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1852. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Il n’y manque que les reflets et les ombres, ce qui anime et accentue une physionomie. […] Général en chef, il fut moins heureux en Allemagne et en Alsace en 1743 et 1744 : il manqua notamment la victoire à Dettingen malgré « la sagacité du plan ».

1853. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Les détails circonstanciés qu’il donne pendant son séjour à Vienne ou à Schœnbrunn sur l’éducation et les progrès de la jeune archiduchesse destinée à être dauphine, sont une preuve suffisante de son zèle et ne manquent pas d’intérêt en eux-mêmes : « J’espère que Votre Excellence, écrit l’abbé au comte de Mercv, sera à bien des égards enchantée de Mme l’archiduchesse. […] Elle me dit quelquefois : « On ne manquerait pas de publier que vous me dictez mes lettres. » Cette crainte n’est pas sans fondement ; je ne pourrais pas hasarder d’écrire en présence et sous la dictée de Mme la dauphine, ni même de lui dire ce que j’aurais écrit chez moi.

1854. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Mais ce n’est pas impunément qu’on place ses plus hauts horizons d’antiquité à un siècle si rapproché de nous : il en résulte un dégagement d’arriéré, une légèreté de mouvement et d’allure, une hardiesse et, par moments, une irrévérence de jugement qui tient au manque de religion littéraire première. […] MM. de Goncourt, qui sont des hommes de nuances, ont manqué là une nuance qu’ils étaient dignes de saisir.

1855. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Il avait ses hommes à lui, comme il ne manque jamais de s’en produire autour des foyers de corruption, et il savait les employer selon les temps et les lieux. […] » — Et ici le duc pouvait songer confusément la mort du duc d’Enghien. — « Je crois, monseigneur, que le moment est venu… » — « Monsieur, je vais expédier un courrier à Sa Majesté l’Empereur pour le consulter à cet égard. » — J’avais manqué le but.

1856. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

C’est ainsi qu’en un temps où d’autres talents élevés poursuivaient et atteignaient, ou manquaient la gloire, en d’autres régions plus orageuses de la sphère et sur d’autres confins, lui, il suivait sa belle et large voie, populaire d’une popularité légitime, heureux d’un bonheur possible : en un mot il réalisait dans toute sa vie une sorte d’idéal tempéré et continu, sans aucune tache. […] Modeste et parfois timide d’apparence, on aurait tort pourtant de croire qu’il manquât de fermeté.

1857. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

remy dans ces préambules assez tortueux ; il ne manque pas de décocher au passage bon nombre d’épigrammes sourdes contre les inventeurs de rhythmes nouveaux, qui, en ce temps-là, se prévalurent de l’autorité d’André Chénier ; ce sont déjà de bien vieilles querelles, dans lesquelles les épigrammes elles-mêmes ont le tort d’être devenues fort surannées. […] Tout au milieu, il y a mêlé l’Iris odorant de Nossis, sur les tablettes de laquelle Amour lui-même enduisit la cire ; il y a mis la marjolaine de Rhianus qui exhale l’agrément, et le jaune safran d’Érinne aux couleurs virginales…, et Damagète, cette violette noire, et le doux myrte de Callimaque, toujours plein d’un miel épais… Il a cueilli, pour y ajouter, la grappe enivrante d’Hégésippe…, et la pomme mûre des rameaux de Diotime, et la grenade à peine en fleur de Ménécrate… La ronce d’Archiloque aux dards sanglants et quelques gouttes de son amertume y relèvent la chanson de nectar et les mille brins d’élégie d’Anacréon… Le bluet foncé de Polyclète… et le jeune troëne d’Antipater n’y manquent pas…, ni surtout la branche d’or du toujours divin Platon, où tous les fruits de talent resplendissent.

1858. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Nous ne pouvons énumérer et préciser ses éléments comme lorsqu’il s’agit de deux espèces minérales ou végétales ; nous n’avons pas ici d’éléments comparables, capables de s’additionner ou de s’orienter les uns par rapport aux autres, comme la grandeur, la forme, la position, le nombre ; les qualités mathématiques et géométriques, qui servent de fondement aux sciences physiques, nous manquent. — Et, d’autre part, les points de vue d’après lesquels on construit les sciences morales nous manquent aussi.

1859. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Il faut pour cela deux choses : la première, que les langues soient déjà très riches, très fortes et très nuancées d’expressions, sans quoi le poète manquerait de couleurs sur sa palette ; la seconde, que le poète lui-même soit un instrument humain de sensations, très impressionnable, très sensitif et très complet ; qu’il ne manque aucune fibre humaine à son imagination ou à son cœur ; qu’il soit une véritable lyre vivante à toutes cordes, une gamme humaine aussi étendue que la nature, afin que toute chose, grave ou légère, douce ou triste, douloureuse ou délicieuse, y trouve son retentissement ou son cri.

1860. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Pour Démosthène, il manque de pompe et de magnificence, et l’on en trouve dans les harangues de M.  […] Prises en elles-mêmes, à leur place et à leur date dans la polémique, les Réflexions sur Longin prouvent une fois de plus combien Boileau est incapable de composer un ouvrage lié et suivi, de saisir franchement et fortement un sujet, et d’en faire une exposition directe et méthodique : son manque de souffle et de talent oratoire, ici encore, le trahit.

1861. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Il ne faut pas en accuser seulement son manque de génie, et celui de tant d’auteurs qui ne réussirent pas mieux que lui. […] Il ne manque à cet ouvrage finement écrit que la puissance dramatique.

1862. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Hugo, évidemment, a manqué de mesure, comme il a manqué d’esprit : visant toujours au grand, il a pris l’énorme pour le sublime, et il a été extravagant avec sérénité.

1863. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Roger de Trémont est un gentil garçon et un officier fringant, mais avec un assez grand fond d’ingénuité, et, s’il est charmant, c’est par ce qui lui manque pour être un mondain accompli. […] Mais en même temps elles manquent de l’espèce de courage qu’exigent les chutes complètes.

1864. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Les « Zélotes » (Kenaïm) ou « Sicaires », assassins pieux, qui s’imposaient pour tâche de tuer quiconque manquait devant eux à la Loi, commençaient à paraître 179. […] Ici manquent le marbre, les ouvriers excellents, la langue exquise et raffinée.

1865. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Guizot était purement politique, je le laisserais passer sans le croire de mon ressort, fidèle à mon rôle et à mon goût, qui sont d’accord pour s’en tenir à la littérature ; mais ce Discours n’est politique que par le sens et par le but ; il est purement historique de forme et d’apparence, et, comme tel, je ne saurais le négliger sans paraître manquer à une occasion et presque à une opportunité. […] Les hommes, les caractères sont exprimés, à la rencontre, par des traits vigoureux ; mais le tout manque d’un certain éclat, ou plutôt d’une certaine animation intime et continue.

1866. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Ce fut pourtant là le point par où manqua finalement cette liaison de Mme du Châtelet et de Voltaire : celui-ci fut plus homme de lettres qu’amant. […] En général, ce qui manque dans tout ce morceau Sur le bonheur, c’est quelques-unes de ces fleurs mêmes dont parle l’Hippolyte d’Euripide, fleurs encore tout humides de rosée, et qui ont été cueillies dans la prairie qu’arrose la Pudeur 20.

1867. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

si Fénelon vivait, s’écria Rousseau tout en larmes, je chercherais à être son laquais pour mériter d’être son valet de chambre. » On saisit le manque de goût jusque dans l’émotion. […] S’il lui manque par moments une plus chaude lumière et les clartés d’Italie ou de la Grèce ; si, comme autour de ce beau lac de Genève, la bise vient quelquefois refroidir l’air, et si quelque nuage jette tout à coup une teinte grisâtre aux flancs des monts, il y a des jours et des heures d’une limpide et parfaite sérénité.

1868. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Certes, si quelque chose était capable en France de contrebalancer l’impétuosité et l’impatience particulière à la nation, à la noblesse comme au peuple même, de créer à temps ce respect de la loi qui est comme un sens public qui nous manque et qui est aboli en nous, c’était ce corps intègre, tenant un milieu magistral, ce corps de politiques encore croyants, bons chrétiens et catholiques sans être ultramontains, royalistes loyaux et fervents sans être courtisans ni serviles. […] En prenant pour texte et pour point de départ les Institutes de Justinien, le savant vieillard se montre attentif à saisir toutes les analogies ou même les oppositions qui peuvent se rencontrer entre l’ancien droit romain et notre vieux droit coutumier ; il éclaire, il explique l’un par l’autre, à l’aide d’un rapprochement continuel qu’il orne et relève d’érudition, et qui ne manque pas, jusqu’à un certain point, d’agrément.

1869. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Mme de Neuillant, si zélée pour son bien spirituel, mais misérablement avare, la laissait manquer de tout. […] Louis XV pourtant, qui ne manquait pas de jugement, était sévère sur le fait de Saint-Cyr : « Mme de Maintenon, disait-il, s’est bien trompée avec d’excellentes intentions.

1870. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Quand le voyage de M. de Torcy en Hollande, qui a pour but la paix, manque son effet, elle s’en réjouit. […] La publication des pièces officielles et des dépêches des ambassadeurs de France, pendant la durée de l’influence de Mme des Ursins à Madrid (si cette publication se fait un jour), pourra seule achever de déterminer avec précision toute l’importance et la qualité de son action politique ; nous en savons déjà assez pour porter sur elle une appréciation morale ; et quant à son mérite littéraire, nous osons dire qu’il ne manque à ce qu’on a de Mme des Ursins que des éditeurs moins négligents pour qu’elle devienne un de nos classiques épistolaires.

1871. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

De son côté, Anatole, le bel Espagnol, doué de tous les talents et de tous les charmes, et à qui il ne manque que la parole, se croit également sacrifié, et il est disposé à s’éloigner pour toujours, lorsqu’un soir, à l’Opéra (car sans Opéra point de roman), Valentine, qui a voulu le revoir, et à qui il croit aller faire du regard un éternel adieu, lui adresse de loin un signe qui veut dire : Restez ! […] Elle ne pense qu’à élever ses enfants selon les vrais principes, à concilier l’amour et la vertu, la nature et le devoir ; à faire dans ses terres des actes de bienfaisance dont elle ne manque pas d’écrire aussitôt le récit, afin de jouir de ses propres larmes, — des larmes du sentiment.

1872. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Franklin, lui aussi, est riant, il est aimable, il est badin dans son bon sens ; il a bien de l’esprit et de l’imagination dans son expression ; mais, au milieu de toutes ses lumières physiques et positives supérieures, il y a une lumière qui lui manque ou qui semble presque absente, non pas celle qui brille et qui serait fausse, mais celle qui échauffe en rayonnant, une fleur d’éclat qui ne vient pas de la surface, mais du foyer même, une douce, légère et divine ivresse mêlée à la pratique bien entendue des choses, et qui communique son ravissement. Je cherche bien loin : il a l’humanité, il lui manque proprement la charité.

1873. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

» * * * — Un mot de physiologiste psychologue, un mot de Charcot sur Gambetta : « Certainement, c’est là, un homme doué, mais il lui manque… il lui manque la mélancolie ! 

1874. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Stéphane Mallarmé, qui pensait que le vers manquait d’euphémisme et de fluidité, ne cherchait point à le libérer, bien au contraire ; pour ainsi dire, il l’essentialisait ; c’était affaire de fonds et de choix de syllabes. […] Gustave Kahn, dit-il, innova une strophe ondoyante et libre dont les vers, appuyés sur des syllabes toniques, créaient jusqu’en sa perfection la réforme attendue ; il ne leur manquait qu’un peu de force rythmique, à telles places, et une harmonie sonore plus ferme, et plus continue que remplaçait d’ailleurs une heureuse harmonie de tons lumineux.

1875. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

L’art demande une certaine éducation ; et il n’y a que les citoyens qui sont pauvres, qui n’ont presque aucune ressource, qui manquent de toute perspective, qui permettent à leurs enfants de prendre le crayon. […] Dites que je manquerais à l’amitié et à la confiance de la pluspart d’entr’eux.

1876. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Ce qui est surérogatoire peut manquer sans gêner gravement le jeu des fonctions vitales. […] Mais l’idéal, ce n’est pas seulement quelque chose qui manque et qu’on souhaite.

1877. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Cela n’est pas sa faute, à cet historien qui n’oublie rien et qui pénètre tout, si l’histoire lui manque sous les pieds, si son cabestan n’enlève que des pailles au lieu d’arracher des montagnes, et si toute cette histoire de la comédie, dont l’origine est religieuse, peut s’écrire partout avec deux mots : des prêtres sur lesquels se sont entés des baladins ! […] Cette conception incomplète de la Critique d’un côté, et de l’autre un léger manque d’ordonnance et de distribution dans la composition d’un livre qui a du trop-plein, comme un flacon engorgé et dont le liquide se précipite et se répand par soubresauts au lieu d’harmonieusement couler, voilà les seuls reproches qu’on puisse raisonnablement adresser aux deux volumes actuels de cette grande Histoire de la Comédie chez tous les peuples.

1878. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Il lui manquait au front cette largeur tranquille à laquelle se reconnaissent les hommes qui ont le droit d’être ambitieux et qui doivent gouverner les peuples, qui sont faits du moins pour les gouverner ! […] Cependant Dubois avait agi, et il a donné de lui des pressentiments superbes à un philosophe du xviiie  siècle, à Lemontey, qui ne devait pas l’aimer, cet abbé pour rire, devenu sérieusement prêtre, « auquel dit Lemontey, il ne manqua que le temps pour livrer l’autorité civile à l’action des pouvoirs religieux ».

1879. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Étudier le génie dans son œuf est une volupté d’observation que ce volume ne manquera pas de donner à ceux qui sont capables de la sentir. […] Quand Joseph de Maistre écrivait ces choses, les preuves à l’appui, dans ce monde de 1810, ne manquaient pas.

1880. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Il me semble bien que nous pouvons nous permettre, par-dessus le marché, les inductions du livre de Baudelaire à Baudelaire, sans lui manquer d’aucune espèce de sympathie et de respect. […] Et ce qui ne pouvait manquer d’être arriva.

1881. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

En fait de science comme en fait de conduite, aucun des dons naturels qui confèrent l’autorité ne lui manquait ; il était né conquérant et dominateur des esprits. […] La place manque pour énumérer les preuves multipliées d’une vérité si certaine.

1882. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Quand La Bruyère et La Rochefoucauld nous manquent, je n’hésite pas à aller un moment jusqu’à Marivaux, ou même à passer jusqu’à Chamfort.

1883. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR » pp. -

On peut, avec probité et sans manquer à rien de ce qu’on doit, bien voir à Paris sur les auteurs et sur les livres nouveaux ce qu’on ne peut imprimer à Paris même à bout portant, et ce qui, à quinze jours de là, s’imprimera sans inconvénient, sans inconvenance, dans la Suisse française.

1884. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Villemain, si éclairé, manque de tout courage et tremble devant le moindre journal.

1885. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Il y a des souvenirs d’enfance, la Maison de ma Mère : Et je ne savais rien à dix ans qu’être heureuse ; Rien que jeter au ciel ma voix d’oiseau, mes fleurs ; Rien, durant ma croissance aiguë et douloureuse, Que plonger dans ses bras mon sommeil ou mes pleurs ; Je n’avais rien appris, rien lu que ma prière, Quand mon sein se gonfla de chants mystérieux ; J’écoutais Notre-Dame et j’épelais les cieux, Et la vague harmonie inondait ma paupière : Les mots seuls y manquaient ; mais je croyais qu’un jour On m’entendrait aimer pour me répondre : Amour !

1886. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Mais non : les hommes ne manquent jamais aux circonstances.

1887. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

Comment le mal augmente, quel remède on y trouve, et par quels degrés Eugène en vient à changer sa vieille et bonne moitié, qui se résigne d’elle-même au divorce, contre la petite nièce de quatorze ans qui a fini par en avoir seize, c’est ce que le lecteur ne manquera pas de lire tout au long dans Hoffmann avec plus d’un sourire entremêlé d’attendrissement.

1888. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

., sont encore lus avec profit malgré leur manque absolu de sentiment littéraire.

1889. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.

1890. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

J’ai eu, la semaine passée, une grande surprise : on m’a affirmé que j’avais manqué de respect à Victor Hugo.

1891. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

Les conditions manquent, et la culture spéciale.

1892. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

D’ailleurs on flairait dans ces Pensées je ne sais quel manque de résignation qui semblait piquant chez un ministre de Dieu.

1893. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

C’est que les personnes très riches sont privilégiées de plus de façons encore qu’il ne paraît à première vue ; c’est que, en même temps que la charité sous sa forme la plus élémentaire, qui est l’aumône en argent, semble devoir être plus facile aux gens qui en ont beaucoup, ceux-ci, à mérite égal — et en vertu de leur richesse même, qui les signale à l’attention et leur permet des largesses d’un chiffre imposant — sont singulièrement plus assurés de la reconnaissance publique que les gens de condition médiocre ou petite, et, ainsi, ne manquent guère de recevoir, dès ici-bas, la récompense de leur bonne volonté.

1894. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Merrill ne saurait aller très loin et que bientôt l’essoufflement lui serrera la gorge, et cela ne manque jamais.

1895. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Silvestre, Armand (1837-1901) »

Les enthousiastes (il n’en manquait pas alors) eussent salué en l’amante du poète une nouvelle Sophia ; les Renaissances et la Gloire du souvenir, venues à cette heure de l’humanité, eussent donné naissance à une doctrine hermétique.

1896. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Celui-ci est vraiment effrayant ; c’est bien le poète officiel, le poète qui manque aux comices de Madame Bovary ; il est inférieur à tout ; les sous-préfectures recèlent des bardes moins désuets ; il est honteux ; il est augiesque.

1897. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Notre fête serait plus complète, si vos maîtres attristés par de récents désordres2 avec lesquels vous n’avez aucune solidarité, n’avaient cru devoir manquer à cette réunion.

1898. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 439-450

Il ne manque au Poëme de la Dunciade, du même Auteur, qu’un peu de gaieté, pour être un chef-d’œuvre d’esprit & de poésie : trop d’âcreté dans la Satire, en émousse le sel & l’agrément.

1899. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

On voulut jetter du ridicule sur toutes ses beautés ; prouver qu’il n’avoit réussi dans aucun genre : Qu’il avoit manqué le pastoral dans ses bucoliques, ouvrage admirable par les graces simples & naturelles, par l’élégance & la délicatesse, par cette pureté de langage qui le caractérisent ; le didactique dans ses géorgiques, poëme le plus travaillé de tous ceux qu’il nous a laissés, & qu’on peut appeller le triomphe de la poësie Latine ; l’épique dans son énéide, chef-d’œuvre de l’esprit humain, qu’Auguste ne pouvoit se lasser de lire, & la tendre Octavie de récompenser, jusqu’à faire compter à l’auteur dix grands sesterces pour chaque vers, ce qui montoit à la somme de 325 000 livres.

1900. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Ronsard, et Saint-Gelais. » pp. 120-129

L’idée d’avoir manqué sa fortune, d’avoir perdu l’estime de son prince & l’espoir de ses libéralités, faisoit son tourment.

1901. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Quelques dames riches & libérales ne le laissoient manquer de rien.

1902. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

« Dans ce siècle même, dit Buffon, où les sciences paraissent être cultivées avec soin, je crois qu’il est aisé de s’apercevoir que la philosophie est négligée, et peut-être plus que dans aucun siècle ; les arts, qu’on veut appeler scientifiques, ont pris sa place ; les méthodes de calcul et de géométrie, celles de botanique et d’histoire naturelle, les formules, en un mot, et les dictionnaires, occupent presque tout le monde : on s’imagine savoir davantage, parce qu’on a augmenté le nombre des expressions symboliques et des phrases savantes, et on ne fait point attention que tous ces arts ne sont que des échafaudages pour arriver à la science, et non pas la science elle-même ; qu’il ne faut s’en servir que lorsqu’on ne peut s’en passer, et qu’on doit toujours se défier qu’ils ne viennent à nous manquer, lorsque nous voudrons les appliquer à l’édifice161. » Ces remarques sont judicieuses, mais il nous semble qu’il y a dans les classifications un danger encore plus pressant.

1903. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

On est honnête homme ; on a l’esprit étendu ; mais on manque de goût : et je ne veux pas qu’Alexandre fasse rire ceux qui broient les couleurs dans l’atelier d’Apelle.

1904. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Il est vrai, me dira-t-on, que les sujets ne sçauroient manquer aux poëtes tragiques, qui peuvent faire entrer dans une action des personnages ausquels ils donnent des caracteres faits à plaisir, et qui peuvent encore orner leur fable par des incidens extraordinaires inventez à leur gré.

1905. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Il est évident qu’il manque ici une idée intermédiaire, une idée qui fait le fond de l’ouvrage suivant, à savoir l’égalité par le christianisme, c’est-à-dire le christianisme achevant son évolution dans la sphère civile.

1906. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Et si sublime qu’il soit, ce génie, les mœurs ne manquent jamais de lui passer au cou ce collier de cuivre que Walter Scott met au cou de Gurth, le gardeur de pourceaux.

1907. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Ce n’est donc pas l’Imagination, — cette fée qui nous a dévidé au Moyen-Age un si beau et si long fuseau de Fables, de Fabliaux et de Contes, — ce n’est pas l’Imagination qui a manqué à cette féconde époque pour inventer le Roman ; c’est l’Observation.

1908. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

Cladel, qui n’invente point, aime la réalité de ses paysans, dont il garde le souvenir et le regret dans l’exil des villes et qui sont peut-être toute sa poésie ; car notre idéal est toujours manqué, et c’est ce qui le fait notre idéal !

1909. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Le voyant enorgueilli de ses premiers essais et du beau langage qui lui venait sans effort, Corinne lui aurait dit « qu’il manquait aux muses, en ne sachant pas employer les fictions, ce qui est le grand œuvre de la poésie, tandis que les expressions, les figures de style, la mélodie, le rhythme, ne sont qu’un agrément ajouté aux choses mêmes ».

1910. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Si ces deux points d’appui manquent, la faiblesse, savamment organisée, d’une milice sans prestige ne sera pas une garantie pour la liberté. […] Il manque d’esprit chrétien, à moins que l’esprit chrétien ne consiste exclusivement à voir partout l’horreur du péché originel. […] Et d’ailleurs, les exemples ne manquent pas pour justifier son dire. […] Ce n’est pas que Pouvillon manque d’art. […] Et il nous a donné ce qui nous manquait : un livre sur la Biscaye.

1911. (1932) Les idées politiques de la France

Ses idées sociales n’ont pas manqué de largeur. […] Par son nationalisme doctrinal, son patriotisme des Droits de l’Homme, sa constante référence jacobine, sa température intacte de Révolution française, Clemenceau figurerait tout le radicalisme de la République, si la moitié précisément du radicalisme ne lui avait manqué, absolument manqué. […] Le Français moyen, parce qu’il est moyen, manque d’invention, et les idées jacobines, radicales, républicaines, manquent de force inventive. […] Mais comme les nationalistes sont écartés du pouvoir il manque à leur culture politique sa dimension pratique. Pareillement, comme les socialistes s’écartent de la littérature, il manque à leur culture politique sa dimension esthétique.

1912. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Sans doute, il a encore de nobles aspirations, mais il manque de la force nécessaire pour les réaliser. […] » Ainsi nous avons son aveu : c’est le courage et non la force qui lui manque. […] Mais il ne manqua pas, dans le même temps, de poètes qui prîssent au sérieux l’idée de la mort, soit en l’appelant de leurs vœux, soit même en allant au-devant d’elle. […] On eût dit qu’en eux avait été brisé de bonne heure le ressort qui met en mouvement toutes les forces de l’âme, et que ces organisations délicates manquaient du principe même de la vie. […] Elle ne trouve pas de ce côté la pleine vie qui lui manque de l’autre.

1913. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Du manque absolu de ces personnalités. […] La cohésion manque. […] Ni les bonnes lois ni les bonnes mœurs ne lui manquent. […] L’union leur a manqué. […] Dans les uns, le poète a su mettre cette musique indéfinissable qui manque aux autres.

1914. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

La rime manque, parfois même l’assonance ; on n’y prend garde. […] Des idées, il en est riche, autant que le plus opulent penseur d’hier et d’aujourd’hui : il ne lui manque que de savoir les insérer plus solidement dans le cerveau de ses personnages. […] Il ne lui manque rien pour être un très grand écrivain que deux idées, car il en a une : l’idée théologique. […] Si les poèmes ordonnés avec de tels vers manquent presque toujours de fantaisie et d’imprévu, ils ont des qualités particulières : la certitude, la noblesse, l’ampleur, la force. […] Aurier manqua de quelques années pour s’harmoniser définitivement.

1915. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Il considéra dès lors sa fortune comme un peu manquée ; il reconnut qu’après avoir tant usé de lui, de sa science et de ses services, on ne lui avait ménagé aucun sort pour l’avenir ; il en devint disposé à se plaindre quelquefois de la destinée plus qu’il n’avait coutume de faire auparavant243. […] Son article manque au Dictionnaire de Bayle, ce plus direct héritier de son esprit. […] Mais Naudé, en pressant, en poussant, en harcelant, enveloppait si bien son homme, qu’il obtenait de lui un prix dont ensuite l’honnête marchand, à tête reposée, ne manquait pas de se repentir ; car il y aurait eu souvent plus de profit pour lui à vendre ses volumes au poids à l’épicier ou à la marchande de beurre. […] Une lettre de lui à Peiresc, du 20 juillet 1634 (Correspondance de Peiresc, tome X, manuscrits de la Bibliothèque du Roi), nous trahit le secret de toutes les démarches, sollicitations et suppliques trop peu dignes auxquelles la nécessité et la peur de manquer poussaient Naudé en terre étrangère : il subit l’air du pays.

1916. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

L’honnête homme alors n’était pas seulement, en effet, celui qui savait les agréments et les bienséances, mais il y entrait aussi un fonds de mérite sérieux, d’honnêteté réelle qui, sans être la grosse probité bourgeoise toute pure, avait pourtant sa part essentielle jusque sous l’agrément ; le tout était de bien prendre ses mesures et de combiner les doses ; les vrais honnêtes gens n’y manquaient pas. […] Tous vos confrères se mêlent de l’un et de l’autre ; ce sont des vagabonds qui ne vont de çà, de là, que pour apporter du scandale et séduire quelque innocente, et quand on les pense tenir, ils ne manquent jamais de faire un trou à la nuit. — Je lui repartis que j’étois d’un esprit plus modéré, que j’avois passé deux ans et demi chez un gentilhomme de Normandie à élever ses enfants, et que je ne les avois point quittés qu’ils ne fussent bons latins et bons philosophes ; du reste, qu’il n’avoit pas besoin d’un autre que de moi pour apprendre à messieurs ses enfants à faire des armes ni à danser, que je savois tous les exercices, parce que j’avois été cinq ans à Rome auprès d’un jeune homme de qualité qui m’aimoit et me faisoit instruire par ses maîtres ; — et pour lui montrer mon adresse, je me mis en garde avec une canne que j’avois ; j’allongeois et parois, j’avançois et reculois en maître, et puis, ayant quitté ma canne, je fis quelques pas forts de ballet et plusieurs caprioles qui le réjouirent ; mais ce qui lui plut encore, je ne fus pas difficile pour mes appointements. […] Si vous vouliez vous-même instruire ces messieurs, ils n’auroient que faire d’un autre précepteur ni d’un autre gouverneur pour se rendre aussi aimables par leur procédé que par leur présence… » Je supprime ici le discours de l’amoureux, dans lequel il ne manque pas de définir en détail les qualités de l’honnête homme, et de se faire valoir par là auprès de la dame en même temps qu’auprès du mari. […] La lettre est adressée à une duchesse dont on ne dit pas le nom : « Vous voulez que je vous écrive, madame, et vous me l’avez commandé de si bonne grâce et si galamment, que je n’ai pu vous le refuser… Et peut-être qu’il seroit encore de plus mauvais air de vous manquer de parole que de ne vous rien dire d’agréable.

1917. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

En ce temps-là, il faut à un grand un grand état de maison ; son cortège et son décor font partie de sa personne il se manque à lui-même s’il ne les a pas aussi amples et aussi beaux qu’il le peut ; il serait choqué d’un vide dans sa maison comme nous d’un trou dans notre habit. […]  » Le vrai courtisan suivait le prince comme l’ombre suit le corps ; tel fut sous Louis XIV le duc de La Rochefoucauld, grand veneur. « Le lever, le coucher, les deux autres changements d’habit tous les jours, les chasses et les promenades du roi tous les jours aussi, il n’en manquait jamais, quelquefois dix ans de suite sans découcher d’où était le roi, et sur pied de demander un congé, non pour découcher, car en plus de quarante ans il n’a jamais couché vingt fois hors de Paris, mais pour aller dîner hors de la cour et ne pas être de la promenade. » — Si plus tard, sous des maîtres moins exigeants et dans le relâchement général du dix-huitième siècle, cette discipline se détend, l’institution subsiste170, à défaut de l’obéissance, la tradition, l’intérêt et l’amour-propre suffiraient pour peupler la cour. […] Véritablement le roi ressemble à un chêne étouffé par les innombrables lierres qui, depuis la base jusqu’à la cime, se sont collés autour de son tronc. — Sous un pareil régime, l’air manque ; il faut trouver une échappée : Louis XV avait ses petits soupers et la chasse ; Louis XVI a la chasse et la serrurerie. […] Véritablement cela ressemble au carnaval italien ; rien n’y manque, ni les masques, ni la comédie de société : on joue, on rit, on danse, on dîne, on écoute de la musique, on se costume, on fait des parties champêtres, on dit des galanteries et des médisances. « La chanson nouvelle190, dit une femme de chambre instruite et sérieuse, le bon mot du jour, les petites anecdotes scandaleuses formaient les seuls entretiens du cercle intime de la reine. » — Pour le roi, qui est un peu lourd et qui a besoin d’exercice corporel, la chasse est sa grande affaire.

1918. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

III Ainsi, poète lyrique de premier ordre dans Moïse, poète dramatique de première sensibilité dans Chatterton, romancier de première conception dans Cinq-Mars, il ne manquait à M. de Vigny qu’un sujet fécond pour être philosophe de première vérité. […] Mais pour moi c’est fort triste ; car vous avez beau être un bon enfant, je ne peux pas m’en dispenser ; l’arrêt de mort est là en règle, et l’ordre d’exécution signé, parafé, scellé ; il n’y manque rien. […] « Je ne demande rien, capitaine, dit-il avec une voix aussi douce que de coutume ; je serais désolé de vous faire manquer à vos devoirs. […] « La honte de manquer de cela est tout pour nous.

1919. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

« Mais bornons-nous à ce que nous venons de dire sur l’épopée et la tragédie, sur la nature de toutes deux, sur leurs formes et sur leurs parties, dont nous avons fixé le nombre et les différences, sur les causes de leurs beautés et de leurs défauts, et enfin sur les critiques dirigées contre la poésie et sur les réponses qu’on peut faire à ces critiques. » Cette comparaison de la tragédie avec l’épopée manque de justesse dans le fond comme dans la forme, car l’épopée, c’est la nature entière, et la tragédie n’en est qu’une partie : prenez les quatre-vingt-dix-sept tragédies d’Eschyle d’un côté et l’Iliade de l’autre, vous verrez Eschyle sombrer et Homère grandir. […] Les contradicteurs n’ont donc pas manqué à Platon ; et le plus illustre, comme le plus redoutable, fut son grand disciple. […] Aussi les commentateurs n’ont pas manqué de mettre le Traité de l’âme en tête de ces admirables et nombreux ouvrages qui composent l’histoire naturelle dans l’encyclopédie d’Aristote. […] Mais, je le déclare, si ces travaux, tout admirables qu’ils peuvent être, n’aboutissent qu’à satisfaire une curiosité vaine ; si les doctrines auxquelles ils doivent conduire sont obscures ou fausses ; si en traitant longuement des facultés et des actions de l’âme, on oublie de se prononcer sur ses destinées, la science peut encore applaudir ; mais la philosophie n’obtient pas ce qu’elle demande : elle a manqué le but qu’elle doit poursuivre.

1920. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Chronique du mois C’est dans un mois et demi, le 23 juillet, que vont être reprises les Fêtes de Bayreuth ; tous les bruits qu’on a fait courir dans les journaux, — manque d’argent, absence des artistes attendus, cessation des préparatifs, — sont autant de manœuvres que les faits démentent absolument. […] Admettons donc, franchement, qu’il y a un manque d’unité dans la Gœtterdaemmerung, un manque de cette unité entre les différents arts qui est une exigence initiale de la théorie Wagnérienne. — Mais, cependant, il doit y avoir une clef à la compréhension pleine et entière ce cette œuvre ; car il est difficile d’admettre que l’homme qui avait écrit Tristan et qui était à la veille de créer Parsifal, ait agi sans discernement. […] On aurait mauvaise grâce, — et les railleries ne manqueraient point — si l’on partageait entre l’idéalisme et le réalisme une admiration artistique.

1921. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Chez l’Ateuchus ou Bousier sacré des Égyptiens, ils manquent totalement. […] Car si ces tarses manquent presque toujours chez beaucoup de Bousiers, c’est qu’ils se perdent généralement à un âge peu avancé ; et, par conséquent, ils ne peuvent leur être d’une grande importance ou d’un grand usage. […] J’ai récemment observé chez quelques Géraniums de jardin un exemple de ce fait, et en même temps un cas frappant de corrélation : c’est que dans la fleur centrale de la cime les pétales supérieurs perdent souvent leurs mouchetures de couleur sombre ; lorsque pareil cas se présente, le nectaire correspondant est complétement avorté ; quand la moucheture manque seulement sur l’un des deux pétales supérieurs, le nectaire n’est que raccourci. […] Ce paragraphe, ajouté par l’auteur, manque aux éditions antérieures à la seconde, sauf à la seconde édition allemande.

1922. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Et j’ai même conçu le téméraire dessein de légitimer mon « incroyance », au cours de ces pages, par un exposé d’histoire qui ne manque pas de signification. […] La force seule lui manqua, en dépit du bon vouloir. […] Rien ne manque, à la bassesse de cette époque et je me demande comment il peut se trouver encore des historiens assez dépourvus de clairvoyance pour en tenter la glorification. […] « Et dans le cas où, invinciblement retenus par votre manque séculaire de franchise, vous continueriez à garder l’attitude qui consiste à couvrir un homme de louanges, à le magnifier en toutes occasions, et à feindre de vous emporter contre ceux dont il a fait la puissance et qui deux siècles après, s’en sont servis contre vous, vous saurez que nous sommes autorisés par cela même à vous tenir désormais pour hypocrites et comédiens.

1923. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Jusqu’en 1719, l’unité manqua aux recherches de Vico ; ses auteurs favoris avaient été jusque-là Platon, Tacite et Bacon, et aucun d’eux ne pouvait la lui donner : « Le second considère l’homme tel qu’il est, le premier tel qu’il doit être ; Platon contemple l’honnête avec la sagesse spéculative, Tacite observe l’utile avec la sagesse pratique. […] Grotius a un mérite qui leur manque ; il enferme dans son système de droit universel la philosophie et la théologie, en les appuyant toutes deux sur l’histoire des faits, vrais ou fabuleux, et sur celle des langues. » La lecture de Grotius fixa ses idées et détermina la conception de son système. […] Les riches ne considèrent plus leur fortune comme un moyen de supériorité légale, mais comme un instrument de tyrannie ; le peuple qui sous les gouvernements héroïques ne réclamait que l’égalité, veut maintenant dominer à son tour ; il ne manque pas de chefs ambitieux qui lui présentent des lois populaires, des lois qui tendent à enrichir les pauvres. […] Alors stupides, abrutis, insensibles aux raffinements qui les avaient corrompus, ils ne connaissent plus que les choses indispensables à la vie ; peu nombreux, le nécessaire ne leur manque pas ; ils sont de nouveau susceptibles de culture ; avec l’antique simplicité l’on verra bientôt reparaître la piété, la véracité, la bonne foi, sur lesquelles est fondée la justice, et qui font toute la beauté de l’ordre éternel établi par la Providence.

1924. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

À peine trouve-t-on quelques vers de lui à citer dans cette abondante et monotone superfluité ; si Bernis a un tour de rêverie et de mollesse, il manque tout à fait d’idées et d’invention. […] Il ne manque rien à mon repos, j’oserai dire à ma considération ; mais il faudrait un peu plus de pâture à mon esprit. » Bernis regrette surtout les samedis, c’était le jour de la semaine qu’il passait avec Pâris-Duverney : « Si mes samedis m’avaient été conservés, je n’aurais qu’à m’applaudir d’avoir pris un parti qui deviendra tous les jours plus avantageux pour moi, mais qui ne sera jamais bon à rien pour le roi, tant que je resterai où il n’y a rien du tout à faire. » Cette inaction, qui se fait sentir à lui dès les premiers jours, va lui devenir de plus en plus pesante, et c’est ainsi que l’ennui finira peu à peu par lui inoculer l’ambition.

1925. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Ce que fit soigneusement Rosny : dans les diverses alternatives et boutades de cour qui suivirent cette sanglante catastrophe, lorsque Henri était traité avec plus d’égards et que ses domestiques avaient liberté de le venir servir, Rosny ne manquait pas à son devoir ; lorsque le prince était retenu en prison et séparé de ses serviteurs, le jeune homme se tenait à l’écart et dans l’attente : Mais, en quelque condition que vous fussiez, lui disent ses secrétaires ; vous preniez toujours le temps de continuer vos études, surtout de l’histoire (de laquelle vous faisiez déjà des extraits tant pour les mœurs que les choses naturelles), et des mathématiques, lesquelles occupations faisaient paraître votre inclination à la vertu. […] Mais ce dernier le rappelle par lettres ; il lui remet en mémoire les vrais principes d’un homme de cœur ; il lui dit en le revoyant et en l’embrassant : « Mon ami, souvenez-vous de la principale partie d’un grand courage et d’un homme de bien, c’est de se rendre inviolable en sa foi et en sa parole, et que je ne manquerai jamais à la mienne. » Et il l’engage à aller à la cour de France pour y observer prudemment toutes choses et y découvrir le dessein des adversaires, sous air de se rallier à eux et de s’en rapprocher ; car Rosny a des frères ou des neveux qui sont alors des plus avant dans la faveur de Henri III.

1926. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Le dimanche suivant (26 juin), tous, ou presque tous, sont d’avis qu’il n’y a pas à hésiter, et que le roi ne peut demeurer plus longtemps sans manquer à son honneur et à celui de son royaume. […] Le bon sens, certes, ne manquait pas, et il avait ses retours, ses contradictions piquantes au milieu de ce réseau de croyances et, pour tout dire, de crédulités.

1927. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Il nous accuse d’être sujets à l’engouement, et à un engouement prolongé, ce qui tient, selon lui, au manque de caractère et à ce qu’on a trop de vanité pour « oser être soi-même ». […] Ce génie, qu’il n’appartenait point à la critique de créer, a manqué à l’appel ; des talents se sont présentés en second ordre et ont marché assez au hasard.

1928. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Il est un point sur lequel il faut passer condamnation une fois pour toutes, afin d’être juste ensuite envers Mme Dacier : elle n’entend pas la raillerie, elle n’est à aucun degré femme du monde, et elle manque d’un certain goût, d’un certain tact rapide qui est souvent la principale qualité de son sexe. Ainsi d’abord elle dédie cet Anacréon au sévère M. de Montausier, comme plus tard son mari dédiera son Épictète au Régent avec toutes sortes de belles paroles de l’Écriture dans la dédicace et en ajoutant, de peur d’y manquer : « En effet, Monseigneur, sans la morale, que serait-ce que la politique ? 

