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1916. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Et ici, je vais faire une singulière confession : devant une toile d’un bon paysagiste, je me sens plus à la campagne qu’en plein champ et qu’en plein bois. […] » Vraiment, le hasard ne l’a pas trop mal servi, parlant à un homme de lettres déjà poursuivi et qui se sent poursuivable toute sa vie… Mais dans la bouche du devin, la phrase n’avait-elle pas un autre sens ? […] Enfin un journal moral (moral dans le sens de journal des mœurs) du xixe  siècle.

1917. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Je ne vais pas vous la lire, elle est trop longue ; en voici le sens : Vous savez que Circé a transformé en animaux tous les compagnons d’Ulysse, excepté Ulysse lui-même, parce qu’il est le plus sage des hommes et qu’un homme tel que lui ne se transforme pas en animal si facilement. […] Il aurait pu aller plus loin ; il aurait pu parler, par exemple, de leur absence de rivalité et d’émulation et, puisqu’il connaissait si bien La Rochefoucauld, de leur absence d’amour-propre, dans un sens un peu différent de celui où La Rochefoucauld emploie ce mot, mais enfin de leur absence d’une partie de l’amour-propre qui est ce que nous appelons la vanité, la fatuité. […] Théodule Ribot, des observations extrêmement curieuses, des « observations » dans le sens médical du mot, extrêmement intéressantes à cet égard.

1918. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Nous ne disons point comme Boileau, le fondateur de l’École du bon sens et non du grand sens, pour lequel il n’y a pas d’École ; Oh ! […] Cousin n’a plus le sens de cette créature qui le fait boire dans la coupe de Circé et qui le métamorphose, mais il n’a plus le sens de personne !

1919. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Toute une littérature théologique d’un sens profond et d’une controverse supérieure1 donne une juste idée de la force et de l’étendue de ces prétentions. […] Paroles hardies dans leur humble simplicité, trop mystiques au sens corrompu du monde, mais pleines, pour qui sait les comprendre, de toutes les lucidités de la foi. […] Que cette autorité soit une inconséquence de plus avec le principe même du protestantisme, avec le fait de la révolte de Henri VIII ; que cette autorité — comme le soutiennent les puséystes, et entre autres Ward et Oakeley, — ne soit pas suffisante, personne de sens ne saurait le contester ; mais la question n’est pas là.

1920. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

Cette polémique en général est faite, dans les Débats, par M. de Sacy, fils de l’illustre orientaliste, et l’un des plus honnêtes, des plus consciencieux écrivains de la presse périodique, comme aussi l’une des plumes les plus saines et les plus françaises au vieux sens de Nicole et de Bourdaloue.

1921. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Si votre mémoire ne se retrace pas le sujet des allusions, votre esprit ne vous suffit pas pour comprendre la gaieté de ces écrits ; et s’il faut réfléchir à une plaisanterie pour en découvrir le sens, tout son effet est manqué.

1922. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

Pour enfermer son sens dans la borne prescrite, La mesure est toujours trop longue ou trop petite.

1923. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Giraud, Albert (1848-1910) »

Las d’avoir battu inutilement et en tout sens les plaines enflammées et vides du désert, il vient se coucher devant le monstre de pierre et confesser l’inanité de ses désirs, l’inanité de ses rêves, l’inanité de tout.

1924. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Karr, Alphonse (1808-1890) »

C’était aussi le temps où, ces jouets de l’âme, Tes romans s’effeuillaient sur des genoux de femme, Et laissaient à leurs sens, ivres du titre seul, L’indélébile odeur de la fleur du Tilleul !

1925. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laprade, Victor de (1812-1883) »

En ce sens, on peut dire que ces Poèmes continuent Psyché et lui donnent son véritable dénouement.

1926. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

» je ne prends la question qu’au sens littéraire.

1927. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Celui-ci, à une imagination vive, joint un génie tendre et rêveur ; il se sert même, ainsi que La Fontaine, du mot de mélancolie dans le sens où nous l’employons aujourd’hui.

1928. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

Il est beau d’abandonner au printems de l’age, au milieu des douces illusions de la grandeur, & dans le sein de l’abondance, les plaisirs des sens, pour vous livrer entiérement à ceux de l’esprit.

1929. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

Je voudrais bien savoir quel sens, quel esprit il y a dans cette idée ?

1930. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 36, de la rime » pp. 340-346

La rime estropie souvent le sens du discours et elle l’énerve presque toûjours.

1931. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

Ils ne jugent pas en hommes doüez de ce sixiéme sens dont nous avons parlé, mais en philosophes spéculatifs.

1932. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

Impossible, selon nous, d’y reconnaître cette plume qui n’a servi qu’une fois et qui nous écrivit ce suave roman, dont le sens se perd tous les jours un peu plus : la Princesse de Clèves.

1933. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

Sans doute il mérite cet éloge, mais dans un autre sens, comme on le verra dans ce livre.

1934. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Mais il n’en est pas ainsi, et quoi qu’on puisse dire contre notre siècle, la littérature élevée peut y montrer des noms comme Béranger, Lamennais, George Sand, Hugo, Lamartine : avec de telles gloires, une époque peut s’égarer ; mais on ne saurait dire sans injustice qu’elle a perdu le sens des choses de l’art. […] Et à ce propos nous devons encore faire remarquer une circonstance qui, dans ce sens, nuit au début du poème de Rolla, comme à bien d’autres productions de l’école romantique. […] De là, une pédanterie qui devient d’autant plus fatigante qu’elle est plus vide de sens. […] C’est là toute la science, c’est là le sens de Hegel et le dernier mot des livres. […] Janin est plus artiste que le grand nombre de ceux qui l’attaquent ; il a, dans un degré bien supérieur, la sensation du beau qui est tout autre chose que le jugement ; la nature l’a doué de sens exquis sous ce rapport : c’est un malheur qu’elle ait oublié aussi complètement de le pourvoir des facultés sérieuses de l’écrivain.

1935. (1890) Dramaturges et romanciers

C’est toujours une grande souffrance que d’être tiré et sollicité en sens contraire, mais ici le martyre n’a rien en que de délicieux, à en juger par les œuvres qui en ont été le produit. […] Il soulèvera, il soulève déjà des controverses en sens très divers, controverses dont le résultat pourrait être très instructif. […] Que d’études, que de travaux, quelle dépense d’ardeur intellectuelle en tout sens entre sa sortie de l’université et ses débuts dans la vie littéraire ! […] Ce séjour à Bonn fut en plus d’un sens fécond pour M.  […] La Fortune d’Angèle, plus dramatique peut-être dans le sens habituel du mot, beaucoup mieux faite pour être comprise d’un plus grand nombre, est cependant d’ordre moins rare.

1936. (1888) Portraits de maîtres

Ici nous touchons à un des points vulnérables de cette merveilleuse intelligence : le défaut de sens critique. […] Il développa surtout son génie par ses lectures de poètes en tout sens et dans toutes les littératures. […] Le sens du dénuement, du jeûne, même en ta rude enfance indigente, tu ne l’avais eu jamais. […] Elle a donc cette imagination le sens exquis de ce qui est vraiment français9… » Cet homme ainsi pourvu du plus large sens archaïque, de la compréhension exotique la plus complète, avait aussi la plus vive intelligence de la nature. […] Elle lui communiqua le goût précoce de la tolérance et le sens du divin dans la plus haute acception de ce mot.

1937. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

C’est vrai, mais non pas au sens où l’épaisse balourdise du populaire entend ces paroles. […] On se laisse aller au gré de sa jolie prose, comme au fil d’une eau claire qui rafraîchit tous les sens. […] C’est un joli mot, doux à prononcer, mais dont le sens est encore indistinct, vague, « flou » comme la première blancheur de l’aube commençante. […] Aller à Sens afin de montrer à quelques écoliers de Bourgogne les beautés de l’Art poétique ? […] Mais on ne peut s’empêcher d’admirer des gens pour qui le sens de la vie fut si parfaitement clair.

1938. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

» II Quelquefois, rarement, des saisons riantes, des images gracieuses, mais importunes, lui rendent au cœur et aux sens la sève de ses jours heureux ; puis la pensée que Laure n’est plus là change tout cet éblouissement de la vie en ténèbres ; comme dans le sonnet suivant : « Voici le vent tiède et doux de la mer qui ramène les beaux jours, et l’herbe, et les fleurs qu’il fait renaître, et le gazouillement de l’hirondelle, et les mélodies tendres du rossignol, et le printemps tout blanchi et tout empourpré des boutons qu’il colore sous ses pieds. […] Sainte Thérèse l’inventait en sens inverse vers le même temps en Espagne, appliquant à l’amour divin les extases, les expressions, les images de l’amour terrestre. […] « Je m’envole sur l’aile de mes pensées si souvent dans le ciel qu’il me semble être en réalité un d’entre ceux qui y font leur séjour, ayant laissé ici-bas leur enveloppe déchirée, et par moment je sens mon cœur trembler en moi d’un doux frisson glacé en entendant celle pour laquelle j’ai tant de fois pâli me dire : Ami ! […] Pour tout homme sensible qui comprend les sonnets de Pétrarque dans la langue où ils ont été pleurés ou gémis, les sonnets du poète de Vaucluse sont un manuel qu’il faut porter sur son cœur ou dans sa mémoire comme un confident ou un consolateur dans toutes les vicissitudes des attachements humains ; ils calment comme des versets de l’Imitation, et de plus ils enchantent par des mélodies intérieures toujours en concordance du son et des sens.

1939. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Après qu’Angélique a compati par tous ses sens et par toute son âme à la beauté, à la blessure et au généreux dévouement de Médor, elle remonte sur son coursier pour aller chercher dans les prés voisins les simples dont elle connaît la vertu, afin de panser la blessure du jeune Sarrasin. […] Le portique, assez vaste pour contenir une foule de clients ; l’escalier de marbre blanc à rampes moulées ; la salle des gardes, presque aussi longue et aussi large que le palais lui-même ; la tribune haute qui régnait sous les corniches ; les fresques poudreuses qui décoraient le sombre plafond ; les statues de nobles Vénitiens sous leur armure, qui contemplaient les passants du fond de leurs niches autour de la salle ; le parvis négligé et humide de cette salle ; les volées de colombes qui s’y abattaient librement par les fenêtres ouvertes ; le vent de mer qui faisait tinter ces vitres, mal attachées aux châssis de plomb ; enfin le léger et mélancolique clapotement des petites vagues du canal contre les marches extérieures de l’escalier : tout cela donnait au palais de Léna une apparence et comme une odeur de sépulcre, qui imposait à tous les sens une certaine langueur molle, le caractère de la ville et des habitants. […] Zerbin et Isabelle, deux amants dont nous avons déjà parlé dans le commencement des aventures de Roger, arrivent ensemble dans le beau lieu où Roland a perdu le sens et jeté ses armes. […] — C’est de l’égoïsme aussi, maman, dit avec une précoce justesse de sens la petite Thérésina. — Oui, mon enfant, dit la mère ; c’est de l’égoïsme d’esprit.

1940. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Sganarelle est le vrai père d’Isabelle ; de même qu’Arnolphe, dans l’École des femmes, en voulant faire d’Agnès une sotte, en fait une fille de sens, qui aura plus d’inventions pour lui échapper que son jaloux pour la retenir. […] Mais, écrivant pour la comédie, il n’a pas voulu rendre la vérité triste pour la rendre plus forte : il a donné pour amants aux jeunes filles d’honnêtes jeunes gens qui respectent ce qu’ils aiment ; et c’est encore un trait charmant de vérité qu’elles aient conservé, malgré leurs précepteurs, un sens moral qui rend leurs tromperies innocentes par la pudeur qu’elles savent y garder, et par le mariage qui est au bout. […] Il l’est, à mon sens, à proportion de ce qu’il a péché. […] Quiconque y apporte du sens et un cœur est compétent.

1941. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Un musicastre, un crin-crin, le dernier des vivants, l’opprobre de la race humaine ; je te l’accorde — et j’ajouterai même que, si tu daignes m’écouter, le sens de ce que je vais t’annoncer t’échappera fort probablement : — car, nul n’entend, ici bas, que ce qu’il peut reconnaître — et toi, tu es un désert où le son même du tonnerre s’éteindrait dans la stérilité de l’espace. […] Toutes les parties de cette musique nous montrent, — lorsque nous avons l’esprit dans l’état de veille, et les sens à jeun, — uniquement, un art d’accordance technique avec les lois de la Forme ; maintenant, se révèle à nous une vie tout faite d’esprit, une sensibilité douce tantôt, tantôt effrayante ; nous éprouvons, fiévreusement, le trouble, puis la paix, et les soupirs, et l’angoisse, et la plainte, et le transport ; tout cela semble avoir été pris au sol le plus profond de notre âme, et lui être rendu. […] Quelles réflexions auraient pu mieux diriger sa vie, dans le sens de son tempérament natif, que cette impulsion invincible de son instinct ? […] Ainsi les œuvres merveilleuses de Beethoven nous prêchent le Repentir et le Remords, puissamment, avec le sens le plus profond d’une Révélation surnaturelle.

1942. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Toutefois, elle est populaire encore en ce sens qu’elle est en harmonie avec l’esprit général du temps ; en effet, elle est accueillie et fêtée, surtout, il est vrai, dans les châteaux. […] Quand on dit qu’il faut partir du monde extérieur pour arriver à l’homme, des sens pour arriver à l’intelligence, ou bien lorsque l’on pose tout d’abord l’existence de Dieu et que l’on en déduit l’homme et le monde, des deux côtés égale erreur. […] On ne peut pas se prononcer plus nettement. « Nul doute, dit-il, que toutes nos connaissances ne commencent avec l’expérience ; car par quoi la faculté de connaître serait-elle sollicitée à s’exercer, si ce n’est par les objets qui frappent nos sens, et qui d’une part produisent en nous des représentations d’eux-mêmes, et de l’autre mettent en mouvement notre activité intellectuelle et l’excitent à comparer ces objets, à les unir ou à les séparer, et à mettre en œuvre la matière grossière des impressions sensibles pour en composer cette connaissance des objets que nous appelons expérience ? […] Sa tâche est à la fois très vaste et très bornée très bornée, car il ne s’agit pas ici des objets de la raison qui sont infinis, mais de la raison seule ; très vaste, car il faut suivre cette raison dans tous ses développemens, pourvu que ces développemens n’aient rien à faire avec l’expérience et avec les sens, et qu’ils conservent ce caractère de pureté qui constitue les jugemens synthétiques à priori.

1943. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

J’ai voulu travailler dans un certain sens et d’une certaine façon, rien de plus. […] Et, quand ils sont fatigués d’être à genoux, ils s’asseyent par terre devant lui, chantant ces paroles et diverses autres du même sens : Saint ! […] L’heureuse extension des activités en tous sens semblait n’avoir eu lieu que pour propager son empire. […] Elle lui donne l’éloquence, l’instinct de la vérité historique, le sens psychologique, la faculté de faire revivre les âmes. […] Ils se tournent en tous sens, ils font cent efforts pour s’échapper.

1944. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Disons-le sans détour, l’abbé Prévost, reparaissant à Hesdin sous forme de marbre et couronné de la main de ses compatriotes, ce n’est pas seulement l’homme célèbre qui est salué avec respect, c’est à la fois moins et plus, et c’est mieux : c’est l’Enfant prodigue, qui, après une longue absence et après avoir longtemps fait parler de soi en bien des sens, illustré par ses erreurs mêmes et par cette sorte de magie qu’il n’est donné qu’au génie d’y répandre, a terminé son temps d’exil, et qui revient plus aimé, plus embrassé de tous, fêté même et pardonné par les plus sévères. […] Il y a une trace de respect humain : vers la fin, dans la première version, le chevalier Des Grieux était montré comme sur la voie de la pénitence dans le sens chrétien et dans l’idée de grâce, et comme se livrant entièrement aux exercices de la piété.

1945. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Je voudrais qu’un esprit aussi fin que le sien eût senti qu’il n’y a pas un si grand mérite à donner du joli et du neuf sur de pareilles matières, et que tout homme qui les traite avec quelque liberté peut s’y montrer spirituel à peu de frais ; non que, parmi les choses sur lesquelles il se donne un peu carrière, il n’y en ait d’excellentes en tous sens, et que même celles où il se joue le plus ne puissent recevoir une interprétation utile ; car enfin, dans tout cela, je ne vois qu’un homme d’esprit qui badine, mais qui ne songe pas assez qu’en se jouant il engage quelquefois un peu trop la gravité respectable de ces matières : il faut là-dessus ménager l’esprit de l’homme, qui tient faiblement à ses devoirs, et ne les croit presque plus nécessaires dès qu’on les lui présente d’une façon peu sérieuse. […] Nommé à l’Académie française à la place de l’abbé de Houtteville, il fut reçu le 4 février 1743, le même jour que le duc de Nivernais, et par l’archevêque de Sens, M. 

1946. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Discussion peut-être est beaucoup dire ; il ne faut pas l’entendre du moins dans un sens historique ou philosophique ; il est évident, sur une foule de points qui y prêteraient, que M.  […] Son nez, presque droit, mince, délicatement sculpté, entre la mollesse grecque et l’énergie romaine, n’était ni relevé par l’impudence, ni abaissé par la pesanteur des sens.

1947. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Son centaure, vieilli et contristé, déclare au visiteur humain qui le consulte que, pour être allé avec tant d’ivresse et de fougue et avoir tant pressé et tourmenté l’immense nature, il n’a pas surpris le grand secret et n’a rien arraché à la nuit des origines ; qu’il a senti seulement le souffle errer, sans saisir le sens ni les paroles, et que l’incompréhensible est pour lui le dernier mot comme le premier. — Mais je n’ai pas à analyser ici les productions de Guérin ; il me suffit d’en rappeler l’idée et d’en provoquer le réveil : ses œuvres complètes, on nous l’annonce enfin, vont paraître, prose et vers, lettres et fragments d’art, grâce aux soins des mêmes amis qui se sont voués à l’honneur de son nom et à la conservation de sa mémoire. […] Dans cette vie d’amitié, de silence, de gracieuse causerie, elle a des soupirs, des velléités d’au-delà : Marie (l’amie chez qui elle était) fait de la musique dans le salon sous mes pieds, et je sens quelque chose qui lui répond dans ma tête.

1948. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Il y a l’amant et l’homme à bonnes fortunes, il y a le bel esprit et l’académicien, il y a l’ambitieux militaire et celui qui manquera le bâton de maréchal : toutes ces concurrences intimes peuvent altérer quelque peu sa sincérité, même de médisant, et faire tourner sa fine plume dans un sens ou dans un autre ; il est susceptible d’envie ou d’aigreur, il a son levain secret, il se pique, il se venge. […] Le monde que nous fait voir Tallemant, c’est la ville proprement dite, la ville à l’époque de Mazarin, avant ou après la Fronde et sous la minorité de Louis XIV, ce qui répond assez dans notre idée à ces premières satires de Boileau des Embarras de Paris et du Repas ridicule, le Paris où remuait en tous sens une bourgeoisie riche, hardie et libre, dont les types sont dans Molière, dont Gui Patin est le médecin comme attitré, et dont sera un jour Regnard.

1949. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

La chaleur était à peine tombée avec le soleil ; les oiseaux, déjà retirés et non encore endormis, annonçaient, par un ramage languissant et voluptueux, le plaisir qu’ils goûtaient à respirer un air plus frais ; une rosée abondante et salutaire ranimait déjà la verdure… Ici une de ces descriptions naturelles dont il a le premier dans notre littérature donné le parfait exemple, mais où il a été depuis surpassé par ses grands disciples, par Bernardin de Saint-Pierre, par Chateaubriand, par George Sand, tous bien autrement particuliers, nuancés et neufs, et qui ne se contentent pas de peindre la nature en traits généraux devenus trop aisément communsy ; — et il continue : À ce concours d’objets agréables, le philosophe, touché comme l’est toujours en pareil cas une âme sensible où règne la tranquille innocence, livre son cœur et ses sens à leurs douces impressions : pour les goûter plus à loisir, il se couche sur l’herbe, et appuyant sa tête sur sa main, il promène délicieusement ses regards sur tout ce qui les flatte. […] Et sur la terre même, d’où vient la succession, la régularité des saisons ; et dans les végétaux, dans les corps organisés, cet ensemble de lois mystérieuses et manifestes qui y président et qui constituent la vie ; et ces mouvements d’un ordre supérieur et singulier, cette activité spontanée des animaux ; et nos propres sensations à nous, et ce pouvoir de penser, de vouloir et d’agir que je sens en moi ?

1950. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Ne pas avoir fait de rhétorique d’arts le sens où je l’entends ici, c’est ne pas se douter des difficultés de l’art. […] Delécluze s’y est montré peintre d’intérieur fort particulier et fort distingué, mais pas tout à fait peut-être dans le sens où il le croit.

1951. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Si l’on retranche certains cris violents et passionnés qui échappèrent à sa muse dans les premiers moments, de courts accès de la fièvre universelle qui atteignait en sens divers les meilleurs esprits, il était fait évidemment pour traiter de ces questions à l’ordre du jour, et pour en disserter en toute prudence et connaissance de cause. […] Oui, j’avais cru sentir dans des songes confus S’évanouir mon âme et défaillir ma vie ; La cruelle douleur, par degrés assoupie, Paraissait s’éloigner de mes sens suspendus,    Et de ma pénible agonie Les tourments jusqu’à moi déjà n’arrivaient plus Que comme dans la nuit parvient à notre oreille Le murmure mourant de quelques sons lointains    Ou comme ces fantômes vains Qu’un mélange indécis de sommeil et de veille Figure vaguement à nos yeux incertains.

1952. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Alexandre, Annibal, César, ces géants de la guerre, dépassèrent en tous sens et brisèrent bientôt ce cadre brillant et proportionné de la Grèce, que Pallas dominait du front, que remplissait si bien un Épaminondas, et où l’idée de patrie était toujours présente : ils poussèrent l’art terrible à ses dernières limites et ne laissèrent rien à perfectionner après eux. […] Il suivait chaque bulletin sur la carte, tenait un petit journal des opérations de guerre, lisait en même temps l’histoire des campagnes du grand Frédéric et entrait avec une facilité merveilleuse dans le sens et l’intelligence de ces grandes opérations qui étonnaient et éblouissaient le monde.

1953. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

tantôt la superstition défend de penser, de sentir, déplace toutes les idées, dirige tous les mouvements en sens inverse de leur impulsion naturelle, et sait vous attacher à votre malheur même, dès qu’il est causé par un sacrifice ou peut en devenir l’objet ; tantôt la passion ardente, effrénée, ne sait pas supporter un obstacle, consentir à la moindre privation, dédaigne tout ce qui est avenir, et poursuivant chaque instant comme le seul, ne se réveille qu’au but ou dans l’abîme. […] C’est dans la crise d’une révolution qu’on entend répéter sans cesse, que la pitié est un sentiment puérile, qui s’oppose à toute action nécessaire, à l’intérêt général, et qu’il faut la reléguer avec les affections efféminées, indignes des hommes d’état ou des chefs de parti ; c’est au contraire au milieu d’une révolution que la pitié, ce mouvement involontaire dans toute autre circonstance, devrait être une règle de conduite ; tous les liens qui retenaient sont déliés, l’intérêt de parti devient pour tous les hommes le but par excellence : ce but, étant censé renfermer et la véritable vertu et le seul bonheur général, prend momentanément la place de toute autre espèce de loi : hors dans un temps où la passion s’est mise dans le raisonnement, il n’y a qu’une sensation, c’est-à-dire, quelque chose qui est un peu de la nature de la passion même, qu’il soit possible de lui opposer avec succès ; lorsque la justice est reconnue, on peut se passer de pitié ; mais une révolution, quel que soit son but, suspend l’état social, et il faut remonter à la source de toutes les lois, dans un moment où ce qu’on appelle un pouvoir légal, est un nom qui n’a plus de sens.

1954. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Il serait plus juste de dire que Ronsard n’a pas pu éviter ces erreurs, parce qu’il n’avait à aucun degré le sens épique. […] Relisons toutes les pièces qu’on cite : ces sonnets, ces chansons, où le pétrarquisme est traverse des élans fougueux d’une passion sensuelle, où se fond une subtilité aiguë dans la douceur lasse d’une mélancolie pénétrante, ces élégies où le néant de l’homme, la fragilité de la vie, le sentiment de la fuite insaisissable des formes par lesquelles l’être successivement se réalise, s’expriment en si vifs accents par de si graves images, ces hymnes, comme l’hymne à Bacchus qui a le mouvement et l’éclat des Bacchanales que peignaient les Italiens, ces odelettes, où la joie fine et profonde des sens aux caresses de la nature qui les enveloppe, se répand en charmantes peintures, en rythmes délicats : tout cela, c’est le tempérament de Ronsard, fortuitement favorisé par son érudition, ou bien en rompant l’entrave.

1955. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Car le sens chez Balzac paraît mince. […] Et il manque aussi trop absolument du sens de l’art : cet élément essentiel des œuvres antiques, la beauté, il ne le découvre pas ; ces règles dont il fait tant de bruit, sont un mécanisme plutôt qu’une esthétique.

1956. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Une telle question n’a pas de sens. […] En un sens, il le compromettra ; car toute idée pour réussir a besoin de faire des sacrifices ; on ne sort jamais immaculé de la lutte de la vie.

1957. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Ceux qui croient que la vérité est une non seulement en morale, mais en religion, en politique, en tout, qui croient posséder cette vérité en eux et la démontrer à tous par des signes clairs et manifestes, voudraient à chaque instant que la littérature ne s’éloignât jamais des lignes exactes qu’ils lui ont tracées ; mais comme il est à chaque époque plus d’une sorte d’esprits vigoureux et considérables (je ne parle ici ni des charlatans ni des imposteurs) qui croient posséder cette vérité unique et absolue, et qui voudraient également l’imposer, comme ces esprits sont en guerre et en opposition les uns avec les autres, il s’ensuit que la littérature, la libre pensée poétique ou studieuse, tirée ainsi en divers sens, serait bien embarrassée dans le choix de sa soumission. […] Il entend à ravir, et sans y trop insister, toute cette diablerie naïve des sens chez les amoureux de dix-sept ans.

1958. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

L’exactitude du sens l’avait emporté ici sur la grammaire ; c’est la seule faute : mais que de délicatesse et de tact en tout ceci ! […] En effet, après le premier moment passé, il dédaigna toujours les justifications et les apologies : « Je ne puis paraître vouloir me justifier, disait-il ; je ne veux surtout pas laisser croire que j’en sens le besoin. » Le gouvernement de Juillet ne fut jamais bien pour Marmont ; d’anciens camarades maréchaux mirent peu d’empressement et de bonne volonté à le servir.

1959. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Mais on ne voit pas que Cosnac ait tiré, de ces lettres à lui adressées, aucune induction précise, ni qu’il leur ait fait rendre aucun mauvais sens. […] Madame, qui, venue au temps de la duchesse de Bourgogne, eût peut-être aimé toutes ces autres choses, aimait davantage celles de l’esprit ; la solidité et le sens se mêlaient insensiblement à ses grâces ; la décence et la politesse ne l’abandonnaient pas.

1960. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

J’en sens l’influence dans mes ouvrages ; une émotion puissante me transporte sur les hauteurs de mon sujet. […] Je sens qu’au fond je suis indisciplinable… Ducis se trompait sur un point : il était beaucoup plus de son siècle et du goût d’alentour qu’il ne le croyait.

1961. (1903) Zola pp. 3-31

Le sens pittoresque est devenu en lui cette couleur grosse et criarde qui fait comme hurler les objets au lieu de les faire chanter, comme disent les peintres, dans une harmonie et comme une symphonie générale selon leurs rapports avec les autres objets qui les entourent. — L’objet matériel animé d’une vie mystérieuse, qui est peut-être l’invention la plus originale des romantiques et d’où est venue toute la poésie symbolique, est devenu chez Zola, souvent, du moins, une véritable caricature lourde, grossière et puérile et la « solennité de l’escalier » d’une maison de la rue de Choiseul a défrayé avec raison la verve facile des petits journaux satiriques. — La simplification de l’homme, réduit à une passion unique et dépouillé de sa richesse sentimentale et de sa variété sensationnelle, est devenue, chez Zola, une simplification plus indigente encore et plus brutale ; chaque homme n’étant plus chez lui qu’un instinct et l’homme descendant, en son œuvre, on a dit jusqu’à la brute et il faut dire beaucoup plus bas, tant s’en fallant que l’animal soit une brute et que chaque animal n’ait qu’un instinct. […] Enfin ce goût de quelques romantiques, au nom de la liberté de l’art, pour le mot cru, la peinture brutale, était devenu chez Zola une véritable passion pour l’indécence et pour l’indécence froide et, si je puis dire, de sens rassis.

1962. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Albalat a lu, la plume à la main, annoté, disséqué les pages de tous nos écrivains français ; et, les textes sous les yeux, il explique comment on peut s’y prendre pour écrire sans recherche, mais avec précision, goût, sobriété et, si possible, de façon originale6. »‌ M. de Gourmont lui-même le reconnaît :‌ « Ce livre, dit-il, est bien meilleur que son titre, en ce sens qu’il soulève toutes sortes de questions de psychologie linguistique, alors qu’ou aurait pu s’attendre à un simple manuel scolaire… L’œuvre garde des parties excellentes ». […] Il faut avoir de l’oreille pour être musicien ; il faut avoir le sens de l’harmonie pour être bon écrivain.

1963. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Biot a voulu lire lui-même son discours ; il a pensé que la personne même donnait un intérêt de plus aux paroles, qu’elles n’avaient tout leur sens et tout leur accent que sur les lèvres de celui qui les disait comme il les avait trouvées ; et en effet, si la physionomie avec sa finesse, si le geste dans son naturel et sa bonhomie pouvaient suppléer au timbre et à l’organe, on aurait eu un plaisir complet.

1964. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVIII » pp. 158-163

L'inconvénient de ces sortes de travaux est de trop abonder dans un sens et de voir partout des ressemblances et des influences au lieu de s’en tenir aux seuls courants généraux, les seuls après tout qui agissent un peu grandement.

1965. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires sur Voltaire. et sur ses ouvrages, par Longchamp et Wagnière, ses secrétaires. »

Sa longue vie, en ce sens, ne fut qu’une guerre perpétuelle, et ses œuvres sans nombre ne sont, à les bien prendre, que des manifestes plus ou moins intelligibles, des proclamations sous toutes les formes, au profit de la même cause, et, comme on pourrait les appeler, des pamphlets immortels.

1966. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

Il ne jugeait pas néanmoins impossible de ressaisir le sens naturel, physique, astronomique de ces traditions que les Grecs n’avaient pas comprises, et l’on sent qu’il y avait dans cette idée un fond de vérité suffisant pour la construction d’un roman ingénieux et agréable.

1967. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

Il reproche au général de manquer de sens artistique.

1968. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

Charlotte Corday : Ce n’est pas seulement la beauté des vers qu’il convient d’admirer dans le drame de Charlotte Corday, c’est aussi, et surtout, l’intelligence d’une époque, le sens intime et profond de la couleur historique.

1969. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Aujourd’hui un tout autre sentiment dirige les recherches dans le même sens, c’est l’intérêt de plus en plus vif qui s’attache à tout ce qui a pu servir son génie, c’est le désir de montrer comment l’imagination ne crée point de rien, comme quelques-uns se le figurent, mais transforme et vivifie ce qu’elle touche, et d’une chose morte fait une chose impérissable.

1970. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une petite revue ésotérique » pp. 111-116

Les blêmes faces de rêve, les apôtres, les poètes échevelés, les prêtres de la nature, les contemplateurs pâles, tous les altérés d’infini sont des mages qui ont découvert « le sens caché de la nature ».

1971. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre III. Des moyens de trouver la formule générale d’une époque » pp. 121-124

Elle doit nous faire connaître, d’autre part, le sens dans lequel ont marché durant cette époque les parties solidaires et distinctes dont le tout est composé, et, s’il y a lieu, le courant dominant qui a emporté cet ensemble à la fois un et multiple.

1972. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — II »

C’est dans ce sens qu’il faut entendre la remarque de Nietzsche, « les poètes savent toujours se consoler »19.

1973. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « La course à la mort » pp. 214-219

Rod étudie : « Oui, le désir et le dégoût se touchent alors de si près qu’ils se confondent et ne font plus qu’un et je les sens qui me travaillent tous les deux à la fois.

1974. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Madame Dacier a tant de peur de faire injure à Homère, que si le vers implique plusieurs sens principal, elle retourne, commente, paraphrase, jusqu’à ce qu’elle ait épuisé le mot grec, à peu près comme dans un dictionnaire on donne toutes les acceptions dans lesquelles un mot peut être pris.

1975. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « X »

La leçon n’aurait plus de sens, et M. 

1976. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

l’homme tout entier, être, réflexion, liberté, n’existe que sur le piédestal de la grâce, de même (littérairement), il ne vit que par elle, dans un autre sens.

1977. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

… Les détails ici, quand il y en a, et il n’y en a pas dans le sens exclusif qu’on donne aujourd’hui à ce mot, n’ont de prix qu’à la place qu’ils occupent.

1978. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

C’est en ce sens que Taine est pleinement admirable, et d’avoir repoussé les indiscrets, et d’avoir défendu qu’on publiât ses sonnets.‌

1979. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

Celles des Hébreux et des Chrétiens qui attribuent à la Divinité un esprit libre et infini ; celle des idolâtres qui la partagent entre plusieurs dieux composés d’un corps et d’un esprit libre ; enfin celle des Mahométans, pour lesquels Dieu est un esprit infini et libre dans un corps infini ; ce qui fait qu’ils placent les récompenses de l’autre vie dans les plaisirs des sens.

1980. (1923) Au service de la déesse

Les copistes ignorants ont commis des bévues ; et les copistes malins ont commis des péchés ; bévues et péchés sont, restés dans le texte, qui tantôt, n’a plus de sens et tantôt n’a pas le sens que l’auteur lui donnait. […] Ils n’aimaient point la nature, au sens où prennent ce mot les philosophes de la nature. […] Il lit : « Je sens, je flaire, je débrouille, je dépiste, je respire avec un certain sens… » À la ligne ! […] Giraudoux a quelque chose de naïf et dérive de son esprit médiéval, au sens que j’ai donné à ce mot. […] Nous avons plus d’apôtres que d’écrivains, au véritable sens de ce mot.

1981. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Quel peut en être le sens ? […] C’est dans ce sens seulement que Socrate a pu dire qu’« un vrai poète tragique est en même temps poète comique », et, si cette proposition reste contestable, puisque après tout la connaissance et l’art, savoir et pouvoir, sont deux choses très différentes, elle indique du moins à la critique un procédé infaillible. […] Percé du coup mortel dont vous m’assassinez, Mes sens par la raison ne sont plus gouvernés ; Je cède aux mouvements d’une juste colère, Et je ne réponds pas de ce que je puis faire102 ! […] Folie aimable et pleine de sens. […] Folie aimable et pleine de sens, où étincelle cet esprit fantastique si rare en France, et où règne une plaisanterie vive et douce, qui, bien qu’elle aille quelque fois jusqu’à une sorte de délire, ne cesse jamais d’être légère et inoffensive.

1982. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine de Boileau »

Fut d’enseigner leur siècle et de le maintenir, De lui marquer du doigt la limite tracée, De lui dire où le goût modérait la pensée, Où s’arrêtait à point l’art dans le naturel, Et la dose de sens, d’agrément et de sel, Ces talents-là, si vrais, pourtant plus que les autres Sont sujets aux rebuts des temps comme les nôtres, Bruyants, émancipés, prompts aux neuves douceurs, Grands écoliers riant de leurs vieux professeurs.

1983. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Druey, par exemple, homme d’une intelligence puissante et un peu grossière, d’une forte éducation allemande, une espèce de sanglier hégélien : les autres étaient purement socialistes et radicaux dans le sens politique et non philosophique.

1984. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Mignet, en caractérisant ce journal, a dit que l’auteur y parle de la liberté avec le sens profond de Machiavel, et des hommes avec l’esprit de Voltaire.

1985. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Le poète érotique pour nous, c’est celui qui transporte la patrie, la liberté, l’humanité, dans l’amour, qui consacre les tourments et les désirs de la volupté par des douleurs et des espérances bien autrement viriles ; c’est celui qui nous enivre de notre gloire en même temps que de la beauté, qui, dans le délire des sens, a une pensée encore pour les malheurs du monde : nommons-le, le poète érotique pour nous, c’est Béranger, plaçant le message d’Athènes jusque sous l’aile de la colombe amoureuse.

1986. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les brimades. » pp. 208-214

Il les remplit d’illusions sur leur propre mérite ; il les emprisonne ; il risque de leur enlever à jamais le sens et l’intelligence de la réalité et de faire d’eux, pour toute la vie, des écoliers, — tout flambants du prestige emprunté de l’École, mais des écoliers.

1987. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemercier, Népomucène Louis (1771-1840) »

Quoique très attaché à la tradition classique, il poursuivit en tous sens l’inconnu et le nouveau, tantôt avec une inquiétude nerveuse, tantôt avec une décision clairvoyante et virile. « Le génie fait sa langue », disait-il, et les épigraphes de ses œuvres prouvent qu’il ne craignait ni les difficultés ni les injustices : Me raris juvat auribus placere… incedo per ignes !

1988. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Nous eussions pu, il est vrai, nous passer de cette sorte de Drames qui offrent tout aux sens & presque rien à l’esprit & à la raison ; mais la difficulté d’y réussir n’en suppose pas moins de génie, quand l’Auteur y a excellé sans aucun secours.

1989. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Dieu cruel, prends pitié du trouble où tu me vois, À mes sens mutinés ose imposer tes lois.

1990. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Une preuve incontestable de ce fait, c’est que la poésie que nous appelons descriptive a été inconnue de l’antiquité56 ; les poètes mêmes qui ont chanté la nature, comme Hésiode, Théocrite et Virgile, n’en ont point fait de description, dans le sens que nous attachons à ce mot.

1991. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Ce peintre, mon ami, est à mon sens le premier peintre de la nation.

1992. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Où est la fierté, le sens, le jugement, la raison indisciplinée de l’homme sauvage ?

1993. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 4, du pouvoir que les imitations ont sur nous, et de la facilité avec laquelle le coeur humain est ému » pp. 34-42

L’amour de soi-même qui se change presque toujours en amour propre immoderé à mesure que les hommes avancent en âge, les rend trop attachez à leurs interêts presens et à venir, et trop durs envers les autres, lorsqu’ils prennent leur resolution de sens rassis.

1994. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Sans vocation, pas d’écrivain possible, cela va de soi, et c’est dans ce sens qu’on peut dire « qu’on ne se donne pas son style », Mais cette disposition obscure, ce don qu’on ne s’était pas découvert, nous disons, nous : c’est la volonté qui les dégage, c’est le travail qui les précise, c’est l’effort qui les développe.

1995. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

Bien que sans autres titres que ma connaissance familière des œuvres de ces jeunes écrivains, je me sens poussé par l’indignation en face des injures ineptes où sont en but de sympathiques et consciencieux artistes à écrire quelques lignes de vérité.

1996. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ii »

Très gentil et sérieux ; lié amitié avec lui, me sens moins isolé. » (A la Caserne et sur le Front, librairie de Foi et Vie.)‌

1997. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Toute cette partie du poème de M. de Lamartine, depuis l’entrée de Laurence dans la vallée, est véritablement une grande idylle, à prendre le sens exact du mot. […] Jocelyn nous offre beaucoup plus de particularités dans le détail, de curiosité pittoresque, domestique, locale, que les précédents poëmes de Lamartine, et marque en ce sens chez lui une nouvelle manière. […] Son paysage, si détaillé qu’il veuille le faire, ne représente jamais dans tous les sens de l’horizon ces autres paysages vraiment locaux et déterminés de Goldsmith, du Hollandais Pott, de Burns, de Hebel ; toujours quelque ouverture de ciel se fait sur un point, par où il monte à l’instant et plane ; et alors, à ces hauteurs, le vaste paysage ondoyant recommence.

1998. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

. — Maintenant parcourez la file des in-folios où se suivent de cinq ans en cinq ans les rapports des agents, hommes habiles et qui se préparent ainsi aux plus hauts emplois de l’Église, les abbés de Boisgelin, de Périgord, de Barrai, de Montesquiou ; à chaque instant, grâce à leurs sollicitations auprès des juges et du Conseil, grâce à l’autorité que donne à leurs plaintes le mécontentement de l’ordre puissant que l’on sent derrière eux, quelque affaire ecclésiastique est décidée dans le sens ecclésiastique ; quelque droit féodal est maintenu en faveur d’un chapitre ou d’un évêque ; quelque réclamation du public est rejetée102. […] D’après l’almanach, M. d’Argentré, évêque de Séez107, se fait ainsi en supplément 34 000 livres de rente ; M. de Suffren, évêque de Sisteron, 36 000 ; M. de Girac, évêque de Rennes, 40 000 ; M. de Bourdeille, évêque de Soissons, 42 000 ; M. d’Agout de Bonneval, évêque de Pamiers, 45 000 ; M. de Marbeuf, évêque d’Autun, 50 000 ; M. de Rohan, évêque de Strasbourg, 60 000 ; M. de Cicé, archevêque de Bordeaux, 63 000 ; M. de Luynes, archevêque de Sens, 82 000 ; M. de Bernis, archevêque d’Alby, 100 000 ; M. de Brienne, archevêque de Toulouse, 106 000 ; M. de Dillon, archevêque de Narbonne, 120 000 ; M. de La Rochefoucauld, archevêque de Rouen, 130 000 : c’est-à-dire le double et parfois le triple en sommes perçues, le quadruple et parfois le sextuple en valeurs d’aujourd’hui. […] Mais la place est fructueuse : le gouvernement général du Berry vaut 35 000 livres de rente, celui de la Guyenne 120 000, celui du Languedoc 160 000 ; un petit gouvernement particulier, comme celui du Havre, rapporte 35 000 livres, outre les accessoires ; une médiocre lieutenance générale, comme celle du Roussillon, 13 000 à 14 000 livres ; un gouvernement particulier, de 12 000 à 18 000 livres ; et notez que, dans la seule Ile-de-France, il y en a trente-quatre, à Vervins, Senlis, Melun, Fontainebleau, Dourdan, Sens, Limours, Etampes, Dreux, Houdan et autres villes aussi médiocres que pacifiques ; c’est l’état-major des Valois qui depuis Richelieu a cessé de servir, mais que le Trésor paye toujours  Considérez ces sinécures dans une seule province, en Languedoc, pays d’États, où il semble que la bourse du contribuable doive être mieux défendue.

1999. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

L’âge des sens change avec les années, l’âge de la physionomie ne change pas ; c’est l’âge de l’âme. […] Consalvi, jeune encore, avait le délire de la musique, cette langue sans parole qui vient du ciel et qui exprime sans mots ce que l’âme rêve et ce qui est le plus inexprimable aux langues humaines ; la musique, langue des anges, quand elle avait touché son âme, y restait à jamais comme le souvenir d’un autre monde, comme une apparition à l’âme d’un sens supérieur aux sens d’ici-bas.

2000. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Mais combien plus étonnante est l’histoire de cette intelligence qui n’a plus de sens, de ce professeur qui veut juger la littérature, l’art des peuples et qui ne les voit pas ! […] Le sens de la composition en art est une qualité, paraît-il, inférieure, comme le jugement et l’ordre. […] La vérité c’est que Flaubert s’est fait du style l’idée la plus puérile et la plus insensée, c’est qu’il ignore le véritable génie de la langue, ses sens délicats et souples, enfin cet art des valeurs qui seul indique le grand écrivain, et qu’il méprise avec la plupart des autres modernes, avec le Parnasse, avec les romantiques.

2001. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Repos Je me sens accablé de lassitude. […] Le voilà pris sur le fait l’inepte syllogisme du critique aveugle : Les seuls vers de poète sont ceux en qui se formule une pensée dans une image ; or je sens bien que Boissier est un vrai poète ; donc Boissier doit faire beaucoup de vers-formules. — Mes expériences antérieures m’apprennent que les belles femmes sont brunes ; or vous êtes belle ; donc vous êtes brune. […] Je t’apprendrai le sens secret de mes paroles Et quand, dans le sommeil, nos lèvres s’uniront, Le songe effeuillera la pudeur des corolles Sur la limpidité mystique de ton front.

2002. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Tenancier, un riche bourgeois de vieille souche, plein d’honnêteté et de prud’homie, dans le meilleur sens de ce mot antique. […] Les idées, les goûts, les tendances vont en sens contraire : il y a bifurcation sur tous les points importants. […] En ce sens, on peut dire que ce cinquième acte est une cinquième roue.

2003. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

» A côté de cette vilaine tête s’évapore et sourit à vide madame de Santis, une créature de rubans et de grimaces, une poupée écœurée et écervelée, et pas plus de sens moral que dans la tête d’une perruche qui croque une praline ! […] Rien ne détruit, selon moi, le sens intime de ce raisonnement. […] Nous n’avons pas trop bien saisi le sens de sa mercuriale.

2004. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Il dit à peu près cela : « Il était trop bon et il n’avait pas le sens critique de l’humanité, ce qui le rendait parfois un mauvais juge des hommes, avec lesquels il était en rapport, mais quelquefois aussi, il voyait parfaitement juste… » Spuller s’arrête quelque temps et reprend : « Voyez-vous, il avait des conceptions, des conceptions comme celle-ci : un jour, parlant du couronnement de l’Empereur de Russie, il m’a dit, qu’en cette occasion, il fallait que la France affirmât à la face de l’Europe, fièrement, la République, et qu’il voulait envoyer à ce couronnement, comme représentant du pays, devinez qui ? […] Samedi 7 avril Aujourd’hui, en me promenant avec de Nittis, je lui parlais de l’acuité que prenait chez moi le sens de l’odorat dans la migraine, si bien qu’alors que je fumais encore, il m’arrivait de me relever, pour jeter dans l’escalier un paquet de tabac qui était dans la pièce voisine. De Nittis, lui me dit que chez lui, le vin développe singulièrement l’acuité du sens de la vue, et que déjeunant à Londres, dans un cercle, où il buvait deux ou trois verres de vin, en revenant chez lui, dans ces voitures, complètement ouvertes devant, il voyait la rue « toute peinte » — et lorsqu’il n’avait pas bu de vin, son œil avait besoin de la chercher longtemps la rue, pour la peindre.

2005. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Nous avons déjà noté qu’au cours d’une pareille ascension de périodes à sens identique, les mots propres rapidement épuisés auront pour suite des synonymes de plus en plus indirects, puis des allusions et des images. […] Hugo, dont nous avons déjà passé les approches, à examiner non plus les paroles, mais leur sens, non la rhétorique mais la matière même qu’elle ouvre, non la loi des développements mais la nature des idées développées, le caractère commun et saillant des scènes, des portraits, des événements et des conceptions, qui donnent lieu à déployer des répétitions, des images et des antithèses. […] Les mots ombre, antre, nuit, pris verbalement et portés à leur plus haute énergie, désignent des lieux ou des temps dans lesquels les sens de l’homme sont forcément inactifs, c’est-à-dire ne nous donnent plus aucun renseignement.

