doit à la plume des Rulhière, des prince de Ligne et des Ségur.

3029. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

« On ne cesse pas sans peine de citer un pareil écrivain », dit-il en un endroit (page xxviii) ; et, en vérité, je crains que ces mots, un pareil écrivain, ne s’appliquent, dans sa pensée, non pas à Bossuet, mais à M. 

3030. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

C’est le même langage uni et simple que dans son livre, avec l’abondance de plus, avec la particularité et un certain accent qui grave Il y a lieu de croire que la Révolution de 1848, les graves problèmes qu’elle souleva et les sombres pensées qu’elle fit naître, introduisirent un degré d’examen de plus dans quelques parties du livre, et tinrent plus constamment en éveil l’attention de l’observateur sur le principe moral qui maintient dans l’ordre certaines populations d’ouvriers, moins avancées et plus heureuses pourtant que d’autres.

3031. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

En tête des Pensées de l’abbé Prevost, 1764.

3032. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

On peut ainsi résumer et formuler la pensée de M. 

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