1929. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Mais Costar est un copiste avéré et compassé, qui a étudié Voiture, s’est guindé jusqu’à lui, s’est rendu capable, plume en main, de lui donner la réplique, et ne demanderait pas mieux que de faire croire en province que les beaux cercles de Paris lui manquent ou qu’il y manque lui-même.

1930. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Elle dura plus longtemps, mais la suite des lettres manque. […] Ce mariage manqua.

1931. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Les excuses, encore un coup, ne manquent pas, et le bon sens les suggère. […] J’entre autant que personne dans l’esprit de ces raisons, et je reconnais même dans cette conduite le véritable Montaigne tel que je me le suis toujours représenté, avec toutes ses qualités de bon esprit, de modération, de prudence, de philosophie et de parfaite sagesse ; à quoi il ne manque que ce qui n’est plus en effet de la philosophie et de la sagesse, ce qui est de la sainte folie, de la flamme et du dévouement.

1932. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Le portrait physique, pourtant, ne manque pas ; de ce qu’il y introduit la teinte morale, il ne s’ensuit pas du tout qu’il supprime, pour cela, la réalité visible ; c’est l’accord des deux tons, et non le sacrifice de l’un à l’autre, que je tiens à signaler : « Elle avait bruni. […] Olivier d’Orsel son ami est, au contraire, un amoureux pur, un homme qui, quand il suit une piste féminine, s’y attache uniquement, et qui ne se consolerait pas de la manquer.

1933. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Mais je ne puis, malgré tout, m’empêcher tristement de sourire quand je vois de jeunes écrivains venir aujourd’hui se faire forts de la vertu entière de la femme en Marie-Antoinette et y mettre comme la main au feu avec une confiance intrépide ; car tous ces chevaliers, dont Burke a parlé dans un éloquent passage, ces jaloux défenseurs qu’avait à son service la reine de France en ses beaux jours et qui lui ont manqué à l’heure du danger, elle les retrouve aujourd’hui un peu tard et après coup. […] Dans cette capitale de la Lorraine, Marie-Antoinette ne manque pas d’aller visiter les sépultures de sa famille, et elle se rappelle à ce sujet un vers d’Esther qu’elle récitait avec ses sœurs : J’irai pleurer au tombeau de mes pères.

1934. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Mais il était arrivé trop tard pour la grande action, il avait manqué la victoire de Friedland, remportée le 14. […] L’entrée à Smolensk signala ainsi la troisième grande manœuvre manquée de la campagne : « ce fut la dernière de notre côté. » À partir de là, Napoléon n’eut plus qu’à pousser tout droit en avant et à marcher sur Moscou, en perçant de vive force au cœur de sa fatale conquête.

1935. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Si Bertrand fût mort en 1830, vers le temps où il complétait les essais qu’on publie aujourd’hui pour la première fois, son cercueil aurait trouvé le groupe des amis encore réunis, et sa mémoire n’aurait pas manqué de cortège. […] Les vers non plus n’y manquaient pas ; je lis, à la date du 10 juillet, la Chanson du Pèlerin qui heurte, pendant la nuit sombre et pluvieuse, à l’huis d’un châtel  ; elle était adressée au gentil et gracieux trouvère de Lutéce, Victor Hugo, et pouvait sembler une allusion ou requête poétique ingénieuse :  — Comte, en qui j’espère, Soient, au nom du Père Et du Fils, Par tes vaillants reîtres Les félons et traîtres    Déconfits !

1936. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

II C’est à condition d’y mettre une âme, et ce n’est pas chez La Fontaine qu’elle peut manquer. […] Toutes s’opposent trois par trois à intervalles symétriques, et, si la symétrie manque à la dernière, c’est pour finir la phrase par un son plus plein et plus viril ; les mètres se disposent en deux rangées séparées et régulières, et la période est une strophe.

1937. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

M*** me disait : « Je ne vois qu’une infortune réelle ; celle de manquer de pain. […] Le manque du nécessaire absolu est une chose affreuse, parce que l’inquiétude du lendemain empoisonne le présent. » M*** avait raison, mais cela ne tranche pas la question.

1938. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Charron n’est coupable que d’avoir manqué de génie. […] Il fut de ceux qui tinrent à devoir de rester à Paris pendant la Ligue, et avec une inflexible droiture il sut en ces temps difficiles ne manquer à aucune de ses obligations, servir le roi, même protestant, et l’Église, même rebelle, maintenir les droits du Parlement, travailler au salut du royaume et à la conservation de Paris.

1939. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

La théorie des deux morales, c’est-à-dire, pour parler net, le privilège accordé aux souverains et aux hommes d’État de manquer à la morale dans un intérêt public ou qu’ils estiment tel, peut être également l’erreur volontaire et calculée d’un prince selon Machiavel — ou l’illusion d’un mystique, comme paraît avoir été ce mélancolique empereur au souvenir de qui trop de douleur s’attache pour que nous puissions, nous, le juger en toute liberté d’esprit, mais qui, au surplus, se trouverait sans doute suffisamment jugé, si l’on regarde sa fin, par le mot de Jocaste à Œdipe : « Malheureux ! […] Il dit quelque part que les Grecs de la décadence « manquaient de ces fermes assises si nécessaires pour porter honorablement la vie ».

1940. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Blessée devant Paris le 8 septembre, elle voit pour la première fois la fortune lui manquer, et le conseil de ses voix en défaut, ou du moins ce conseil paralysé et mis à néant par l’hésitation obstinée et le mauvais vouloir des hommes. […] Par malheur, une pièce essentielle, celle même qui, si elle existait, serait le document capital pour bien juger du point de départ de Jeanne d’Arc et de ses dispositions primitives, cette pièce manque et ne s’est jamais retrouvée.

1941. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Mais si c’est un jugement impartial, désintéressé et historique, que M. de Noailles a prétendu porter, comme cela était si digne de son esprit, je me permets de croire qu’il n’a pas rendu à Saint-Simon l’éclatante justice que ce grand observateur et peintre mérite à tant d’égards, et particulièrement pour la bonne foi, pour la probité, pour l’amour de la vérité qui se fait jour jusque dans ses erreurs et ses haines, et pour un certain courage d’honnête homme dont on ne voit pas que, jusqu’en ses excès, il ait manqué jamais. […] Sa femme, qui était Boucher d’Orsay, était une grande créature, maigre, jaune, qui riait niais, et montrait de longues et vilaines dents, dévote à outrance, d’un maintien composé, et à qui il ne manquait que la baguette pour être une parfaite fée.

1942. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Toutes les fois qu’il veut exprimer un sentiment un peu profond et vrai, il est puni, la passion et la poésie manquent à son langage. […] Le projet politique de Lauzun eut pour effet de l’effrayer ; mais si elle rejetait le projet, elle n’eût pas été fâchée de retenir et de s’attacher le négociateur, qui avait bien, en effet, tout ce qu’il faut pour séduire une femme et une reine, et à qui il ne manquait ici aucun motif pour s’y appliquer.

1943. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

En général, Buffon peint la nature sous tous les points de vue qui peuvent élever l’âme, qui peuvent l’agrandir, la rasséréner et la calmer ; il aime d’un mot à tout ramener à l’homme ; il a de la volupté souvent dans le pinceau, mais il n’a pas cette sensibilité où Rousseau et d’autres excelleront : Buffon est un génie qui manque d’attendrissement. […] Elle était coupée comme son style, vive, inattendue, semée de brusqueries et d’à-propos : il ne manquait jamais la balle quand elle lui venait.

1944. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Si judicieux et sensé que fût en général Louis XIV, si disposé qu’il se montrât à tout prévoir et à tout raisonner, il sentait qu’il y a des moments où, comme roi, il faut absolument risquer et inventer un peu à l’aventure, sous peine de manquer à la sagesse même. […] Le pitoyable Louis XV, qui ne manquait pas d’esprit et dont on cite quelques mots piquants, avait dans l’habitude de la conversation des longueurs sans fin et du rabâchage ; c’était le style bourbonien dans ce qui était déjà son affaiblissement et son ramollissement.

1945. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Général en chef de l’armée de Portugal, c’est lui qui, en 1812, introduira parmi ses troupes l’usage des moulins portatifs qui permettent au soldat de faire lui-même sa farine et son pain, moyen le plus sûr pour qu’il n’en manque jamais. […] Le colonel Jardet, envoyé par lui à l’Empereur qui était à la veille de partir pour l’expédition de Russie, eut des audiences sans résultat : « Voilà Marmont, dit l’Empereur, qui se plaint de manquer de beaucoup de choses, de vivres, d’argent, de moyens.

1946. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Une sorte de vie manque, un lien, et l’on sent un puissant cerveau plus qu’un cœur. — Je liens à noter, sinon ce côté faible en un grand homme, du moins ce côté froid. […] Le courage ne manqua jamais aux Mexicains ni aux Péruviens, « mais seulement l’espérance du succès.

1947. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Grimm, dans les Mémoires de Mme d’Épinay, se montre constamment à nous comme au-dessus des tracasseries, évitant de s’y mêler, mettant au besoin peu d’aménité dans ses conseils, et gardant quelque réserve, même dans l’intimité ; non point par arrière-pensée ni par manque de confiance, mais simplement « parce qu’il n’aime ni les raisonnements ni les combinaisons inutiles ». […] Si vous disiez qu’il ne manque pas une virgule à vos écrits, tout le monde en serait d’accord, mais je parie qu’il y a bien quelques notes de transposées dans vos copies. » — Tout en riant et en parlant, Rousseau rougit, et rougit plus fortement encore quand, à l’examen, il se trouva que Grimm avait raison.

1948. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

On voudrait, en arrivant à la fin de cette correspondance, rencontrer une dernière lettre de Frédéric roi ; elle manque. […] Toutefois ne calomnions point la réalité : Frédéric, quoi qu’en ait dit Voltaire et qu’il nous en ait donné à accroire, était un ami solide et sûr ; on le retrouvait le même le lendemain d’une défaite ou le lendemain d’une victoire ; ceux qu’il avait d’abord aimés, il les aima toujours, et ce n’est que quand cette première génération d’amis véritables lui manqua, qu’on le vit, faute d’avoir à qui parler, se complaire trop souvent à des sarcasmes piquants avec des parasites d’esprit.

1949. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Le comte de Provence a dit d’ailleurs, sur Marius à Minturnes, un mot juste : « La pièce est d’un genre trop austère. » Ces trois actes représentés le 19 mai 1794, sans un rôle de femme, sans trop de déclamation, et avec les touches nues de l’histoire, font honneur à la simplicité sensée du jeune poète ; il y résonne comme un mâle écho de Lucain et de Corneille : mais l’action s’y dessine à peine ; l’émotion manque, le pathétique fait défaut. […] C’est par trop manquer de prudence ; Dans l’eau c’est jeter ton argent : C’est vouloir… » — « Non, dit l’indigent, C’est acheter de l’espérance. » Ce ton légèrement attendri n’est pas le plus habituel chez Arnault.

1950. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Il faut donc, pour expliquer l’élément qualitatif qui, dans l’idée de perfection, se joint à l’élément quantitatif, distinguer ce qui est bon et ce qui est mauvais, ce qui est qualité proprement dite de ce qui est manque, ce qui est réalité positive de ce qui est négation et limitation. […] La résistance ne se conçoit pas sans notre sensation, le temps ne se conçoit pas sans le sentiment interne que nous en donne le changement de nos états de conscience ; l’étendue même est avant tout un mode de représentation ; enfin le mouvement ne peut manquer d’en être un, puisqu’il se ramène aux éléments qui précèdent et, en définitive, à un certain ordre temporel et spatial de nos sensations.

1951. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Là où La Bruyère, dans ses Caractères, a manqué de l’art des transitions, Hello n’en a pas eu besoin, lui, tant l’Homme, qui est le sujet de son livre, en remplit bien toutes les parties, sous les noms divers qu’il leur donne ! […] Ainsi, la longueur de l’haleine, la composition, la rondeur savante et voulue de cette sphère qu’on nomme la composition, lui manquent toujours.

1952. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

A chacune de ses lettres, sa conclusion ne manque jamais d’être qu’il se tient désormais pour un bon et solide instrument. […] J’étais mal à l’aise dans son déterminisme, et puis elle me paraissait vraiment trop sèche et manquer de cœur.

1953. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Les frontières politiques manqueraient les bornes de ces petits univers indépendants et juxtaposés, se suffisant pleinement à eux-mêmes. […] Le globe terrestre aussi est un tout, si l’on veut ; mais n’est-il pas lié à un système planétaire, et pourrait-il vivre sa vie, si le secours des autres astres venait à lui manquer ?

1954. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

On sait tout ce qui a péri de l’antiquité, tout ce qui manque de chefs-d’œuvre et d’études critiques faites pour le théâtre grec, depuis Aristote et Théophraste jusqu’au roi Juba, ce mari d’une fille de Cléopâtre, qui écrivait dans sa cour de Mauritanie un traité complet de l’art dramatique. […] Il ne manquait plus à l’action lyrique et dramatique d’un tel spectacle que le retour même de Xercès ; et le voilà bientôt qui, lui-même vivant, apparaît avec un carquois vide.

1955. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

L’élégance manquait il l’art, comme aux mœurs. […] On voit que tout leur manque à la fois, et que la noblesse, comme la vertu, leur est inutile.

1956. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Quand les sujets manquent, on se jette sur le Genoude et on en taille une tranche : il y a de quoi tailler.

1957. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Cinq-Mars manqua à sa mission ; favori officiel, il voulut bientôt l’être pour son propre compte.

1958. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

Au reste, les conséquences des bonnes idées ne manquent pas ; assez d’esprits logiques les déduiront ; et, malgré les fausses vues, les indécisions et les intérêts qui viendront à la traverse, notre révolution pacifique d’aujourd’hui aura son cours, ainsi que l’autre révolution turbulente a eu le sien, il y a quarante ans.

1959. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

L’imitation sied particulièrement mal aux Anglais ; leurs essais dans le genre de grâce et de gaieté qui caractérise la littérature française, manquent pour la plupart de finesse et d’agrément.

1960. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Le sentiment, usurpateur, veut chaque jour de nouvelles conquêtes : alors même qu’il a tout obtenu, il s’afflige souvent de ce qui manque à la nature de l’homme pour aimer ; comment supporterait-il d’être tenu volontairement à une certaine distance ?

1961. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Et les trois pièces seront excellentes, et l’acte sera manqué, A moins que M. 

1962. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

Il ne manque à la validité de ce raisonnement que la justesse des prémisses.

1963. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Ce n’est pas qu’ils soient tout-à-fait dépourvus de mérite : ils annoncent des connoissances, des lumieres, un esprit cultivé, & sont écrits avec assez de correction ; mais ils manquent tous de cette chaleur qui anime & passionne le Lecteur, qui le fait entrer dans les sentimens du Panégyriste, & sans laquelle il n’existe pas de vrai talent.

1964. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

L’artifice de nos Philosophes s’est efforcé de suppléer au courage qui leur manque.

1965. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Le style manque à M. 

1966. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Manquai-je de vin pour me réjouir, & de bec pour me défendre.

1967. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

… À ce manque de culture générale on devra tout d’abord attribuer la confusion dont on se plaint, unanimement.

1968. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

Voilà ces admirables dialogues, à la manière de Corneille, où la franchise de la repartie, la rapidité du tour et la hauteur des sentiments ne manquent jamais de ravir le spectateur.

1969. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Il en est d’eux comme des femmes laides : si elles sont chastes, c’est manque d’amants et non de désirs. « Aridi declamatores fidelius quos proposuerunt colores tuentur ; nihil enim eos sollicitat, nullum schema, nulla dulcedo sententiæ subrepit : sic quæ malam faciem habent, sæpius pudicæ sunt ; non animus illis deest, sed corruptor. » SENEC, lib. 

1970. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Eh bien, tout juste de la même forme et de la même force, le tableau précédent et les deux suivants ; c’est la chapelle des gueux de Ste Reine, et ce l’est si bien qu’il n’y manque que les charnières que j’y aurais peintes furtivement, si j’avais été un des polissons de l’école.

1971. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Un homme sans genie tombe bientôt dans la froideur qui naît des figures qui manquent de justesse, et qui ne peignent point nettement leur objet, ou dans le ridicule qui naît des figures lesquelles ne sont point convenables au sujet.

1972. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Si cet enthousiasme divin, qui rend les peintres poëtes, et les poëtes peintres, manque à nos artisans, s’ils n’ont pas, comme le dit Monsieur Perrault, ce feu, cette divine flâme, l’esprit de notre esprit, et l’ame de notre ame.

1973. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Bien peu manqueraient à l’appel de ceux qui foisonnent sur la terre d’Afrique.

1974. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XV »

Rousseau, Buffon et Chateaubriand ont-ils cru devoir se passer d’harmonie sous prétexte que de Retz ou Montaigne en manquent ?

1975. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

Ce n’est pas le talent, en effet, qui manque à M. 

1976. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

la gloire manquée, venant tard, mais enfin venue, et non pas d’en bas d’où elle vient souvent, mais d’en haut, d’où elle devrait toujours descendre.

1977. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

Eh bien, je l’ai dit, cette germination a manqué de vigueur et d’abondance !

1978. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Taine manque d’attrait.

1979. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Les Danois qui, sous le nom de Normands, ravagèrent la moitié de l’Europe et mirent deux fois le siège devant Paris, en s’embarquant pour aller exercer leur métier de conquérants ou de pirates, ne manquaient jamais de mettre dans leurs vaisseaux, avec leurs provisions, leurs armes et leurs tonneaux de bière, quelques scaldes ou poètes pour chanter leurs succès.

1980. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Sa pompe funèbre, ajoute-t-il, a honoré le prince, son siècle, Rome et la tribune romaine ; et il n’a rien manqué au bonheur de sa vie, car il a été loué après sa mort par le plus éloquent des hommes43. » Un tel éloge, prononcé par Tacite, devait être intéressant ; mais nous ne l’avons plus : heureusement il nous reste de lui le chef-d’œuvre et le modèle de tous les éloges historiques, c’est sa vie d’Agricola.

1981. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

C’est la sagesse d’Ulysse qui dans Homère approprie si bien son langage au but qu’il se propose, qu’il ne manque point de l’atteindre.

1982. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Par analogie on appelait les héros pasteurs ; Homère ne manque jamais de leur donner l’épithète de pasteurs des peuples.

1983. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Tout homme que je rencontre, et encore plus toute femme, croirait manquer au plus indispensable des devoirs, si elle ne m’adressait un long et ingénieux discours à ma gloire. » Présenté à Versailles, le futur Louis XVI âgé de dix ans, le futur Louis XVIII âgé de huit ans et le futur Charles X âgé de quatre ans, lui récitent chacun un compliment sur son livre  Je n’ai pas besoin de conter le retour de Voltaire, son triomphe, l’Académie en corps venant le recevoir, sa voiture arrêtée par la foule, les rues comblées, les fenêtres, les escaliers et les balcons chargés d’admirateurs, au théâtre une salle enivrée qui ne cesse de l’applaudir, au dehors un peuple entier qui le reconduit avec des vivats, dans ses salons une affluence aussi continue que chez le roi, de grands seigneurs pressés contre la porte et tendant l’oreille pour saisir un de ses mots, de grandes dames debout sur la pointe du pied épiant son moindre geste501. « Pour concevoir ce que j’éprouvais, dit un des assistants, il faudrait être dans l’atmosphère où je vivais : c’était celle de l’enthousiasme. » — « Je lui ai parlé », ce seul mot faisait alors du premier venu un personnage. […] À ce moment interviennent les architectes nouveaux, avec leurs raisonnements spécieux et leurs plans tout faits, démontrant que tous les grands édifices publics, religions, morales, sociétés, ne peuvent manquer d’être grossiers et malsains, puisque jusqu’ici ils ont été bâtis de pièces et de morceaux, au fur et à mesure, le plus souvent par des fous et par des barbares, en tout cas par des maçons, et toujours au hasard, à tâtons, sans principes. […] Messieurs seraient très fâchés de priver leurs bibliothèques d’un exemplaire de chacun de ces ouvrages qui leur revient de droit, et le greffier y supplée par quelques malheureux rôles de chicane dont la provision ne lui manque pas510. » Mais, à mesure que le siècle avance, l’incrédulité, moins bruyante, devient plus ferme.

1984. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Ils font ainsi des œuvres où manque la vie, déformant leur vision pour la poétiser. […] Il avait apporté une vision originale : la vie manquait, et l’air, à ses sites de banlieue ; mais la description avait un charme de franchise personnelle. […] Le Wagnérisme comme je l’entends veut dire style national et populaire ; or c’est justement un style anglais qui manque à tous nos compositeurs d’aujourd’hui.

1985. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Victor Wilder l’a faite : son texte est de signification beaucoup plus fidèle qu’on ne le croit généralement ; le principal, le terrible défaut est le manque de « style » : style d’opéra, style romantique, classique, parnassien, tout s’y mêle un peu ; les poèmes de M.  […] Elle avait la peinture et la statuaire, elle avait Cornélius, Kaulbach et Schwanthaler ; mais Glück manquait encore à son bonheur : on le lui donne. […] Mais c’est deux ans plus tard, dans Euryanthe, cette œuvre de génie dont descendront Meyerbeer et Wagner, que le motif réminiscence s’épanouit avec une intensité dramatique et une puissance poétique qui lui avaient manqué jusque-là.

1986. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Voilà ce qui manque à nos auteurs d’aujourd’hui. […] Ils ont un outil, mais il leur manque quelque chose. […] Jadis, le roman féminin, composé presque toujours par des femmes du monde en vue d’offrir aux jeunes filles un divertissement intellectuel sans danger, manquait au premier chef de franchise et de naturel et péchait par un optimisme vertueux conventionnel à l’excès.

1987. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

. — Qui manque de symétrie. […] Ingracieux Adj. — In privatif et « gracieux » ; qui manque de grâce. […] Labile Adj. — Sujet à glisser, à tomber, à manquer (Littré).

1988. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Et c’est précisément ce qui manque à la jeune convertie des de Goncourt. […] Moi, j’appelle cela du matérialisme, et du plus borné et du plus stupide, du matérialisme vieux et incorrigible comme le monde, et qui, exilé des littératures fortes, ne manque jamais de reparaître dans les littératures décadentes, quand le souffle divin de la spiritualité n’anime plus les peuples que les littératures expriment. […] Il manque également d’organisme, de perspective et d’unité.

1989. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Ce n’est pas seulement la justice, dans certaines de ses applications sociales, qui manque à la morale théologique, c’est le principe même de la justice, la personnalité humaine, qu’on n’y retrouve plus, ou qu’on y retrouve tellement confondue avec la personnalité divine qu’il devient impossible à la conscience de l’homme religieux de fixer le degré de mérite de ses actes. […] Que si par hasard l’une de ces conditions vient à manquer, soit la raison, soit la volonté libre, toute notion de loi morale disparaît. […] Il ne serait pas plus difficile de faire voir comment l’économie politique, si cette lumière lui manque, perd de vue l’homme et sa haute destinée, c’est-à-dire le but final où tend tout ce mouvement de la production et la distribution de la richesse.

1990. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Nous sommes loin d’en savoir assez pour pouvoir évaluer la mesure de nos actions ; il nous manque pour cela la possibilité de prendre un point de vue objectif. […] Voilà un homme manqué, qui ne possède pas assez d’esprit pour pouvoir s’en réjouir et qui a juste assez de culture pour le savoir. […] Tout péché est un manque de respect envers lui, un crimen læsæ majestatis divinæ et il n’est rien de plus. […] Les matériaux semblent manquer. […] Donc, nous souffrons et nous périssons pour que les poètes ne manquent pas de sujets !

1991. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Si une statue nous rendait amoureux comme Pygmalion, le but de l’art serait manqué ; de même, toute la beauté d’un drame tient à la fiction, et si les grandes scènes en étaient réalisées sous nos yeux, elles nous épouvanteraient. […] Un arc qui se détend pour lancer une flèche ne manque pas de grâce : pourquoi ? […] Il y manque encore la variété de rythme ; mais nous allons l’y introduire par degrés. […] L’impossibilité de rester simple en cherchant des rimes riches risque à son tour d’entraîner comme conséquence un certain manque de sincérité. […] Sans doute le vers blanc ne peut se suffire à lui-même ; néanmoins, comme nous l’avons montré ailleurs (Préface aux Vers d’un philosophe), c’est encore un vers, et qui ne manque pas d’harmonie.

1992. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Ne serait-ce point de sa part un manque de sincérité que d’affecter une gaieté qu’elle n’a pas, ou un respect qu’elle ne peut ressentir ? […] Là-dessus, pour l’encourager, elle lui dit avec ses ménagements et sa franchise ordinaires : « Pincott, je vous renverrai, car vous êtes beaucoup trop faible, et vos yeux vous manquent, et vous êtes toujours à gémir, à pleurnicher, à demander le médecin ; mais je sais que vos parents ont besoin de vos gages, et je vous garde pour l’amour d’eux ! […] Il embourse très-bien les manques d’égards, et dîne gracieusement à une table illustre où on l’invite en trois ans deux fois pour boucher un trou. […] L’auteur ne manque pas une occasion de lui témoigner la sienne ; pendant trois volumes, il la poursuit de sarcasmes et de mésaventures ; il ne lui prête que des paroles fausses, des actions perfides, des sentiments révoltants. […] L’imagination de Dickens elle-même eût manqué cette œuvre.

1993. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Jeudi 14 janvier Un « petit bleu » d’un journal, où l’on me reproche très sérieusement, comme manque de toute sensibilité, d’être encore vivant à l’heure présente, et au moins, si je vis, de n’être pas devenu fou, à l’instar de Maupassant. […] En effet la blouse est toute couverte d’une pluie de taches tendres, où manque le vert. […] Lavoix me le montre avec son parler, tout farci de mots latins et grecs, et quelques instants après, qu’il avait manqué d’être écrasé, lui disant : « Oui, par une voiture à deux chevaux, un bige, mon cher collègue. » C’était lui, qui se défendant de toujours travailler, faisait l’aveu, que le dimanche, il lui arrivait parfois de lire un livre futile, et le livre qu’il montrait, était le dix-septième volume de l’Histoire de l’Empire, de Thiers. […] Un manque de réparation, et par là une diminution de force vitale, doit avoir lieu chez les vieux célibataires, que l’ennui de dîner seuls, déshabitue de la faim du soir. […] Et il se roule devant le manque d’esprit de mon frère, dont il appelle les jolis mots, des niaiseries.

1994. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Revenant habiter à Paris l’année suivante, vers octobre 1793 : J’ai la douce consolation, dit-il, d’y éprouver que l’on peut trouver Dieu partout, que partout où on trouve son Dieu on ne manque de rien, on ne craint rien, on est au-dessus de tout, enfin que l’on peut obtenir toutes les connaissances qui nous sont nécessaires sur notre propre conduite si on les demande avec confiance. […] Il mourut subitement dans le joli pays d’Aulnay, chez son ami le sénateur Lenoir-Laroche, le 13 octobre 1803. — Dans ce souvenir rapide que je viens de lui consacrer et dont j’ai cru qu’il était digne, je ne vais point jusqu’à conseiller de relire aucun ouvrage de lui : « Ceux qui ont de l’âme, disait-il, prêtent à mes ouvrages ce qui leur manque : ceux qui ne les lisent point avec leur âme leur refusent même ce qu’ils ont. » S’il disait cela en son temps et à l’heure de la publication, que sera-ce à plus de cinquante ans de distance ?

1995. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Ce qui manque à l’abbé de Pons comme à La Motte, dans l’émancipation littéraire qu’ils tentent, c’est une connaissance, une comparaison directe et plus variée des littératures et des poésies, l’habitude de se placer à des points de vue historiques différents, la faculté de s’éloigner tant soit peu de leur quai et de leur Louvre, en un mot ce qui fait et achève l’éducation du goût. […] Son verbe ne manque pas de marcher derrière, suivi d’un adverbe, etc. » L’abbé de Pons rend la pareille de cette moquerie au latin et aux phrases à la Cicéron, « à ces périodes immenses dont le sens vaste, mais confus, ne commence à se développer que lorsqu’il plaît au verbe dominant de se montrer, verbe que l’orateur romain s’obstine à faire marcher à la suite de toutes les idées qu’il aurait dû précéder selon l’ordre de nos conceptions ».

1996. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Évidemment Mayenne manqua les moments décisifs. […] La société française aurait eu chance de se fixer, de se consolider sur des fondements assez différents de ceux qu’elle essaya ensuite, et qui toujours lui manquèrent.

1997. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

ceux-là, ils ont des privilèges, on leur passe tout ; là où ils manquent, on y supplée, on y ajoute ; tout leur est interprété à bien et à honneur, les obscurités, les excentricités, les boutades hors de propos, les écarts de verve ou les éclipses ; on y suppose après coup des clartés, des profondeurs de sens ou de passion, des miracles de fantaisie qui, le plus souvent, n’y ont jamais été, même pour leurs plus proches contemporains. […] Ce n’était pas seulement chez lui dégoût instinctif des fadeurs pastorales, et manque absolu peut-être, extinction, causée par la misère, du sens des beautés de la nature ; c’était encore répugnance profonde pour un cadre où toutes ses habitudes se trouvaient désorientées ; répugnance constante et qui ne se dément pas une seule fois dans son œuvre.

1998. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Laboulaye aurait pu faire quelque chose de plus utile encore que ce qu’il a fait, c’eût été de montrer l’homme complet en Benjamin Constant, de nous expliquer en quoi il avait de belles lumières et de grandes faiblesses ; en quoi il faillit ou varia même dans la défense des idées justes ; comment il manqua toujours d’autorité et d’une certaine considération qui ne suit pas toujours la popularité ; quelles circonstances indépendantes de sa volonté, et quels incidents (il y a toujours des incidents) reculèrent l’application de ses théories générales et absolues. […] Avant le 18 fructidor, dans sa brochure des Réactions politiques, il a tracé des journaux et des journalistes du temps un portrait si peu flatté, que ce n’est pas à nous, journalistes, de le citer ici65 ; on ne manqua pas de le lui rappeler plus d’une fois, sous la Restauration, lorsqu’il demandait la popularité à ces mêmes journaux et qu’il plaidait pour l’entière liberté de la presse : « L’orateur qui descend de la tribune, disait-il à la Chambre des députés, le 9 février 1822, en répondant à M. 

1999. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

… » « D’El-Arich à Gaza, le pays change de figure ; le sable se couvre de petits buissons, puis on commence à rencontrer des pierres, puis des troupeaux ; enfin on entend un peu de bruit ; le silence est encore une chose qui fait une véritable impression ; on cherche pendant longtemps ce qui manque à la vie, et tout à coup… » Horace Vernet a, depuis, imprimé quelques-uns de ces passages dans une brochure sur les Costumes de l’Orient, il a ôté les familiarités et n’a laissé que le noble et le grave, ce qui allait à son but. […] Et qu’on vienne nous dire encore qu’Horace Vernet manque tout à fait de la corde grave !

2000. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Que manquait-il à l’illusion du croyant, à l’avant-goût des joies célestes ? […] nous le savons de reste, les choses humaines, dès qu’elles ont atteint une certaine hauteur, retombent assez vite, s’embrouillent et se gâtent assez tôt : et sans sortir du domaine de l’architecture, cette Notre-Dame de Paris dont la façade s’était élevée en moins de quinze ans avec une célérité prodigieuse, œuvre d’un maître dont on a oublié de nous transmettre le nom, ne fut pas même terminée d’après le plan primitif : il manqua toujours les deux flèches au front des deux tours, d’où elles se seraient élancées, également aériennes et légères, mais variées sans doute dans leur dentelure et dissemblables entre elles sur leur double base.

2001. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Un autre peintre qui n’est ni sobre ni élégant, qui est souvent barbouilleur, mais qui rencontre parfois des mots qui touchent au vif, le marquis d’Argenson, après avoir parlé du manque de génie et de vigueur de nos officiers petits-maîtres à cette date, a dit : « C’est donc le besoin des affaires qui nous a réduits à nous servir d’étrangers : les Allemands et ceux du Nord ont mieux conservé aujourd’hui le véritable esprit de la guerre ; nous tirons de leurs pays des hommes et des chevaux (c’est poli) plus robustes et plus nerveux que les nôtres. […] Maurice sait parfaitement, d’ailleurs, comment il faut être pour réussir en Cour de France, et il ne manque pas d’en avertir le roi son frère (29 décembre 1757) : « Le Cardinal (de Fleury) a extrêmement caressé M. 

2002. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le récit de M. de Saint-Joseph, fort exact, fort circonstancié, ne manque pas d’un sentiment d’émotion qui dispose à la pitié. […] Deux heures avant sa mort, le général m’appela auprès de lui ; il voulut se mettre de nouveau sur son séant, mais les forces manquaient.

2003. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Sainte-Beuve dicta un jour cette note : « Ce que c’est que de manquer de littérature, même lorsqu’on est un homme d’un grand talent ! […] Il a cru évidemment que Pléiade signifie simplement une grande quantité, et c’est ainsi que se trahit le manque de littérature fine et première.

2004. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Remarquez que Du Bellay aurait pu l’écrire encore, quatre-vingts ou cent ans plus tard, au temps des Vaugelas, des d’Ablancourt, avant les Provinciales, et quand la prose française, excellente en effet de correction et de pureté dans le travail des traductions, manquait pourtant de pensée et d’énergie pour atteindre à une œuvre originale et forte : il aurait pu employer quelques-uns des mêmes arguments pour l’aiguillonner et lui donner du cœur. […] Eût-il été plus précis, la terre propice et aussi le ciel clément, sans qui toute semence est vaine, auraient manqué.

2005. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Quand le flambeau en lui-même est si prêt à luire, le foyer, quel qu’il soit, ne manque jamais. […] Rien alors ne se fait sans eux, et les plus grands coups, ce sont souvent eux qui les donnent19. » Quoi qu’il en soit des vues nouvelles que ce coin de la question, tardivement démasqué, ne peut manquer d’introduire dans l’histoire finissante de la maison de Bourgogne, l’effet des beaux récits de Jean de Muller et de M. de Barante subsiste ; l’impression populaire d’alors y revit en traits magnifiques et solennels que le plus ou le moins de connaissance diplomatique ne saurait détruire.

2006. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Quelquefois ce point de vue manque ; le jugement qu’on porte sur eux s’étend alors un peu au hasard et demeure dispersé comme leur vie et les productions mêmes de leur plume. […] Traité avec le plus grand mépris dans cette Cour, et privé de l’espoir de jouer un rôle à Paris, la mort lui parut être sa seule ressource ; mais il porta sur lui une main mal assurée ; le courage manqua à ce nouveau Caton, pour achever… L’amour de la vie prévalut, un chirurgien fut appelé, et le comte prouva qu’il ne savait ni vivre ni mourir. » Quand on a eu affaire dans sa vie à des haines aussi cruelles et aussi envenimées que cette page en fait supposer, on a quelque mérite à n’avoir jamais pratiqué qu’indulgence et bienveillance, comme l’a fait M. de Ségur.

2007. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Renseignements intimes, lettres originales, rien ne lui aura manqué, surtout pour la portion religieuse. […] Aucune ne manqua son effet.

2008. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Il ne lui manqua rien d’un grand homme, excepté la vertu. […] Purifier une doctrine populaire, c’est bien mieux que la combattre ; car ce qui manque au peuple, ce n’est jamais la force, c’est la vertu.

2009. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Elle l’aimait à force de le respecter ; elle ne lui avait jamais manqué de fidélité, mais son amitié était libre ; il ne l’avait pas épousée pour la sevrer de toute douceur terrestre ; régler son cœur, ce n’était pas le supprimer ; il avait de l’affection involontaire pour moi ; moi, pour lui, par reconnaissance et par admiration. […] Si tu savais combien de pleurs tes erreurs ont fait répandre à notre respectable mère, combien elles paraissent déplorables à tout ce qui pense et fait profession non-seulement de piété, mais de raison ; si tu le savais, peut-être cela contribuerait-il à t’ouvrir les yeux, à te faire renoncer à écrire ; et si le ciel touché de nos vœux permettait notre réunion, tu trouverais au milieu de nous tout le bonheur qu’on peut goûter sur la terre ; tu nous donnerais ce bonheur, car il n’en est point pour nous, tandis que tu nous manques et que nous avons lieu d’être inquiets sur ton sort. » XIX Cette lettre l’attendrit ; il crut y entendre une voix du ciel.

2010. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Il est vrai qu’elle se ravise un peu après, C’est égal, la tendresse manque singulièrement dans cette éducation. […] Durement élevé, il manquera de douceur.

2011. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Oui, vraiment, l’École des Romanciers naturalistes de 1875 manqua de réserve. […] Oui, je veux même reconnaître en eux, tout de suite, l’excès de cette tendance intéressante en elle-même, qui, plus d’une fois, par manque d’expérience, par maladresse, par bravade, les conduisit souvent à la bizarrerie, à l’obscurité, au jargon.

2012. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Mais aussi, au lendemain de ces deux défaites, deux grandes restaurations catholiques ; l’une qui commence avec la création de la Compagnie de Jésus et la réunion du Concile de Trente, qui se continue avec le retour à la discipline austère parmi les Oratoriens et les solitaires de Port Royal, qui aboutit à la fougueuse intolérance de Bossuet, aux dragonnades et à la révocation de l’Édit de Nantes ; l’autre qui commence avec les théories ultramontaines d’un Bonald et d’un Joseph de Maistre, qui continue avec la brillante apologie du catholicisme par Chateaubriand, avec le Concordat, avec les tirades éloquentes de Lamennais contre l’indifférence religieuse, qui aboutit à la tentative manquée de Charles X pour raffermir à la fois le trône et l’autel et pour ramener la société française de quelques siècles en arrière. […] Le style janséniste (exception faite pour Pascal qui, étant un militant, recourt aux moyens du monde, afin de gagner le monde) est en général sain, judicieux, exact, correct ; mais il manque de brillant, de vigueur, de sobriété aussi.

2013. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

De là aussi le manque de sens historique chez les très médiocres historiens qui travaillent à conter élégamment des faits qu’ils ne comprennent pas. […] Puis un évêque monte en chaire, et dans un discours d’apparat célèbre les vertus du mort, qui fut souvent un piètre sire, exalte l’esprit de la princesse défunte, qui fut peut-être un modèle d’insignifiance, et ne manque pas de placer l’un et l’autre à la droite du Tout-puissant, attendu qu’un grand de la terre ne saurait être confondu, même dans la tombe, avec le troupeau de la vile multitude.

2014. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

L’œuvre d’un individu sans foi ne sera jamais l’œuvre d’un Artiste, puisqu’elle manquera toujours de cette flamme vive qui enthousiasme, élève, grandit, réchauffe et fortifie ; cela sentira toujours le cadavre, que galvanise un métier frivole. […] Ce qui manquait pour parfaire le charme, ces magnifiques accents le produisirent.

2015. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

On ne tardera pas à voir le dévot de la capitale, évitant les églises désertes et solitaires, « fréquenter les temples où il se fait un grand concours ; on n’y manque point son coup : on y est vu… Au lieu de la messe du roi, on verra de beaux saluts à Paris. […] Mais ayant pris depuis deux ans beaucoup d’embonpoint, sans rien perdre de la noblesse de sa taille, elle était plus belle qu’on ne l’avait jamais vue à la cour ; sa figure étonnait par son éclat et sa majesté ; elle n’avait jamais mis de rouge, et le teint d’aucune jeune personne n’effaçait la pureté du sien. » Madame de Genlis se plaît à décrire ailleurs les charmes physiques de madame de Maintenon ; mais elle la place dans une situation romantique : elle venait de se dépouiller de sa mante et de son écharpe pour en revêtir une personne qui manquait d’habits.