2006. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Il aime les beaux jardins du temps et voilà tout ; et non pas la grande nature. » Oui mais il faut faire attention au sens des mots et savoir ce que La Fontaine appelle un jardin. […] Elle paraissait assez jeune et de taille raisonnable, témoignait avoir de l’esprit, déguisait son nom, et venait de plaider en séparation contre son mari : toutes qualités de bon augure [vous voyez dans quel sens parle La Fontaine] et j’y eusse trouvé matière de cajolerie, si la beauté s’y fût rencontrée ; mais sans elle rien ne me touche. » Il ne sera plus question de la comtesse que quand on la quittera à Port-de-Piles, quand elle montera dans un carrosse campagnard qui l’emmènera dans son petit castel. […] S’il a « particularisé », comme il aime à dire  et prenez ce mot dans le sens qui veut dire analyser dans le détail  s’il a particularisé, c’est les animaux.

2007. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

J’ai toujours dit, moi, que le sens critique était sa faculté dominante. […] En quoi donc, à son sens, l’Académie est-elle un danger ? […] Ainsi parlerait le grand frère, et avec sens, à mon avis. […] Bourget, je vais abonder dans le sens où il abonde lui-même. […] Pierre Véron, avec grand sens, selon moi.

2008. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

En sens inverse, le père du pessimisme dans notre siècle, a été, nous le verrons, un de ceux qui ont trouvé, pour peindre les tourments de leur âme, les accents les plus douloureux. […] Dans son activité toujours inassouvie, il poursuit un but qui le fuit sans cesse. « Je le sens, hélas ! […] L’ennui revient, il surmonte tout ; il renouvelle de faux besoins, et je me sens inondé d’amertume. […]  » Les Annales romantiques, ce recueil dont j’ai parlé plus haut, abondèrent aussi dans le même sens. […] Mais moi qui écris ceci, je me sens défaillir ; mes yeux se voilent de larmes, et l’excès de mon malheur m’ôte la force nécessaire pour achever de le décrire… Miserere ! 

2009. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Il y a autre chose ici pourtant que l’instinct de la destruction et l’appel aux sens ; il y a la haine du cant et le retour à la nature. « Moralité, dit-il quelque part, mortel poison, toi aussi tu as tué les gens par dix mille ! […] Dans ces sortes de têtes, les idées font boulet ; l’homme lancé en avant rompt tout, se brise lui-même, recommence le lendemain en sens contraire, et finit par ne plus trouver en lui et hors de lui que des débris. […] on en sort ébloui, assourdi ; les sens défaillent sous cette inondation de magnificences ; mais en rentrant chez soi, on se demande ce qu’on a appris, ce qu’on a senti, si véritablement on a senti quelque chose. […] Ses peintures sont des grisailles significatives ; de parti pris il supprime tout ce qui plaît aux sens, afin de ne parler qu’au cœur. […] Puis l’hyacinthe empourprée, blanche ou bleue, —  qui de ses clochettes frêles jetait un carillon — de notes si délicates, si douces et si intenses, —  qu’on le sentait au-dedans des sens comme un parfum.

2010. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Il faut souvent finir un sens par la rime correspondante. […] Dans l’opéra, la muse tragique, à son tour, jalouse des avantages que la muse épique a sur elle, essaie de marcher son égale, ou plutôt de la surpasser, en réalisant, du moins pour les sens, ce que l’autre ne peint qu’en idée. […] Le poète qui fait une tragédie lyrique, s’attache plus à faire illusion aux sens qu’à l’esprit ; il cherche plutôt à produire un spectacle enchanteur, qu’une action où la vraisemblance soit exactement observée. […] Mais quelque effet que produisent sur les sens l’appareil pompeux et la diversité des décorations, le poète doit encore plus s’attacher à produire, dans les spectateurs, l’intérêt du sentiment. […] Je trouve, en général, dans tous les opéras italiens, des germes de passions, jamais la passion amenée à sa maturité, des scènes jamais filées, peu soutenues, toujours étouffées par des sens suspendus, point finis, et qui laissent à l’auditeur le soin de deviner.

2011. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Villon, Marot, à plus forte raison Ronsard, étaient, de fait, plus éloignés que nous du moyen âge, dans ce sens qu’ils y étaient plus étrangers. […] La comparaison des formes, les vues d’ensemble et de suite, l’idée de lois grammaticales nécessaires, le fil et la clef des étymologies précises, le sens naturel des permutations et altérations dans les mots, les analogies cachées, en un mot l’ organisation de leur sujet d’étude, ils ne s’en doutent pas. […] Ces fruits de la littérature dumoyen âge, nous y atteindrons le plus tôt possible ; après avoir passé par les rudiments indispensables et nous être rendu compte, seulement pour la bien comprendre, de la question primordiale et de formation, nous arriverons après deux ou trois journées, nous nous arrêterons devant les premiers monuments, et de ceux-ci nous passerons à d’autres, et ainsi de suite sans plus cesser, en quête par-dessus tout de l’excellent : car, encore une fois, nous sommes ici pour professer la langue, la littérature cultivée, perfectionnée, celle qui ne reste pas à l’état acéphalique, anarchique, mais qui a une tête, qui, maîtresse d’elle-même, se gouverne, réagit en tous sens et s’impose, qui enfin, comme la race et comme l’esprit français qu’elle représente, a et gardera longtemps, nous l’espérons, son unité, sa grandeur et son empire. […] Edélestand Du Méril ne voit, dans ce passage et dans l’emploi qu’on y fait des mots de (celtice, gallice, que quelque chose de plus vague ; il n’attribue pas à ces mots d’autre sens que celui de langage grossier ; comme qui dirait : « Parle nous patois, parle nous wetche, pourvu que tu nous parles de Martin. » (Essai philosophique sur la formation de la Langue française, p. 113.) — A si grande distance et dans la pénurie de documents, on s’attache à ce que l’on peut, à des vestiges.

2012. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Aristote ne se fait pas faute de le dire bien souvent dans ses réfutations contre l’école d’Élée, et il se glorifie, en combattant des paradoxes absurdes, de s’en rapporter aux témoignages des sens, qui nous attestent l’évidence irrécusable du mouvement. […] À mon sens, c’est un grand avantage pour la science quand elle peut débuter par là. […] Seulement, c’est un calcul en sens inverse des calculs vulgaires ; on perd tout au dehors pour tout gagner au dedans ; et, quand l’épreuve est bien tout ce qu’elle doit être, on se trouve avoir gagné beaucoup plus encore qu’on n’a perdu, jusqu’au sacrifice dernier ou l’existence peut être mise en jeu. […] Mais comme l’indulgence est notre pente naturelle, il est bon que la science morale incline plutôt en sens contraire, et elle n’est pas assez sage quand elle n’est pas austère.

2013. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Cette vérité ne pouvait échapper au sens profond de Lesage ; son livre n’a peut-être pas de beauté plus élevée et plus pénétrante. […] Même aux endroits où je me plais avec Gil Blas, je me sens recherché par des souvenirs de Don Quichotte. […] Sans compter que Voltaire s’est plus d’une fois trompé à la qualité des plats, par exemple, quand son sens voluptueux préfère le Tasse à Homère, et qu’il se soulève devant « la mesquinerie des draperies dans Raphaël. » D’Alembert, à son tour, du droit que s’était arrogé l’esprit philosophique d’analyser tous nos plaisirs, décidait vers le même temps que le goût est proprement « le talent de démêler dans les ouvrages de l’art ce qui doit plaire aux âmes sensibles et ce qui doit les blesser », comme si nous ne savions pas bien que les âmes sensibles d’alors ne sont que les auteurs et les lecteurs de l’Encyclopédie ! […] Je sens de nouveau les joies et les peines fécondes de l’émulation, et ces naissantes admirations pour les beautés des lettres, auxquelles m’invitait une parole respectée, et qui sont jusqu’à la fin de la vie des voluptés pour l’esprit et des forces pour l’âme.

2014. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Le vertige saisit sur son comble la souveraineté sans obstacle et sans garde-fou ; il lui fait perdre le sens des réalités, et la notion des limites. […] La muraille de bois imprenable, c’était, à leur sens, l’antique palissade qui barricadait l’Acropole. […] » lui demanda Léotychidès. — « Hégésistratos », répondit l’homme de Samos. — « Chef d’armée ». — L’oreille grecque était sensible à ces jeux de noms et de double sens, comme à des conseils indirects donnés par les dieux. […] Le sens de l’ordre et de la mesure lui aurait manqué en toutes choses, le grand Chorège qui a réglé par deux fois sa marche, ayant disparu.

2015. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Après beaucoup de tentatives, d’essais, de pointes poussées dans tous les sens, il s’est énamouré du moderne, et dans le moderne, il a jeté son dévolu sur les blanchisseuses et les danseuses. […] Non je n’ai jamais rencontré des sens procurant à un être, par le contact des choses, un épanouissement sensuel semblable, une félicité pareille. […] Aujourd’hui, je sens qu’il n’y plus rien au monde, que je me donnerais la peine de désirer, d’ambitionner, d’espérer, de rêver. […] On me les montre et devant ce ras velouté, devant ces surfaces givreuses et miroitantes, devant ces laines qui ont le micacé de crins coupés, devant cette fonte de couleurs, entrant les unes dans les autres, ainsi que les tons d’une aquarelle trempant dans l’eau, devant ces jaunes qui ont le palissement de l’or vert, ces roses qui semblent le rose de la fraise écrasée dans de la crème, devant ces bleus, ces verts, qui sont si peu les bleus, les verts de l’Occident, devant cette palette de couleurs doucement souriantes, qu’on dirait la palette inventée pour jouer autour du corps nu d’une femme, je me sens pris d’une passion d’amateur de tableaux pour ces tapis, et une indescriptible horreur me vient subitement pour tous les Sallandrouze quelconques.

2016. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Sans s’occuper précisément de politique, elle avait du sens, et, lorsque son cœur l’avertissait, elle entendait certaines choses avec promptitude. […] Pourtant il s’en consolait tout bas et prenait assez crûment son parti à la manière des vieux Gaulois, en se disant ou à peu près, comme dans le fabliau (je rends le sens, sinon les paroles) : « Après tout, ce n’est qu’une femme perdue, et il s’en retrouvera assez. » Je ne donne pas cette manière de sentir pour très délicate ni pour chevaleresque, mais elle est de Sully.

2017. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Les Observations faites dans les Pyrénées, en paraissant en 1789, portaient bien d’ailleurs l’empreinte de cette date ; c’est un livre jeune, en ce sens que l’auteur y déborde encore et exprime volontiers, chemin faisant, ses opinions sur tout sujet civil ou politique, philosophique ou philanthropique. […] Dans ce pays d’Auvergne, du pied de cette montagne illustrée par les expériences de Pascal, Ramond nota les variations du baromètre, multiplia les observations et les mesures en tous sens, et perfectionna cette branche de la physique avec une patience et un besoin d’exactitude rigoureuse qui s’alliait en lui à l’imagination la plus brillante.

2018. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Henri n’était pas inconstant, en effet, par débauche d’imagination ni par caprice raffiné ; il l’était tout simplement à la gauloise, par promptitude des sens et selon l’occasion ; mais il avait besoin à travers tout d’une fidélité et d’une habitude au logis, d’être père et d’en jouir, de s’ébattre autour d’un berceau ou sur un tapis avec des enfants. […] Il se représente à nous comme ayant donné à son roi les meilleurs conseils dans un sens aussi politique que généreux, ce que la comtesse ne lui pardonna jamais.

2019. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Grâce à ce retour en tous sens de la critique vers le passé, le voilà redevenu un sujet présent ; on s’occupe de lui. […] Félix Clément est quelquefois exclusif, et il abonde dans son propre sens : mais si l’on peut contester quelques-unes de ses assertions, il faut rendre hommage à l’idée essentielle de son livre, et le louer de la manière exacte dont il l’a mise en œuvre.

2020. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

II n’aurait pas été juste que la curiosité littéraire qui se reporte en tous sens vers le passé, et qui ne laisse aucun nom d’autrefois dans la négligence et dans l’oubli, n’arrivât point jusqu’à Voiture, cette renommée longtemps réputée la plus charmante ; son moment devait revenir, et il est venu. […] Ainsi il y avait un homme de grand sens dans Voiture ; il y avait peut-être, sous l’homme aimable et sous l’ingénieux badin, un homme sérieux qui n’a pas eu le temps ni les occasions de se dégager.

2021. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

On croit entendre milord Édouard morigénant un peu fastueusement Saint-Preux ; Il ne laisse pas d’être singulier de voir un historien, et l’historien d’un pays libre, faire fi à ce point de la pratique politique, comme si les anciens qu’il invoque n’avaient pas dû à l’exercice des charges publiques et au maniement des affaires le sens et l’intelligence supérieure qu’ils portaient ensuite dans leurs livres ; comme si Thucydide, Salluste et Cicéron n’avaient fait dans toute leur vie qu’une seule chose, — écrire. […] Bonstetten ne passa guère qu’une année dans ce curieux pays primitif où son ami Muller le vint voir et qu’ils explorèrent en tous sens pendant la belle saison : Bonstetten en fit une description intéressante, que Muller emporta avec lui pour la traduire en allemand (Bonstetten n’osant encore se risquer à écrire en cette langue), et qu’il publia deux ans après dans le Mercure allemand, dirigé par Wieland.

2022. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

Ainsi l’utilité s’accordait avec la sainteté, le ciel et la terre y trouvaient leur compte, ce premier d’Ormesson, homme de tant de sens, et de mérite, eut dès lors, par le crédit de M. de Morvilliers, de grands emplois, toujours dans les finances, une commission extraordinaire et de confiance, qui dura deux ans ; en dernier lieu, il était trésorier général de Picardie, charge qu’il avait achetée du précédent trésorier, M. le général Molé (comme on disait alors par abréviation). […] En lisant son Journal, on ne saurait lui accorder que des qualités solides, du sens, de la droiture, du jugement, une parfaite sincérité ; mais il a l’esprit peu éclairé (accessible aux superstitions, aux dires populaires), il a peu d’esprit dans l’acception vive du mot ; jamais un trait ne lui échappe, jamais une étincelle ; et de plus son goût, quoique sain et sobre en soi, ne l’empêche pas de trouver merveilleux les amphigouris métaphoriques de M. 

2023. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Ami du poète novateur Le Brun, célébré et magnifiquement pleuré par lui, par ce futur ami d’André Chénier, le jeune Racine, de qui son père jugeait un peu sévèrement tant qu’il vécut, disant de lui, comme d’un jeune présomptueux, « qu’il voudrait tout savoir et ne rien étudier », était-il d’étoffe à être un poète novateur aussi, à oser dans le sens moderne, à désoler, puis à enorgueillir ce père redevenu et resté tant soit peu bourgeois, à l’étonner par un classicisme repris de plus haut ou par un romantisme anticipé, à être un peu plus tôt, et à la face de Voltaire vieillissant, quelque chose de ce qu’André Chénier, a été plus tard ? […] On se trompe sur les généalogies littéraires, si on les prend de trop près et comme à bout portant, dans le sens apparent et superficiel.

2024. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Ponsard reprend en sous-œuvre la tragédie, et son succès de bon. sens est un nouvel échec à la cause de l’imagination pure. […] Athènes lui donna le sens de la mesure : ce fut à tel point que Venise, au retour, y perdit, et, dans son délicieux pêle-mêle, lui parut moins divine qu’auparavant.

2025. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Il observe le sens moral dans ses récits. […]  — Colomba est plus classique au vrai sens du mot : voilà ma conclusion.

2026. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Lorsqu’en s’accoutumant à voir souffrir les animaux, on parvient à vaincre la répugnance des sens pour le spectacle de la douleur, l’on devient beaucoup moins accessible à la pitié, même pour les hommes ; du moins l’on n’en éprouve plus involontairement les impressions. […] Les formes varient sans doute suivant les caractères, et la même bienveillance peut s’exprimer avec douceur ou avec brusquerie ; mais pour discuter philosophiquement l’importance de la politesse, c’est dans son acception la plus étendue qu’il faut considérer le sens général de ce mot, sans vouloir s’arrêter à toutes les diversités que peut faire naître chaque caractère.

2027. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Valeur et sens politique de la pièce : image de l’état d’esprit de la société française après la prédication philosophique. […] Et cela nous conduit à examiner le sens politique de la pièce.

2028. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Et même, à certains endroits où saint Bernard subtilise, le traducteur se contente, faute de comprendre le sens, de transporter les mots latins tout entiers dans la traduction après en avoir légèrement francisé l’orthographe. […] J’aime l’esprit français, dans l’image naïve que nous en ont donnée nos écrivains du xiie au xvie  siècle ; mais combien l’aimerai-je mieux au xvie , alors que la Renaissance en aura fait l’esprit humain Vienne donc cette époque désirée où la connaissance du passé doit ajouter aux forces naturelles de l’esprit français une force qui le tirera pour ainsi dire hors de lui-même, et qui le transformera en ce sens supérieur de l’humain, de l’universel image de la raison elle-même !

2029. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Comment refuser une formidable vertu plastique au climat, cette force qui agit incessamment et presque toujours dans le même sens ? […] A mesure qu’un pays est découpé en champs bien cultivés, sillonné dans tous les sens par des routes, l’humeur des habitants devient plus douce, plus égale ; leur esprit, lui aussi, s’ouvre, s’aère, s’assainit.

2030. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Mais ce qu’il savait être surtout dans ces leçons, c’était un improvisateur animé, intéressant, pittoresque, anatomiste avec feu devant les gens du monde, décrivant les appareils des sens d’une manière visible, les développant de l’expression et du geste, poursuivant du doigt dans l’espace les moindres filets nerveux, les fibres les plus ténues, déroulant à n’en pas finir des considérations peu précises, peu concluantes, mais ingénieuses souvent et déliées comme leurs objets. […] Pour s’en guérir, il devrait suffire de relire dans les anciens éloges ces parties si applaudies autrefois : ce sont celles qui font tache aujourd’hui. — Mlle Mars disait un mot d’un grand sens, et qui a son application dans plus d’un art : « Comme nous jouerions mieux la comédie, si nous ne tenions pas tant à être applaudis ! 

2031. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

M. de Bailleul, qui avait opiné en premier, avait commencé par donner l’exclusion à Mazarin, comme créature du cardinal de Richelieu : « Mais moi, dit le vieux Brienne, qui m’étais aperçu déjà plus d’une fois de la pensée secrète qu’avait la reine pour Son Éminence, je crus devoir parler avec plus de réserve. » Le fait est que la reine en était venue à ce point où l’on ne consulte que pour entendre l’avis qu’on désire tout bas et pour se faire pousser dans le sens où incline le cœur. […] M. de Laborde a réussi dans son apologie de Mazarin, en ce sens qu’après l’avoir lu on emporte de l’esprit du ministre, de ses qualités aimables et puissantes, une idée fort présente et fort vive, égale à tout ce qu’on en pouvait penser déjà.

2032. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Il croit à la réalité suffisante des impressions des sens et à la justesse des notions qui en dérivent. […] Ces belles paroles, à en bien pénétrer le sens, expriment toute la pensée morale du Code civil et le seul esprit général par lequel il nous soit permis de l’envisager ici.

2033. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

J’ai dit qu’il manqua l’occasion ; il n’interpréta point en ce sens public une démonstration générale si honorable pour lui ; il craignit de paraître déclamatoire, en datant hautement de ce point de départ nouveau dans sa reprise de plume au journal. […] Je sens plus que personne que, depuis le licenciement de la force brutale, notre politique n’a plus l’importance qu’elle avait lorsqu’elle n’exprimait que l’emportement, les passions et l’audace du parti ; nous dépendons encore du procès d’avril ; quand il sera terminé, nous aurons un système de guerre tout nouveau à suivre… Mais l’attentat de Fieschi éclatait quelques mois après ; les lois de Septembre s’ensuivaient, et la nouvelle ligne de politique projetée par Carrel s’ajournait indéfiniment.

2034. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Il est si soumis de ton et si révérencieux, que parlant de l’archevêque de Sens, il lui échappe de dire en un endroit de son texte, Monseigneur de Gondrin, ce qui, ce me semble, est un terme de surérogation au xviie  siècle. […] Villemain ne s’est montré rhéteur plus accompli (au meilleur sens du mot) que dans ce morceau où il parle précisément contre les rhéteurs, et où il traduit une pensée d’homme d’État.

2035. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

C’est là que, dans les loisirs d’une vie toute pieuse, toute studieuse, et où les plus nobles amitiés avaient leur part, il composa les deux premiers volumes de l’ouvrage intitulé Esquisse de Rome chrétienne, destiné à faire comprendre à toutes les âmes élevées le sens et l’idée de la Ville éternelle : « La pensée fondamentale de ce livre, dit-il, est de recueillir dans les réalités visibles de Rome chrétienne l’empreinte et, pour ainsi dire, le portrait de son essence spirituelle. » Interprète excellent dans cette voie qu’il s’est choisie, il se met à considérer les monuments, non avec la science sèche de l’antiquaire moderne, non avec l’enthousiasme naïf d’un fidèle du Moyen Âge, mais avec une admiration réfléchie, qui unit la philosophie et la piété : L’étude de Rome dans Rome, dit-il encore, fait pénétrer jusqu’aux sources vives du christianisme. […] C’est le sentiment vif de cette incomparable et idéale agonie qui lui inspira un Dialogue entre Platon et Fénelon, où celui-ci révèle au disciple de Socrate ce qu’il lui a manqué de savoir sur les choses d’au-delà, et où il raconte, sous un voile à demi soulevé, ce que c’est qu’une mort selon Jésus Christ : Ô vous, qui avez écrit le Phédon, vous, le peintre à jamais admiré d’une immortelle agonie, que ne vous est-il donné d’être le témoin de ce que nous voyons de nos yeux, de ce que nous entendons de nos oreilles, de ce que nous saisissons de tous les sens intimes de l’âme, lorsque, par un concours de circonstances que Dieu a faites, par une complication rare de joie et de douleurs, la mort chrétienne, se révélant sous un demi jour nouveau, ressemble à ces soirées extraordinaires dont le crépuscule a des teintes inconnues et sans nom !

2036. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

On juge que, le champ une fois ouvert aux conjectures, la malignité, l’envie, ou ce simple plaisir si naturel à tout homme de prendre son prochain en faute, se mirent de la partie et s’y jouèrent en tous sens. […] Il représente à merveille dans son groupe, et avec plus de distinction que tout autre, cette bourgeoisie contente d’elle-même, et ne voulant qu’elle ni plus ni moins, ayant du sens, l’instinct des intérêts et des courants d’opinion immédiats, mais sans idées élevées, sans horizon, sans but social hautement placé.

2037. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Il était de ceux qui, à cette date, pouvaient se dire des plus éclairés dans le sens moderne ; il avait causé à Dantzig avec l’illustre astronome Hévélius et avait recueilli de sa bouche les notions les plus exactes de l’univers physique ; il avait acquis, chemin faisant, sur les différentes familles de langues et sur leur génération relative, des idées très justes aussi et qui n’étaient pas communes en ce temps. […] Il ne songea plus désormais qu’à jouir de la vie en sage épicurien ou en cynique mitigé (c’est son expression), et à se livrer à ses goûts, où les sens se mêlaient agréablement à l’esprit.

2038. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Delolme, sur la constitution anglaise, une page où cette constitution est admirablement analysée dans un sens général, comme une théorie pure, sans aucune application particulière. […] Il fallait alors que la philosophie luttât contre les égarements de l’imagination, contre les séductions des sens, mais toujours en respectant le sentiment religieux, sorte d’instinct qui seul donne de la durée à l’existence de l’homme, qui seul revêt d’une sanction inviolable les lois auxquelles il doit obéir.

2039. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Puisque, de facultés, il était destiné à être un critique, son sens de critique s’en serait fortifié et purifié. […] C’est la politique aussi qui a, dans les dernières années de sa vie, abaissé le talent de Chasles et brouillé misérablement son sens critique.

2040. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Car, de la philosophie athée qui y est prodiguée, je crois qu’il n’en faut pas tenir grand compte, ; je la sens plutôt voulue, forcée, cherchée, que naturelle et spontanée. […] Tous leurs sens se faussaient, surtout ceux de Catherine, agitée de fièvre, tourmentée à présent d’un besoin de paroles et de gestes. […] Le premier dans le Figaro, en 1875, j’avais déjà parlé dans ce sens à propos de M.  […] C’étaient les sens. […] Il se formera ainsi une race dure, pratique, calculatrice, positive à outrance dans le mauvais sens du mot.

2041. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

On s’est exagéré, je le crois, en posant ainsi la question, et en la tranchant a priori en ce sens, l’impuissance des hommes.

2042. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Le caractère du style aussi bien que de la vie du marquis d’Argenson est le bon sens, comme on le croira sans peine ; ennemi du clinquant et de ce qu’il appelle les épigrammes politiques, il ne l’est pas moins des pointes et des épigrammes du langage ; avide avant tout de vérités proverbiales, de dictons populaires, et heureux d’en confirmer sa pensée, la trivialité même ne l’effraye pas, il ne l’évite jamais ; mais par malheur la raison n’est pas toujours triviale ; il arrive donc souvent aux saillies à force de sens, et beaucoup de ses comparaisons sont piquantes parce, qu’elles sont justes, Qu’Albéroni, par exemple, vivant à Rome après sa disgrâce, entreprenne, au nom du pape, souverain temporel, la conquête de la petite république de Saint-Marin ; M. d’Argenson, qui vient de nous exposer avec précision et peut-être sécheresse les travaux et les talents du cardinal, saura bien ici nommer cette entreprise une parodie des comédies héroïques qu’Albéroni a données à l’Espagne vingt ans auparavant, et, lui-même, le montrer joueur ruiné quoique habile qui se conduit en jouant aux douze sous la fiche, comme il faisait autrefois en jouant au louis le point.

2043. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Aussi, depuis Remi Belleau, tous les traducteurs en vers d’Anacréon, et Longepierre, et Lafosse, et Gacon, et Poinsinet de Sivry, et Anson, et bien d’autres encore, ont-ils échoué, tous également détestables en ce sens qu’aucun n’est excellent : ici surtout, en effet, point de degrés du médiocre au pire, point de milieu entre le chétif et l’exquis.

2044. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

Ainsi la danse d’Orient nous envahit, et c’est pourquoi je ne crains pas de jeter ici le cri d’alarme, non en moraliste (je sens trop mon indignité), mais en brave Occidental et en honnête Arya que je suis.

2045. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Philosophie du costume contemporain » pp. 154-161

Je voudrais enfin l’abolition du chapeau haut de forme, objet aussi inconcevable pour le moins et aussi mystérieux que l’« habit », et plus épouvantable encore, en dépit de la perverse accoutumance de nos yeux… Mais je sens bien ici que je suis en plein rêve.

2046. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Mais celle que je vous recommande est tout autre chose : elle est formée d’un sens très-vif du réel, qui n’est pas simple, et du possible, qui est limité, et de l’habitude de considérer les aspects divers et contraires des questions ; elle est le produit naturel de l’esprit critique.

2047. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

On connaît ce mot plaisant prêté à je ne sais plus quel chef de bandes indisciplinées : « Il faut bien que je les suive : je suis leur chef. » De même un grand homme n’est aussi reconnu pour tel qu’à condition d’aller dans le sens du courant qui l’entraîne et le porte.

2048. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 181-190

Le but que l’Auteur s’y propose, est de développer les erreurs dans lesquelles nous entraînent les sens, l’imagination, les préjugés, l’esprit, quand il est abandonné à lui seul, & principalement les passions, principe général de toutes nos méprises.

2049. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Il tient véritablement d’Homère, dans les sujets élevés qu’il traite : dans ceux où il se déride, où l’amour l’inspire, c’est un autre Anacréon : témoin ces vers passionnés qu’il fit pour Agathon, & que Fontenelle a rendus dans ses dialogues : Lorsqu’Agathis, par un baiser de flamme, Consent à me payer des maux que j’ai sentis, Sur mes lèvres soudain je sens voler mon ame Qui veut passer sur celles d’Agathis.

2050. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

Ils n’ont raison qu’en un sens très limité, comme nous le verrons bientôt, mais c’est aller trop loin que d’attribuer à des circonstances purement extérieures la structure du Pic, par exemple, avec ses pieds, sa queue, son bec et sa langue si admirablement conformés pour attraper des insectes sous l’écorce des arbres.

2051. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Renan d’être un croyant (au sens philosophique) et un critique, un homme de foi et un analyste, de mêler enfin la notion du divin aux méthodes de nos laboratoires ?‌

2052. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Les trois écrits ou discours consécutifs où il a consigné son avis attestent un sens judiciaire très-remarquable, une méthode excellente et rigoureuse qui, pour le coup, ne saurait, en pareil cas, déployer trop de précautions, trop de scrupules. […] On noterait d’autres modes d’expressions concises, bien frappées, et qui lui sont restées plus familières ; ainsi : « Je ne puis, disait-il, attacher aucun sens à ces mots pouvoir révolutionnaire, et la Convention ne saurait prendre, à mon avis, une idée plus fausse et plus égarante de son caractère et de sa puissance. » Et en parlant de Louis XVI, par manière de concession : « Je dirais (si j’écrivais son histoire) qu’il combattit la révolution selon l’oblique et expectante malice de son cœur. » La concession peut sembler un peu forte, mais l’expression, l’alliance de mots est énergique et neuve. […] Cela tenait chez lui à tout un ensemble de jugements et d’habitudes dont nous retrouverons le pli en mille sens, et ce n’était qu’un cas particulier de la préférence déclarée ou même de l’estime exclusive qu’il accordait en toutes choses à la méthode, à la précision, à la perfection de diction, au préjudice de l’esprit d’enthousiasme et de saillie. […] Ainsi dans l’ordre des études et des idées : on pourrait dire qu’héritier fidèle, et, en un sens, héritier pieux des richesses d’un siècle dont il égalait presque la tâche à celle de l’esprit humain, il aima mieux classer que renouveler. […] Ce qui ne tombe pas immédiatement sous les sens, ou ne peut s’en déduire avec précision, est absolument pour nous comme n’existant pas.

2053. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

La philosophie de Diderot, c’est les sens de Diderot. […] La représentation est une épreuve presque matérielle, tant elle entre dans l’esprit par tous les sens du spectateur et tant elle s’empare brutalement, souverainement, de son être entier. […] Les matérialistes, qui ont, en art, engendré le réalisme, oublieront ingratement l’athéisme qu’ils doivent à Diderot et riront avec mépris du bonhomme qui définit la peinture : « l’art d’aller à l’âme par l’entremise des sens », et qui, dans son Essai sur la peinture, pose en principe que « le but de l’art est de rendre la vertu aimable, le vice odieux et le ridicule saisissant ». […] L’immoralité et l’athéisme, immobiles dans Diderot, ce derviche tourneur, qui tourne dans tous les sens pour revenir sur lui-même, sont à une telle profondeur en lui qu’il est impossible de les effacer de ses œuvres. […] La salamandre qui s’appelait Diderot, et qui vivait dans le feu de l’esprit, dans le feu du cœur, dans le feu des sens, dans le feu de l’enthousiasme, dans le feu de la gaîté et dans le feu des larmes, dans tous les feux que l’homme, d’essence immortelle, puisse allumer sur la terre avec la torche sublime de ses facultés, s’y est consumée… Et Gœthe, cette gélatine figée, vit toujours.

2054. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Tel est le sens général de cette belle légende, revêtue des formes harmonieuses de l’allégorie. […] C’est à sa mythologie qu’il faut demander le sens de ses étranges funérailles. […] Le sens de l’honneur lui faisait défaut. […] Le crâne doit être dessiné sous tous les sens imaginables, afin qu’il ne puisse sortir du souvenir. […] — Je sens le désir de la mort ! 

2055. (1908) Jean Racine pp. 1-325

C’était un galant homme, et assez mondain, un « honnête homme », au sens de ce temps-là, nullement un chrétien austère. […] Là, le dogme de la chute, la vie terrestre n’ayant de sens que par rapport à l’autre vie, la peur et le mépris de la chair. […] Songez qu’il faut une rude application et quelque littérature pour suivre la plupart des tragédies des deux Corneille, et seulement pour en saisir le sens à l’audition. […] Et il le croit, en ce sens qu’il se considère comme élu par les puissances d’en haut. […] Au fond, — et malgré l’extrême décence (je ne dis pas la timidité) de l’expression dans Racine, — c’est l’amour des sens, et c’est le degré supérieur de cet amour-là, la pure folie passionnelle.

2056. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Je m’arrête, je sens que le charme de certains passages m’en ferait écrire plus que je ne veux. […] Je demeurais haletant, si grisé de sensations, que le trouble de cette ivresse fit délirer mes sens. […] je sens que ça ne sera pas long cette fois ; dans mes épaules… déjà… ça se déplie… (Ça, naturellement, c’étaient les ailes.) […] je sens que cela est bien vague pour vous, tant pis ! […] Il faut lire une à une ces pages pleines de jeunesse et en même temps de maturité, de fantaisie parfois, d’esprit et de bons sens toujours.

2057. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

tant d’indocilité dans l’esprit, au milieu de la ruine des sens ? […] L’espèce d’exhortation qui s’adresse à l’âme par l’entremise des sens, outre sa permanence, est plus à la portée du commun des hommes. […] Cette Lettre est pleine de sens ; il y a plus de substance dans une de ses pages, que dans tous les volumes des détracteurs de Sénèque. […] Eschine, qui était pauvre, lui dit : « Je n’ai rien qui soit digne de vous, et ce n’est que de ce moment que je sens mon indigence. […] Je suis père, j’ai des enfants ; et c’est ainsi que je sens.

2058. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Au lieu d’entrer dans les choses, il ne dit que des mots vides de sens. […] Il y a plus de sens, plus de profondeur, plus d’instruction solide et de vérités utiles dans la seule tragédie de Britannicus, que dans tout ce fatras de sentences indiscrètes et déplacées, qui ne nous instruisent que de l’audace et de la témérité de l’auteur. […] L’amour d’Orosmane, de Zamore, de Vendôme, n’est pas criminel par lui-même, mais il produit des crimes ; ce n’est pas cet amour qui excite des remords, ce sont les actions qu’il fait commettre : il est une faiblesse dans le sens que les héros qui en sont possédés, perdent la tête, et sont trop faibles pour le contenir. […] Cependant il intéressa bien davantage les spectateurs corrompus ; les vertus ne plaisent sur la scène qu’autant qu’elles ne contrarient pas trop les sens et les passions. […] Le plan d’un pareil ouvrage exige un jugement, une combinaison, une vigueur de sens dont les cerveaux de nos poètes modernes paraissent incapables.

2059. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Dans toute douleur terrestre, il y a, comme en enfer, la peine du dam et la peine du sens. […] Ce Rodolphe Salis a vraiment de la race, dans le sens noble du mot. […] La marchandise littéraire ne se renouvelle pas et les boules gouvernementales roulent toujours dans le même sens sur le billard présidentiel. […] L’artifice palpable de la scène agit sur moi en sens inverse de ma conception esthétique. […] Barbey d’Aurevilly, confiant et touché, fit l’article ému dans le sens de la probable conversion de ce sycophante qui se moquait de lui quelques jours après.

2060. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

— L’abbé Bayle, le dernier biographe de Massillon, a beau dire : cette quantité de propos, de bruits, d’anecdotes et de médisances qui s’appuient et concourent de toutes parts dans le même sens, ont bien leur gravité.

2061. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Son nom restera dans la littérature française, tant qu’un sens net s’attachera au mot de goût.

2062. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Hartley »

Les phénomènes lumineux, caloriques, électriques, tout aussi bien que les actions nerveuses, sont produits par des corps qui vibrent. « Les objets extérieurs, par leurs impressions sur nos sens, causent d’abord dans les nerfs, ensuite dans le cerveau, des vibrations de parties médullaires16 très petites et, pour ainsi dire, infinitésimales. » Ces vibrations « consistent en ondulations de particules très ténues, analogues aux oscillations du pendule ou aux tremblements des molécules d’un corps sonore. » C’est donc sous la forme purement mécanique d’une ondulation que les impressions cheminent le long des nerfs.

2063. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Cependant leurs élèves se multiplient, des écoles sortent des essaims innombrables de maîtres nouveaux dont les productions étouffent ce qui peut rester de goût et de sens dans la nation.

2064. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

Mais cette signification naturelle disparut vite, en Grèce, sous un sens moral.

2065. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

J’interromprai ici par quelques lignes la suite de mon discours, pour expliquer en quel sens j’ai dit que les theatres avoient été fermez dans Rome, suivant toutes les apparences, quand cette ville fut saccagée par Totila.

2066. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Quel que fût l’état d’esprit où il se trouvait, jamais son sens littéraire ne fut altéré. […] Dans le vrai sens du mot, « il était du théâtre ». […] Il comprenait avec une intimité profonde le sens mystérieux des œuvres où il puisait des sujets. […] Dans ces groupes, les figures sont heureusement combinées avec des animaux qui en précisent le sens allégorique. […] Berlioz n’était pas seulement un compositeur de premier ordre, c’était un écrivain plein de sens, d’esprit et d’humour.

2067. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Quand vous n’êtes pas là, je sens au fond du cœur que je vous aime comme autrefois ; quand vous y êtes, c’est une torture. […] Le dénouement de ce drame fiévreux se produit par l’apaisement des âmes — je devrais dire des sens — par la guérison d’une horrible maladie morale. […] Mais en saisissez-vous au moins le sens ? […] Ascanio, au prieuré du Saint-Sépulcre, le sens, obscur pour elle, de l’évangile du matin. […] mais j’y crois, mais je la sens, elle existe, c’est le moi qui ne vieillira jamais. — Quoi, vous avez la prétention de ne vieillir jamais ?

2068. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

L’essor universel de la curiosité intempérante exige des jouissances plus raffinées ; il n’y a que le rêve et la fantaisie qui puissent la satisfaire, non pas la fantaisie profonde et pensive telle qu’on la trouvera dans Shakspeare, non pas le rêve passionné et médité tel qu’on l’a trouvé chez Dante, mais le rêve et la fantaisie des yeux, des oreilles, de tous les sens extérieurs, qui, dans la poésie comme dans l’architecture, réclament des singularités, des merveilles, des défis engagés, gagnés contre le raisonnable et le probable, et qui ne s’assouvissent que par l’entassement et l’éblouissement. […] À travers ces dévergondages d’esprit, parmi ces exigences raffinées et cette exaltation inassouvie de l’imagination et des sens, il y avait une passion, l’amour, qui, les réunissant toutes, s’était développée à l’extrême, et montrait en abrégé le charme maladif, l’exagération foncière et fatale, qui sont les traits propres de cet âge, et que la civilisation espagnole reproduisit plus tard en florissant et en périssant. […] Cette confuse symphonie de bruits vagues trouble les sens ; une langueur secrète entre dans l’âme. […] Si lourd et si incommode que fût l’instrument qui leur était transmis, le syllogisme, ils s’en rendirent maîtres, ils l’alourdirent encore, ils l’enfoncèrent en tout sujet dans tous les sens. […] C’est la vie pourtant, avec les deux grands traits qu’elle va manifester, avec la haine de la hiérarchie ecclésiastique, qui est la Réforme, avec le retour aux sens et à la vie naturelle, qui est la Renaissance.

2069. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

. — « Vous êtes de ceux qui ne sont jamais vieux, lui dis-je, parce qu’ils vivent après leur mort bien plus que pendant leur vie, et que leur temps à eux est la postérité ; mais, d’ailleurs, fussiez-vous vieux et n’eussiez-vous plus de sang dans les veines, dans des crises comme celle-ci il n’y a ni jeunes gens ni vieillards : on doit autant à sa patrie la dernière goutte de son sang que la première. » « — Non, me dit-il tristement, je me suis bien interrogé, je sens que mon devoir n’est pas là, et qu’il est ici, ajouta-t-il en me montrant du geste sa petite chambre, sa petite table et sa petite écritoire. J’ai encore la force de penser, je ne me sens pas la force d’agir. […] Ce fut alors que j’appris à connaître le vrai caractère de ce grand homme de cœur et les vraies opinions de ce grand homme de sens. […] Peut-être pensait-il qu’il avait bien eu le premier le sens de ce peuple plus soldat que citoyen. […] Je ne souffre pas, je ne me sens pas bien malade encore.

2070. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Le duc de La Rochefoucauld étoit philosophe et n’étoit pas peintre. » Quelqu’un a dit en ce même sens : « Chez La Bruyère, la pensée ressemble souvent à une femme plutôt bien mise que belle : elle a moins de corps que de tournure. » Mais, sans prétendre diminuer du tout La Bruyère, on a droit de trouver dans La Rochefoucauld un angle d’observation plus ouvert, un coup d’œil plus à fond. […] Par un sens profond, le mot innocence, qui littéralement veut dire qu’on ne fait pas le mal, signifie qu’on ne le sait pas. […] Il y a cela de singulier dans certaines Maximes de La Rochefoucauld, qu’on peut les retourner et avoir un sens tout aussi juste ou piquant.

2071. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

XXVIII Fontanes entendit Bonaparte et écrivit dans son sens de belles pages dans le Moniteur. […] Cependant je sens que j’aime la monotonie des sentiments de la vie, et si j’avais encore la folie de croire au bonheur, je le chercherais dans l’habitude. […] En ce moment, je sens renaître mes transports ; ma fureur va éclater, quand Amélie, rappelant son courage, me lance un regard où il y a tant de reproche et de douleur, que j’en suis atterré.

2072. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Moins encore que son devancier, Commynes s’amuse à peindre : il ne demande rien à ses sens, ni à son imagination. […] La Bretagne eut Meschinot de Nantes (1420 ou 22-1491), qui égala Molinet, avec ses Limettes des Princes, avec l’absurdité de ses allitérations et de ses rimes, avec ses vers qui peuvent se lire en commençant par la fin, ou par le milieu, ou autrement ; une de ses oraisons se peut lire par huit ou seize vers « en 32 manières différentes, et il y aura toujours sens et rime ». […] Ils infestèrent la cour de Charles VIII, puis celle de Louis XII, et dans tous les états, de toutes les provinces, ils surgissent, tous plus vides de sens, et plus extravagants de forme les uns que les autres.

2073. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Ce fut alors que le mot de précieuses commença à trotter dans toutes les bouches, chacun le prenant dans le sens qui s’accordait avec l’idée qu’il avait des personnes. […] Il s’agit ici de déterminer l’époque précise où les précieuses s’établirent et furent désignées sous ce nom dans la société ; comment ce mot changea de signification, à quelle époque on distingua entre les précieuses, et on eut besoin d’adjectifs pour déterminer le sens de ce mot. […] Plusieurs mots furent aussi sauvés de l’italianisme par la confusion qu’ils auraient faite avec des mots d’un sens tout opposé, et par la bizarrerie de leur identité de consonance.

2074. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Cette acharnée persistance à n’user en une fois que d’un style, à ne susciter et redoubler qu’une émotion, conquiert le lecteur, l’emmène et le trouble ; perdant pied dans l’irréel, lentement dépouillé du sens de sa personnalité, il est soumis et lié, muet d’épouvante, transfixé de douleur, maniaque d’analyse, consterné de la mort d’une amante qu’il n’a pas connue, attaché par un enthousiasme froidement tendu à la démonstration d’un principe métaphysique, énorme à intégrer l’univers. […] L’intensité constante de leur unique passion, le jet rectiligne de leur volonté, leurs sens aigus et surentendus, la subtilité de leurs pensées, leurs actions jamais instinctives, mais déduites et raisonnées dans les plus terrifiantes conjectures, font d’elles de parfaits mécanismes mus en leurs rouages par des courants électriques réglés. […] Sur le fond ténébreux d’une demeure somptueuse et muette, se profilent les traits pâles de l’incestueux l’époux de Morella, croyant reconnaître en sa fille l’âme transfuse de celle qu’il n’avait su aimer vivante ; la lutte folle de Ligéia contre la mort, la douleur somnolente de son amant et sa fantastique rêverie dans la longue nuit, où il crut voir la forme immatérielle de la décédée se glisser dans le corps tiède de lady Rowena ; Roderick Usher, peureux d’avoir peur, les mains nues, la voix trémulante, dardant de tous côtés son regard trop aigu, égaré par la délicatesse de ses sens, l’esprit sursautant, vacillant et défaillant, au point de succomber dans un spasme d’effroi, en cette mystérieuse nuit, dont la description demeure inoubliable.

2075. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Il joue, par exemple, à propos de Jupiter et d’Europe, sur le mot phénicien ilpha, qui a le double sens Navire et Taureau. […] le mal, qui commence la souffrance par lui, car être le mal c’est pire que le faire, les peines, les douleurs, les larmes, les cris, les rumeurs ; dans l’ombre, le problème muet, l’immense silence, d’un sens inexprimable et terrible. […] Qui eût vu, presque à la même époque, s’élever à peu de distance l’une de l’autre, en Ombrie, la ville des gaulois de Sens, maintenant Sinigaglia, et, près du Vésuve, la ville hellénique Parthénopée, à présent Naples, eût reconnu la Gaule à la grande pierre debout toute rouge de sang, et la Grèce au théâtre.

2076. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Mézeray, par l’esprit qui circule dans son Histoire, me représente assez bien un libéral de l’école de 89, qui aurait à raconter la Révolution française et qui tâcherait d’en extraire ce qu’il y a eu de louable, de modéré, de juste, en s’affligeant d’autant plus des horreurs et des représailles qui ont eu lieu dans les deux sens. […] Ce que les saint-simoniens de mon temps traduisaient dans leur sens : « À chacun selon sa capacité, et à chaque capacité selon ses œuvres », tirant de la sorte à eux Mézeray.

2077. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

On a, quand on parle de Gibbon, même en France, une prévention défavorable à vaincre ; c’est que lui-même a parlé du christianisme dans les 15e et 16e chapitres de son premier volume avec une affectation d’impartialité et de froideur qui ressemble à une hostilité secrète, et qu’à ne voir les choses que du simple point de vue historique, il a manqué d’un certain sens délicat, tant à l’égard du fond de l’idée chrétienne que par rapport aux convenances qu’il avait à observer envers ses propres contemporains. […] Il lisait durant ce temps un peu au hasard tous les livres qui lui tombaient sous la main, et où se prenait sa curiosité déjà excitée ; elle l’était de préférence toujours dans le sens des connaissances historiques, et un instinct de critique aussi le dirigeait plutôt vers les sources.

2078. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

La phrase y peut paraître longue, traînante, et c’est là une lettre persane qui ne ressemble en rien assurément pour la forme à celles de Montesquieu ; mais le fond est d’un grand sens, et consulté par Chapelle, il lui répond en le mettant de son mieux en garde contre les principaux défauts auxquels il le sait bien sujet, et aussi contre les conclusions où va trop volontiers la philosophie de Gassendi, leur maître commun. […] Or, Bernier, homme de sens, qui a beaucoup vu, et qui, en vertu même d’un sage scepticisme, est devenu plus ouvert à des doctrines supérieures, croit devoir avertir son ami et camarade, qui, en passant par le cabaret, est resté plus qu’il ne croit dans l’école ; le voyant prêt à vouloir s’enfoncer dans une philosophie abstruse et prétendre à expliquer physiquement la nature des choses et celle même de l’âme, il lui rappelle que c’est là une présomption et une vanité d’esprit fort ; mais si cette explication directe est impossible, et si connaître en cette manière son propre principe n’est pas accordé à l’homme dans cet état mortel, néanmoins, ajoute-t-il en terminant, nous devons prendre une plus haute idée de nous-mêmes et ne faire pas notre âme de si basse étoffe que ces grands philosophes, trop corporels en ce point ; nous devons croire pour certain que nous sommes infiniment plus nobles et plus parfaits qu’ils ne veulent, et soutenir hardiment que, si bien nous ne pouvons pas savoir au vrai ce que nous sommes, du moins savons-nous très bien et très assurément ce que nous ne sommes pas ; que nous ne sommes pas ainsi entièrement de la boue et de la fange, comme ils prétendent. — Adieu.