2016. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Mais Béranger, ne l’oublions pas, est de la race gauloise, et la race gauloise, même à ses instants les plus poétiques, manque de réserve et de chasteté : voyez Voltaire, Molière, La Fontaine, et Rabelais et Villon, les aïeux. […] L’habileté, l’art, la ruse du talent de Béranger a été de faire croire à sa grandeur ; il a fait des choses charmantes, et il semble que, pour la grandeur, il n’y ait que l’espace qui lui ait manqué.

2017. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Cette pétulance gesticulante qui paraissait d’abord si curieuse à Paris, et qui le distinguait aussitôt, était vulgaire dans la rue de Tolède et aux environs ; Galiani manquait d’écouteurs et de cercle à lui tout seul : « Paris, s’écriait-il souvent avec l’accent du désespoir après l’avoir quitté, Paris est le seul pays où l’on m’écoutait. » Une fois retiré dans sa patrie, cette patrie qu’il aime pourtant, et dont il est une des curiosités vivantes, il se meurt de paroles rentrées et non écoutées. […] L’abbé Galiani quitta Paris, pour n’y plus revenir, dans l’été de 1769, et c’est à cette date que commence sa Correspondance avec Mme d’Épinay ; c’est par elle dès lors qu’il se rattache presque uniquement à ses amis de Paris, et il aura l’occasion de lui répéter bien souvent : « Je suis perdu si vous me manquez. » Ce petit Machiavel, qui faisait l’insensible, qui se vantait de n’avoir pleuré de sa vie, et d’avoir vu d’un œil sec s’en aller père, mère, sœurs, tous les siens (il se calomniait lui-même), pleurait et sanglotait en quittant Paris, en quittant « cette nation aimable, disait-il, et qui m’a tant aimé ».

2018. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Mme de Maintenonlui adresse sur sa conduite des conseils sensés, mais si stricts et si secs, qu’ils donneraient vraiment envie d’y manquer si on en était l’objet. Mme de Caylus n’y manqua et n’y obéit qu’à demi.

2019. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Toutes les femmes du monde, toutes les femmes d’esprit, Mme de Sévigné elle-même, trouvèrent qu’elle manquait de dignité. […] Il avait commencé par trouver que Mme de La Vallière allait un peu lentement : « Un naturel un peu plus fort que le sien aurait déjà fait plus de pas, écrivait-il ; mais il ne faut point l’engager à plus qu’elle ne pourrait soutenir. » Sa résolution extrême, une fois qu’elle l’eut déclarée, ne manquait pas de contradicteurs, et surtout de moqueurs.

2020. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

N’admirez-vous pas comme ce témoin, aveuglé par la prévention et l’esprit de parti, au moment même où il accuse Mirabeau de manquer de sensibilité, nous montre au contraire à quel point il le vit troublé et tout à fait ébranlé du coup qu’il lui portait si durement ? […] Je sais qu’une prochaine occasion se prépare de parler du Mirabeau politique et définitif, et je compte bien ne pas la manquer.

2021. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

J’arrive aux circonstances singulières qui marquèrent sa conduite dans la Révolution, et qui achèvent de prouver qu’au moral aussi il lui a manqué quelque chose, quelques lignes de plus pour être de la taille de ceux dont le courage domina les événements et ne s’y laissent point entraîner. […] La Harpe nous est représenté à dîner chez un riche banquier, un peu avant le dessert ; il est dans cette disposition heureuse de cœur et d’estomac qui porte à l’indulgence : rien de ce qu’il aimait n’avait manqué au repas ; il était réconcilié avec les hommes ; il aurait trouvé de l’esprit à Saint-Ange, du jugement à Mercier, de la décence à Rétif, de la douceur de caractère à Blin de Sainmore ; enfin, il aurait accordé du talent à d’autres qu’à lui, quand tout à coup il se lève de table et disparaît : Après une assez longue absence, la maîtresse de la maison le fait chercher : on ne le trouve point.

2022. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

C’est ce qui manque totalement au genre triste, aride, tour à tour médical ou topographique de Volney. […] L’affaire manqua, comme toute chose à cette date.

2023. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Il y a donc deux classes de clichés, ceux qui représentent des images dont l’évolution, entièrement achevée, les a menés à l’abstraction pure ; et ceux dont la marche vers l’état abstrait s’est arrêtée à moitié chemin, — parce qu’ils n’avaient reçu à l’origine qu’un organisme inférieur et une forme médiocre, parce qu’ils manquaient d’énergie et de beauté. […] « Le char de l’Etat est entravé dans les flots d’une mer orageuse », cela fut dit à la tribune, tandis que la phrase où ce même char « navigue sur un volcan » est une invention d’Henry Monnier  : on voit combien elle était inutile. « C’est en vain, crie un orateur, que nous ferons une bonne constitution, si la clef de la voie sociale nous manque. » Cormenin, qui avait de la verve et aucun sens littéraire, écrivait ainsi : « Par la trempe étendue et souple de son esprit, il jette de vives lumières sur toutes les questions », ou bien : « J’ai modéré le feu de mes pinceaux. » Il fit un tel abus des « lambris dorés » qu’on lui attribua cette petite création ridicule225.

2024. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Ce qui manque peut-être à cette Albion toute à son affaire, et parfois regardée de travers par les autres peuples, c’est de la grandeur désintéressée ; Shakespeare lui en donne. […] Il leur manque ce je ne sais quoi de tendre dans le sublime qui fait jaillir des entrailles d’un peuple le poëte.

2025. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

La force vitale elle-même, fût-elle distincte des autres forces naturelles, devrait se manifester par une série de phénomènes rigoureusement liés, s’enchaînant les uns aux autres dans un ordre fixe et précis, de telle sorte que, l’un étant donné, l’autre s’ensuit nécessairement ; de telle sorte encore que, telle condition venant à manquer, le phénomène ou se modifie ou disparaît, et qu’à telle autre condition correspond tel autre phénomène ; en un mot, rien n’est arbitraire, rien n’est laissé au hasard, à l’inconnu, à la fantaisie. […] Claude Bernard se représente la vie, et cette idée générale, nous n’avons aucune raison de nous refuser à l’admettre, d’abord parce qu’il nous manquerait l’autorité nécessaire pour la contester, en second lieu parce qu’elle nous paraît conforme aux vrais principes, et en particulier au célèbre principe de la raison suffisante ou déterminante.

2026. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Les combattans n’y manquent pas d’action ; ce sont des turcs d’un côté, de l’autre des soldats cuirassés. […] Ce qui lui manque peut s’acquérir, on n’acquiert point ce qu’il a.

2027. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

— À quoi il faut répondre qu’il manque justement à la société hindoue de posséder ces puissants multiplicateurs des contacts sociaux qui sont les villes. […] Il manque à leurs idées sociales une maîtresse pièce de l’égalitarisme tel que nous l’avons défini : et c’est le sentiment de la valeur propre à l’individu, le respect du for intérieur, le culte de la liberté personnelle. — Or, l’étroitesse même de leur cercle d’action n’est-elle pas une des raisons pour lesquelles le trait essentiel des républiques d’aujourd’hui fait défaut à la république d’autrefois ?

2028. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

Consolez-vous, personne n’a vécu dans la familiarité de M. de Vigny, pas même lui. » Mais M. de Vigny manquait de mémoire le jour où il écrivait cette note, et je puis dire que je le connaissais alors et l’avais étudié assez à fond, comme poète du moins et comme artiste.

2029. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Un talent précoce, incontestable, un travail opiniâtre et qui ne se fie pas à la seule nature, le culte des sérieuses traditions, un patriotisme ardent, une pureté de conscience inaltérable, et tout cela n’aboutissant qu’à une carrière manquée et à un douloureux avortement !

2030. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

A part, d’ailleurs, un léger ton de persiflage qui ne nuisait pas à l’agrément, les raisons et arguments sur lesquels il appuyait son assertion ne manquaient ni de solidité ni d’évidence.

2031. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Un autre fait, dont personne assurément ne se doutait avant le livre de sir Walter Scott, ne manquera pas de fixer l’attention : c’est l’imputation étrange et grave lancée par lui contre M. le général Gourgaud.

2032. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Ils ne manquèrent pas au christianisme, et sous l’unité inflexible des traditions générales, plusieurs surent se créer des variétés fécondes d’idées et de formes, s’ouvrir, selon les lieux et les temps, des perspectives inattendues.

2033. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

On retomberait vite dans l’exploitation de l’homme par l’homme, dans les mille abus criants et désastreux qui sont en tout temps possibles et même inévitables dès qu’on cesse de se prémunir : la dignité manquerait au grand nombre comme le bien-être.

2034. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Ces mots d’étranger, d’ennemi, d’idolâtre, synonymes pour le poète, s’appliquent également à nous, qui avons manqué à notre belle mission de la guerre générale pour la cause des peuples.

2035. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

L’éloquence enfin, quoiqu’elle manquât sans doute, chez la plupart des modernes, de l’émulation des pays libres, a néanmoins acquis, par la philosophie et par l’imagination mélancolique, un caractère nouveau dont l’effet est tout-puissant.

2036. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

Celui qui s’est vu déchiré par des affections tendres, par des illusions ardentes, par des désirs même insensés, connaît tous les genres d’infortunes, et trouve à les soulager, un plaisir inconnu à la classe des hommes qui semblent à moitié créés, et doivent leur repos seulement à ce qui leur manque.

2037. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Ce n’est pas impuissance ou grossièreté de nature, mais rudesse et manque de culture, qui fait que devant une œuvre d’art, un poème, un paysage, on reste morne et muet, sans émotion, que factice, sans idée, que convenue, sans parole, que banale, Par cet effort de conscience, on contraindra les sentiments à se préciser : le nuage confus des émotions se divisera, et de l’obscure vapeur qui bout dans l’âme surgiront des couleurs et des formes, de plus en plus nettes et délicates.

2038. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Ce qui manque et ce qu’on souhaite.

2039. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Au premier aspect, ce manuscrit n’est pas d’un intérêt considérable : l’écriture manque d’accent et on ne sent pas la maîtrise de la main, inséparable de la maîtrise de la pensée ; mais les premières épreuves révèlent quel coup d’éperon l’écrivain recevait de la typographie.

2040. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Incorrections de dessin, manques d’expression, pauvreté de caractères, vices d’ordonnance, on oublie tout ; on demeure extasié, surpris, enchaîné, enchanté.

2041. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Les demi-choeurs dont je parle, qu’on excuse mon expression, donnoient un spectacle interessant lorsque Lulli les faisoit executer par des danseurs qui lui obéissoient et qui osoient aussi peu faire un pas de danse lorsqu’il le leur avoit défendu, que manquer à faire le geste qu’ils devoient faire, et à le faire encore dans le temps prescrit.

2042. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Premier tableau » pp. 180-195

— Et l’on soutient que l’instruction manque aux classes ouvrières !

2043. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Esprit essentiellement moderne, sensible, ouvert, trop ouvert, facile à tous les entraînements, depuis les dévergondages d’une générosité sans raison jusqu’à ce fait d’une défection qui n’a épouvanté ni son esprit ni sa conscience, le duc de Raguse a cru qu’en s’y prenant adroitement et de loin il ferait aisément illusion à un temps éclectique en toutes choses, qui aime à se payer de phrases, et pour qui le manque d’étendue est le fond de toute sévérité, fit que disons-nous ?

2044. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

le sujet de Vallès a l’inconvénient de tous les sujets circonscrits : il manque de l’intérêt qui prend, d’emblée, tous les esprits et tous les cœurs !

2045. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Le peintre de mœurs, chez Topffer, manque de repli, de profondeur, de ce coup d’œil qui fouille, jusqu’au fond, le sac plein ou vide du cœur de l’homme et la besace de sa vanité !

2046. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

De 1848 à 1852, si vous exceptez, dans l’erreur inouïe, les œuvres de Proudhon, et, dans la beauté pure de la vérité chrétienne, le grand livre de Blanc-Saint-Bonnet (De la Restauration française), deux sortes de productions contraires, mais qui, erreur et vérité à part, sont de ces têtes de saumon qui valent mille grenouilles, comme disait le duc d’Albe, vous n’avez plus rien, pas même les grenouilles, quoique à cette terre généreuse les hommes médiocres n’aient jamais manqué.

2047. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

Après le couronnement de la victoire, l’Empire eut le couronnement des catastrophes, pour que tout fût complet dans sa destinée ; car la grandeur humaine ne s’achève que par le malheur, et les larmes des choses (lacrymæ rerum) ne doivent pas plus manquer à l’Épopée que les larmes des hommes au Drame… deux espèces de larmes différentes, que l’Empire, tour à tour Épopée et Tragédie, a su faire également couler !

2048. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

L’auteur des Origines de la France contemporaine est un logicien qui nous souhaite un bien religieux parce que l’anarchie et le manque de tradition sont le mal de notre pays depuis cent ans, et qui préfère le protestantisme au catholicisme par haine de la centralisation excessive et par respect de l’individu.‌

2049. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

. —  Comment les convoitises extrêmes et le manque de conscience sont le domaine naturel de l’imagination passionnée. […] De là les mœurs de ce théâtre, et d’abord le manque de dignité. […] C’est pourquoi elle manque aux mœurs de ce théâtre. […] Elle ne veut plus sortir, elle ne sourit plus, elle souffre à peine qu’on vienne la voir ; elle se reprocherait comme un manque de tendresse un moment d’oubli ou de gaieté. […] C’est d’abord d’être une folie ; le manque de sérieux repose.

2050. (1886) Le roman russe pp. -351

En Russie, ces classes moyennes manquaient, elles manquent encore ; rien ne pouvait combler l’espace vide, le pérélom, comme on dit là-bas. […] On comprend la fascination de cet Éden ; il offrait aux jeunes Russes ce qui leur manquait le plus : des montagnes, du soleil, de la liberté. […] On lui objectait avec raison que, malgré les mœurs du servage et la corruption administrative, il ne manquait pas de braves cœurs et d’honnêtes gens dans l’empire de Nicolas. […] Il nous manque les hautes classes pour compléter le tableau. […] L’éducation classique a manqué à Dostoïevsky ; elle lui eût donné la politesse et l’équilibre qu’on gagne au commerce précoce des lettres.

2051. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Aussi voyons-nous ces définitions manquer de clarté et de généralité. […] En effet, un phénomène se manifestant toujours de même, si les conditions sont semblables, le phénomène ne manque jamais si ces conditions existent, de même qu’il n’apparaît pas si les conditions manquent. […] L’expérience nous apprend qu’un rouage de la vie manque ; l’oxygène ne peut plus entrer dans l’organisme, parce qu’il ne peut pas déplacer l’oxyde de carbone de son union avec le globule. […] On met ce procédé en usage toutes les fois qu’on n’a pas d’idée préconçue pour entreprendre des recherches sur un sujet à l’occasion duquel des observations antérieures manquent. […] Ceux qui croient trop aux théories et qui négligent les principes prennent l’ombre pour la réalité, ils manquent de critérium solide et ils sont livrés à toutes les causes d’erreurs qui en dérivent.

2052. (1899) Arabesques pp. 1-223

Les cuirassés manquent de couler dès qu’il sortent du port — c’est la faute des Juifs. […] La récolte des pommes de terre a manqué — c’est la faute des Juifs. […] Si la sainte Vierge les inspira, il faut avouer qu’elle fit preuve, en cette circonstance, d’un manque de perspicacité tout à fait déplorable. […] Comme poète, il ne manque pas d’une certaine valeur. […] Mais, en tout cas, le critérium manque qui permettrait d’établir la supériorité d’une espèce nouvelle sur l’espèce qu’elle supplanta ou à côté de qui elle se développa.

2053. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Il ne manquait plus à la haine et à la jalousie que d’accuser Molière d’être un homme heureux. […] » En 1778, l’Académie française avait fait placer chez elle le buste de Molière et Saurin avait écrit ce vers : Rien ne manque à sa gloire, il manquait à la nôtre ! […] C’est une tâche à laquelle manquerait volontiers la génération à laquelle j’appartiens. […] La réparation des injustices dont il fut abreuvé, l’acclamation du plus grand nombre qui lui manqua souvent, la reconnaissance d’un pays qu’il illumina de sa gloire personnelle, tout cela est compris entre ces deux chiffres. […] Mais, Molière, à ta gloire il ne manquerait rien Si parmi les défauts que tu peignis si bien Tu leur avais repris de leur ingratitude60.

2054. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

« Après le premier étourdissement que ne pouvait manquer de lui causer la nouvelle qu’elle recevait, Juliette, rassemblant ses forces et envisageant ses nouveaux devoirs, chercha à rendre un peu de courage à M.  […] Un de mes amis, M. de Genoude, protégé alors par la femme célèbre, et très assidu dès l’aurore aux devoirs de l’amitié, l’accompagnait tous les jours à l’église ; il m’a raconté souvent, avant l’époque où lui-même entra dans les ordres sacrés, que M. de Chateaubriand ne manquait jamais de se rencontrer dans l’église à l’heure où madame Récamier s’y rendait, qu’il s’agenouillait pour entendre la messe derrière la chaise de son amie, et qu’il oubliait quelquefois l’ardeur de ses prières pour s’extasier à demi-voix sur tant de charmes. […] Une chose me reste, et, tant que je la conserverai, je me consolerai de mes cheveux blancs et de ce qui m’a manqué sur la longue route que j’ai parcourue depuis trente années, etc., etc. » XXVII Toutes ses lettres de cette date sont pleines de fièvre ou de dégoût.

2055. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Il y a des années où il faut s’absenter de sa patrie : heureux qui peut la fuir et l’oublier sans manquer à aucun devoir public ou privé ! […] Le gothique est beau ; mais l’ordre et la lumière y manquent ; ordre et lumière, ces deux principes de toute création éternelle. […] Il ne manque que quelques colonnes à la forêt de blanches colonnes : elles sont tombées, en blocs entiers et éclatants, sur les pavés ou sur les temples voisins : quelques-unes, comme les grands chênes de la forêt de Fontainebleau, sont restées penchées sur les autres colonnes ; d’autres ont glissé du haut du parapet qui cerne l’Acropolis, et gisent, en blocs énormes concassés, les unes sur les autres, comme dans une carrière les rognures des blocs que l’architecte a rejetées.

2056. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

V Victor Hugo, sûr de son pinceau, comme Raphaël quand il rencontre une mère virginale et un enfant-Dieu, ne manque pas de les décrire. […] « Puis il se demanda : « S’il était le seul qui avait eu tort dans sa fatale histoire ; si d’abord ce n’était pas une chose grave qu’il eût, lui travailleur, manqué de travail, lui laborieux, manqué de pain ; si, ensuite, la faute commise et avouée, le châtiment n’avait pas été féroce et outré ; s’il n’y avait pas plus d’abus de la part de la loi dans la peine qu’il n’y avait eu d’abus de la part du coupable dans sa faute ; s’il n’y avait pas excès de poids dans un des plateaux de la balance, celui où est l’expiation ; si la surcharge de la peine n’était point l’effacement du délit, et n’arrivait pas à ce résultat de retourner la situation, de remplacer la faute du délinquant par la faute de la répression, de faire du coupable la victime et du débiteur le créancier, et de mettre définitivement le droit du côté de celui-là même qui l’avait violé ; si cette peine, compliquée des aggravations successives pour les tentatives d’évasion, ne finissait pas par être une sorte d’attentat du plus fort sur le plus faible, un crime de la société sur l’individu, un crime qui recommençait tous les jours, un crime qui durait dix-neuf ans.

2057. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

. — Il lui manquait une page que Job lui-même n’avait pas écrite : la suprême douleur de l’isolement dans le martyre. […] Tous les matins, quand j’arrivais, je trouvais prêt mon café à la crème ; et la mère ne manquait jamais de m’accueillir par un baiser bien appliqué, et que par curiosité j’aurais bien voulu rendre à la fille, pour voir comment elle l’aurait pris. […] Mais celui qui, comme une harpe éolienne, s’abandonne au vent et ne sait pas d’avance l’effet qu’il veut produire, voilà l’homme qui ne manque jamais son coup, voilà ton oncle, voilà mon écrivain !

2058. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Dans la suite, Un seul être vous manque et tout est dépeuplé : quel est cet être ? […] Il n’avait pas la ressource de la fuite dans le rêve comme Chateaubriand : il manquait d’imagination et d’égoïsme. […] Il se moque de la composition, et en effet il lui est à peu près impossible de composer une grande œuvre : au fond, le manque de composition se ramène à un défaut d’invention.

2059. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Mme Gervaisais, jeune veuve riche, intelligente et d’esprit indépendant, vient à Rome avec son petit enfant, s’éprend de la Rome païenne, puis s’en détache, subit ensuite dans son imagination et dans son cœur la Rome chrétienne, est décidément convertie par une maladie de son petit garçon et sa guérison miraculeuse, est prise d’une dévotion exigeante et insatiable, se livre à un directeur féroce, s’enfonce dans un ascétisme sombre, renonce à tout, même à l’amour maternel, s’éveille pourtant de cette folie à la voix de son frère, un soldat, qui l’éclairé brusquement sur son mal et qui veut la sauver ; mais elle tombe morte avant de quitter Rome, sous la bénédiction du pape  Près d’elle, un autre malade, le petit Pierre-Charles, un bel enfant idiot, d’une sensibilité violente et qui aime furieusement sa mère. « La musique et son cœur, c’était tout cet enfant, un cœur où semblait avoir reflué, l’élargissant, ce qui lui manquait de tous les autres côtés. […] On a parfois peur de se tromper en se laissant prendre à leurs chefs-d’œuvre décousus, et le plaisir qu’ils font manque de sérénité. […] 24 » (Je néglige ici la synonymie absolue de turgide et de gonflée. ) — Parfois le pléonasme va jusqu’à l’incorrection choquante : « Ce qui lui manquait et lui faisait défaut, c’était une absence d’aliments à des appétits nouveaux25. » Ceci rappelle une phrase célèbre à l’École normale : « Messieurs, il y a dans votre préparation des lacunes dont il faudrait combler l’absence. » Voici des mots inventés, peut-être inutilement : «… un paresseux lazzaronisme d’âme26 » — « notes trémolantes 27 », — « obscurant le public28 », — « nuits insomnieuses 29 », — « arrivée à une entière déréliction30. » A quoi bon ces mots nouveaux ?

2060. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Il avait manqué au pacte social, à la complicité tacite qui lie tous les hommes vivant en société. […] § 5 L’optimisme foncier qui laisse reconnaître les imperfections accidentelles de notre état manque de solidité. […] Quand un général n’a plus de prise sur ses hommes, si l’on blâme l’indiscipline du soldat, on est peut-être plus dur encore pour le chef qui manque d’autorité.

2061. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Je savais bien, avant mon voyage, que la Grèce avait créé la science, l’art, la philosophie, la civilisation ; mais l’échelle me manquait. […] Nous ne ferons pas de Parthénon, le marbre nous manque ; mais nous savons prendre à poignée le cœur et l’âme ; nous avons des coups de stylet qui n’appartiennent qu’à nous ; nous plongeons les mains dans les entrailles de l’homme, et, comme les sorcières de Macbeth, nous les en retirons pleines des secrets de l’infini. […] Je me figurais vaguement que la femme qui n’est pas très jolie est malheureuse et doit se dévorer intérieurement, comme si elle avait manqué sa destinée.

2062. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Au lieu de faire jour il a fait secte : l’espace a manqué également aux regards de ses sectateurs. […] partout où manque l’espace manque la vérité.

2063. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Puisque l’on voit continuellement des organismes de toutes sortes qui deviennent stériles sous l’influence du moindre trouble causé à leur constitution par des conditions de vie nouvelles et légèrement différentes, nous ne pouvons nous étonner de la stérilité fréquente des hybrides, dont la constitution ne peut guère manquer d’avoir été troublée par ce fait qu’elle est le produit de deux organisations distinctes. […] On ne saurait objecter que le temps nécessaire à des changements organiques si considérable a manqué, car la longueur des temps écoulés est absolument incommensurable pour l’entendement humain. […] La question est difficile à résoudre, parce que, plus les formes que nous avons à considérer sont distinctes, et plus nos arguments manquent de force ; mais plusieurs d’entre les plus puissants s’étendent fort loin.

2064. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Elle a manqué de courage, elle a été lâche ; car au lieu de marcher en avant, comme un hardi pionnier qu’elle devrait être, elle est retournée en arrière. […] Les biographies ne lui manqueraient pas à faire, depuis celle de Molière jusqu’à celle de Lamennais ; depuis celle de Jean-Jacques Rousseau jusqu’à celle de Balzac ! […] Qu’elle vienne, et l’occupation ne lui manquera pas ; elle aura fort à faire ; car en ne touchant pas aux idées qui remuent le monde maintenant, nous semblons capitaliser notre propre fortune pour rendre plus riche encore notre jeune héritière.

2065. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Le sujet trouve au contraire que ce qu’il éprouve est normal ; il a parfois besoin de cette impression, il la cherche quand elle lui manque et la croit d’ailleurs plus continue qu’elle ne l’est en réalité. […] Fouillée 36 a parlé aussi d’un « manque de synergie et de simultanéité dans les centres cérébraux », d’où naîtrait une « diplopie », « un phénomène maladif d’écho et de répétition intérieure ». — La psychologie cherche aujourd’hui à se passer de ces schémas anatomiques ; l’hypothèse d’une dualité cérébrale est d’ailleurs complètement abandonnée. […] Cet élan donne à tous les états psychologiques qu’il fait traverser ou enjamber un aspect particulier, mais si constant que nous nous apercevons de son absence, quand il manque, bien plus que de sa présence, à laquelle nous sommes accoutumés.

2066. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Ce mauvais procédé me touchant de dépit, je résolus de les faire monter sur le théâtre à Pézenas, et de leur donner mille écus de mon argent plutôt que de leur manquer de parole. […] Craignant cependant de manquer de temps, il avait prié Chapelle de composer la scène du pédant Caritidès. […] Ce bouffon ne manquait pas d’esprit. […] doucement, répondit Molière, ce n’est point ici une affaire à entreprendre mal à propos ; c’est la dernière action de notre vie, il n’en faut pas manquer le mérite. […] Cette généalogie d’un mot pourrait paraître minutieuse en toute autre occasion ; mais rien de ce qui concerne le chef-d’œuvre de notre scène ne saurait manquer d’intérêt.

2067. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Si l’on aperçoit une insuffisance dans quelques grands hommes d’action, c’est que la pensée, à un certain degré, leur manque. […] On rédigea sur son avis le décret du sénat, conçu dans les termes les plus forts et les plus expressifs, dont le résultat était que, toutes les fois qu’il s’était agi de l’intérêt du peuple romain, jamais la sagesse ni la fidélité du sénat n’avaient manqué à la république. […] Je renouvelle donc la promesse que je vous ai faite, et je prends l’engagement solennel de ne jamais manquer ni d’activité pour saisir les moyens de servir la patrie, ni de courage pour repousser les dangers qui la menaceront, ni de sincérité pour exposer mes avis, ni d’indépendance en résistant pour elle aux volontés de quelques hommes, ni de persévérance en supportant les travaux, ni enfin du zèle le plus constant pour étendre et assurer tous vos avantages et tous vos intérêts. […] … » XXXV Mais l’espace me manque ici pour vous entrouvrir seulement le trésor de ces loisirs philosophiques de Cicéron.

2068. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Là où ça fait défaut, il nous manque quelque chose comme la respiration. […] Rossini n’y manquerait pas. […] On cause de l’histoire moderne, de sa supériorité sur l’ancienne, qui ne voyait jamais ni le cadre ni le milieu des événements, et Sainte-Beuve déclare que Villemain ne sait absolument des événements que ce qu’il y a dans les livres, et que la connaissance de l’art d’un temps manquait jusqu’ici aux historiens. […] Rue d’Argenteuil, presque en face du Gagne-Petit, ce vieux magasin noir où l’on vend du blanc, dans cette rue où l’imagination loge volontiers, sous la tuile, la misère d’un Restif de la Bretonne, un escalier obscur, des paliers qui sentent le plomb, quatre raides étages, une de ces bonnes à tout faire, perdant la tête d’une visite, et qui manque d’écraser une petite fille qui se sauve d’entre ses jambes.

2069. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Ce qui manque aux romantiques, c’est moins encore le vrai que le vrai pris sur le fait. […] Presque tous ses romans et tous ses drames, depuis Quatre-vingt-treize et les Misérables jusqu’à Hernani, viennent aboutir à des dilemmes moraux, à de grandes pensées et à de grandes actions ; et c’est ainsi, à force d’élévation morale, que le poète finit par reconquérir cette réalité qui lui manque tout à fait dans l’enchaînement des événements et dans la logique habituelle des caractères. […] Puis vient l’attente, des faits très simples, comme une visite manquée ; une rencontre prend une importance démesurée à ses yeux. […] Mais, si l’on trouve maint exemple de réalisme ridicule dans le romantisme, on trouve maint exemple de romantisme manqué chez nos réalistes contemporains.

2070. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

D’autres classes, telles que celles des crustacés, en ont encore moins souffert ; car les formes les plus diverses et les plus éloignées en apparence y sont encore rattachées les unes aux autres par une longue chaîne d’affinités, dont quelques mailles manquent seulement d’endroit en endroit. […] Les extrémités, il est vrai, manquent encore ; mais eussent-elles été dans la première phase de leur développement qu’elles ne nous auraient encore rien appris ; car les pieds des Lézards et des mammifères, les ailes et les pieds des oiseaux, et même les mains et les pieds de l’homme, tout provient de la même forme fondamentale. » Les larves vermiformes des Papillons, des Mouches, des Coléoptères, etc., se ressemblent beaucoup plus que les insectes adultes ; et cependant il faut dire que ces larves sont des embryons actifs, qui ont été adaptés à certaines manières de vivre. […] Les organes rudimentaires gardent quelquefois leurs facultés actives, et ne manquent que d’un développement suffisant. […] Or ces deux principes de classement sont presque toujours, mais non invariablement, parallèles, et leur manque de parallélisme est le plus grand obstacle qui existe à une classification absolument parfaite.

2071. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

La littérature a souvent, et sous des formes bien diverses, dramatisé la voix de la conscience, la voix du devoir ; mais l’exactitude psychologique manque à la plupart de ces demi-fictions ; l’exemple du lieutenant Louaut, bien qu’inventé à l’appui d’une thèse discutable, nous paraît être un des moins inadéquats à la réalité ; nous le réduirons d’ailleurs aux détails les plus vraisemblables. […] Ordres et défenses, quand le devoir est clair, simple permission dans le cas contraire, sentiment dramatisé du démérite, aucun phénomène moral ne manque au tableau, si ce n’est peut-être le moins moral de tous, le sentiment du mérite, la satisfaction du devoir accompli ; encore peut-on le voir dissimulé sous une forme discrète, la seule qu’admette une conscience scrupuleuse, dans la promesse du secours de Dieu et dans l’annonce du succès final. […] Voilà ce qui s’oppose à mon intervention dans les affaires publiques197. » « Cette prophétie du divin qui m’est habituelle a été fréquente dans tout le cours de ma vie, et dans les moindres occasions elle n’a jamais manqué de me détourner de ce que j’allais faire de mal ; or aujourd’hui, alors qu’il m’arrive ce qu’on pourrait prendre… pour le plus grand des maux, le signe du dieu ne s’est opposé à moi, ni ce matin, quand je suis sorti de ma maison, ni quand je suis venu devant ce tribunal, ni, tandis que je parlais, quand j’allais dire quelque chose. […] Le récit d’Hermogène se trouve en termes à peu près identiques dans le dernier chapitre des Mémorables et dans le premier de l’Apologie ; nous avons traduit d’après l’Apologie ; les mots « deux fois », « lui-même » et la phrase de conclusion manquent dans les Mémorables.

2072. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Ce ciel, qui participe de l’Olympe par ses jardins lumineux, et des enfers antiques par ses champs d’asphodèle, n’est pas le vrai ciel du spiritualiste ni du chrétien ; il ne contient aucune véritable espérance, aucun motif de consolation, et la pièce À Daphné, conçue avec assez de fierté, développée avec assez de talent, manque pourtant de décision ; elle demeure comme suspendue entre André Chénier et Lamartine.

2073. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

En résumé ce couple méridional, ce par nobile fratrum, Barthélemy et Méry, a du trait, de la main d’œuvre, de la facture ; ce qui lui a toujours manqué, ç'a été l’invention, l’élévation et le sérieux.

2074. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Qu’on ne croie pourtant pas que les beautés manquent dans ce second écrit de M. 

2075. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Cependant la calomnie n’y avait pas manqué.

2076. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

L’institution politique qu’il produisit depuis Grégoire VII jusqu’à Léon X fut perpétuellement battue en brèche et manqua d’un ciment durable : ce qu’il réussit à jeter dans le monde, ce fut le réseau invincible entre les âmes.

2077. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Au temps de M. de Ségur et de sa spirituelle ambassade, on jouait à Pétersbourg les tragédies qu’il faisait exprès, et pour lesquelles il n’eût pas manqué, dans ce grand monde tout français, de fort ingénieux collaborateurs.

2078. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Je sais, bien qu’au tableau de toutes ces inquiétudes, on peut opposer les êtres froids qui, aimant, comme ils font toutes les autres actions de leur vie, consacrent à l’amitié tel jour de la semaine, règlent à l’avance quel pouvoir sur leur bonheur ils donneront à ce sentiment, et s’acquittent d’un penchant comme d’un devoir ; mais j’ai déjà dit dans l’introduction de cet ouvrage, que je ne voulais m’occuper que du destin des âmes passionnées, le bonheur des autres est assuré par toutes les qualités qui leur manquent.

2079. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

L’homme passionné et l’homme stupide éprouvent par l’étude le même degré d’ennui, l’intérêt leur manque à tous les deux ; car, par des causes différentes, les idées des autres ne trouvent en eux aucune idée correspondante : l’âme fatiguée s’abandonne enfin à l’impulsion qui l’entraîne et consacre sa solitude à la pensée qui la poursuit ; mais elle ne tarde pas à se repentir de sa faiblesse ; la méditation de l’homme passionné enfante des monstres, comme celle du savant crée des prodiges.

2080. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Il va servir à Malte, puis en Russie, d’où il passe en Pologne, manque d’aller en Sibérie, revient en France assiéger le ministère de sollicitations.

2081. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Comment, en cédant à l’officier brun, elle obéit à une volonté plus forte que la sienne ; comment cette première aventure et son cruel abandon éveillent en elle, par la douleur, la faculté d’aimer ; comment sa faute même la jette dans les bras de Louiset comme dans son refuge naturel ; comment le courage lui manque pour le détromper, justement parce qu’elle l’aime ; comment le ressouvenir même de sa souillure exaspère cet amour ; sa honte, ses terreurs, ses souffrances, son désespoir en sentant approcher l’instant inévitable où éclatera sa trahison… M. 

2082. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Ferdinand Brunetière Son inspiration toujours très haute et très noble — je ne dis pas très pure, ni très chaste — manque d’abondance et de facilité.

2083. (1890) L’avenir de la science « XI »

Dans la région de l’Inde au Caucase, le zend, avec ses mots longs et compliqués, son manque de prépositions et sa manière d’y suppléer au moyen de cas formés par flexion, le perse des inscriptions cunéiformes, si parfait de structure, sont remplacés par le persan moderne, presque aussi décrépit que l’anglais, arrivé au dernier terme de l’érosion.

2084. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

En tout cas, le raisonnement de l’auteur, incontestable au point de vue des causes premières, nous paraît manquer de solidité en ce qui concerne les causes secondes : or, l’objet propre de toute science qui se sépare de la métaphysique, c’est la recherche de ces causes immédiates et prochaines.

2085. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

Madame Scarron tut sans folie concevoir l’espérance de loucher le cœur du monarque, et surtout en concevoir le désir ; et madame de Montespan dut ressentir, dans son âme altière, une secousse de jalousie qui ne pouvait manquer d’avoir des suites.

2086. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Les documents fournis jusqu’ici par sa correspondance sur ses progrès dans l’estime et l’affection du roi, manquent tout à fait, et, par une fatalité très fâcheuse, madame de Grignan étant venue passer 22 mois avec sa mère à Paris, depuis la fin d’octobre 1677 jusqu’en septembre 1679, nous nous trouvons aussi privés des informations que madame de Sévigné était à portée de recueillir et qu’elle aurait continué à transmettre à sa fille.

2087. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Les Vertus devroient être sœurs, Ainsi que les Vices sont freres ; Dès que l’un de ceux-ci s’empare de nos cœurs, Tous viennent à la file, il ne s’en manque gueres ; J’entends de ceux qui, n’étant pas contraires, Peuvent loger sous même toit.

2088. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

Nous avons vu que Spencer admet une association spontanée de chaque état de conscience avec la classe, l’ordre, le genre, la variété des états de conscience antérieurs et semblables ; cette association est un acte de pensée qui ne peut jamais manquer dans un être doué de cerveau ; elle enveloppe la reconnaissance même de chaque état de conscience : c’est grâce à elle que les changements intérieurs, au lieu d’être une pure succession de changements sans lien, deviennent une combinaison de changements organisés et conscients de leurs rapports.

2089. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

C’était uniquement par plaisir que les trouvères — dénotant ainsi un étrange manque de goût — jonglaient avec un même son, en des suites de vers indéfinies.

2090. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Il ne manque à cet écrivain d’une imagination élevée, d’un stile énergique, harmonieux, pittoresque & correct, que d’être né trente ans plus tard, & d’avoir pris le goût des grands écrivains du siècle de Louis XIV.

2091. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Le défaut de cet Apologue est de manquer d’une exacte justesse dans la morale qu’il veut insinuer.

2092. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Mais lorsque, sous les rapports chrétiens, on vient à penser que l’histoire des Israélites est non seulement l’histoire réelle des anciens jours, mais encore la figure des temps modernes ; que chaque fait est double, et contient en lui-même une vérité historique et un mystère ; que le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine, représentant, dans ses aventures, tout ce qui est arrivé et tout ce qui doit arriver dans l’univers ; que Jérusalem doit être toujours prise pour une autre cité, Sion pour une autre montagne, la Terre Promise pour une autre terre, et la vocation d’Abraham pour une autre vocation ; lorsqu’on fait réflexion que l’homme moral est aussi caché sous l’homme physique dans cette histoire ; que la chute d’Adam, le sang d’Abel, la nudité violée de Noé, et la malédiction de ce père sur un fils, se manifestent encore aujourd’hui dans l’enfantement douloureux de la femme, dans la misère et l’orgueil de l’homme, dans les flots de sang qui inondent le globe depuis le fratricide de Caïn, dans les races maudites descendues de Cham, qui habitent une des plus belles parties de la terre91 ; enfin, quand on voit le Fils promis à David venir à point nommé rétablir la vraie morale et la vraie religion, réunir les peuples, substituer le sacrifice de l’homme intérieur aux holocaustes sanglants, alors on manque de paroles, ou l’on est prêt à s’écrier avec le prophète : « Dieu est notre roi avant tous les temps. » Deus autem rex noster ante sæcula.

2093. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

On ne manque pas d’excellents dessinateurs ; il y a peu de grands coloristes.

2094. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Au récit d’une grande action notre âme s’embarrasse, notre cœur s’émeut, la voix nous manque, nos larmes coulent.

2095. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Croirez-vous, dit Ciceron dans un autre endroit, qu’un homme aussi désinteressé que Roscius, veuille s’approprier aux dépens de son honneur un esclave de trente pistolles, lui qui depuis douze ans nous joue la comédie pour rien, et qui par cette generosité a manqué de gagner deux millions.

2096. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Cependant dès qu’un acteur manque à la mesure, soit en allongeant, soit en abregeant trop une sillabe, toute l’assistance se recrie d’une commune voix.

2097. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Elles se pillèrent les unes les autres, tant elles eurent toutes le manque d’énergie, la lâcheté !

2098. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Ce livre a la puissance personnelle des facultés qui font le talent, mais il a l’impuissance de son siècle, — d’un siècle à qui manque radicalement le sens des choses religieuses, et il en faut au moins la connaissance et la compréhension pour en parler dans une histoire où elles tiennent une si grande place.

2099. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Pour nous, qui venons de nous en assurer encore, c’est du Crébillon fils tout au plus, auquel il manque des cantharides, et qu’on a détrempé dans le Lait des Sultanes du nauséabond Dorat.

2100. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

… Quelle critique se donnera la peine d’éventrer ce livre effrayant, pour lui regarder aux entrailles et finir par montrer qu’elles manquent ?

2101. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Toujours est-il que, ce génie manquant, tout manque à l’esprit qui cherche le mot de ce grand mystère : le pouvoir politique, soit dans l’action, soit dans la contemplation de l’histoire.

2102. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Germanicus, le modèle des princes ; Germanicus qui eut le tort d’être vertueux dans une cour corrompue, et sous Tibère le tort bien plus grand d’être adoré du peuple et de l’aimer, empoisonné en Asie, n’obtint pas d’éloge funèbre dans Rome ; mais aussi la mémoire de Tibère ne manqua point d’être célébrée ; l’éloge de Tibère fut prononcé par Caligula : c’était dignement commencer un règne qui devait finir par tant de crimes ; et le panégyriste et le héros étaient dignes l’un de l’autre.

2103. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

L’orateur commence par dire que jusqu’alors n’ayant pas manqué une occasion de célébrer tout ce qui avait été fait de grand par la divinité de Constantin, il regarderait comme un sacrilège, de passer sous silence quelque chose de bien plus grand que tout le reste, c’est la victoire sur Maxence.

2104. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Jean-Jacques, trop diffus, manque de profondeur.

2105. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Ni Cérès, ni Bacchus ne manque, ni le dieu des poëtes.

2106. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Certes, aujourd’hui encore il ne manque pas de gens qui voudraient relever les Actions de la Restauration du milieu des pavés de Paris, leur rendre leur clinquant, nous endormir, nous enchaîner, et reprendre eux-mêmes leur repos et leurs voluptés sur cet abîme du peu pie où s’agitent tant de misères ! […] L’égoïsme pour loi, le plaisir pour but : va, Société, avec ces deux pilotes tu ne peux manquer de trouver bientôt le naufrage que tu cherches ! […] je crains bien que le législateur ne manque pour une pareille œuvre, ou plutôt je suis certain qu’il manquerait ; car le vrai législateur, dans des époques semblables, c’est l’égoïsme, et par conséquent la volupté ou plutôt le vice. […] Or, cet idéal, cette lumière, ce point d’appui, ce terme de comparaison nécessaire, manque aujourd’hui à l’homme ; l’homme ne sait plus ce que c’est que la vertu, la vérité, le devoir : donc la liberté morale n’existe plus pour lui.

2107. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Peut-être, à mon insu, en ai-je manqué comme d’autres. […] Jules Guesde ne manque pas de littérature. […] Non qu’il manquât de foi. […] Ce qui manquait à Lamennais, c’était la joie. […] Lamennais manqua toujours de mesure et de patience.

2108. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

C’est une analyse exacte de l’idée du bonheur qui manque à ceux qui rêvent le bonheur de l’humanité dans la concorde. […] Nous nous en apercevons parfaitement, et résistons à un raisonnement auquel il manque d’être un raisonnement. […] Très intelligents et infiniment amoureux des idées, ce sont des intelligences à seconde vue, à qui manque quelquefois la première. […] Son système ou plutôt sa pensée historique manque de bases solides. […] Au fond, c’est le fanatisme qui lui a manqué.

2109. (1881) Le roman expérimental

On nous accuse de manquer de morale, nous autres écrivains naturalistes, et certes oui, nous manquons de cette morale de pure rhétorique. […] C’est là un premier cas, un manque partiel du sens du réel. […] Quand j’ai lu un roman, je le condamne, si l’auteur me paraît manquer du sens réel. […] Et, si l’on a le malheur de manquer à la consigne, on est un gredin, toute la presse vous traîne dans le ruisseau. […] Charles Bigot manque de tempérament, et c’est chose plus grave qu’on ne croit en critique.

2110. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Voilà une page assez naïve… oui, mais dans sa grâce enfantine elle ne manque pas d’un certain charme ; la jeunesse rachète et au-delà, l’inexpérience. […] Bientôt, une heure arrive, une heure suprême, le violon échappe à ces mains débiles, le souffle manque à cette poitrine en feu ; de cette extrême renommée, et de cette gloire idéale, à peine si la deuxième génération conserve un vague souvenir. […] Je comprends que ses défenseurs ne manqueront pas de dire qu’il a traité avec honneur la vraie probité, qu’il n’a attaqué qu’une vertu chagrine et qu’une hypocrisie détestable ; mais sans entrer dans cette longue discussion, je soutiens que Platon et les autres législateurs de l’antiquité païenne n’auraient jamais admis, dans leur république, un tel jeu sur la scène. […] Voilà pour ce qui est de l’humeur sociable, indulgente et polie de Philinte ; mais pour la fidélité, pour la probité, pour l’amitié, pour le dévouement, pour tout ce qui fait les honnêtes gens dans tous les siècles, soyez bien convaincus, encore une fois, que Philinte vaut Alceste ; si Philinte n’était pas en probité et en loyauté l’égal d’Alceste, la comédie de Molière serait manquée, Le Misanthrope ne serait pas le chef-d’œuvre de Molière. […] les conduire avec un sang-froid imperturbable, jusqu’à la limite fatale où la vieille monarchie et la vieille société vont finir, pour faire place au peuple de 89, en un mot, faire le premier, et tout d’un coup, dans ce monde nouveau qui va s’ouvrir, sur les débris de l’ancien monde, la comédie de mœurs, la comédie déclamatoire, furibonde, pédante, mais enfin, malgré tout, une véritable comédie, voilà pourtant ce qui a été accompli avec une audace peu commune, avec une verve intarissable, avec une éloquence souvent triviale, mais moqueuse et puissante, par ce comédien manqué, par ce tribun manqué, par ce législateur sans pitié, par ce furibond déclamateur, qu’on appela Fabre d’Églantine, mauvais comédien comme Collot d’Herbois, et, pour tout dire en un seul mot rempli de toute exécration, le digne secrétaire de Danton !

2111. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Veber ne manquent point de force. […] Et ces deux études se ressemblent, exigent presque les mêmes qualités d’attention, la même capacité de noter ce qui est, de suppléer ce qui manque. […] Mais il eut aussitôt le regret de voir que tout son effet était manqué. […] Monsieur, volontairement ou non c’est cette infime minorité que vos amis nous donnent pour la haute société française ; c’est du moins ce que l’étranger, la province, et bon nombre de Parisiens, sans doute, ne manqueront pas de prendre pour tel ! […] L’haleine lui manqua.

2112. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Mon premier feu jeté, — car c’est là une des habitudes de la littérature facile de dire tout d’abord ce qu’elle a sur le cœur, sauf à déduire ses raisonnements ensuite, — vous verrez, j’espère, que, si la littérature facile manque de génie, elle ne manque pas de logique, ce grand apanage de la littérature difficile, qui a si peu besoin d’esprit. […] » Puis l’historien ajoute : Que l’on dise que cet homme manque d’imagination ! […] On manque d’air et d’espace, pour me servir de la phrase consacrée. […] Certes, l’empereur et roi a manqué là une belle occasion de réconcilier tout au moins madame Monteil avec l’histoire bataille. […] Pas un balai n’a manqué dans sa maison, et, d’ailleurs, si elle eût voulu aller au sabbat, elle y fût allée en fiacre ou en demi-fortune, sa fortune le lui permettait.

2113. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Enfin, à travers le manque de direction du livre du Sentiment, et quoiqu’en somme l’espérance y domine, on y voit trace encore d’une pensée lugubre qui est commune à Jean-Jacques et à certains de ses disciples, à M. de Sénancour en particulier : c’est que la civilisation européenne et les cités dont elle s’honore, destinées à périr, feront place à des déserts, et que les voyageurs futurs s’y viendront asseoir avec mélancolie comme aux ruines de Palmyre et de Babylone. […] Damiron, il manque l’atmosphère où baignent ces idées qui ne sont quelquefois que des sentiments, il manque toute une portion, intraduisible en langue abstraite, de leur profondeur, de leurs horizons, de leur lumière ou de leur crépuscule, en un mot de leur vie.

2114. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — De plus, mon idée abstraite est parfaitement nette et déterminée ; maintenant que je l’ai, je ne manque jamais de reconnaître un araucaria entre les diverses plantes qu’on me présente ; elle est donc autre chose que la représentation confuse et flottante que j’ai de tel araucaria particulier. […] D’ordinaire, cette coïncidence n’est qu’assez lointaine ; mais, même dans les cas les plus favorables, elle manque sur quelque point ; on dirait que la substance réelle essaye de se mouler sur la forme mentale, mais que l’imperfection de son argile l’empêche de copier rigoureusement le contour prescrit. […] Pour qu’un corps en repos se meuve, il faut l’intervention d’une force ; si cette intervention manque, il demeure indéfiniment en repos, et sa tendance à persister dans son état est si bien inhérente à toutes ses particules, que, selon sa masse plus ou moins grande, il faut une force plus ou moins grande pour lui imprimer la même vitesse. — D’autre part, pour qu’un corps en mouvement s’arrête, ou change sa vitesse, ou dévie de la ligne droite, il faut aussi l’intervention d’une force.

2115. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

« Enfin, si je manque à la parole que j’avais donnée à mes amis, ils doivent me le pardonner : c’est l’effet de cette variation attachée à l’esprit humain, dont personne n’est exempt, excepté ces hommes parfaits qui ne perdent pas de vue le souverain bien. […] Boccace avait tout l’esprit et tout l’enjouement qui manquait à Pétrarque ; Pétrarque avait tout le sérieux et toute la majesté de génie qui aurait, sans lui, manqué à Boccace.

2116. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Il ne manque au code du divin Platon que l’anthropophagie pour être le cloaque contre-nature et contre-humanité des immondices de la turpitude, de la démence et de la brutalité humaine, la Divinité renversée, le paradoxe de Dieu, de l’homme, de la femme, du vice et de la vertu, folie de l’orgueil philosophique qui, pour ne pas penser et sentir comme tout le monde, pense comme un fou et sent comme un criminel de lèse-nature et de lèse-Divinité. […] Rousseau fut trop l’élève des arbres, des eaux, des vents, du ciel, du soleil, des étoiles ; il lui aurait fallu en même temps l’éducation d’une mère tendre et d’un père laborieux : tout cela lui manqua. […] Je m’étais figuré une vieille dévote bien rechignée ; je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, des formes séduisantes ; rien n’échappa au rapide coup d’œil du jeune prosélyte, car je devins à l’instant le sien, sûr qu’une religion prêchée par de tels missionnaires ne saurait manquer de mener en paradis.

2117. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

« En effet, nul ne sait ce qu’est la mort, et si elle n’est pas le plus grand de tous les biens pour l’homme… « Mais ce que je sais bien, c’est qu’être injuste, c’est désobéir à ce qui est meilleur que soi, Dieu ou homme, et manquer au devoir et à l’honnête. […] XIV Socrate reprend avec la même indifférence : « Dans ma défense, ce ne sont pas les paroles qui m’ont manqué, Athéniens, mais l’impudeur. […] Dieu, qui a voulu en tout temps la conservation des âmes, n’a laissé manquer aucun temps de la portion de vérité naturelle ou révélée, indispensable pour que sa création subsiste et pour qu’elle l’entrevoie lui-même à travers ses mystères.

2118. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

« Il est facile de comprendre qu’à un semblable discours, prononcé avec cette grâce, cet air de majesté jointe à la plus pénétrante douceur, et cette amabilité qui étaient particulières à Pie VI, les expressions me manquèrent absolument pour lui répondre. […] Je trouvais donc ainsi le moyen de voyager chaque année pendant cinq mois et plus, sans manquer à aucune de mes obligations, et sans avoir besoin de congés et de permissions obtenus à l’avance. […] La bonne volonté et l’attachement à son maître ne manquaient pas à ce familier (l’abbé Poloni) pour exécuter une telle entreprise de concert avec le cardinal dont il connaissait si bien à fond le caractère, qu’il savait toutes les manières de le prendre pour s’en servir utilement. » Le plan ainsi arrêté sur ce point et dans cette entrevue fournie par le hasard, les deux interlocuteurs, chacun de son côté, s’occupèrent de le réaliser sans aucun retard.

2119. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Je ne voulais pas être prise au dépourvu, s’il se permettait de m’offenser, car c’eût été manquer encore plus de caractère que d’esprit ; et, comme nul ne peut se promettre de n’être pas troublé en présence d’un tel homme, je m’étais préparée d’avance à le braver. […] On s’était rendu coupable quand on avait manqué aux nuances délicates de la flatterie, en n’abandonnant pas quiconque était frappé de sa disgrâce. […] « Le don de révéler par la parole ce qu’on ressent au fond du cœur est très-rare ; il y a pourtant de la poésie dans tous les êtres capables d’affections vives et profondes ; l’expression manque à ceux qui ne sont pas exercés à la trouver.

2120. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Manque-t-il d’ouvrages ayant eu du succès, et beaucoup, qu’on a définitivement oubliés ? […] C’est précisément à ce titre que nous regrettons de le voir représenter aujourd’hui dans une salle si défectueuse, où il n’est possible de bien entendre de nulle part, l’acoustique laissant fort à désirer ; où beaucoup de places sont mauvaises ; où les premières sont spécialement affectées aux exhibitions de toilettes et aux conversations mondaines ; où l’orchestre, enfin, manque d’ensemble… et d’un chef pour le conduire. […] Ce serait assurément la seule forme artistique répondant à ce génie allemand si fortement individualisé en notre grand Beethoven, ce créateur d’une si générale humanité, et cependant si original ; ce serait cette forme nouvelle de l’art qu’avait, jadis, le monde ancien, et qui manque, jusque maintenant, au Monde nouveau.

2121. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

C’est que le triage et le développement de cette sensation, dans l’ensemble confus des impressions venues du dehors, s’est trouvé nécessaire à notre existence et à la satisfaction de l’appétit vital ; si cette sensation manquait, nous pourrions, sans nous en douter, être tués par le froid ou par la chaleur. […] On l’a justement remarqué, le manque d’un organe distinctement sensible à l’électricité chez l’homme aurait pu être cause que nous n’eussions jamais rien connu de l’électricité même. […] Peut-être certaines espèces ont-elles un sens de l’orientation qui nous manque et que nous aurions eu si, comme une sorte d’aiguille aimantée, nous eussions été dans la nécessité de nous tourner vers le nord.

2122. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Par cela même, comme nous l’avons vu, toute sensation a nécessairement une intensité, car toute sensation est un effet produit sur l’appétit de l’être vivant, et cet effet, qui augmente ou diminue l’intensité de l’action interne, provoque une réaction plus ou moins intense ; nous ne pouvons donc pas, à propos de chaque sensation, manquer d’un sentiment quelconque d’intensité : passion plus ou moins intense et réaction plus ou moins intense. […] 2° Toutefois, il manque encore un élément caractéristique : l’extériorité des parties par rapport à nous et entre elles. […] A tout cela nous ne faisons jamais attention, ayant des sens beaucoup plus commodes pour nous représenter l’étendue ; nous oblitérons ainsi, grâce au manque d’usage, le côté des sensations auditives, olfactives, etc., qui serait propre à nous donner une représentation de l’étendue, de même que l’homme qui a des yeux se représente l’espace sous la forme visuelle et laisse s’oblitérer les représentations tactiles.

2123. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Dimanche 16 mai Les grands desiderata de ma vie, ont été : — le Clodion représentant une montgolfière, au filet tendu autour du globe aérostatique, chevauché par une centaine d’Amours, poussé par moi, encore au collège, à 500 francs, et qui était à vendre, il y a une vingtaine d’années, chez Beurdeley : 65 000 francs ; — la grande tapisserie de Boucher, appelée « la Fête de village », manquée par un retard de voiture, à 800 francs chez Mme Saulière, et qui se vend maintenant 100 000 francs ; — une statuette de Saxe, aux chairs d’un rose adorablement pâle, une allégorie de l’Astronomie, représentée par une femme toute nue, regardant le ciel dans un télescope ; — un dessin de Watteau, la première idée de La Conversation, où était représenté M. de Julienne, vendu une soixantaine de francs, à une vente de Vignères ; — un dessin de Boucher représentant Madame de Pompadour, dans un faire miniaturé, au milieu d’un large encadrement composé avec les attributs des Arts, de la facture la plus large ; — une carpe dressée sur sa queue, en cristal de roche, du ton d’un verre de champagne rosé, et le plus joli et le plus doux feu d’artifice sous un coup de soleil, enfin un bibelot des Mille et Une Nuits. […] En dépit du manque de renseignements, nous nous arrêtons devant une maison, prête à s’effondrer, que nous devinons la maison habitée par les deux amants, près d’un vieux chemin qui s’interrompt dans le ciel, un chemin coupé à pic par la voie du chemin de fer, et qui doit être le chemin de Henri IV. […] C’est vraiment beau, le manque de jugement personnel du Parisien éclairé, asservi absolument au jugement du journal qu’il lit.

2124. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Les acteurs eux-mêmes ne manquent pas moins aux poètes pour jouer leurs œuvres que les édifices, les décorations et les spectateurs. […] Il y réussit mal ; la poésie lui avait gâté la main pour la prose : trop préoccupé de la forme du rythme et de l’harmonie des périodes, il manquait de nerf et de pensée pour consolider sa phrase historique. […] Il était bien sûr d’avance qu’elle serait suivant l’ambition toute royale de cette favorite, car la favorite ne pouvait manquer de se reconnaître, comme le public la reconnaîtrait, dans le personnage d’Esther.

2125. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

manque à la fois de la liberté, du loisir et de l’aiguillon qu’il faudrait pour oser se distinguer des autres ? […] Mais c’est ce qui n’est point arrivé ; et, en attendant, la Renaissance allait nous donner trois choses qui nous avaient jusqu’alors manqué : un modèle d’art, en nous proposant les grands exemples de l’antiquité ; l’ambition d’en reproduire, d’en imiter les formes ; et, pour remplir ces formes elles-mêmes, si je puis ainsi parler, de nouveaux moyens, une manière nouvelle d’observer la nature et l’homme. […] Gaston Paris, La Littérature française au Moyen Âge]. — La matière déborde le cadre ; — l’intérêt général cède le pas à l’intérêt d’actualité pure ; — et comme cette dernière phase coïncide avec celle de la perversion de la langue, — le Moyen Âge, une fois de plus, manque l’occasion de fixer une ingénieuse idée sous la forme d’un chef-d’œuvre.

2126. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Si l’espace ne me manquait, je pourrais citer de nombreux textes empruntés à des autorités hautement compétentes. […] Si ces conditions lui manquent, il échouera infailliblement. […] Ils manquent à la troisième édition anglaise, mais ont été insérés que dans la deuxième édition allemande.

2127. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Il avait été et était resté fort galant ; il dut être très-sensible aux pertes de l’âge et souffrir dans sa fierté de ce qui lui manquait pour avoir des succès complets en vieillissant. il l’a remarqué de Solon et des anciens sages : pourquoi ne le remarquerait-on pas de lui ? […] Boissonade comme érudit, je commencerais par répondre que je n’y entends absolument rien, et par conséquent pas assez pour prononcer ; que j’ai ouï dire à de bons juges que précisément c’est cette œuvre de marque qui lui manque : puis, si l’on me poussait, je me risquerais jusqu’à conjecturer pourtant que cette œuvre, qui serait chez lui essentielle et caractéristique, pourrait bien être tout bonnement son édition d’Aristénète, méditée et couvée durant vingt-cinq ans, faite avec amour et complaisance.

2128. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Dozy comment il a pu se faire que le Cid, tel que vient de nous le montrer l’histoire, lui, l’exilé, qui vivait a augure, comme on disait, à l’aventure, au jour le jour, consultant le vol des corbeaux et des oiseaux de proie, oiseau de proie lui-même, « qui passa les plus célèbres années de sa vie au service des rois arabes de Saragosse ; lui qui ravagea de la manière la plus cruelle une province de sa patrie, qui viola et détruisit mainte église ; lui, l’aventurier, dont les soldats appartenaient en grande partie à la lie de la société musulmane, et qui combattait en vrai soudard, tantôt pour le Christ, tantôt pour Mahomet, uniquement occupé de la solde à gagner et du pillage à faire ; lui, cet homme sans foi ni loi, qui procura à Sanche de Castille la possession du royaume de Léon par une trahison infâme, qui trompait Alphonse, les rois arabes, tout le monde, qui manquait aux capitulations et aux serments les plus solennels ; lui qui brûlait ses prisonniers à petit feu ou les donnait à déchirer à ses dogues… », — comment il s’est fait qu’un tel démon ait pu devenir le thème chéri de l’imagination populaire, la fleur d’honneur, d’amour et de courtoisie, qu’elle s’est plu à cultiver depuis le xiie  siècle jusqu’à nos jours : — « un cœur de lion joint à un cœur d’agneau », comme elle l’a baptisé et défini avec autant d’orgueil que de tendresse ? […] Les premiers vers du poème manquent ; le Cid banni nous apparaît tout d’abord pleurant à l’aspect de sa maison et des biens qu’il va quitter : « Pleurant très-fortement de ses yeux, il tournait la tête et il les regardait.

2129. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Ils causent ensemble Académie : « Il m’a dit que le président de Montesquieu n’avait point de concurrent jusqu’à présent. » Marais n’en tient pas moins à son objection, à celle qu’il vient de formuler au sujet des Lettres persanes : « Le dilemme serait difficile à résoudre, dit-il, mais on y trouvera quelque réponse fine dans la dialectique grammairienne du style nouveau. » À un moment on crut tout manqué et que Montesquieu se retirait ; le cardinal de Fleury s’était prononcé contre lui : « (17 décembre) M. le président de Montesquieu a remercié l’Académie, le jour même qu’elle était assemblée pour l’élire. […] J’accepte, monsieur, cette nomination, qui me vaut une élection dans les formes, et comme la plus grande joie que j’aurais serait d’être d’un corps dont vous êtes, j’en suis dès que vous m’avez nommé, et cet in petto me plaît plus que la chose même… Vos lettres ne manqueront pas de faire du bruit ; mon nom sera mêlé avec le vôtre ; on dira que vous m’avez jugé digne d’être un jour académicien : n’en est-ce pas plus cent fois que je ne mérite ?

2130. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Tous les prétextes que la malveillance a fait valoir jusqu’à présent contre vous manqueront à la fois, le jour où vous aurez conduit en votre nom, une division, une brigade, un corps quelconque à l’ennemi. […] Il nous manque un élément important pour en bien juger.

2131. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Parti pour l’Angleterre au dépourvu, il y manqua de ressources, et, sans l’aide de l’abbé Carron, également réfugié, avec lequel il lia connaissance, il n’aurait pu réussir à entrer comme maître d’étude dans une institution où il se présenta.  […] Quant à ceux qui répètent que le style de M. de La Mennais manque d’onction, ils n’ont pas prononcé avec lui ces belles, ces humbles prières dont il interrompt par instants et confirme sa recherche ardente ; ils n’ont pas tenu compte de cette intime connaissance morale qui, sous l’austérité du précepte ou du blâme, décèle encore la tendresse secrète d’un cœur. 

2132. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Au lieu de dire, par exemple : il y va de la vie, de la fortune, il ne manque pas de dire : il s’y en va de la vie. […] Nul doute que, si M. de Balzac avait connu ce petit écrit, il n’eût donné à son livre le cachet de réalité qui y manque, et ne se fût garanti de beaucoup d’à peu près qui sont faux.

2133. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

— Je suis à Versailles, du côté du jardin, et je monte le grand escalier ; l’haleine me manque au milieu et je m’arrête ; mais du moins je vois de là en face de moi la ligne du château, ses ailes, et j’en apprécie déjà la régularité, tandis que si je gravis sur les bords du Rhin quelque sentier tournant qui grimpe à un donjon gothique, et que je m’arrête d’épuisement à mi-côte, il pourra se faire qu’un mouvement de terrain, un arbre, un buisson, me dérobe la vue tout entière22. […] D’après le peu qu’on vient de lire sur le caractère, les mœurs et les habitudes d’esprit de Racine, il serait déjà aisé de présumer les qualités et les défauts essentiels de son œuvre, de prévoir ce qu’il a pu atteindre, et en même temps ce qui a dû lui manquer.

2134. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Les détails manquent sur cette époque critique de sa vie95. […] Le côté satirique que préfère Le Sage manque ici tout à fait ; la grossièreté et la licence, qui se faisaient jour à tout instant sous ces beaux dehors, n’y ont aucune place.

2135. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Mais rien d’éminent, en somme, et qui dépasse les qualités moyennes d’une narration vive et limpide : le génie manque et cette forme impérieuse, qui détermine une littérature pour longtemps. […] Si les chefs-d’œuvre y sont bien rares, si la beauté presque toujours y manque, il faut songer à tout ce qui en est sorti.

2136. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Il manque cependant quelque chose au Siècle de Louis XIV pour nous satisfaire pleinement. Il y manque, d’abord, ce que Saint-Simon, bien moins intelligent, a mis surabondamment dans ses Mémoires : la vie.

2137. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Sans doute la foule n’exige pas que la vertu soit toujours récompensée et le vice toujours puni ; mais elle pense comme Corneille : « Une des utilités du poème dramatique se rencontre en la naïve peinture des vices et des vertus, qui ne manque jamais son effet quand elle est bien achevée et que les traits en sont si reconnaissables qu’on ne peut les confondre l’un dans l’autre ni prendre le vice pour la vertu. […] Louis XI ne manquera pas de s’agenouiller devant les figurines de son chapeau ; Henri IV sera constamment jovial ; Marie Stuart, pleureuse ; Richelieu, cruel… » (Flaubert, Bouvard et Pécuchet)  S’il s’agit de questions morales, le public a sa solution toute prête, celle que l’usage et quelquefois l’égoïsme ou l’hypocrisie sociale ont consacrée.

2138. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Des gens ont voulu me persuader, l’an dernier6, que je lui avais manqué de respect. […] Nous l’avons bien vu quand on a repris le Roi s’amuse et Marion Delorme : Il ne manque qu’une chose à ces belles machines lyriques : le frémissement de la vie, ce qui fait qu’on se croit en présence de créatures de chair et de sang.

2139. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Elle manque fréquemment de fermeté, se dilue en longues périodes plastiquement peu consistantes et n’a pas toujours les proportions qu’il faudrait, — malgré, certes, la cohésion et l’équilibre de telles strophes30. […] Encore qu’elle séduise par des beautés certaines, sa vision légendaire ne me satisfait qu’à demi ; elle n’a pas assez de verdeur ni de bonne foi crédule, on la devine trop vite maîtresse de soi, raison née, volontaire, telle qu’on la voit dans les ballades de Hugo ; d’une forme très pure, elle manque de naïveté soit innée, soit acquise, et j’en admire l’expression sans qu’elle me touche en mon intimité ; je la voudrais plus proche des contes de Perrault.

2140. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

On peut compter les pièces où elle manque : Athalie, la Mort de César, quelques tragédies de Marie-Joseph Chénier font exception à la règle générale ; mais ces exceptions sont bien rares. […] Du reste, il est juste d’ajouter que, parmi les princesses et les bourgeoises d’alors, on rencontre à côté des viragos de vraies héroïnes ; que les Ninon de Lenclos et les Marion Delorme ont pour pendant les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul ; qu’en matière de diplomatie, de courage, de dévouement, d’esprit, il ne manque pas en ce temps-là, comme dit quelque part, Fontenelle, « de femmes qui valent des hommes ».

2141. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Si peu ménagé par Voltaire, il ne manquait à M. de Malesherbes, pour se sentir tout à fait dans la vraie voie et dans le juste milieu, que d’être dénoncé par Pompignan, et c’est ce qui arriva. […] Je pourrais multiplier les exemples et montrer en un plus grand nombre de cas quel fut le rôle précis de M. de Malesherbes, dépositaire de l’autorité, dans ses rapports avec les gens de lettres de son temps ; combien il les aima et les protégea efficacement, mais non à l’aveugle, et sans jamais manquer à ses devoirs, et comment il sut garder une mesure presque impossible dans une position où il était de toutes parts en butte aux plaintes, aux susceptibilités et aux exigences les plus contraires.

2142. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

C’est cette forte clameur qui manqua et qui manquera toujours en pareille circonstance, quand les choses en seront venues à ces extrémités ; car, ainsi que lui-même le remarque tout à côté, « le nombre des personnes qui réfléchissent et qui jugent est infiniment petit ».

2143. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Vers ce temps, Saint-Just, amoureux d’une jeune personne de Blérancourt, manqua sa poursuite, et on la maria à un notaire du pays. […] Dans un discours sur les subsistances (novembre 1793), il a des lueurs de justesse et des aperçus qui se rattachent encore à l’expérience : Il faudrait interroger, deviner tous les cœurs et tous les maux, et ne point traiter comme un peuple sauvage un peuple aimable, spirituel et sensible (toujours de la sensibilité : c’est encore un des mots favoris du temps), dont le seul crime est de manquer de pain.

2144. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Il n’y manque pas même au milieu, à côté de la signature du propriétaire, le sang d’un pou écrasé, — tout cela imité merveilleusement avec de la plume, de la mine de plomb, une goutte d’aquarelle, et les dents du peigne brèche-dents découpées dans le carton. […] On ne peut nier que par la volonté, le travail, la curiosité de la couleur empruntée à toutes les couleurs de l’Orient, il n’arrive, par moments, à un transport de votre cerveau, de vos yeux, dans le monde de son invention ; mais il en donne plutôt l’étourdissement que la vision, par le manque de gradation des plans, l’éclat permanent des teintes, la longueur interminable des descriptions.

2145. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

C’est pour lui, dit un de ses commentateurs, la pomme d’or qui le détourne sans cesse de sa route, & lui fait manquer son but. […] Ceux qui voudront connoître la plûpart de leurs Poëtes ne manqueront pas de lire l’Idée de la Poésie Angloise, ou traduction des meilleurs Poëtes Anglois, qui n’ont point encore paru en notre langue, par M. l’Abbé Yart, in-12.

2146. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Ces portraits et caractères composés si savamment, mais composés et concertés, auraient pris plus de naturel et de vie ; les originaux vrais auraient apparu, se seraient développés avec ampleur et abandon, et je ne sais quel charme qui leur manque ; je le suppose toujours à l’abri du trop de facilité et de laisser-aller. […] Qu’il enseigne quelques heures : s’il a un peu de célébrité, les élèves ne lui manqueront pas.

2147. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

» Car ce ne sont pas les feuilletons qui nous manquent. […] Non, le moindre défaut du roman-feuilleton est peut-être de manquer d’art.

2148. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Mais il a été remarqué d’autre part que cette sorte d’exagération avait toujours été concédée aux moralistes, aux satiriques, aux auteurs de comédies ; que c’est un peu la condition de la scène ; que si la vérité peut manquer sur quelques points du tableau, cette vérité se fait sentir en d’autres endroits d’une manière vive, énergique et neuve : par exemple, lorsque le personnage principal au quatrième acte se voit presque amené, à force d’humiliations d’avanies et d’outrages, à se repentir de ce qu’il a fait de bien, et à apostropher le monde entier dans une sorte de délire : moment dramatique et lyrique tout ensemble, d’une vigueur poignante.

2149. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

L’éclat du catafalque ne lui a pas manqué ; un écho de l’éloquence du grand siècle l’a accompagné jusque dans la tombe.

2150. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Ces éternelles accusations ne manquent pas.

2151. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Avant d’avoir lu ces lettres, et malgré notre goût bien vif pour tous ses autres ouvrages, il manquait quelque chose à l’idée que nous nous formions du grand homme ; de même qu’on ne comprendrait pas Mirabeau tout entier si l’on ne connaissait aussi ses lettres écrites à la Sophie qu’il aimait.

2152. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Ce qui manque tout à fait à Jefferson, dans ses jugements sur notre pays, c’est, selon l’observation de M. 

2153. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Ne manquez pas, Fouché, d’exécuter mon ordre. » Il était minuit quand Fouché revint des Tuileries avec cette commission étrange : on envoya quérir Moreau ; M. 

2154. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Le souci croissant qui nous irritait contre l’ordre présent, désormais manqué et mesquin, se convertit en une aspiration confiante vers un état organique que nous avions cru fort éloigné d’abord, mais dont les fautes des gouvernants dans cette crise avaient de beaucoup rapproché l’avènement.

2155. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Mais ce vaudevilliste éminent, à qui n’a pas manqué une verve amusante, encore qu’un peu grosse, de caricaturiste900, n’a apporté dans la pièce sérieuse que le goût des effets qui forcent l’applaudissement, le génie des trucs et des ficelles.

2156. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Rien n’y manque que le Kaiser et nos journaux se mettent à entonner ses louanges comme pour le décider à entreprendre le voyage.

2157. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Ce dernier trait manque un peu de justesse.

2158. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Ils s’en sont retournés, après avoir tout vu ; et je trouve qu’ils me manquent beaucoup.

2159. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Comme Quinault étoit l’auteur et l’inventeur de ce stile particulier aux opera ; il montre que Quinault n’étoit pas sans genie ; mais ceux qui ne peuvent faire autre chose que de les repeter, en manquent.

2160. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Les républiques de la Grèce ne manquèrent jamais d’user de ce droit terrible : elles exterminaient leurs colonies indociles.

2161. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Ces figures, dignes de son burin d’autrefois, sont bien, il est vrai, dans ce livre, mais elles n’ont plus la même finesse, le même détail et la même énergie d’empreinte, et cependant, telles qu’on les y voit, elles sont encore ce qu’il y a de mieux dans ce livre manqué ; mais elles n’en couvrent pas l’indigence.

2162. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

À quoi pensait-il donc, ce Roi qui ne manquait ni de bon sens, ni de capacité, ni de droiture, et qui avait été bien élevé, comme le prouve le traité sur l’éducation de M. de la Vauguyon, que M. 

2163. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

IV Mais, encore une fois, si cette biographie d’un homme qui a droit, sinon à la statue en pied de l’histoire au moins à la médaille de la biographie, si tout ce travail sur François Suleau est très élevé de renseignement, de vue et d’accent, et si l’écrivain qui l’a publié y a montré des aptitudes et des facilités vers l’histoire, grave ou tragique, telle qu’elle est le plus généralement conçue et réalisée par MΜ. les historiens ordinaires, je ne m’en opiniâtre pas moins à croire, ainsi que je l’ai dit au commencement de ce chapitre, que le vrai génie spécial de l’auteur Ombres et vieux murs, que son originalité la plus vive, serait, son genre d’esprit donné, la mise en scène ou en saillie de l’élément comique ou ravalant qui ne manque pas dans l’histoire, et qu’il saurait fort bien en dégager, ainsi que l’attestent les excellentes variétés historiques qu’il nous a mises sous les yeux, titres réveillants en tête : La Lanterne, Le Rhum et la Guillotine, Le Lendemain du massacre, etc., tous épisodes ou mosaïques d’anecdotes dont il faut juger par soi-même en les lisant et dont l’analyse, d’ailleurs, ne donnerait qu’une très imparfaite idée.

2164. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Incorrect comme un avocat, il est pis qu’incorrect : il manque de précision dans l’image et dans la pensée.

2165. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

La race, que Madame Sand a niée à dix reprises différentes et qu’elle avait ses raisons pour nier, la race est ce qui manque le plus à la nature de son esprit, et cette Correspondance l’atteste !

2166. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Exemple de plus de ce manque de respect si fréquent envers son propre génie qu’on paye de plus que de son sang, car on le paye avec son immortalité.

2167. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Après les malheurs de Ménilmontant, les prêtres de Saint-Simon étaient, comme on le sait, devenus laïques, et ils avaient même grimpé en quelques années, avec beaucoup d’agilité, à des positions qui ne manquaient ni d’élévation ni d’influence.

2168. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

IV L’idéal entrevu, auquel je n’ai pas renoncé tant que Beauvoir vivra, m’a empêché d’appuyer sur tous les détails d’un talent que j’aime trop peut-être, et avec lequel, pour cette raison, je crains de manquer de force et de justice.

2169. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Pour être pris et dominé par l’Asie, il faut la prendre où elle est puissante, c’est-à-dire dans sa nature extérieure et son énergique matérialité ; il faut avoir le sens du visible plus développé que le sens de l’invisible, qui est le plus beau visible pour les poètes, ces grands spirituels ; il faut, enfin, être beaucoup plus peintre que poète, et c’est malheureusement l’histoire de M. le Conte de L’Isle, peintre, de facultés, auquel la toile a manqué.

2170. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Bouilhet, l’originalité qui lui manque.

2171. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Il nous a rappelé cette torture sublime… Il ne l’aurait pas eue que sa Vie inquiète n’aurait plus été la Vie inquiète, au même degré du moins, et que sa poésie aurait manqué de ce qui touche le plus en elle : Heureux l’homme qui, jeune et le cœur plein de songes Meurt sans avoir douté de son cher Idéal, À l’âge où les deux mains n’ayant pas fait de mal Nos remords les plus vrais sont de pieux mensonges.

2172. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

Mais combien cette philosophie manque à la fois de grandeur et de tendresse !

2173. (1902) La poésie nouvelle

Leur doctrine, au sujet de la césure, manque de netteté.‌ […] Certes, les poètes ne manquaient pas. […] Sa phrase n’est jamais hésitante ni tâtonnante ; elle rend avec exactitude l’idée, sans excès ni manque. […] Mais elles évoquent, avec une singulière puissance, avec une telle intensité que l’ardent éclat de l’image supplée au charme qui lui manque, l’âme du pays flamand, l’esprit d’une race grossière et forte, sensuelle dans son rêve, dans l’obscure épouvante de ses hallucinations. […] D’ailleurs, dans ce recueil même, les poèmes symboliques et les poèmes en vers libres ne manquent pas.

2174. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Mais comme ses reins étaient brisés, ses jarrets amollis, il manqua du derrière, s’abattit à la renverse, et roula sur le flanc gauche. […] J’ai eu bien d’autres chats à fouetter depuis un an, et le plus clair est que le temps m’a manqué pour songer à l’Académie. […] Mais le repos qu’il espérait trouver dans l’amour lui manque aussi. […] Je n’insiste pas sur le plan de l’ouvrage, l’espace me manquerait pour l’analyser comme il convient. […] Quel qu’il soit, on ne saurait lui reprocher de manquer de philosophie ni de charme.