2079. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Il avait beaucoup d’esprit et un sens exquis, un tact exquis, dans l’acception où le prenait la société de son temps : c’est l’éloge que lui accordent ceux même qui le jugeaient d’ailleurs le plus sévèrement. […] Le fond de son commerce, où il entrait du sens, de l’équité et des qualités sûres, était « d’une sécheresse et d’une aridité singulières. » Deux ou trois dîners chez Mlle Quinault, qui nous le montrent en gaieté et en veine d’enthousiasme, accusent en même temps et convainquent cet enthousiasme de ne se monter que pour des objets et des tableaux d’une sensibilité toute physique et toute sensuelle : il ne croit ni à la chasteté ni à la pudeur, ni à aucune religion, et ne fait pas même grâce à la religion naturelle : — « Pas plus celle-là que les autres », s’écrie-t-il.

2080. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Les générations, en se succédant, ont leur courant général tracé en plus d’un sens et leur souffle divers. […] Les personnes qui avaient pu s’effaroucher d’abord en craignant que ces études sérieuses trop multipliées ne vinssent peser sur l’esprit de la jeunesse et l’accabler tristement, devront se rassurer en voyant le sens et la proportion dans lesquels elles sont enseignées.

2081. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Elle avait de la philosophie dans le meilleur sens du mot, et, avec le sentiment de ce qu’elle était et la volonté de ne condescendre à rien d’indigne, elle souhaitait avant tout une vie sérieuse et tranquille, l’étude, les beaux-arts et la musique, les charmes de la société. […] Il lui a rendu cette justice, qu’elle fit tout pour l’en tirer : Le vice à son aspect n’osait jamais paraître : De mes sens mutinés elle m’a rendu maître ; C’était par la vertu qu’on plaisait à ses yeux.

2082. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Ce n’était pas assez : une parente et une amie qu’il avait à Soleure, et qui avait toujours souffert de l’injustice dont il avait été l’objet, travailla si bien en sa faveur que, sur un léger prétexte, et pour avoir obtenu du roi qu’on augmentât la quantité de sel qu’on donnait annuellement au canton, Besenval apprit tout d’un coup qu’il était populaire parmi les siens ; les esprits s’émurent en sens inverse de la vieille querelle qu’on lui avait faite quatorze ans auparavant. […] Besenval manque du sens qui l’avertirait que cela ne paraîtra pas du tout plaisant à d’autres que lui, et que l’impression qu’on en doit ressentir est d’un genre tout différentar.

2083. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Les plus modérés (comme La Fare) l’estimaient « homme excellent dans l’exécution, mais dont les vues n’étaient pas assez étendues pour le gouvernement d’un grand État ; — capable de bien servir dans le ministère, mais non pas de gouverner. » En ce sens on l’a appelé un grand commis plutôt qu’un grand ministre. […] Je ne pense point vous avoir jamais témoigné désirer autre chose que de la savoir, et je vous répète présentement que, si j’ai à espérer quelque reconnaissance de vous avoir donné occasion de faire votre fortune, ce ne sera jamais d’autre chose que d’être informé, à point nommé, de ce qui se passe et de ce que vous croyez que l’on doit faire, quand même vous auriez connu par mes lettres que cela est contre mon sens. » On dira de Louvois bien des choses, on ne dira pas qu’il n’avait point la probité de son emploi.

2084. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Montaigne a les sens excellents ; il voit les choses telles qu’elles sont, ni plus ni moins, et ne les complique en rien d’abord, ni par l’imagination ni par la réflexion. — Ce même jour où il a vu passer le Pape, il prend de la térébenthine : sa santé va de front avec sa curiosité. — On exécute un bandit ; il assiste à ce spectacle, en relève toutes les circonstances, et l’ancien conseiller au Parlement de Bordeaux ne manque pas de faire la comparaison avec ce qui se pratique en France. […] Montaigne disait donc (et à travers le secrétaire on sent de plus en plus le langage et l’accent magistral, comme sous de certaines pages de l’abbé Ledieu on sent la parole de Bossuet), — il disait : « Qu’on ne voyait rien de Rome que le ciel sous lequel elle avait été assise et le plan de son gîte ; que cette science qu’il en avait était une science abstraite et contemplative, de laquelle il n’y avait rien qui tombât sous les sens ; que ceux qui disaient qu’on y voyait au moins les ruines de Rome en disaient trop, car les ruines d’une si épouvantable machine rapporteraient plus d’honneur et de révérence à sa mémoire : ce n’était rien que son sépulcre.

2085. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Béranger, dans ses bons morceaux, est classique en ce sens qu’il est conséquent, puisque son style est habituellement la contre-épreuve de sa pensée, que sa pensée est souvent juste, heureuse, et qu’elle lui appartient toujours. » On voit qu’ici le mélange des noms est poussé jusqu’à la confusion et au contresens. […] Mais il ne se posait même pas la question, tant il était sûr de lui, tant il était appliqué à balancer et à peser en sens divers ses propres commodités et convenances !

2086. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Elle semble heureusement née pour habiter la campagne, tant son être« s’harmonise avec les fleurs, les oiseaux, les bois, l’air, le ciel, tout ce qui vit dehors, grandes ou gracieuses œuvres de Dieu. » Elle aussi, comme Bernardin de Saint-Pierre, elle a le sens des symboles naturels ; la vie sous toutes ses formes lui parle ; elle est femme à voir des mondes dans un fraisier : « Mon ami, je suis ce fraisier en rapport avec la terre, avec l’air, avec le ciel, avec les oiseaux, avec tant de choses visibles et invisibles que je n’aurais jamais fini si je me mettais à me décrire, sans compter ce qui vit aux replis du cœur, comme ces insectes qui logent dans l’épaisseur d’une feuille. » Toutes les saisons de l’année, toutes les heures de la journée ont pour elle leur charme particulier et leur langage. […] Je voudrais sourire à tout, et je me sens portée aux larmes ; cependant je ne suis pas malheureuse.

2087. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

L’auteur a tourné et retourné en tous sens le problème (car c’en est un) de ces frères Le Nain, de tout temps assez peu connus. […] L’auteur a moins de théorie et moins de connaissances comparées que plusieurs des savants qui ont traité de ce genre si réhabilité aujourd’hui ; mais il est praticien autant qu’aucun, et il a le sens de cette sorte d’investigation et de cueillette en pays de France.

2088. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Ce type de jeune femme, à sa date, est parfaitement observé et dessiné, et sans exagération dans aucun sens. […] On a pu remarquer dans tout ce qui précède quantité de pensées qui feraient des légendes tendres et en sens inverse de celles que l’on connaît.

2089. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Quoiqu’il puisse sembler ne pas avoir de compositions dans le sens vulgaire du mot, comme, au point, de vue pittoresque, il arrange ses tableaux ! […] » Il le redit, non moins excellemment, dans un article sur Ary Scheffer, en faisant remarquer que cet esprit si distingué et si élevé n’a pas assez compris que la pensée pittoresque n’avait rien de commun avec la pensée poétique : « Un effet d’ombre ou de clair, une ligne d’un tour rare, une attitude nouvelle, un type frappant par sa beauté ou sa bizarrerie, un contraste heureux de couleur, voilà des pensées comme en trouvent dans le spectacle des choses les peintres de tempérament, les peintres nés. » Aussi, tout en rendant justice aux sentiments et aux intentions épurées de ce « poète de la peinture » comme il l’appelle, il ne l’a loué en toute sincérité et franchise que pour certains portraits où le sens moral n’a fait qu’aiguiser l’observation et donner plus de vie à la vérité.

2090. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

On piqua par cet endroit l’amour-propre du roi, et on refit en ce sens une troisième Journée des dupes, ou, si l’on veut, une Nuit des dupes. […] « Le respect qu’elle inspire tient plus à ses vertus qu’à sa dignité ; il n’interdit ni ne refroidit point l’âme et les sens ; on a toute la liberté de son esprit avec elle ; on le doit à la pénétration et à la délicatesse du sien : elle entend si promptement et si finement qu’il est facile de lui communiquer toutes les idées qu’on veut, sans s’écarter de la circonspection que son rang exige.

2091. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Non, ce jeune homme de dix-neuf ans, qui n’en a pas encore vingt-cinq aujourd’hui, et qui après un voyage de près de trois années et l’interruption d’une maladie des plus graves, a pu rédiger un livre de cette précision et de cette maturité, n’est pas un simple curieux intrépide, c’est un voyageur pris au sens le plus élevé du mot, qui joint à toutes les qualités physiques et morales qu’une telle vocation suppose toutes les armes et la provision de la science la plus avancée et la plus exacte. […] Othman fait d’abord trois voyages en Algérie, et, entre chacun de ces trois voyages, il conduit des explorateurs français dans son pays ; enfin, pour couronner ses efforts, tendant à des ouvertures de relations, il vient en 1862 à Paris, ville où jamais un Targui n’avait mis les pieds… Homme d’une haute intelligence et d’un grand sens pratique, Othman a surtout remarqué en France ce qui contraste avec le désert : le nombre considérable des habitants, l’abondance des eaux, la richesse et la variété de la végétation, la rapidité et la sécurité des communications, enfin la généreuse hospitalité qu’il y a reçue.

2092. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

De même les mœurs décrites dans les poèmes homériques ne nous disent absolument rien de certain sur les mœurs de la société au temps du siège de Troie, s’il y eut en effet un tel siège ; elles n’appartiennent qu’à l’âge homérique lui-même, et elles ont toute vérité en ce sens. […] Pourtant le sentiment individuel, bien que très en peine et comme chassé de poste en poste, résista ; il y eut de vives protestations en sens contraire et en faveur d’une certaine unité préexistante.

2093. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Il y a plus de philosophie, en vérité, dans le bout du petit doigt de Fontenelle que dans tous ces gros livres savants, curieux, intéressants, j’en conviens, mais si mélangés, si pétris de doctrines diverses ou contraires, si soumis à la foi et si ambitieux, si flatteurs pour le sens humain et pour les autorités de tout bord, si avides d’accaparer toutes les sortes de public et de recruter toutes les classes de lecteurs. […] Séduit par les illusions des sens et de l’amour-propre, l’homme s’est regardé longtemps comme le centre du mouvement des astres, et son vain orgueil a été puni par les frayeurs qu’ils lui ont inspirées.

2094. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Chéruel ne suit pas les adversaires de Saint-Simon jusqu’à cette extrémité ; il rétablit le sens du mot substituer, qui est chez M. de Luynes. […] J’ai moi-même ici, tout récemment84, discuté trop à fond ce chapitre pour y revenir ; je me suis efforcé de montrer en quel sens et dans quelle juste mesure il convient de réduire Saint-Simon.

2095. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

On a (excepté peut-être pour la partie militaire) les éléments et tous les traits originaux d’un portrait ; ou plutôt, rien qu’à feuilleter du doigt ces deux jolis volumes et à les parcourir en tous sens, le portrait se crayonne et s’achève de lui-même en nous, non sans avoir amené, chemin faisant, toutes sortes de réflexions et de remarques plus ou moins morales et philosophiques. […] Il avait la curiosité assez éveillée en plus d’un sens.

2096. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Si Agen a été appelé l’œil de la Guyenne, Jasmin écrit dans le pur patois agenais ; il y a là quelque chose d’attique, en un certain sens. […] T’en souviens-tu, ma sœur, quand notre pauvre père, la nuit que nous étions à le veiller, disait : « Tiens, petite, je suis plus malade ; garde bien Paul au moins, car je sens que je m’en « vais ? 

2097. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Il faut ensuite qu’il soit philosophe, c’est-à-dire qu’il ne se borne pas à la surface des faits, mais qu’il les creuse et qu’il les interroge pour leur faire rendre le sens caché qui est en eux, ou la sagesse des choses humaines ; car les événements ne sont pas une vaine accumulation de faits et de personnages, passant devant les yeux de Dieu et devant les yeux des hommes, sans autre langage que ce fracas du temps, qui roule tumultueusement dans son cours les religions, les institutions et les empires. […] et de tous les temps, contracté dans la main puissante d’un homme, et rendant, sous la pression de cette main, son suc, son sens, sa gloire, ses vices, sa honte, ses larmes, son sang, par tous les pores.

2098. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Et le mot dieu est employé dans un sens précis, puisque tu compares, naïf, « la religion de l’innocent » à « la religion du Christ ». […] Mais je sais le sens complexe de ton sourire.

2099. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

L’abbé Lacordaire est du siècle à un certain degré, je l’ai dit, et il le reconnaît avec une grâce touchante : Dieu nous avait préparé à cette tâche en permettant que nous vécussions d’assez longues années dans l’oubli de son amour, emporté sur ces mêmes voies qu’il nous destinait à reprendre un jour dans un sens opposé. […] Érasme, si élégant écrivain qu’il fût, n’était pas du tout un académicien dans le sens où l’entend l’orateur ; il était de ceux qui aiment les lettres, mais non la phrase.

2100. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Cette lèpre de vanité traverse en tous sens ces Mémoires, et vient gâter et compromettre les parties élevées et nobles du talent. […] Je lui pardonne d’autant plus que, quand il épanche sa bile, au moins je retrouve sa physionomie de gentilhomme breton, et je sens en lui quelque chose de vivant ; mais, le reste du temps, c’est un fantôme ; et un fantôme en dix volumes, j’ai peur que ce ne soit un peu long.

2101. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Saint-Simon était doué d’un double génie qu’on unit rarement à ce degré : il avait reçu de la nature ce don de pénétration et presque d’intuition, ce don de lire dans les esprits et dans les cœurs à travers les physionomies et les visages, et d’y saisir le jeu caché des motifs et des intentions ; il portait, dans cette observation perçante des masques et des acteurs sans nombre qui se pressaient autour de lui, une verve, une ardeur de curiosité qui semble par moments insatiable et presque cruelle : l’anatomiste avide n’est pas plus prompt à ouvrir la poitrine encore palpitante, et à y fouiller en tous sens pour y étaler la plaie cachée. […] Pour s’en éclaircir, elle consulta un autre directeur, homme de sens, l’évêque de Chartres (Godet des Marais), et Fénelon eut à se justifier, à s’expliquer.

2102. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Il lui convenait en tout sens de dire : Caesar est supra grammaticam… Je ne suis grand par rien. […] Quand on a lu certain portrait de Voltaire par Frédéric (1756), portrait tracé de main de maître en toute sûreté de coup d’œil et en toute nudité, on entre mieux encore dans le sens de cette phrase où il vient de dire que ce génie de séduction a de telles grâces, qu’il ressaisit bientôt ceux-là même qu’il a offensés et qui le connaissent23.

2103. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Il ne le place qu’après l’étude de l’histoire, après celle de la jurisprudence et de la religion ; il lui a fallu quelque courage, on le sent, pour ajourner le moment de parler de cette étude pour lui la plus attrayante et la plus chère : Il me semble, dit-il, qu’en passant à cette matière je me sens touché du même sentiment qu’un voyageur qui après s’être rassasié pendant longtemps de la vue de divers pays, où souvent même il a trouvé de plus belles choses, et plus dignes de sa curiosité, que dans le lieu de sa naissance, goûte néanmoins un secret plaisir en arrivant dans sa patrie, et s’estime heureux de pouvoir respirer enfin son air natal. […] Cette paresse a besoin d’explication quand le mot s’applique à un homme aussi constamment et aussi diversement laborieux que l’était d’Aguesseau ; mais je crois qu’il la faut prendre dans le sens de lenteur de tempérament, d’absence de verve et de longueur de phrases, ce qui est incontestable quand on lit d’Aguesseau ; on sent qu’il a dû passer bien du temps à limer, à polir ce qui paraît encore un peu traînant à la lecture, et qu’aussi il s’est amusé à bien des études d’inclination et de fantaisie qui peuvent ressembler à de la paresse aux yeux des hommes d’action et d’affaires.

2104. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Théophile Duchapt, magistrat, conseiller à la cour d’appel de Bourges, a publié également un recueil de Fables (1850), irréprochables par le sens et par le but, et dont plus d’une s’anime d’un tour de grâce et de finesse. […] Pourtant le fonds général n’a pas cessé de se remuer en tous sens, de se cultiver et de s’enrichir.

2105. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Ce sont de ces mots qui peignent, qui sont pris à la source même, et qui sont agréables par un certain faux air de double sens, mais qui ne nuit pas à la clarté. […] Mme de Maintenon aspirait à en sortir comme une femme et comme beaucoup trop d’hommes alors, comme une femme de sens qui voit de près le mal, qui en souffre en elle et pour ceux auxquels elle est attachée, qui n’a rien d’une héroïne, qui est toute résignée et chrétienne, qui voit la main de Dieu non seulement dans les revers redoublés et les défaites, mais encore plus directement dans les fléaux naturels, dans les hivers tels que celui de 1709 (dont on n’avait point eu d’exemples depuis plus d’un siècle), et dans la famine qui s’ensuivit.

2106. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Une existence aussi large, aussi répandue, aussi inventive en bien des sens, et aussi aventurée que celle de Beaumarchais, ne saurait se resserrer en peu de mots. […] C’est en ce sens que ce n’est déjà plus la même littérature que celle de Rousseau et de Voltaire, bien plus intellectuelle même dans ses vices et ses défauts.

2107. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Mais je vous trouve trop circonspect ; fiez-vous à votre propre sens ; ne feignez point de dire en un besoin que tel bon écrivain a dit une sottise : surtout gardez-vous bien de croire que quelqu’un ait écrit en français depuis le règne de Louis XIV : la moindre femmelette de ce temps-là vaut mieux pour le langage que les Jean-Jacques, Diderot, d’Alembert, contemporains et postérieurs ; ceux-ci sont tous ânes bâtés sous le rapport de la langue, pour user d’une de leurs phrases ; vous ne devez pas seulement savoir qu’ils aient existé. […] Vers la fin, engagé dans le parti libéral, il a fait quelques politesses à ce qu’on appelait les jeunes talents ; mais, en réalité, il n’a jamais prisé les plus remarquables des littérateurs et des poètes de ce siècle, ni Chateaubriand, ni Lamartine, qu’il raille tous deux volontiers à la rencontre ; il leur était antipathique ; c’était un pur Grec, et qui n’admettait pas tous les dialectes, un Attique ou un Toscan, au sens particulier du mot : « Notre siècle manque non pas de lecteurs, mais d’auteurs ; ce qui se peut dire de tous les autres arts. » C’était le fond de sa pensée.

2108. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Vers la dixième Étude, il commence plus directement l’exposition de ses vues et des harmonies telles qu’il les conçoit, le jeu des contrastes, des consonances, des reflets et des réverbérations en toutes choses : il y a des détails très fins, mais c’est déjà bien subtil, et dans sa vieillesse, abondant de plus en plus dans son sens, il exagérera encore tous ses défauts, que nous étale démesurément son ouvrage final des Harmonies. […] Villemain, de notre éloquent secrétaire perpétuel, si j’avais besoin de m’excuser, je dirais hautement : Membre de l’Académie française, j’ai le droit de relever, de la seule manière qui puisse le toucher, l’organe de la compagnie là où il abuse publiquement de son rôle de rapporteur pour y glisser contrairement aux convenances, contrairement aux intentions de beaucoup de membres, ses passions personnelles : biographe littéraire, je souffre toutes les fois que je vois des critiques éminents à tant d’égards et en possession d’un art merveilleux, mais des esprits plus nés évidemment pour la louange ou la fine satire que pour l’histoire, ne songer à tirer parti des faits que pour les fausser dans le sens de l’effet passager et de l’applaudissement.

2109. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Convenez qu’il parlait en grand artiste et en homme de sens, ce Vernet, lorsqu’il disait aux élèves de l’école occupés de la caricature oui, ces plis sont grands, larges et beaux ; mais songez que vous ne les reverrez plus. […] Avec le tems, par une marche lente et pusillanime, par un long et pénible tâtonnement, par une notion sourde, secrette, d’analogie, acquise par une infinité d’observations successives dont la mémoire s’éteint et dont l’effet reste, la réforme s’est étendue à de moindres parties, de celles-cy à de moindres encore, et de ces dernières aux plus petites, à l’ongle, à la paupière, aux cils, aux cheveux, effaçant sans relâche et avec une circonspection étonante les altérations et difformités de nature viciée, ou dans son origine, ou par les nécessités de sa condition, s’éloignant sans cesse du portrait, de la ligne fausse, pour s’élever au vrai modèle idéal de la beauté, à la ligne vraie ; ligne vraie, modèle idéal de beauté qui n’exista nulle part que dans la tête des Agasias, des Raphaëls, des poussins, des Pugets, des Pigals, des Falconnets ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont les artistes subalternes ne puisent que des notions incorrectes, plus ou moins approchées que dans l’antique ou dans leurs ouvrages ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie que ces grands maîtres ne peuvent inspirer à leurs élèves aussi rigoureusement qu’ils la conçoivent ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie au-dessus de laquelle ils peuvent s’élancer en se jouant, pour produire le chimérique, le sphinx, le centaure, l’hippogriphe, le faune, et toutes les natures mêlées ; au-dessous de laquelle ils peuvent descendre pour produire les différents portraits de la vie, la charge, le monstre, le grotesque, selon la dose de mensonge qu’exige leur composition et l’effet qu’ils ont à produire, en sorte que c’est presque une question vuide de sens que de chercher jusqu’où il faut se tenir approché ou éloigné du modèle idéal de la beauté, de la ligne vraie ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie non traditionelle qui s’évanouit presque avec l’homme de génie, qui forme pendant un tems l’esprit, le caractère, le goût des ouvrages d’un peuple, d’un siècle, d’une école ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont l’homme de génie aura la notion la plus correcte selon le climat, le gouvernement, les loix, les circonstances qui l’auront vu naître ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie qui se corrompt, qui se perd et qui ne se retrouveroit peut-être parfaitement chez un peuple que par le retour à l’état de Barbarie ; car c’est la seule condition où les hommes convaincus de leur ignorance puissent se résoudre à la lenteur du tâtonnement ; les autres restent médiocres précisément parce qu’ils naissent, pour ainsi dire, scavants.

2110. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Mme Stern a beau s’embourgeoiser dans la raison de Roland, cette femme pot-au-feu de la liberté, elle reste femme comme il faut, du moins dans le sens que le monde donne à ce mot-là. […] Le sens pratique des relations de droit commun entre les personnalités de l’ordre et de la famille fait défaut à cette moraliste qui veut juger la société.

2111. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Joseph de Maistre, qui était avant tout historien, malgré les plus hautes aptitudes à la métaphysique, est entré nettement dans cette question de l’Infaillibilité par la porte des faits et de l’histoire, conduit par un sens pratique de premier ordre, et écartant volontiers tous les arguments qui n’étaient pas historiques avec ce grand geste d’homme d’État qu’il avait, tandis que Saint-Bonnet, au contraire, bien plus métaphysicien que politique, a pénétré dans la même question par l’étude de l’essence même et des principes, allant dans l’essence jusqu’au point où elle est vraiment impénétrable. […] La science, la seule science qu’il reconnaisse, avec raison, et qui importe à l’homme : la science de son être et de l’Être, il ne l’entend que dans le sens révélé du mot.

2112. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Dans un temps qui, comme le nôtre, affecte de ne plus croire à rien qu’à l’Histoire, on devrait, si on était conséquent, honorer profondément ce Joseph de Maistre, dont on a fait un utopiste de surnaturalité religieuse, comme l’esprit qui a le plus développé et approfondi dans ses œuvres le sens de l’Histoire. […] À mon sens, très humble, mais très convaincu, philosophiquement ou plutôt théologiquement, ce que de Maistre a exprimé dans tous ses livres est absolument vrai, et, littérairement, c’est absolument beau, — et d’une beauté à lui, qui n’imite et ne rappelle personne…·Ce livre-ci n’ajoute rien à cette Immensité, mais n’en diminue rien non plus, il devait être publié (tout ce qu’une pareille plume a tracé appartient au monde), et il l’a été avec intelligence.

2113. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Tel est le morceau suivant, digne d’un géomètre par sa force et sa justesse6 : De même que la notion d’une étendue limitée nous suggère la notion d’un espace sans bornes, qui n’a pas pu commencer, qui ne pourrait pas finir, et qui demeure immobile, tandis que les corps s’y meuvent en tous sens ; de même la notion d’une durée limitée nous suggère la notion d’une durée sans bornes qui n’a pas pu commencer, qui ne pourrait pas finir, et qui se serait écoulée uniformément, quand aucun événement ne l’aurait remplie. […] Mais selon la loi de Dugald Stewart, l’état primitif d’une idée ou représentation, c’est de faire illusion et d’être affirmative ; donc, un instant auparavant, c’est-à-dire dans la perception, cette représentation ou simulacre intérieur nous a fait illusion, et nous est apparue comme un objet extérieur et réel. — Dans un très-grand nombre de cas, par exemple dans toutes les illusions des sens, l’objet apparent diffère de l’objet réel, et par conséquent s’en distingue12.

2114. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

Lorsque M. de Chateaubriand revint de Rome à l’avènement du ministère Polignac, j’allais le voir quelquefois les matins : j’essayais de lui faire agréer les idées et comprendre le sens novateur de la jeune école romantique à laquelle il n’était guère favorable ; il avait fort connu Victor Hugo, mais il ne le voyait pas alors ; je faisais de mon mieux ma fonction de critique-truchement et négociateur.

2115. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Plus d’un sens reste inarticulé dans l’habitude du sanglot40.

2116. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Les nobles et vigoureux talents s’en sauveront ; les œuvres nombreuses, que leur virile jeunesse promet à l’avenir, se remettront en harmonie avec une époque dont le sens plus diffus et plus immense est aussi plus glorieux à comprendre.

2117. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Elles sont du moins vraies en ce sens, que plus d’un, aujourd’hui, les rêve.

2118. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

La question, s’il m’est permis d’intervenir en si grave controverse, n’est pas là à mon sens.

2119. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Il y a, dans la langue française, dans celle que parlent les trois quarts des gens, tout un vocabulaire qui sert à ne pas penser ; ce sont ces mots mal définis, qui s’adaptent à tout, qui n’empruntent leur sens que de l’objet auquel on les applique, et qui signifient plus ou moins selon l’esprit de l’auditeur ou du lecteur.

2120. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Cette querelle que j’ai innocemment suscitée n’est qu’un jeu de plume dont je sens à présent la puérilité.

2121. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

André Theuriet est assurément le meilleur peintre, le plus exact et le plus cordial à la fois, de la petite bourgeoisie française, mi-citadine et mi-paysanne ; et, comme cette classe sociale est la force même de la nation, comme elle lui est une réserve immense et silencieuse d’énergie et de vertu, les romans si simples de l’auteur des Deux Barbeaux deviennent par là très intéressants ; ils prennent un sens et une portée ; peu s’en faut qu’ils ne me soient vénérables.

2122. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

Dès lors plus de grandes dames, du moins au sens entier du mot.

2123. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Je ne pouvais croire à tant de bonheur. » Il écrit couramment : « Le chapitre des Paysans est trop célèbre à mon sens, sinon à mon gré », et il parle du « prodigieux retentissement accumulé autour de son nom ».

2124. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

L’argent nous possède d’autant plus qu’il est en plus grande quantité et que, en un sens, il nous appartient moins, n’étant presque plus le produit de notre effort personnel.

2125. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Derrière leur sens précis réside leur beauté symbolique.

2126. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Ce qui frappe en Stuart Merrill, après la lumière dont il inonde son vers, c’est le sens du légendaire avec le don de suggérer.

2127. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

Adolphe Retté présente cette anomalie, d’être à la fois un poète qui a vraiment le don et un critique qui a vraiment le sens critique ; il a de plus la qualité rare de dire beaucoup, sinon tout, en très peu de place, et cependant sans sécheresse.

2128. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Mais dire que — païen et, malgré son bon vouloir, nullement métaphysique — l’auteur des Reposoirs est notre Victor Hugo, c’est dire qu’il est, à notre sens, de cette demi-douzaine d’écrivains nouveaux qui sont les maîtres du Futur et dont les moins contestés sont Henri de Régnier et… et qui ?

2129. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Nous le regrettons vivement ; mais, en un sens, tant mieux pour moi ; je vous aurai tout entiers.

2130. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre II : Termes abstraits »

On dit qu’il y a un rapport entre deux objets, lorsqu’il y a un fuit simple ou complexe saisi par les sens ou autrement, dans lequel tous deux figurent.

2131. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

L’empereur demande qu’on en achève le sens : mais personne, excepté Virgile, ne le peut faire.

2132. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Quelquefois ma raison, par de foibles discours, M’invite à la révolte, & me promet secours : Mais, lorsqu’à mon besoin je me veux servir d’elle, Après beaucoup de peine & d’effort impuissans, Elle dit qu’Uranie est seule aimable & belle, Et m’y rengage plus que ne font tous mes sens.

2133. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre quatrième. »

Cette fable ancienne, l’une de celles qui renferment le plus grand sens, était une leçon bien instructive pour les républiques grecques.

2134. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

La brièveté de notre vie, la faiblesse de nos sens, la grossièreté de nos instruments et de nos moyens, s’opposent à la découverte de cette formule générale que Dieu nous cache à jamais.

2135. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 18, qu’il faut attribuer la difference qui est entre l’air de differens païs, à la nature des émanations de la terre qui sont differentes en diverses regions » pp. 295-304

On peut même dire que la difference de ces émanations tombe en quelque maniere sous nos sens.

2136. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Jusque-là, il n’est encore qu’un poète (dans le sens de créateur).

2137. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

Les pusillanimes d’organisation, les vues ophtalmiques, les sens qui se croient délicats parce qu’ils sont faibles, se plaindront de la violence d’une œuvre qui, par la couleur et le style, rappelle Rubens et Rabelais ; mais moi, non !

2138. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Les mœurs, dit-il, sont l’obéissance à ce « sens intérieur » qui nous montre l’honnête et le déshonnête, pour faire celui-là et éviter celui-ci. Mais ce sens intérieur, « qui sait jusqu’à quel point la société l’a altéré ? […] Senancour est bien autrement intelligent (au sens strict du mot) que Chateaubriand. […] On aime enfin, (dans un mystère comme celui de la Nativité), sous le sens littéral le sens symbolique. […] Une autre refaisait la loi d’élection dans un sens restrictif.

2139. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

L’Harmonie ainsi réduite à la beauté physique des accords, & bornée à la simple émotion de l’organe, n’exige donc, comme l’Architecture, qu’un sens exercé par l’étude, éprouvé par l’usage, docile à l’expérience, & rebelle à l’opinion. […] Ce n’est que par les sens qu’ils sont instruits & affectés, & leur langage doit être comme le miroir où ces impressions se retracent. […] Mais l’églogue a sa vraissemblance & son intérêt en elle-même, & l’esprit se repose agréablement sur le sens littéral qu’elle lui présente, sans y chercher un sens mystérieux. […] Or l’intérêt qu’ils y prennent, n’est certainement pas le vain plaisir d’en pénétrer le sens. […] Il se met à leur place, il donne dans leur sens, il se pénetre de leur objet, & n’examine leurs moyens que relativement à leurs vûes.

2140. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Je n’avais pas prévu cette destruction et je sens mon cœur se serrer davantage. […] Émile Zola, livre qui a pris aujourd’hui un sens spécial qu’il n’aurait pas eu au lendemain de nos défaites. […] Je me sens quelquefois triste à crever. […] Larrey et Yvan arrivèrent ; nous nous empressâmes de ranimer ses sens, je promenais un flacon d’ammoniaque sous ses narines, lorsqu’il se ranima brusquement. […] Saint-Marc Girardin fut un homme de grand sens politique.

2141. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Mais je sens que c’est là un plaisir inquiet, un émoi dangereux. […] La bonté, le sens des grands problèmes, l’aptitude à réfléchir et le don de philosopher ont sauvé M.  […] Je sais bien qu’il est malaisé, maintenant, d’employer ce mot en un sens un peu précis. […] Sosibios de Lacédémone, pensionnaire du Musée, minutieux correcteur de textes, fut applaudi pour avoir modifié le sens de tout un passage d’Homère en déplaçant une seule lettre. […] Jules Girard, qui a décrit, avec un sens si délicat des nuances, quelques moments de la vie morale de l’antiquité et chez qui l’érudition la plus informée n’a pas gâté le goût de l’artiste ni émoussé la pénétration du psychologue, M. 

2142. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Vous voyez un homme qui tourmente son esprit dans tous les sens, pour enfanter des idées tendres et tristes, et qui n’arrive qu’à une philosophie morose. […] Je ne sais s’il est vrai que le premier des arts soit celui de faire pleurer, dans le sens où l’on entend ce mot aujourd’hui. […] Supposons un homme sauvage, ayant tous ses sens, mais point encore la parole. […]   Il faut entendre le mot barbare dans le sens de l’auteur. […] Je vous demande pour mon petit-fils la même fidélité… Je sens que je m’attendris et que je vous attendris aussi.

2143. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Du moins, il sait « ce qu’il faut d’amertume à la gaieté pour qu’elle ait un sens et à la tendresse pour qu’elle soit profonde ». […] S’ils la prouvaient, ils ne tiendraient pas parole : c’est en manquant de preuves qu’ils ne manquent pas de sens !  […] Mais, en un autre sens, nous ne mourons pas seuls. […] — je ne sens point qu’il ait passé par des péripéties où mon libertinage (peut-être) l’eût accompagné. […] Nous n’appellerons pas amour, au sens un peu joli et tendre qu’a ce mot, la liaison si longue, charnelle et horrible qui lui associa cette demi-négresse, Jeanne Duval.

2144. (1876) Romanciers contemporains

Or il suffit d’un peu de goût et de sens pour condamner de tels écarts. […] Tout porte, et le moindre détail qui, à une première lecture, aura semblé insignifiant, vous apparaît à la seconde, chargé de sens et ayant vraiment sa raison d’être. […] Sans doute il y a à la fois dans cette coutume un sens philosophique et une pensée touchante. […] Toujours, chez lui, un sens droit et juste dirige la gaieté et la préserve des écarts du paradoxe. […] Les démonstrations scientifiques, quand elles sont clairement mises à sa portée, plaisent à son sens droit.

2145. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Non, ce n’est pas cela, c’est que je suis désespérée toutes les fois que je veux faire comprendre ce que je sens !! […] Je me sens bien ici. […] C’est dans ce sens-là que je place Aïda plus haut que toutes les musiques du monde. […] Maintenant voici mes idées à moi pour que vous sachiez dans quel sens marcher. […] Mais malgré tout je sens le besoin de me retremper au sein de la civilisation et de la peinture.

2146. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Au théâtre, devant des spectateurs réunis en grand nombre et mêlés, l’effet de ce drame, à la fois si lugubre et si animé, est irrésistible ; l’âme est remuée dans ses dernières profondeurs, en même temps que l’imagination et les sens sont occupés et entraînés par un mouvement extérieur continu et rapide. […] « Fénicia, accablée de cet affront, s’évanouit et ne reprend ses sens qu’au bout de sept heures. […] Quoi de plus vrai que l’amour de Roméo et de Juliette, cet amour si jeune, si vif, si irréfléchi, plein à la fois de passion physique et de tendresse morale, abandonné sans mesure et pourtant sans grossièreté, parce que les délicatesses du cœur s’unissent partout à l’emportement des sens ! […] Admirable trait de sens moral et de bon sens dans le génie adonné à peindre la passion ! […] Naturellement, Shakspeare ne se passionne pour aucun de ses personnages ; nulle part, peut-être, il n’est entièrement sérieux ou entièrement comique ; mais c’est ici surtout qu’il s’est fait un jeu du caprice de ses idées, et qu’il semble avoir voulu donner un double sens à sa composition.

2147. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Ce qui indisposa davantage les esprits contre Rome, c’est que, parmi ces cent & une propositions, plusieurs sembloient renfermer le sens le plus innocent & la morale la plus pure. […] Quelques évêques se sont encore déclarés pour règle de foi ; mais l’archevêque de Sens, M. […] Malheureux par elle depuis, il auroit pû prendre, dans un autre sens, le titre de poëte repentito. […] Cette réfutation, dénuée de sens & de bonnes raisons, ne pouvoit être plus remplie de bévues & d’injures grossières. […] On veut que, dans l’intervalle de temps de sa mineure à sa majeure, il ait tenu des propos dont on n’a bien vu le sens que par la suite.

2148. (1813) Réflexions sur le suicide

Un Français disait de Vous, Monseigneur, que Vous réunissiez la chevalerie du républicanisme à la chevalerie de la Royauté : en effet, dans quelque sens que la générosité puisse s’exercer, elle Vous est toujours native. […] -C. que l’explication du sens inconnu de la douleur. […] L’homme de génie qui se sert lui-même aux dépens du bonheur de la race humaine, de quelques facultés éminentes qu’il soit doué, n’agit jamais que dans le sens de l’égoïsme ; et sous ce rapport le principe de la conduite de tels hommes est le même que celui des animaux. […] Enfermée dans cette tour je vis de ce que je sens, et ma conduite morale et religieuse ne consiste que dans les combats qui se passent en moi-même.

2149. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Il y a de lui trois paroles fameuses, d’un très beau sens, et qui, continuellement citées, entretiennent sa mémoire dans un éternel renouveau. […] Quand il écrivait ce vers : Entre le pauvre et vous vous prendrez Dieu pour juge, il en concevait tout le sens. […] Son sens historique devait l’y amener : car le darwinisme, c’est — provisoirement — le vrai nom de l’histoire, c’est l’histoire même. […] De là sa compétence et son acuité dans la description d’un monde dont la grande occupation est l’amour et en qui l’excitation artificielle et continue des sens aboutit volontiers aux énigmatiques névroses.

2150. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Retourner en tous sens une péripétie et l’allonger à perte de phrase, sans autrement s’inquiéter de la vraisemblance et de la concordance des détails, n’était qu’un jeu pour ce roi des faiseurs. […] Il est hors de doute pour nous, que leur public une fois débarrassé des médiocrités qu’on lui sert de toutes mains, prendrait facilement l’habitude d’une moyenne d’inspiration, où l’aventure et la mêlée des classes sociales, qui l’intéressent essentiellement, tiendraient encore une large place, mais d’où ne seraient pas exclus l’observation, l’humour et le sens de l’humanité. […] Mais le contact avec un vrai public, complet, humain, hommes et femmes, bourgeois et peuple, est peut-être nécessaire à nos romanciers pour qu’ils fassent œuvre vraiment populaire (au meilleur sens du mot) et sociale. […] Monsieur, Je ne suis qu’un pauvre petit instituteur de campagne, ayant pour principal souci l’éducation et l’instruction d’un groupe d’enfants du peuple au milieu desquels je me sens heureux.

2151. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Nulle part le génie grec n’a déployé un sens plus exquis des analogies naturelles que dans la création de ce cycle ondoyant de divinités. […] » — « Non, pas avant que je sois délivré de ces chaînes. » Ce secret dont Eschyle donnait le mot dans le dernier drame de sa trilogie, nous est révélé par Pindare ; il provient sans doute d’une légende ancienne dont le sens reste à moitié perdu. […] Ces dieux, qu’il chantait et qu’il adorait, le Grec sentait vaguement qu’il les avait faits, qu’il les avait tirés de sa conscience plus ou moins lucide des lois de la vie, qu’ils n’étaient en somme que les figures idéales des rêves de sa pensée et des éblouissements de ses sens. […] La nuée que le vent modèle et décompose en tous sens, le ton du ciel et de l’eau que l’heure rehausse ou dégrade, n’ont pas de nuances plus changeantes, d’aspects plus divers.

2152. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Parvenu au sommet de la gloire et des honneurs, sa rigueur implacable redoubla dans le même sens. […] Le savant… S’il faut entendre par science l’investigation en tous sens de la nature et la fixation progressive de ses lois, personne n’essayera de nous contredire, si nous affirmons que Bossuet professa toujours pour un aussi vain et insolent savoir le plus orgueilleux mépris qu’il soit possible à un catholique de concevoir pour tout ce qu’enfantent la terre et l’homme. […] …‌ « … Les plus sages catholiques et les mieux informés, les gouverneurs, les intendants… témoignent que, ni pour les mœurs, ni pour l’instruction, les catholiques ne soutenaient la comparaison avec les protestants, ni les prêtres avec les ministres… En ce sens, les protestants persécutaient, humiliaient le clergé. […] Je découvre dans cette médaille, un sens qui dut échapper aux hommes d’alors.

2153. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Appréciant d’ailleurs en homme de sens toutes les difficultés et les causes de ruine, il ne voit d’autre remède que de renoncer promptement à ce qui a été entrepris si à la légère. […] Il présente au Conseil un mémoire en ce sens, pour prouver la nécessité d’une seule et principale direction.

2154. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Ces grands noms que vont répétant les échos futurs, une fois livrés au tourbillon des âges, ne sont bientôt plus, si l’on n’y prend garde et si l’histoire authentique ne s’y oppose pas, que des espèces de bouts-rimés que chacun tire à soi, remplit à son gré, et sous lesquels on met un sens, des idées, des intentions que le plus souvent le personnage n’a jamais eus. […] Le père de Sully était de la religion réformée : homme de sens et de prudence, il prévit que, « si ces noces se faisaient à Paris, les livrées en seraient bien vermeilles ».

2155. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Mais lorsque ces sentiments qui, à des degrés différents, sont plus ou moins ceux de toute jeunesse, continuent de s’exalter à des époques où il suffirait d’améliorer et de vivre sans avoir à régénérer, il importe qu’on les contienne et qu’on les détourne sans y trop abonder et sans y donner jour en tous sens : autrement la vie sociale ne serait qu’une révolution continuelle, et chaque génération, en y entrant, ferait explosion à son tour. […] Il n’assista pas aux premiers actes mémorables ni à la séance du Jeu de paume, où David d’ailleurs a bien fait de le placer : on sait d’avance en quel sens il aurait marché, et, dès son entrée, il prit rang dans l’Assemblée à côté des plus actifs et des plus utiles, et comme le premier lieutenant de Sieyès.

2156. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

. — Il n’a rien du cri haletant de Montesquieu abordant le rivage ; il n’en avait pas eu non plus les élans, les découvertes d’idées en tous sens et le génie. […] Il a de charmantes lettres en ce sens, adressées à son ami lord Sheffield82, encore engagé dans la mêlée, et le plus souvent pour le railler agréablement, pour le plaindre d’être toujours dans ce Pandaemonium de la Chambre des communes.

2157. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

En général, et je l’ai déjà remarqué, Mme de Sévigné comprend peu Madame et ne se donne pas la peine d’entrer dans le sens de cette nature si peu française. […] Je serai toujours ravie de les apprendre par vous, madame, pour qui je me sens à cette heure, une véritable amitié fondée sur une grande estime. » Fière comme l’était Madame, il n’y avait pour elle, après une telle démarche et un rapprochement aussi pénible dans son principe, qu’à devenir l’amie intime et cordiale de Mme de Maintenon, ou son ennemie irréconciliable.

2158. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Tes paroles indistinctes semblent comme un langage murmuré dans un rêve ; pourtant elles me charment, quel qu’en soit le sens, ma Marie ! […] Viens lui parler de devoir, de convenance, lui dire combien la vérité morale est aimable, combien le sens moral infaillible… Ne t’épargne pas sur ce sujet… Déploie toutes tes facultés de déclamation et d’emphase à la louange de la vertu… Pousse ta prose éloquente jusqu’à surpasser l’éclat de la poésie… Il y manque toujours une toute petite parole à voix basse, que Celui-là seul peut prononcer de qui le verbe atteint d’un coup son plein effet, et qui dit aux choses qui ne sont pas d’être, et elles sont à l’instant.

2159. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Dans cette atmosphère ardente qui n’avait pas été suffisamment travaillée en mille sens contraires, qui n’avait pas déchargé tous ses orages, et que de nombreux courants d’indifférence ne traversaient pas, il s’agissait bien de tolérance ! […] Le cardinal, au contraire, regardant d’un cœur assuré toute cette tempête, dit au roi : […] On a, en cet endroit, un de ces discours indirects, développés, comme le cardinal aime à les coucher sur le papier, où il déroule toutes les considérations en divers sens, non sans quelque complaisance et en s’écoutant un peu, mais avec tant de clarté, d’élévation, d’étendue et de justesse, qu’on lui sait gré de sa disposition communicative et qu’on l’en admire davantage.

2160. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Et ici je rencontre un nouvel et tout à fait imprévu adversaire et contradicteur, un juge sévère du glorieux général qui va sauver la France, et, avant d’aller plus loin, je sens le besoin de l’écarter, — je voudrais pouvoir dire, de le concilier : ce n’est rien moins que l’archevêque de Cambrai, Fénelon. […] Lui, il avait l’air de la désirer beaucoup et de vouloir qu’on la lui permît, qu’on la lui ordonnât ; mais il était lui-même trop homme de sens pour l’engager à la légère.

2161. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Je me figure en imagination Richelieu vivant, toujours présent : il aurait demandé à l’Académie son avis sur Phèdre par exemple, sur Athalie, au lendemain même des premières représentations de ces pièces fameuses, et dans le vif des discussions qu’elles excitèrent ; il l’aurait demandé et voulu avoir sur tout ce qui aurait fait bruit dans les lettres, et qui aurait soulevé en divers sens les jugements du public. […] ce sont là d’autres questions, et quand je dis que l’Académie en cela n’a pas rempli toute sa vocation et n’a pas pleinement agi dans le sens indiqué par son fondateur, je ne la blâme nullement.

2162. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

En tombant du carrosse royal, je versais sur un tas de pierres ; je m’en sens tout meurtri encore. […] Il se livra souvent à des projets de remaniement en ce sens, et il ne réussit point à les réaliser dans son passage au ministère des Affaires étrangères.

2163. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Un autre témoin fort digne d’être écouté à son sujet, Dutens, un esprit sérieux et solide, le premier éditeur complet de Leibnitz, Anglais d’adoption et de jugement, qui avait visité les principales Cours d’Europe et qui avait en soi bien des termes de comparaison, a parlé de ce prince dans le même sens que le président Hénault : « M. le prince de Conti était l’un des plus aimables et des plus grands hommes de son siècle : il avait la taille parfaitement belle (il dérogeait par là notablement à la race des Conti, qui avait la bosse héréditaire), l’air noble et majestueux, les traits beaux et réguliers, la physionomie agréable et spirituelle, le regard fier ou doux, suivant l’occasion ; il parlait bien, avec une éloquence mâle et vive, s’exprimait sur tous les sujets avec beaucoup de chaleur et de force ; l’élévation de son âme, la fermeté de son caractère, son courage et sa capacité sont assez connus en Europe pour que je me dispense d’en parler ici. […] Des hommes de sens, de goût et de littérature, s’accoutumeront d’eux-mêmes à fréquenter votre maison.

2164. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Il faut donc en prendre son parti et laisser faire les curieux, les laisser courir et battre la campagne en tous sens à leur guise, sauf ensuite à distinguer et à choisir dans ce qu’ils nous rapporteront. […] C’est en ce sens qu’il répondit d’abord aux jurats de Bordeaux qui, en lui annonçant sa nomination, le priaient instamment de venir y faire honneur.

2165. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

. — Et dans une autre lettre du 10 août, Tessé indiquant les mouvements en sens divers et les incertitudes multipliées de Catinat, allait jusqu’à dire : « Le pauvre Pleneuf [le munitionnaire] fait au-delà de l’imagination ; mais les ordres changent trois fois dans un jour ; encore si le bon maréchal voulait se faire servir ou se laisser servir, patience ! […] Il avait de l’esprit, un grand sens, une réflexion mûre ; il n’oublia jamais le peu qu’il était.