2175. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Elle jouissait d’une décentralisation intellectuelle très précieuse et toute naturelle, par l’effet du manque de communications rapides ; et les grandes villes étaient encore des foyers de science, de talents, et d’enseignement que Paris n’avait pas éteints en les absorbant. […] Ajoutez que, manquant d’indépendance du côté de la foule, les juges ainsi créés en manqueraient un peu même du côté du pouvoir, du moins en république. […] Je ne crois point du tout leur manquer en détestant les pédants absurdes et sanguinaires. […] Il manque à Montesquieu d’avoir lu Malthus pour avoir les yeux ouverts des deux côtés et pour connaître les dangers de la surpopulation autant que les dangers de la population insuffisante. […] Il manque une dizaine de termes au raisonnement.

2176. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Quand on a vécu en des campagnes où on manque presque de tout, on se fait déjà une meilleure idée du passé. […] C’est parce que la pierre manquait que les Babyloniens ont construit leurs maisons avec des briques. […] Il avait toujours peur de manquer de tout et il épargnait sur tout. […] Comme elles manquent d’autorité et de force, elles se répandent en confidences, en allusions publiques. […] Quelque chose me manquait, et à force de réfléchir, j’ai découvert que ce qui me manquait, c’était la satisfaction que laisse un plaisir.

2177. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Darwin, en effet, n’est pas arrivé à comprendre comment les variations supposées ont pu se produire, il lui manque l’explication, le lien logique qui rattache les unes aux autres les idées qu’il associe dans son esprit. […] Souvent chétive, mal venue, il lui manque, pour prospérer, des organes essentiels. […] Mais de là aussi un manque de souplesse et d’imprévu. […] De là les taches, les manques de logique qui déparent souvent les œuvres des esprits originaux puissants et plus souvent encore peut-être celles des précurseurs. […] Nous en connaissons tous qui n’ont pu donner leur mesure parce que la routine et l’imitation ont été insuffisantes chez eux, parce qu’il leur a manqué les réserves sur lesquelles devait se nourrir l’idée neuve.

2178. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Sans doute, c’est faire à une personne un reproche grave que de lui dire qu’elle manque de logique, et l’on admire d’ordinaire les hommes capables d’organiser une grande masse de matériaux suivant le type des principes d’identité et de contradiction. […] Newton introduit ce sujet matériel qui manquait au mécanisme cartésien ; il admet, comme condition du mouvement, des corps doués de forces, et par là il pense assurer, beaucoup mieux que ne faisait le cartésianisme, l’objectivité des lois mécaniques. […] Dès lors, la transition nous manque de la force scientifique à la force métaphysique. […] Quant aux corps, ce sont des grandeurs ; mais on ne peut les mesurer absolument, car on manque d’unité absolue de mesure, et l’on ne saurait comparer l’atome au point mathématique, sans tomber dans les difficultés insurmontables de l’infini. […] Si l’inconscient, si le physique jouent un rôle dans la production de nos idées, la conscience ne peut saisir que des tronçons épars, et manque de moyen pour les relier entre eux.

2179. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Et pourtant, je serais bien fâché que l’un des deux manquât. […] Et ne confesserez-vous point que cela commençait à vous manquer ? […] Plisthène manque donc au festin. « Où est mon fils ? […] Émile Augier n’a pas manqué de donner à Giboyer ce trait de caractère et de profession. […] Le résultat, c’est que l’ensemble manque de liaison, de suite, de teneur.

2180. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Ces femmes enchâssaient quantités de nobles pierreries dans l’or, qu’elles voulaient travailler en broderie sur les vêtements des jeunes et fiers héros ; et il n’en manquait pas. […] Les biches et les cerfs, il ne les manquait guère. […] « J’ai cependant bien mérité qu’on fasse un peu plus attention à moi. » Le roi, de la table où il était assis, lui répondit avec fausseté : « Nous ferons volontiers amende honorable pour ce qui a pu vous manquer aujourd’hui. […] « Il le fit déposer secrètement devant la porte, afin qu’elle le trouvât là, au moment où elle sortirait, avant qu’il ne fît jour, pour aller à matines, auxquelles dame Kriemhilt manquait rarement. […] « Quand ils descendirent le chemin devant Bechelâren, on ne manqua pas d’avertir Ruedihêr et dame Gœtelint, la femme du margrave.

2181. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

c’est un vrai, tendre et noble poète au moins, celui-là… » Puis, tristement, Catulle Mendès recherche les causes du manque de génie, de la pneumonie poétique, de l’asthme sentimental. […] Ce qui manque justement aux groupes récents, c’est cette haute conscience, ce sentiment de l’héroïque et du divin. […] — Rouge, impair, passe et manque !̃ […] Le vers libre ne manque pas, à la vérité, de certaines beautés ; il n’est pourtant pas, à proprement parler, le vers lui-même. […] Ce qui manquait, voyez-vous, c’est la prose en musique, qui est, à mon sens, la véritable expression du drame lyrique.

2182. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

C’est ce qui manque un peu au livre exact de M.  […] Les cuirasses manquaient. […] Et voyez comme le manque de la maîtresse pièce, dans un édifice, fait tout vaciller. […] Depuis que nous avons perdu l’Alsace, un contrepoids manque à nos qualités latines. […] Les Hollandais savent bien ce qui manque à leur Java.

2183. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Arcadi Pavlitch est d’une taille moyenne, sa tournure est élégante, ses traits ne manquent point d’agrément, et il a un soin tout particulier de ses mains et de ses ongles ; ses joues et ses lèvres vermeilles respirent la santé, il rit avec éclat, de bon cœur, et sait au besoin imprimer à ses yeux clairs un clignotement gracieux qui ajoute encore à la séduction de ses prévenances. […] Il est ennemi déclaré de la mauvaise compagnie, et craint par-dessus tout de manquer aux convenances ; ce qui n’empêche pas que dans ses moments de bonne humeur il ne lui arrive de se poser en partisan d’Épicure ; mais il estime peu, toutefois, la philosophie ; il l’appelle la nourriture brumeuse des intelligences germaniques, et parfois même il la traite de fatras insipide. […] Un être humain ne doit jamais manquer à sa propre dignité ; convenez-en ! […] — Si nous ne nous dépêchons pas, — me dit-il, — je pourrai bien le manquer.

2184. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Toute chose doit venir en ordre et selon son temps : l’huilier sur la cheminée, le sel et le poivre sur la table : rien ne manque plus, et j’ose me flatter… Ah ! […] — Mais très-bien, père Christel ; je me plais de plus en plus ici, je suis comme un coq en pâte ; votre petite Sûzel ne me laisse manquer de rien. » Si Sûzel se trouvait là, aussitôt elle rougissait et se sauvait bien vite, et le vieil anabaptiste disait : « Vous faites trop d’éloges à cette enfant, monsieur Kobus ; vous la rendrez orgueilleuse d’elle-même. […] Kobus, deux ou trois mois auparavant, n’aurait pas manqué de se faire du bon sang avec tous ces Lucas aux jarretières roses, et ces Arthurs au plumet noir ; il avait lu jadis Werther, et s’était tenu les côtes tout le long de l’histoire ; mais maintenant, il trouvera cela fort beau. […] et qu’il retomba d’aplomb après ce tour de force ; et qu’au même instant Schoûltz, levant sa jambe droite, la fit passer, sans manquer la mesure, au-dessus de la tête de sa petite rousse, et que d’une voix rauque, en tournant comme un véritable possédé, il se mit à crier : « You !

2185. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Il haïssait tous ces présents dont l’usage est universel en Orient pour obtenir les grâces et les emplois, et il ne manquait point de faire entrer dans les coffres du roi tous ceux qu’il apprenait que les ministres recevaient ou se faisaient donner à cette fin. […] L’épicier lui dit qu’il consentait à la demande de Sa Majesté, et qu’il ne manquerait pas à ce qu’il souhaitait de lui. […] » Les médecins allèrent donc rendre visite au premier ministre ; et, sous prétexte de lui donner avis de la mort du roi et de lui déclarer la qualité des deux derniers médicaments qu’ils lui avaient fait prendre, ils entrèrent dans des matières plus importantes: ils parlèrent de l’élection, et lui remontrèrent que lui et tous les grands du conseil avaient bien sujet de prendre garde à eux ; que le prince, quelques moments avant sa mort, s’était plaint à haute voix que ses ministres lui avaient fait donner du poison ; mais qu’il laissait un fils qui leur mangerait le cœur ; que ces paroles ni ces plaintes ne pouvaient demeurer cachées au successeur ; que si l’on donnait la couronne à l’aîné, qui était déjà dans un âge assez avancé pour se rendre indépendant, et qui d’ailleurs avait l’esprit fort fier, il ne manquerait jamais de se servir de ce prétexte pour se défaire de tous les grands et de tous les ministres, dans la pensée de se rendre absolu par ce moyen et se mettre en état de faire de nouvelles créatures, vu principalement qu’il devait se ressentir du mauvais traitement que son père lui avait fait depuis deux ans, qu’il attribuerait toujours au conseil de ses ministres. […] il reprit ainsi modestement la parole, en regardant tous les grands l’un après l’autre: « Que, dans le besoin où ils se trouvaient, et dans la résolution qu’ils avaient prise d’élire pour monarque un de ces deux princes, son sentiment était qu’ils devaient céder à une fâcheuse mais pressante nécessité, qui les obligeait de préférer Hamzeh-Mirza, quoique le plus jeune, et l’élever au trône au préjudice de son aîné ; que la raison de cela était que tout le monde ne savait que trop la rigueur qu’Abas avait toujours tenue à celui-ci ; qu’il y avait à craindre que ce jeune prince ne fût du moins privé de la vue ; que le bruit en avait couru dès lors que le défunt monarque, au sortir d’Ispahan, fit paraître sur son visage une consternation qui ne marquait rien que de funeste ; qu’on avait eu encore plus de sujet de le croire depuis que le roi, au commencement de sa maladie, avait envoyé en poste, sans aucune participation de pas un des grands, un eunuque en cette même ville avec quelques ordres secrets ; que ces ordres ne pouvaient aller qu’à faire trancher la tête au prince son fils, ou lui arracher les yeux pour le rendre incapable de succéder à la couronne après lui, s’il venait à mourir ; car, pour toute autre chose, ce monarque n’eût pas manqué d’en faire part à quelques-uns de son conseil, et particulièrement à lui, premier ministre, qui avait accoutumé, dans la conduite ordinaire, de sceller de son sceau tous les commandements et les ordres où Sa Majesté mettait le sien ; que si cela était ainsi, ils ne pouvaient l’élire qu’ils n’en reçussent une grande confusion, non-seulement s’il était mort, mais encore s’il était privé de la vue.

2186. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Je ne parle plus du style : à part quelques passages, où le cœur rencontre par hasard, et comme de lui-même, la belle et pure langue d’autrefois, tout le reste est prétentieux ou hérissé d’incorrections ; on sent à chaque phrase un anneau qui manque à la chaîne des idées. […] Malheureusement le temps nous manque pour les citations. […] j’ai donc non pas perdu, mais manqué à gagner 137 000 fr. […] Les hommes n’eussent pas manqué à l’œuvre ; il ne s’agissait que de ne pas les décourager.

2187. (1898) La cité antique

Nous ne manquons guère de nous tromper sur ces peuples anciens quand nous les regardons à travers les opinions et les faits de notre temps. […] Ce n’est là qu’une conjecture, et les preuves nous manquent. […] Mais ce chef ne manqua jamais de constituer le nouvel État à l’image de celui qu’il venait de quitter. […] On ne manqua pas de croire que l’urne avait été déposée là par un ancien roi des Messéniens avant la conquête du pays. […] On ne manque guère non plus de lui reprocher sa froideur pour Didon et l’on est tenté d’accuser ce cœur que rien ne touche.

2188. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Indiana, par ce manque d’ensemble et, pour ainsi dire, de continuité, se trouve au-dessous de quelques romans de moindre dimension, et peut-être aussi de moindre portée, qu’on doit à la plume de femmes célèbres : Eugène de Rothelin, Valérie, comme œuvres, sont autrement complets et harmonieux dans leur simplicité. 

2189. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Les jours où je me sentais agitée au point de ne pouvoir plus reconnaître la ligne de démarcation imaginaire tracée autour de ma prison, je l’établissais par des signes visibles ; j’arrachais aux murailles décrépites les longs rameaux de lierre et de clématite dont elles étaient rongées, et je les couchais sur le sol aux endroits que je m’étais interdit de franchir : alors, rassurée sur la crainte de manquer à mon serment, je me sentais enfermée dans mon enceinte avec autant de rigueur que je l’aurais été dans une bastille. » J’indiquerai encore dans le début toute cette promenade poétique du jeune Sténio sur la montagne, la description si animée de l’eau et de ses aspects changeants, et, au sein de la nature vivement peinte, les secrets surpris au cœur : « Couché sur l’herbe fraîche et luisante qui croît aux marges des courants, le poëte oubliait, à contempler la lune et à écouter l’eau, les heures qu’il aurait pu passer avec Lélia : car à cet âge tout est bonheur dans l’amour, même l’absence. » On pourrait, chemin faisant, noter dans Léliaune foule de ces douces et fines révélations, dont l’effet disparaît trop dans l’orage de l’ensemble. 

2190. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Le tableau de l’élégiaque romain est touchant dans sa réalité, mais on sent aussitôt la différence : il y manque, pour égaler le rêve sicilien, je ne sais quoi d’un loisir tout facile, je ne sais quel horizon plus céleste.

2191. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Les esprits médiocres sont, en général, assez satisfaits de la vie commune ; ils arrondissent, pour ainsi dire, leur existence, et suppléent à ce qui peut leur manquer encore, par les illusions de la vanité ; mais le sublime de l’esprit, des sentiments et des actions doit son essor au besoin d’échapper aux bornes qui circonscrivent l’imagination.

2192. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Cet homme cependant, qui manqua de la force nécessaire pour préserver son pouvoir, et fit douter de son courage, tant qu’il en eut besoin pour repousser ses ennemis ; cet homme, dont l’esprit naturellement incertain et timide, ne sut ni croire à ses propres idées, ni même adopter en entier celle d’un autre ; cet homme s’est montré tout à coup capable de la plus étonnante des résolutions, celle de souffrir et de mourir.

2193. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Quand j’écoute avec ravissement une mélodie italienne, et que vous, mon cher lecteur, vous haussez légèrement les épaules avec une expression de quasi-mépris sur les lèvres, je vous plains, et en fait je suis plus favorisé que vous, puisqu’à ce moment-là j’ai un sens qui vous manque.

2194. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Aux uns, c’est l’exécution qui manque, aux autres, le fonds.

2195. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Vielé-Griffin manquent d’une direction certaine, on les sent agités de sourds bouillonnements qui hésitent et retombent ; le poète y est inférieur à lui-même par la beauté réalisée, mais il y révèle de plus larges désirs qui longtemps cherchent leur forme définitive et s’illuminent, plus tard, dans la Vie et le Rythme.

2196. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

Le Pantalon Turi, toujours querelleur, s’était sauvé, vers 1670, après avoir tiré un coup de pistolet sur Ottavio et l’avoir manqué ; il s’était fait prêtre en Italie.

2197. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

Et en effet la boue n’a pas manqué aux obsèques de Léon Deschamps.

2198. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Un tel succès ne pouvait manquer d’être consacré par une explosion de snobisme.

2199. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Il vit avec une parfaite justesse que l’inattention de l’homme, son manque de philosophie et de moralité, viennent le plus souvent des distractions auxquelles il se laisse aller, des soucis qui l’assiègent et que la civilisation multiplie outre mesure 503.

2200. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Si on l’avait exercée à découvrir pourquoi ce poète, si heureux pour l’ordinaire dans le choix de ses sujets, qui marque toujours si clairement son but, qui y marche si franchement, a manqué ici de ces mérites, on aurait reconnu ce qu’il y avait d’embarrassant dans sa position en face de la société qu’il voulait attaquer pour plaire au roi, et qui, puissante dans l’opinion, gagnait tous les jouis dans l’esprit du roi lui-même.

2201. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

A-t-on plus de raison d’accuser Despréaux de manquer de sentiment ?

2202. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Et puis le regret de la chose manquée devint dans la nuit un si violent désir de la posséder, que le lendemain matin, je retournais chez M. 

2203. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Nous n’avons en tête de ce livre que peu de lignes à écrire, et l’espace nous manque pour les développements nécessaires.

2204. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Quatre femmes se sont partagées la succession de Fontenelle ; une cinquième a été son exécutrice testamentaire : aussi n’a-t-on pas manqué de dire que jusques dans ses dernières dispositions, il avoit conservé son esprit de galanterie.

2205. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

On ne manque pas d’excellents ouvrages sur cette matière ; l’Angleterre et la France en ont produit sans nombre d’après lesquels il serait aisé de composer un bon livre classique.

2206. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

De ce manque de vif dans leur œuvre, de cette insignifiance qui étonne, est-ce Pélisson, est-ce d’Olivet qu’il faut accuser, ou leur temps, moins apte à creuser que le nôtre dans les œuvres et dans les amours-propres, ou enfin leur position intéressée vis-à-vis de l’Académie ?

2207. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Aujourd’hui, un homme d’esprit, et audacieux… pour un professeur, s’est permis de donner une édition de Pierre Saliat et de manquer ainsi au pédantisme routinier qui mène le monde.

2208. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

rien d’étonnant, sans nul doute, à cette magie de l’émotion, qui a donné tout à coup à MM. de Goncourt le sérieux dont leur talent manquait.

2209. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Cela demandait du génie… Ce n’est ni la souplesse ni le talent qui ont manqué.

2210. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

rien d’étonnant, sans nul doute, à cette magie de l’émotion, qui a donné tout à coup à MM. de Goncourt le sérieux dont leur talent manquait.

2211. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Elle manque de brillant et très souvent de profondeur.

2212. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

L’auteur des Ruines, qui a, par parenthèse, des vues particulières en Histoire, lesquelles ne manquent ni de justesse inattendue, ni de profondeur, pose dans son livre qu’il n’y eut de France monarchique qu’à partir de Hugues Capet.

2213. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

malheureusement pour eux comme pour Galiani, ce petit abbé qui a manqué la grande gloire, c’est Arlequin qui emporte toujours Machiavel !

2214. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Le relief lui manque, et jamais chez lui l’imagination ne nous venge par un écart, plus ou moins burlesque, des longs développements, très consciencieusement ennuyeux.

2215. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Sa petite morale par elle-même est déconcertée de cela, et je le crois bien ; mais ce n’est pas là une raison pour avoir, en exprimant un jugement faux, une familiarité qui n’est pas seulement un manque de respect, mais une faute de goût.

2216. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Augier appartient, par le manque de personnalité vigoureuse et cette facilité déplorable qui charme les sots et qui explique sa fortune, à cette race d’esprits de troisième degré qui sont entre les poètes et le public, — mais plus du côté du public que du côté des poètes, et qui, descendant la poésie, toujours un peu altière, jusqu’au niveau des gens médiocres, diminuent, dans leurs productions décolorées, l’éblouissante et insupportable originalité des maîtres et la font accepter aux débilités qu’elle épouvante.

2217. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Il y en a une, poétique, éternelle, en dehors de l’observation et des cruautés de l’ironie, il y en a une qui a des ailes comme les Oiseaux d’Aristophane et qui monte vers le ciel, semblable à l’alouette, dans une spirale harmonieuse, mais c’est précisément celle-là, diaphane, intelligible et ravissante, que le funambulesque actuel voulait avoir et qu’il a manquée.

2218. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

trempées d’autre chose… et pour la peine d’être venues, le coup de vin qui récompense a peut-être souvent manqué… Eh bien !

2219. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Pécontal, doué d’une inspiration qui n’a pas voulu ou qui n’a pas pu descendre, doit sentir amèrement que le fond des âmes et l’écho des cœurs vont lui manquer !

2220. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Charles Didier manque de talent… ce n’est point là notre pensée, pas plus que ce ne serait la vérité.

2221. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

… Eh bien, c’est ce jet de source qui manque à Feuillet !

2222. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

Quelle que soit sa science et son indépendance, le pur homme de droit pourra manquer de cette largeur d’esprit ; qui est indispensable pour remplir cette fonction suprême.

2223. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Dans une ville divisée en factions, et dont la moitié, corrompue par l’or de Philippe, se précipitait au-devant de ses fers, on ne manqua point une si belle occasion de déclamer contre un grand homme.

2224. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Parmi les poètes, Clément Marot, Saint-Gelais, Dubartas et Ronsard, à qui il n’a manqué qu’un autre siècle.

2225. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Les Grecs observèrent encore qu’il y avait eu partout un caractère poétique de bergers parlant en vers ; chez eux c’était Évandre l’Arcadien ; Évandre ne manqua pas de passer de l’Arcadie dans le Latium, où il donna l’hospitalité à l’Hercule grec, son compatriote, et prit pour femme Carmenta, ainsi nommée de carmina, vers ; elle trouva chez les Latins les lettres, c’est-à-dire, les formes des sons articulés qui sont la matière des vers.

2226. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Il fallut tout le talent de Cicéron pour empêcher Sextus Ebutius de garder la terre de Cecina, parce qu’il manquait une lettre à la formule.

2227. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Et Pindare, dans une de ses pythiques, ne manque pas de le célébrer parmi d’autres héros dont il évoque les images : « Là, dit-il, de par Apollon, vint aussi le maître de la lyre, le père des chants sacrés, le sujet de nos louanges à toujours, Orphée54. » Dès lors, le nom d’Orphée avait pris place dans la mythologie des Grecs.

2228. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Et puis, le regard de la conscience n’est-il pas bien grossier, ne manque-t-il pas de précision ? […] L’observation manque donc de généralité, n’a de vérité que dans le particulier. […] Or ce manque est douloureux : le plaisir sort donc de la douleur. […] Si anciennes, si peu civilisées que soient les tribus observées, aucune ne manque des principes rationnels. […] C’est aussi à cette affinité et à l’impuissance de la dominer qu’est dû le manque de suite dans les idées.

2229. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Nous avons au Muséum un laboratoire spécial et une installation qui nous manquaient à la Faculté des sciences. […] Jusque-là la physiologie naissante manquait d’asile qui lui appartînt et demandait l’hospitalité à la fois aux chimistes et aux anatomistes. […] La graine a en elle, dans son organisation, tout ce qu’il faut pour vivre ; mais elle ne vit pas, parce qu’il lui manque les conditions physico-chimiques nécessaires. […] Il ne leur manque qu’une seule condition, l’humidité ; dès lors elles sont inertes. […] Si on leur fournit l’humidité qui leur manque, bientôt la germination se produit.

2230. (1930) Le roman français pp. 1-197

Jeté sur le pavé de Paris avec un esprit fort équivoque et sans un écu en poche… il se fit le fournisseur d’anecdotes littéraires dans un journal en crédit ; et quand la récolte manquait, il inventait des nouvelles pour dîner. […] Et ne serait-ce pas en raison même de ce manque d’imagination qu’ils furent si chauds à proclamer que le roman pouvait, devait s’en passer ? […] Ce Chambiges, qui n’eût peut-être pas manqué de talent, préparait un ouvrage qui se fût appelé La Dispersion infinitésimale du Moi — presque un titre à la Barrès, déjà ! […] Voici Delteil, regrettant que Barrès ait « manqué » Napoléon : « Il eût senti le Corse chaleureusement ; il nous en eût livré une peinture pleine de vigueur et de vert-de-gris, une peinture tigrée. » Des idéologies passionnées ! […] Ce n’est pas au contraire le courage, ni la sincérité qui manquent à Édouard Estaunié, mais peut-être un peu du sourire parfois un peu trop facile, et s’appliquant trop aisément à tout, de René Boylesve.

2231. (1929) Dialogues critiques

Paul S’il y en a, les occasions de se chamailler ne doivent pas leur manquer. […] Ils manquaient au premier devoir des vrais artistes, qui consiste à être désintéressé. […] Mais puisque le coup est manqué et que l’affaire a tourné à l’avantage de Valéry… M. 

2232. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

J’y manquai toujours ; j’avais contre elle les préventions vives d’un partisan de Louis XVIII ; j’accusais cette reine d’avoir trempé dans le retour de l’île d’Elbe, en 1815. […] Il ne manquait à ce drame rural que l’amour : le voilà ! […] Nous ne voulons pas louer un genre par ses défauts, ni donner à deux grands peintres quelques qualités de métier qui peuvent leur manquer.

2233. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Ce n’était pas le levier qui manqua à Cicéron, ce fut le point d’appui. […] Ni la sagesse des consuls, ni l’autorité de cet ordre, ne manquent à la république ; nous seuls, je le dis ouvertement, nous seuls, consuls sans vertu, nous manquons à nos devoirs…… Rappelle à ta mémoire l’avant-dernière nuit, et tu comprendras que je veille encore avec plus d’activité pour le salut de la république que toi pour sa perte.

2234. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

J’entends la voix de Fingal, cette voix qui depuis si longtemps n’a frappé mon oreille : « Viens, me dit-il, viens, Ossian ; il ne manque rien à la renommée de Fingal. […] Connan courait devant nous avec la peau du sanglier. « Je l’ai tué, dit-il : mais ses défenses cruelles avaient déjà percé le cœur de Dargo ; car sa lance était rompue, et le roc avait manqué sous ses pas. » Crimoïna entendit le chant funèbre. […] Cet équilibre entre le possible et le chimérique lui manqua presque toujours, et il mourut grand pour ce qu’il avait conçu, petit pour ce qu’il avait accompli.

2235. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

La folie n’est pas seulement un manque « d’expérience » ; elle est une perturbation organique du cerveau, considéré en lui-même. […] Or le déterminisme n’a pu manquer de s’imposer comme une forme essentielle et vraiment structurale à notre activité, à mesure qu’elle s’est déployée. […] Nous ne pouvons donc manquer de projeter au dehors, par une association naturelle, la même succession de changements ; de là résulte déjà une tendance à chercher toujours quelque phénomène avant un autre phénomène.

2236. (1909) De la poésie scientifique

Ils ont senti intelligemment que la médiocrité et le manque de volontés de maints nouveaux poètes étaient tels, qu’on les pouvait manier et récompenser. […] Gustave Kahn a créé une évidente indétermination Rythmique  qu’entre autres apercevait M* Albert Mockel… Or, l’on a reproché au « Symbolisme » de manquer du sens, moderne et général, de la Vie… Fondé pour la plupart des « Symbolistes » et des plus en vue, chez qui la poursuite musicale et rythmique ne laissa place à des préoccupations d’Idée, et dont les œuvres se présentent comme des illustrations de leurs recherches en la prosodie et l’analogie Symbolique, ce reproche tombe dès qu’il s’agit de Verhaeren et de Viélé-Griffin. […] Gustave Kahn se trompe donc, disons-le en passant, sans relever inutilement d’autres manques de mémoire, en disant dans son volume (recueils d’articles, Symbolistes et Décadents) que « ce qui se détache en résultat tangible de l’année 1886, c’est l’instauration du Vers libre. » Il n’en avait pas été question, et lui-même cherchait encore son expression d’art.

2237. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

10 février Nous venons de manquer d’être tués ensemble. […] La cérémonie impériale est terminée… Gautier qui a manqué son élection, et auquel nous serrons cordialement et tristement la main, dit : « Bah ! […] Un général qui s’appelle Bataille ; un comte de Fitz-James, un membre du Jockey-Club, un aimable gentilhomme, un vieux grognard de l’amour ; un fabricant de plumes de fer un M***, un personnage venimeux et vénéneux qui manque aux comédies de Barrière, un type curieux de la médiocratie exaspérée ; une femme d’Odessa ; des Grecs anémiques.

2238. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

§ VII L’autre, Juvénal, a tout ce qui manque à Lucrèce, la passion, l’émotion, la fièvre, la flamme tragique, l’emportement vers l’honnêteté, le rire vengeur, la personnalité, l’humanité. […] Pas une corde ne manque à cette lyre, ni à ce fouet. […] Que leur manque-t-il donc ?

2239. (1894) Textes critiques

. — si l’on voulait descendre jusqu’au public — de lui donner, et qu’on lui donne : des personnages qui pensent comme lui (un ambassadeur siamois ou chinois, entendant l’Avare, gagea que l’avare serait trompé et la cassette prise) et dont il comprenne tout avec cette impression : « Suis-je spirituel de rire de ces mots spirituels », qui ne manque aux auditeurs de M.  […] René Ghil — Voici mon avis d’éliminer, motivé à première vue par le manque de qualité et de quantité, à la fois, d’une oeuvre littéraire sérieuse ; MM. d’Audiffret-Pasquier, de Broglie, Costa de Beauregard, de Freycinet, Gréard, Edouard Hervé, Rousse, Alfred Sorel, Thureau-Dangin, pour l’Académie Française. — Octave Mirbeau, pour l’autre.‌ […] Il manque mille.

2240. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

— Outre que nous ne trouvons pas les restes fossiles de ce nombre presque infini de formes transitoires, on peut encore objecter que le temps doit avoir manqué pour une somme aussi considérable de changements organiques, chacun de ces changements ayant dû s’effectuer très lentement par sélection naturelle. […] Quiconque étudie avec attention l’action de la mer sur nos rivages ne peut manquer de recevoir une impression profonde de la lenteur avec laquelle nos côtes rocheuses sont emportées. […] Mais avant l’émersion de ces mêmes terres, toutes les conditions d’une formation puissante et riche en fossiles manquaient à la fois ; et les dépôts, formés à cette époque, ne pouvant provenir que des matières que la couche océanique tenait en suspension, devaient être partout égaux en puissance et se former partout à la fois sur le fond uni des mers, y laissant tout au plus la trace des stratifications feuilletées que nous retrouvons dans les schistes.

2241. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Il gardait la main de Cécile serrée contre sa joue, s’y reposait avec amour, disait des choses tout bas : — Tout ce qui me manquait dans la vie, vous me l’avez donné. […] L’espace me manque pour en détacher un de plus, mais les extraits que j’ai cités peuvent donner une idée de ce livre tout d’observation et de cœur. […] Mais, comme disent les tourlourous qui écrivent à leurs familles, « le papier me manque, et c’est bien heureux, mes chers parents, car, tout bien considéré, je n’avais plus rien à vous dire ». […] Est-ce à dire que l’intérêt romanesque y manque ? […] — Eh bien, dit Jeanne après une pause, j’ai été maladroite en débarquant… j’ai manqué une marche, voilà.

2242. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

De ce luxe de détails, de ces pages substantielles résulte parfois le malaise qu’on éprouve à voir un tableau trop rempli et qui, surchargé d’objets placés les uns sur les autres, manque forcément d’air et de perspective. […] Jules Claretie ne peut manquer de suivre ses aînés dans le chemin du succès qu’ils lui ont frayé. […] L’espace me manque pour citer une de ces exquises petites comédies et je ne prends que l’indication scénique de l’une d’elles. […] Rien de plus curieux que de suivre Rabelais dans ces ambassades où il manque d’être assassiné en même temps que le cardinal Du Bellay. […] Si la variété des sujets ne manque pas à l’œuvre de M. 

2243. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

On a entendu la plainte profonde du talent ; et lorsque ce talent réussit à se faire jour et à trouver des sujets tout préparés qui se détachent au milieu de ces exubérantes images, l’ivresse est complète, et il semble qu’il ne manque rien à la jouissance du promeneur. […] m’écrierais-je, vous manquez de foi, ou du moins vous n’en avez pas assez !

2244. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Il y aurait pourtant des fidèles qui, avertis par le coup de cloche, ne manqueraient pas d’accourir à la fête de ce Paul Ermite, de ce saint Jérôme de la poésie. […] Une seule chose qui lui manque est peut-être la vivacité.

2245. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Il la remercie et la prie de faire elle-même ce qui manque. […] Fortifie toi sans doute, orne toi, s’il se peut, des dons qui te manquent ; aspire à toute l’imagination que tu n’as pas ; acquiers, acquiers ; fais-toi des seconds ciels, des ciels d’Homère ou des ciels de Dante, des lueurs étranges à l’horizon, des visions et des visées plus hautes, des profondeurs en tout sens : si tu peux y atteindre, tant mieux !

2246. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Hugo juge que, comme tous les hommes de sa trempe et de sa nature, il était prédestiné, et qu’un tel enfant ne pouvait manquer d’être un grand homme. […] Nous n’imaginons pas que personne mette en doute que partout et dans tous les temps il ne vive et ne meure loin de tout éclat une multitude d’hommes supérieurs à ceux qui jouent un rôle sur la scène du monde, etc. » Peut-être il n’a manqué à Mirabeau lui-même qu’un peu plus de vertu, de discipline, et un cœur moins relâché, pour rester et vivre inconnu ou du moins médiocrement connu, et simplement notable à la manière de ses pères.

2247. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

conclut-elle, il n’y a que cela pour ordonner les affaire et pour rendre les peuples heureux. » A travers cette faiblesse et ce manque de science politique positive, percent à tout moment des vues fort justes et fort prévoyantes qui montrent qu’elle ne se faisait pourtant pas illusion sur l’état réel de la société. […] Ainsi elle écrit à Bancal : « Il n’est pas encore question de mourir pour la liberté ; il y a plus à faire, il faut vivre pour l’établir, la mériter, la défendre. » Et ailleurs : « Je sais que de bons citoyens, comme j’en vois tous les jours, considèrent l’avenir avec un œil tranquille, et, malgré tout ce que je leur entends dire, je me convaincs plus que jamais qu’ils s’abusent. » Et encore : « Je crois que les plus sages sont ceux qui avouent que le calcul des événements futurs est devenu presque impossible. » Elle s’étend en un endroit (p. 233) avec un sens parfait sur cette patience, vertu trop négligée et toutefois si nécessaire aux gens de bien pour arriver à des résultats utiles ; mais, par une singulière contradiction, elle manque, tout aussitôt après, de patience.

2248. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

La somme pour le voyage ne vous manquera pas. » Il me remercia, il fut touché, il partit. […] Mais, en passant par le ministère des affaires étrangères, j’ai conquis des amis qui, sans manquer à leur devoir vis-à-vis du gouvernement monarchique, sont restés fidèles à leur sentiment.

2249. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Mais non pas encore la formule intégrale : il manque à la théorie un complément essentiel. […] Voilà ce qui manquait à Chapelain : d’où vient que sa Pucelle est ennuyeuse et ridicule ?

2250. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Autre temps, autres chansons, dit Henri Heine ; et nous ne manquons pas de chansons en ce moment-ci, sans oublier les chansons de Mlle Theresa, célèbres au même titre que J’ai un pied qui r’mue, et que Ah ! […] Nous ne sommes plus habitués à cette forme de critique ; mais Sainte-Beuve ne manquait pas de perspicacité.

2251. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Budé, dans une lettre au sujet de cette brouillerie, lui reproche de s’être défié de son compagnon d’études ; il déplore ce manque de charité des moines entre eux ; il parle de conventions qui n’auraient pas été tenues. […] Ce fut plutôt manque de penchant que de savoir ; car, sans parler des études de théologie qu’il dut faire au couvent de Fontenay-le-Comte pour y recevoir ta prêtrise, il n’est pas douteux que Rabelais ne sût l’hébreu, et qu’il n’eût lu les livres sacrés dans l’original.

2252. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Quand Racine parle de son fond, sa langue est de diamant ; quand il parle selon l’étiquette contemporaine, il est terne, effacé ; il manque de fermeté et de précision. […] Il y a eu des hommes doués d’un beau naturel à qui le goût a manqué, et avec le goût la force de découvrir ce naturel, de s’y attacher, de le défendre contre la tentation des mauvais succès par des complaisances au tour d’esprit de leur temps.

2253. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Nous espérons augmenter ce nombre jusqu’à mille pendant l’année afin de pouvoir enfin donner des représentations, ou bien même une représentation d’un drame wagnérien : ce n’est pas la bonne volonté qui nous manque, mais l’argent. La Société s’occupe aussi de fonder un journal wagnérien qui doit paraître tous les trois mois seulement, car, quoique la Revue Wagnérienne soit bien connue en Angleterre il nous manque un journal anglais qui soit à nous.

2254. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Je me suis trouvé dans la nécessité absolue ou de faire de la littérature un métier pour suppléer à ce qui me manquait du côté de la fortune, ou de solliciter des grâces, ou enfin de m’enrichir tout d’un coup par une retraite subite. […] On sait qu’arrêté une première fois et menacé de l’être une seconde, il essaya de se tuer dans son appartement à la Bibliothèque, qu’il se manqua, se creva un œil, se déchira sans pouvoir se frapper mortellement.

2255. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Vous aviez le désir, la foi vous a manqué. […] Richepin, qui manque plutôt de conviction que de talent, et c’est cette absence de sincérité nous il verrons, qui l’a fait rester a mi-chemin entre le bateleur et le poète.

2256. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Dans le volume que je vous ai envoyé, il n’y a que des titres de chapitres ; à chacune des quelques idées qu’il contient manque le développement, c’est-à-dire la lumière qui justifie une idée en l’éclairant dans tout son cours, depuis son principe jusqu’à ses dernières conséquences. […] Il n’y a donc pas lieu d’argumenter d’une prétendue impuissance de la philosophie, comme si l’on avait un critérium qui nous manque.

2257. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Ceci fait, j’aurais suivi l’enfant dans sa seconde entreprise ; de L’École des femmes, je passais à L’Épreuve nouvelle, de Molière à Marivaux, et j’aurais fait remarquer à la jeune débutante que parfois elle manque de naturel ; que rien ne vaut à son âge la naïveté toute pure ; que son regard est assez beau pour ne pas lui infliger tant de tourments, qu’il est bon de ne pas mettre trop d’esprit dans les vers de Molière, non plus que dans la prose de Marivaux ; enfin, j’aurais proclamé le succès de cette belle personne, l’élève bien-aimée de mademoiselle Mars ; et naturellement, à propos des bienveillantes et sages leçons que la jeune fille a reçues de ce grand maître dans l’art de la comédie, j’aurais terminé mon histoire par ces vers de L’École des femmes : Il faut qu’on vous ait mise à quelque bonne école. […] Notre ami, tout rempli d’admiration pour cette comédie incomparable, disait cependant que les jeunes filles n’avaient rien à y voir, qu’elles étaient cruellement déplacées dans ce drame du plaisir et de la joie où l’amour et l’esprit se tiennent, si étroitement pressés, qu’il n’y a plus de place pour les plus simples sentiments du cœur ; il disait encore que la comédie de Molière, toute remplie de pères crédules, de vieillards amoureux, de jeunes gens éveillés, de soubrettes égrillardes, de valets goguenards, cette comédie où rien ne manque, pas même l’entremetteuse et l’escroc, n’était pas faite pour y faire apparaître des enfants frais et blonds.

2258. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Son style est plein de simplicité & de netteté ; mais il manque souvent de pureté & d’agrémens. […] Ange, où sont toutes les négociations du Concile, ne peut manquer d’être exact ; mais l’auteur est imbu des principes ultramontains.

2259. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Rien de ce qui est passionné ne peut lui convenir, et dès que l’on imagine de lui faire jouer un rôle et prendre un parti dans la pièce même, on le dénature, et son effet est manqué. […] Leur prêter des expressions relevées, c’eût été manquer à la vérité des caractères, et dans ce cas la noblesse du dialogue serait devenue une inconvenance.

2260. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

I Vulgairement, la souffrance est regardée comme l’indice de la maladie et il est certain que, en général, il existe entre ces deux faits un rapport, mais qui manque de constance et de précision. […] Pour cela, on fera voir qu’il ne peut manquer d’entraîner à sa suite telle ou telle conséquence que l’on juge fâcheuse pour la société et, à ce titre, on le déclarera morbide.