2166. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Des mots terribles échappent de temps en temps à la plume de Marie-Thérèse, adjurant sa fille et la pressant de se corriger ; je sais qu’il n’y faut pas attacher un sens qu’ils n’ont pas et qu’ils ne pouvaient avoir au moment où elle les écrivait ; l’histoire aussi a ses superstitions rétrospectives, dont un esprit juste doit se garantir. […] Cette Correspondance judicieuse vient avertir à temps de ne point pousser les choses à l’extrême et de cesser d’exagérer dans le sens poétique ou chevaleresque.

2167. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Qui m’eût dit que M. de Mirabeau était le seul homme dans mon sens, qu’il voulait ce que je voulais, ce que j’avais tant et si inutilement conseillé ? […] L’autre incident, qui fit événement dans l’Assemblée et qui est resté mémorable, fut sa motion (15 août 1790) pour le rappel à Paris de l’abbé Raynal, frappé depuis 1781 par un arrêt du Parlement, et le singulier remerciement qu’adressa ensuite l’abbé Raynal à l’Assemblée dans le sens et par le conseil de Malouet.

2168. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Jomini écrivit à l’instant à l’Empereur une lettre dont on n’a pas le texte, mais dont le sens était « qu’ayant pris la carrière des armes dans l’espoir qu’un jour il mériterait la bienveillance du plus grand capitaine du siècle, et qu’ayant eu l’honneur de lui être attaché pendant plus d’un an, il ne pouvait continuer à servir dans la position que l’on venait de lui faire, et qu’il demandait à se retirer dans ses foyers. » — Je continue avec le récit du colonel Lecomte : « Le dimanche suivant, Jomini se rendit à Fontainebleau pour assister à la réception d’usage et à la messe, espérant avoir une solution. […] il y a plus d’une manière de l’entendre ; mais ici, au sens de Jomini, le feu sacré, c’est la science et l’amour du bel art : montrer ce qu’on peut et ce qu’on vaut par une application des principes de la grande guerre.

2169. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Quiconque, à une heure triste, recueille, en passant sur la grève, ces accents éperdus, ces notes errantes et plaintives, se surprend bien des fois, longtemps après, à les répéter involontairement, à l’infini, sans suite ni sens, comme ces mots mystérieux que redisait la folie d’Ophélia. […] Le rhythme serré a remplacé les vers libres, dont l’usage était familier à Mme Valmore ; enchâssées là dedans, parsemées de paillettes étrangères et d’un brillant minutieux, les ellipses de la pensée échappent, se dérobent davantage, et de là cette obscurité de sens au milieu et à cause du plus de couleur.

2170. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Encore à présent, je sens bien qu’entre l’amour et la dévotion il n’y a qu’un cheveu d’intervalle, et cependant je ne puis le franchir. […] Le sens qu’il donne à ce mot est celui d’idéalisation, d’ennoblissement, de quintessence des choses réelles ;… leur traduction au clair de lune, en quelque sorte.

2171. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Un intendant748 écrit que, dans sa province, le gouvernement doit opter, et opter dans le sens populaire, se détacher des privilégiés, abandonner les vieilles formes, donner au Tiers double vote. […] En 1777750, près de Sens en Bourgogne, le procureur général M. 

2172. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Le peuple s’étonna comme il se pouvait faire     Qu’un homme seul eût plus de sens     Qu’une multitude de gens. […] Il faut que nos sens soient émus pour que notre âme soit émue.

2173. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Cette connaissance a sa fin en elle-même… Il voit la naissance des idées, leur développement, leur combinaison, les impressions des sens aboutir à des émotions et à des raisonnements, les états de conscience toujours en voie de se faire et de se défaire, une compliquée et changeante végétation de l’esprit et du cœur. […] » Toutes ses enquêtes sur les sentiments originaux de ses contemporains lui servent à rechercher en même temps le sens et le but de la vie.

2174. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

L’acte du milieu reste seul, c’est-à-dire le moins dramatique, au sens actif et violent du mot. […] je me sens folle d’épouvante !

2175. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Les juges qui la condamnèrent furent atroces, et l’évêque de Beauvais qui mena toute l’affaire joignit à l’atrocité un artifice consommé ; mais ce qui frappe surtout aujourd’hui, quand on lit la suite de ce procès, c’est la bêtise et la matérialité de ces théologiens praticiens qui n’entendent rien à cette vive inspiration de Jeanne, qui, dans toutes leurs questions, tendent toujours à rabaisser son sens élevé et naïf, et qui ne peuvent parvenir à le rendre grossier. […] À cette vue, un Troyen savant dans les augures, Polydamas, s’approche d’Hector, et, lui expliquant le sens du présage, lui conseille de s’éloigner de ce camp, qu’il considérait déjà comme sa proie.

2176. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

On y voit à nu cette nature purement spirituelle, qui était comme dépourvue de la plupart des sens et des impressions ordinaires au commun des hommes, et qui de bonne heure, se gouverna dans la vie en vertu du principe de la moindre action. […] Totalement dénué de la forme poétique idéale supérieure et de cette richesse des sens qui en est d’ordinaire l’accompagnement et l’organe, il parle de la poésie en toute occasion comme ferait son ami La Motte, c’est-à-dire comme un aveugle des couleurs.

2177. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Sa raison faisait preuve de solidité dans ses jugements ; ses saillies les plus folles recouvraient souvent un grand sens. […] Il fit en ce sens quelque plaisanterie qui ne fut pas très bien reçue.

2178. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Un jour qu’il cherchait un mot, une acception pour son Lexique roman, un de ses jeunes travailleurs, qui était d’Abbeville, entra, et, entendant de quoi il était question, trouva le sens aussitôt. — « Ah ! […] « Quel trouble impétueux s’élève dans mes sens ! 

2179. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

En parcourant en bien des sens le champ du xviiie  siècle, j’ai mainte fois rencontré le grand nom et l’imposante figure de Montesquieu, et je ne m’y suis pas arrêté. […] Dans les Lettres persanes, Montesquieu, jeune, s’ébat et se joue ; mais le sérieux se retrouve dans son jeu ; la plupart de ses idées s’y voient en germe, ou mieux qu’en germe et déjà développées : il est plus indiscret que plus tard, voilà tout ; et c’est en ce sens principalement qu’il est moins mûr.

2180. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Si quelque chose m’a déplu en lui, ce sont les louanges exagérées qu’il a données à mes talents, et que je sens à merveille que je ne mérite pas. […] Mme d’Épinay, qui était surtout douée d’une droiture de sens fine et profonde, appréciait cette sûreté de tact à son prix : « Il ne me reste aucun doute lorsque M. 

2181. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Je pourrais, en citant, donner de jolis mots qui s’y rencontrent ; mais c’est le sens même et la suite qui fait le prix de ce délicieux morceau ; voici quelques traits pourtant : Son esprit, dit-il de Montaigne, a cette assurance et cette franchise aimable que l’on ne trouve que dans ces enfants bien nés, dont la contrainte du monde et de l’éducation ne gêna point encore les mouvements faciles et naturels… Les vérités (dans son livre) sont enveloppées de tant de rêveries, si j’ose le dire, de tant d’enfantillages, qu’on n’est jamais tenté de lui supposer une intention sérieuse… Sa philosophie est un labyrinthe charmant où tout le monde aime à s’égarer, mais dont un penseur seul tient le fil… En conservant la candeur et l’ingénuité du premier âge, Montaigne en a conservé les droits et la liberté. […] Grimm est classique en ce sens que, pour ce qui est de l’imagination et des arts, il croit un seul grand siècle dans une nation.

2182. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Le doute méthodique de Descartes est une bonne chose pour tout le monde ; l’analyse des erreurs des sens et de l’imagination est aussi vraie pour Helvétius qu’elle l’est pour Malebranche ; les sentiments moraux ont été analysés par les Écossais d’une manière que toute école peut admettre ; ainsi de la méthode inductive dans Bacon, de la théorie du langage dans Locke et Condillac, de la théorie de l’habitude dans Maine de Biran, etc. […] Par exemple, s’il y a quatre systèmes fondamentaux, comme on l’a dit, — le mysticisme, le scepticisme, le sensualisme, l’idéalisme, — on exclura les trois premiers comme faux, le quatrième seul étant le vrai ; mais l’idéalisme lui-même étant une expression vague qui réunit les systèmes les plus contraires, à savoir l’idéalisme de Plotin et celui de Hegel, celui de Platon et celui de Descartes, on fera encore un choix entre toutes ces formes de l’idéalisme, et on finira par se limiter au pur spiritualisme, entendu dans le sens le plus précis, mais aussi le plus étroit.

2183. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Et l’écrivain qui les a décrits, ces horizons et ces environs, avec le sens et le goût des choses divines, qui est-il ? […] Être original dans le sens profond du mot ; et, après l’avoir pensé, bâtir un livre dans la puissance équilibrée de son harmonie, voilà le signe de la virilité en littérature, et nulle femme ne l’a ni ne peut l’avoir.

2184. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Le ridicule de Saint-Simon, pour nous autres révolutionnaires, ce sont ces questions d’étiquette dont l’esprit moderne ne comprend pas plus le sens que la portée… Et, en effet, l’étiquette comme le blason, ces deux langues mortes, qu’on ne parle plus, n’en furent pas moins deux langues superbes… L’étiquette et le blason, méprisés maintenant par les polissons de notre âge, symbolisaient des choses sur lesquelles a vécu des siècles la plus ancienne des monarchies connues, et Saint-Simon est le dernier historien de cette monarchie, dont son grand esprit pressentait la ruine prochaine, et qu’il défend avec le courage et l’acharnement de l’épouvante, car il savait qu’il ne la sauverait pas ! […] Mais, avant Louis XIV, on ne les y avait pas vus nés d’un double adultère et légitimés… ce qui était insensé et stupide, même dans les mots ; car légitimer est un mot qui n’a pas de sens !

2185. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Henri Heine est un génie éminemment tendre, nuancé des plus ravissantes et (dans le sens religieux) des plus divines mélancolies, chez qui le sourire et même le rire trempent dans les larmes, et les larmes se rosent de sang… C’est une âme d’une si grande puissance de rêverie et d’un désir si amoureux du bonheur, que l’on peut dire qu’elle est faite pour le Paradis tel que les chrétiens le conçoivent, comme les fleurs sont faites pour habiter l’air et la lumière. […] Jamais moquerie d’un sens plus profond et d’une grâce plus humoristique n’a fait plus amusante main basse sur cette philosophie si populaire en Allemagne qui tue Dieu au profit de l’homme, et fait de Nabuchodonosor, avant l’herbe, la seule réelle divinité.

2186. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Je suis paresseux de corps, et d’ailleurs je ne me sens pas très compétent en ces sortes de questions.

2187. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Pour les gens du pays qui y reviennent par l’étude, il n’est rien de plus naturel et de plus aisé que de ressaisir le sens et le génie de l’ancienne langue.

2188. (1874) Premiers lundis. Tome I « [Préface] »

A ne prendre même au surplus ces notices, — ces esquisses que comme de purs témoins d’une époque, elles ont encore leur importance, en ce sens qu’elles ravivent, dans le monde de la littérature et du théâtre, certains épisodes autrefois bruyants, et qui n’ont pas cessé d’être piquants.

2189. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Il fallait bien pour l’historien, sous peine de se traîner, en pure perte, dans les détails des plus dégoûtantes atrocités, en venir à reconnaître les lois générales qui régissent les partis dans les temps de violence, sinon les énoncer en doctrine, du moins les sous-entendre dans l’exposition des faits, et en révéler le sens au lecteur par cette manière de traduction vivante et lumineuse.

2190. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Réception à l’Académie Française »

Si par malheur vous comprenez peu et que vous n’aimiez guère la poésie ; si vous n’avez pas reçu de la nature le sens délicat de la mélodie, le goût exquis du chant, et que vous vous trouviez embarrassé pour apprécier directement le mérite d’un poète, écoutez-le une demi-heure parler en prose ; et si sa prose est molle, vide d’idées, sans éclat, sa poésie court grand risque d’être elle-même pauvre, pâle et chétive ; osez-le ranger impitoyablement parmi les versificateurs.

2191. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Depuis deux ans, sans entrer dans la lice de la politique proprement dite, ce jeune philosophe et publiciste a labouré en tous sens, et avec une infatigable ardeur, le champ des idées sociales, du développement historique de l’humanité et de sa destinée probable au xixe  siècle.

2192. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Voilà, je le sens bien, une phrase peu digne.

2193. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

En second lieu, des termes simples, exacts, nus, peuvent former un style expressif et plein, par la précision même et la netteté du sens qui résulte de leur juste emploi, quand ils sont maniés par un homme qui pense et qui sait les employer à faire penser.

2194. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Les terminaisons latines sont tombées ; les mots se sont ramassés autour de la syllabe accentuée ; le sens des flexions s’est oblitéré, réduisant la déclinaison à deux cas.

2195. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Kahn, sa « vaste ambition », il se risque, bien témérairement à notre sens, à interdire au poète de l’avenir l’usage de la symbolique gréco-latine ; il effleure là des questions bien délicates d’atavisme et de culture, et nous devons faire toutes réserves de nos droits à disposer selon nos goûts de l’héritage aryen.

2196. (1890) L’avenir de la science « VII »

VII De même qu’au sein des religions une foule d’hommes manient les choses sacrées sans en avoir le sens élevé et sans y voir autre chose qu’une manipulation vulgaire ; de même, dans le champ de la science, des travailleurs, fort estimables d’ailleurs, sont souvent complètement dépourvus du sentiment de leur œuvre et de sa valeur idéale.

2197. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Nous autres, que beaucoup de circonstances ont tenus jusqu’ici en dehors de la grande arène du monde, nous avons des nerfs moins excités, un sens plus rassis.

2198. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VIII »

Snob, qui veut dire cordonnier, a pris pour eux le sens péjoratif qu’avait il y a quelques années le mot épicier.

2199. (1888) La critique scientifique « Appendice — Plan d’une étude complète d’esthopsychologie »

) a) Par répétition ; variation de la même idée en suites de phrases de sens identique.

2200. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Mais, à notre sens, un poëte complet, que le hasard ou sa volonté aurait mis à l’écart, du moins pour le temps qui lui serait nécessaire, et préservé, pendant ce temps, de tout contact immédiat avec les gouvernements et les partis, pourrait faire aussi, lui, une grande œuvre.

2201. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — La vision d’où est sorti ce livre (1857) »

* Tandis que je songeais, l’œil fixé sur ce mur Semé d’âmes, couvert d’un mouvement obscur Et des gestes hagards d’un peuple de fantômes, Une rumeur se fit sous les ténébreux dômes, J’entendis deux fracas profonds, venant du ciel En sens contraire au fond du silence éternel ; Le firmament que nul ne peut ouvrir ni clore Eut l’air de s’écarter.

2202. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Ils écrivirent qu’elles avoient mal pris le sens de son livre ; que le roman étoit une allégorie soutenue ; que, par cette rose, l’objet des vœux de l’amant, il falloit entendre la sagesse, ou l’état de grace, ou la sainte Vierge, ou bien l’éternelle béatitude.

2203. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

En ce sens, les groupements eurent leur utilité.

2204. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

J’ai préféré l’autre sens, comme plus littéral et plus énergique.

2205. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Toutes les opinions sur les âmes des morts, qui me touchent ou qui me flattent, je les embrasse ; et il me semble, dans ce moment, que je vois l’ombre de notre cher La Grange errer autour de votre lampe, tandis que vos nuits se passent soit à compléter ou éclaircir son ouvrage, soit à rapprocher en cent endroits sa traduction du vrai sens de l’original.

2206. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Quintilien explique si bien la nature et l’usage des images et des figures dans les derniers chapitres de son huitiéme livre, et dans les premiers chapitres du livre suivant, qu’il ne laisse rien à faire que d’admirer sa penetration et son grand sens.

2207. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Ils ont voulu arrêter nos sens sur les objets destinez à toucher notre ame.

2208. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Quintilien, que sa profession obligeoit d’étudier le caractere des enfans, parle avec un sens merveilleux sur ce qu’on appelle communément des esprits tardifs et des esprits précoces.

2209. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

Ceci n’a pas beaucoup de sens.

2210. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Deux amants qu’attache l’un à l’autre une passion profonde et légitime, et que va rendre ennemis la loi du devoir filial et de l’honneur domestique ; Rodrigue aimant Chimène, mais forcé de venger l’affront de son père dans le sang du père de sa maîtresse ; Chimène forcée de haïr celui qu’elle aime, et de demander sa mort, qu’elle craint d’obtenir ; Rodrigue, tout plein des grands sentiments qui feront bientôt de lui le héros populaire de l’Espagne ; Chimène, héritière de l’orgueil paternel, fière Castillane, qui veut se battre contre Rodrigue avec l’épée du roi ; ce roi, si plein de sens et d’équité, image de la royauté de Salomon, par sa modération, par sa connaissance des hommes, par sa justice ingénieuse : les deux pères si énergiquement tracés ; le comte, encore dans la force de l’âge, qui a été vaillant à la guerre, mais qui se paie de ses services par le prix qu’il en exige et par les louanges qu’il se donne ; le vieux don Diègue, qui a été autrefois ce qu’est aujourd’hui le comte, mais qui n’en demande pas le prix, et ne s’estime que par l’opinion qu’on a de lui ; le duel de ces deux hommes, si rapide, si funeste, d’où va naître entre les deux amants un autre duel dont les alternatives seront si touchantes ; Rodrigue, après avoir tué le comte, défendant son action devant Chimène, qui n’en peut détester le motif, puisque c’est le même qui l’anime contre Rodrigue ; la piété filiale aux prises avec l’amour ; l’ambition désappointée ; l’idolâtrie de l’honneur domestique ; des épisodes étroitement liés à l’action ; un récit qui nous met sous les yeux le sublime effort de l’Espagne se débarrassant des Maures, d’un pays rejetant ses conquérants : quel sujet ! […] Quelle nouveauté, en effet, même après Malherbe, que ces vers si pleins, si nerveux, où la rime enfonce le sens, et cette propriété, cette force, après la fadeur romanesque des poésies du temps ! […] On sait d’ailleurs, par l’anecdote de Baron, lui demandant le sens de quelques vers de Tite et Bérénice, qu’il ne se reconnaissait pas toujours dans ses propres ténèbres, et qu’il l’avouait avec candeur.

2211. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Le fabricateur de livres, encore capable d’en fabriquer, dans sa lecture, ne se départ jamais, et cela tout naturellement, d’un certain sens critique. […] » Mercredi 12 avril Je suis tellement souffrant, en cette fin de mars et ce commencement d’avril, je me sens si près de mourir, tous les ans, pendant la semaine sainte, que parfois je me demande si la mort du Christ n’est pas une allégorie, et si la Passion, avec ses racontars légendaires, n’est pas une personnification, à la manière antique, de l’influence homicide du vent du Nord-Est, sur le renouveau des corps et des êtres. […] Il faut pour faire quelque chose de bon littérairement, que tous les sens soient des fenêtres grandes ouvertes.

2212. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Mithridate ; point de ce retour éternel & rebutant des mots crime, forfaits, vertu, amour, jalousie, désespoir, fureur, vengeance, tendresse, poison, fer & poignard ; point de ces vers boursoufflés & vuides de sens, tels que ceux-ci : Tu ne sçaurois penser jusqu’où ma barbarie, De ma jalouse erreur, a porté la folie. […] La parodie consiste à détourner le vrai sens d’une pièce, pour en substituer un communément malin, ironique & bouffon. […] C’est parodies que de copier, d’après quelque poëte connu, un ou plusieurs vers ; soit en n’y changeant rien ou en y faisant quelque léger changement, mais toujours en les présentant de manière qu’il en résulte un tout autre sens que celui de l’original.

2213. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Cette scène, que j’accepterais sans bégueulerie si elle était passée aux flammes de la passion, purificatrices comme le feu, mais que j’accuse de la plus dégoûtante indécence, est surtout impossible par la raison que toute femme assez affolée pour, comme la femme de Putiphar, déchirer le manteau d’un homme, oublie tout, quand la terrible furie de ses sens l’emporte, ne songe point à parler alors, comme un vieux et froid faiseur d’éroticum, d’Amphitrite qui s’est livrée au cyclope, d’Urgèle qui s’est livrée à Bugryx, de Rhodope qui a aimé Phtah (l’homme à la tête de crocodile), de Penthésilée, d’Anne d’Autriche, de madame de Chevreuse, de madame de Longueville, et ne se livre pas, en ce moment décisif et décidé, au plaisir érudit de faire, qu’on me passe le mot ! […] Ollivier, absolument irréprochable… S’il ne fut pas un saint dans le sens rigoureux et glorieux du mot, il fut, au moins, un prêtre exemplaire, au niveau des plus hauts devoirs par le caractère et par les facultés, et tellement le contraire, en tout, de ce qu’on sait, que pour ne pas rester hébété devant ce phénomène il faut revenir au mot fameux de de Maistre : que depuis plus de deux cents ans c’est une conspiration organisée contre la vérité que l’Histoire ! […] Et ce n’est pas seulement un héros dans le sens le plus fier et le plus idéal du mot, mais c’est de plus l’homme d’État qui voit le mieux dans les nécessités du temps, et qui a raison — absolument raison !

2214. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Avant lui, un autre romancier distingué de Madrid, Pedro Antonio de Alarcon, catholique celui-ci, au vrai sens du terme, touchait à une situation de ce genre dans son Escandalo. […] je sens pousser des ailes de corbeau Depuis que j’ai tâté d’une chair de voirie ! […] Voici plusieurs jours que je me sens malade : peut-être me servira-t-il bientôt ? […] Je n’ai pas ce pain sacré de l’âme, Et je me sens haïr et je me vois infâme. […] FANETTE Moi, au fond de mes veines, — je sens l’amour croître, et croître de mes peines ; m’aimes-tu ainsi, jeune homme ?

2215. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Et dans ce sens, nous pouvons le considérer comme un des continuateurs de la Réforme en France. […] Son caractère est de subordonner les sens à l’esprit, et de tendre, pair tous les moyens que la raison avoue, à élever et à grandir l’homme. […] Son livre est néanmoins une fort agréable lecture qui n’empêchera personne en France de se renseigner plus exactement sur les chefs d’œuvres de la littérature allemande, et qui pourra même servir d’encouragement dans ce sens. […] Aux rives enchantées, Je me sens attiré par le parfum des fleurs, Quand j’ouvre sur les flots mes ailes argentées Aux rayons d’un beau jour peint de mille couleurs. […] Je sens encor le mien jeune et vivace, Et bien des maux pourront y trouver place     Sur le mal que vous m’avez fait.

2216. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Cette loi, Alfred de Musset eut, à notre sens, le tort de la méconnaître. […] » Au même instant, je me sens enlevé, transporté par quinze gendarmes. […] » À ces mots, je me sens rassuré complètement. […] Son visage se penche sur le mien, féroce, épouvantable ; je sens la fétidité de son haleine courir sur ma figure ; sous prétexte de me fouiller, il me secoue, me pousse me bouscule. […] Je pourrai, je pourrai, Nixe horrible, Sirène, Secouer enfin la langueur De mes sens et purger, ô femme !

2217. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Le sens si clair de l’article qu’il défère au tribunal ; les faits précis du scandale dénoncé par Figaro ; les explications contenues dans ma lettre du 15 octobre, et, — devrai-je avoir besoin de le dire ?  […] Fiorentino a pris un terme moyen entre l’exagération en sens opposé de ses deux confrères. […] Pour nous autres Français, ce mot : école italienne a un sens précis il signifie, avant tout, la tradition et le passé de la musique en Italie. […] À la vérité, la Ristori n’est ici qu’un prétexte dont s’est servi l’écrivain pour écrire, à la suite des moralistes du dernier ordre, sur « la décadence du goût et la décadence des mœurs, le sens du beau qui se perd avec le sens du bien, etc. ». […] Muret n’est pas un feuilletoniste brillant, il a des qualités de critique estimables, un sens droit et, — ce qu’il faut priser par-dessus tout, — une rare indépendance.

2218. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

J’ai cru que ma femme devait assujettir ses manières à sa vertu et à mes intentions ; et je sens bien que, dans la situation où elle est, elle eût encore été plus malheureuse que je ne le suis si elle l’avait fait. […] L’amour que je sens pour cette jeune veuve Ne ferme point mes yeux aux défauts qu’on lui treuve ; Et je suis, quelque ardeur qu’elle m’ait pu donner, Le premier à les voir, comme à les condamner. […] Vous êtes donc bien tendre à la tentation, Et la chair sur vos sens fait grande impression ! […] L’amour qui nous attache aux beautés éternelles N’étouffe pas en nous l’amour des temporelles : Nos sens facilement peuvent être charmés Des ouvrages parfaits que le ciel a formés. […] Ma passion est venue à un tel point, qu’elle va jusqu’à entrer avec compassion dans ses intérêts ; et quand je considère combien il m’est impossible de vaincre ce que je sens pour elle, je me dis en même temps qu’elle a peut-être une même difficulté à détruire le penchant qu’elle a d’être coquette, et je me trouve plus dans la disposition de la plaindre que de la blâmer.

2219. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Dans le sens littéral du mot, il n’est pas douteux que le terme de sélection naturelle ne soit un contresens ; mais qui a jamais protesté contre les chimistes lorsqu’ils parlent des affinités électives des diverses substances élémentaires62 ? […] On pourrait tout au plus admettre ce transport entre les fleurs du même arbre, qui ne peuvent être considérées comme des individus distincts qu’en un sens très limité68. […] Nous faisons remarquer ici que le mot français : élection, que nous avions adopté dans notre première édition et qui est déjà adopté en chimie, était si bien équivalent au mot anglais sélection, que tout ce passage n’a plus de sens par l’adoption de ce dernier. […] J’emploierai, donc ici endémique dans le sens propre ou spécial à la race sans considération des milieux, aborigène comme signifiant une espèce que l’on peut croire créée dans une localité, pour elle ou par elle, parce qu’on ne l’avait pas encore trouvée autre part lors de la première exploration de la contrée ; indigène, pour les espèces qui se sont acclimatées dans un pays et y vivent librement à l’état sauvage, mais ne lui sont pas exclusivement propres. […] C’est pourquoi, en nous servant du terme aborigène, pour désigner les espèces spéciales à une contrée, nous lui laisserons un certain sens indéterminé à l’égard de l’origine de ces espèces, et nous garderons celui d’autochtone pour désigner les races que l’on sait historiquement ou par preuves certaines être natives d’une contrée particulière.

2220. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Rien ne l’ennuie de ce qui est dans le sens de son désir. […] En avançant dans la lecture de Gui Patin, nous verrons qu’il n’avait point sans doute l’esprit philosophique et méthodique dans le sens général du mot ; il n’est point à cet égard de la famille de Descartes, il est de ces esprits à bâtons rompus, si je puis dire, et qui ne vont pas jusqu’au bout d’une conséquence ; mais il a tout ce que le bon sens à première vue saisit et appréhende, et il le rend avec des jets de verve, avec des éclats de causticité qui sont amusants.

2221. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Ainsi notre combat est une victoire, et la plus belle que nous puissions remporter, puisqu’elle assure la subsistance du peuple… » Ce n’était une victoire que dans ce sens-là : autrement la défaite, bien que des plus disputées, était trop réelle ; mais il s’agissait de maintenir le moral de la nation à la hauteur nécessaire. — Dans la Réponse qu’il fit à la dénonciation venue de Brest en mai 1795, et où on l’accusait d’en avoir imposé à la France dans son Rapport sur le combat du 13 prairial, Jean-Bon n’opposait sur ce point que deux mots dignes et nets qui sentent l’homme vrai, sûr de lui-même ; on ne devrait pas omettre non plus cette partie de la Réponse dans les pièces du procès. — Le petit recueil que nous réclamons, avec un résumé sensé et simple, sans exagération ni faveur, aurait pour avantage, toutes dépositions entendues, de clore le débat sur une question déjà bien avancée ; le fait de la glorieuse bataille du 1er juin et de la part honorable qu’y prit Jean-Bon se présenterait désormais aussi entouré d’explications et aussi appuyé de témoignages qu’un fait de guerre peut l’être32. […] Il écrivait au ministre de l’intérieur, Chaptal, le 26 fructidor an X (12 septembre 1802), déterminant lui-même le sens dans lequel il entendait ¡’accomplissement de ses devoirs : « Citoyen ministre, Votre lettre du 19 de ce mois me rappelle l’époque fixée par les Consuls pour la cessation des fonctions du commissaire général dans ces départements, et me trace la marche que je devrai suivre dans l’exercice de celles de préfet du Mont-Tonnerre.

2222. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Dans un charmant portrait, terre cuite, du sculpteur Le Moine, appartenant à notre excellent peintre Jadin, il m’est permis de voir, d’examiner en tous sens cet agréable et piquant visage : tout est riant, animé ; l’éclat du teint devait achever la grâce ; mais il y a ce nez dont il a déjà été plus d’une fois question, et qui inquiète ; on se demande comment il était : c’est un nez assez prononcé et qui, selon la remarque d’un fin physionomiste, promet déjà celui de Louis XVI. […] A l’âge de cinquante-quatre ans, il semblait jeune encore et nageait dans la plénitude des pensées et des sens.

2223. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Il n’est donc peut-être plus permis de dire que les gens de lettres sont, non pas indisciplinables, mais trop disciplinés, et que la coalition en ce sens aurait d’étranges conséquences. […] Les ressources sont grandes, mais elles tournent aisément en sens contraire si on ne les rallie.

2224. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

C’est le cas de dire avec Prascovie elle-même, lorsqu’après son succès inespéré, étant un jour conduite au palais de l’Ermitage, et y voyant un grand tableau de Silène soutenu par des bacchantes, elle s’écrie avec son droit sens étonné : « Tout cela n’est donc pas vrai ? […] Ainsi, par exemple, quand il nettoie machinalement le portrait, et que son âme, durant ce temps, s’envole au soleil, tout d’un coup elle en est rappelée par la vue de ces cheveux blonds : « Mon âme, depuis le soleil où elle s’était transportée, sentit un léger frémissement de plaisir ;… » en imposer pour imposer ; sortir de sa poche un paquet de papier… Mais c’est assez : je tombais l’autre jour sur une épigramme du spirituel poëte épicurien Lainez, compatriote du gai Froissart et contemporain de Chapelle, qu’il égalait au moins en saillies ; il se réveille un matin en se disant : Je sens que je deviens puriste ; Je plante au cordeau chaque mot ; Je suis les Dangeaux à la piste ; Je pourrais bien n’être qu’un sot.

2225. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

On a depuis fort abusé de la prime, chaque grand auteur l’a exigée ; mais dans le principe, comme toutes choses, elle avait un sens. […] Il la taille au besoin, il la rogne en bien des sens ; mais comme c’est à la mode du jour, comme c’est dans le goût de la dernière saison comme Mlle Palmire, si elle faisait au moral, ne couperait pas mieux, tout passe, et on fait mieux que laisser passer, on applaudit.

2226. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

L’un voulait commander l’avenir, l’autre se borne à connaître les hommes. » Pronostic si plein de sagacité et de sens ! […] sOn l’a très-bien remarqué, M. de Barante arrive, procède volontiers sur toute chose, avec une théorie mesurée, qu’il présente aussitôt d’une manière agréable et succincte ; il est bien fidèle en cela au vrai sens de ce mot doctrinaire dont on a tant abusé.

2227. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

François Ier est assez ignorant, léger, superficiel : il semble qu’en fait d’art il ait eu surtout le sens du décor, surtout du décor mondain et fastueux. […] Il faut cependant se garder de tout excès et ne pas faire de Le Maire un précurseur de Ronsard : il ne mène qu’à Marot et, en un sens, si l’on veut, à Rabelais.

2228. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Puis, le romantisme a fait l’éducation artistique de Flaubert : du romantisme, il a retenu le sens de la couleur et de la forme, la science du maniement des mots comme sons et comme images ; de la seconde génération romantique, de Gautier et de l’école de l’art pour l’art, il a pris le souci de la perfection de l’exécution, la technique scrupuleuse et savante. […] Cette hallucination fantastique est sortie tout entière d’une patiente étude de documents ; de là, justement, la froideur de l’œuvre, et la fatigue qu’elle laisse : tellement l’auteur s’est mis en dehors de la vie contemporaine, tellement il a éliminé toute idée personnelle, toute conception philosophique, morale ou religieuse, qui eussent donné direction, sens et portée à ce splendide cauchemar.

2229. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

L’ame, indépendamment des plaisirs qui lui viennent des sens, en a qu’elle auroit indépendamment d’eux & qui lui sont propres ; tels sont ceux que lui donnent la curiosité, les idées de sa grandeur, de ses perfections, l’idée de son existence opposée au sentiment de la nuit, le plaisir d’embrasser tout d’une idée générale, celui de voir un grand nombre de choses, &c. […] Ces plaisirs sont dans la nature de l’ame, indépendamment des sens, parce qu’ils appartiennent à tout être qui pense ; & il est fort indifférent d’examiner ici si notre ame a ces plaisirs comme substance unie avec le corps, ou comme séparée du corps, parce qu’elle les a toûjours & qu’ils sont les objets du goût : ainsi nous ne distinguerons point ici les plaisirs qui viennent à l’ame de sa nature, d’avec ceux qui lui viennent de son union avec le corps ; nous appellerons tout cela plaisirs naturels, que nous distinguerons des plaisirs acquis que l’ame se fait par de certaines liaisons avec les plaisirs naturels ; & de la même maniere & par la même raison, nous distinguerons le goût naturel & le goût acquis.

2230. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Nous pouvons faire une application ironique et nouvelle de ce mot, en y sous-entendant la nécessité de réagir par le délicat, le précieux, le rare, contre les platitudes des temps présents ; même s’il était impossible de laver complètement le mot décadent de son mauvais sens, cette injure pittoresque, très automne, très soleil couchant, serait encore à ramasser, en somme !  […] Il déclarait voulues les défaillances de son impression et l’insuffisance de son papier, sous prétexte d’archaïsme, et comme il y avait presque autant de coquilles que de mots et que les errata eussent tenu trop de place, il proclamait non sans fierté : « Le Décadent ne fait jamais d’erratum pour une coquille, même quand le sens d’une phrase en serait dénaturé.

2231. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

On ne peut mieux faire saillir ce qu’avaient de naturel, de parfait, et même de juste dans un certain sens, cet esprit et cette parole prompte, qui était tellement chez soi au sein d’un monde artificiel. […] Il s’agissait de faire entendre à une Altesse Sérénissime qu’on était amoureux d’elle sans prononcer le mot d’amour, de retourner cette idée galante en tous sens, de simuler une ardeur contenue encore dans les termes du respect, d’obtenir d’elle des faveurs enfin.

2232. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Rien n’est piquant pour un instant comme de se reporter à ses premiers vers, aux éditions de ses premiers chants qui ont pour vignette une harpe, quand on vient de relire tout fraîchement les jolis feuilletons dans lesquels se joue, en un sens si différent, un talent également sûr, une plume ferme et fine, une de celles vraiment qui font le mieux les armes. […] Pour ceux qui, comme nous, ont la manie de chercher encore autre chose et mieux que ce qu’on leur offre, il reste à regretter que l’esprit, chez Mme de Girardin, si brillant qu’il soit, ait pris dès longtemps une prédominance si absolue sur toutes les autres parties dont se compose l’âme du talent, et qu’elle se soit perfectionnée comme écrivain dans un sens qui n’est pas précisément celui du sérieux et du vrai.

2233. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Elle se trompa en sens inverse à l’égard de l’abbé de Choisy, et elle lui donna, avec la gentillesse du visage, les goûts futiles de l’esprit et l’amour inné du miroir. […] Quand la balle me vient bien naturellement, et que je me sens instruit à fond de la chose dont il s’agit, alors je me laisse forcer et je parle à demi-bas ; modeste dans le ton de la voix aussi bien que dans les paroles.

2234. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

voilà mon supplice. » La vue de sa fille, Mlle de Blois, l’attendrit, mais sans l’ébranler : Je vous avoue que j’ai eu de la joie de la voir jolie comme elle était ; je m’en faisais en même temps un scrupule ; je l’aime, mais elle ne me retiendra pas un seul moment ; je la vois avec plaisir, et je la quitterai sans peine : accordez cela comme il vous plaira ; mais je le sens comme je vous le dis. […] Je me sens vivement pressée de répondre aux grâces qu’il me fait, et de m’abandonner absolument à lui.

2235. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Ce mot de libertinage, dans la langue du xviie  siècle, signifie toujours la licence de l’esprit dans les matières de foi, et c’est encore dans ce sens que le prend Mme de Lambert : La plupart des jeunes gens croient aujourd’hui se distinguer en prenant un air de libertinage qui les décrie auprès des personnes raisonnables. […] On appelait cela du précieux et un retour à l’hôtel Rambouillet : on pourrait dire aussi bien que c’était déjà dans le sens et dans le goût du salon de Mme Necker.

2236. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Tout homme de lettres proprement dit, s’il a été célèbre et s’il a eu de l’action sur son temps, s’il a été centre à quelque degré, excite plus de curiosité et soulève plus de propos et d’intérêt en divers sens que souvent il n’en mérite. […] Il ne faut pas même oublier le post-scriptum qu’on a le tort de supprimer quelquefois, et qui donne au récit son vrai sens et toute sa moralité.

2237. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Cabanis et lui, tous deux jeunes, en épousèrent l’esprit et l’appliquèrent chacun dans son sens ; mais Volney n’avait rien du caractère de Cabanis, qui corrigeait par l’onction de sa nature la sécheresse des doctrines : lui, il était homme à l’exagérer plutôt. […] Après bien des tourbillons affreux et des tempêtes, le ciel tout d’un coup se rassérène ; la seizième et dernière soirée que passent les voyageurs en ce haut lieu est d’une beauté ravissante : « Il semblait que toutes ces hautes sommités voulussent que nous ne les quittassions pas sans regrets. » L’horizon en tout sens se colore, les cimes supérieures se nuancent, ainsi que les neiges qui les séparent : Tout l’horizon de l’Italie paraissait bordé d’une large ceinture, et la pleine lune vint s’élever au-dessus de cette ceinture avec la majesté d’une reine, et teinte du plus beau vermillon.

2238. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Le rayonnement du génie dans tous les sens, c’est là Shakespeare. […] Mais aussi ce Shakespeare ne respecte rien, il va devant lui, il essouffle qui veut le suivre ; il enjambe les convenances, il culbute Aristote ; il fait des dégâts dans le jésuitisme, dans le méthodisme, dans le purisme et dans le puritanisme ; il met Loyola en désordre et Wesley sens dessus dessous ; il est vaillant, hardi, entreprenant, militant, direct.

2239. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

IV, chap. 1] Nous ne voulons qu’éclaircir ce mot descriptif, afin qu’on ne l’interprète pas dans un sens différent de celui que nous lui donnons. […] « Le prélat répondait longuement et savamment à leurs questions, exposait les lois de la gravitation, s’élevait contre l’imposture de nos sens, et finissait par conseiller aux moines de ne pas troubler les cendres de Copernic. » (Voyage en Italie.)

2240. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

L’homme le plus sujet aux accès de l’inspiration pourrait lui-même ne rien concevoir à ce que j’écris du travail de son esprit et de l’effort de son âme, s’il était de sens froid, j’entends ; car si son démon venait à le saisir subitement, peut-être trouverait-il les mêmes pensées que moi, peut-être les mêmes expressions, il dirait, pour ainsi dire, ce qu’il n’a jamais su ; et c’est de ce moment seulement qu’il commencerait à m’entendre. […] Est-ce que ces gens du nord ont le cœur et les sens glacés ?

2241. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

L’obscurité consiste à ne point offrir de sens net à l’esprit, la finesse à en présenter deux, un clair et simple pour le vulgaire, un plus adroit et plus détourné que les gens d’esprit aperçoivent et saisissent ; et pourquoi n’y aurait-il pas dans un discours d’éloquence des traits uniquement réservés aux seuls hommes dont l’orateur doit réellement ambitionner l’estime ? […] Ainsi la clarté est l’apanage de notre langue, en ce seul sens qu’un écrivain français ne doit jamais perdre la clarté de vue, comme étant prête à lui échapper sans cesse.

2242. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Les quelques milliards d’animalcules qui broutent cette planète n’ont été créés par Dieu et doués d’organes et de sens que pour contempler le soldat et les dessins de Charlet dans toute leur gloire. […] Il a mis le monde sens dessus dessous.

2243. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Pour émouvoir le peuple, pour attendrir les juges, on avait recours à cette l’éloquence de spectacle, plus puissante que celle des paroles, et qui, en s’emparant des sens, passionne l’âme et la trouble. […] Elle commence par s’élancer au-dehors ; elle parcourt tous les objets, et, à l’aide de ses sens, elle s’empare de l’univers physique.

2244. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

… Ce qui est certain, c’est que quand je considère aujourd’hui tout l’ensemble de l’œuvre étonnante de Victor Hugo, dans laquelle il a mis de plus en plus hardiment et fait sortir tout ce qu’il avait en lui de force, de qualités et de défauts, en les poussant jusqu’au bout et à outrance, je sens combien je suis demeuré timide à son égard et insuffisant comme critique : j’en suis resté avec lui très en arrière, à l’autre versant de la montagne, sans doubler le sommet et sans redescendre les dernières pentes si déchirées et si rapides.

2245. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

Dans la famille des peuples que la liberté doit bénir, le mot de barbare n’a point de sens ; il n’y a plus de laideur.

2246. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Creusez en vous-même, étudiez et sondez votre propre duplicité, plongez en tous sens au fond de l’abîme de votre cœur, et vous n’y trouverez pas autre chose que ce que Pascal vous a rendu en des traits si énergiques et si saillants.

2247. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Encore une fois, la force des choses de l’historien philosophique, laquelle résulte principalement de la nature humaine et de ses lois, ne signifie en sens mystique, pour l’historien sacré, que l’enchaînement des moyens dont la providence dispose.

2248. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

En reconnaissant que la plupart des traductions ne fournissent que trop de preuves à l’appui de ce système, nous nous garderons bien de l’accueillir en des termes aussi tranchants, aussi dédaigneux ; nous ne le pourrions sans la plus grande injustice et qu’en faisant violence au vrai sens qu’il avait dans l’esprit de Dussault.

2249. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Entendu de cette façon, il nous semble que le talent fécond, brillant et pittoresque de Walter Scott, abordant le genre austère de l’histoire, a bien pu s’égarer, comme il l’a fait, à la merci de passions mesquines et de préjugés aveugles ; égarement miraculeux et de tout point incompréhensible, si l’on reconnaît à l’auteur cette intelligence profonde des époques et ce sens historique pénétrant dont on l’a jusqu’ici trop libéralement doué.

2250. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

foudre des sens !

2251. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

La Revue encyclopédique n’a pas simplement pour objet d’être un magazine bien fait, bien meublé de morceaux divers et suffisamment assortis, comme l’est, par exemple, la Revue des Deux Mondes, la meilleure publication de ce genre ; mais c’est un recueil systématique, fidèle à son titre, ayant une sorte d’unité et une direction de doctrine dans tous les sens.

2252. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Mickiewicz et en les retournant en un sens plus général, la France réelle, celle qui a tant aimé la Pologne, qui a tant saigné pour elle, la France qui a vaincu aux trois jours, et qu’on a liée par surprise, et qui souffre et qui attend, cette France dont nos gouvernants enhardis s’accoutument à nier l’existence, croyant l’avoir confisquée dans leurs petites Sibéries, cette France ne pourrait-elle pas répondre au poète : « Oh !

2253. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Le grec fournit toute sorte de termes d’art, de science, de philosophie, de politique, comme ce mot de police au sens étymologique de gouvernement, comme économie, pour ménage, ou bien encore squelette, etc.

2254. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Ils ne vivent que d’une vie factice, soutenus par la mode et par l’éducation, réduits à l’application mécanique de règles devenues arbitraires, parce qu’on n’en comprend plus le sens artistique.

2255. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

René Ghil, ce genre de littérature ne peut séduire que de rares adolescents dépourvus de sens vital et un nombre plus restreint encore de jeunes femmes oisives, mais il ne correspond en aucune façon à la totalité des aspirations actuelles.

2256. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Toutefois il est bon de souligner cet article de Sainte-Beuve, le plus caractéristique en ce sens : Réponse à un jeune catholique.

2257. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Le sens de cette fête annuelle des bonnes études vient d’ailleurs de vous être indiqué d’une façon si judicieuse, qu’à peine est-il nécessaire d’ajouter quelques mots.

2258. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Ce problème, au sens où on l’entend d’ordinaire, est fatalement insoluble, puisqu’on se borne à opposer deux substances inconnues l’une à l’autre, à se demander comment l’esprit (qu’on ne connaît pas) peut agir sur la matière (qu’on ne connaît pas).

2259. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

donne-moi le temps de dresser ta gloire jusqu’au ciel en vers plus impérissables que l’airain… D’autres fois, par des mots savants, j’exciterai tes sens épuisés et je te rendrai la vigueur d’aimer.

2260. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

Cette énergie de l’esprit, qui enfantait une langue, s’exprimait en même temps par une passion de savoir qui, s’exerçait dans tous les sens.

2261. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Il lui suffira de dire qu’il n’est pas d’image grotesque, de sens baroque, de pensée absurde, de figure incohérente, d’hiéroglyphe burlesque, que l’ignorance industrieusement stupide de ce prote logogriphique ne lui ait fait exprimer.

2262. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Au-dedans, toutes les solutions sociales remises en question ; toutes les membrures du corps politique tordues, refondues ou reforgées dans la fournaise d’une révolution, sur l’enclume sonore des journaux ; le vieux mot pairie, jadis presque aussi reluisant que le mot royauté, qui se transforme et change de sens ; le retentissement perpétuel de la tribune sur la presse et de la presse sur la tribune ; l’émeute qui fait la morte.

2263. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

Alors Simonide fit une pièce très-pompeuse qui commence par des vers dont voici le sens : « Nobles filles des coursiers qui devancent les aquilons. » Le même Simonide fut avec Anacréon à la cour d’Hipparque, fils de Pisistrate.

2264. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Le Traité des Sens de M. le Cat est très-bon ; & les autres ouvrages du même chirurgien décélent un métaphysicien profond & un observateur exact.

2265. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Imaginez comme dans la géométrie des indivisibles de Cavalieri toute la profondeur de la toile coupée, n’importe en quel sens, par une infinité de plans infiniment petits.

2266. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

Cette difference qui est entre l’air de deux contrées, ne tombe point sous aucun de nos sens, et elle n’est pas encore à la portée d’aucun de nos instrumens.

2267. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

Quelquefois aussi, il veut en rencontrer toujours de nouvelles, de toutes nouvelles, et il invente aux auteurs des sens inattendus, ou tout au moins des intentions qu’il n’est pas absolument certain qu’ils aient eues.

2268. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Ce sont des épouses quasi-légitimes de par la coutume, mais en France, pays de droit sens et de réalité, où les situations ambiguës sont antipathiques au génie même de la race, les maîtresses de roi, elles, n’ont jamais été que des maîtresses, — toujours désavouées et déshonorées par les mœurs.

2269. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Car voilà le sens très élevé, l’originalité très morale de ce livre de Μ. 

2270. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Après Rousseau, après Saussure, après Sénancour, Chateaubriand, Lord Byron, tous paysagistes à leurs heures, après ce glorieux Cooper, qui a contribué, pour sa part, à l’impulsion générale donnée à la pensée contemporaine dans le sens de la description, Topffer est venu comme bien d’autres, et, soit manière originelle de regarder et de sentir, soit calcul d’une pensée qui cherche à dire un mot qui n’a pas été dit encore, il a essayé d’introduire la manière flamande dans le paysage alpestre et grandiose, et il a réussi.

2271. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

À notre sens, il n’y a que le mot à mot de la traduction interlinéaire qui donne l’idée juste de l’œuvre poétique qu’on veut faire juger à ceux-là qui ne savent pas la langue dans laquelle cette œuvre a été pensée.

2272. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Mais, devenue égoïste parce qu’elle n’avait plus de fonctions utiles à remplir, la féodalité épuisée, ayant refusé de faire un pas de plus dans le sens qui emportait tout, des hommes inspirés du génie civilisateur de la France, Louis XI, Richelieu, la jetèrent sous leurs haches impatientes, et la révolution française acheva ces terribles nécessités par lesquelles devait passer une société qui résistait, dans les débris de son ancienne organisation politique en ruines, à la centralisation définitive que Couture assied largement sur l’égalité politique de tous.

2273. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

Ne l’attendez pas d’un peuple voluptueux ; ce peuple n’a que des sens, il ne sait renoncer à rien, il ne sait pas perdre un jour pour gagner des siècles.

2274. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Hors du théâtre, il vivait avec les jeunes nobles à la mode, avec Pembroke, Montgomery, Southampton187, avec d’autres encore, dont la chaude et licencieuse adolescence chatouillait son imagination et ses sens par l’exemple des voluptés et des élégances italiennes. […] Les mots perdent leur sens ; les constructions se brisent ; les paradoxes de style, les apparentes faussetés que de loin en loin on hasarde en tremblant dans l’emportement de la verve, deviennent le langage ordinaire ; il éblouit, il révolte, il épouvante, il rebute, il accable ; ses vers sont un chant perçant et sublime, noté à une clef trop haute, au-dessus de la portée de nos organes, qui blesse nos oreilles, et dont notre esprit seul devine la justesse et la beauté. […] Ils jouent sur les mots, ils en tourmentent le sens, ils en tirent des conséquences absurdes et risibles, ils se les renvoient comme avec des raquettes, coup sur coup, en faisant assaut de singularité et d’invention. […] Les héroïnes de notre théâtre sont presque des hommes ; celles-ci sont des femmes et dans tout le sens du mot. […] Il faut à ces sens et à ce corps d’athlète les cris, le cliquetis de la mêlée, les émotions de la mort et des blessures.

2275. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Tout travaille en ce sens dans la religion et jusqu’à la partie mystique. […] Si l’on veut chercher dans quel sens cette œuvre changera, il faut chercher dans quel sens change la conception centrale.

2276. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Voilà le monstre (nous disons ce mot monstre dans son sens antique, c’est-à-dire prodige), voilà le livre que nous avons essayé d’analyser ici, en le condamnant quelquefois et en l’admirant presque toujours. […] Il leur ressemblait en ce sens qu’il marchait comme eux. […] N’est-ce pas misère que ces infirmités, ces maladies inévitables qui nous privent, nous vivants, d’un de ces sens si bornés dont la nature nous a si parcimonieusement doués en naissant, comme conditions nécessaires à notre existence ?

2277. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Je ne l’ai jamais rencontré dans mes recherches ; Dieu est une hypothèse dont je n’ai jamais eu besoin dans mes calculs. » Aucun homme, qui a reçu ce résumé de nos sens qu’on nomme logique, ne peut se contenter de cette négation : quant à moi, dans les effets, c’est la cause seule que je cherche ; une pensée de Socrate, une idée d’Aristote, une conception de Descartes, m’importent plus que ces milliers de faits sans conclusion de vos Cosmos sans âme et sans Dieu. […] Nous ne l’explorerons pas, comme le fait la philosophie de l’art, pour distinguer ce qui dans nos émotions appartient à l’action des objets extérieurs sur les sens, et ce qui émane des facultés de l’âme ou tient aux dispositions natives des peuples divers. […] Là où la nature est plus avare de ses dons, elle aiguise les sens de l’homme, afin qu’attentif à tous les symptômes qui se manifestent dans l’atmosphère et dans la région des nuages, il puisse, au milieu de la solitude des déserts ou sur l’immensité de l’Océan, prévoir toutes les révolutions qui se préparent.

2278. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Jamais Pascal n’abonde dans son sens, n’exagère ses preuves, ne force ses interprétations, ou ne se contente de voir à demi, comme il arrive au docteur que le zèle du mandat, l’esprit de la profession, l’habit, rendent moins délicat sur la qualité et la force des preuves. […] Il s’agit de savoir ce qu’il est, où il va, comment il doit se conduire dans la vie, quel sens donner à la vertu ou au vice, à la santé, à la maladie ; il s’agit d’un pari — il l’a dit lui-même — où la vie est engagée, où il importe, de toute la différence qu’il y a entre la vie et la mort, de mettre toutes les bonnes chances de son côté. […] Si, de plus, on entend la méthode dans le sens cartésien, où trouver une plus belle application de cet art de chercher la vérité, dont Descartes avait donné les règles ?

2279. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Depuis longtemps, je ne croyais plus au miracle, dans le sens propre du mot ; cependant la destinée unique du peuple juif, aboutissant à Jésus et au christianisme, m’apparaissait comme quelque chose de tout à fait à part. […] Bon gré, mal gré, et nonobstant tous mes efforts consciencieux en sens contraire, j’étais prédestiné à être ce que je suis, un romantique protestant contre le romantisme, un utopiste prêchant en politiqué le terre à terre, un idéaliste se donnant inutilement beaucoup de mal pour paraître bourgeois, un tissu de contradictions, rappelant l’hircocerf de la scolastique, qui avait deux natures. […] Je sens que je pense pour eux et qu’ils vivent en moi.

2280. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Ainsi considérée, on peut voir dans chacune de ses notes le monde entier que les fakirs trouvent toujours dans la contemplation de leur nombril ; l’admiration qu’on a pour Wagner, et qu’on lui doit, ne peut pas être le monopole de quelques vieilles dames empaillées et de quelques jeunes gens aux sens déviés, minés par la névrose ; Wagner nous appartient à tous et sa gloire est indépendante des nôtres ; l’Art français doit bénéficier de ses progrès en les appropriant à son génie national, sans emprunt, sans imitations. […] Victor Wilder ; une pétition en ce sens fut même adressée à Mme Wagner, vers le milieu de septembre ; mais ce fut sans résultats ; M.  […] L’Association artistique publie un journal, Angers-Revue, idée excellente en soi, ce journal servant à expliquer et à commenter les œuvres exécutées dans les concerts de l’Association, excellente aussi en ce sens que le journal prête un sérieux appui à l’École française et est rédigé avec esprit et talent ; mais la rédaction du journal est piquée jusqu’au sang de la tarentule wagnérienne, et cela l’entraîne quelquefois un peu plus loin, peut-être, qu’elle ne le voudrait elle-même.

2281. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

De distance en distance, sur les rives du fleuve, on voyait la fumée des sacrifices s’élever entre les cimes des arbres vers le ciel ; des groupes de brahmanes, prêtres et religieux, dissertaient entre eux sur les mystères, ou chantaient en vers les exploits historiques des anciens héros ; d’autres se livraient, pour atteindre à la perfection spirituelle, à des contemplations extatiques, à des pénitences qui domptent et anéantissent les sens. […] Sacountala se trouble, chancelle, s’indigne, s’évanouit, reprend ses sens. — « Un juge caché n’est-il donc pas en toi ?  […] XVIII Le prince entre dans l’enclos de l’ermitage ; ses sens sont ravis par la beauté agreste et recueillie du site, et par la vue d’un groupe de jeunes filles consacrées au culte des dieux.

2282. (1914) Boulevard et coulisses

Boulevard et coulisses1 En donnant comme titre à cette conférence les mots : Boulevard et Coulisses, je me rends parfaitement compte que j’emploie des termes surannés, car il n’y a plus de boulevard ni de coulisses, au sens où l’entendaient nos ancêtres de 1880. 1880, c’est une époque lointaine, extrêmement lointaine. […] Mais elle a vraiment un sens pour le Paris des quelques années dont je vous parle. […] L’importance artistique du Conservatoire peut parfaitement se discuter avec de bonnes raisons dans tous les sens.

2283. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

L’Amphitrion est un recueil d’épigrammes & de madrigaux faits avec un art qu’on n’a pas imité depuis ; & ses piéces les plus négligées offrent des vers admirables, pleins de sens & de raison, qui se gravent aussi facilement dans l’esprit que dans la mémoire. […] Le Ballet des Élémens, celui des Sens & la tragédie de Callirhoé sont les trois opéra qui ont le plus contribué à faire connoître le nom du Poëte Roi sur la scène lyrique. […] Rousseau a des Epîtres pleines d’un grand sens, & où l’on trouve des vers très-énergiques ; mais elles sont défigurées par le style marotique, & par des images grotesques qui font un contraste singulier avec les réfléxions que lui dicte sa raison.

2284. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Mais c’est égal, fais comme tu sens, copie comme tu vois, étudie comme tu l’entends, parce qu’un peintre n’est réputé tel que par la grande qualité qu’il possède, quelle qu’elle soit. […] Par extension, et dans un sens épigrammatique, on l’applique aux élèves déjà avancés dans la pratique de leur art, mais auxquels on ne reconnaît ni dispositions ni talent. […] En anglais Ossian a un sens vingt fois plus déterminé. […] Le coloris est ce qu’il y a de plus matériel dans l’art ; c’est ce qui s’empare d’abord des sens. […] Vous devez comprendre à présent, mon ami, le sens dans lequel sera dirigée l’exécution de mon tableau.

2285. (1898) La cité antique

Il n’est pas aisé d’en découvrir le sens primitif. […] Quel en était le sens et quelle idée présentait-il alors à l’esprit des hommes ? […] Le mat pater avait un autre sens. […] Ni l’un ni l’autre ne contient en lui le sens de génération ou de parenté. […] Mais il importe de distinguer le sens que ce mot avait chez les anciens.

2286. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Je la sens : j’entre en verve et le feu prend aux poudres. […] C’est la gaudriole, l’éternelle gaudriole des aïeux, plus ou moins grossière et remaniée en tous sens, rien de plus. […] C’est que son impiété, je l’ai déjà fait observer, n’avait jamais été une incrédulité foncière et raisonnée, mais un libertinage des sens et, si je puis dire, une ébullition de tempérament. […] Une escalade en fit l’affaire : il fut emporté, profané, ravagé, mis sens dessus dessous, à ras de terre, et ne fut plus qu’un emplacement où le conquérant fit ériger sa statue.

2287. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

La réponse définit d’avance tout son talent ; car dans un romancier l’imagination est la faculté maîtresse ; l’art de composer, le bon goût, le sens du vrai en dépendent ; un degré ajouté à sa véhémence bouleverse le style qui l’exprime, change les caractères qu’elle produit, brise les plans où elle s’enferme. […] Voici les conseils de ce goût public, d’autant plus puissants qu’ils s’accordaient avec son inclination naturelle, et le poussaient dans son propre sens : « Soyez moral. […] Pecksniff avec une sensibilité exquise, et quand je sais qu’elle va, je sens que la leçon offerte par elle aux hommes fait de moi un des bienfaiteurs de mon espèce. » Vous reconnaissez un nouveau genre d’hypocrisie. […] Personne n’a un sens moral plus droit et plus inflexible.

2288. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

C’est que ce livre est un des monuments écrits les plus vastes qui aient jamais été conçus et exécutés par une main d’homme ; c’est que ce livre est une histoire, c’est-à-dire une des œuvres de l’esprit dans laquelle l’ouvrier disparaît le plus dans l’œuvre devant l’immense action de l’humanité qu’il raconte ; c’est qu’un tel livre n’est plus l’auteur, mais le monde, pendant une de ses périodes d’activité de vingt-cinq ans ; c’est que ce livre est le récit de la vie d’un de ces grands acteurs armés du drame des siècles, acteurs nécessaires selon les uns, funestes selon les autres (et je suis au nombre des derniers), mais d’un de ces acteurs, dans tous les cas, qui n’a de parallèle dans l’univers qu’avec Alexandre ou César ; c’est que ce livre remue en passant toutes les questions vitales et morales, de religion, de philosophie, de superstition, de raison, de despotisme, de liberté, de monarchie, de république, de législation, de politique, de diplomatie, de guerre, de nationalité ou de conquête, qui agitent l’esprit du temps et qui agiteront l’esprit de l’avenir jusque dans les profondeurs de la conscience des peuples ; c’est que ce livre est écrit par une des intelligences non complètes (il n’y en a point de complète devant l’énigme divine posée par la Providence, qui a seule le mot des événements), mais par une de ces intelligences les plus lumineuses, les plus précises, les plus studieuses, les plus universelles, et, disons-nous le mot, en le prenant dans le sens honnête, les plus correspondantes à la moyenne des intelligences, dont un écrivain ait jamais été doué par la nature ; c’est que ce livre, enfin, est aussi remarquable par ce qu’il contient que par ce qui lui manque. […] Le sens moral des faits est dans la moralité historique de l’écrivain. […] Ce sera le sens de toute son histoire, ce n’est pas le nôtre ; de là d’inévitables dissentiments entre l’esprit de cette histoire et l’esprit de notre commentaire. […] Thiers daigne faire de la constitution de Sieyès est pleine de sens politique et d’expérience anticipée, mais elle est un peu trop étendue ; on n’analyse pas le néant, on souffle sur le rêve, et tout est dit.

2289. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Denne-Baron n’a point poursuivi sa pièce dans ce sens.

2290. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

On commence à se livrer à un excès par entraînement, mais, à son comble, il amène toujours une sorte de tension involontaire et terrible ; hors des lignes de la nature, dans quelque sens que ce soit, ce n’est plus la passion qui commande, mais la contraction qui soutient.

2291. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Depuis André Chénier, on n’a rien vu, — si ce n’est les chants grecs publiés par Fauriel, — d’une telle pureté de galbe antique, rien de plus gracieux et de plus fort dans le sens le plus juste de ces deux mots, qui expriment les deux grandes faces de tout art et de toute pensée.

2292. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Les rares amis qu’il a, achèvent de le tirailler en tous sens.

2293. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Souvent une seule Fable réunit la naïveté de Marot, le badinage & l’esprit de Voiture, des traits de la plus haute Poésie, & plusieurs de ces Vers que la force du sens grave à jamais dans la mémoire.

2294. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Il est bien plus naturel & plus juste de les considérer comme autant de préceptes mis en action, comme autant de préceptes mis en action, comme autant d’Apologues dont il est facile de tirer le sens moral ; & l’Apologue a toujours été regardé comme la tournure la plus propre à inculquer les leçons.

2295. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Corneille n’est que Poëte ; il ne l’est même que dans ses Tragédies, à prendre le mot de Poëte dans le sens d’Horace *.

2296. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

Sans doute le désir d’un état de jouissance plus grande est insatiable et, en ce sens, on peut dire que la réaction psychique va toujours de plus en plus loin, mais chacun de ses pas en avant est lui-même provoqué et déterminé par ses antécédents immédiats, internes et externes.

2297. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Mais empruntant à chacune d’elles ses éléments, surgit la conception — l’unique vraie à mon sens — du Poète : en son âme vibrent les reflets des choses du dehors, et cependant il leur communique sa vie à lui ; lui seul est vraiment, entièrement poète, parce que seul il aura su donner l’idée de l’Être entrevu dans toute sa beauté.

2298. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Nous nous servons de la traduction de Sacy, à cause des personnes qui y sont accoutumées ; cependant nous nous en éloignerons quelquefois, lorsque l’Hébreu, les Septante et la Vulgate nous donneront un sens plus fort et plus beau.

2299. (1762) Réflexions sur l’ode

Jamais la poésie n’a été si rare à force d’être si commune, à prendre ce dernier mot dans tous les sens qu’il peut avoir.

2300. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Ce livre a la puissance personnelle des facultés qui font le talent, mais il a l’impuissance de son siècle, — d’un siècle à qui manque radicalement le sens des choses religieuses, et il en faut au moins la connaissance et la compréhension pour en parler dans une histoire où elles tiennent une si grande place.

2301. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

… Est-ce une situation, en effet, au sens dramatique, que la description d’un tête-à-tête qui dure tout le livre ?

2302. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

il n’est pas possible d’être, implicitement mais plus clairement, matérialiste dans le sens le plus épais du mot, quoique Taine subtilise et prétende ailleurs : « que la matière, substance douée de force, n’existe pas… ».

2303. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Assurément, une si profonde vulgarité ne valait guères la peine d’occuper le loisir d’un esprit qui a le sens pratique et résolu des choses, et dont le livre (s’il l’était pas une étude de rhéteur) devait être une espèce le Traité du prince, élevé à la hauteur des périls que court la civilisation elle-même à cette heure, et armer l’État, puisqu’il en veut la prépondérance, contre les révolutions ou l’esprit révolutionnaire qui le diminuent chaque jour un peu davantage, en attendant qu’ils l’aient renversé !

2304. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Burns en germe reste sous l’écorce de Béranger, et encore d’un Béranger sans finesse, sans esprit dans le sens français du mot, d’un Béranger au gros sel, — pas plus gai que son maître, car Béranger n’est pas franchement gai, — mais qui croit l’être — (voir le buste), — parce qu’il crie plus fort !

2305. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Frappé de tant de merveilles, il sent que leur cause n’est point en lui-même ; il sent que tout est l’ouvrage d’un être qui se dérobe à ses sens, mais qui se manifeste à lui par ses bienfaits.

2306. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Car les arts qui parlent aux sens peuvent être pervertis, s’ils ne remontent sans cesse à la source divine de l’âme ; et l’image impérieuse du beau moral les protège autant qu’elle les élève.

2307. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Avant tout, la superbe intraitable, le désir de plier autrui, l’esprit militant, le besoin de triomphe ; les sens ne viennent qu’ensuite. […] Excusez-le d’avoir des muscles, des nerfs, des sens, et ce bouillonnement de colère ou d’ardeur qui précipite en avant les animaux de noble race. […] Vous ne connaissez que l’élan des sens, le bouillonnement du sang, l’effusion de la tendresse, mais non l’exaltation nerveuse et le ravissement poétique. […] Je me sens plus heureux maintenant que le plus grand monarque de la terre. […] C’est que ces yeux étaient anglais, et que les sens ici sont barbares.

2308. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Et je sens toutes les odeurs, même les plus faibles ! […] — Messieurs, dit la comtesse, ce que je ne me sens pas la force de faire, faites-le : choisissez vous-mêmes. […] je pourrais leur être utile ; je me sens pour eux une affection vraie, un désir sincère de les instruire, et ils ne veulent pas. […] À force d’étudier les commentateurs, si nombreux en son pays, il avait perdu le sens vrai des textes. […] Cependant je ne sens pas battre le pouls.

2309. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

La marche du poème ne diffère en rien de celle d’un itinéraire ; il n’y a pas en ce sens-là d’invention. […] Mais en général on a recouvert l’antique mal, lorsqu’il se présente, d’expressions plus vagues et plus flatteuses, en même temps que, dans une foule de cas de simple galanterie, on a détourné par abus les expressions physiques de leur sens propre : on s’est mis à brûler et à mourir par métaphore. […] Dans le cas présent, en détournant à mon dire cette pensée de Pline, je la traduirai plus modestement et dans un sens plus vrai, de manière à tout respecter, à tout ménager : parmi les œuvres des antiques génies, dirai-je simplement, quelques-unes sont plus célèbres, et d’autres le sont moins qui se trouvent belles encore.

2310. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

En passant un jour à Paris pour aller de Rome à Londres, j’appris que la duchesse de Devonshire était elle-même à Paris, à l’hôtel Meurice, allant en sens inverse de Londres à Rome. […] J’ai pu les écouter, les comprendre, les admettre jusqu’où elles étaient admissibles, mais je n’ai point laissé le doute entrer dans mon cœur. » XXX On voit par ce passage, écrit bien longtemps après son enfance, que la foi de cette jeune fille était tempérée comme son âme, et que la religion fut toute sa vie une douce habitude de ses sens plutôt qu’une passion de son intelligence. […] Madame Lenormant, confidente discrète de la famille, laisse échapper à ce sujet une phrase qui n’aurait point de sens si elle n’était pas destinée à indiquer et à voiler à la fois on ne sait quel sous-entendu dans cette union ; la jeune fille était elle-même, dit-on, un sous-entendu de la nature : elle pouvait être épouse, elle ne pouvait être mère.

2311. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Ces grands déserts peuplés d’animaux sauvages, il les a parcourus dans tous les sens. […] Prêtez-la-moi, je vous prie. » Je détachai la chaîne d’or qui suspendait la montre à mon col ; elle prit la montre, la tourna, la retourna, l’examina dans tous les sens, et finit par passer la chaîne d’or à son col. […] Pour moi, je ne cessais de le regarder avec ravissement, et je me demandais comment la Nature avait pu le douer d’un sens aussi réfléchi et d’une telle puissance.

2312. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Quand ils demandent de l’argent ou des places, Bonaparte trouve cela convenable ; ils sont dans le sens de son pouvoir, puisqu’ils se mettent dans sa dépendance ; mais si, ce qui leur arrive rarement, ils voulaient défendre des infortunés, ou s’opposer à quelque injustice, on leur ferait sentir bien vite qu’ils ne sont que des bras chargés de maintenir l’esclavage en s’y soutenant eux-mêmes. […] On y sent à chaque page l’amertume d’une âme qui aurait voulu réunir dans une seule vie ce qui illustre l’existence et ce qui la voile, mais qui combat contre la nature des choses et contre la véritable destinée de la femme, qui est vaincue par le bons sens ou par ce qu’elle appelle les préjugés de la société. […] Napoléon avait dit à ceux qui lui demandaient grâce pour une femme : « Cette femme monte les esprits dans un sens qui ne convient pas à mes vues ; je ne sais comment il se fait que, quand on l’a lue, on m’aime moins. » L’exécuteur impassible de ses rigueurs, Savary, ajouta, dans la lettre qu’il répondit à madame de Staël, l’humiliation à la douleur.

2313. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

C’est la querelle des anciens et des modernes, qui n’était pas simplement une vaine dispute de préséance entre les illustres du jour et les grands hommes d’autrefois, mais qui impliquait un choix sur le sens où il convient de pousser la jeunesse, et, par elle, l’humanité. […] Que l’espagnol et l’italien soient au nombre des objets étudiés à Port-Royal ; qu’en 1732 l’abbé Pluche propose de remplacer l’espagnol par l’anglais ; que l’allemand et plus tard le russe soient admis dans les lycées de notre siècle, ce sont là des faits dont il me paraît superflu de faire saillir le sens et la portée. […] Il est nécessaire de porter l’effort, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, suivant que l’art a suivi avec excès telle ou telle direction.

2314. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Le son des trompettes guidait les guerriers aux combats : le son des trompettes, rythme, mélodie, timbre, devint expressif des émotions guerrières ; quand fut institué le rite chrétien, les mélodies religieuses intimement liées au sens des paroles qu’elles accompagnaient, devinrent expressives des émotions suggérées par ces paroles ; les chansons populaires au moyen-âge devinrent également des motifs d’expression musicale ; et le langage de la musique s’accroissait de formes expressives de sentimentalités ; ce fut l’époque du moyen-âge finissant où s’épanouissait cet art nouveau si riche de promesses, de promesses hélas chûtées ! […] Ainsi, aux chers jours de Bayreuth dont l’anniversaire maintenant se solennise, ainsi, pendant que l’orchestre bayreuthien en cette salle privilégiée chantait le flux de ces véhémentes harmonies ; par fois, tournant le dos à la risible scène, oubliant les balourds occupés à représenter celui-ci un sieur Tristan, celle-là une dame Isolde, celui-là un Kurwenal graisseux et ventru ; négligeant les cocasseries du navire en carton peint et des matelots en zinc et tant de sottes polychromies ; oui, les yeux clos à ces sottises, et solitaire en mon attention tout dévouée aux uniques sonorités qui d’un centre invisible dans l’absolue nuit de mes sens s’éparsemaient : ainsi, parfois, ai-je écouté, ai-je quéri, ai-je entendu la symphonie qui se nomme Tristan et Isolde… Alors le préludial appel résumateur des suggestions où voguera ce conte d’âmes, et son apaisement. […] Dans les seules scènes se rapportant directement à Wotan, la parole apparaît de nouveau et évoque devant nous la vision du dieu… mais, pour le reste, Wagner sur le poème a construit la symphonie la plus grandiose — peut-être — que jamais il ait écrite… Au fond, il n’y a qu’une chose ici : la musique… On sait qu’à la fin du drame il y avait des vers résumant l’idée poétique du Ring, et que Wagner, lorsqu’il vint à parachever la musique, les supprima ; il les a supprimés, nous dit-il, « parce que c’eût été essayer de substituer à l’impression musicale une autre impression », et « parce que le sens de ces vers est exprimé par la musique avec la plus exquise précision… » Ainsi apparaît décisif ce couronnement du tétraptyque wagnérien par l’unique et glorieuse musique.

2315. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

La nature fournit les variations ; l’homme les ajoute dans une direction déterminée par son utilité ou son caprice : en ce sens, on peut dire qu’il crée à son profit les races domestiques. […] Les énormes prix accordés aux animaux dont la généalogie est irréprochable prouvent aussi ce que les éleveurs anglais ont fait en ce sens ; et leurs produits sont maintenant exportés dans toutes les contrées du monde. […] Or, sous ce rapport, la grande variabilité des Pigeons domestiques semblerait appuyer l’opinion qu’ils ne descendent pas d’une souche unique, lors même qu’on ne supposerait que de légères différences entre les diverses souches originaires dont le sang mêlé en elles n’aurait eu d’autre effet que de causer une plus grande variabilité en tous sens.

2316. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Si distraite par des motifs également puissans, elle tire l’homme en deux sens contraires, l’homme suit une ligne moyenne sur laquelle il s’arme d’un pistolet ou d’un poignard, une direction intermédiaire qui le conduit la tête la première au fond d’une rivière ou d’un précipice. […] Si l’absence nous tient éloignés, j’y viendrai rechercher la même ivresse qui avait si entièrement, si délicieusement disposé de nos sens, mon cœur palpitera de rechef ; je rechercherai, je retrouverai l’égarement voluptueux. […] Montrez-moi tous les genres d’architecture et toutes les sortes d’édifices ; mais avec quelques caractères qui spécifient les lieux, les mœurs, les temps, les usages et les personnes ; qu’en ce sens vos ruines soient encore savantes.

2317. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Il faut savoir se détourner de toute cette creuse rhétorique, fausse par le sens et par le ton, vulgaire, indigne pour la première fois de la plume brillante de M.  […] Michelet ne doit pas manquer de générosité courageuse, quand il est de sens rassis, et il n’aura pas peur de se relever dans l’estime des hommes, car, lorsqu’on s’y relève, on monte toujours plus haut que la place d’où l’on était tombé ! […] Ne sachant trop que penser, lancé dans un sens par sa passion politique ou philosophique, relancé dans la voie contraire parce que l’histoire, dont on n’éteint pas complètement la lueur en soi, lui a pendant si longtemps enseigné, il ne sait à quoi se résoudre.

2318. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

J’ai prononcé à son sujet le mot de conteur : il faut entendre en quel sens. […] Tandis que le bon cardinal se démène ainsi tout le dimanche et perd ses peines, le preux chevalier messire Jean Chandos, l’ami et le conseiller du prince de Galles, gentil et noble de cœur, et de « sens imaginatif », profite de la trêve pour côtoyer l’armée des Français ; et de même fait du bord opposé messire Jean de Clermont, maréchal de France, et, se rencontrant, ils se prennent de paroles comme deux héros d’Homère.

2319. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

L’électeur a manqué au rendez-vous ; il n’a pas fait un pas dans ce sens, et n’a pas établi le concert indispensable. […] Il sentait à son tour le poids de la responsabilité : « Ce que je crains le moins, ce sont les ennemis, écrivait-il ; et dès que j’aurai passé le Rhin, mon salut consiste à les chercher partout, et je désire seulement qu’ils ne prennent pas le parti d’éviter le combat. » Louis XIV fut mécontent de ce raisonnement prolongé et de cette persistance de Villars dans son propre sens : Vous m’aviez bien mandé, lui écrivit-il (19 mars 1703), le besoin que vos troupes avaient de repos, et la nécessité de leur donner un mois ou cinq semaines pour se rétablir, faire joindre leurs recrues, et les réparations dont elles avaient besoin pour être en état d’agir plus utilement ; mais vous ne m’aviez pas donné lieu de croire que vous les feriez repasser dans l’Alsace ; je devais même être persuadé que vous les feriez cantonner de l’autre côté du Rhin.

2320. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Ne remarquez-vous pas comme en tous sens ces affinités se dessinent, et comme il y a vraiment des familles d’esprits ? […] Mais de quoi s’avise-t-on de les donner au public, et pourquoi M. l’éditeur va-t-il chercher un Eunuque oublié, où il n’y a ni rime ni raison, ni sens ?

2321. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Comme vous, comme tous les hommes, je sens en dedans de moi une passion ardente qui m’entraîne vers un bonheur sans limite, et me fait considérer l’absence de ce bonheur comme la plus grande infortune. […] Tocqueville appartenait sans doute à la Providence, mais il y appartenait dans le même sens que tout le monde y appartient, et, quelque exception que méritât son talent, ces signes providentiels auxquels on en appelait sont une exagération qui saute d’elle-même aux yeux.

2322. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Son christianisme, on le verra, était tout en ce sens ; elle était fille du sermon sur la montagne. […] J’ai des moments où je croule, mais je me sens toujours soutenue par cette main divine qui nous a faits frère et sœur pour nous aider et nous chérir, mon bon Félix.

2323. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Le revoilà après tant d’années qui, semblable au fond, le cœur insoumis par la vieillesse, nous donne la vie du plus rigide et du plus mortifié des pénitents ; il a quelque peine, il nous l’avoue, à s’y assujettir ; son récitatif est fréquemment interrompu par des retours qui ont le sens des versets de Job sur le néant des choses, ou celui des distiques de Mimnerme sur la fuite de la jeunesse. […] On serait même trop disposé à le prendre peut-être en ce sens unique et à faire un Rancé tout d’une pièce, ce que n’est aucun homme, pas même lui.

2324. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

« J’ai fait cent fois réflexion en écrivant, qu’il est impossible, dans un long ouvrage, de donner toujours le même sens aux mêmes mots. […] Malgré cela, je suis persuadé qu’on peut être clair, même dans la pauvreté de notre langue, non pas en donnant toujours les mêmes acceptions aux mêmes mots, mais en faisant en sorte, autant de fois qu’on emploie chaque mot, que l’acception qu’on lui donne soit suffisamment déterminée par les idées qui s’y rapportent, et que chaque période où ce mot se trouve, lui serve, pour ainsi dire, de définition. » Après avoir cité cette opinion d’un grand maître contre les définitions, je dirai que je ne donne jamais au mot philosophie, dans le cours de cet ouvrage, le sens que ses détracteurs ont voulu lui donner de nos jours, soit en opposant la philosophie aux idées religieuses, soit en appelant philosophiques des systèmes purement sophistiques.

2325. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Avec un scrupule admirable et une délicatesse de tact infinie, écrivains et gens du monde s’appliquent à peser chaque mot et chaque locution, pour en fixer le sens, pour en mesurer la force et la portée, pour en déterminer les affinités, l’usage et les alliances, et ce travail de précision se poursuit depuis les premiers académiciens, Vaugelas, Chapelain et Conrart, jusqu’à la fin de l’âge classique, par les Synonymes de Beauzée et de Girard, par les Remarques de Duclos, par le Commentaire de Voltaire sur Corneille, par le Lycée de Laharpe361, par l’effort, l’exemple, la pratique et l’autorité des grands et petits écrivains qui sont tous corrects. Jamais architectes, obligés de n’employer pour bâtir que les pavés de la grande route publique, n’ont si bien connu chacune de leurs pierres, ses dimensions, sa coupe, sa résistance, ses attaches possibles, sa place convenable  Cela fait, il s’agit de construire avec le moins de peine et le plus de solidité qu’il se pourra, et la grammaire se réforme en même temps et dans le même sens que le dictionnaire.

2326. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Car il a des sens comme nous, et les sensations rappelées, combinées, notées par des signes, suffisent pour former « non seulement toutes nos idées, mais encore toutes nos facultés430 ». […] Prenez des femmes qui ont faim et des hommes qui ont bu ; mettez-en mille ensemble, laissez-les s’échauffer par leurs cris, par l’attente, par la contagion mutuelle de leur émotion croissante ; au bout de quelques heures, vous n’aurez plus qu’une cohue de fous dangereux ; dès 1789 on le saura et de reste  Maintenant, interrogez la psychologie : la plus simple opération mentale, une perception des sens, un souvenir, l’application d’un nom, un jugement ordinaire est le jeu d’une mécanique compliquée, l’œuvre commune et finale437 de plusieurs millions de rouages qui, pareils à ceux d’une horloge, tirent et poussent à l’aveugle, chacun pour soi, chacun entraîné par sa propre force, chacun maintenu dans son office par des compensations et des contrepoids.

2327. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il fait voir admirablement avec quel bonheur de première invention et quel esprit de suite on y fait servir la guerre à l’agrandissement au dehors et à la paix au dedans ; avec quelle audace réfléchie on la porte chez l’ennemi au lieu de l’attendre ; avec quelle habileté on change les vaincus en alliés pour en vaincre d’autres ; avec quelle magnanimité farouche on y sacrifie la nature à la discipline ; avec quel sens pratique on imite de l’ennemi ses usages militaires et jusqu’à ses armes pour le battre ; avec quelle prévoyance Rome se fait de ses colonies militaires comme autant d’enceintes fortifiées qu’il faudra franchir avant de l’atteindre. […] Les pays où Montesquieu a voyagé y ont trouvé leur compte, et dans ce sens d’Alembert a raison ; mais l’auteur de l’Esprit des lois pensait plutôt à faire servir les nations à son livre, et ses voyages n’ont été que la manière la plus agréable d’y travailler.

2328. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Mais, dominé par les forces d’ensemble et d’ordre de la société, il sera incessamment combattu et vaincu dans ce qu’il a d’absurde et de pervers tout en prenant progressivement sa place et sa part dans cet immense et redoutable développement de l’humanité tout entière qui s’accomplit de nos jours. » Ce qui fait la force du socialisme, c’est qu’il correspond à une tendance parfaitement légitime de l’esprit moderne, et en ce sens il en est bien le développement naturel. […] Il faut, à mon sens, savoir bon gré à ceux qui tentent un problème, lors même qu’ils sont fatalement condamnés à ne pas le résoudre.

2329. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

La pièce met en scène des personnages chimériques, agités par des incidents fantastiques ; elle crée un monde à la renverse, où tout est retourné et défiguré : le sens dessus dessous est complet. […] C’est ici que se place, à mon sens, la véritable énormité de la pièce, celle qui a empêché d’apprécier la belle scène qui la termine, parce que cette scène en sortait.

2330. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

La liberté d’abord, malgré le grand usage qu’il fit du mot, il est impossible de l’y trouver fidèle dans le sens véritable et pratique durant toute sa période d’ultraroyalisme. […] Après avoir, dans la première moitié de sa vie politique, poussé la Restauration dans le sens de l’ultraroyalisme, M. de Chateaubriand, dans la seconde moitié, l’a attaquée par un brusque volte-face avec toutes les forces du libéralisme, groupées autour de lui ; et, dans ce duel où un même homme a fait le double rôle, elle a fini par se briser.

2331. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Au fond de ce monologue à bâtons rompus, je sens la préoccupation et la terreur du au-delà de la mort, que donne aux esprits les plus émancipés l’éducation religieuse. […] 9 décembre Comme nous allions, il y a deux jours, au Musée du Louvre, demander la permission de graver le dessin de Watteau, représentant l’Assemblée des musiciens chez Crozat, Chennevières nous raconte que le Musée est, sens dessus dessous, à propos du dessin de la Revue du Roi, qu’on a proposé au Musée d’acheter, et que le Musée n’a pas de quoi acheter.

2332. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

* * * — Le confortable anglais est l’admirable entente du bonheur matériel du corps, mais d’une espèce de bonheur d’aveugle, où rien n’est donné au sens artiste de l’homme, à l’œil. […] * * * — En voyant le chœur de la cathédrale de Mayence, d’un rococo si tourmenté, si joliment furibond, avec ses stalles qui semblent une houle de bois, en voyant ces églises de Saint-Ignace et de Saint-Augustin, aux balustres des orgues, égayés d’Amours comme un théâtre Pompadour, la pensée se perd sur ce catholicisme, si rude en ses commencements, si ennemi des sens, et tombé dans cette pâmoison, dans cet éréthisme, qui est l’art jésuite.

2333. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

L’homme de nos jours qui a le mieux exécuté cette gamme surprenante de Héros de l’Europe à Ogre de Corse, c’est Fontanes, choisi pendant tant d’années pour cultiver, développer et diriger le sens moral de la jeunesse. […] Le sens moral inné en l’homme saura où se prendre.

2334. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Ces questions complexes étaient peut-être contenues dans votre programme : elles resteront longtemps encore proposées ; nous aimons à espérer qu’elles se résoudront peu à peu, et dans un sens qui ne sera pas défavorable, en définitive, à l’honneur des lettres et à l’émancipation de l’esprit. » On nous demandera peut-être ce que c’est que ces deux pièces de vers que nous joignons à notre opuscule en prose. […] Elle renferme dans son sein toute vérité connue de l’homme ; toutes les découvertes de la science, tous les faits constatés par l’observation des sens ou par l’instinct du cœur, tous les axiomes de la raison et de la morale sont les dogmes bienfaisants qu’elle nous propose.

2335. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Tiré à quelques exemplaires pour être placé sous des yeux choisis, discret, pudique et presque mystérieux, ce petit volume n’était pas un livre, dans le sens retentissant du mot. […] Pour Eugénie de Guérin, le mot de vanité n’a de sens que quand il exprime le néant de la vie.

2336. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Elle peut s’orienter dans le sens du mouvement et de l’action — mouvement de plus en plus efficace, action de plus en plus libre : cela, c’est le risque et l’aventure, mais c’est aussi la conscience, avec ses degrés croissants de profondeur et d’intensité. […] On imitera certains caractères de la matière vivante ; on ne lui imprimera pas l’élan en vertu duquel elle se reproduit et, au sens transformiste du mot, évolue.

2337. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

de pareils récits et les turpitudes mêmes où ils font passer ont un sens sérieux : la nécessité et la légitimité de 89 sont au bout, comme une conséquence irrécusable.

2338. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Lerminier procède dans ce large sens envers les figures qu’il rencontre.

2339. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Notre juste et droit sens a, en outre, quelque peine à le suivre dans sa logique brisée, saccadée, qu’interceptent à chaque pas les fusées de la métaphore.

2340. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

L’association pacifique des peuples, telle que le Globe la poursuivait, n’offrait pas un sens bien précis, bien arrêté.

2341. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Fions-nous à toutes les impressions du beau et du laid, du sublime, du comique, du tragique, etc. sur notre esprit et sur notre âme, en priant notre bon ange de nous garder des théories et des définitions, qui ôtent au sens littéraire sa candeur naïve, et de la logique, qui lue la liberté.

2342. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Il y faut la jeunesse des sens et de l’esprit, une âme neuve dans la nature neuve.

2343. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

La pire erreur, en un sens, que puisse commettre un homme de lettres, c’est de prendre un métier qui le condamne à l’« écriture ».

2344. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

La vie est mauvaise, elle n’a d’ailleurs aucun sens.

2345. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

quels maîtres coups de corne administrés au goût, à la raison, au sens véritable des choses !

2346. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Je me sens pénétré par l’harmonie des sons et des couleurs.

2347. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

La seconde période, qui va de la Renaissance jusqu’à la Restauration, au début de notre siècle, est l’époque classique, en rendant à ce mot le sens exact qu’il devrait toujours avoir ; j’entends par là que la littérature ?

2348. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

C’est qu’à vrai dire on a coutume d’entendre ce mot milieu dans un sens trop peu précis ; on n’a pas l’air de se douter en quelle multitude de milieux partiels le milieu social se fractionne.

2349. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Quelle force de sens et quelle précision !

2350. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Je ne sens rien là de ces ténèbres visibles avec lesquelles la lumière se mêle et qu’elle rend presque lumineuses.

2351. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Au contraire, rien ne décele mieux l’homme né sans génie, que de le voir examiner avec froideur, et discuter de sens rassis, le mérite des productions des hommes qui excellerent dans l’art qu’il veut professer.

2352. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Si encore c’était des doutes qu’il sème, on pourrait en délibérer et il y aurait profit ; mais ce sont de pures affirmations, c’est du dogmatisme, et le pire, celui qui dessèche et stérilise : «  Le problème du style, dit-il, est insoluble dans le sens où M. 

2353. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Des critiques, il y en a, sans doute, — et peut-être y en a-t-il trop, — mais de la critique, dans le pur et noble sens du mot, on en cherche en vain ; il n’y en a pas.

2354. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

… II Et, en effet, dans un sens, nous sommes tous pitoyablement unitaires.

2355. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

« Ce beau et insolent Léandre » (comme l’appelle spirituellement Vitu), qui toucha à la hache révolutionnaire avec une intrépidité aussi méprisante que Charles Ier lui-même, qui la cinglait du bout de sa canne, avait un sens politique très sûr dans sa tête téméraire.

2356. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Selon lui, le Paradis est la partie la plus belle du poème, comme l’Enfer doit rester littérairement la plus populaire, et les raisons que le jeune lauréat a données de son opinion sont d’une solidité et d’une sagacité qui font bien présager de ce sens critique que je vois poindre en lui et qui est encore à l’état d’aurore.

2357. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Cette instruction, divisée par chapitres et où nul n’est oublié du personnel de la valetaille : le butler (sommelier), la cuisinière, le laquais, le cocher, le groom, l’intendant, le portier, la femme de chambre, la fille de service, la fille de laiterie, la bonne d’enfants, la nourrice, la femme de charge et la gouvernante ; ce mandement d’un doyen que Mascarille, après boire, refuserait de signer, ne peut être évidemment qu’une mystification immense et même une mystification à commencer par l’auteur lui-même, — car rien ne doit équivaloir, non seulement pour un esprit élevé, mais pour un esprit quelconque, au dégoût d’écrire, dans quelque but de raillerie que ce soit, ces conseils de friponnerie et de bassesse où tout le sens est dans la grosseur de l’ironie et dans une impudence égale entre l’idée et le langage… Et ce n’est pas tout.

2358. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Cela renverse le sens de la lorgnette et fait voir les choses par le petit côté, non par le grand.

2359. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Enfantin assimile, avec une perversion du sens intellectuel qui pourrait bien être une perversité, sa pensée à la pensée chrétienne.

2360. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Avec vos yeux d’humains, vous ne voyez donc pas, Qu’où s’arrêtent vos sens, c’est le ciel qui commence ?

2361. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Ils avaient, sinon toujours, au moins souvent, un sens bien à eux, un timbre distinct, un accent de fin poète.

2362. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Or, à notre sens, toute poésie lyrique repousse, d’essence, le dialogue qui n’est pas lié au récit et qui n’y entre pas comme l’intaille même dans le bronze.

2363. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

ne sens-tu pas que dans ce moment tu anéantis, autant qu’il est en toi, et les lois et la patrie ?

2364. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

J’ai beau, ajoutait-il, m’être nordisé ici, à la moindre émotion, je sens en moi un Midi souterrain qui vibre et me redonne le la de ma race. […] » De cette terrible leçon, le héros Olivier n’en a deviné le sens qu’un peu trop tard. […] Régnier n’est pas toujours un vers avec sa césure classique, mais il rend toujours une idée poétique, qu’il faille ou non faire un effort pour en éclaircir le sens. […] Une pareille donnée semblerait ne pouvoir être développée que dans un sens mystique ou philosophique ; elle l’est en effet, mais sans l’aridité qu’on pourrait croire inévitable, et c’est là qu’éclate l’éloquence poétique de M.  […] Je ne veux pas dire qu’eux-mêmes auraient parfois besoin d’un traducteur, mais je pardonnerai pourtant aisément à ceux qui en trouveraient le sens parfois voilé.

2365. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

C’étaient des bourgeois français, dans le meilleur sens du mot, respectueux de l’ordre et même des préjugés. […] Il a voulu par-là faire entendre que les faits n’y sont pas toujours exacts, sinon le sens. […] Cependant, c’est au génie du poète que les amants de Vérone doivent l’immortalité : il a soufflé sur eux, il a précisé le sens de leur tragique rencontre. […] Elles coururent à d’autres pratiques, me laissant avec une charge de jacinthes dont l’odeur pénétrante ne troublait pas mes sens seulement, mais jusqu’à mon cœur. […]   Je conçois d’une autre manière le sens de cette Métamorphose.

2366. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Cette préface, dans laquelle je voulais dire son fait à la critique, cette préface jetée sur le papier dans un premier moment de surexcitation, je ne la publierai pas, parce que je ne me sens plus capable de la parfaire, telle que je l’avais conçue dans la fièvre de l’ébauche, et je dirai même, que je ne me sens plus la vaillance d’en subir les conséquences. […] » Et je sens les acteurs nerveux, et j’ai peur qu’Antoine ne joue pas si bien qu’hier. […] C’est curieux, si je suis bien nié, bien haï, bien insulté, j’ai des enthousiastes, et surtout chez des femmes du peuple, en ce temps où il n’y a plus de religion, et où je me sens, dans leur imagination, occuper la place d’un prêtre, d’un vieil être auquel va un respect religieux un peu tendre. […] Et malgré moi, je suis touché, et je sens qu’à travers l’abominable jalousie qu’il a eue de moi, toute sa vie, une vieille habitude, un restant tendre de notre acoquinement artistique dans le passé, enfin le plaisir de causer avec moi du Japon, triomphe de cette jalousie, et le fait, par les moments tristes de sa vie, presque aimant de ma personne.

2367. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

On a parlé de l’article de Strindberg sur l’infériorité de la femme, d’après l’étude de ses sens, ce qui est incontestable sous le rapport du goût et de l’odorat, et à propos de cette infériorité, je rappelais une observation d’un livre de médecine, où il est affirmé que le squelette d’homme a une personnalité, que n’ont pas les squelettes de femmes, qu’on dirait fabriqués à la grosse. […] Je me sens mourir de faim, n’ayant absolument rien mangé. […] Ces chants d’église balancent en moi, tout le douloureux de mon passé, et moi, le sceptique, l’incrédule, sur lequel l’éloquence de la chaire ne pourrait mordre, je sens que je serais convertissable par du plain-chant, ou de la musique qui en descend. […] ……………………………………………………………………………………………… « D’étroits sentiers, à la terre piétinée, talée, durcie, pleins de traces, se croisaient dans tous les sens.

2368. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Ce n’est point de hauteur et d’autorité comme d’autres grands orateurs, ses rivaux, ce n’est point sur des majorités organisées et compactes qu’il agissait d’ordinaire, d’une parole tranchante et d’un geste décisif : lui, il persuadait, il s’insinuait, il avait faveur ; par la clarté spécieuse de ses exposés, par l’abondance et le flot accumulé et limpide de ses déductions, il amenait ceux mêmes qui ne se croyaient point de son groupe et de son armée à conclure comme lui, à agir et voter comme lui, et dans un sens où la plupart n’auraient point pensé être conduits d’abord.

2369. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Lisez ses lettres à Pope, à Bolingbroke, et celles qu’il recevait d’eux : ce sont des trésors, à mon sens, d’expérience, d’agrément rassis et de sagesse.

2370. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

La vanité, le caprice, les sens, le besoin de succès et de plaisir à tout prix, deviennent en ces sortes d’âmes des passions moins nobles, mais non moins acharnées, qui gravent aussi leurs rides au front et en arrachent les cheveux.