2261. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Attendons de précieuses révélations, qui ne sauraient manquer de venir, sur la tannerie, la corroirie, les égouts et les abattoirs. […] Pour que rien ne manque au spectacle, l’argot dans ce qu’il a de plus sot, de plus abject même, est mis de la partie.

2262. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

L’habitude d’entretenir des relations socialement réglées avec des êtres assez différents de nous, telle qu’une société hétérogène doit l’imposer, ne peut manquer de nous faire un esprit moins exclusif, plus tolérant, plus prêt enfin à accepter l’idée du prix de l’humanité, et par suite, dans la mesure où ces deux idées sont connexes, celle du prix de l’individualité. […] Des êtres auxquels elle manquerait totalement ne se laisseraient même plus englober dans un seul genre : de ces individus originaux on ne pourrait même plus dire qu’ils sont également des hommes.

2263. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

On n’a point manqué de crier à l’attentat : mais ce n’est pas plus attenter à la gloire de la Fontaine, qu’un bon Musicien qui mettroit en musique les Cantates de Rousseau n’attenteroit à la gloire de ce Poete. […] Il ne manque ici qu’un palais, & nous aurons une idée de la maniere dont Renaud occupoit son loisir auprès d’Armide.

2264. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

L’hébreu, le grec, lui étaient familiers comme les œuvres récentes de l’Italie ; et rien ne lui manqua de ce qui peut fortifier et ennoblir le talent. […] C’est là ce qui manque trop à l’amour mystique, par une erreur que ne prévient pas le génie même de sainte Thérèse.

2265. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

Qu’elle montre une grande déférence pour l’esprit, — pour la royauté de l’esprit, — ce n’est pas à nous, Français, de nous en plaindre ; mais évidemment elle a son but ; elle soigne Voltaire comme la voix de la renommée et comme une trompette ; elle lui raconte les nouvelles de ses guerres et de son empire pour qu’il informe l’Europe ; elle grandit tant qu’elle peut sa nation : lui, en revanche, il dénigre tant qu’il peut la sienne, et manque tout à fait de patriotisme.

2266. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Il n’y manqua pas une seule fois pendant trois ans.

2267. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Cet intérêt qui manquait d’abord au sujet, le talent le lui imprime, et il le crée pour ceux qui viennent après lui.

2268. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

» Il se rassure toutefois par l’idée qu’une loi aussi doit régir ces destinées sociales en apparence égarées, et qu’un avenir plus fixe et plus calme ne manquera pas à la civilisation européenne si lente en son enfantement.

2269. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Pour les siècles où l’histoire littéraire des Bénédictins manque, il faudra consulter les divers catalogues, et les indications données par les historiens de la philosophie, par Brucker principalement.

2270. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Hors du royaume, il avait échoué partout, tout tenté et tout manqué.

2271. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Ce manque de prévoyance explique la vigueur avec laquelle on bat en brèche tout l’ancien régime, spirituel et temporel : on met en doute les principes de la religion et de la société, la révélation et le privilège.

2272. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Il manqua d’abord de patience, de méditation ; il écrivit trop vite : Zaïre fut bâclée en dix-sept jours ; Olympie était « l’œuvre des six jours ».

2273. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Le livre de M. de Régnier manquerait un peu de rapidité et de vie.

2274. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Ce serait manquer à la bonne méthode historique que d’écouter trop ici nos répugnances, et, pour nous soustraire aux objections qu’on pourrait être tenté d’élever contre le caractère de Jésus, de supprimer des faits qui, aux yeux de ses contemporains, furent placés sur le premier plan 761.

2275. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Or le manque de nuances est un des traits les plus constants de l’esprit sémitique.

2276. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Quand ils ont manqué, ils craignent plus qu’il le sache, qu’ils ne craignent qu’on les châtie.

2277. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Je lui fis comprendre qu’il manquait de conduite par ses harangues dans lesquelles il mêlait le roi avec des citations de la Sainte-Écriture et des Pères.

2278. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

L'Orateur y est toujours entraîné par la chaîne des événemens, soit qu'il manque de force ou d'adresse pour manier son sujet, soit parce qu'il ignore que les Productions oratoires doivent avoir leur machine, comme le Poëme a la sienne.

2279. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

La conscience, étant liée aux changements et mouvements notables du cerveau, ne peut manquer de discerner ces deux grandes catégories de mouvements, les uns précédant la volition et la représentation, les autres la suivant et y obéissant.

2280. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

Autour de lui, hommes et femmes écoutaient, « devenaient clers et sçavants en peu d’heures, et parloyenl de prou de choses prodigieuses, élégantement et par bonne mémoire : pour la centième partie desquelles sçavoir ne suffirait la vie de l’homme : des Pyramides, du Nil, de Babylone, des Troglodytes, des Himantopodes, des Blemmyes, des Pygmées, des Caníbales, des mons Hyperborées, des Egipanes, de tous les diables, et tout par ouydire. » Or la satire ne vise pas ici seulement le savoir populaire, car autour d’Ouydire et prenant attentivement des notes, Rabelais n’a pas manqué de faire figurer Hérodote et Pline, Marco-Paulo, Strabon, Albert le Grand, tout un lot d’auteurs dont les livres en vogue dispensaient aux écoliers de son temps les notions enregistrées jusque-là par la science humaine.

2281. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Je trouve cependant que la moralité de la fable manque de justesse.

2282. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Il manque d’azur.

2283. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

… Il faut être voué au lieu commun pour répéter, à propos de Swetchine, la phrase immémoriale au double grelot que les sots ne manquent jamais, quand l’occasion s’en présente, de faire tinter dans le vide : « Homme par l’esprit, elle resta toujours femme par le cœur. » Non, le cœur et l’esprit étaient trop spirituels chez Mme Swetchine pour faire cette antithèse de rhétorique si peu imprévue… Dans les pages que l’on a réunies et qui se sont détachées de sa pensée comme des fruits longs à mûrir, mais mûris enfin, et comme elle l’a dit : « venus sous la neige », car dans Mme Swetchine c’est encore moins la femme que la vieille femme qu’on doit adorer, eh !

2284. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Quand on ne peut plus montrer dans une figure placée et comme appendue, ainsi qu’un grand portrait, dans la préoccupation contemporaine, un trait oublié que l’admiration n’avait pas vu ou que quelque autre trait d’à côté plus développé ou plus puissant avait recouvert et caché, il faut s’en détourner sous peine de pléonasme d’idées, car la critique, cette observatrice qui se sert tout à la fois du télescope et du microscope, est tenue d’apercevoir dans ce qu’elle regarde quelque chose qu’on ne voyait pas, sous peine de manquer à son devoir.

2285. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

II Ainsi, c’est la vie qui manque dans cette Vie.

2286. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

de cet esprit philosophique et mathématique à la fois, qui a autant d’audace dans la déduction que de prudence dans l’ordre de ses raisonnements pour ne pas manquer la vérité.

2287. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Taine, que le critique ajoute à son âme naturelle et nationale cinq à six âmes artificielles ou acquises, et que sa sympathie flexible… (rappelez-vous le fameux vers d’Auguste Barbier, qui ne le disait pas de la Critique) : Ouvrant à tout venant et sa jambe et son cœur, l’introduise en des sentiments éteints ou étrangers… « Le meilleur fruit de la Critique — dit encore l’auteur du Carlyle — est de nous déprendre de nous-mêmes, de nous contraindre à faire la part du milieu où nous sommes plongés, de nous enseigner à démêler les objets eux-mêmes à travers les apparences passagères dont notre caractère et notre siècle ne manquent jamais de les revêtir… » Telles sont les propres paroles de M. 

2288. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Ch. de Barthélémy ne remplacera pas l’édition qui manque, et qui sortirait la gloire et les travaux de Fréron de la crypte des bibliothèques où ils gisent ensevelis, — comme dans la crypte des monastères mérovingiens, les cadavres des fils de Roi assassinés !

2289. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Nous ne les avons pas lus, mais entre tous, en voilà toujours deux que nous connaissons qui l’ont furieusement manqué, et c’est Robert Southey, l’historien galonné poète par le gouvernement d’Angleterre, et en France c’est M. 

2290. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

c’est une grande erreur, ou plutôt c’est un manque de vue, puisqu’on prétend y avoir regardé, que de dater l’apparition de l’esprit révolutionnaire dans notre histoire de la fin du règne de Louis XIV, et de lui donner pour première origine et pour cause la réaction inévitablement nécessaire de la Régence contre l’accablant despotisme d’un Roi qui avait fatigué et dégoûté la France par soixante ans de pouvoir absolu.

2291. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Cependant la femme, la vraie femme, le cœur qui se connaît en cœur, ne manque point chez Madame Guizot.

2292. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Mais son orageuse amitié pour la duchesse de Choiseul, pour Mademoiselle de Lespinasse, avec laquelle elle rompit de toute la force de son attache, mais sa romanesque passion pour Walpole, qui la prit vieille et fut un incendie dans ses cheveux blancs, disent assez haut que la faculté de s’émouvoir jusqu’à la folie ne manqua point à cette ennuyée, à qui des sentiments pareils ne suffisaient pas !

2293. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Nous ne les avons pas lus, mais, entre tous, en voilà toujours deux que nous connaissons qui l’ont furieusement manqué, et c’est Robert Southey, l’historien galonné poète par le gouvernement d’Angleterre, et, en France, c’est M. 

2294. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Cependant la femme, la vraie femme, le cœur qui se connaît en cœur, ne manque point chez Mme Guizot.

2295. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Réduit à ses seules forces et répugnant à regarder au fond de l’histoire, le rationalisme devait considérer ces questions comme vaines et insolubles, et il n’y a pas manqué ; en cela au-dessous de l’antiquité païenne, qui ne connaissait pas Bacon, mais qui n’en savait pas moins observer et conclure.

2296. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

dans la langue de l’Internelle Consolacion, s’est coulée cette tendresse absente et cette grâce chaste dont le livre manquait primitivement.

2297. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Ils peuvent manquer de force, de résignation, de courage, mais après tout, ce sont des hommes toujours !

2298. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Mais on a eu tort de lui reprocher comme un manque de hardiesse d’avoir pris Vidieu pour Didon, dans sa polémique.

2299. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Règle générale en cette matière : pour tout historien dont l’intention est plus profonde que de raconter des excentricités risibles ou effrayantes et des histoires… grotesques et arabesques, comme dirait Edgar Poe, toute histoire de nègres ou sur des nègres doit être précédée d’une étude à fond sur la race, et Gustave d’Alaux était digne de la faire, cette étude sans laquelle toute histoire quelconque, même celle qu’il vient d’écrire, manque de flambeau.

2300. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Le docteur Favrot, qui n’ignore pas combien tous les genres de badauds se prennent aux bagatelles de la porte, n’a pas manqué les bagatelles funéraires de la porte de ce cimetière du genre humain qu’il a voulu nous faire parcourir.

2301. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

Nous n’en avons parlé que par respect pour Molière, à qui on en manque quand on publie de telles billevesées sur le chef-d’œuvre de son génie.

2302. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Un poète de ce temps — de ce temps « de cénacle », comme on disait, et d’apostolat littéraire, — écrivit alors un livre qu’on lit encore avec plaisir sur le grand poète du xvie  siècle ; mais l’artiste intégral, en Ronsard, nous manquait.

2303. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Souvent aussi, malgré sa force, Fabre manque du trait précis qui achève un mouvement ou une figure commencée ; il n’a pas le coup d’ongle définitif qui les fait tourner et les pose tels qu’ils doivent rester toujours dans l’imagination qui les a contemplés une fois !

2304. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Si vous joignez de plus à cela l’horripilation impudique que causent, à ces sensitives du mariage des prêtres, le dogme de l’immaculée Conception et la haine profonde pour le Marianisme, — cette affreuse religion entrevue par Michelet, — qui remplacerait prochainement le Christianisme si nous n’avions pas pour le sauver des docteurs comme des Julio de la Clavière et des abbés Trois-Étoiles, vous aurez à peu près tout ce qu’il y a de vues et de choses nouvelles dans ce Maudit, que j’appelle plutôt le mal dit ; car il est impossible de plus mal dire, il est impossible de plus manquer que ce livre du talent qui sait exprimer même des sottises, et qui parfois les fait passer !

2305. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

L’échafaud théâtral des comtes d’Egmont et d’Horn ne fut que le prologue d’une tuerie confuse… Un moment vint où le matériel manqua pour tant de supplices. […] Mais son nez manque de race, — oh ! […] Cela manquait un peu de fondu. […] Après une affaire qui fait tant d’honneur à la famille, les maris ne te manqueront pas, va ! […] Comme une petite comédienne, ayant perdu sa mère, avait manqué cinq ou six répétitions : « Est-ce qu’elle compte manquer, dit ce philosophe, tant que sa mère sera morte ? 

2306. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Si l’une manque, l’intérêt cesse ou diminue. […] Tout ce qui serre le nœud davantage, tout ce qui le rend plus mal-aisé à dénouer, ne peut manquer de faire un bel effet. […] C’est Corneille qui nous a donné les premières leçons de ce grand art ; et s’il y à manqué dans Cinna qui est quelquefois trop avili, dans Horace qui devient l’assassin de sa sœur, on le retrouve dans Rodrigue, Chimène, Pauline, Cléopâtre et Nicomède. […] Racine n’a jamais manqué à cette règle ; il peint de grandes âmes qui semblent ignorer qu’elles sont grandes. […] On ne peut trop appuyer sur les beautés de ce qu’on appelle terreur dans le tragique : c’est pourquoi nous ne pouvons manquer d’avoir une grande opinion de la tragédie des anciens.

2307. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

On aura, par ce moyen, presque toutes les lettres du chiffre, il sera facile de suppléer celles qui manquent, de corriger même les fautes qui se sont glissées en quelques endroits du chiffre, et on lira ; perdita sunt bona : Mindarus interiit : urbs strata humi est : esuriunt tot quot superfuere vivi : præterea quæ agenda sunt consulito. […] Le sens qu’on attachera à ces mots sera, ou le sens propre, ou le sens figuré : dans le premier cas, on aura trouvé le vrai sens du mot, et il ne faudra que le rencontrer encore une ou deux fois pour se convaincre qu’on a deviné juste ; dans le second cas, si on rencontre encore le même mot ailleurs, ce qui ne peut guère manquer d’arriver, on comparera le nouveau sens qu’on donnera à ce mot, avec celui qu’on lui donne dans le premier cas ; on cherchera dans ces deux sens ce qu’ils peuvent avoir d’analogue, l’idée commune qu’ils peuvent renfermer, et cette idée donnera le sens propre et primitif. […] On nous permettra d’observer ici qu’un des moyens les plus propres pour se former à cet égard le style et le goût, c’est de lire et d’écrire beaucoup sur des matières philosophiques : car la sévérité de style et la propriété des termes et des tours que ces matières exigent nécessairement, accoutumeront insensiblement l’esprit à acquérir ou reconnaître ces qualités partout ailleurs, ou à sentir qu’elles y manquent. […] L’orateur romain compare le style de Thucydide, à qui il ne manque rien que l’harmonie, au bouclier de Minerve par Phidias, qu’on aurait mis en pièces. […] Cependant comme il n’est pas sans exemple de voir adopter par les académiciens des hommes d’un talent très faible, soit par faveur et malgré elle, soit autrement, c’est alors le devoir du secrétaire de se rendre pour ainsi dire médiateur entre sa compagnie et le public, en palliant ou excusant l’indulgence de l’une sans manquer de respect à l’autre, et même à la vérité.

2308. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Mais il faut envisager tous les changements qui ne manqueront pas de se produire. […] Quand les hommes se nourriront du baume que j’ai dit, leurs intestins ne manqueront pas de se raccourcir de plusieurs aunes, et le volume du ventre en sera considérablement diminué. […] Onze jours après, la même femme amenait à mon cabinet un autre enfant de trois ans celui-là, presque mourant et dont l’état d’affaiblissement général provenait évidemment d’un manque de soins. […] Je trouvai qu’il manquait de dignité. […] Je ne l’accuse pas de manquer de patriotisme, mais en portant le fer rouge sur les plaies de la patrie, il les dévoile parfois d’une façon cruelle.

2309. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

— Vous manquez de logique, mon cher Maître. […] Tu manques de solidarité. […] — Tu ne manques pas d’audace ! […] La création est manquée. […] Cela manque de bon sens et… J.

2310. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Les fameux comiques nous manquent, et l’on n’a que le nom de Ménandre, qui fut peut-être le plus parfait dans la famille des génies dont nous parlons ; car chez Aristophane la fantaisie merveilleuse, si athénienne, si charmante, nuit pourtant à l’universalité. […] Auger s’est attaché à relever comme fautes tous les manques de repos à l’hémistiche chez Molière ; c’est peine puérile, puisque notre poëte ne suit pas là-dessus la loi de Boileau et des autres réguliers. […] La physionomie de Marlowe, en effet, ne manquait pas de ressemblance avec le front d’un noble taureau, et le page, comme un enfant qu’il était encore, en avait été frappé plus que de tout autre. […] Il souffrait de manquer parfois d’une certaine considération sérieuse, élevée ; le comédien en lui nuisait au poëte.

2311. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Certes, ce retour aux formes de l’antique Hellade, comme réaction passagère, ne manquait de quelque logique et d’un certain à-propos. […] Peut-être ne lui a-t-il manqué que l’Instinct pour dominer ce siècle entre Hugo et Verlaine ? […] Mais sa méthode éthique, qu’il emprunta à Loyola, et sa manière d’ironie, qui semble dérobée à Saint-Simon, ne manquèrent de séduire quelques contemporains. […] La question est séductrice et ne manque pas d’intérêt immédiat.

2312. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Le Sauvage, & même le peuple des nations policées, a peu d’idée de son ignorance, & n’en a point du tout du savoir qui lui manque. […] Quelle harmonie, quelle facilité dans ses vers, où l’on ne trouve pas une épithète oisive, pas un mot de sur-charge ou d’enflure, pas une seule nuance de sentiment imparfaite ou manquée ! […] Comme il est vide, ses idées toujours vagues, quelquefois brillantes, ne sont jamais solides : présomptueux, il croit saisir tous les objets qu’il n’est pas capable d’atteindre ; superficiel, il les effleure tous & n’en embrasse aucun : fier, autant de ce qui lui manque, que de ce qu’il posséde, il s’arroge la supériorité, prend le ton, prononce & décide en maître ; son goût est toujours ou faux, ou bizarre, ou frivole : esclave de l’imagination, il en est tyrannisé & séduit tour-à-tour ; sans jugement & sans principes, il se laisse emporter au premier vent des opinions, l’erreur l’entraîne, & c’est envain que la raison & la vérité tentent de le ramener : il est trop aveuglé pour les reconnoître ; il n’est pas assez fort pour rétrograder sur lui-même. […] Effectivement, reprit le Cardinal, je me rappelle qu’ils ont joué d’une manière pitoyable… De retour à Paris Desmarets & Petit ne manquèrent point d’aller prévenir les Comédiens, & de s’assurer du suffrage de plusieurs des spectateurs, ensorte qu’à la seconde représentation de Mirame on n’entendit que des applaudissemens ».

2313. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Mais l’espace me manque pour développer ce sujet. […] Les neuf autres espèces du genre originel que nous considérons, peuvent continuer pendant une longue période à produire des descendants inaltérés : c’est ce que la figure indique par les lignes pointées droites qui partent de ces neuf espèces indiquées par des lettres majuscules et que je n’ai pas prolongées plus haut, à cause du manque d’espace72. […] Mais il n’en faudrait pas conclure que la plupart des formes inférieures actuelles n’ont en rien progressé depuis la première aube de la vie terrestre ; car tout naturaliste qui a disséqué quelques-uns des êtres aujourd’hui rangés aux degrés les plus bas de l’échelle naturelle, n’a pu manquer d’être frappé de la beauté réellement merveilleuse de leur organisation. […] Ce paragraphe, ajouté par l’auteur, manque à toutes les éditions antérieures à 1866, sauf à la seconde édition allemande.

2314. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

II y a encore beaucoup à faire, et il y aura toujours beaucoup ; et à celui-là même qui naîtra après mille siècles, l’occasion ne manquera jamais d’ajouter encore quelque chose de nouveau.

2315. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Lainé jeune, plus libéral que l’ancien, plus libéral que les ci-devant libéraux eux-mêmes, leur mettant sous les yeux à l’occasion et développant aux yeux de tous leurs inconséquences, leurs imprudences et leur manque de vue (comme il fit dans ce magnifique discours au sujet des cendres de Napoléon), — un M.

2316. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Plus l’esprit est naturel, plus il est incapable de conserver aucune force, quand l’appui de la conviction lui manque.

2317. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Seulement, c’est une bonne rhétorique, et j’aime mieux une bonne déclamation de rhétorique qu’une œuvre de génie manquée.

2318. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Catulle Mendès, morceaux certes d’élévation, nourris de souvenirs amusants et à qui ne manquent point les hauts points de vue, ont beau n’être que les coupures de ses livres de critique et d’histoire musicale, quand il les lit lui-même on l’acclame ; mais tout seul, auprès de son feu, on ne songerait pas à les lire, parce qu’on ne lit pas, parce qu’on est trop paresseux.

2319. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

Les preuves par lesquelles on a essayé d’établir que le Saint Sépulcre a été déplacé depuis Constantin manquent de solidité.

2320. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Il n’y manque que peu de choses : la couleur et la vie.

2321. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Cette anecdote impertinente a été démentie sur des preuves sans réplique ; & quand ces preuves nous auroient manqué, il eût suffi de dire : « Philosophes, Fénélon eût été votre plus grand adversaire, ne lui imputez pas votre langage ».

2322. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

On observa que les intéressés dans les Couplets étoient précisément les personnes avec lesquelles il étoit le plus brouillé, qu’il accusoit d’avoir causé la chûte de sa comédie du Capricieux, de lui avoir fait manquer une pension de la cour aussi-bien qu’une place à l’académie Françoise.

2323. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Les religions positives conserveront, selon toute apparence, pendant un temps indéterminé, leur empire sur une foule d’âmes, avec des vicissitudes de progrès et de décadence, de chute apparente et de résurrection inattendue, et il n’est pas à craindre que d’ici à longtemps l’humanité manque de secours religieux.

2324. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

Si quelque musique moderne manque du mérite dont parle ici Monsieur Vossius, ce n’est point celle de Lulli.

2325. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Il faut que les acteurs tirent de leurs poumons bien des sons qu’ils n’étoient pas obligez d’en tirer, s’ils veulent suivre ces nouveaux instrumens dont les cordes leur font leur procès avec severité quand ils y manquent.

2326. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

En effet, quoi de plus beau, même dans le talent le plus composé de facultés diverses, le plus brillant, le plus savant et le plus étonnant, que cet atome, céleste et mystérieux, qui manque souvent aux grands talents et que Mme de Staël, qui l’avait, appelait l’étincelle divine, — que ce rien qui est tout, qui se mêle à tout et qui fait qu’on est poëte !

2327. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

La couleur est ce qui lui manque le plus.

2328. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

En vain manque-t-il de discernement et de finesse, Tallemant n’est pas seulement près de la rampe, il la franchie.

2329. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Elle restera parce qu’avant lui personne n’avait songé à l’écrire, et surtout, surtout, parce qu’elle touche intimement à un homme bien plus grand encore que la femme qu’elle nous fait connaître, un homme envers qui l’Histoire, en France, a honteusement manqué de justice.

2330. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Immédiatement justice fut faite, et la porte du journal où il écrivait fut fermée à l’auteur de l’article, pour avoir manqué, dans l’auguste personne de Gœthe, à la littérature française et au gouvernement français3 !

2331. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Oscar de Vallée, c’est ce qui manquait absolument de christianisme à Chénier, à ce Grec de païenne imagination, muet aux choses chrétiennes.

2332. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Quant à Mademoiselle de l’Espinasse, nature plus ardente que profonde, on sait qu’elle manqua de ce qui fait la gloire de l’amour : la fidélité.

2333. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Et c’est ainsi que fait pour être original quand il sera plus mûr, il manque, par la faute d’une culture dont il semble avoir la prétention, cette qualité suprême, et qu’il traîne presque un ridicule derrière son idéalité.

2334. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Soury en est le Montagnard, et même le Marat, ce chirurgien de chenil, qui, s’il s’en était mêlé, n’aurait pas manqué, comme M. 

2335. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Cela n’a pas manqué à Feuchtersleben.

2336. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

Mais l’abbé Monnin, qui écrit pour les lettrés et ne leur marchande pas les longueurs de son histoire, n’a pas manqué de donner des exemples foudroyants de cette expression surnaturelle, et il les a donnés avec une profusion qui étonne, quand on songe que ces inspirations, qui forment des pages si nombreuses dans son livre (de la page 413 à la page 485 du second volume), ont été saisies à la volée, et quand on se demande quelle dut être leur beauté première pour avoir résisté si bien à la pâle dictée du souvenir !

2337. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

, qu’il ne lui est plus possible d’en sortir jamais, — soit pour aller aux hommes, soit pour aller à Dieu (le chemin manque), — et qu’il n’est plus capable d’inventer un criterium absolu et universel, comme doit être tout criterium de vérité.

2338. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

L’abbé Maynard n’a pas manqué de nous rappeler mille traits charmants de saint Vincent, de ce pauvre paysan des Landes, qui avait été berger dans son enfance, et que tout semblait avoir prédestiné à l’humilité la plus complète qu’on ait vue jamais parmi les hommes.

2339. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Le talent de Cousin est suprêmement et exclusivement un talent d’orateur, de phraseur, de flûteur, de musicien, de pousseur de son sur des sujets philosophiques, et, toute sa vie, c’est avec cela qu’il a fait illusion sur le talent de philosophe qui lui manquait, et dont l’absence a dû parfois humilier cruellement son amour-propre et sa pensée… Allez !

2340. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

… Il y fait paraître un Edgar Poe, — et non pas l’Edgar Poe connu, l’Edgar Poe mathématique, comme le terrible calculateur américain, qui a manqué son lecteur en manquant Pascal, — mais un Edgar Poe inconnu, religieux et mystique, coupé — et voilà l’arabesque ! 

2341. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

cette biographie qui manque toujours, et qu’on attendait, il y aura quelqu’un qui la fera30.

2342. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Les amis de son salon, qui, dans ce temps-là, il faut bien le dire, étaient les premiers esprits de France, se crurent obligés à faire du génie de ce talent — très relatif — et ils n’y manquèrent point !

2343. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Comme jamais on n’avait vu d’ascension plus haute et plus rapide, on ne vit guères non plus de prostration plus soudaine, de renversement plus à fond… Jamais manque de transition plus complet entre la grandeur et la petitesse, et, que Dieu me pardonne de tels mots en parlant d’un tel homme !

2344. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Et le titre de son livre manque même de netteté et ne dit pas bien sa pensée : car des Réveils supposent qu’on n’a pas toujours dormi, et l’idée qui plane sur les poésies de Pichat, c’est qu’Épiménide de six mille ans le monde a dormi depuis sa naissance, et qu’il s’éveille enfin au xixe  siècle !!

2345. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

L’air militaire manque ici complètement à cet homme qui a fait pourtant un magnifique livre à l’usage des soldats : Grandeur et servitude militaires, et j’y trouverais bien plutôt la placidité de l’Église.

2346. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

… Les qualités qui manquent le plus dans ce roman, c’est l’attendrissement et le rire.

2347. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Cela n’a pas manqué : nous avons eu Balzac.

2348. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Lawrence en cette assimilation toute-puissante d’où jaillit le talent dans toute sa vierge originalité, et c’est ainsi que, fait pour être original quand il sera plus mûr, il manque par la faute d’une culture dont il semble avoir la prétention, cette qualité suprême ; et qu’il traîne presque un ridicule derrière son idéalité.

2349. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Le Leone Leoni de madame Sand n’est pas long, et par là l’artiste a épargné à son lecteur, tout en l’émouvant, la sensation du dégoût qui n’eût pas manqué d’arriver si on eût prolongé la scabreuse situation, nécessaire au développement du sentiment qu’on a voulu peindre.

2350. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Papes, évêques, cardinaux, princes d’Italie, princes d’Allemagne, ducs, margraves, électeurs, abbés même, pour peu qu’ils eussent l’honneur d’être souverains dans leur couvent, ne manquaient point d’avoir un orateur, qui, en phrases de Cicéron ou de Pline, les comparaît ou à César ou à Trajan.

2351. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

S’il lui manque de ces expressions originales, et dont quelquefois une seule représente une masse d’idées, il a ce coloris toujours égal, qui donne de la valeur aux petites choses, et qui ne dépare point les grandes ; il n’étonne presque jamais l’imagination, mais il la fixe : il emprunte quelquefois de la poésie, comme Bossuet ; mais il en emprunte plus d’images, et Bossuet plus de mouvements.

2352. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Quelque chose nous manque encore, quelque chose d’essentiel, et que pourtant par un oubli singulier un certain nombre de théoriciens ont négligé de faire entrer dans leur définition de la poésie : l’élément esthétique. […] Toutes ces sensations nous manquent ; et c’est pour cela que nous voulons les retrouver. […] Le champ de la poésie est large ; il n’y manque pas de débouchés, même pour les esprits secs et les impassibles. […] Si elle tend à s’écarter du sujet, ou si les conceptions qu’elle apporte manquent à quelque exigence artistique, on l’arrêtera net, on la remettra sur la voie pour de nouveau la laisser aller. […] La suite des sentiments qu’il prêtera à ses personnages ne pourra manquer d’être conforme aux lois de la psychologie, puisqu’il aura fait jouer ces lois en lui-même.

2353. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Nous sommes en 1660 ; la dernière pièce de Corneille est Œdipe, où, en effet, le galimatias ne manque point. […] Quand avons-nous manqué d’aboyer au larron ? […] Notez que Racine l’eût pu faire sans manquer gravement à la règle de l’unité de lieu. […] Bajazet manque évidemment d’« icoglans stupides », de « Allah ! […] Ces propos, à son avis, manqueraient de bienséance et de goût chez une princesse royale.

2354. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Héros lui-même de ses chants, son génie eut une même réussite que sa bravoure éclatante : un sujet meilleur manquait à l’un, et une meilleure cause manquait à l’autre, pour que le poète et le conquérant pussent triompher avec plus de gloire. […] De même, à l’ouverture de l’Énéide, il apprend que l’établissement des colonies phrygiennes en Ausonie, deviendra le premier fondement de la grandeur de Rome ; la conclusion sera donc conforme au début, autrement l’objet paraîtrait manqué. […] Cette nécessité qui ne m’a pas permis de déguiser les défectuosités de notre poème national, malgré la renommée de Voltaire, excuse suffisamment, envers la gloire de Camoëns, mes remarques sur les imperfections d’un poème étranger qui manque, selon mon avis, à la condition du merveilleux convenable au sujet et à celle de l’invocation. […] Un seigneur n’eut pas honte de lui reprocher sa lenteur à finir une paraphrase des psaumes qu’il lui avait promise ; et Camoëns lui répondit avec douceur que, détourné de la poésie par l’indigence, il ne songeait qu’à trouver le moyen d’acheter un peu de charbon qui lui manquait. […] Le respect que garde Homère pour mille autres vraisemblances, nous défend de penser qu’il eût manqué tant de fois à celle-là, s’il eût cru s’éloigner de la vérité, qu’il ne trahit jamais dans ses peintures.

2355. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

C’est alors que Karamsin écrit, d’une main encore novice, l’histoire nationale de la Russie ; que Pouschkine ou Lamanof chantent leurs poèmes, auxquels il ne manque que l’originalité ; c’est alors, enfin, que des écrivains à formes moins prétentieuses, comme Ivan Tourgueneff, dont nous nous occupons en ce moment, écrivent avec une originalité à la fois savante et naïve ces romans ou ces nouvelles, poèmes épiques des salons, où les mœurs de leur nation sont représentées avec l’étrangeté de leur origine, la poésie des steppes et la grâce de la jeunesse des peuples. […] Et moi, s’il me manque deux dents au côté droit, je n’ai pas besoin de le dire : on le voit assez. […] Cependant il la regardait encore avec plaisir, et chaque fois que de son pied léger elle passait près de lui, il lui baisait la main, ce qui ne manquait jamais de faire éclore sur les lèvres de la jeune femme un doux sourire. […] Chaque fois qu’il en trouve l’occasion, il ne manque pas de dire : « Voilà ce que faisait Boris, voilà ce qui lui plaisait », et Pierre et sa femme, et tous ceux qui leur appartiennent, vivent d’une vie uniforme, silencieuse, paisible. […] La femme de charge pourtant n’avait pas manque de dire à sa maîtresse quel acte de brutalité cet odieux portier avait commis envers elle, et quelle commotion elle en avait ressentie, une commotion telle, qu’en rentrant dans sa chambre, elle s’était évanouie.

2356. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

L’inconvénient du manque d’art, et aussi (Caliste à part) du manque de succès central, s’y fait sentir. […] J’avais été mis depuis longtemps sur la trace de Mme de Charrière par la lecture des Lettres de Lausanne ; mieux informé de toutes choses par rapport à elle durant mon séjour dans le pays, j’aurais cru manquer à une sorte de justice que de ne pas venir, tôt ou tard, parler un peu en détail d’une des femmes les plus distinguées assurément du dix-huitième siècle, d’une personne si parfaitement originale de grâce, de pensée et de destinée aussi, qui, née en Hollande et vivant en Suisse, n’écrivait à la fin ses légers ouvrages que pour qu’on les traduisît en allemand, et qui pourtant, par l’esprit et par le ton, fut de la pure littérature française, et de la plus rare aujourd’hui, de celle de Gil Blas, d’Hamilton et de Zadig.

2357. (1813) Réflexions sur le suicide

Il faut, pour se tuer, ne pas craindre la mort ; mais c’est manquer de fermeté d’âme que de ne pas savoir souffrir. […] La plupart des préceptes de l’Évangile manqueraient de base, s’il était permis de se donner la mort ; car le malheur inspire à l’âme le besoin d’en appeler au Ciel, et l’insuffisance des biens de ce monde est ce qui rend surtout une autre vie nécessaire. […] Les philosophes promettent les biens temporels à ceux qui sont vertueux, ils ont raison à quelques égards : car dans le cours ordinaire des choses il est très probable que les bénédictions de cette vie accompagnent une conduite morale ; mais si l’attente à cet égard était trompée, le désespoir serait donc légitime ; car la vertu n’étant considérée que comme une spéculation, lorsqu’elle est manquée, l’on pourrait abdiquer l’existence.

2358. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Nous connaissons jusqu’à quatre personnes qui ont éprouvé de sérieuses indigestions pour être allées entendre les Maîtres Chanteurs : le dîner avalé à la hâte parce qu’on ne veut pas manquer l’ouverture qui commence à sept heures précises, l’attention soutenue donnée à une musique compliquée et énervante, tout cela avait arrêté net chez elles les fonctions digestives. […] Ce qui manque le plus à Wagner, ce n’est pas d’être compris, c’est d’être connu. […] Elle tient néanmoins une place honorable à côté de ses partenaires et supplée par le charme de sa personne aux qualités spéciales qui lui manquent pour, donner une représentation fidèle du personnage.

2359. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Chez des êtres honnêtes et doux surgit tout à coup une personnalité d’en bas, féroce, qui est celle d’un chef manqué. […] C’était, pour tout le monde, un manque de confort qui nous surprend. […] On allègue que la terre manque de bras.

2360. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce pour D’Annunzio, mais je n’en recommande pas moins vivement la lecture de son étude, où d’ailleurs les critiques ne manquent pas. […] On ne saurait critiquer ou discuter sa morale ; il n’en a point ; c’est un sens qui lui manque absolument ; et chaque fois qu’il a énoncé une morale quelconque (cela lui arrive souvent), il s’est moqué de nous. […] Ce spectacle ne manque pas de grandeur dans sa férocité ; mais il n’est ni épique, ni dramatique ; et il se répète trop souvent. — On dira : Qu’importe votre distinction des genres, si l’œuvre est belle ?

2361. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Désormais, on le voit, ce n’est plus par le côté des perspectives, ni par aucune restriction de coup d’œil, qu’elle aurait chance de manquer. […] Ce qu’il nous raconte, ou plutôt ce qu’il raconte à sa sœur et ce qu’il se rappelle à lui-même, ce n’est pas vieux et apaisé qu’il y revient ; depuis cette dernière maladie à laquelle il manque de succomber, peu après la mort de Laurence, le manuscrit cesse.

2362. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Mais la Révolution vint ; dix années, fin de l’époque, s’écoulèrent brusquement avec ce qu’elles promettaient, et abîmèrent les projets ou les hommes ; les trois Hermès manquèrent : la poésie du xviiie  siècle n’eut pas son Buffon. […] Viens, Fanny : que ma main suspende Sur ton sein cette noble offrande… La pièce reste ici interrompue ; pourtant je m’imagine qu’il n’y manque qu’un seul vers, et possible à deviner ; je me figure qu’à cet appel flatteur et tendre, au son de cette voix qui lui dit Viens, Fanny s’est approchée en effet, que la main du poëte va poser sur son sein nu le collier de poésie, mais que tout d’un coup les regards se troublent, se confondent, que la poésie s’oublie, et que le poëte comblé s’écrie, ou plutôt murmure en finissant : Tes bras sont le collier d’amour !

2363. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Aucune vertu ne vous a manqué, même dans vos anarchies et dans vos corruptions, excepté la vertu qui fait les peuples, l’unité dans la volonté d’action ; grandes personnalités, nation anarchique, mille fois moins anarchique cependant que la Grèce. […] Un allié intéressé à son indépendance comme la France lui prête, à l’Italie, ce qui lui manque, des armes, et ne menace aucune de ses nationalités.

2364. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Appelé par le hasard à formuler et à motiver en une seule nuit cette diplomatie, dont tous les liens et toutes les traditions venaient de se briser en un seul jour, je ne manquai pas d’évoquer en silence l’esprit de l’Assemblée constituante, qui avait toujours été l’âme de M. de Talleyrand tant que Napoléon avait souffert la sagesse dans ses conseils, et je me demandai, avant d’écrire le manifeste de la république au dehors, quel serait dans ce cabinet, plein de ses souvenirs et de sa supériorité, l’avis de ce grand héritier du cardinal de Richelieu, du duc de Choiseul et de Mirabeau. […] Elle ne manque pas, en Italie, en Espagne, en Afrique, au congrès de Vérone, au congrès de Laybach et ailleurs, l’occasion d’un froissement avec nous : libérale quand nous sommes absolutistes, jésuitique quand nous sommes libéraux, papale quand nous sommes tolérants, piémontaise quand le Piémont nous donne des ombrages, napolitaine sans concession quand nous désirons concilier à Naples le gouvernement représentatif avec la maison de Bourbon, illibérale et tracassière en Toscane quand le gouvernement toscan se popularise par l’esprit de Léopold et de la France ; antagonisme systématique et perpétuel qui prouve plus d’animosité contre les Bourbons que de monarchisme dans M. de Metternich, le Talleyrand autrichien.

2365. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

« Cependant, par une monstrueuse émulation des sénateurs, on vota des prières publiques dans tous les sanctuaires, des jeux annuels, des fêtes à Minerve, en commémoration du jour où le prétendu complot d’Agrippine avait été prévenu, et le jour de la naissance d’Agrippine fut mis au nombre des jours néfastes. » LIII « Pætus Thraséa, qui avait l’habitude de flétrir les bassesses ordinaires de son silence, ou de les laisser passer avec un bref et dédaigneux consentement, sortit alors du sénat, se vouant ainsi lui-même au dernier péril, sans donner aux autres le courage de la liberté. »… LIV Quelle condition du beau dans l’histoire manque dans ce récit de Tacite ? […] LX Voyez enfin l’impatience de l’affranchi qui se propose résolument pour l’exécution et pour le prix du meurtre, et la reconnaissance de Néron, tiré par ce hardi scélérat d’embarras et d’angoisses, et qui s’écrie : « Je ne règne que d’aujourd’hui, et c’est à Anicétus que je dois l’empire. » LXI Est-ce la vertu enfin, la moralité, la flétrissure, qui manquent dans ce récit de Tacite ?