2371. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Ils environnaient la recherche de la vérité de tout ce qui pouvait frapper l’imagination ; ces promenades où de jeunes disciples se réunissaient autour de leur maître, pour écouter de nobles pensées en présence d’un beau ciel ; cette langue harmonieuse qui exaltait l’âme par les sens, avant même que les idées eussent agi sur elle ; le mystère qu’on apportait à Éleusis dans la découverte, dans la communication de certains principes de morale ; toutes ces choses ajoutaient à l’effet des leçons des philosophes.

2372. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Le style déclamateur, qui sert si bien les idées fausses, est rarement admis par les Anglais : et comme ils donnent une moins grande part aux considérations morales dans les motifs qu’ils développent, le sens positif des paroles s’écarte moins du but, et permet moins de s’égarer.

2373. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

À la vérité, il a excellé dans ses portraits et je trouve ses comédies si pleines de sens, qu’on devrait les lire comme des instructions aux jeunes gens, pour leur faire connaître le monde tel qu’il est… » Il ne faut accueillir toutes ces assertions qu’avec beaucoup de réserve.

2374. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

C’est le sens du mot [Greek : epiousios].

2375. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Il convint donc à Molière de supposer que des femmes, qui joignaient à quelque instruction la pureté et la décence des mœurs, étaient nécessairement une transformation de ces précieuses qui professaient l’amour platonique,                               où l’on tient la pensée Du commerce les sens nette et débarrassée, Cette union des cœurs où les corps n’entrent pas.

2376. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

D’après le sens littéral de cette explication, il semble que le Paradis perdu serait un poème classique, et la Henriade une œuvre romantique.

2377. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Des sectes entières de philosophes, des écrivains, & sur-tout les poëtes comiques, des grecs encore sans culture, mais d’un sens droit, des chrétiens eux-mêmes s’en moquoient ouvertement.

2378. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Il avança cette proposition dans le même sens qu’un de nos plus grands acteurs, en présence de qui l’on parloit des avantages de la déclamation notée, disoit qu’elle n’en procuroit aucun, qu’il pouvoit bien se faire qu’elle fût de quelque ressource aux talens médiocres ; mais qu’elle nuisoit surement au génie qui ne veut point de gêne, & qui ne se manifeste que par les faillies, l’invention & l’audace.

2379. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Il en avoit pourtant, & l’on ne peut sans injustice lui refuser une raison supérieure, un grand sens.

2380. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Le mot de siecle pris dans son sens précis, signifie une durée de cent années, et quelquefois je l’emploïerai pour signifier une durée de soixante ou de soixante et dix ans.

2381. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Rousseau me paraît tenir plus aux sens qu’à l’âme.

2382. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Une pareille pensée pourrait décourager d’autres hommes que nos missionnaires ; mais qu’importent les données de l’histoire, qu’importe la réalité humaine, et, dans un certain sens, le châtiment de Dieu sur des nations visiblement condamnées, à ces apôtres qui prêchent la folie de la croix et qui savent espérer contre toute espérance, spem contra spem !

2383. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Alors que la littérature matérialisée se dit naturaliste, quand elle se fait tout bêtement abjecte et n’aspire plus qu’à donner aux hommes les plus ignobles sensations ; alors que le public, plus stupide encore qu’elle n’est abjecte, trouve cette littérature toute-puissante, un livre comme celui de Paul de Saint-Victor, haut d’inspiration, spirituel dans tous les sens du mot, idéal et grandiose, doit nécessairement avoir l’honneur de l’insuccès… Et s’il ne l’a pas, j’ose le dire !

2384. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

En somme, dans ce premier volume, qui doit être suivi d’un second, on voit que l’auteur sera pour Boileau plus tard On sent l’homme de grand sens, l’homme de bon sens, l’homme du pouvoir, le monarchique en littérature, très peu gâté par le langage de son temps quoique, ici ou là, il en ait encore de temps en temps les logomachies.

2385. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Le naïf, seul, n’aurait pas suffi… Rollin, qu’on appelle aussi le bon Rollin, et qui, dans son Histoire ancienne, a traduit bien des morceaux d’Hérodote, Rollin, l’âme simple, droite, ingénue, qui était un naïf par l’esprit, mais qui parlait la langue ordonnée et anti-naïve du dix-septième siècle, n’a jamais traduit que le sens général ou littéral d’Hérodote.

2386. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

La pénitente de Ximénès était, au contraire, une femme de grand sens et de grande fermeté, la reine Isabelle, et le Louis XIII qu’il eut à conduire était le roi Ferdinand, qui n’avait pas de nostalgie et qui resta roi auprès de son ministre, couronne au front, contre ce front rasé de religieux, couronne contre couronne !

2387. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

… Francis Wey a le ferme bon sens qui devient, en toutes choses, très vite le grand sens, et il a aussi cette mâle finesse de la prudence qui n’est pas la prudence femelle, celle de la lâcheté… Son style, à la trame serrée, étoffée à pleine main, solide, et dont je me permettrai de dire qu’on en sent le grain comme celui d’un maroquin étincelant qui prend et retient la lumière, est bien le style qui convient à un esprit net, avisé (que les sots croiront retors parce qu’il est avisé), sagace enfin, et dont la sagacité naturelle a été aiguisée par l’étude première et continuée de toute sa vie, — l’étude de l’Histoire.

2388. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Et puisque nous sommes en pleine couleur espagnole, je me permettrai cette image : le taureau anglo-saxon a regardé sans fureur tout le rouge du règne de Philippe II, qui aurait mis hors de sens des têtes moins solides que celle de ce Front-de-Bœuf historique.

2389. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Louis-Philippe, à mon sens, ne mérite pas d’être regardé comme un impénétrable Sphynx, dont les uns affirment l’honnêteté et les autres le machiavélisme, et qui doit embarrasser encore longtemps le jugement de l’Histoire.

2390. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

C’est moins une histoire — comme le dit, du reste, son sous-titre, — qu’un Cours tout entier philosophique et critique de l’histoire moderne ; c’est une démonstration en sens contraire de tous les problèmes agités, à cette heure, par l’esprit révolutionnaire, et dont la solution dernière serait, sous le nom imposteur de progrès, de faire rétrograder la civilisation du monde… Après avoir, dans ses premières pages, comme donné le dictionnaire de la langue qu’il va parler en fixant l’origine et en déterminant la grandeur de la Monarchie française, en traitant de « la providence des dynasties inamovibles », de la propriété, du droit divin, dont il dit : « La primogéniture, le droit successif, la légitimité, le droit divin, ne sont qu’une même expression, une même vérité, une loi de raison », le métaphysicien politique aborde vaillamment l’Histoire.

2391. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

Eh bien, la première condition de tout cela, et quelle qu’eut été la solution à laquelle se fût arrêté l’historien, c’était une de ces fermetés d’esprit qui ne se laissent pas entamer, et ce bon sens, le premier degré de la force intellectuelle, comme le grand sens, en est le second !

2392. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

C’est un chrétien que Pellico, sans rien plus que le bon sens, le sens apaisé du chrétien en face de la vie, Sans le Christianisme, il serait presque acéphale, cet homme sans esprit, sans talent, sans volonté, sans passion, sans amour, du moins comme le sentent les hommes.

2393. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

Il ne lâche pas sa part de troupeau, et son livre, intitulé Essai de philosophie religieuse, n’a pas d’autre sens que celui-là, sous ses formes d’une simplicité piperesse et d’une modestie qui prouve qu’on n’a plus la puissance, car l’humiliation n’est pas l’humilité !

2394. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

La notion de la religion naturelle, antiphilosophique et antithéologique, comme l’entend le sens très commun de M. 

2395. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

C’est un Chrétien que Pellico, sans rien plus que le bon sens, le sens apaisé du chrétien en face de la vie.

2396. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Pour elle, il ne s’agissait que de déterminer, une fois pour toutes, la valeur littéraire d’un homme sur lequel on a brouillé le sens public, et de planter là le bon Gérard, — dont on nous a tant rebattu les oreilles, — pour s’occuper de Gérard l’écrivain, qui, comme écrivain, n’était pas si bon !

2397. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Depuis André Chénier, on n’a rien vu, — si ce n’est les Chants grecs publiés par Fauriel, — d’une telle pureté de galbe antique, rien de plus gracieux et de plus fort dans le sens le plus juste de ces deux mots, qui expriment les deux grandes faces de tout art et de toute pensée.

2398. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

La sienne, à lui, est, obscure et secrète comme un chiffre qui n’a point de clef ; trente personnes peut-être dans Paris ont le sens de cette gaîté logogriphique, mais, à partir de la banlieue, tous les hommes d’esprit de la terre peuvent se mettre à plusieurs pour comprendre, ils ne seront pas plus heureux que les bourgeois de Hambourg qui se cotisaient pour entendre les mots de Rivarol !

2399. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

D’ailleurs, il est un défaut de mon pays pour lequel je me sens une irrésistible faiblesse.

2400. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Elle a une perspective en sens inverse des choses, simplement visibles aux yeux corporels : plus elle s’éloigne, plus elle grandit et fort rayonne.

2401. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Et je dis : un bon livre, — meilleur (dans un sens circonscrit) qu’il n’est beau, et c’est ici que M. 

2402. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Enfin, c’est un connaisseur en toutes choses, d’une vaste expérience, d’un sens aiguisé, et qui s’approprie avec un rare talent d’assimilation tous les langages. — Nous nous trompions.

2403. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

D’abord on frappait les yeux par un appareil imposant et auguste ; car chez tous les peuples, la première éloquence est celle qui parle aux sens.

2404. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Le sens interrompu des vers qui nous restent de lui ne permet de rien affirmer.

2405. (1929) Dialogues critiques

Paul Je le crois en ce sens que nos rêves sont faits de la même étoffe que nous-mêmes, L’œuvre ressemble forcément à l’imagination et à l’intelligence de l’écrivain sinon à la réalité de sa vie. […] Pierre Dans un sens élevé, peut-être. […] Paul Pourquoi ne prendrait-on la critique que dans un sens vulgaire et bas ?

2406. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Ce qui se passa dans son âme à cette vue, Dieu seul le sait ; mais ses sens n’eurent pas la force de sa volonté : elle tomba inanimée dans les bras de son amie, qui la reconduisit à son palais, vide désormais de sa plus chère amitié. […] Je sens qu’il faut maintenant que ma vie soit environnée : je n’ai plus retrouvé en moi l’ancien voyageur ; je ne songe qu’à ce que j’ai quitté, et les changements de scène m’importunent. […] À mon sens, votre Vision d’Hébal est ce que vous avez produit de plus élevé et de plus profond.

2407. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Je dirai ces choses, si toutefois celle qui m’a rendu presque aussi fou que lui, et qui m’enlève de jour en jour davantage le peu de sens que j’avais, m’en laisse assez pour accomplir ici ce que j’entreprends ! […] C’est qu’à mon sens, il a écrit ce chant sous l’influence vive et personnelle de l’amour malheureux qu’il éprouvait pour une autre Ginevra. […] Il y a des sites, des heures de la vie, des personnes, des lectures, qui se complètent les uns les autres par une certaine consonance de nos sens avec notre âme ; de telle sorte que, quand on pense au livre, on revoit la personne et le site, et que, quand on revoit dans sa pensée la personne ou le site, on croit relire le livre.

2408. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Il y avait le vénitien, mais c’était si frêle et si doux que cela ne pouvait être susurré que par des lèvres de femme, cela répugnait à la virilité des héros ; il y avait le milanais, c’était mêlé d’allemand et de français, plus jargon que langue ; il y avait le génois et le piémontais, cela n’avait ni syntaxe, ni accent, ni sens, patois de peuples qui ne s’appartiennent pas et qui s’entendent entre eux contre leurs conquérants par signes plus que par le langage. Enfin il y avait le toscan, la vieille langue étrusque de Machiavel, de Michel-Ange, de Dante, rugueuse, nerveuse, un peu sauvage, un peu latine, brève, forte, concentrant en peu de mots un grand sens, telle que Dante l’a chantée, telle que Machiavel l’a écrite, langue faite pour des héros, des poètes, des philosophes, et qui ne s’entend bien qu’à Florence, entre les deux rives de l’Arno et à Pistoia, langue locale s’il en fut jamais, héritière d’un peuple qui n’a point d’héritage sur la terre, langue de puritains et de pédants, qui prétendent avec raison être à eux seuls l’Italie classique… C’est celle-là qu’Alfieri choisit. […] Je bénirai toujours le moment où j’y arrivai, car je m’y composai un petit cercle de six ou sept hommes doués de sens, de jugement, de goût et d’instruction, ce qu’on aura peine à croire d’un pays aussi petit.

2409. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Je ruminais ma justification de point en point, comme le mémoire de Mirabeau à son père, et je m’enflammais déjà à ce travail ; mais je renonce à l’écrire, je n’ai pas le temps, ma sœur, et je ne me sens d’ailleurs aucun tort ! […] Des larmes me gagnent en t’écrivant ces lignes, larmes de tendresse et de désespoir, car je sens l’avenir, et il me faut cette mère dévouée au jour du triomphe ! […] En 1789, le jour où Mirabeau l’introduisit par sa phrase fameuse à M. de Brézé : « Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple, et que nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes », la révolution est faite ; Mirabeau se déshonore et se dépopularise en essayant de la diriger en sens inverse.

2410. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Une voix me l’a annoncé dans mon sommeil ; et je sens que mon âme est près de prendre son vol.  […] Je sens que bientôt je vais disparaître ; bientôt on ne verra plus la trace de mes pas dans Selma. […] Je sens qu’il renaît dans toute sa force ; je revois, à sa clarté, les ombres de mes amis rassemblés sur la colline de Lora ; j’y vois Fingal au milieu de ses héros.

2411. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Le sens de l’Extrême-Orient qu’a la jeune femme, l’intuition qu’elle possède des grandes époques historiques, sa devination de la Chine, du Japon, de l’Inde sous Alexandre, de Rome sous Adrien, le remplissent d’un ravissement qu’il me verse dans l’oreille. […] On parle de l’insénescence du sens intime et des trois moi de je ne sais quel savant. […] » 10 décembre Je ne me sens décidément plus assez de santé, plus assez de vitalité pour supporter les ennuis de la vie.

2412. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Il me prend des envies, quand je répète avec ma mère, de l’appeler « Nanette » et de lui crier que j’appelle « Jobin », ce qui est faux, on le sait, et ce qui est mal, je le sens bien ! […] Même ses crimes lui donnaient tout à coup sur mes sens un charme ténébreux, et ce souvenir de l’avoir possédée devenait une chose absolument troublante. […] Mais le grand poète romantique n’eut pas ici le sens suffisant de la réalité. […] Mon oncle Victor m’inspirait aussi beaucoup de considération par ses redingotes à brandebourgs et surtout par une certaine manière de mettre toute la maison sens dessus dessous dès qu’il y entrait. […] Les lecteurs avides de péripéties s’empresseront de le fermer ; d’autres, moins avisés encore, y chercheront des allusions, des sens cachés ; ils voudront y découvrir quand même d’autres mots sous les mots de l’auteur.

2413. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

À notre sens, le vieil amateur fait bien de l’honneur au théâtre d’autre fois de s’en occuper avec tant de soins et tant de zèle. […] Désormais, il était fou, complètement fou, sans que rien put remédier au désastre de ses sens ! […] Elle ne le sait pas, elle le sent, elle le comprend, elle le devine, c’est l’art du sixième sens ; or la comédie est justement l’art du sixième sens par excellence. […] Il s’en prenait à Molière de la tristesse qui s’était emparée de son esprit et de ses sens. […] Charles est à mon sens un pauvre amoureux.

2414. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

L’Orient le prodigua long-tems à des hommes dont toute l’aptitude se bornait à pénétrer le sens de quelques énigmes puériles. […] C’est moins un enchaînement des rimes que celui du sens & des mots. […] Elle est digne, en tout sens, du nom qu’elle porte ; & malheureusement elle a survécu à la domination des Goths à qui elle doit son origine. […] Ce que tu peins mon œil le voit ; Ce que tu sens mon cœur l’éprouve. […] Qu’est-ce qu’un amour purement métaphysique, dégagé de tout intérêt des sens & auquel on sacrifie une passion réelle & réciproque ?

2415. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

On n’appliqua pas au sens de mes leçons animées les avis que j’y répétai tant de fois, et ce que je m’efforçais de prédire. […] Mais, pour le juger sérieusement, tournons-le du sens qui nous a paru condamnable. […] Le sens de ces vers ne renferme point d’éloge, il constate seulement un fait : c’est que l’objet de ses chants n’a point été célébré par les lyres païennes. […] Les suivants ont dans leur tournure sentencieuse un sens trop peu fixé, et qui anticipe sur celui du dernier vers de la période : « Qui par de longs malheurs apprit à gouverner, « Calma les factions, sut vaincre et pardonner. […] Jamais il n’est pareil à lui-même, et son génie, qui voyage continuellement dans les contrées sublunaires et souterraines, reploie en tous sens le fil ingénieux de son épopée, sans le quitter et sans le briser en ses heureuses incursions.

2416. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

La fantaisie ainsi comprise peut servir d’interprète aux impressions les plus réelles, tandis que l’imagination dans le sens d’imaginaire a pour adéquate l’idée d’impossible et de faux. […] Ce que la morale révèle à la conscience sous la forme de préceptes, l’esthétique a pour but de le montrer aux sens sous la forme d’images. […] Le même mot a souvent plus d’une acception, et le sens en peut varier à l’infini, suivant les applications qu’on en fait. […] Or, comme le mot œuvre signifie œuvre complète, au moins dans ce sens, et que l’auteur l’applique à la collection de ses tableaux, j’en conclus que M.  […] Le champ a été retourné dans tous les sens, du moins il le semblait, et cependant la moisson est encore à venir.

2417. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

La gloire soudaine qui lui vint ne l’éblouit pas ; il y avait songé de longue main, l’avait retournée en tous sens, et savait fort bien qu’il aurait pu ne point l’avoir et ne pas valoir moins pour cela. […] Je ne saurais dire combien il en résulte, à mon sens, jusqu’au sein des plus grands talents, dans les plus beaux poèmes, dans les plus belles pages en prose, — oh !

2418. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Il en fut de même à l’époque de sa réception à l’Académie française ; j’ai lu ce discours dans lequel il loue en termes magnifiques, en commençant, le nouveau César et la nouvelle impératrice, femme, fille des Césars ; il se refusa seulement à louer le régicide ou à l’amnistier dans la personne de Chénier qu’il avait à remplacer, et à raturer quelques phrases à double sens sur Tacite. […] » Puis, se tournant vers moi, dit M. de Marcellus, il ajoute : « Les sentiments sont si naturels, le sens si clair, que celui de nous qui n’a pas appris le grec en naissant n’a nul besoin d’interprète.

2419. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

En un sens Racine resserra le domaine de la tragédie : il ne crut point suffisant, comme Corneille, de présenter des caractères ; il estima nécessaire de les saisir dans la passion, et même dans une crise aiguë de passion. […] Totalement dépourvus de sens poétique, ils traitent les plus merveilleux sujets de la poésie antique avec une sorte de bon sens bourgeois, asservi et étréci par les préjugés de leur monde.

2420. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Dans le dialogue, dans le récit pressé, ou quand le poète y jette quelque réflexion, ce sont tous les mètres alternativement, mais sans confusion : l’alexandrin, en général, pour les choses importantes ; le petit vers, pour les indifférentes ; les vers de deux syllabes, si vers il y a, pour finir le sens. […] L’antiquité même de cette langue, la difficulté d’arriver au sens ôte le sel aux plus piquants ; c’est un plaisir de savant, trop indirect pour être dangereux.

2421. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

C’est beaucoup dire et prêter après coup un grand sens aux épigrammes assez gaies de cette petite pièce, dans laquelle le marchand d’esclaves se plaint d’avoir acheté certain baron allemand dont il n’a jamais pu se défaire : « Et à la dernière foire de Tunis, n’ai-je pas eu la bêtise d’acheter un procureur et trois abbés, que je n’ai pas seulement daigné exposer sur la place, et qui sont encore chez moi avec le baron allemand ?  […] C’est un homme à qui on dit : Tu vivras pauvre, et trop heureux de voir ton nom cité quelquefois ; on t’accordera, non quelque considération réelle, mais quelques égards flatteurs pour ta vanité, sur laquelle je compte, et non pour l’amour-propre qui convient à un homme de sens.

2422. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Il faut donc penser qu’un peuple qui, avec le sentiment de l’honneur et le sens de la générosité, possède les freins qu’il faut pour comprimer l’excès de son énergie, risque de voir cette énergie brisée s’il lui oppose encore, avec l’idée humanitaire, un frein nouveau. […] Fascinée par l’idée, elle va perdre le sens de ses nécessités vitales et adopter des attitudes qui lui sont défavorables.

2423. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

mais tu ne sens donc rien ! […] Voilà donc que, pour augmenter l’embarras de cette pauvre enfant, le même jour et pour ainsi dire à la même heure, et sans transition, vous la faites passer de L’École des femmes à L’Épreuve nouvelle, de l’Agnès qui se défend à l’Agnès qui attaque, des sentiments bourgeois aux sentiments raffinés, — de la chaise de paille à la chaise longue, du gros mot au mot à double sens, de l’ail au musc, de la bure à la soie !

2424. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Tout l’univers s’adresse à l’homme dans un langage ineffable qui se fait entendre dans l’intérieur de son âme, dans une partie de son être inconnue à lui-même, et qui tient à la fois des sens et de la pensée. […] Les transports des sens, les fureurs de la jalousie, la lutte des désirs contre les remords, voilà l’amour tragique en France.

2425. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Les propositions scientifiques, relatives à l’état normal, seront plus immédiatement applicables aux cas particuliers quand elles seront accompagnées de leurs raisons ; car, alors, on saura mieux reconnaître dans quels cas il convient de les modifier en les appliquant, et dans quel sens. […] Bien des faits sembleraient plutôt démontrer l’existence d’un mouvement en sens inverse.

2426. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Mais un art nouveau prête un sens moral aux pompes et aux symboles d’une solennité presque étrangère. […] Ainsi paraissent dans le drame sacré l’époux, l’épouse, le chœur des compagnes, ou de toutes autres jeunes filles de Jérusalem et des autres contrées. » On conçoit que, parmi les traditions de la poésie hébraïque divulguées en langue grecque, ce chant gracieux, dont la lecture était défendue à la jeunesse israélite, ait attiré surtout la curiosité des païens charmés de ces voluptueuses images, et bien éloignés d’y voir le sens mystique et les allusions pieuses qu’on y a cherchés plus tard.

2427. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

N’est-ce pas elle, en effet, qui, toute ravie d’amour divin, s’écrie dans un cantique : « Je vis, sans vivre en moi-même ; j’aspire à une vie si haute, je la sens si proche, que je meurs de ne pas mourir !  […] Plus l’âme se détache des sens pour contempler le juste et le beau, plus elle mériterait de n’entrevoir que l’image de l’idéal divin.

2428. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

Ce Code de lois, tant célébré par les philosophes du XVIIIe siècle, est en grande partie resté sur le papier : elle embrassa plus de réformes en idée qu’elle n’en exécuta réellement ; et ce ne fut pas seulement son sens pratique qui l’arrêtait parfois : elle eut ses mobilités et ses illusions aussi.

2429. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Antony Deschamps, a publié trois satires dans un sens opposé, et empreintes d’une teinte de cette verdeur gibeline qu’il a comme puisée au commerce de Dante ; mais M.

2430. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Mais, sensible et ardent comme il est, la vue d’une belle conception le met hors de lui ; il s’élance pour la saisir, et s’il ne l’a pas enlevée du premier coup à son gré, il revient sur ses traces, s’agite en tous sens et se fatigue longuement autour de la même pensée, comme autour d’une proie qui lui échappe.

2431. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Nous n’essaierons pas ici d’aborder ces mystères d’avenir dans toute leur vague étendue, nous y reviendrons souvent par quelques points ; aujourd’hui, nous bornant à ce qui concerne le mouvement littéraire et poétique proprement dit, nous tâcherons de montrer dans quel sens nous concevons le changement inévitable que l’art va subir et pour lequel il est mûr.

2432. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

A-t-il cru qu’il n’y avait qu’à se déployer en ce sens, que toute issue de ce côté était certaine ?

2433. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Ici je sens bien qu’il faudrait des citations ; mais je n’ai pas un seul livre français dans ma retraite de Montmorency.

2434. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Il a le savoir d’un érudit, le sens d’un critique ; il cherche la vérité, d’une affection ferme et sereine, qui a l’air d’une fonction plutôt que d’une passion de sa nature.

2435. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Jamais je ne trouve dans son théâtre un mot qui soit pour la vérité d’abord ; je sens que ce poète vise toujours un point de l’esprit du public ; la vérité s’y rencontre, si elle peut.

2436. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

En ce sens le favoritisme politique lui-même peut avoir son utilité, en limitant et en corrigeant dans une certaine mesure le favoritisme proprement administratif (népotisme, socerisme, camaraderies d’administrateurs).

2437. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

L’auteur annonce, au début, qui y reprend ce qui a déjà été dit entre eux, pour en faire un tout avec ce qu’il va ajouter, « La gloire et les triomphes de Rome, lui dit, l’auteur, ne suffisent pas à votre curiosité ; elle me demande quelque chose de plus particulier et de moins connu ; après voir vu les Romains en cérémonie, vous les voudriez voir en conversation et dans la vie commune… Je croyais, en être quitte pour vous avoir choisi des livres et marqué les endroits qui pouvaient satisfaire votre curiosité ; mais vous prétendez que j’ajoute aux livres… La volupté qui monte plus haut que les sens, cette volupté toute chaste et tout innocente, qui agit sur l’âme sans l’altérer, et la remue ou avec tant de douceur qu’elle ne la fait point sortir de sa place, ou avec tant d’adresse qu’elle la met en une meilleure, cette volupté, madame, n’a pas été une passion indigne de vos Romains.

2438. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Le mérite de la premiere se réduit à deux ou trois Strophes, noyées dans un amas de grands mots vides de sens & de poésie ; la seconde offre, tout au plus, une douzaine de vers assez raisonnables.

2439. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Mais cette race élue portait en elle des divinités qui devaient conquérir le monde : les génies de la beauté, de la civilisation, de l’éducation, du progrès ; une religion ouverte à toutes les hardiesses et à toutes les conceptions de l’esprit, le sens unique et parfait des arts, le culte des idées pures, un don de perfectionnement qui transformait tout ce qu’elle touchait.

2440. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Ce n’est même qu’en ce dernier sens, que le public applique ordinairement cette fable.

2441. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

le sens le plus profond du livre.

2442. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Et d’ailleurs, dans le livre d’Edmond et Jules de Goncourt, le mot de société est pris au sens le plus large, le plus mâle et le plus profond.

2443. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Les plus beaux types (et nous prenons ici ce mot dans le sens criminel et tragique), les plus beaux types de la Poésie et de la Réalité, n’offrent rien, selon nous, de plus complet et de plus effrayant à ceux qui étudient la force d’impulsion des passions que cette Élisabeth de Platen, dont on n’aurait rien dit encore quand on l’appellerait la lady Macbeth de l’amour !

2444. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Être doué d’un esprit prodigieux dans le sens le plus leste et le plus brillamment impertinent de ce mot d’esprit, qui souvent dominait chez Joseph de Maistre toutes les gravités du génie, et devenir d’autant plus spirituel qu’on est plus respectueux, et gagner, dans cette compression féconde, mais douloureuse, d’un respect même immérité, des formes toutes — puissantes ou délicieuses pour sa pensée, qu’on n’aurait peut-être jamais eues sans cela, voilà ce que nous tenions à faire remarquer, nous qui pensons que la moralité d’un homme ajoute toujours à la beauté de ses œuvres !

2445. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

La griffe n’est point en lui, mais des facultés, rondes comme des pattes : le bon sens, mais qui ne devient jamais le grand sens ; la justesse du coup d’œil, qui voit bien ce qu’elle voit, mais qui n’en voit pas long… Esprit honnête, qui a beaucoup mangé, m’a-t-on dit, à la mangeoire du Correspondant.

2446. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Les négociations racontées dans ce premier volume sont celle de Parme, commencée sous le ministère de Richelieu, et celle de Rome, au conclave de 1656, qui ne finirent, ni l’une ni l’autre, dans le sens, d’abord voulu, des intérêts français.

2447. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Impersonnel comme j’ai dit qu’il était, Daly est entré dans le sens le plus intime d’une époque du passé, et il en a ressuscité non seulement la couleur, mais le sentiment.

2448. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Campaux a prouvé, selon moi, qu’il avait le sens du critique.

2449. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Demandez plutôt à tous les peuples qui ont perdu le sens des choses de l’âme, et qui tiennent comme maintenant à l’état d’axiome que l’histoire d’une prospérité politique quelconque s’écrit comme un livre de commerce et s’établit par doit et avoir.

2450. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Ainsi, il vendit des biens d’Église, et devint distillateur et marchand d’eau-de-vie dans les proportions d’un monopole immense, pour faire vivre dans leur luxe effréné ceux-là que Léouzon-Leduc appelle hardiment ses mignons… L’un des plus comiques de ces spectacles fut sa coquetterie avec les Francs-Maçons et le prétendant d’Angleterre, qui était grand-maître de l’Ordre, auquel, dans des vues de conquête politique, il voulut succéder ; et surtout ce fut sa réclamation, comme Maçon, de la Livonie, qui avait jadis, comme on sait, appartenu aux Templiers… Extravagant, mais d’une extravagance qui passait comme un coup de vent, il rêva tour à tour qu’il prendrait la Norvège, qu’il confisquerait le Danemark, qu’il entamerait la Russie ; et il intrigua, brouilla, remua, mais stérilement, dans le sens de tous ces rêves, lesquels n’eurent de réel qu’une superbe bataille navale qu’il gagna lui-même en personne, — belle inutilité de plus !

2451. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Les favoris ou les favorites ont un règne qui dure davantage, parce qu’ils établissent leur empire non sur les fougues éphémères des sens ou du cœur, mais sur les faiblesses, à poste fixe, de l’esprit ou du caractère.

2452. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

On connaissait les Pensées et maximes du moraliste du xviiie  siècle, — ce petit livre qui tiendrait sur quelques cartes à jouer, — et ce que Gilbert ajoute à cette œuvre mince n’est pas de nature, et dans aucun sens, à beaucoup l’augmenter.

2453. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Mais ce maraud-ci, à mon sens, vaut mieux, à lui seul, que tous les Taupins de l’Académie !

2454. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Il ne lui suffît plus de nous vanter comme l’un des plus puissants cerveaux qui aient élargi un crâne d’homme le sophiste brillanté du concile de Sens, le philosophe qui incuba son conceptualisme équivoque dans le grossier nominalisme de Roscelin, elle veut nous prouver, par-dessus le marché, que l’amant vaniteux d’Héloïse fut le plus grand cœur qui ait jamais filtré un sang de feu dans une poitrine.

2455. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

… « Je me sens devenir bête », s’écrie-t-elle dans les lettres de la fin de sa vie.

2456. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Il admire Quinet, et il voudrait le conseiller, dit-il, pour le mieux diriger dans le sens élevé de son talent.

2457. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Elle est morte en radotant de sa misère et dans l’écroulement complet, définitif, de l’être entier… Cette courtisane exceptionnelle, qui avait le génie du mot, de l’aperçu, de la répartie, et qui régnait sur la pensée autant que sur les sens des hommes, est morte aussi bête que les autres courtisanes vivent !

2458. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

L’auteur de ce travail, M. l’abbé Sauveur Gorini, ne peut pas passer pour un écrivain dans le sens littéraire du mot, quoiqu’il ait souvent ce qui fait le fond de l’écrivain, — une manière de dire personnelle, — mais c’est un érudit, et un érudit d’une nouvelle espèce, venu en pleine terre, à la campagne, comme une fleur sauvage ou comme un poëte… Jusqu’ici vous aviez cru, n’est-ce pas ?

2459. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Gilbert ajoute aujourd’hui à cette œuvre mince n’est pas de nature, et dans aucun sens, à beaucoup l’augmenter.

2460. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Aujourd’hui, il ne lui suffit plus de nous vanter comme l’un des plus puissants cerveaux qui aient élargi un crâne d’homme le sophiste brillanté du concile de Sens, le philosophe qui incuba son conceptualisme équivoque dans le grossier nominalisme de Roscelin, elle veut nous prouver, par-dessus le marché, que l’amant vaniteux d’Héloïse fut le plus grand cœur qui ait jamais filtré un sang de feu dans une poitrine.

2461. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Il est, enfin, non moins épouvantablement certain que cette philosophie de lâche est aussi dans la sensation recherchée des peuples abêtis et énervés qui n’ont ni Dieu pour couronnement de leurs civilisations, ni devoir, ni sens moral, ni rien de la substance qui fut une âme, et qu’ils sont dégoûtés jusque de porter le poids de leurs dernières corruptions !

2462. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Pour vivre de cette vie révoltante aux sens, mais que je maintiens poétique pour l’esprit, et pour l’âme croyante abondante en joies supernaturelles et célestes, il avait quitté de bonne heure des parents pieux qui l’adoraient.

2463. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

l’histoire du nègre, pour qui sait la lire, a un sens plus profond que toutes ces imitations dont la civilisation ne sortira jamais, parce qu’elle n’en est jamais sortie !

2464. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

Cantel n’en est pas à son premier mot poétique, il a déjà publié un volume ; mais il n’en débute pas moins encore, dans un sens plus profond que celui qu’entend le public, car il cherche, avec les souples articulations d’un talent qui doit grandir, une forme arrêtée, une manière définitive.

2465. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

C’est à faire croire que toute cette poésie de Hugo n’est pas si géniale qu’on le dit, ni si spontanée d’inspiration qu’elle se donne, et qu’elle pourrait bien n’être, au fond, que de la poésie à procédé, une clef difficile peut-être à faire jouer dans la serrure, une manivelle ou un ressort dont il faut connaître le sens.

2466. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Lamartine avait le sens de la réalité humaine tout autant que Chateaubriand, mais en passant par sa grande âme, la réalité grandissait.

2467. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Mais, cette originalité est à peu près chez tous menacée par beaucoup de choses mortelles : l’éducation, l’imitation, les préjugés, les circonstances, la recherche et la vanité du succès, les passions, qui ne sont pas toutes dans le sens du développement de nos facultés, que sais-je encore ?

2468. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Doctrinalement, voilà donc le sens et la portée de ce livre.

2469. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Janin, si l’Académie française ne donnait pas à l’auteur de La Fin du Neveu de Rameau le fauteuil de Diderot, dont il a pris le talent et dont il va partager la gloire, elle manquerait terriblement de sens critique, l’Académie !

2470. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

La Critique n’a de sens que quand elle peut modifier ceux qu’elle conseille.

2471. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

C’est l’application du mot de Bacon : « les hommes ont peur de la mort comme les enfants ont peur de l’ombre. » Cette peur des sens soulevés prend mille formes dans les Histoires de Poe ; mais soit qu’elle se traduise et se spécifie par l’horreur qu’il a d’être enterré vivant, ou par le désir immense de tomber, ou par quelque autre hallucination du même genre, c’est toujours la même peur nerveuse du matérialiste halluciné.

2472. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Monseigneur ne s’est pas aperçu qu’il continuait cette faute de charité en sens inverse commise par tout l’Épiscopat quand, à force de mandements, d’anathèmes et de coups de cloche, il a mis, de ses mains bénies, cinquante mille écus dans le chapeau de Renan, et a fait à ce petit gratte-papier d’une critique impie une position officielle, très confortable, contre Dieu !

2473. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

C’est celle d’un vieillard plein de sens, accoutumé au spectacle des choses humaines, qui ne s’échauffe pas, ne s’éblouit pas, admire avec tranquillité et blâme sans indignation ; sa marche est mesurée, et il ne la précipite jamais : semblable à une rivière calme, il s’arrête, il revient, il suspend son cours, il embrasse lentement un terrain vaste ; il sème tranquillement, et comme au hasard sur sa route, tout ce que sa mémoire vient lui offrir ; enfin partout il converse avec son lecteur : c’est le Montaigne des Grecs ; mais il n’a point comme lui cette manière pittoresque et hardie de peindre ses idées, et cette imagination de style que peu de poètes même ont eue comme Montaigne.

2474. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Au moment de raconter mes souvenirs, je sens que je me suis lancé dans une aventure un peu effrontée. […] Je n’ai compris leur sens que depuis qu’ils sont nôtres. […] et le mot littérature a, en effet, un mauvais sens. […] » Il résolut de ne lire que le journal ; et il disait : « J’y sens des fautes !  […] Elle hésita et prit enfin la détermination la plus sage : « Plus je pense au triste voyage de ce soir, plus je sens que je dois m’abstenir d’en faire partie.

2475. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Chaque vers constitue un ensemble, pour le sens et pour l’harmonie, et, avec les autres, compose l’unité de la strophe. […] Bonaparte lui-même, « les circonstances et leur action ne l’amenèrent que progressivement à décider dans quel sens il orienterait la France ». […] Il vous répondra que cette question n’a pas de sens. […] Il a le sens du pittoresque et — ô prodige !  […] Tu rêves de dépayser tes sens ?

2476. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

S’il n’y prend pas une très haute idée de la nature humaine, il ne continue pas moins d’estimer que « nous sommes des espèces de singes, que l’on peut dresser à la raison comme à la folie », et c’est tout justement l’objet qu’il se propose ; Mais c’est ainsi que se forme l’idée d’un homme universel, maniable et ployable en tout sens, qui ne diffère en aucun lieu de lui-même, qui n’est à vrai dire ni Français ni Anglais, mais homme, et dont la diversité de mœurs n’est intéressante à connaître que dans la mesure où l’on peut se flatter de la ramener un jour à l’uniformité. […] Qui ne sait que l’Esprit des lois, en un certain sens, n’est qu’une apologie de la constitution anglaise ? […] Vers le même temps, et moins heureuse en ce sens qu’elle ne nous a rien laissé, je ne dis pas qui soit comparable au Barbier de Séville ou au Mariage de Figaro, mais dont on soutienne aujourd’hui la lecture, il semble que, comme la comédie, la tragédie retourne à ses premières origines. […] L’Esprit des Lois. — Du lien qui rattache les Lettres persanes à l’Esprit des lois ; — et dans quel sens on peut dire que Montesquieu n’a vraiment écrit qu’un seul ouvrage. — Du dessein du livre ; — et qu’il faut bien qu’il ne soit pas clair ; — puisqu’il n’est le même pour aucun des commentateurs de Montesquieu. — Qu’à vrai dire l’ambition de Montesquieu a été de faire un grand livre ; — mais qu’il n’y a qu’à moitié réussi. — Indétermination de son plan ; — tour fâcheux de sa plaisanterie ; — insuffisance ou légèreté de sa critique [Cf.  […] Les Idylles d’André Chénier ; — et que ce n’est pas sans doute l’inspiration de l’Oaristys, ou celle du Jeune Malade, — qui diffère de l’inspiration de l’Hermès ou des Élégies ; — telle du moins qu’elle vient d’être définie. — Mais, comme André Chénier remonte directement aux sources grecques ; — et qu’il a le sens profond de l’alexandrinisme ; — sinon de la haute antiquité, sophocléenne, pindarique, homérique ; — il y retrempe le vers inconsistant et décoloré qui est autour de lui celui de ses émules ; — sans qu’il y ait rien là de contradictoire aux idées de son temps. — Ou plutôt, et semblable en tout le reste à ses contemporains, — il ne s’en distingue que par une intelligence plus subtile de ce classicisme dont ils ont perdu le sens ; — et pour avoir en lui réconcilié cette admiration de leur temps, — et ce sentiment de l’art qu’exprime le vers devenu proverbial : Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques.

2477. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Quoi de plus susceptible d’images agréables, qu’une Religion faite exprès, où tout invitoit les sens à jouir, où la volupté présidoit aux mystères, où l’imagination enfin créoit à son gré des Déesses & des Dieux ! […] Séduit par ses sens, il s’abandonne à la pente la plus facile, & c’est celle du vice. […] Ce spectacle aussi intéressant que sublime, qui frappoit sans cesse leurs sens, élevoit leur esprit jusqu’à leur divin Auteur, & leurs premiers ouvrages n’ont été que des Cantiques de reconnoissance à sa gloire. […] Nous devons donc consulter ceux, qui peuvent nous donner le plus de lumières analogues à ce sens intellectuel qui agit en nous.

2478. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Un silence comme dans les jours tragiques, et la tête de la baronne, vous la voyez… lorsqu’un larbin ramasse sur le tapis — un tapis heureusement de cinq pouces d’épaisseur — un objet, et après l’avoir retourné dans tous les sens, le tend à la baronne, disant avec une voix de domestique : « Intact » et c’est un autre qui chuchote le même mot, et pour la dizaine d’objets tombés, c’est bientôt un chœur de larbins, répétant : « Intact, intact, intact !  […] — Oui, me répondit-il, je sens que je ne suis pas un peintre, je peins avec mon cerveau, pas avec mon cœur… Je ne sais, si vous l’avez connu, Couture… C’était un petit ratatiné frileux, ayant toujours sur le dos un collet de manteau, et Diaz, qui était plein d’esprit, plein d’une imagination drolatique, disait, en le voyant déboucher : « Voici le champignon vénéneux !  […] » Jeudi 8 décembre J’entendais aujourd’hui Hanotaux, parler intelligemment des futurs Américains, qui sont en train de se faire chez les Africains de l’Algérie, de cette jeune population, née du contact des officiers et des soldats français avec les prostituées autochtones de là-bas : une population pleine d’activité, de vitalité, mais légèrement privée de sens moral. […] Toutefois je sens une baisse dans l’admiration pour ma personne.

2479. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Humiliée, anéantie, pitoyable dans tous les sens du mot et charitable, sévère à elle-même, indulgente aux autres, cette âme a pour ses compagnes en douleur des conseils pleins d’une douceur infinie et d’une résignation toute persuasive : Crois-moi Si ta vie obscure et charmée Coule à l’ombre de quelques fleurs, Âme orageuse mais calmée, Dans ce rêve pur et sans pleurs, Sur les biens que le ciel te donne,         Crois-moi, Pour que le sort te les pardonne,         Tais-toi !

2480. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Mille échappées, où l’on ne voyait auparavant que des accès de fantaisie, prennent un sens profond et précis qu’elles n’avaient pas.

2481. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Gautier lui-même ; mais, pour y rester fidèle jusqu’au bout et le remplir, pour se faire, à titre de peintre dépaysé, un coin de poésie à soi, pour le marquer d’une heureuse et singulière culture et l’enrichir de fruits à bon droit plus colorés qu’ailleurs, pour y réaliser, comme Andromaque exilée en Épire, le petit Xanthe et le Simoïs de l’éclatante patrie, combien il eût fallu d’efforts religieux et purs, de mesure scrupuleuse, de tact moral sous-entendu et, je le dis au sens antique, de chasteté !

2482. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Des intérêts plus animés, des passions encore vivantes jugeront ce nouvel ordre de recherches ; mais je sens néanmoins que je puis analyser le présent avec autant d’impartialité que si le temps avait dévoré les années que nous parcourons.

2483. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Le comique nous attache étroitement à ce qui est déterminé par les sens ; il ne tombe pas à genoux, mais il se met sur ses rotules, et peut même se servir du jarret , § 35.

2484. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Sur la différence de sens qu’il convient d’établir entre les mots style et écriture voir, au chapitre XI, la fin de l’étude consacrée à Rem y de Gourmont.

2485. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

La raison est qu’en rendant les mots, & même le sens principal, on ne rend pas toujours les idées accessoires, qui forment tout l’art & tout le mérite d’un ouvrage.

2486. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Mais je ne proscris pas les poésies de pur agrément, pourvu qu’elles contiennent des beautés propres à l’auteur, et par conséquent nouvelles ; je dirai, si vous voulez, en ce sens, que la poésie même me déplaît quand elle ne m’apprend rien.

2487. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Ils ont pris au pied de la lettre brute cette cordiale plaisanterie de l’Espagne, qui fait de tout illégitime un gentilhomme ; et par cela même ils ont prouvé qu’ils n’entendaient rien à cette grande parole qui n’a de sens qu’avec la foi chrétienne et que peuvent dire seuls les bâtards pieux et fidèles qui se réclament de la légitimité divine : « Je suis enfant de Dieu et de noble maison. » Ils se sont enfin haussés jusqu’aux plus insolentes apologies, et de ces apologies jusqu’aux blasphèmes, et de tels blasphèmes que nous ne voulons ni ne pouvons les répéter.

2488. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Aristocratiques ou bourgeoises, provinciales ou citadines, selon la distinction de Livet, ces idéales de travers, ces bons sens renversés comme leurs noms, dont elles faisaient des anagrammes, ces précieuses enfin de l’hôtel de Rambouillet ou d’ailleurs, ne méritaient pas vraiment l’honneur d’une histoire.

2489. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

L’étiquette à mettre sur la philosophie ou les philosophies de Weill m’est bien indifférente, mais ce qui me cause presque de l’horreur dans ce livre dont je me promettais tant de joie, c’est la radicale impiété que j’y trouve, malgré l’âme honnête que j’y sens ; c’est enfin l’extinction, et l’extinction la plus complète, du sentiment chrétien, — de ce sentiment par lequel Weill, l’ingrat, est encore tout ce qu’il est quand il a raison contre l’immoralité de ce temps !

2490. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

de l’aristocratie dans le sens impur, grotesque et déshonoré de ce mot.

2491. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

« Je vois cela, — disait-elle, — je ne le sens plus. » Telle fut, parmi les caillettes et les extravagantes du xviiie  siècle, Renée-Caroline de Froullay, marquise de Créqui par mariage.

2492. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

., avaient éclaté, et, sans prétendre les résumer, cette publication les étreignit tous, comme idées, en un bloc consistant et très ferme, pour le compte d’une édition spéciale, faite avec soin sur les textes confrontés et le rétablissement du sens de Pascal, si longtemps obscurci et mutilé !

2493. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Elle est sans éclat, sans poésie, sans manière de tourner les choses ou de les retourner, car on les a vues dans ce sens-là bien des fois, — malheureusement bien des fois !

2494. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Elles ne mériteraient même pas d’être relevées, si le monde de cette heure du siècle avait encore assez de droiture dans le sens pour rester inflexible aux efforts d’un esprit faussé par la haine la plus volontaire, la plus réfléchie, la plus forgée à froid ; car M. 

2495. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Elle retourne malaisément les médailles qu’elle a gravées pour les frapper dans un autre sens et en compléter la figure.

2496. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Or, je ne crains pas de le dire, malgré sa position, sa renommée, l’enseignement qu’il a fait peser sur toutes les Écoles de France pendant tant d’années, malgré, enfin, l’organisation d’un système dans lequel il a montré des facultés d’envahissement et de conservation qui n’ont rien de philosophique ou de littéraire, Cousin, le chef de la philosophie française, n’est pas un philosophe dans le sens créateur et imposant du mot.

2497. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

… On avait déjà affligé de ce mot-là — commun au fond comme un trottoir — les contes d’Edgar Poe, traduits et révélés par Baudelaire, et que le profond américain, qui savait bien ce qu’il faisait, — qui avait, lui, mieux que personne, le sens lumineux de son œuvre, — avait appelés : Contes arabesques.

2498. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Quoiqu’il ait le sens critique beaucoup trop fin et trop exercé pour ne pas sentir les beautés et les suavités de toutes sortes qui sont dans Guérin, il n’a pas l’enthousiasme qu’il faudrait, l’éclat et la portée de voix, la souveraineté dans la parole, qui peuvent exiger l’admiration comme une justice et la décider du même coup.

2499. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

À coup sûr, la Critique n’aurait pas mieux fait… C’est Le Bonhomme, en effet, que La Fontaine, dans le sens le plus général et le plus absolu ; ce n’est pas simplement Un Bonhomme.

2500. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Évidemment, de destinée révélée par la physiologie, l’auteur des Destinées semblait fait pour porter la mitre ou la barrette comme Fénelon et le cardinal de Polignac, natures analogues à la sienne, si la Révolution n’avait pas renversé sens dessus dessous toutes les existences, comme la main d’un enfant secoue et mêle, dans leur sac, tous les numéros d’un loto.

2501. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

Malot ne semble guère avoir le sens des grandes cérémonies catholiques, inépuisables de poésie attendrissante et profonde.

2502. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

l’exactitude dans le sens de renseignement, de description et de notions complètes et scientifiques des choses… La littérature de la dernière moitié du xixe  siècle, annonce dogmatiquement Feydeau, sera la peinture exacte de ce qui est.

2503. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.

2504. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

La gloire et la vertu consistent dans la puissance ; les scrupules sont faits pour les âmes viles ; le propre d’un cœur haut est de tout désirer et de tout oser. « Ici, la conscience est une souillure, la fortune tient lieu de vertu, la passion de loi, la complaisance de talent, le gain de gloire, et tout le reste est vain. » Ravi de cette grandeur d’âme, Séjan s’écrie : Royale princesse ; À présent que je vois votre sagesse ; votre jugement ; votre énergie, Votre décision et votre promptitude à saisir les moyens De votre bien et de votre grandeur, je proteste Que je me sens tout enflammé et tout brûlé D’amour pour vous125. […] Je sens que je m’en vas. […] Les dieux grecs et tout l’Olympe antique, les personnages allégoriques que les artistes peignent alors dans leurs tableaux, les héros antiques des légendes populaires, tous les mondes, le réel, l’abstrait, le divin, l’humain, l’ancien, le moderne, sont fouillés par ses mains, amenés sur la scène pour fournir des costumes, des groupes harmonieux, des emblèmes, des chants, tout ce qui peut exciter, enivrer des sens d’artistes.

2505. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

La politique du cardinal de Richelieu (l’abaissement de la maison d’Autriche) n’avait plus le sens qu’elle avait eu pendant tant d’années. […] C’est ce que M. de Talleyrand, redevenu en une heure l’oracle de la France et de l’Europe, définit admirablement dans le conseil des rois : « La république est une impossibilité ; la régence, c’est Napoléon continué, avec le ressentiment de sa déchéance et l’inimitié de l’Europe ; Bernadotte (candidat alors de la Russie), c’est une intrigue : la légitimité seule est un principe. » Cette note verbale était l’expression exacte et forte de la France, de l’Europe et du temps ; elle portait en peu de mots un sens souverain et irréfutable. […] Tel était ce caractère, toujours recueilli dans son silence, et qui ne laissait échapper son grand sens que dans des mots qui donnaient à réfléchir, parce qu’ils étaient eux-mêmes profondément réfléchis.

2506. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Mais, à mon sens, vous pouvez vous flatter qu’elle ne reviendra pas de ce coup-là ; pauvre petite femme ! « Il me prit les deux mains, les serra et me dit : « — Mon brave capitaine, vous souffrez plus que moi de ce qu’il vous reste à faire, je le sens bien ; mais qu’y pouvons-nous ? […] Il a dû se repentir bien des fois avant sa mort de ce mauvais coup de langue à deux tranchants envers un homme d’honneur d’autant plus facile à asphyxier de faux éloges qu’il était incapable de comprendre deux sens dans une parole.

2507. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Il amuse dans le sens que l’imagination qui n’est pas très exigeante, que l’imagination bonne fille donne à ce mot-là. […] L’utilitarisme, en religion, est aussi bas qu’en autre chose… Il n’y a de beau et même d’utile, puisqu’on aime ce mot et cette idée-là, mais d’utile dans le sens infini, que ce qui est beau, toujours plus beau, que ce qui se rapproche le plus de la Beauté Éternelle ! […] Pris au cœur comme le prophète aux cheveux par la main divine, Paul Féval, cet esprit fécond, à la composition rapide et dont la plume ressemble à une aile, ne pouvait tarder à nous faire un livre dans le sens des idées qui l’ont saisi avec tant de puissance, et le livre a paru comme l’éclair.

2508. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

On ne saurait critiquer ou discuter sa morale ; il n’en a point ; c’est un sens qui lui manque absolument ; et chaque fois qu’il a énoncé une morale quelconque (cela lui arrive souvent), il s’est moqué de nous. […] Par la faute des théoriciens eux-mêmes, le mot « tragédie » a pris un sens étroit qui provoque, à lui seul, le dédain des uns et l’admiration des autres. […] Les Latins en ont copié les caractères extérieurs, tout en modifiant profondément le contenu, et dans quel sens !

2509. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Il a voulu donner un sens spécial aux divers timbres des instruments. […] Désormais quelques notes, même prises isolément, avaient un sens par elles-mêmes.

2510. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

» Une passion, des passions à la fois de toute la tête, de tout le cœur, de tous les sens, et où se mêlaient toutes les maladies de la misérable fille, la phtisie qui apporte de la fureur à la jouissance, l’hystérie, un commencement de folie. […] Oui, oui, une fermeture de tous ces affreux secrets, cachés et renfoncés en elle, sans une échappade à nos yeux, à nos oreilles, à nos sens d’observateur, même dans ses attaques de nerfs, où rien ne sortait d’elle que des gémissements : un mystère continué jusqu’à la mort et qu’elle devait croire enterré avec elle.

2511. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Vois comme avec tes sens s’écroule ta prison ! […] Cette heure a pour nos sens des impressions douces Comme des pas muets qui marchent sur des mousses : C’est l’amère douceur du baiser des adieux.

2512. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Un amant qui fait entrer l’incertitude de réussir auprès d’une autre femme, dans les raisons d’être fidèle à celle qu’il aime, ne peut intéresser vivement ; et Plautine qui renonce généreusement à Othon, ne réchauffe pas l’intérêt en lui offrant le dédommagement d’un amour au-dessus des sens. […] Les autres peuvent aussi blesser la nature de plusieurs manières : 1º En ne répondant pas juste, sans qu’il y ait une raison, prise de la situation et du caractère, pour éluder les discours qu’on leur adresse ; ce qui serait alors une justesse véritable, et même plus délicate que la justesse prise dans un sens plus étroit ; 2º En ne répondant pas tout ce qu’ils devraient répondre ; 3º En n’interrompant pas où ils devraient interrompre.

2513. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Elle a le sens visuel et pittoresque remarquablement développé, et elle n’a cessé de le cultiver par l’étude et par le travail.

2514. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Ainsi des autres caractères ; les poëtes adolescents, encore entiers, n’imaginent pas d’autre nature humaine que celle-là, double en général, et absolue, excessive dans chaque sens.

2515. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Livré, après une première éducation très-incomplète, à toutes les dissipations de la jeunesse et des sens, La Fontaine entendit un jour, de la bouche d’un officier qui passait par Château-Thierry, l’ode de Malherbe : Que direz-vous, races futures, etc.

2516. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

Quand Voltaire, pour attaquer le christianisme, tronquait et supprimait des textes, il obéissait à la haine ; et, quoiqu’il soit fort peu philosophique de haïr, c’est là du moins une passion qui, à la prendre en un certain sens, peut s’appeler désintéressée.

2517. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Si la rénovation du théâtre dans le sens des idées dites romantiques est impraticable en France, il faut s’en prendre à l’une ou à plusieurs de ces quatre causes : 1° notre constitution sociale, 2° le goût du public, 3° le manque d’auteurs, 4° le régime des théâtres.

2518. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Une comptabilité compliquée, force emprunts, de gros traitements, de lourds impôts, de perfides poursuites contre la presse sous prétexte de sédition, d’inhospitalières mesures contre les proscrits et les réfugiés de l’Europe, toutes les questions douteuses et indéterminées constamment résolues dans le sens d’un pouvoir central envahisseur ; tels étaient les points essentiels de ce programme monarchique, que l’intérêt populaire trouve partout à combattre, et que la République semblait avoir dérobé par avance à la quasi-légitimité, Voici une lettre de Jefferson, datée de 1796, et qui exprime trop exactement notre propre situation de 1833, pour que nous ne la transcrivions pas en entier : « L’aspect de notre pays est étonnamment changé depuis que vous nous avez quittés.

2519. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Le grand mouvement qui animait les littératures étrangères durant les trente premières années du siècle, et qui se fit si vivement sentir en France sous la Restauration, s’est graduellement calmé, comme tant de choses, et il ne présente plus à l’intérêt qu’une surface immense que sillonnent en tous sens des voiles empressées, mais où ne se signale de loin aucune escadre imposante, aucun pavillon bien glorieux.

2520. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Ce système a donné lieu à tant d’interprétations absurdes, que je me crois obligée d’indiquer le sens précis que je lui donne dans mon ouvrage.

2521. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Tous les caractères despotiques, dans quelque sens qu’ils marchent, détestent la pensée ; et si le fanatisme aveugle est l’arme de l’autorité, ce qu’elle doit redouter le plus, c’est l’homme qui conserve la faculté de juger.

2522. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Pour un vrai poëte, pour La Fontaine, une couleur d’habit, un jappement de chien, un salon, un taudis, un Olympe, une perruque, tout a un sens et un intérêt.

2523. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

D’abord il a le sens du pittoresque : il voit, et fait voir.

2524. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Notre xviiie  siècle s’est servi et autorisé de l’Angleterre, mais pour abonder en son propre sens, et réaliser ses intimes aspirations.

2525. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Faites ce travail sur tous les sonnets de M. de Heredia, non seulement pour les rimes, mais pour tout l’intérieur du vers : peut-être ne démêlerez-vous pas toujours les raisons de cette harmonie secrète du sens et de la musique des phrases ; mais toujours vous la sentirez.

2526. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Nous ne sommes pas les mêmes à toutes les heures, et « je sens deux hommes en moi ».

2527. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

vous entendez dans quel sens vague, mystérieux et saugrenu le mot est pris ici.

2528. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

On peut dire qu’en ce sens M. 

2529. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Pourtant est-il historique au meilleur sens : il est vrai.

2530. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Le sens du mystère s’éveillait dans les âmes.

2531. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Rien de ce qu’on appelle civilisation, dans le sens grec et mondain, n’avait pénétré parmi eux.

2532. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Il lui fallait du plaisir et de l’amusement ; ainsi le voulaient l’ardeur de ses sens et le peu de développement de son esprit.

2533. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

Essayons de lire en nous préoccupant du sens.

2534. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Mais voici, hésitante et envahisseuse comme le flot qui monte, puérilité persistante en qui rien n’éveillera des sens ou un cœur de femme, mais dont la tête faible se grisera tantôt de perversités, tantôt de vérités, tantôt de folies, — Suzanne.

2535. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Grâce à lui désormais, une foule de détails qui semblaient du ressort exclusif des bibliographes et des éditeurs et dont ces derniers ne faisaient qu’un usage très borné et très aride, ont pris un sens et une vie qui les rattache à l’histoire littéraire.

2536. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Ouvrez au contraire le livre ami, celui avec qui vous avez pris l’habitude de causer comme avec une personne, vous y découvrirez entre toutes les pensées des rapports harmonieux, qui les feront se compléter l’une par l’autre ; le sens de chaque ligne s’élargira pour vous.

2537. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Les écrivains des réactions ne s’y trompent pas ; là où il y a de la révolution, patente ou latente, le flair catholique et royaliste est infaillible ; ces lettrés du passé décernent à la littérature contemporaine une honorable quantité de diatribe ; leur aversion est de la convulsion ; un de leurs journalistes, qui est, je crois, évêque, prononce le mot « poëte » avec le même accent que le mot « septembriseur » ; un autre, moins évêque, mais tout aussi en colère, écrit : Je sens dans toute cette littérature-là Marat et Robespierre.

2538. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

À notre sens, rien ne ressemble moins à l’enthousiasme véritable, que ce jet de bouquets et de fleurs.

2539. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Molière même, pour ne pas se brouiller avec un corps si dangereux, appela précieuses ridicules celles qu’il mit sur la scène ; depuis ce temps le mot précieuse se prit en mauvaise part, et c’est en ce sens que La Fontaine s’en sert dans cette petite historiette, qu’il lui plaît d’appeler une fable.

2540. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Laujon qu’un bonheur dont je sens tout le prix, celui de siéger dans cette enceinte en même temps que son bienfaiteur.

2541. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Pour qui a pratiqué la vie, ou qui l’a seulement regardée, il n’est pas vrai que cette amitié puisse exister ; et si on l’a cru quelquefois, ce n’a été que par piperie d’âme abusée, à qui les sens, maîtres en amour, ont donné bientôt le plus éclatant démenti !

2542. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Voilà où nous allons, si on laisse faire ces fourmis travailleuses qui nous préparent la société de l’avenir ; si de temps en temps, un vigoureux coup de pied du Bon Sens, dans leur fourmilière, n’écrase pas quelques-unes d’entre elles… IV Quant à André Léo, elle s’écrase elle-même sous ses livres et sous leur lourdeur.

2543. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

… Comme histoire politique, ils nous racontent, sans pénétrer le sens des événements, des batailles, — et quelles batailles encore !

2544. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Il n’avait pas une idée allemande, il est vrai, et sur laquelle les Schlegel pussent faire un livre ou un système ; mais c’était un esprit droit, positif, sagace, tout-puissant d’habileté, de ce grand sens qui, s’élevant d’un degré de plus, serait le génie, et qui, comme la dit Bonald, doit en remplir les interrègnes… Eh bien, la Critique littéraire a toujours un peu traité les capacités militaires comme madame de Staël traitait Wellington !

2545. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Homme de sens médiocre, empaumé par la prétention scientifique, il n’a jamais d’aperçu supérieur, ni comme Michelet, ce déboutonné, qui se permet tant d’insolentes libertés avec l’Histoire, de ces paradoxes (suggestifs même parfois de vérité) qui prouvent qu’on pense ou que du moins l’on veut faire penser son lecteur.

2546. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

C’est un écrivain dans le sens général, rigoureux, absolu, du mot.

2547. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Montesquieu, tout majestueux président qu’il pensait rester, était d’une époque où l’amour des sens, ce diable déchaîné, secouait les plus graves, et il eut comme les autres ses aventures de boudoir ; mais, de l’imagination, comme les poètes qui aiment, il montra le peu qu’il en avait dans des madrigaux absolument et détestable ment médiocres, et dans ce poème en prose du Temple de Gnide que la marquise du Deffand appelait : « l’Apocalypse de la galanterie », parce que la pauvre diablesse aveugle ne comprenait rien à celui de Saint Jean !

2548. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

On y trouve des noms exhumés, des détails, des curiosités, dans le sens enfantin du mot, mais rien d’essentiel, de vital, de puissant et de remuant le fond des choses.

2549. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

Et comment, en effet, un siècle qui a éteint en lui le sens lumineux des choses divines verrait-il dans le phénomène terrible de la misère, de l’oppression et de la douleur, autre chose qu’un fait matériel auquel on répond par un fait matériel contraire ?

2550. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

D’autres diraient pour se corrompre ; mais ce dernier mot manque de sens moral en Amérique. » Or, dans ces maisons où l’on ne s’ennuie pas, et que Bellegarrigue appelle des maisons d’éducation précisément parce que l’éducation — l’instruction du cœur — y est nulle, on traite le cerveau des jeunes filles comme un cerveau d’homme.

2551. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Quoiqu’il ait écrit des Poésies, ce n’est pas un poète cependant, dans le sens absolu de ce grand nom qui suffit à la gloire d’un homme quand il le mérite ; il n’est point un poète dans sa plus haute signifiance, mais il a de l’imagination poétique, et le livre que voici en est la preuve la plus incontestable.

2552. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Car voilà tout le sens vrai de cette Histoire de France d’aujourd’hui, qui s’enveloppe la main dans de la critique incertaine, chimérique ou fausse, pour faire mieux son mauvais coup contre le Moyen Âge et pour qu’on sente moins ainsi la main du voleur.

2553. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Wallon nous les dit toutes les deux de front, allant de l’une à l’autre, un peu troublé, dans son sens moderne, de ce qu’il voit dans l’une, à côté de son admiration pour l’autre… Infirmité qu’on appellera du nom qu’on voudra, mais qui invalide une histoire dans laquelle il n’y avait aucune précaution à prendre, et pas autre chose que des admirations intégrales et sans aucune réserve à fièrement et chaleureusement affirmer !

2554. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Nous comprenons très bien le double sens de cette évolution.

2555. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Seulement, jusque-là, ne nous étonnons pas que Humboldt, qui est moins un savant, dans le sens profond et découvrant du mot, qu’un magnifique beau parleur scientifique, tienne toute l’oreille et toute l’attention d’un public, pour lequel il a voulu, et presque exclusivement, parler !

2556. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Elle était née naturelle, et la société à laquelle elle appartenait la développa dans ce sens.

2557. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Flourens n’attribue pas avec assez de rigueur, à notre sens, quoiqu’il l’indique, l’absence de vue perçante de Buffon, en fait de méthode, à une conformation de tête qui n’avait rien de métaphysique et à des facultés qui devaient entraîner celui qui les avait, comme l’imagination entraîne.

2558. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Seulement, jusque-là, ne nous étonnons pas que Humboldt, qui est moins un savant, dans le sens profond et découvrant du mot, qu’un magnifique beau parleur scientifique, tienne toute l’oreille et toute l’attention d’un public, pour lequel il a voulu, et presque exclusivement, parler !

2559. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Pelletan est de cette race d’âmes qui ont le sens mystique en elles, et selon nous, c’est là une supériorité.

2560. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Par la nature de ses facultés, il était destiné à toujours aller devant soi dans le sens de ses premières pentes.

2561. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Je ne crois pas que la chaire catholique, à aucune époque de son retentissement, ait entendu des paroles plus étrangement profondes et plus hardies sur la passion et le sens dépravé de l’homme.

2562. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Fils de l’Université qui n’a pas oublié Stanislas, c’est un normalien et un cousiniste, et, s’il est chrétien, comme je le crois, et comme quelques-uns de ses premiers écrits14 autorisent à le croire, c’est un chrétien qui derrière sa foi a sa métaphysique, comme derrière un salon dans lequel on vit peu, on a un cabinet de travail dans lequel on se tient toujours… À un homme de cette préoccupation philosophique, de cette culture, de ce goût affiné et sûr, Dieu sait l’effet que je dois produire avec mon sens littéraire ardent et violent plutôt que réglé, et mon catholicisme brutal, qui a tout avalé des philosophies qui me grignotaient l’esprit avant que Brucker m’eût ramené à cette religion de mon intelligence et de mon âme !

2563. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Je sens, — comment la sent-il ?)

2564. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Edgar Quinet a brouillé, avec son Merlin, jusqu’au sens droit, si net, si français, si moqueur, de M. 

2565. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Et cela est vrai dans tous les sens.

2566. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

L’âme religieuse de cet homme triple atteignait au sublime d’une foi profonde, quoique erronée ; mais pour retomber bientôt de cette hauteur aux faiblesses, ou aux forces, de l’humanité : à l’amour toujours païen de la femme, — à cette époque plus païen que jamais, — aux fureurs sacrées, comme disent les poètes » de la Muse, aux sonnets ardents qu’à la cour, pendant les trêves de ces guerres protestantes, il jetait, comme des torches, dans l’escadron volant des filles de la reine, pour leur embraser les sens et les cœurs.

2567. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Les poésies célèbres, de Baudelaire ne sont que l’expression des sens révoltés qui se tordent dans l’épuisement et la fureur de leur impuissance, serpents de Laocoon qui n’ont plus à étreindre que le fumier sur lequel ils meurent.

2568. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Ce qui distingue particulièrement et toujours davantage son genre de talent, lequel se développe dans le sens de ses premiers ouvrages et de sa native personnalité, c’est l’éclat à tout prix et l’aperçu à tout prix, et pour les avoir, à tout prix, il met souvent à la vérité des atournements pour lesquels elle n’est point faite, et il va même parfois jusqu’à la renverser la tête en bas, pour la montrer par où on ne l’avait pas vue encore.

2569. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

Et cela est même, selon moi, le sens et l’idée du roman.

2570. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Il amuse dans le sens que l’imagination, qui n’est pas très-exigeante, que l’imagination, bonne fille, donne à ce mot-là.

2571. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Mérimée était resté ce qu’il était quand il débuta, et même plus tard, et qu’il eût continué de se développer dans le sens de ses facultés naturelles, nous aurions peut-être un grand romancier de plus… Au lieu de cela, nous n’avons eu qu’un homme de beaucoup d’esprit et de ressources, qui a fait toutes sortes de livres, parmi lesquels il y a des romans qu’il est temps aujourd’hui de juger.

2572. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

, plus turbulente que celle de La Bruyère, — le seul coloriste et le seul pittoresque pourtant, dans le sens moderne, que le xviie  siècle ait produit, car Fénelon n’est qu’une bergerie et Bossuet ce n’est pas un reflet, mais un embrasement de la Bible et des Pères, — vous n’en trouverez pas d’autres le long de cette galerie de trente-six dévotes, dont les noms choisis : Pétronille, Scholastique, Dosithée, Gorgonie, Hilarione, etc., rappellent les noms, admirablement appropriés à ses types, du grand moraliste du xviie  siècle : Gnaton, Cléophile, Acis, Ménalque, Onuphre, etc., etc., noms que le génie a touchés de son phosphore et qui sont à l’état de choses inextinguibles dans nos esprits !

2573. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Je sens que, pour un programme, il faudrait écrire ; on est trop long en parlant. […] Le verbe habere a perdu, dans cette phrase, sa force primitive, et a pris un sens accessoire, comme dans nos langues modernes. […] Au commencement du douzième siècle les moines de Ferrières, dans le diocèse de Sens, ignoraient qu’il y eût en Flandre une ville de Tournay. […] Souvent aussi, ses plaisanteries auraient aujourd’hui un sens et une portée qu’elles n’avaient pas dans le vieux temps. […] On travaille maintenant beaucoup cette même langue ; on l’altère en tout sens.

2574. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

. —  Leur œuvre et leur sens pratique. —  Bunyan. […] En vain le roi, dans sa proclamation, avait ordonné aux gens « de ne pas trop accorder à leur propre sens, à leurs imaginations, à leurs opinions ; de ne pas raisonner publiquement là-dessus dans leurs tavernes publiques et dans leurs débits de bière, mais d’avoir recours aux gens doctes et autorisés » ; la semence germait, et on aimait mieux en croire Dieu que les hommes. […] Tout est d’accord, le lieu, le chant, le texte, la cérémonie, pour mettre chaque homme, en personne et sans intermédiaire, en présence du Dieu juste, et pour former une poésie morale qui soutienne et développe le sens moral356. […] Ce n’est pas un froid rigoriste qui parle, c’est un homme, un homme ému qui a des sens, un cœur, qui est devenu chrétien non par la mortification, mais par le développement de tout son être […] « Selon le sens ordinaire de l’Écriture, dit le major Disbrowne, presque tous commettent des blasphèmes, selon ce mot de notre Sauveur dans saint Marc : « Péché, blasphème ; —  si cela est, il n’y a personne sans blasphème.

2575. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Tous les Citoyens éclairés agissent aujourd’hui presque dans le même sens. […] Il faudroit avoir une idée profonde & juste & de l’image réelle & de l’imitation parfaite, pour déterminer, avec précision, le sens de ce mot abstrait. […] songe que ce n’est qu’à ce titre que tu auras quelque droit à leur attention ; méfie-toi de ton desir, il est dangereux, si tu ne te sens cette vertu courageuse, rayon bienfaisant de la Divinité. […] Des objets qui ne sont jamais tombés sous les sens, deviennent sensibles, & s’offrent réellement jusqu’à troubler & épouvanter nos esprits. […] Je sens qu’une opinion nouvelle, a toujours les couleurs du paradoxe ; je sçais que l’homme ne change point les idées avec lesquelles il s’est familiarisé.

2576. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Que de ce vil troupeau d’hommes et de femmes, il ne sorte pas une indignation, une colère qui atteste le sens dessus dessous des choses humaines et divines ! […] Aujourd’hui je me demande si c’est bien tout, je me demande si j’ai longtemps encore à voir, si je suis condamné à devenir bientôt aveugle, à être privé du seul sens qui me continue encore les uniques jouissances de ma vie. […] Je le sens à vivre, à peu près tous les soirs, à côté de Burty, entouré, barricadé de papiers, de notes, de dépêches, de carnets, trouvés aux Tuileries, et qui m’en lit, à tout bout de champ, des fragments qui m’assomment. […] Le colonel s’est porté sur le flanc de la colonne, jetant à haute voix avec une brutalité que je sens affectée, et à l’effet de faire peur : « Tout homme qui quittera le bras de son voisin : c’est la mort. » Et ce terrible « c’est la mort » revient quatre ou cinq fois dans son court speach, pendant lequel s’entend le bruit sec des fusils, que charge l’escorte à pied. […] La caserne, les magasins effondrés, le Château-d’Eau, sens dessus dessous, avec un lion resté debout, et dont un boulet, passant entre ses crocs, a fait un lion rugissant.

2577. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Et je sens que la maison ne ment pas. […] Je ne m’en sens pas le courage. […] La littérature est un commerce comme un autre, plus exigeant qu’un autre, en ce sens qu’il se meut dans un cercle de production étroit et restreint aux choses de l’amour. […] M. de Montesquiou a vraiment le sens de la nuit au double point de vue de l’interprétation picturale et psychique. […] Tel est le sens du livre de M. de Montesquiou.

2578. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

La nation s’est installée à demeure au milieu de vaincus exploités et menaçants, comme les anciens Spartiates, et l’obligation de vivre à la façon d’une bande campée a tordu violemment dans un sens unique toute la constitution morale et sociale. […] Il est grand ou petit selon que les forces fondamentales sont grandes ou petites, et tirent plus ou moins exactement dans le même sens, selon que les effets distincts de la race, du milieu et du moment se combinent pour s’ajouter l’un à l’autre ou pour s’annuler l’un par l’autre.

2579. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

La capitale d’une nation exerce sur les membres une puissance d’initiative, d’entraînement et de résolution, en rapport avec les sens plus énergiques dont la tête est le siège dans la nation comme dans l’individu. […] L’initiative est la maîtresse des choses quand elle est dans le sens des choses.

2580. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Quant à moi, je ne m’en sens qu’une, et elle a toujours été autant dans ta poitrine que dans la mienne : l’idée de voir, de penser, de respirer seulement sans toi, ici ou là ne m’est jamais venue. […] Le sauver tout seul en te laissant mourir ou captive à sa place, cela ne se peut pas, disait en moi la voix céleste ; tu sens bien qu’il n’y consentirait jamais, lui qui t’aime plus que sa vie et qui a risqué sa liberté et sa vie pour te venger des sbires qui t’avaient blessée et avaient cassé la patte de ton chien !

2581. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Mademoiselle Necker n’avait pas encore atteint les années arides du bons sens. […] répliquai-je, « il ne s’agit pas de ce que je veux, mais de ce que je pense. » J’ignore si cette réponse lui a été rapportée, mais je suis bien sûre du moins que, s’il l’a sue, il n’y a attaché aucun sens ; car il ne croit à la sincérité des opinions de personne, il considère la morale en tout genre comme une formule qui ne tire pas plus à conséquence que la fin d’une lettre ; et, de même qu’après avoir assuré quelqu’un qu’on est son très-humble serviteur, il ne s’ensuit pas qu’il puisse rien exiger de vous, ainsi Bonaparte croit que lorsque quelqu’un dit qu’il aime la liberté, qu’il croit en Dieu, qu’il préfère sa conscience à son intérêt, c’est un homme qui se conforme à l’usage, qui suit la manière reçue pour expliquer ses prétentions ambitieuses ou ses calculs égoïstes.

2582. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

À l’exception de quelques tronçons des marbres de Phidias dorés par le soleil levant de l’Attique sur le fronton du Parthénon, aucun sculpteur ne transmit jamais mieux à nos sens et à notre âme la vie immortelle du marbre et la pensée immatérialisée dans la matière. […] « Et si je me consume délicieusement dans leur clarté, c’est que je sens se refléter dans ma propre glace cette joie inextinguible qui dilate éternellement dans le ciel le cœur de ceux qui jouissent de l’éternelle beauté ! 

2583. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Au fond, cette absence de jalousie signifie que Marceline a eu pour son jeune mari une tendresse très sincère et très profonde, et la plus candide admiration, mais qu’elle a toujours aimé « l’autre », le séducteur, l’ingrat, et qu’elle n’a jamais aimé que lui, au sens entier et redoutable du mot. […] Marceline les pare de toutes les vertus, les appelle ses anges, idéalise avec une imperturbable naïveté ce qu’elles lui laissent savoir des aventures de leurs sens.

2584. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Cette interprétation me semble à côté sinon au rebours du sens ; elle effleure la lettre du texte sans pénétrer son esprit. […] Mais le texte la montre ensuite terriblement vivante et sincère, avec ses batteries de mots frénétiques, sans autre sens que leur son, ses consonnances haletantes, ses trilles de sanglots, ses onomatopées qui font rugir la douleur.

2585. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Luxe mou, rose, énervant, sculpture décolletée, céramique d’orgie, peinture érotique, tentation de saint Antoine de l’art libertin, où la Chine grimacière, la Saxe galante et le rococo Pompadour luttaient de minauderies et d’agaceries mignardes pour griser les sens et irriter le désir. […] On peut discuter et contester en tous sens ce coup d’État tragique de l’honneur offensé.

2586. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Or, la poésie n’est pas seulement un genre de littérature, elle est aussi un art, par son harmonie ses couleurs et ses images, et comme telle c’est sur les sens et l’imagination qu’elle doit d’abord agir, c’est par cette double route qu’elle doit arriver au cœur et à l’entendement. […] Ce fut aussi un tribut que le grand homme a payé au mauvais goût de son temps ; mais tel est l’art qu’il a mis dans ces monstruosités mêmes, qu’elles peuvent s’enlever toutes, sans rien déranger à l’échafaudage de ses pièces et à la marche de l’action ; cette épuration, commencée par lui-même et continuée depuis en Angleterre, souvent avec peu de goût et de discernement, fait nécessairement partie du travail d’un traducteur français qui ne doit pas rejeter ou garder tout ce qu’ont gardé ou rejeté les arrangeurs anglais ; mais la traduction n’en sera pas moins littérale, en ce sens, que si elle ne donne pas tout Shakespeare, du moins elle ne contiendra rien qui ne soit de Shakespeare.

2587. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Et encore : Il est trois points dans l’homme de collège : Présomption, injures, mauvais sens ; De se louer il a le privilège. […] Ces textes sont sollicités en sens divers, et, par exemple, il y a toute une dissertation assez curieuse que vous verrez dans le La Fontaine de M. 

2588. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Je sais et je sens que l’auteur de L’Éducation sentimentale est un matérialiste, et que le matérialisme doit nécessairement engendrer de certaines opinions politiques et non d’autres ; mais si je n’avais pas l’habitude des inductions et des déductions de la logique, d’honneur ! […] Il n’est plus que cela, et s’il continue dans ce sens, affreux progrès !

2589. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Il a — et c’est ici le point important à noter — opposé, en matière d’élégance et de high life, dans le sens que l’Angleterre donne à ce mot, le génie français au génie anglais, une littérature à une autre, et par la précision, la netteté, la vérité inattendue de sa théorie, il a, d’un seul effort et d’un seul coup, dépassé tout ce qu’avec sa littérature fashionable, classée et presque organisée, l’île aux dandys avait produit. […] Cela dit, pour l’honneur de la vérité et pour l’apaisement d’une conscience dont Balzac sentit noblement les murmures, je n’aurai plus qu’à exprimer en peu de mots le jugement du critique littéraire sur un livre inouï, de première originalité dans l’imitation, et qui enlève désormais le sens à ce mot d’inimitable que l’on voit prodigué dans les traités de littérature.

2590. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Une lettre qu’il avait écrite en ce sens, rendue publique, était devenue un texte à calomnies et à diatribes.

2591. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Dans le petit nombre des maîtres universellement salués et reconnus qui tiennent, à leur époque, le sceptre de l’esprit et qui pourraient être dans tous les sens les arbitres des grâces, il s’en est rencontré un (chose rare !)

2592. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Rien de moins poétique, je vous assure, rien de moins littéraire dans le sens moderne du mot, et j’ajouterai presque comme une conséquence immédiate, rien de plus véritablement humble et de plus sincère.

2593. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

La souffrance physique peut se raconter, mais non se voir ; ce n’est pas l’auteur, c’est l’acteur qui ne peut pas l’exprimer noblement ; ce n’est pas la pensée, ce sont les sens, qui se refusent à l’effet de ce genre d’imitation.

2594. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Toutes les fois qu’un écrivain a recours à un mot nouveau, il faut qu’il ait été conduit à l’employer par la force même du sens ; et que loin d’avoir cherché ce genre de singularité, il manque comme malgré lui à la règle qu’il s’était faite de l’éviter.

2595. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

On peut sortir en toute saison, vivre dehors sans trop pâtir ; les impressions extrêmes ne viennent point émousser les sens ou concentrer la sensibilité ; l’homme n’est point alourdi ni exalté ; pour sentir, il n’a pas besoin de violentes secousses et il n’est pas propre aux grandes émotions.

2596. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Le public, d’abord étonné de voir ce jeune homme inconnu prendre plaisir à se mettre à dos toute la bande rancunière des écrivains, comprit insensiblement le sens et le but de ces attaques, en les voyant multiplier et redoubler.

2597. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Puis les guerres civiles, surexcitant toutes les passions, lâchant toutes les ambitions, opposant des adversaires plus détestés et plus connus, leur offrirent une matière familière et domestique, ou les faits, moindres peut-être, sont plus riches de sens et d’émotion.

2598. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

L’esprit scientifique, ici encore, est victorieux, aux dépens du talent oratoire : le dédain de l’éloquence est sensible chez Taine et Renan ; celui-ci même donne un sens défavorable aux mots littérateur et littérature.

2599. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Il s’était créé un style à part qui devait lui aliéner le commun des lecteurs, une langue qui s’adressait à tous les sens, pleine d’onomatopées, d’artifices typographiques, où les adverbes, des majuscules imprévues, se mettaient à chevaucher follement la phrase, où des incidentes répétées revenaient avec l’obsession du leitmotiv ; une langue musicale et orchestrée.

2600. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Quelle que soit la corruption générale d’une grande nation, même d’une grande cour, il s’y trouve toujours quelques familles où se conserve l’honnêteté des mœurs, où la raison, le droit sens, la bienséance exercent leur légitime empire, où les bons principes sont héréditaires, comme certaines conformations : ici est d’ordinaire le privilège des familles nombreuses qui s’entretiennent, par les sympathies mutuelles de leurs membres, dans les traditions de vertus où elles sont nées.

2601. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Il s’agissoit de prouver que les Trois Siecles, où l’on rend par-tout justice au vrai génie, où l’on tâche d’inspirer l’amour des regles, l’amour des devoirs, l’amour de la Patrie, l’amour de la Religion, devoit être soustrait aux mains des Lecteurs, pour y laisser de préférence l’Evangile du jour, le Bon Sens, le Systême de la Nature, le Systême Social, & tant d’autres systêmes qui ont déjà produit de si heureux effets parmi nous.

2602. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Au moi créateur comme à l’être universel de la métaphysique, en l’absence d’une vérité objective qui commande leur activité, on ne saurait attribuer d’autre raison d’agir, de créer la réalité phénoménale et d’en déterminer les formes, qu’un principe d’utilité personnelle dont nous ne saisissons le sens que dans les fins où il semble qu’il aboutit.

2603. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

La complication du phénomène, laquelle ne se laisse entrevoir, au-delà de nos sens, qu’à la contemplation et à l’extase, donne le vertige à l’esprit.

2604. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Ce redoutable et consolant Ézéchiel, le révélateur tragique du progrès, a toutes sortes de passages singuliers, d’un sens profond : — « La voix me dit : remplis la paume de ta main de charbons de feu, et répands-les sur la ville. » Et ailleurs : « L’esprit étant entré en eux, partout où allait l’esprit, ils allaient. » Et ailleurs : « Une main fut envoyée vers moi.

2605. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

J’aurais mieux aimé que La Fontaine eût exprimé le sens de l’idée suivante : Heureux celui qu’un seul avertissement engage à triompher de sa passion favorite !

2606. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Nous avons suivi le sens de l’hébreu avec la Polyglotte de Ximenès, les versions de Sanctes Pagnin, d’Arius Montanus, etc.

2607. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Quintilien, auteur d’un grand sens, assure qu’un enfant sera moins lassé de quatre leçons différentes112 par jour que d’une seule qui remplirait la durée de quatre.

2608. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

La même raison qui mettoit tant de difference entre les atheniens et les béotiens, fait que les florentins ont des voisins qui leur ressemblent si peu, et que nous trouvons en France tant de sens et tant d’ouverture d’esprit dans les païsans d’une province limitrophe d’une autre où leurs pareils sont presque stupides.

2609. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Le petit nombre qui dit son sentiment propre, ne dit encore que ce qu’il a pû voir à travers ses préjugez, dont le pouvoir est aussi grand contre la raison qu’il est foible contre les sens.

2610. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Et dites-moi, je vous prie, quel est l’homme supérieur qui se résignerait aujourd’hui à rentrer dans ce huis-clos étouffant de la décentralisation, et qui s’habituerait à cette pensée : « Tout ce que j’ai dans la tête, toutes ces idées que je sens vivre, marcher, s’agiter dans mon cerveau, je vais les produire au dehors, les formuler dans une magnifique expression, pour qu’elles meurent entre Angoulême et Barbezieux ? 

2611. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Chez lui la raison éclaire le sentiment ; le sentiment échauffe la raison, et de cet heureux accord se forme le goût que Voltaire définit justement « la suite d’un sens droit et le sentiment prompt d’un esprit bien fait ».

2612. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Leur respect pour les traditions, le sens immobile qu’ils attachent aux mots, les rendent inaptes à entrer, dans des routes nouvelles.

2613. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

… Et elles publient des livres pour le prouver ; des livres curieux de physiologie, d’histoire et de théologie, dans lesquels, toujours protestantes, elles interprètent la Bible dans le sens de leurs idées, culbutent la Genèse, démontrent que la chute d’Adam est la gloire d’Ève, à qui le serpent parla de préférence à l’homme, parce qu’elle était la plus spirituelle des deux.

2614. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

En proie à deux tendances qui le tiraient en sens contraire, il ne savait à laquelle entendre ; ce que son sang voulait, ses nerfs ne le voulaient pas.

2615. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Il avait été poète, au sens littéraire syllabique du mot, comme il avait eu dix-huit ans.

2616. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

La Critique, le sens critique manquait absolument à Lamartine.

2617. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

À notre sens, le philosophe inconnu n’existe réellement que dans sa pensée religieuse, et c’est exclusivement là qu’il faut le surprendre et le chercher.

2618. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

telle est pour nous la question, — et elle est plus haute à notre sens que tout ce qui, jusqu’à ce moment, s’est dit ou s’est écrit sur elle : — l’abolition de l’Ordre des jésuites est-elle un fait honorable ou dommageable à la gloire de Clément XIV ?

2619. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

Nous-mêmes, qui ne haïssons pas cependant les béguines, nous n’aurions peut-être jamais parlé du livre de celle-ci sans la circonstance très moderne d’une critique historique qui recherche depuis quelque temps, avec un instinct de satyre dans les deux sens du mot, l’odeur de la femme (odor di femina) dans l’histoire.

2620. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Il nous a donné une notice, bibliographiquement assez complète, sur Rétif de la Bretonne13 ; mais, selon nous, l’idée de raconter, d’atténuer ou d’excuser la vie d’un pareil homme, ne pouvait venir qu’à un écrivain chez lequel le xviiie  siècle a fait fléchir un peu le sens moral.

2621. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Tel est le défaut radical d’un ouvrage qui se recommande par des qualités d’une grande force, mais que la critique devait signaler tout d’abord, avant tout détail et toute analyse, parce que ce défaut affecte l’ensemble et le fond du livre même, — parce que cette indigence de sensibilité, d’imagination, et je dirai plus, de sens moral et poétique, se retrouve à toute page et frappe l’œuvre entière de M. 

2622. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Un lord anglais qui passe en Hollande entre fort bien dans une boutique de fromages pour voir de ses yeux toutes les parties de la fabrication ; il revient, comme Addison, muni de chiffres exacts, de notes complètes ; ces amas de renseignements vérifiés sont le fondement du sens droit des Anglais. […] Ils seront admis dans les conseils de la Providence et comprendront toutes ses démarches « depuis le commencement jusqu’à la fin des temps. » De plus « il y a certainement dans les esprits une faculté par laquelle ils se perçoivent les uns les autres, comme nos sens font des objets matériels, et il n’est pas douteux que nos âmes, quand elles seront délivrées de leurs corps ou placées dans des corps glorieux, pourront par cette faculté, en quelque partie de l’espace qu’elles résident, apercevoir toujours la présence divine922. » Vous répugnez à cette philosophie si basse. […] Une phrase vraie vaut cent périodes nombreuses ; l’une est un document qui fixe pour toujours un mouvement du cœur ou des sens ; l’autre est un joujou bon pour amuser des têtes vides de versificateurs ; je donnerais vingt pages de Fléchier pour trois lignes de Saint-Simon.

2623. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

En quelque discrédit que soit tombé le mot drame par la manière abusive et tortionnaire dont il a été prodigué dans ces temps de douloureuse littérature, il est nécessaire de l’employer ici ; non que cette histoire soit dramatique dans le sens vrai du mot, mais, l’œuvre accomplie, peut-être aura-t-on versé quelques larmes intra muros et extra. […] Pour beaucoup d’êtres malheureux, demain est un mot vide de sens, et j’étais alors au nombre de ceux qui n’ont aucune foi dans le lendemain ; quand j’avais quelques heures à moi, j’y faisais tenir toute une vie de voluptés. […] Elle étendait ainsi, sans le savoir, le sens des mots, et vous entraînait l’âme dans un monde surhumain.

2624. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

« La langue, la conversation et l’esprit697, dit-il, se sont perfectionnés depuis le siècle dernier », ce qui a fait découvrir dans les anciens poëtes beaucoup de fautes, et a introduit un genre de drame nouveau. « Qu’un homme sachant l’anglais lise attentivement les œuvres de Shakspeare et de Fletcher, j’ose affirmer qu’il trouvera à chaque page, soit quelque solécisme de langue, soit quelque manque de sens notable. […] Il avait d’ailleurs le pire des publics, débauché et frivole, dépourvu d’un goût personnel, égaré à travers les souvenirs confus de la littérature nationale et les imitations déformées des littératures étrangères ne demandant au théâtre que la volupté des sens ou l’amusement de la curiosité. […] Ces hommes n’ont plus la jeunesse des sens, la profondeur des impressions, l’originalité audacieuse et la folie poétique des cavaliers et des aventuriers de la Renaissance ; ils n’auront jamais les adresses de langage, la douceur des mœurs, les habitudes de la cour et les finesses de sentiment ou de pensée qui ont orné la cour de Louis XIV. […] Enfin ils entendirent chanter le coucou folâtre, dont la note proclamait la fête du printemps792. » On démêle sous ses vers réguliers une âme d’artiste793 ; quoique rétréci par les habitudes du raisonnement classique, quoique roidi par la controverse et la polémique, quoique impuissant à créer des âmes ou à peindre les sentiments naïfs et fins, il reste vraiment poëte ; il est troublé, soulevé par les beaux sons et les belles formes ; il écrit hardiment sous la pression d’idées véhémentes ; il s’entoure volontiers d’images magnifiques ; il s’émeut au bruissement de leurs essaims, au chatoiement de leurs splendeurs ; il est au besoin musicien et peintre ; il écrit des airs de bravoure qui ébranlent tous les sens, s’ils ne descendent pas jusqu’au cœur.

2625. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

À force de la regarder, il me sembla que je comprenais le sens de la vie de la nature ; une animation tranquille et lente, une absence de hâte, rien de trop, l’équilibre de toutes les sensations. […] — Vous êtes bonne, répéta Lavretzky, et moi, avec ma rude écorce, je sens que tout le monde doit vous aimer ; Lemm, par exemple. […] La fraîcheur de l’air humectait les yeux, pénétrait par tous les sens comme une fortifiante caresse et glissait à larges gorgées dans les poumons. […] Tout son cœur se glaça ; il comprit le sens de ces larmes.

2626. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

À l’heure de la nuit tombante, à l’heure de la fumerie et de la formation rêveuse des idées, n’avoir plus à côté de moi, dans la pénombre du crépuscule, sa pensée originale, sa parole si joliment paradoxale, oui, c’est l’heure où je me sens le plus seul. […] Je ne me sens point transporté dans la pastorale de Mozart, et je vais jouir du spectacle de la rue. […] Passer sous ces coups de canon, se risquer au bout du bois de Boulogne, voir comme aujourd’hui la flamme sortir des maisons de Saint-Cloud, vivre dans ce continuel émoi d’une guerre vous entourant, vous touchant presque, frôler le danger, être toujours le cœur un peu battant vite : cela a sa douceur, et je sens, lorsque ce sera fini, qu’il succédera, à cette jouissance fiévreuse, de l’ennui bien plat, bien plat, bien plat. […] On voit des mains se promener sur leurs flancs, on entend des paroles dont on ne comprend pas le sens, dites par des figures pleines de sourires malicieux, et de clignements d’yeux diaboliques, — bourse mystérieuse, entre ces hommes tout rubiconds de coups de soleil, et qui ne dure qu’un instant. […] Pour moi, c’est l’exploitation visible de l’honnêteté sentimentale du public, et j’ajoute que parmi les gens littéraires auxquels j’ai été mêlé dans la vie, je ne connais qu’un homme tout à fait pur, dans le sens le plus élevé du mot, c’est Flaubert, — qui, on le sait, a l’habitude d’écrire des livres prétendus immoraux.

2627. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Au sens de ces hommes sérieux, les critiques de profession blessent le poète, ils impatientent le lecteur ; leur goût consiste absolument à n’avoir pas le goût de tout le monde ; ils imposent leur volonté à la foule obéissante, à regret obéissante ; ils brisent ce que le public adore, ils relèvent ce qu’il a brisé ; quand ils devraient donner la force et le courage aux artisans de la belle gloire, ils s’appliquent, au contraire, à leur montrer l’obstacle, à leur faire sonder l’abîme, à leur prouver qu’ils tentent l’impossible. […] Voilà, à mon sens, ce qu’on ne devrait pas souffrir. » Lui-même, Voltaire, qui était le bon sens et le génie en personne, il eût voulu que le roi envoyât Fréron… aux galères ! […] Plus loin, l’évêque de Meaux explique aussi très bien : que l’amour ne vit pas sans cette impulsion de la beauté qui force à aimer et qui rend aimable et plaisante la révolte des sens. […] Inexplicables mystères… on ne les peut expliquer que par l’existence d’un sixième sens ! […] L’Université de France, qui jurait encore par son maître Aristote, justement inquiétée des progrès de la doctrine nouvelle, se démenait et s’agitait dans tous les sens, pour faire rétablir dans toute sa rigueur, un arrêt de l’an 1624 qui défendait, sous peine de la vie, d’enseigner aucune doctrine contraire aux opinions d’Aristote.