2366. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Sa parole ne me manquerait pas au besoin pour dissiper les doutes de M. de Cassagnac. […] Ainsi la philosophie ascétique du député d’Arras, la ténacité froide de ses idées d’abord féneloniennes, la patience de ses utopies à attendre l’heure des applications, au milieu des premiers murmures de l’Assemblée constituante contre ses chimères démagogiques, son obstination à acquérir par un travail ingrat l’éloquence qui lui manquait à l’origine et qu’il finit par conquérir à force de veilles, sa pauvreté volontaire, sa vie d’artisan dans une maison d’artisan, sa sobriété, sa séquestration absolue du monde des plaisirs ou des intrigues, en sorte qu’il ne sortait de son entresol, au-dessus d’un atelier, que pour apparaître aux deux tribunes du peuple : tous ces détails vrais du portrait de Robespierre, détails sur lesquels j’ai trop insisté, d’après madame Lebas, n’étaient que de la fidélité et ont paru de la faveur.

2367. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Dirai-je qu’il manque à ces églogues, pour être entièrement grecques, le « je ne sais quoi » que Chénier seul a connu par un extraordinaire privilège ? […] La Cybèle orientale est dure, fixe, métallique, insensible et semble avoir moins de conscience que celle de chez nous  C’est à la Nature énorme, éblouissante et sans âme que le poète, hostile aux attendrissements, consacre, comme il devait, sa palette splendide où manquent les demi-teintes.

2368. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

… Le loisir et la place me manquent pour dresser un état du Parnasse occitanien, mais n’est-ce pas réfuter en partie la thèse de M.  […] Au xvie  siècle déjà, ainsi que de nos jours, Paris était habité surtout par des gens de province et les Méridionaux n’y devaient pas manquer.

2369. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Pour venir en aide aux jeunes écrivains, je ne conçois pas d’autre moyen que d’aider personnellement ceux qu’on aime, parce qu’on les croit originaux et forts, en répandant leurs livres autour de soi, en les défendant par la parole et la plume, en les soutenant même de ses deniers, quand on le peut sans manquer à la délicatesse. […] André Lebey Je voudrais vous répondre longuement, surtout sur le second point de votre questionnaire ; le temps me manque et je vous prie de vouloir bien excuser ce mot très bref.

2370. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Peut-être aussi le génie a-t-il manqué aux poëtes dans ce siècle si fécond en hommes supérieurs, à moins que la servitude d’une double imitation n’ait fait avorter le génie dans des jeux d’esprit. […] Il est à la fois hardi et retenu, éprouvant chaque pensée antique à l’image qu’il s’était faite de l’esprit français, et chaque tour grec ou latin à sa langue ; hardi jusqu’où l’analogie peut le suivre, jusqu’où la clarté est assurée ; retenu quand l’analogie manqué, et que l’exactitude serait un inutile sacrifice de la langue traduite à la langue de l’original.

2371. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

De même qu’il y a lieu de reprocher à Taine son manque de sensation, à Goncourt sa recherche de sensation, il faut reprocher aussi à Flaubert son absence d’imagination. […] Or partout où le commandement devient une tâche quotidienne comme dans le monde commercial et industriel, il se produit quelque chose d’analogue à la race, mais il manque toujours le grand art de l’obéissance qui chez les autres est un héritage d’un état de choses féodal et que n’autorise plus le climat de notre civilisation. » Des droits sans devoirs, un orgueil bas devant les hommes, nullement atténué par cette modestie humaine que produit la religion ou la simple conscience du monde, Nietzsche a bien vu les plaies de la société moderne, mais il ne se doutait pas qu’il allait les agrandir.

2372. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

N’est-ce pas même pour remédier à ce manque d’une langue déterminée, que Wagner a imaginé d’exposer au début de ses drames les principaux motifs dont il se servirait et le sens qu’il leur attribuait, afin de donner du moins à ses auditeurs le vocabulaire spécial nécessaire à l’intelligence de l’œuvre qu’il leur présentait ? […] Et nous l’avons, cette mélodie, qui n’est pas celle de Bellini : musiciens ou non musiciens, apprenons ceci de Wagner, l’expression, et, là où elle manque, le silence.

2373. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Vaine pâture, roman manqué mais tout pénétré de parfums doux et amers de poème me frappait d’un étonnement qui espère, d’une attente de joie. […] Et chez lui — coïncidence heureuse — les deux qualités ont les mêmes limites : il lui manque l’image belliqueuse et triomphante bruyamment ; et son orchestre n’a pas de cuivres.

2374. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Dans le demi-sommeil qui l’envahit, elle sent son Américain se remuer, s’agiter sourdement, entrer en colère pour les fautes qu’elle a faites, pour son manque d’attention, pour sa cervelle oublieuse de Française ; elle s’endort tout de même, mais au bout d’une demi-heure, d’une heure d’un silence furibond et dans lequel il se dévore, l’Américain la secoue et la réveille pour lui dire : « Si tu avais posé le cinq trois au lieu du deux trois, nous aurions gagné… Et il lui défile tout le jeu. […] » Si apaisées qu’elles soient ses mélancolies, — elles l’accompagnent plutôt qu’elles ne le poursuivent, — l’avenir inquiète Nanteuil, il a la crainte du travail pouvant manquer à sa vieillesse, d’un jour à l’autre ; voyant l’illustration de la romance, dont il vivait en grande partie, déjà abandonnée.

2375. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Enfin toute la bizarre construction des œuvres de prose et de vers, résulté de cette dispersion de la pensée, le manque de proportion d’épisodes comme la bataille de Waterloo dans les Misérables, l’air déjeté et fruste des romans et des longues légendes, trop étendus et trop brefs, sans mesure et parfois difformes. […] Que ce manque de pénétration, d’analyse, de souci des dessins, de recherche du vrai sous l’apparent, cette irritante surperficialité qui rend creux les moindres poèmes comme les plus empanachés héros, les grosses catastrophes comme la moindre tirade amoureuse, est chez M. 

2376. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Et au contraire, où le sentira-t-on, si quelqu’une de ces qualités manque ? […] Quelques gens pourroient croire d’abord que j’y manque de respect aux anciens, et j’avoüe que cela me siéroit moins qu’à aucun autre.

2377. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Mais quelles sont les questions qui font l’objet de la Métaphysique, si ce ne sont celles mêmes que le Positivisme ne saurait aborder sans manquer aux promesses de son nom ? […] Et les accusât-on d’avoir manqué de logique, il faudrait d’abord, cela va sans dire, prouver la vérité de l’accusation ; mais il faudrait aussi, et surtout, montrer comment et en quel point de leurs déductions ils se sont trompés.

2378. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Non seulement une telle science ne peut être que tronquée, mais elle manque de matière où elle puisse s’alimenter. […] Cette utilisation des expériences faites ne peut manquer d’en accélérer le développement.

2379. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

L’empereur Claude ne put faire recevoir par les Romains trois lettres qu’il avait inventées, et qui manquaient à leur alphabet. […] Elles se créèrent d’abord des noms, ensuite des verbes, et lorsque les verbes leur manquèrent, elles unirent les noms eux-mêmes.

2380. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Que manquait-il donc en ces années au poète, bien jeune encore, pour être heureux, pour vouloir vivre et aimer la vie, pour laisser son esprit courir et jouer en conversant sous des regards prêts à lui sourire, et son talent désormais plus calme, plus apaisé, s’animer encore par instants et combiner des inspirations renaissantes avec les nuances du goût ?

2381. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Il ne s’agissait plus que de justifier par ses talents cet avancement rapide, et il n’y manqua pas.

2382. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Busterback, qui est le Georget du nouveau roman, ne manque pas non plus de ressemblance ; c’est un plat original dont il s’est vu plus d’une copie.

2383. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Il manque à cet égard d’une sincérité qu’on n’a et qu’on ne peut avoir que lorsqu’on vit beaucoup avec soi-même, qu’on se consulte, qu’on s’écoute, et que le sens intime est devenu très-vif par l’exercice qu’on lui donne et l’usage que l’on en fait.

2384. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

On s’en aperçut dès le premier jour, dès les premières heures, lorsque l’armée entière s’étant ébranlée à trois heures du matin, Vandamme, une des têtes de colonne les plus importantes, se trouva en retard et manqua au rendez-vous faute d’avoir été prévenu.

2385. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Certains esprits amis de l’humanité, épouvantés de ses maux et de son délire, avaient eu recours aussi, comme le poète romain, à cette philosophie austère et sans larmes qui se pique de voir les choses comme elles sont, qui se console de la tristesse de ses résultats par l’idée de leur vérité, et qui, faisant l’homme si petit en face de la nature, et osant pourtant le maintenir dans tous ses droits, ne manque certes ni de générosité ni de grandeur.

2386. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Celle-ci est toujours correcte, propre, énergique, quelquefois un peu crue ; il y manque un certain éclat nouveau, et, si j’ose ainsi parler, une sorte de flagrance.

2387. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Il ne manque jamais de critiques circonspects qui sont gens, en vérité, à proclamer hautement un génie visible depuis dix ans ; ils tirent gravement leur montre et vous annoncent que le jour va paraître, quand il est déjà onze heures du matin.

2388. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Une nuit, il manque à son devoir de Cosaque, et s’introduit dans la place assiégée avec des vivres.

2389. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

L’esprit d’affaires ne peut se faire connaître par des signes certains, avant qu’on ait occupé de grandes places ; les hommes médiocres sont intéressés à persuader qu’ils possèdent seuls ce genre d’esprit ; et pour se l’attribuer, ils se fondent uniquement sur les qualités qui leur manquent : la chaleur qu’ils n’ont pas, les idées qu’ils ne comprennent pas, les succès qu’ils dédaignent ; voilà les garants de leur capacité politique.

2390. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Le spectateur ne fait naturellement nulle attention aux intervalles de temps dont le poète a besoin, pas plus qu’en sculpture il ne s’avise de reprocher à Dupaty ou à Bosio que leurs figures manquent de mouvement.

2391. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Il faut donc que Bourdaloue détermine exactement son objet ; il ne manque pas de le faire, et voici comme il s’y prend : N’entrons point, je le veux, chrétiens, dans la discussion de vos états ; supposons-les tels que vous les imaginez, tels que votre présomption vous les fait envisager ; voyons seulement ce qu’il y a dans ces états ou de nécessaire pour vous ou de superflu.

2392. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

., et dans lesquelles l’élégance italienne du xv[e s. donna parfois de funestes leçons à nos artistes, surtout en peinture, où les modèles anciens manquaient pour balancer et corriger cette influence.

2393. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Je sais que pour quelques-uns de ces honnêtes gens la chose s’explique naturellement : c’est à la fin, après la « conversion », qui au bon vieux temps ne manquait guère, qu’ils se sont avisés de rimer des vers édifiants ; mais il en est comme Marot et Jean-Baptiste, qui ont mené de front les deux genres.

2394. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Ce qu’on ne peut certes lui refuser, c’est d’avoir été un Inquiet, il a eu, au plus haut point ce qui a manqué à de plus grands que lui : le sentiment, le souci et souvent la terreur du Mystère qui nous entoure.

2395. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Mais c’est peut-être que je manque d’expérience.

2396. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Ils se félicitent entre eux de cet usage de faire des cadeaux aux comédiens, usage répandu parmi les villes d’Italie et auquel ne manquent guère les personnes d’un rang distingué.

2397. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Est-ce un bien ou un mal, ce manque de groupement qui la caractérise ?

2398. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Si l’on s’attache seulement à celles dont on attend un résultat immédiat, les anneaux intermédiaires manqueront, et il n’y aura plus de chaîne.

2399. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

» Que manque-t-il donc à ce livre (je n’en veux citer qu’un) des Stances de Moréas pour être un chef-d’œuvre ?

2400. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Mais il manquait l’épaule mangée par Déméter ; on lui en refit une en ivoire, que les Pélopides se transmirent : une blancheur éburnéenne marquait toujours sur leur corps l’endroit où la toreutique divine avait opéré.

2401. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Les enseignements directs, toutefois, et les rapprochements avec nous-mêmes n’y manquent pas ; ils ressortent presque à chaque page, et nous pouvons y apercevoir, sous un costume et un langage qui le déguisent à peine, notre même mal social, notre maladie morale, sinon notre remède.

2402. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Chez les sujets atteints de strabisme, l’œil le plus faible s’affaiblit progressivement par le manque d’exercice, jusqu’à perdre parfois la vision.

2403. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

» Et là-dessus il la menace, il la terrorise de ne jamais arriver, si elle ne lit pas son feuilleton, si elle n’est pas au fait de la littérature, si elle ne fait pas comme Talma, comme Mlle Mars, qui ne manquaient jamais un feuilleton important.

2404. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Si le vers manque d’une syllabe on y supplée : J’irai me plaindre J’irai me plaindre (6) Au duc de Bourbon (duque) Mais de par la musique ces trois derniers petits vers n’en forment en réalité qu’un seul de 15 syllabes : J’irai me plaindre, j’irai me plaindre au duque de [Bourbon]216.

2405. (1902) L’humanisme. Figaro

Qu’a-t-il manqué souvent aux parnassiens et aux symbolistes pour nous satisfaire pleinement ?

2406. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Ainsi, — pourvu néanmoins qu’on ne cherche pas dans des pays et dans des faits qui appartiennent à l’histoire, ces impressions surnaturelles, ces grossissements chimériques que l’œil des visionnaires prête aux faits purement mythologiques ; en admettant le conte et la légende, mais en conservant le fond de réalité humaine qui manque aux gigantesques machines de la fable antique, — il y a aujourd’hui en Europe un lieu qui, toute proportion gardée, est pour nous, au point de vue poétique, ce qu’était la Thessalie pour Eschyle, c’est-à-dire un champ de bataille mémorable et prodigieux.

2407. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Il dit qu’il avoit juré de ne jamais écrire ni lire des libèles ; qu’il ne vouloit point manquer à sa parole, quoiqu’il eût été traité de scrupuleux par les plus célèbres casuistes de la maison de Sorbonne, & du collège des jésuites.

2408. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

La Beaumelle ne manqua pas de se livrer à des emportemens.

2409. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Notez bien que ce n’était pas la force qui manquait à Menjaud, c’était la patience.

2410. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

lui fait un autre reproche dans ses Lettres secrettes ; c’est de trop détailler les passions, & de manquer quelquefois le chemin du cœur, en prenant des routes un peu trop détournées.

2411. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Pourquoi donc cet étonnement, ces marques de sensibilité et tous ces signes caractéristiques de la connaissance de l’état qui a précédé et du bienfait rendu, que les peintres ne manquent jamais de donner à leur ressuscité ?

2412. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Il n’a manqué à M. 

2413. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

On ne manqua pas de crier à l’ingratitude ; et pourtant ce n’était que l’effet de cette humeur ombrageuse, pour qui le poids de la reconnaissance était même un trop pesant fardeau.

2414. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Toutefois je ne me plans point ; il faut qu’il y ait eu de ma faute : et tout à l’heure nous verrons bien où le terrain a manqué sous nos pas.

2415. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

… Elle est un cerveau brouillé et en révolte, et dont la révolte manque même de puissance.

2416. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Je n’ai pas l’honneur de connaître Mlle Bader ; mais je me figure une fille tempérante, estimable, ayant plus de moralité dans le talent que de talent même, lequel n’eut jamais, chez elle, les chaudes couleurs de la jeunesse et manqua toujours de la beauté du diable ; car la beauté du diable existe chez les femmes pour l’esprit autant que pour le visage.

2417. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Il pourrait bien laisser un studieux comme Faliés étudier tout seul… Je sais bien que ce laborieux aura toujours la ressource de l’Academie des inscriptions, pour laquelle évidemment il travaille ; mais la grande publicité, à laquelle il doit viser, lui manquera.

2418. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

là où il n’y aurait ni acteurs ni actrices parmi ces gens du monde en train de cabotiner quelque peu, le théâtre de société manquerait d’éclat comme art et comme luxe ; il serait inférieur et peu compté dans l’opinion.

2419. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

IV Voilà donc, dégagées de leur expression, qui manque d’audace, mais non de clarté pour ceux qui savent voir, les idées qui circulent et palpitent sous la peau de ce livre intitulé : Histoire de la littérature contemporaine en Angleterre 29.

2420. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

… Et, s’il doit souffrir de ce manque de gloire comme il en a déjà souffert, eh bien !

2421. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

qu’importe qu’il manque quelque chose aux petites procédures des hommes, quand la Gloire a prononcé son arrêt !

2422. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Gœthe, ce préparateur de conversation, comme on est préparateur de chimie, qui avait toujours préparé les siennes, ne disait pas un mot, ne faisait pas un geste, si ce n’est en vue des futurs souvenirs d’Eckermann et des Entretiens que ce dernier ne manquerait pas d’écrire.

2423. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Ou sa présomption de jeune homme n’alla pas jusqu’à vouloir prouver qu’il était capable d’exécuter ce que les autres avaient manqué, ou son imagination fut emportée d’un autre côté, mais toujours est-il que le vide qu’il avait creusé, il ne le remplit pas.

2424. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Pichot, c’est un esprit poétique et individuel, dont le sentiment ne manque pas de justesse dans l’appréciation de ce qui est élevé, mais dont les allures familières et trop égotistes, — comme dirait lady Morgan, — rendent l’ouvrage parfois fatigant.

2425. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Or, l’Histoire de la tolérance religieuse, publiée sous une république intolérante, ne manquerait, certes !

2426. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Le didactisme des livres a toujours manqué à Michelet, qui n’a ni logique dans l’esprit, ni continuité d’impression… C’est un Sibyllin.

2427. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

À elle seule, elle est, qu’on me passe le mot puisqu’il manque à la langue française !

2428. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Mais, dès qu’il s’en allume une, M. de Mouy, comme les bedeaux qui éteignent les cierges dans les églises, ne manque jamais de planter dessus l’éteignoir d’une observation, et, quelquefois, d’une petite critique… « Mon cher fils, mon cher Roi, mon cher Stanislas-Auguste, — écrit un jour Madame Geoffrin, — vous voilà trois personnes en une seule et vous êtes ma Trinité ! 

2429. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Et elle n’y manqua pas.

2430. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Il y est, poussant dans cette pente les intelligences restées chrétiennes et faisant razzia d’elles, que manqueraient les livres des philosophes, s’ils étaient seuls, et les y poussant au profit du plus terrible entraînement qui ait jamais menacé le monde chrétien !

2431. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Elle était née sans aucune mémoire, sans aucune imagination, disait-elle, et de plus parfaitement incapable de discourir avec l’entendement : mais la Prière, la Prière plus forte que toutes les sécheresses, lui donna toutes les facultés qui lui manquaient, car la Prière a fait Térèse plus que sa mère elle-même.

2432. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Prenez-les tous, et voyez si, dans l’histoire, un seul manqua jamais à cette loi organique de l’homme !

2433. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

On voit tout de suite le manque de proportion entre ces deux parties.

2434. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

Il est calme, rassis, se tenant dans une région moyenne, et pourtant il ne manque ni de lumières, ni de courage, quand il s’agit de couvrir et de défendre la souveraineté pontificale, que les conciles dont il écrit l’histoire attaquèrent et voulurent abattre.

2435. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Elle fait comprendre, en le montrant, cet être hybride et manqué, qui n’est ni un savant ni un poète, mais quelque chose des deux, cette espèce de Centaure intellectuel dont la partie inférieure n’est pas un cheval, comme le Centaure mythologique, mais une autre bête que je ne nommerai pas.

2436. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Malheureusement ce sont ces variations qui manquent dans Merlin au vieux sujet d’Ahasverus.

2437. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Le large tribut d’admiration que Balzac a payé à Beyle n’est que la reconnaissance légitime d’un légataire pour son bienfaiteur. » À notre sens, le spirituel passionne de l’Amour manque profondément de justice.

2438. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Mais l’autre (celui qu’on mange) lui manqua toujours… Triste chose, n’est-ce pas ?

2439. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Henri Heine, que, pour mon compte j’aime infiniment, quoique ce phalène des clairs de lune de l’Allemagne soit tombé et ait embarbouillé ses ailes de gaze dans la crème fouettée de Voltaire, ce fouetteur ; Henri Heine, comme les gens d’esprit, les génies et les jolies femmes n’y manquent jamais, a tourné toutes les têtes jeunes qui se croient de l’humour parce qu’elles n’ont ni raison ni suite dans les idées, mais, à la place, beaucoup de fumée de cigare sur la netteté de leur esprit.

2440. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Il semble que cette espèce de vigueur qui donne un mouvement rapide à l’esprit et du nerf aux idées, ait toujours manqué à l’Asie.

2441. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

« Jetez les yeux de toutes parts : voilà tout ce qu’a pu faire la magnificence et la piété pour honorer un héros ; des titres, des inscriptions, vaines marques de ce qui n’est plus, des figures qui semblent pleurer autour d’un tombeau, et de fragiles images d’une douleur que le temps emporte avec le reste ; des colonnes qui semblent vouloir porter jusqu’au ciel le magnifique témoignage de notre néant, et rien enfin ne manque dans tous ces honneurs que celui à qui on les rend.

2442. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Ce qui distingue Rabelais, c’est de manquer radicalement de distinction. […] Oui, l’affectation même de la vérité manquera à ce mensonge-là. […] Il manque de familiarité envers la misère et la douleur. […] on le démêle bientôt, ce qui lui manque : c’est la spontanéité créatrice, le naturel du sublime. […] René Ghil ne manquent ni d’énormité ni de mystère ; c’est de quoi me plaire infiniment.

2443. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Aussi quel singulier procès l’on fait à Victor Hugo quand on lui reproche le manque de pensées ! […] D’autres, il est vrai, manquent le but par une excessive ellipse on par une surcharge de détails. […] Celui qui ne croit pas manque d’un bel instrument : le blasphème. […] La seule heure qui sonne et manque pour nous est celle où notre cœur bat. […] Par elle nous essayons de suppléer à nos manques.

2444. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Les procédés modernes d’art que nous aimons le plus manquent à ce court récit. […] Les premiers manquaient de respect envers leur âme, les seconds manquaient de sympathie envers les grands mouvements moraux de l’humanité. […] Il manquera sa destinée pour avoir eu des facultés supérieures à son milieu. […] C’est là ce qui vous a manqué, la haine. […] Le siècle avait manqué son œuvre.

2445. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Après elle, et quand elle lui manqua, il erra quelque temps comme une âme en peine avant de savoir où se fixer. […] Tocqueville consulte Ampère sur ses lectures, sur ses écrits, sur les deux derniers volumes de sa Démocratie en Amérique, et l’ami consulté ne manque pas de trouver, contrairement au jugement du public, ces deux derniers volumes encore supérieurs aux premiers. […] C’était ce qu’on peut appeler un républicain platonique94, auquel il ne manquait rien quand il n’avait qu’à exhaler son feu dans le salon de l’Abbaye devant Mlle Swetchine ou le duc de Laval. […] Je n’ai jamais vu une réelle supériorité qui manquât à ce point de relief.

2446. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

S’agit-il de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, peu s’en faut que Daunou n’attribue bon nombre des maux qui ont éclaté depuis 89 au manque de méthode et de précision qui s’est glissé dans la Déclaration première : « Tous ceux qui avaient en France l’instinct de l’aristocratie, dit-il, sentirent le danger d’un travail de ce caractère, et, saisissant avec trop de sagacité le plus infaillible moyen d’en dégrader l’exécution et d’en énerver l’influence, ils donnèrent aux méditations du patriotisme les noms décriés de métaphysique et de spéculations abstraites, bien sûrs qu’il n’en faudrait pas davantage pour armer contre toute recherche un peu profonde, contre toute analyse un peu austère, l’impatient orgueil des esprits légers et le despotisme de l’inattention. […] Nul talent ne lui manqua davantage que celui d’improviser : si l’on excepte une ou deux occasions où il fut assez heureusement inspiré par ses affections vindicatives, tout ce qu’il a dit sans préparation n’a été que le plus insensé verbiage que l’on ait entendu sur la terre, depuis que des paroles et des phrases y sont proférées par des hommes et par des oiseaux : personne autant que lui n’a contribué à effacer parmi nous jusqu’à l’idée de la véritable éloquence des tribunes. […] S’astreignant à refuser toute position politique, il crut pouvoir se réfugier dans des fonctions administratives réputées scientifiques et littéraires : elles ne lui manquèrent à aucun moment. […] Daunou s’aperçut de ce manége ; la peur le prit : il se dit que cet homme était capable de tout, qu’il était certes bien capable d’avoir machiné ce dîner pour le perdre, de supposer tout d’un coup qu’on lui manquait de respect, qu’on l’insultait, que sais-je ?

2447. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Térence, plus poli, manque de force comique. […] Mais, si par défauts l’on doit entendre ce qui manque, les défauts de l’harmonie, pour être invisibles, n’en sont pas moins réels. […] Moi, qui fais profession de ne rien blâmer et qui m’efforce de tout comprendre, pourquoi ai-je manque de charité envers William Schlegel ? […] Je lui fis comprends qu’il manquait de conduite par ses harangues dans lesquelles il mêlait le Roi avec des citations de la Sainte-Écriture et des Pères.

2448. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

» Et Sainte-Beuve s’étonne des séides qu’il a trouvés, surtout chez les femmes, déclarant qu’il manquait absolument de nuque, d’organe à passion, et que dans la douleur de son impuissance auprès de Mme Dorval, il se roulait sur le parquet, et si désespérément, que le portier de la maison l’entendait de sa loge… Puis de Gustave Planche, il passe à Michelet dont il déclare le talent uniquement fait de grossissement des petites choses, et le contrepied absolu du bon sens, ne lui accordant qu’une originalité laborieuse et venant de la causerie de Quinet. […] Et sa véritable ambition eût été d’être joli garçon, mais j’ai rarement rencontré dans ma vie une vocation plus manquée que celle-là. […] À ce mélancolique dîner, Sainte-Beuve parle du suicide, comme d’une fin légitime, presque naturelle de la vie, comme d’une sortie soudaine et volontaire de l’existence à la façon des anciens, au lieu d’assister à la mort de chacun de ses sens, de chacun de ses organes, — et il regrette qu’il lui manque le courage de se tuer. […] Il nous parle avec une haute estime de notre étude sur Watteau, et passe à l’histoire si intéressante qui manque, à l’histoire du mobilier français.

2449. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Tout en eux respirait le manque d’éducation, et montrait l’homme du peuple prétentieux, devenu insupportable par je ne sais quel orgueil d’idéal. […] Et cette ombre de comédien, ce revenant de Shakespeare, est moribond dans une chambre, meublée d’un petit lit à bateau, et d’un fauteuil auquel il manque les deux bras, entre des murs tout couverts de ses tableaux invendus, encadrés dans des boudins dorés au cuivre, avec, au milieu de la pièce, une montagne de bois de chauffage, amenée par les annonces de sa misère. […] Chacun a dit sa préférence : l’un, une lettre ; l’autre, des cheveux ; l’autre, une fleur ; moi, un enfant : ce qui a manqué me faire jeter à la porte. […] Ils tâtonnent l’intonation, ils manquent le geste.

2450. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Georges de Porto-Riche (l’auteur de la Chance de Françoise), dans un petit livre mélancolique, élégant et sec, avec un rien de brutalité au fond : Bonheur manqué. […] Cette manière de dater ne manquait point de grâce. […] Aujourd’hui, ces gamins manquent l’école pour un oui, pour un non. […] Je ne puis analyser l’ouvrage ni en discuter le fond : la place me manque, et sans doute la compétence. […] L’argent leur manque ; ils font tous les métiers pour vivre.

2451. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Cependant il manquait un livre où les idées de Bacon fussent rigoureusement mises en lumière, découpées comme des figures sur un transparent. […] N’avoir point d’orgueil, quand on a du génie, ce serait manquer de jugement, c’est-à-dire n’avoir pas de génie, ce qui est impossible. […] Ces remarques, qui ne sont pas bien neuves, d’ailleurs, ne manquent pas d’une certaine vérité ; mais M.  […] Le terme qui manque à l’observation de M.  […] Le sens de la beauté verbale leur manque absolument.

2452. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

L’impression de l’intérieur du vieil instituteur alsacien est très vive ; rien n’y manque de ce qui peut nous raconter l’histoire de sa vie de famille et de travail, depuis le berceau jusqu’à la bibliothèque et aux collections de papillons. […] Toutefois, je reconnais qu’on a réussi à éviter le ridicule que n’eût pas manqué d’exciter une résurrection exacte des costumes de 1830. […] Cette figuration manque de grandeur et n’est pas de nature à faire sentir au public le poids dont la sainte armée devrait peser sur l’orgueil et sur la colère d’Athalie. […] Souvent il se passe dix ans, vingt ans même, pendant lesquels un groupe de pièces ne peut être remonté avec succès, par suite du manque d’un acteur d’un certain tempérament. […] Une autre cause est le manque de contrôle, partant le manque d’intérêt et de sympathie qu’offre toute manifestation individuelle et exceptionnelle de la vie.

2453. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

que lui manque-t-il ? […] Je l’ai appelée une Espagnole blonde, une Portugaise : les Antilles même, pour compléter, n’y manquent pas.

2454. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Si l’on suppose que c’est quelque Lesbie qui parle, quelque Sapho passionnée, on pourra également admirer le distique de Méléagre, dont voici le sens, privé du rhythme et de la grâce concise : « Si je regarde Théron, je vois l’Univers ; mais, si l’Univers est sous mes yeux et non pas lui, tout au contraire je ne vois rien. » Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! […] Le poëte ne manque pas de jouer sur le mot, comme ferait tout galant auteur de madrigal ou de sonnet, comme fera Pétrarque lui-même.

2455. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Encore une fois, il commença par pratiquer le roman, du temps de Mme de Chevreuse ; sous la Fronde, il essaya l’histoire, la politique, et la manqua. […] Les post-scriptum des lettres de La Rochefoucauld sont remplis et assaisonnés de ces sentences qu’il essaie, qu’il retouche, qu’il retire presque en les hasardant, dont il va peut-être avoir regret, dit-il, dès que le courrier sera parti : « La honte me prend de vous envoyer des ouvrages, écrit-il à quelqu’un qui vient de perdre un quartier de rentes sur l’Hôtel-de-Ville ; tout de bon, si vous les trouvez ridicules, renvoyez-les-moi sans les montrer à Mme de Sablé. » Mais on ne manquait pas de les montrer, il le savait bien.

2456. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Et aujourd’hui même que le premier trouble a eu le temps de s’éclaircir et que rien ne voile plus l’étendue du vide, ce n’est pas un jugement régulier que nous viendrons essayer de porter sur celui qui nous manque tellement chaque jour et dont le nom revient en toute occasion à notre pensée. […] L’érudition de Charles Labitte y gagna un air d’agrément et presque de gaieté qui manque trop souvent à d’autres jeunes éruditions très-estimables, mais de bonne heure contraintes et comme attristées.

2457. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Si maintenant la conception générale à laquelle la représentation aboutit est poétique, mais non ménagée, si l’homme y atteint, non par une gradation continue, mais par une intuition brusque, si l’opération originelle n’est pas le développement régulier, mais l’explosion violente, alors, comme chez les races sémitiques, la métaphysique manque, la religion ne conçoit que le Dieu roi, dévorateur et solitaire, la science ne peut se former, l’esprit se trouve trop roide et trop entier pour reproduire l’ordonnance délicate de la nature, la poésie ne sait enfanter qu’une suite d’exclamations véhémentes et grandioses, la langue ne peut exprimer l’enchevêtrement du raisonnement et de l’éloquence, l’homme se réduit à l’enthousiasme lyrique, à la passion irréfrénable, à l’action fanatique et bornée. […] Si le sentiment d’obéissance a pour racine l’instinct de la discipline, la sociabilité et l’honneur, vous trouverez comme en France la parfaite organisation militaire, la belle hiérarchie administrative, le manque d’esprit public avec les saccades du patriotisme, la prompte docilité du sujet avec les impatiences du révolutionnaire, les courbettes du courtisan avec les résistances du galant homme, l’agrément délicat de la conversation et du monde avec les tracasseries du foyer et de la famille, l’égalité des époux et l’imperfection du mariage sous la contrainte nécessaire de la loi.

2458. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Ce caractère religieux manque aux chants guerriers de Tyrtée. […] Je ne manquerai de rien.

2459. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

La pensée, l’unité, la politique, la résolution, tout leur manquait. […] Sa mémoire elle-même est un problème qui fait craindre à l’historien de manquer de justice ou de réprobation en la jugeant.

2460. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

N’ayez pas peur, Bartholomeo, mon compère ; l’argent, s’il en faut, ne vous manquera pas, le crédit non plus ; je suis l’ami du camérier du duc ; les juges de Lucques ne peuvent pas exécuter un de leurs arrêts sans moi ; le chef de la police du duché a épousé la fille de ma sœur ; tous les sbires de la campagne sont sous mes ordres ; c’est moi qui préserve contre les braconniers les chasses du souverain ; on m’aime et l’on me craint partout, là-haut et là-bas, comme un grand inquisiteur des forêts du duché. […] Les deux enfants revinrent bientôt, chargés de plus d’herbes et de feuilles qu’il n’en fallait pour les cinq brebis et les trois chèvres ; mais la liberté manquait aux pauvres bêtes : elles nous regardaient et semblaient nous demander de l’œil pourquoi nous ne les laissions plus brouter et bondir à leur fantaisie dans le ravin et sur le rocher.

2461. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Premièrement, le petit chien Zampogna fut tout à fait guéri de sa jambe coupée et commença à japper un peu de joie autour de nous en gambadant sur ses trois pattes, devant la porte, comme pour me dire : Maître, sortons donc et allons chercher ceux qui manquent à la maison ; je puis à présent te servir et te conduire comme autrefois ; fie-toi à moi de choisir les bons sentiers et d’éviter les mauvais pas ; et il s’élançait sur le chemin qui descend vers Lucques comme s’il eût compris que ses deux amis étaient là-bas ; puis il revenait pour s’y élancer encore. CCXIII Secondement, le père Hilario remonta péniblement et tout essoufflé par le sentier de la ville au couvent, et, jetant sa double besace pleine comme une outre sur la table du logis : — Tenez, nous dit-il, voilà l’aumône de la semaine pour le corps ; le prieur m’a dit de quêter d’abord pour vous comme les plus misérables ; le couvent ne manque de rien pour le moment, grâce aux pèlerinages de la Notre-Dame de septembre, qui va remplir les greniers de farine et les celliers d’outres de vin.

2462. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Il ne manquait à son esprit que cette grâce, mais cette grâce eût été en même temps son silence. […] Il ne manquait à cette famille, parvenue au sommet de l’importance et du crédit par la richesse et par la faveur, qu’une alliance illustre qui les naturalisât dans l’aristocratie européenne.

2463. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Douant ses personnages de perspicacité, de puissance raisonnante, de rectitude déductive, retranchant de leur âme toute passion et tout désordre, il leur assigne une recherche, la fait entreprendre, poursuivre, manquer, jusqu’à ce que la solution soit dardée dans leur cerveau par quelque foudroyant coup de logique. […] Si l’amour sain, doux et heureux manque aux écrits de Poe, on n’y trouve pas non plus, malgré leur diabolisme et leur cruauté, leurs monstres et leurs grotesques, l’élément qui accompagnent les grylles de toutes les époques, l’obscénité.

2464. (1772) Éloge de Racine pp. -

Mais pour faire sentir tout ce que Racine n’a dû qu’à lui-même, et tout ce que nous ne devons qu’à Racine, ne suis-je pas forcé de rappeler tout ce qui a manqué à Corneille ? […] Les exemples ne me manqueraient pas sans doute.

2465. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Je le dirais encore, et, si l’on pouvait faire à pareille condition un tel vœu de pèlerinage, ce sont les jambes qui me manqueraient aujourd’hui plus encore que la volonté et le désir.

2466. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

La sécurité manquait à ce régime ; on en avait conscience ; l’opinion publique était démoralisée, et les conspirations (même sans se lier entre elles) s’essayaient déjà de toutes parts.

2467. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Il a raconté ainsi cet assaut qui manqua, mais qui amena la reddition le lendemain : Rien de plus terrible que l’assaut où j’ai été blessé en passant par un créneau : mes carabiniers me soutenaient en l’air ; d’une main j’embrassais le mur, je parais les pierres avec mon sabre, et tout mon corps était le point de mire de deux retranchements dominant à dix pas.

2468. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Pour plus d’éclaircissement, je prendrai un exemple dans un genre voisin et fraternel : s’il en était en ceci de la peinture comme de la poésie, si la quantité de nouveaux peintres et paysagistes qui se produisent chaque année n’arrivait pas aux yeux du public, s’ils restaient chacun avec son œuvre à l’ombre de son atelier, combien ils auraient lieu de se plaindre de cette condition ingrate, de cet isolement, de ce manque de place et de lumière au soleil !

2469. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Que manquait-il donc à ce brillant esprit, à cet esprit de haut vol, si plein de vues et même d’éclairs de bon sens sur toutes choses, pour être un vrai génie et pour mériter d’être salué de ce nom ?

2470. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Est-ce que, la révolution finie, à l’avènement de l’Assemblée constituante à Paris, il a manqué un cheveu à une tête, une borne à un héritage, un grain de sable au champ du plus riche ou du plus pauvre des citoyens, une patrie à un innocent ?

2471. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Son ode sur le serment du Jeu de Paume, avec ses 22 strophes de 19 vers, toutes identiques par la succession des mètres, et présentant toutes le même dessin compliqué, est une pièce massive et manquée, comme l’ode à l’Hôpital.

2472. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Non seulement le style, mais l’harmonie, le mouvement, l’imagination lui manquent.

2473. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Isabelle reproche au capitaine son manque de foi et trouve moyen de contenter son ressentiment.

2474. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Dans notre civilisation où la question de fortune joue un rôle prépondérant, une richesse considérable est l’épine dorsale de beaucoup d’énergies, tandis que le manque de fortune en réduit beaucoup d’autres à l’impuissance.

2475. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Pour ce qui est de mes compagnons, je ne sais ce qu’il en advint, mais pour ce qui est de moi, je me vis, à mon grand regret, en raison de l’heure tardive, obligé de décliner l’offre, car mon travail exigeait que je fusse debout au point du jour, et ma seule préoccupation était, pour réintégrer mes pénates lointaines, de ne pas manquer le dernier omnibus.

2476. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Ce monde odieux ne pouvait manquer de peser fort lourdement sur les âmes tendres et délicates du nord.

2477. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Mais, pour plaire à certains Esprits, devions nous manquer au Public & à l’équité ?

2478. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Anacréon dit quelque part qu’il y a un petit signe, un je ne sais quoi auquel on reconnaît les amants : ce je ne sais quoi manque à M. 

2479. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Autrement le concert manque avec les plus riches éléments, et les beaux génies eux-mêmes courent risque de se dissiper.

2480. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Les sérénités absolues pourraient, à de certains moments, être inquiètes du manque de moyens de l’infini !