2628. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

En apprenant un matin (vers 1663) l’une des ruptures qu’on imputait aux Jésuites, elle disait avec son tour d’esprit : « J’ai été assez simple pour croire que les Révérends Pères agissaient sincèrement ; il est vrai que je n’y croyais que d’hier au soir. » Enfin des négociations sérieuses s’engagèrent : M. de Gondrin, archevêque de Sens, concertait tout avec elle. […] Mais on ne peut, sans contredire tous les témoignages du temps, ce me semble, et à ne consulter même que les écrits de ces deux dames un peu de sang-froid, ne pas voir dans Mme de La Fayette un esprit surtout ferme et juste en sa finesse, et dans Mme de Longueville un bel-esprit tendre, subtil, glorieux, intéressant, mais pas du tout de la même trempe ; si j’attache un sens juste à ce mot, c’est cette trempe précisément qui lui aurait manqué.

2629. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

La République de 1848 lui donna la joie de voir la France libre de se choisir un gouvernement ; il ne se fit pas les illusions des partis pressés de nouvelles chutes ; il ne participa ni aux illusions, ni aux fusions, ni aux conspirations ; il comprit que la fin du siècle était au tâtonnement, aux essais, aux déviations du peuple en tout sens. […] Lui, si digne de traduire Homère, lui qui en avait sucé la moelle dans l’Épire et dans la moindre île de l’Archipel, ne pouvait-il pas lutter avec ces pédants qui nous traduisent des textes morts au lieu de nous traduire des mœurs et des lieux dont ils ne peuvent découvrir le sens à travers la littéralité des vers ?

2630. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Mais peut-on dire que la société fut mal inspirée en enfermant à vie le misérable, dans le sens criminel du mot, oui, le misérable qui, en récompense d’un jour de pardon, d’un dîner d’ami, d’une nuit de confiance, passe une heure ou une minute dans l’honorable indécision de cet assommeur ? […] « Il songeait à la grandeur et à la présence de Dieu ; à l’éternité future, étrange mystère ; à l’éternité passée, mystère plus étrange encore ; à tous les infinis qui s’enfonçaient sous ses yeux dans tous les sens ; et, sans chercher à comprendre l’incompréhensible, il le regardait.

2631. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Avec des sens plus délicats, plus impressionnables, plus raffinés ; avec des sensations plus vives et plus pénétrantes ; avec un goût plus délicat, que tous les objets dont il est entouré blesseraient ou ne pourraient satisfaire ; obligé de vivre toujours dans une sphère qui répugnerait à la perfection de ses organes, il vivrait de souffrance, ou périrait de désir ». […] Le Tasse, dans sa réponse pleine de sens, de modestie et d’admiration pour l’Arioste, son modèle et son maître, décline cette gloire.

2632. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Elle ordonna, sous peine de la vie, aux mariniers de la conduire à la côte ; mais, sans faire attention à ses paroles, ils ramèrent aussitôt en sens contraire, lui promettant le secret, surtout envers le lord à la garde duquel elle était confiée. […] » Elle nia avec force le consentement donné par elle au plan d’assassinat d’Élisabeth ; elle insinua, sans le dire formellement, que des secrétaires pouvaient bien avoir ajouté au sens des lettres qu’on leur dictait. « Quand je vins en Écosse, dit-elle à lord Burleigh, chef des ministres, qui l’interrogeait, j’offris à votre maîtresse, par Lethington, une bague en cœur comme gage de mon amitié ; et quand, vaincue par mes rebelles, j’entrai en Angleterre, j’avais reçu à mon tour un gage d’encouragement et de protection. » En disant ces paroles, elle tira de son doigt une bague que lui avait envoyée Élisabeth

2633. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Il n’a pas le sens de l’admiration. […] On dirait plutôt l’humeur pacifique d’un homme de bien, qui veut tout au plus humilier les opinions superbes du récit de leurs contradictions, et apaiser les esprits par l’histoire des excès où l’on tombe en abondant trop dans son sens.

2634. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Je l’avoue, je me sens parfois humilié qu’il m’ait fallu cinq ou six ans de recherches ardentes, l’hébreu, les langues sémitiques, Gesenius, Ewald, pour arriver juste au résultat que ce petit drôle atteint tout d’abord. […] Les mots talent, éclat, réputation eurent un sens pour moi.

2635. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

J’aperçus l’insuffisance de ce qu’on appelle le spiritualisme ; les preuves cartésiennes de l’existence d’une âme distincte du corps me parurent toujours très faibles ; dès lors, j’étais idéaliste, et non spiritualiste, dans le sens qu’on donne à ce mot. […] J’admettais la révélation en un sens général, comme Leibniz, comme Malebranche.

2636. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Le principe même, qui est à la base de la théorie démocratique, est un principe aristocratique, au sens le plus élevé du mot. […] Celui qui gouverne, c’est le financier qui, du fond de la coulisse où il reste invisible, donne leur consigne aux rédacteurs, décide en quel sens on se prononcera, ce qu’on défendra ou attaquera.

2637. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Mais ils donnent le sens des poèmes wagnériens, le mouvement général, la portée ; ils suivent exactement l’original ; ils sont d’une lecture aisée, agréable : ils présentent au public quelque chose qu’il peut et qu’il doit entendre ; et, à ce point de vue, ils sont ce qu’ils doivent être. […] J’ai lu et relu cette page étrange ; je l’ai écoutée avec l’attention la plus profonde et un vif désir d’en découvrir le sens ; eh bien !

2638. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

» ce qui n’a absolument aucun sens. […] Widor : « Paris capitulera, mais dans le sens biblique, devant un chef-d’œuvre. — Pour le reste, je me repose sur le Mont-Valérien, sur Boulanger, nos chasseurs d’Afrique et la mélinite. » M. 

2639. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Hugo est en décroissance, qu’il s’affaiblit, se détériore, manqueraient de sens ou de justice. […] Voilà ce qui a frappé cet œil de chair, ce sens raccourci ?

2640. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

J’aime autant cette race des clowns que M. de Goncourt lui-même, et je comprends peut-être aussi passionnément que lui la poésie de ces hommes, dans lesquels le corps est souvent plus spirituel, dans ses évolutions, que bien des intelligences dans les leurs… Je me permettrai de le dire ici, puisque l’occasion s’en présente, j’ai toujours été un grand hanteur de Cirques, un amateur de ces spectacles physiques qui ne me donnent pas qu’un plaisir des sens, quoiqu’il y soit aussi, mais un plaisir intellectuel bien autrement profond et raffiné. […] Nous savions bien que les peuples décrépits et corrompus tombent tous dans un cabotinisme effréné, mais nous ne savions pas que nous fussions plus avancés dans le sens de gibier faisandé que Rome et Byzance.

2641. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Éclairés comme nous le sommes aujourd’hui par les divers accidents et régimes que nous avons traversés, j’avoue que je goûte ses Mémoires d’État, si peu agréables qu’ils soient au point de vue littéraire ; je me contente d’y trouver des maximes de grand sens.

2642. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

L’intérêt que tu as la générosité de me conserver te fait sur cela illusion ; mais moi qui, à la fin, ai eu le temps, depuis que je suis à terre, de me remettre de l’étourdissement que la chute m’a causé, je sens toutes mes contusions.

2643. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Le traducteur au lieu des Furies met les Érinnyes ; ce n’est guère la peine de traduire, et, qui pis est, le reste de la phrase va contre le sens.

2644. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Par ses innombrables légendes de saints, par ses cathédrales et leur structure, par ses statues et leur expression, par ses offices et leur sens encore transparent, il a rendu sensible « le royaume de Dieu », et dressé le monde idéal au bout du monde réel, comme un magnifique pavillon d’or au bout d’un enclos fangeux7.

2645. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il n’a point le coeur ni les sens profondément frappés.

2646. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Il arrive que, dans cette liberté vagabonde qu’on donnait à sa pensée, lorsqu’on rêvait sur le sujet à traiter, on a rencontré des idées gracieuses, spirituelles, originales : elles ne tiennent peut-être pas de très près au sujet ; il faudra se détourner un peu pour les montrer au lecteur ; elles ne sont pas non plus toujours d’accord avec les vraies raisons ou les faits essentiels, avec le ton ou le sens général du développement.

2647. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

C’est le séjour de la province qui lui a permis de conserver intact et de développer son aimable manie et d’abonder ainsi dans le sens de la gentillesse.

2648. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Et je ne puis non plus que répéter ce qu’on a dit souvent, que les femmes, en littérature, n’ont rien « inventé » au grand sens du mot, et que, si elles ont pu quelquefois faire illusion sur ce point, c’est qu’elles ont à un haut degré le don de « réceptivité ».

2649. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Je te sens sur mon cœur tout gros de tes alarmes, Comme un fils enfanté dans les cris et les larmes !

2650. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Nul doute qu’il ne fût possédé au plus haut degré de l’espérance messianique, et que son action principale ne fût en ce sens. « Faites pénitence, disait-il, car le royaume de Dieu approche 302. » Il annonçait une « grande colère », c’est-à-dire de terribles catastrophes qui allaient venir 303, et déclarait que la cognée était déjà à la racine de l’arbre, que l’arbre serait bientôt jeté au feu.

2651. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Dans Jean, XII, 34, les Juifs ne paraissent pas au courant du sens de ce mot.

2652. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Un jour, sa mauvaise humeur contre le temple lui arracha un mot imprudent : « Ce temple bâti de main d’homme, dit-il, je pourrais, si je voulais, le détruire, et en trois jours j’en rebâtirais un autre non construit de main d’homme 993. » On ne sait pas bien quel sens Jésus attachait à ce mot, où ses disciples cherchèrent des allégories forcées.

2653. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Elles n’ont plus la verve d’enfer qui possédait les jolies diablesses de jadis, ni leur folie de gaspillage, ni les élans de cœur ou de sens qui les arrachaient parfois à l’amour vénal.

2654. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Cette fée, qui a manqué au berceau du poète, ne serait-elle donc pas tout simplement la fée qui avait doué le berger de la fable, la fée du bon sens et du sens réel ?

2655. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

En parlant d’elle, on a à parler de la grâce elle-même, non pas d’une grâce douce et molle, entendons-nous bien, mais d’une grâce vive, abondante, pleine de sens et de sel, et qui n’a pas du tout les pâles couleurs.

2656. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Quoique ce livre soit d’un très-petit format, il y a certainement plus de choses & de sens, de raison, de philosophie, de vues, que dans beaucoup de gros volumes, où la forme est absorbée par la matiere.

2657. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Pour bien entrer dans le sens intime de sa satire, il est nécessaire de considérer l’époque de révolution sociale où il écrivait.

2658. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

C’est que, pour bien comprendre la portée et le sens de l’histoire de M. 

2659. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Mis à la tête de l’empire, il y soutint son caractère ; on le vit à la cour dédaigner le faste, fuir la mollesse, combattre ses sens, dompter en tout la nature, se contenter de la nourriture la plus grossière ; souvent il la prenait debout, souvent se la refusait, dormait peu, n’avait d’autre lit qu’une peau étendue sur la terre, et passait une partie des nuits ou dans son cabinet, ou sous sa tente, occupé au travail et à l’étude.

2660. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Écarte le témoignage des sens.

2661. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il court à l’assemblée des rats gastronomes, et arrive « les sens troublés, et tous les poumons essoufflés. » Le gros petit homme est d’un tempérament sanguin et asthmatique. […] L’artisan, dans son étroite échoppe, attaché à son métier machinal, occupé tout le jour par sa pensée d’un écu, perd le sens du beau, l’aisance d’esprit, la hardiesse des désirs, et son âme se rapetisse avec ses pensées. […] Ils n’ont pas l’odorat scrupuleux ni les sens dégoûtés.

2662. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

On ne vit point, en ces contrées, sans une abondance de nourriture solide ; le mauvais temps enferme les gens chez eux ; il faut, pour les ranimer, des boissons fortes ; les sens y sont obtus, les muscles résistants, les volontés énergiques. […] Ce qu’il désigne par des noms divins, c’est ce je ne sais quoi d’invisible et de grandiose qui circule à travers la nature et qu’on devine au-delà d’elle40, mystérieux infini que les sens n’atteignent pas, mais que « la vénération révèle  » ; et quand plus tard les légendes précisent et altèrent cette vague divination des puissances naturelles, une idée reste debout dans ce chaos de rêves gigantesques : c’est que ce monde est une guerre et que l’héroïsme est le souverain bien.Au commencement, disent ces vieilles légendes écrites en Islande41, il y avait deux mondes : Nilflheim le glacé et Muspill le brûlant. […] Ils ont beau importer leurs mœurs et leurs poëmes, faire entrer dans la langue un tiers de ses mots ; cette langue reste toute germanique, de fonds et de substance76 ; si sa grammaire change, c’est d’elle-même, par sa propre force, dans le même sens que ses parentes du continent.

2663. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

J’ai souvent demandé aux Orientaux le sens vrai de ce mot : « Tchilibi, me répondaient-ils, ne signifie officiellement aucune dignité positive, aucun emploi précis dans l’empire ; mais il signifie plus : cette expression représente une dignité intellectuelle et morale, une distinction qui n’est point accordée par le sultan, mais par le concours libre, spontané, incontestable et inaliénable de l’opinion publique. […] Puissamment construite, son âme retient et juge toute chose avec une large mémoire et un sens droit et pénétrant ; mais l’imagination emporte ses facultés vers le ciel aussi irrésistiblement que le ballon enlève la nacelle. […] qui sens cela, je ne lui répondrais pas !

2664. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Sa figure était inexprimable au pinceau et à la langue ; il aurait fallu, pour la peindre, les yeux, les sens et comme l’âme de l’auteur de Paul et Virginie. […] Mais, comme Dieu a donné à chacun de nous des organes parfaitement assortis aux éléments du globe où nous vivons, des pieds pour le sol, des poumons pour l’air, des yeux pour la lumière, sans que nous puissions intervertir l’usage de ces sens, il s’est réservé pour lui seul, qui est l’auteur de la vie, le cœur, qui en est le principal organe. […] Dès qu’il eut repris ses sens, il voulut retourner sur les bords de la mer ; mais l’ayant supplié de ne pas renouveler sa douleur et la nôtre par de si cruels ressouvenirs, il prit une autre direction.

2665. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Le chœur commente la tragédie, encourage les héros, fait des descriptions, appelle et chasse le jour, se réjouit, se lamente, quelquefois donne la décoration, explique le sens moral du sujet, flatte le peuple qui l’écoute. […] Pouvait-il ne pas voir toutes choses sous un aspect nouveau, depuis que l’évangile lui avait montré l’âme à travers les sens, l’éternité derrière la vie ? […] Chaque membre, chaque muscle, chaque fibre du grand corps gisant est retourné en tout sens.

2666. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — Le sens de la Vie. […] Œuvres. — L’Évolution du Sens de la Vie chez d’Annunzio, Les Arts de la Vie, in-8º, 1904. — César Franck et la jeune École Italienne, esthétique, Nuova Anthologia, 1905. — Traité de Métaphysique contemporaine, I. […] Chronique, Le Bon Sens, mai 1906.

2667. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Je crois que la séduction de madame Récamier sur Ballanche, ce fut la pureté sans tache de son idole ; ne pouvant adorer une idéalité divine, il adore une femme au-dessus des sens. […] Il est difficile d’expliquer autrement certaines excuses à double sens de M. de Chateaubriand dans ses lettres subséquentes.

2668. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

« Pendant quatre heures de temps que dure cet entretien avec les morts, je ne sens plus aucun de mes soucis, j’oublie toutes mes angoisses, je ne crains plus ma pauvreté, je ne m’épouvante plus de la mort ; je me transfigure en eux tout entier, et, comme dit Dante, “qu’aucune science ne mérite ce nom si on ne retient pas ce qu’on a appris”, j’ai noté de ces entretiens avec ces hommes antiques tout ce que j’ai recueilli de capital et de caractéristique dans leur vie et dans leurs pensées, et j’en ai composé un opuscule intitulé des Gouvernements, ouvrage dans lequel je pénètre aussi profondément que je le peux dans les pensées qu’un tel sujet comporte, agitant en moi-même ce que c’est que la souveraineté, de combien d’espèces de souverainetés le monde se compose, comment elles s’acquièrent, comment elles se conservent, pourquoi elles se perdent ; et si jamais quelques-unes de mes rêveries vous ont plu, celle-ci, je le crois, ne devra pas vous déplaire ; et elle pourrait être acceptable surtout à un prince nouveau (allusion aux Médicis, rentrés maîtres de Florence, à qui il espérait plaire par cette haute leçon de gouvernement) : c’est pour cela que l’ai dédiée à la magnificence (majesté) de Julien. […] Le parlement fut convoqué ; ce parlement, composé en majorité d’hommes de sens et de talent, montra dans ses délibérations combien le royaume de Naples était à la hauteur des institutions libres ; des orateurs aussi éclairés qu’éloquents, tels que le comte Ricciardi dei Camaldoli, le baron Poerio et ses émules, égalèrent les Cazalès et les Mirabeau de notre Assemblée constituante.

2669. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Spencer fond en une seule et énorme masse, l’infini des notions acquises par des siècles de minutieux travaux, au point d’en figer le sens en une formule de cinq lignes ; Wagner, héritier de deux siècles de musique, résumant la poésie germanique des Minnesanger à Goethe, en forme une double et simple œuvre, qui est comme la contraction d’un immense rhythme dont l’art antérieur serait l’expansion. […] Et c’est ainsi que pour la conviction la plus positive, il ne reste que ce mot : Négation ; son sens n’en est pas moins positif

2670. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Je ne sais ce que Duclos répondit, ni en quel sens il agit précisément : l’essentiel et ce qui le caractérise, c’est que sa ligne générale de conduite fut plus prudente et plus indépendante que Voltaire n’aurait voulu.

2671. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Droz, au tome Ier (p. 423) de son Histoire du règne de Louis XVI, a dit de Cagliostro : Certainement il était fort adroit dans ses jongleries, car, un homme de sens et d’honneur, le naturaliste Ramond, qui avait été secrétaire du cardinal de Rohan, ne fut jamais complètement désabusé ; et, vers la fin de sa vie, quand on plaisantait devant lui sur Cagliostro, il détournait la conversation.

2672. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

On en recueillerait plus d’une de lui dans le même sens.

2673. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Aujourd’hui, avec le nouvel état du monde, dans une société plus également morale en son milieu, nous qui ne sommes pas près de Versailles (dans le sens où l’était Saint-Cyr), il nous semble qu’il est quelquefois permis de se récréer d’un chant, d’une fleur, d’une joie d’imagination, mêlée aux choses du cœur, dans une éducation même de l’ordre le plus moral.

2674. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Le psychologue est resté en chemin, et, parti du dedans, il n’a pas rejoint le monde du dehors, ce qui est le domaine propre et le règne de nos cinq sens de nature.

2675. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Jointe à cette prodigieuse intelligence qu’il possède et dont il a prétendu faire la qualité essentielle et même unique de l’historien, elle la redouble et l’aiguise sur quelques points ; elle est comme un sens de plus que toutes les intelligences n’ont pas et qui lui inspire des jugements d’une rare délicatesse (ainsi dans les différences qu’il établit, page 679, entre les différents moments de la résistance de Napoléon à la paix).

2676. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Chauvelin, il disait : « Il s’ennuyait de ce que je vivais trop longtemps ; c’est un défaut dont je n’ai pas envie de me corriger si tôt. » Rencontrant dans un de ses salons, au milieu de trente personnes, M. de Bissy, dont on lui avait apparemment rapporté quelque propos, il va droit à lui, et le regardant en face : « Monsieur, vous voyez que je me porte bien ; cependant je ne mets point de rouge pour me donner un bon visage. » M. de Puységur, qui avait quatre-vingt-quatre ans77, demandait depuis longtemps d’être chevalier de l’Ordre, et il pressait là-dessus le cardinal, qui lui répondit tout naturellement : « Monsieur, il faut un peu attendre. » L’archevêque de Paris, M. de Vintimille, fort âgé, mais un peu moins que le cardinal, sollicitait un régiment pour son neveu, et faisait remarquer au cardinal qu’il importait de l’obtenir promptement, d’autant plus que, quand lui, oncle, ne serait plus là, ce serait pour le jeune homme un grand appui de moins : « Soyez tranquille, répondait le cardinal, je m’engage à lui servir de père et de protecteur. » Sur quoi M. de Vintimille, malgré toute sa politesse, ne put s’empêcher d’éclater : « Pour moi, monseigneur, je sens bien que je suis mortel, mais je me recommande à Votre Immortalité. » Jamais on n’a mieux compris qu’en lisant les présents mémoires cette lente et coriace ténacité, ce doux et câlin acharnement au pouvoir qui caractérise l’ancien précepteur de Louis XV.

2677. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Une lettre qu’il écrivit en ce sens à M. 

2678. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Imaginez un homme de cet esprit, de ce fin coup d’œil et de cette humeur mordante, venant s’asseoir chaque après-midi, pendant des années, dans un coin de la tribune des journalistes, et de là étudiant à loisir ses sujets dans tous les sens et dans toutes les postures, prenant aujourd’hui un profil, demain un autre, multipliant et variant ses silhouettes.

2679. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Des réclamations pourtant s’élevèrent ; les amours-propres, les susceptibilités de famille ne sont pas toujours dans le sens et dans l’intérêt de la littérature.

2680. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

On sait les motifs de cette retraite fameuse : c’étaient des motifs analogues, le même désappointement du moins, qui ramenaient l’armée espagnole en arrière au pied des Pyrénées. » Dagobert signala son retour en Cerdagne par des coups de main audacieux ; pour un manqué, il en inventait dix ; il faisait rage en tous sens, il méditait et exécutait des percées et des pointes soudaines au cœur des vallées voisines, le long des rampes, par-delà les cols et les gorges, et les Espagnols ne l’appelaient plus que le Démon.

2681. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Ces deux hommes s’opposent à l’accommodement et agitent en tous sens les foules.

2682. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Aussi n’y eut-il aucun ami, et outre le scandale d’un divorce (qu’il avait causé)…, ses faits et gestes s’y bornèrent à diriger l’espionnage de tout ce qui se passait en Russie, dans le sens qu’il croyait convenir le mieux aux idées de l’Empereur et du duc de Bassano, mais faisant en même temps germer de plus en plus dans les cœurs polonais la défiance et le mécontentement contre Ja France.

2683. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

A un certain degré d’élévation, en effet, l’esprit s’applique à tout ; dans le champ de comparaison qu’il embrasse, il est sollicité en bien des sens.

2684. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Cette manière de ne considérer qu’un seul côté dans tous les objets, et de les présenter toujours dans le même sens, est ce que l’on peut imaginer de plus fatigant, dès qu’on n’est pas susceptible de l’esprit de parti ; et l’homme le plus impartial, témoin d’une révolution, finit par ne plus savoir comment retrouver le vrai, au milieu des tableaux imaginaires où chaque parti croit montrer la vérité avec évidence.

2685. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Aujourd’hui que les nombreux et précieux ouvrages consacrés à l’œuvre Wagnérienne se sont de plus en plus répandus et nous ont si puissamment aidés dans noire tâche de propagande, nous pouvons continuer notre campagne dans un sens nouveau.

2686. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Se mettre à la portée du plus grand nombre des auditeurs, communément soumis, & possédant assez la théorie de la religion, mais froids dans la pratique ; parler à leur esprit beaucoup moins qu’à leur cœur ; remuer efficacement l’ame, toucher, plaire, entraîner, séduire même en un sens ; voilà quelle doit être la principale qualité d’un orateur chrétien, & c’est aussi celle qui distingue Massillon.

2687. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Une expérience en sens inverse de celles qui viennent d’être résumées a été faite sur le cerveau et sur le crâne des idiots.

2688. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Le sens des peintres gothiques, tout grossier qu’il étoit, leur a fait connoître l’utilité des inscriptions pour l’intelligence du sujet des tableaux.

2689. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Dix lignes d’explications seulement, vers la fin du dernier acte, venaient avertir du sens de la parabole.

2690. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Un autre mot est venu au secours de la métaphysique politique : il n’est pas encore consacré ; il ne peut tarder à l’être, puisqu’il est devenu nécessaire : ce mot est assez mystérieux aussi ; mais, à mesure qu’on l’adoptera, il sera convenu qu’il ne l’est point, et qu’il présente un sens très clair : ce mot, ou plutôt cette locution, est une certaine raison publique.

2691. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Il s’agit de pénétrer le sens intime de tant de belles et de nobles conceptions de l’esprit humain.

2692. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

La seule invention qu’il y eût, dans un pareil livre, c’était probablement beaucoup de mensonges… Mais quant à de l’invention, comme les grands écrivains et les grands artistes en mettent dans leurs œuvres, — de l’invention dans le sens de l’idéal et de la beauté — il n’y en avait pas.

2693. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

… Pour ceux qui n’entendent pas l’arabe comme pour ceux qui le comprennent, ce mot de Koran a beau signifier, dans son sens primitif et grammatical, une collection de chapitres, il n’en fait pas moins, dès qu’on le prononce, passer devant nous le monde de l’Orient avec ses dogmes, ses coutumes, ses mœurs, ses tableaux.

2694. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Il frappe, il agite les sens ; et c’est ainsi qu’il s’empare de l’âme et qu’il la tremble.

2695. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Sans doute, en écartant des poésies lyriques d’Horace ce que le temps a convaincu de mensonge, ce qui blesse la pudeur, ce qui touche moins la raison que les sens, on réduit beaucoup ce précieux écrin de purs et limpides diamants, trésor de l’art hellénique retravaillé par le génie romain.

2696. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

L’inspection des valvules veineuses n’a-t-elle pas suffi à Harvey pour lui indiquer dans quel sens se fait la circulation ? […] Comment l’intelligence seule, en effet, pourrait-elle arriver à découvrir des choses qui se réduisent à des questions de fait pur et simple que nos sens n’ont qu’à constater ? […] Ainsi, un animal, pour saisir une proie vivante, doit être organisé, sous le rapport de ses sens et de ses appareils locomoteurs, d’une manière particulière. […] Pour cela, après avoir mis à nu l’œsophage, on pratique une incision de 6 centimètres dans le sens longitudinal de sa membrane charnue. […] Nous aurons plus tard à vous donner les expériences qui se sont faites dans un sens et dans l’autre, et à vous faire la critique des opinions émises à ce sujet.

2697. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

On reconnaît le théoricien qui, pour faire instituer le divorce, n’avait recours qu’à l’Écriture et prétendait changer la constitution civile d’un peuple, en changeant le sens accepté d’un verset. […] Pour exprimer un pareil sentiment, ce n’était pas assez des images, et de la poésie qui ne s’adresse qu’aux yeux ; il fallait encore des sons, et cette poésie plus intime qui, purgée de représentations corporelles, va toucher l’âme : il était musicien ; ses hymnes roulaient avec la lenteur d’une mélopée et la gravité d’une déclamation ; et lui-même semblait peindre son art en ces vers incomparables qui se développent comme l’harmonie solennelle d’un motet : Dans la profondeur des nuits, quand l’assoupissement494 — a enchaîné les sens des mortels, j’écoute — l’harmonie des sirènes célestes — qui, assises sur les neuf sphères enroulées, —  chantent pour celles qui tiennent les ciseaux de la vie, —  et font tourner les fuseaux de diamant — où s’enroule la destinée des dieux et des hommes. —  Telle est la douce contrainte de l’harmonie sacrée — pour charmer les filles de la Nécessité, —  pour maintenir la Nature chancelante dans sa loi, —  et pour conduire la danse mesurée de ce bas monde — aux accents célestes que nul ne peut entendre, —  nul formé de terre humaine ; tant que son oreille grossière n’est point purifiée495. […] Des compliments philosophiques et des sourires moraux. « Je cédai, dit Ève, et depuis ce temps-là je sens combien la beauté est surpassée par la grâce virile et par la sagesse, qui seule est véritablement belle !  […] Parmi celles-ci, l’Imagination tient le principal office ; avec toutes les choses extérieures que les sens représentent, elle crée des formes aériennes que la Raison assemble ou sépare, et dont elle compose tout ce que nous affirmons ou nions.

2698. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Que les dieux et les déesses me tuent plus cruellement que je ne me sens chaque jour dépérir, si je le sais !  […] Qu’importe qu’il se soit trompé sur un nom de peuple ou de ville, ou même qu’il ait altéré le sens d’un passage de Tite Live ? […] Par le défaut de sommeil et de nourriture, mon esprit est troublé, mon corps engourdi ; et je ne sens plus mes membres. […] à ce nom je sens un enfer de douleurs. […] Mais un autre passage peu remarqué de ces mêmes sonnets ramène encore la même expression dans un sens évidemment figuré.

2699. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Il fallait entendre Flaubert parler de l’esprit ; et sans que cela s’exprime par des mots, je sens chez d’autres amis, l’espèce d’indulgent apitoiement, qu’ils éprouvent pour ma toquade de l’art. […] Je me sens le besoin de vivre jusqu’à l’heure du spectacle, avec des gens qui m’aiment. […] Lundi 14 septembre Aujourd’hui, je me sens si souffreteux que j’envoie une dépêche à Daudet, pour lui annoncer qu’il ne m’attende pas à Avignon après-demain, que je n’irai pas chez les Parrocel.

2700. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Ainsi je sens parfaitement, au son de la voix de mes amis, les choses dites pour m’annoncer de vraies et positives bonnes nouvelles, et les choses dites pour m’être agréable, pour panser des blessures, les choses de gentille amabilité qui sont des compliments à côté de la vérité. […] Au milieu du dîner Bauër confesse le journaliste, dans cette phrase : « Quand j’ai un article, où je ne sais que dire, j’écris mes deux cents lignes… mais, quand j’ai un article que je sens, que j’ai dans les nerfs, je n’accouche jamais de plus de cent lignes. » Lundi 4 mai Exposition de Carrière chez Boussod et Valadon. […] Là-dessus, à la suite de son père, le jeune Daudet déclare sans respect pour les théories de Zola, que la symphonie est la seule forme haute de la musique, et professe très éloquemment, que la musique ne doit avoir qu’une action auditive, et donner un plaisir des sens, s’étend sur Beethoven, et en parle un long temps en passionné, un long temps, pendant lequel Zola garde le silence… au bout de quoi, après un profond soupir, et avec la voix presque plaintive d’un enfant, il laisse tomber : « Pourquoi voulez-vous contrarier mon projet d’opéra ? 

2701. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

« Mille chaloupes se croisent et sillonnent l’eau en tous sens. […] Pour se faire suivre par des millions d’hommes il n’appela point à son aide l’ivresse et la licence ; il ne s’entoura point de bacchantes impures : il ne montra qu’une croix ; il ne prêcha que la vertu, la pénitence, le martyre des sens.

2702. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Nous allons à regret nous séparer de son sens historique dans deux graves circonstances très bien racontées, mais mal jugées par lui, selon nous : le Concordat de 1801 et la mort du duc d’Enghien. Plus nous louons ce travail unique sur les événements de notre temps par l’écrivain qui semble avoir été aussi providentiellement prédestiné à les écrire que Bonaparte fut prédestiné à les accomplir, plus nous devons prémunir avec sollicitude l’opinion contre les défauts de sens et contre les défauts de sensibilité qui font tache, et qui pourraient faire loi un jour dans ce magnifique fonds d’histoire ; vicier l’esprit, c’est une faute de logique ; mais endurcir le cœur, c’est pire qu’une faute chez un historien.

2703. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

De sales amours, plus semblables à des turpitudes qu’à des affections, souillent à chaque instant ces pages de jeunesse, ignoble philosophie des sens dont les images font rougir la plus simple pudeur ; sensualités grossières ; fleurs de vices dans un printemps de sensations que Rousseau fait respirer à ses lecteurs et à ses lectrices, et dont il infecte l’odorat des siècles. […] Note de religion universelle, en effet, religion des sens et de l’âme qui ne froisse aucun dogme national, qui ne retranche aucune vertu humaine, mais qui embrasse et illumine tous les dogmes sincères et toutes les vertus naturelles dans une atmosphère de vie, de chaleur et de piété semblable au rejaillissement d’un même soleil sur la coupole d’Athènes, sur la cathédrale de Sainte-Sophie et sur les mosquées d’Arabie dans cet Orient plein de Dieu !

2704. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Plus loin, ce sont des portes garnies de clous énormes, où le génie de nos ancêtres a tracé des hiéroglyphes domestiques dont le sens ne se retrouvera jamais. […] Matinale comme toutes les filles de province, elle se leva de bonne heure, fit sa prière, et commença l’œuvre de sa toilette, occupation qui désormais allait avoir un sens.

2705. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

La pensée cesse, pour ainsi dire, d’être pensée, c’est-à-dire immatérielle, en montant sur le théâtre ; elle est obligée de prendre un corps réel et de s’adresser aux sens autant qu’à l’âme. […] La latinité lui constituait un nerf, une solidité, une brièveté concentrée de construction qui presse les mots, comme Tacite, pour leur faire rendre avec plus d’énergie le sens.

2706. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Delacroix, celui-ci est véritablement le morceau capital de l’Exposition ; disons mieux, il est, dans un certain sens toutefois, le tableau unique du Salon de 1845 ; car M.  […] Achille Devéria Voilà un beau nom, voilà un noble et vrai artiste à notre sens.

2707. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Cet effort désespéré, cet élancement de l’âme et du langage, pour pénétrer les cieux, à la poursuite du Dieu qu’on adore, fait penser à la phrase tombée de la rêverie mélancolique de Pascal : Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraye » ; mais là je crains d’avoir surpris, dans la contemplation même, le trouble involontaire du doute ; ici je sens la certitude et la consolation de la foi, sous l’obscurité et l’impuissance des paroles. […] apportez les présents. » Combien le sens expliqué de ces présents devait toucher l’âme chrétienne et la remplir d’un mystique amour, il la pensée du Dieu victime et sauveur !

2708. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

[NdA] Combien il serait à désirer que M. de Wailly fît pour Villehardouin ce qu’il a fait pour Joinville, une traduction moderne exacte, qui nous tirât des à-peu-près et qui nous épargnât les petits faux sens !

2709. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

La notice sur Carnot ouvre une seconde série en quelque sorte, celle des notices semi-politiques, telles que les biographies de Bailly, de Monge, de Condorcet, dans lesquelles l’auteur abonde dans son sens et ne se refuse plus aucune digression ni aucune controverse.

2710. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Fénelon se méfie aussi avec elle d’un autre écueil : « Vous avez plus de besoin d’être mortifiée, lui dit-il, que de recevoir des lumières. » Ces lumières de religion, il sait bien que la comtesse les a reçues dès l’enfance dans le monastère où elle a été élevée ; elle a plutôt besoin, en revenant du monde à la religion, de ne point passer d’un amour-propre à un autre, de ne point chercher à exceller ni à être merveilleuse dans un autre sens : Ce que je vous souhaite le plus est la petitesse et la simplicité d’esprit.

2711. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Cette multitude d’aperçus et de premiers jets ressemble à la conversation d’un homme de beaucoup d’esprit, qui se lance dans tous les sens, brille, se répand et improvise sur des matières qui lui sont familières, sans but déterminé : « C’est que rien, disait M. de Meilhan parlant de lui-même, n’a jamais fait effet sur moi comme vrai, mais seulement comme bien trouvé. » La seule idée fixe est de combattre et de contredire M. 

2712. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Les livrets, pamphlets et brochures, comme nous dirions, s’y joignaient, en ce pays de liberté de presse, pour animer en sens divers les esprits.

2713. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

En partant du même point, les deux hommes que je compare marchent en deux sens opposés.

2714. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Précédemment, pour les publications partielles qui s’en étaient faites, on n’y avait puisé que dans tel ou tel esprit, Mme de Genlis dans un sens, Lémontey dans un autre ; or, ce qui caractérise le journal de Dangeau, ce qui en fait le cachet et le mérite, c’est précisément qu’il n’y a pas tel ou tel esprit, ni même d’esprit du tout : il y a ce qu’il voit, enregistré jour par jour, et mis bout à bout.

2715. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Je me sens en humeur de faire bien des reproches à M. 

2716. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Ce portrait ou Caractère dans le goût de La Bruyère, qui aurait pu sembler à quelques égards un jeu d’esprit et un exercice de littérature, aura désormais à nos yeux tout son sens et sa signification, éclairé qu’il est par la peinture flamboyante de Saint-Simon, qui y jette comme de sanglants reflets.

2717. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Ce n’était nullement un génie dans le vrai sens du mot, ce n’était qu’un élève, le plus brillant des élèves ; il eût été le premier au collège dans toutes les facultés, humanités, rhétorique, philosophie, et même plus tard un des premiers en théologie, s’il avait composé avec les élèves du séminaire.

2718. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

S’il avait voulu être aimé, la chose n’aurait pas été difficile pour moi ; j’étais naturellement encleinte (encline) et accoutumée à remplir mes devoirs ; mais pour cela il m’aurait fallu un mari qui eût le sens, commun , et celui-ci ne l’avait pas. » On voit poindre chez elle, peut-on s’en étonner ?

2719. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Et M. de Pontmartin est tellement homme de lettres jusqu’aux os (dans le sens qu’il a tant de fois blâmé), il est tellement caillette littéraire dans l’âme, que je ne sais si cet éloge que je fais de son esprit ne le fera pas passer sur tout le reste, et ne l’en consolera pas.

2720. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

C’est à propos d’un pamphlet politique, le Dictionnaire des Girouettes, ouvrage satirique et dénigrant, composé d’ailleurs dans un sens bonapartiste, qu’il faisait ces remarques sur la nature humaine.

2721. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

L’auteur a seulement transposé, avec beaucoup d’art, et mythologisé cette sourde plainte du cœur et des sens.

2722. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Comme son Bourgoin « qui a renoncé à faire un chef-d’œuvre », il jette au vent d’heureux dons, de l’imagination, de la fantaisie, de l’esprit sans jargon, de la malice souvent fort leste, mais sans fiel : il y joint du sens, un fonds de raison, un avis à lui et bien ferme.

2723. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Parlez-moi de Faust, de Béatrix, de Mignon, de Don Juan, d’Hamlet, de ces types à double et triple sens, sujets à discussion, mystérieux par un coin, indéfinis, indéterminés, extensibles en quelque sorte, perpétuellement changeants et muables ; parlez-moi de ce qui donne motif et prétexte aux raisonnements à perte de vue et aux considérations sans fin.

2724. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Rousset nous cite du Journal de M. de Gisors témoigne en effet d’un esprit sérieux et appliqué, qui a du sens et de la finesse.

2725. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Il me serait fort pénible de manquer en quoi que ce soit à ce que je sens devoir au gouvernement de l’Empereur.

2726. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

C’est une variété d’émotions et de sujets élégiaques, selon le sens grec du genre, une demeure abandonnée, un bois détruit, une feuille qui tombe, tout ce qui peut prêter à un petit chant aussi triste qu’une larme de Simonide158.

2727. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

En étudiant le sens de l’Évangile, sans y joindre les fausses interprétations qui en ont été faites, on voit aisément que l’esprit général de ce livre, c’est la bienfaisance envers les malheureux.

2728. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Je laisse au sens de ce mot sa propre grandeur en ne le séparant pas de la valeur réelle des actions qu’il doit désigner.

2729. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Il gardera encore l’harmonie des vers, car l’esprit didactique n’est pas là pour porter la fable dans le pays de la pensée pure, et couper toutes les racines par qui elle tient au domaine des sens.

2730. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Je me souviens même qu’en route, entendant mes compagnons de voyage vanter les douceurs de la dévotion, je convins avec eux qu’elle avait ses charmes, quand elle était ardente et sincère, mais que l’amour pour une beauté accomplie me paraissait une dévotion des sens à laquelle je ne pouvais rien comparer sans me mentir à moi-même.

2731. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

C’était en somme la bourgeoisie, éminemment représentée alors par les gens de robe, qui faisait entendre et finit par imposer les réclamations de son honnêteté, de son sens pratique et de son patriotisme.

2732. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Parlez-moi des grands artistes outranciers qui manquent décidément de goût par quelque côté et qui abondent follement dans leur sens !

2733. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Théoriquement, c’est logique : la vertu n’est qu’un mot dont le sens, réduit à l’échelle bourgeoise, devient : philanthropie, dévoûment, servilité.

2734. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Quelle « bonne compagnie » au sens ancien du terme, surpasse celle de M. 

2735. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Pour avoir le vrai des Maximes, il faut les prendre au sens relatif, et substituer par la pensée au mot toujours, qui embrasse tous les temps, le correctif presque toujours, qui en maintient la vérité absolue quant à la Fronde, et qui n’ôte pas tout espoir à la nature humaine, ni tout courage de chercher à valoir mieux97.

2736. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Les sept années que Marie Stuart passa en Écosse, depuis son retour de France (19 août 1561) jusqu’à son emprisonnement (18 mai 1568), sont remplies de toutes les erreurs et de toutes les fautes que peut commettre une jeune princesse légère, emportée, irréfléchie, et qui n’a d’adresse et d’habileté que dans le sens de sa passion, jamais en vue d’un dessein politique général.

2737. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Le malheureux, qui ne vivait que de poisson à l’eau, à cause de sa goutte, était encore privé par là du seul plaisir des sens auquel il eût été sensible ; car il était gourmand.

2738. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

La fable à révolution composée ou double, doit avoir deux personnages principaux, bons, mauvais ou mixtes, et la même révolution doit les faire changer de fortune en sens contraire.

2739. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

L’expression exige une imagination forte, une verve brûlante, l’art de susciter des fantômes, de les animer[,] de les agrandir ; l’ordonnance, en poésie ainsi qu’en peinture, suppose un certain tempérament de jugement et de verve, de chaleur et de sagesse, d’ivresse et de sens froid dont les exemples ne sont pas communs en nature.

2740. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Mais ces chants terribles ou voluptueux qui au moment même qu’ils étonnent ou charment mon oreille portent au fond de mon cœur l’amour ou la terreur, dissolvent mes sens ou secouent mes entrailles, les savez-vous trouver ?

2741. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Que peuvent donc enseigner les sens sur l’ordre du monde ?

2742. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Pour goûter l’inspiration, il faut entendre la voix et saisir du même coup le sens et l’harmonie.

2743. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

— Suffisamment pour lire Goethe à livre ouvert, pour n’être pas volé par les aubergistes et pour n’être pas trompé par les interprètes sur le sens d’un discours officiel. […] Toute réflexion faite, je me sens très attaché à nos institutions. […] Le sens de « l’écoulement des choses » est nécessaire au sage, s’il ne rêve rien au-delà des félicités molles du doute et des béatitudes languissantes du scepticisme. […] Là, en compagnie d’un vieux gabier qui jadis a servi « sur l’État », cet homme inquiet, chimérique et blasé, croyait avoir trouvé enfin la détente de ses nerfs, le repos de ses sens et la paix de son cœur. […] Cet homme a le sens de la mer… » En écoutant ces paroles (que je cite textuellement) les monocles prirent une mine approbative et compétente.

2744. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Ce qu’il a écrit à M. de Malesherbes, il me l’a dit vingt fois : « Je me sens le cœur ingrat ; je hais les bienfaiteurs, parce que le bienfait exige de la reconnaissance, que la reconnaissance est un devoir ; et que le devoir m’est insupportable. » « Mais pourquoi cette habitude de dix-sept ans, dans la cellule d’un moine qu’on méprise ?  […] Je m’arrête sur ces mots : ils ont plus de force que tout ce que je pourrais ajouter pour la justification de Sénèque et de Burrhus, et je sens qu’il faut abandonner ceux qu’ils ne convaincront pas de leur innocence, à l’invincible et barbare opiniâtreté avec laquelle ils cherchent des crimes. […] Je m’arrête immobile devant son cadavre ; à chaque forfait que je me rappelle, je sens mon indignation redoubler : mais que lui importe ? […] Je donne à l’étude une partie de la nuit ; je ne me livre pas au sommeil, j’y succombe : je sens mes yeux appesantis, comme prêts à tomber de leurs orbites, sans cesser de les tenir attachés sur l’ouvrage. […] Le passage qu’on vient de lire explique bien dans quel sens Sénèque appelait Gallion son maître.

2745. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Je sens, malgré vous, que sous cette cendre il y a du feu, et de la vigueur sous cet épuisement. […] Que de peines, que de sueurs, que de veilles pour en comprendre le sens caché ! […] L’art ne doit parler qu’à l’esprit ; s’il parle aux sens, il se dégrade. […] Un sage plus humain, un philosophe, répondait dans le même sens à un sien ami qui lui disait : Reposez-vous ! […] Être une dame, autrefois, et surtout à Rhodez, cela avait un sens très net et très précis.

2746. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Et pourquoi donc, dira tout homme de sens et de goût à madame de Staël, les Romains n’ont-ils jamais réussi dans le genre qui exige le plus de sensibilité, dans la tragédie ? […] On sent que de telles licences sont interdites dans une religion où tout doit inspirer le respect et combattre les sens, où les faits et la doctrine sont immuables comme la vérité. […] Une preuve incontestable de ce fait, c’est que la poésie que nous appelons descriptive a été inconnue de toute l’antiquité ; les poètes même qui ont chanté la nature, comme Hésiode, Théocrite et Virgile, n’en ont point fait de description dans le sens que nous attachons à ce mot. […] Ces derniers sont, à mon sens, ceux dont il doit être le plus fier. […] C’était l’heure où l’autel fumait d’un pur encens, Il entre : et de respect tout a frappé ses sens : Ces murs religieux, leur vénérable enceinte, Ces vieux soldats épars sous cette voûte sainte, Les uns levant au ciel leurs fronts cicatrisés, D’autres flétris par l’âge et de sang épuisés, Sur leurs genoux tremblants pliant un corps débile ; Ceux-ci courbant un front saintement immobile, Tandis qu’avec respect, sur le marbre, inclinés, Et plus près de l’autel quelques-uns prosternés, Touchaient l’humble pavé de leur tête guerrière, Et leurs cheveux blanchis roulaient sur la poussière.

2747. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Un cordonnier est un « Monsieur en noir », qui dit à la mère en saluant la fille : « Madame, voilà une charmante demoiselle, et je sens mieux que jamais le prix de vos bontés » ; sur quoi la jeune fille, qui sort du couvent, le prend pour un épouseur et devient toute rouge. — Sans doute, entre ce louis de similor et un louis d’or pur, des yeux moins novices auraient démêlé la différence. […] En effet ici tout est friandise, caresse délicate pour des sens délicats, jusque dans le décor extérieur de la vie, jusque dans les lignes sinueuses, dans la parure galante, dans la commodité raffinée des architectures et des ameublements.

2748. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il faut encore que dans ce monde fantastique tout soit agréable et beau, que le cœur et les sens en jouissent, que les objets y soient riants ou pittoresques, que les sentiments y soient délicats ou élevés, que nulle crudité, nulle disparate, nulle brutalité, nulle sauvagerie, ne vienne tacher par son excès l’harmonie nuancée de cette perfection idéale. […] Que de soin, quelle propreté, comme tout est disposé, entretenu, épuré pour le bien-être des sens et pour le plaisir des yeux !

2749. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Il avait su mieux que Platon, et bien auparavant, affranchir l’âme des liens des sens que le paganisme déifiait. […] « Il n’est pas permis de dire autrement, et je me sens frémir dans tous mes membres quand je viens à penser que tout à la fois et à tout commande ce souverain.

2750. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

À tout moment, je vois, je sens qu’elle me manque, surtout la nuit où j’ai l’habitude de l’entendre respirer à mon oreille. […] C’est de quoi se réjouir, car le beau temps est rare à présent, et je le sens comme un bienfait.

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