2481. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Il nous apprend « que toutes choses ne sont pas dans le monde comme elles devraient l’être. » Il nous assure que lorsque le peuple aura le suffrage universel, « les enfants ne demanderont plus à leurs pères le pain qui leur manque et que le vieillard rassasié de jours se réjouira dans le pressentiment intime et mystérieux d’un nouveau printemps et d’une nature nouvelle. » Les seules idées qui aient un peu de corps dans ces écrits sont celles qu’il emprunte à l’école socialiste, école plus riche en penseurs que l’école démocratique, et qui précisément à cette époque commençait à s’allier à elle.

2482. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Ce qui manqua surtout à l’épanouissement du drame social, ce fut une scène et un public.

2483. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Ce qu’écrit Isidore dans ses origines sur les dix accens des romains ne supplée pas au traité de Priscien qui nous manque.

2484. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Avec quelle mine on manque de cervelle ?

2485. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Aussi ne chasse-t-il jamais de compagnie ; pas un ne l’a vu tirer, donc pas un ne l’a vu manquer.

2486. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Et nous ne manquons pas d’envisager Montesquieu comme le théoricien matérialiste ou fataliste des législations.

2487. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Sainte-Beuve a très bien indiqué ce qui lui manquait.

2488. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

N’entendez-vous pas déjà répéter de tous les côtés, et jusque dans nos chaires publiques, que nos grands écrivains du siècle de Louis XIV ne furent pas à leur aise dans les institutions de leur temps, que leur génie a manqué d’indépendance et de liberté, qu’ils ont imposé à la langue et à la littérature nationale des entraves dont elles gémissent, qu’ils nous ont mis à l’étroit dans leurs pensées trop circonscrites ?

2489. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Du reste, en y réfléchissant, il n’était pas facile à faire, ce livre sur Byron, que voilà manqué !

2490. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Elle était née sans aucune mémoire, sans aucune imagination, disait-elle, et de plus parfaitement incapable de discourir avec l’entendement ; mais la Prière, la Prière plus forte que toutes les sécheresses, lui donna toutes les facultés qui lui manquaient ; car la Prière a fait Térèse, plus que sa mère elle-même : « Je suis en tout de la plus grande faiblesse, — dit-elle, — mais, appuyée à la colonne de l’Oraison, j’en partage la force. » Malade, pendant de longues années, de maladies entremêlées et terribles qui étonnent la science par la singularité des symptômes et par l’acuité suraiguë des douleurs, Térèse, le mal vivant, le tétanos qui dure, a vécu soixante-sept ans de l’existence la plus pleine, la plus active, la plus féconde, découvrant des horizons inconnus dans le ciel de la mysticité, et, sur le terrain des réalités de ce monde, fondant, visitant et dirigeant trente monastères : quatorze d’hommes et seize de filles.

2491. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Ardent comme les Covenantaires des romans de Walter Scott, mais moins puritain, moins dur et moins farouche, ce dernier venu dans le protestantisme, qui a manqué son siècle et qui est tombé dans celui de l’athéisme et de la philosophie sans s’y briser, avait fait longtemps, dit-on, des missions protestantes, dans les montagnes et aux paysans de la Suisse, sous l’inspiration et sous la pression de son Saint-Esprit particulier.

2492. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

De son vivant, il aimait à s’appeler le Philosophe inconnu, et il a bien manqué de sombrer sous ce nom-là dans la mémoire des hommes, puni justement d’ailleurs, par l’obscurité, de tous ces petits mystères de secte dans lesquels il avait comme entortillé sa pensée.

2493. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Il n’y a pas manqué.

2494. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Mais si le livre est littérairement manqué, l’homme qui l’a écrit a des facultés littéraires quelquefois puissantes, souvent délicieuses, lorsqu’il échappe à quelques affectations de style retrouvées ici et là dans des phrases trop coquettes, et qui sont (ces affectations) la conséquence forcée de l’exquisité voulue, du trop de raffinement dans la conception et dans les sentiments.

2495. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Observent-ils les effets étonnants de l’aimant mis en contact avec le fer ; ils ne manquent pas, même dans ce siècle de lumières, de décider que l’aimant a pour le fer une sympathie mystérieuse, et ils font ainsi de toute la nature un vaste corps animé, qui a ses sentiments et ses passions.

2496. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Aussi Gandar n’y manque-t-il pas, et il écrit de là à sa mère avec un redoublement d’effusion et de tendresse : « (Ithaque, 20 août 1848.) — Je n’ai jamais été plus seul, ma bonne mère, et jamais je ne me suis senti plus près de vous. […] — Je continue l’intéressante confidence : « Les secours ne m’ont pas tout à fait manqué dans le cours de mes recherches. […] La vivacité pouvait manquer à Gandar dans les allures, dans la manière de s’exprimer, dans les actions et les démarches, dans les résolutions même ; mais il concevait et travaillait vite.

2497. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

L’ambassadeur mort (octobre 1722), Mlle Aïssé revint loger chez Mme de Ferriol, qui manqua de délicatesse jusqu’à lui reprocher les bienfaits du défunt. […] Elle n’a point manqué jusqu’ici à l’ombre aimable d’Aïssé, et chaque jour elle se perpétue en silence. […] Les provisions de bouche étaient faites en vue de ces éventualités, et la cuisine de Mayac était renommée ; mais la place manquait pour loger et coucher convenablement tous ces hôtes.

2498. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Mais l’exemple n’en a que plus de valeur ; ce qui a pu exciter dans un esprit naturellement distingué tant d’idées saines, tant de sentiments nobles, ne manquera pas, à coup sûr, de les propager dans un grand nombre d’autres esprits. […] On le comprend toutefois, pour atteindre jusqu’ici à toute sa destinée, soit politique, soit littéraire, pour remplir, comme on dit, tout son mérite, qu’a-t-il manqué à une supériorité si constante ? […] « De, nos jours ; disait un railleur, Jurieu aurait fini par souper à la guinguette avec Chaulieu, et Fénelon n’aurait pas manqué de filer un système humanitaire avec Ninon. » 221.

2499. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Comme il était courageux et batailleur, il n’eût pas manqué une barricade et eût fait de la prison autant qu’aucun autre. […] Chacun pour soi, et par conséquent chacun contre tous, voilà l’individualisme… Edmond Schérer et d’autres ont dédaigneusement reproché à Louis Veuillot de manquer de philosophie, de n’être point un « penseur ». […] Et, en effet, si je consulte là-dessus ma propre expérience, je sens très bien que ce que les classiques de l’antiquité ont insinué et laissé en moi, c’est, en somme, le goût d’une sorte de naturalisme voluptueux, les principes d’un épicurisme ou d’un stoïcisme également pleins de superbe, et des germes de vertus peut-être, mais de vertus où manque entièrement l’humilité.

2500. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Un naturaliste, en voyageant du nord au sud, ne manque jamais d’être frappé de la manière dont des groupes successifs d’êtres organisés, spécifiquement distincts, et cependant en étroite relation les uns avec les autres, se remplacent mutuellement. […] Les oiseaux vivants ne peuvent manquer non plus d’avoir une importante action dans la dissémination des graines. […] En effet, si l’axe de rotation de la terre se déplace, l’équateur se déplace avec lui, et les latitudes terrestres sont variables ; mais la question ne saurait encore être décidée par la comparaison des mesures modernes avec les observations anciennes qui manquent de l’exactitude nécessaire.

2501. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Les touches de son pinceau y brillèrent aussi fines, aussi sensibles, aussi délicates, mais la conception entière manqua au livre, ce fut encore ce que les Anglais appellent un essayiste, il ne fut pas dans ces ouvrages un vrai romancier. […] Il a des parties admirables et des parties stériles comme des mémoires où l’art manque de temps en temps, mais où la vérité éclate toujours. […] Et pourtant, que lui manque-t-il ? […] « Il m’a fait beaucoup de peine aujourd’hui, reprit Lavretzky, avec sa romance manquée.

2502. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Samedi 2 février Pour l’homme qui aime sa maison, la jolie pensée de Jouffroy, que celle-ci : « Ayez soin qu’il manque toujours à votre maison quelque chose, dont la privation ne vous soit pas trop pénible, et dont le désir vous soit agréable. » Mon fait est vraiment tout exceptionnel. […] Oui, oui, c’est indéniable, les auteurs dramatiques de tous les pays depuis les plus renommés dans les anciens jusqu’à Sardou, manquent d’imagination et créent d’après les autres. […] Ça ne manque pas. […] Vendredi 19 juillet Daudet me dit, en nous promenant ce matin dans le parc de Champrosay, que j’ai manqué hier une conversation bien intéressante de Mistral : une sorte de biographie au courant de la parole.

2503. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Il vient faire une pointe sèche d’après moi, disant qu’il est très intimidé, qu’il a rêvé toute la nuit qu’il manquait mon portrait, et que pour se mettre en train — lui, qui ne fait que des femmes — il a essayé de se portraiturer lui-même. […] Tout d’abord, je suis frappé de l’art de la composition, puis bientôt du manque d’intensité des scènes. […] D…, qui a beaucoup approché Thiers, pendant la Commune, nous entretient du petit homme, dont il cite deux ou trois traits d’impolitesse et de manque d’éducation. […] Primoli cause de la Duse, l’actrice avec laquelle il vient de passer huit jours, à Venise, la Duse, l’actrice italienne, dont on m’a parlé pour jouer La Faustin à Londres ou en Allemagne, une femme à laquelle il dit qu’il manque certaines choses, mais en dépit de cela, une très grande artiste.

2504. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Je fais appel à tous ceux qui me lisent et qui ne peuvent manquer de les concevoir une fois de plus à l’occasion de cette discussion ; j’affirme, sans crainte d’être démenti, que l’image de l’homme est dans leur esprit du sexe masculin et adulte, que l’image de la rose est celle d’une rose épanouie et de couleur rose ou rouge. […] Si, au contraire, l’acte d’attention par lequel une idée nouvelle et non-sensible a été associée à une idée usuelle et sensible se répète à toute occasion, et s’il porte de préférence sur la portion non-sensible du couple ainsi formé, l’autre portion se trouve ainsi livrée à l’action destructive de l’habitude négative ; l’image s’affaiblit, l’idée se dégage de ses voiles ; le mot lui reste attaché ; mais, son évolution vers un nouveau sens étant accomplie, désormais il possède une signification nette, simple, sans équivoque, et, s’il n’était pas déjà, dans sa première acception, un signe arbitraire, maintenant il ne peut manquer d’avoir cette qualité, avec la conséquence qu’elle entraîne, l’impartialité, d’abord parce qu’il a changé de sens, ensuite parce que, étant un son, il ne peut ressembler, même de loin et par hasard, à une idée non-sensible. […] C’est que le signe, lui, comme tel, doit se détacher du groupe auquel il est associé ; il est comme un éclaireur au service d’une armée, toujours hors des rangs, — sa fonction le veut, — en avant, en arrière ou sur les flancs de la colonne en marche ; s’il est analogue à une portion de l’idée, l’attention spéciale dont il est l’objet enveloppe avec lui cette portion d’idée dans un même regard, et le temps manque le plus souvent pour les distinguer ; car l’attention est toujours dirigée par la loi de l’essence, et plus les essences sont semblables, plus il faut d’efforts et de temps pour en opérer le discernement. […] Toute libre invention qui n’a pas été préparée de longue date et réglée dans sa forme générale par de longs efforts d’assimilation patiente et d’examen méthodique, est condamnée d’avance à manquer le but qu’elle poursuivra.

2505. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Enfin les tropes enrichissent une langue en multipliant l’usage d’un même mot, ils donent à un mot une signification nouvèle, soit parce qu’on l’unit avec d’autres mots, ausquels souvent il ne se peut joindre dans le sens propre, soit parce qu’on s’en sert par extension et par ressemblance, pour supléer aux termes qui manquent dans la langue. […] Je ne crois pas qu’il y ait un assez grand nombre de mots qui supléent à ceux qui manquent, pour pouvoir dire que tel ait été le premier et le principal usage des tropes. […] Nous avons vu dans la cinquiéme partie de cette grammaire, que la préposition supléoit aux raports qu’on ne sauroit marquer par les terminaisons des mots ; qu’elle marquoit un raport général ou une circonstance générale, qui étoit ensuite déterminée par le mot qui suit la préposition : or, ces raports ou circonstances générales sont presque infinies, et le nombre des prépositions est extrèmement borné ; mais pour supléer à celles qui manquent, on done divers usages à la même préposition. […] Par la même figure (…) signifie encore manquer (…) être tel que les autres aient besoin de nous. « les thébains, etc. » Cornelius Nepos dit encore que Ménéclide jaloux de la gloire d’Epaminondas, exhortoit continuèlement les thébains à la paix, afin qu’ils ne sentissent point le besoin qu’ils avoient de ce général. (…). […] Les savans ont observé de pareilles diférences entre plusieurs autres mots, que les jeunes gens et ceux qui manquent de gout et de réflexion regardent come autant de synonimes.

2506. (1913) Poètes et critiques

Cette langue nette, brève, réduite au minimum de l’expression, ravit d’aise le lecteur lettré ou quelques spectateurs de choix ; la foule n’a pas le temps de s’échauffer ; l’amplification lui manque ; il lui faut des redites ; elle ne fait qu’une bouchée de ce style très pur et très sûr, de qualité un peu trop rare. […] Les critiques universitaires ne manquent pas ; le plus qualifié d’entre eux, le mieux armé, le plus ardent, le plus persuasif, le plus dominateur a fait école ; prophète d’une nouvelle loi, d’une loi plus conforme qu’on ne le croit aux traditions anciennes, M.  […] Surtout, peut-être, il lui manque ce sentiment du tragique de l’existence humaine sans lequel il n’y a ni très grand poète, ni profond penseur, ni véritable croyant. » Toute la page est parfaitement belle, et de cette beauté, si rare de nos jours, celle des fortes convictions. […] Giraud n’a pas manqué de la reprendre, après les conférences, pour expliquer très nettement l’étendue et la profondeur de sa déception. […] Quel est le mot qui manque ?

2507. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Bref, de décadi en primidi, de primidi en duodi, de contre-temps en contre-temps, le mariage avec Charlotte, qui est coquette, ne peut manquer de se défaire, le héros d’ailleurs étant lui-même assez volage et très-irrésolu. […] Depuis Émile, en effet, les plans d’éducation n’ont pas manqué ; ils ont redoublé dans ces derniers temps, ou du moins les plaintes contre l’éducation et la situation particulièrement des femmes, se sont renouvelées avec une vivacité bruyante.

2508. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Hennin de lui épargner les voyages inutiles à Versailles ; car il les fait à pied, il s’en revient de nuit ; et quand la lune lui manque et que la pluie le prend, il s’embourbe dans les chemins, il tombe, et n’arrive que trempé et brisé ! […] Si ce peintre harmonieux manquait, on chercherait vainement ailleurs une impression pareille, soit dans Jean-Jacques, soit dans Chateaubriand.

2509. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Mon cœur décida : je courus après elle, je la rejoignis bientôt et je lui dis : « “Ma mère n’a pas seulement mis dans mon chariot du linge pour ceux qui en manquent, elle y a joint aussi diverses provisions qui sont là dans les coffres ; je veux remettre tout cela entre tes mains ; je suis plus sûr que, de cette manière, ses intentions seront bien accomplies ; car tu partageras ces provisions avec discernement, au lieu que moi je serais obligé de m’en rapporter au hasard. — Je les partagerai avec conscience, répondit-elle ; elles réjouiront celui qui est dans le besoin.” […] « Herman soutient d’un bras robuste et avec précaution la jeune fille penchée sur lui ; mais, comme elle ne connaît ni le chemin ni ses sentiers difficiles, elle fait un faux pas ; le pied lui manque et craque légèrement.

2510. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

La tête ne trouvait pas les bras à son service ; les tribuns ne manquaient pas, mais les armées manquaient aux tribuns.

2511. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Il y a dans la musique une langue sans paroles, qui permet à ceux qui l’exercent ensemble de tout dire sans rien exprimer ; le sentiment vague et passionné de la voix ou de l’instrument, qui s’adresse à tous, ne peut offenser personne en particulier, mais il peut, au gré de celle qui l’entend, s’interpréter comme un hommage timide ou comme un soupir brûlant, auquel il ne manque que son nom pour devenir un aveu ; deux regards qui se rencontrent dans ce moment d’extase musicale achèvent la muette intelligence ; de là à une passion mutuelle, devinée ou avouée, il n’y a qu’un moment d’audace ou un moment de faiblesse. […] Cette beauté seulement, qui n’était pas encore accomplie par l’âge, manquait de cette virilité que donnent les années.

2512. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Pour que l’œuvre gigantesque de Wagner soit facile à des oreilles françaises, il n’a manqué au génie allemand qu’un séjour plus prolongé en France. […] L’instrumentation me semble aussi quelque peu à désirer : mais on pourra remédier à cet inconvénient, les membres de la Ligue de Patriotes et ceux de Jockey-club n’auront qu’à apporter les fifres et les tambours qui manquent. — Quant à la mise en scène, peut-être ne nous semblera-t-elle pas suffisante.

2513. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Les Bureaux d’esprit & les Cafés ont retenti d’anathêmes & de malédictions contre le Téméraire qui osoit manquer ainsi de respect aux Dieux de la Littérature. […] Si l'unité d’esprit, de systêmes, & de style, force les moins habiles à n’y reconnoître qu’une seule main, on se retourne d’un autre côté ; on attribue l’Ouvrage à un Habitué de Paroisse, qui, malheureusement pour ceux qui veulent lui faire honneur de mon travail, est mort il y a près de trois ans ; car pour rendre la chose vraisemblable, on n’auroit pas manqué de lui attribuer, aussi les augmentations faites depuis, & qui n’annoncent pas une plume différente.

2514. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

on a joui du plaisir de se le faire ; quand on a fait sa fortune, on est sûr que sa femme, que ses enfants ne manqueront de rien ; tout cela, c’est assez.

2515. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Ce jugement sur Villeroi est injuste et, je dirai, vulgaire : Richelieu, en ses Mémoires, a porté sur Villeroi un jugement tout autrement équitable, et qui, sans grandir le personnage, sans lui rien accorder de ce qu’il n’a pas, et en reconnaissant qu’il manquait d’une certaine générosité dans les conseils, le classe à son rang comme homme habile et des plus entendus aux choses de gouvernement.

2516. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Frochot est zélé, dévoué, tout entier à son œuvre d’exécution et d’obéissance intelligente, animé d’un sentiment personnel d’humanité dans les réformes qui tiennent à l’assistance publique, au régime des prisons, paternel et plein de sollicitude pour les établissements d’instruction publique avant la création de l’Université, bienveillant pour les personnes, attentif aux talents naissants ; en un mot, doué de vertus, mais, on l’entrevoit, un peu faible : le nerf, on le pressent, le jour où il en aura besoin, est ce qui lui manquera.

2517. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Homère n’est aujourd’hui tout Homère que parce qu’il n’a pas manqué de son Aristarque.

2518. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Ici tout renseignement nous manque.

2519. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Aucun peuple, donc, n’a réuni pour la poésie autant d’avantages que les Grecs ; mais il leur manquait ce qu’une philosophie plus morale, une sensibilité plus profonde, peuvent ajouter à la poésie même, en y mêlant des idées et des impressions nouvelles.

2520. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Si vous leur inspiriez un instant de nobles desseins, le courage leur manquerait pour les accomplir.

2521. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Dans les situations communes de la vie, on se fait illusion sur son propre mérite ; mais un sentiment actif fait découvrir à l’ambitieux la mesure de ses moyens, et sa passion l’éclaire sur lui-même, non comme la raison qui détache, mais comme le désir qui s’inquiète ; alors, il n’est plus occupé qu’à tromper les autres, et pour y parvenir, il ne se perd pas de vue ; l’oubli d’un instant lui serait fatal, il faut qu’il arrange avec art ce qu’il sait, et ce qu’il pense, que tout ce qu’il dit ne soit destiné qu’à indiquer ce qu’il est censé cacher : il faut qu’il cherche des instruments habiles, qui le secondent, sans trahir ce qui lui manque, et des supérieurs pleins d’ignorance et de vanité, qu’on puisse détourner du jugement par la louange ; il doit faire illusion à ceux qui dépendent de lui par de la réserve, et tromper ceux dont il espère par de l’exagération.

2522. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

On ne saurait manquer d’associer La Fontaine dans cet éloge.

2523. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

On peut l’avouer sans manquer à la courtoisie.

2524. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Le pauvre homme n’en avait guère personnellement ; mais ses bruyants admirateurs n’en manquent pas, il faut le reconnaître, et, grâce à eux, la langue française est en train de devenir un adorable bafouillis de nègres.

2525. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Après quelques velléités de résistance, l’individu ne peut manquer de se soumettre, « Pour amener l’individu à se soumettre de son plein gré, il n’est nécessaire de recourir à aucun artifice ; il suffit de lui faire prendre conscience de son état de dépendance et d’infériorité naturelles — qu’il s’en fasse par la religion une représentation sensible et symbolique ou qu’il arrive à s’en former par la science une notion adéquate et définie116. » La science sociologique assumera donc la même fonction qu’ont assumée jusqu’ici les religions ; elle courbera l’individu devant la société.

2526. (1890) L’avenir de la science « XXI »

La règle lui manque, il est vrai : c’est un taillis épais et luxuriant, où l’art n’a point encore dessiné des allées.

2527. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

La vivacité extrême avec laquelle il s’exprimait sur leur compte ne pouvait manquer de lui susciter des embarras.

2528. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Avec l’extrême activité d’esprit qui a toujours caractérisé les Juifs, une telle institution, malgré les rigueurs arbitraires qu’elle comportait, ne pouvait manquer de donner lieu à des discussions très animées.

2529. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Ce passage ne faisait point d’abord partie de l’évangile de saint Jean ; il manque dans les manuscrits les plus anciens, et le texte en est assez flottant.

2530. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Un petit événement, comme l’entrée d’un étranger quelque peu célèbre, ou l’arrivée d’une bande de provinciaux, ou un mouvement du peuple aux avenues de la ville, ne pouvait manquer, dans les circonstances ordinaires, d’être vite ébruité.

2531. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Le toucher est le sens le plus général ; il est probable même qu’il ne manque à aucun être doué de sensibilité, et son importance intellectuelle est grande.

2532. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Elle ne manquait d’aucun moyen de l’être ; elle le fut, et au suprême degré.

2533. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Les portes rouvertes, deux cadavres étalés sous les yeux du peuple ; devant eux, le meurtrier arborant son glaive : rien ne manque à cette copie vengeresse.

2534. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

On a prétendu qu’ils étoient mariés secrettement, qu’il n’avoit manqué à leur contrat de mariage que la célébration.

2535. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

On convient que les vers du philosophe couronné manquent quelquefois de soin & de fini ; qu’ils n’atteignent pas toujours à notre coloris François : mais, en récompense, il les a remplis d’idées, de grandes vues, de morceaux très-poëtiques.

2536. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Guizot, qui n’a pas craint de défendre en beaucoup de circonstances la cause de l’Église catholique, se croit aussi le droit de signaler dans la conduite de cette Église ce qu’il appelle « un certain manque de clairvoyance religieuse autant que de prudence politique », et il reconnaît que, « tant que le gouvernement de l’Église n’aura pas accepté et accompli cette œuvre de conciliation, les amis de la liberté auront sujet et raison de se tenir envers ce gouvernement dans une réserve vigilante, au nom des principes moraux et libéraux qu’il désavoue. » Cette défiance toutefois n’est autorisée qu’envers une seule Église.

2537. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Un monstre horrible nous ferait sécher de frayeur ; un misérable que nous ne pourrions soulager, nous déchirerait les entrailles : mais ce monstre et ce malheureux, en peinture, l’un fût-il plus effrayant que l’hydre de Lerne, et l’autre plus à plaindre que Bélisaire, ne sauraient manquer de faire un plaisir très grand aux spectateurs, s’ils sont tracés par une main habile ; et voilà pourquoi Boileau a si bien dit après Aristote : Il n’est point de serpent ni de monstre odieux, Qui, par l’art imité, ne puisse plaire aux yeux.

2538. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

Il a fallu insister sur ce point, parce qu’il n’y a pas si longtemps qu’on a compris la grande différence qu’il y a entre l’historien littéraire et le critique ; parce que, jusqu’aux dernières années du dernier siècle, les historiens littéraires croyaient avoir mission de critique et réciproquement ; parce que telle histoire de la littérature française, celle de Nisard, est tout entière œuvre de critique et comme histoire littéraire n’existe pas, de telle sorte que l’auteur n’a rien fait de ce qu’il devait faire et a fait tout le temps, et du reste d’une manière admirable, ce qu’il devait ne pas faire du tout ; si bien encore que son livre, absolument manqué comme histoire littéraire, reste tout entier debout comme recueil de morceaux de critique.

2539. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

L’idée, la préoccupation, la volonté, l’obstination d’être littéraire, le bas-bleuisme enfin, qui contient tout cela, n’ont jamais manqué, sans nulle exception, de gauchir et de diminuer le talent, dans la femme, qui en a le plus ; et ils gâteraient le génie lui-même, — comme hélas !

2540. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Il faut le citer pour donner une idée de cette correcte et insignifiante manière, qui ne manque absolument que… de tout, en croyant ne rien oublier.

2541. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Elle été sentie pourtant à la Vie Parisienne ; mais elle l’a été précisément pour ce qui manque à l’Orpheline, — la gaîté du trait et son risque heureux.

2542. (1915) La philosophie française « I »

La place nous manque ici pour parler de l’école théologique.

2543. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

L’éclectisme n’y a pas manqué, et c’était son droit.

2544. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Les défauts qui tiennent à la nature, sont quelquefois piquants ; les beautés qu’on emprunte sont presque toujours sans effet : il y manque pour ainsi dire l’assortiment et l’ensemble.

2545. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Des listes de ces suicides ou réels ou apparents se conservaient ; et un scoliaste grec nous en offre encore une, où manque précisément le nom de Sapho.

2546. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Lorsque, séparé du corps, tu viendras dans le milieu libre de l’air, tu seras dieu impérissable, incorruptible, non plus soumis à la mort. » Quelle que soit l’élévation de cette morale, on sent cependant ce qui peut y manquer.

2547. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Lorsqu’une imagination prompte et brillante manque à ces hommes littéraires, la conscience ne saurait leur manquer, leur âme reste supérieure à leur talent. […] Le temps lui a manqué pour compléter ce magnifique enchaînement, mais son plan a été assez souvent tracé devant ses amis pour que des mains pieuses et fidèles soient en mesure de distribuer, dans l’ordre voulu par le maître, les colonnes et les bas-reliefs qu’il a lui-même sculptés. […] Aussi l’art moderne manque-t-il de ce calme, de cette harmonie, de cette admirable ordonnance, de ces proportions irréprochables, de cet ensemble rationnel qui constituent le beau. […] En conservant une mesure, une cadence, un rythme, quelques-unes des qualités de la musique qui manquent à la prose, elle reste plus semblable à ce qui est vivant et par conséquent plus parfaite. […] Depuis Rabelais jusqu’à Voltaire, tous n’ont obtenu le privilège de manquer impunément de respect aux grandes choses qu’en se faisant les humbles courtisans des personnes les moins respectables.

2548. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Les écrivains non plus, en vers et en prose, ne manquaient pas. […] Vous manquez de l’esprit rabbinique, ma chère Viviane. […] Un cardinal osait dire qu’il eût manqué quelque chose à la perfection du dogme si Aristote n’avait point écrit. […] Quant au populaire, il n’avait pas manqué, non plus, de se faire un Virgile à sa mode. […] Le mystère ne manquait pas non plus à cette initiation sacerdotale que Wolfgang s’était préparée à lui-même.

2549. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

On ne manquera pas de répliquer que les substantifs & les adjectifs étant deux especes différentes de noms, il n’est pas surprenant qu’on distingue les uns des autres ; mais que cette distinction ne prouve point que ce soient deux parties d’oraison différentes. […] Ce qui manque à l’impératif, l’usage le supplée par le subjonctif ; & ce que les rudimens vulgaires ajoutent à ceci, comme partie du mode impératif, y est ajouté faussement & mal-à-propos.

2550. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Comme elles demeuraient fort près de mon couvent, je m’en retournais ordinairement à pied, et il ne manquait pas de me donner la main pour me conduire jusque chez moi. […] Sa Julie n’est qu’une prêcheuse, et sa Claire elle-même, qu’il a voulu faire sémillante et gaie, n’est qu’un rhéteur, qui manque de légèreté. […] Le docteur Moreau ne manque pas de prendre au pied de la lettre cette dénomination ironique, et de considérer le génie comme une simple variété de la folie. […] Ceux qui sont sous le coup de l’excitation, naturelle ou artificielle, ont des idées, mais interrompues, éparses, fugitives : ce qui y manque, c’est le lien, la suite. […] Mais ce qui manque, en général, dans presque toutes ces œuvres si remarquables d’ailleurs des divers peintres anglais, encore une fois c’est l’idéal.

2551. (1896) Le livre des masques

Tel son système de vers français basés sur l’accent tonique ; il est vrai que le résultat, souvent manqué, car les langues ont, elles aussi, une logique assez impérieuse, était parfois heureux et inattendu avec des « hexamètres » comme celui-ci. […] Aux uns les mouvements du vulgaire semblent négligeables, peut-être parce qu’ils manquent de cet esprit de généralisation philosophique qui élève à la hauteur d’une tragédie l’aventure la plus humble. […] Ses livres par ce moyen lui auraient acquis une popularité, qui certes lui manque, car si peu d’écrivains sont aussi estimés, peu, parmi ceux dont le talent est évident, sont moins répandus et moins sur les tables. […] Il faudrait donc comparer les femmes entre elles, exclusivement, les juger comme des femmes et ne pas les mépriser pour ce qui leur manque d’égoïsme ou de personnalité : ce défaut, hors de la littérature et de l’art, est généralement estimé à l’égal d’une vertu positive.

2552. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Si vous longez la mer du Nord depuis l’Escaut jusqu’au Jutland, vous vous apercevrez d’abord que le trait marquant du pays est le manque de pente ; marécages, landes et bas-fonds : les fleuves, péniblement, se traînent, enflés et inertes, avec de longues ondulations noirâtres ; leur eau extravasée suinte à travers la rive, et reparaît au-delà en flaques dormantes. […] Toute gaieté, tout agrément lui manque ; en dehors du mariage, il n’est qu’un appétit farouche, une secousse de l’instinct bestial. […] Toutes les circonstances qui ailleurs avaient adouci la séve sauvage, manquaient ici.

2553. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

» phrase qui avait manqué de lui faire perdre sa place. […] C’était rue de la Roquette, dans une chambre au haut d’un escalier, comme il n’en a jamais rencontré, un escalier où, de temps en temps, le manque de marches vous forçait à vous suspendre à la rampe. […] Nadar nous parle du besoin qu’il a de vendre l’Ermitage, de la vente qu’il a manqué d’en faire aux hôpitaux de Paris, nous dit qu’il est décidé à fonder une maison de photographie à Marseille.

2554. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Ces deux hommes d’État ont, comme vous encore, raté leur vocation, mais ils se sont résignés, l’un à être premier ministre et l’autre quasi empereur, tandis que vous manquez totalement de résignation. […] Ce qu’il fait n’est ni beau ni appétissant, en vérité, et sa personne manque du coup de foudre de la séduction. […] J’ai cet autre archaïsme de regarder comme du fumier tout ce qui manque essentiellement de beauté. […] Ce n’est pas ici le lieu et, d’ailleurs, l’attrait me manque. […] En poésie, comme en religion et en politique, tout le monde se croit docteur et manque essentiellement de docilité.

2555. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

La flèche manqua le singe, et en retombant frappa l’Indien au bras, un peu au-dessus du coude. […] Si l’un des trois éléments, sensitif, moteur et musculaire, vient à être supprimé, les deux autres continuent de vivre sans doute, mais ils n’ont plus de sens, de même qu’une phrase perd sa signification dès qu’un de ses membres vient à lui manquer. […] Si un seul des trois termes précédents vient à manquer, l’acte n’a plus lieu. […] Tous les éléments organiques du corps vont alors être atteints, parce qu’un élément indispensable à tous, l’air ou l’oxygène, va manquer dans le sang, leur milieu organique. […] En résumé, c’est donc le manque d’oxygène ou l’asphyxie qui amène la mort dans l’empoisonnement par le curare.

2556. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

L’Éléonore de Parny, naïve et facile, manque d’élévation, d’avenir, d’idéal, de ce je ne sais quoi qui donne l’immortelle jeunesse ; elle n’a jamais eu d’étoile au front. […] Mais, malgré les réserves de détail que l’on savait faire, personne alors ne se rendait bien compte de ce qui manquait foncièrement à ce style, et comment il péchait par la trame même.

2557. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Je ne fais pas ici une de ces objections banales, tant de fois répétées depuis Montaigne et Bayle, et où l’on cherche à établir par quelques divergences ou quelques équivoques que certains peuples ont manqué du sens moral. […] Je suppose qu’un homme d’esprit (c’est presque le cas d’Apollonius de Rhodes) pût attraper le pastiche du style homérique de manière à composer un poème exactement dans le même goût, un poème qui fût à Homère ce que les Paroles d’un Croyant sont à la Bible ; ce poème, aux yeux de plusieurs, devrait être supérieur à Homère ; car il serait loisible à l’auteur d’éviter ce que nous considérons comme des défauts, ou du moins les manques de suite, les contradictions.

2558. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Considérant Jésus comme l’incarnation de la vérité, Jean ne pouvait manquer de lui attribuer ce qu’il était arrivé à prendre pour la vérité. […] Si l’amour d’un sujet peut servir à en donner l’intelligence, on reconnaîtra aussi, j’espère, que cette condition ne m’a pas manqué.

2559. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Ni l’admirable Gluck à qui manqua un grand poète, et qui sentait les ailes de sa mélodie prises dans le péplum de la poésie classique, ni le sublime Beethoven, qui lutta vainement dans Fidelio contre la niaiserie de son livret, ni Weber lui-même, qui par Euryanthe cependant a fait prévoir Lohengrin, n’ont réalisé ce rêve : la dualité de la poésie et de la musique, harmonieusement absorbée dans l’unité du drame. […] Jourdain (Walther) et Mme Caron (Eva), sont d’excellents chanteurs qui manquent encore du style wagnérien ; Mme Deschamps (Madeleine), MM. 

2560. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Gounod de « musique de lorette », et tout bon wagnérien français croirait manquer au plus saint des devoirs, s’il n’affichait pour la musique de M.  […] C’est que, si cet homme déteste tout ce qui est allemand, il vienne ici chercher de l’argent et du succès ; mais je comprends encore moins comment la direction de ces concerts a pu avoir le manque de tact de l’engager.

2561. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Où trouver un meilleur langage que celui-ci sur le libre arbitre : « c’est pour avoir confondu les désirs, les velléités, les penchants, avec la véritable volonté qu’on a cru trouver des difficultés insolubles relativement à la liberté morale ; on avait raison de nier la liberté relativement à l’existence et au mouvement des désirs, et par une fausse conséquence on a cru que la volonté et les actions manquaient également de liberté. » Entre les mains de Broussais, polémiste violent et vigoureux qui n’était pas précisément doué de ce que Pascal appelle l’esprit de finesse, la doctrine de Gall dégénéra en un matérialisme tranchant. […] L’espace nous manque, dans une étude de ce genre, pour développer les conséquences d’une vérité aussi capitale et aussi féconde, et pour en faire sortir toute une doctrine appelée, selon nous, à vaincre et à remplacer définitivement le matérialisme.

2562. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Ce qui manque pourtant à ce discours, c’est l’originalité ; Vicq d’Azyr s’y montre ouvert à tous les courants d’opinions et de jugements de son siècle.

2563. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Ramond, secrétaire du prince et son confident, ne put manquer d’être initié à la connaissance de cette longue et tortueuse négociation.

2564. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Dès le premier instant qu’il eut à commander à d’autres, dès qu’il eut à porter enseigne, dit-il, il voulut savoir ce qui est du devoir de celui qui commande, et se faire sage par l’exemple des fautes d’autrui : « Premièrement j’appris à me chasser du jeu, du vin et de l’avarice, connaissant bien que tous capitaines qui seraient de cette complexion n’étaient pas pour parvenir à être grands hommes. » Il développe ces trois chefs, et particulièrement, et avec une verve singulière, les inconvénients de l’avarice en un capitaine : « Car si vous vous laissez dominer à l’avarice, vous n’aurez jamais auprès de vous soldat qui vaille, car tous les bons hommes vous fuiront, disant que vous aimez plus un écu qu’un vaillant homme… » Il ne veut pas qu’un homme de guerre, pareil à un citadin ménager, songe toujours à l’avenir et à ce qu’il deviendra en cas de malheur ; le guerrier est enfant de l’État et du prince, et il pose en maxime « qu’à un homme de bien et vaillant, jamais rien ne manque. » — Après ces trois vices qui sont à éviter à tout prix, car ils sont ennemis de l’honneur, il en touche plus rapidement un quatrième dans lequel, sans raffiner sur les sentiments, il conseille du moins toute modération et sobriété : C’est l’amour des femmes : ne vous y engagez pas, cela est du tout contraire à un bon cœur.

2565. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Je ne dormais plus en repos de songer que la petite languissait, et du chagrin aussi d’ôter cette jolie femme, qui pour sa personne était à souhait ; il ne lui manquait rien que du lait.

2566. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

. — Que s’ils y ajoutaient encore, avec l’instinct et l’intelligence des hautes origines historiques, du génie des races et des langues, le sentiment littéraire et poétique dans toute sa sève et sa première fleur, le goût et la connaissance directe des puissantes œuvres de l’imagination humaine primitive, la lecture d’Homère ou des grands poèmes indiens (je montre exprès toutes les cimes), que leur manquerait-il enfin ?

2567. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Il n’y a pas un passage faible ; il n’y a pas un endroit grand comme la tête d’une épingle, où manquent l’invention et l’esprit.

2568. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

J’ai sous les yeux de jolies vignettes sorties du facile et spirituel crayon de Tony Johannot ; c’est le côté comique et gai, uniquement, qui est rendu, mais la dignité du héros, ce sentiment de respect sympathique qu’il inspire jusque dans sa folie, cette imagination hautaine qui n’était que hors de propos, qui eût trouvé sans doute son emploi héroïque en d’autres âges, et, comme on l’a très-bien nommée, « cette grandesse de son esprit et cette chevalerie de son cœur », qu’il sut conserver à travers ses plus malencontreuses aventures et qu’il rapporta intactes jusque sur son lit de mort, cela manque tout à fait dans cette suite agréable où l’on n’a l’idée que d’une triste et piteuse figure, et c’est au contraire ce que M. 

2569. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Il avait des connaissances et de l’aptitude au travail ; mais il manquait quelquefois de ce calme d’une tète froide qui ne se laisse point accabler sous le poids des affaires, et son âme n’était pas de la trempe qu’il aurait fallu pour soutenir toujours les mouvements nobles et justes de son cœur contre les volontés absolues de son maître.

2570. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Qu’y manquait-il ?

2571. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

« L’envie, qui rarement avoue un mérite complet, a répondu qu’Amène manquait de cette force qui brise les difficultés nécessaires pour triompher des obstacles semés sur la route de quiconque agit pour le bien public.

2572. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

L’adorable princesse qui put dire à son lit de mort à Monsieur : Je ne vous ai jamais manqué, aimait pourtant à se jouer dans les mille trames gracieuses qui se compliquaient autour d’elle, et à s’enchanter du récit de ce qu’elle inspirait.

2573. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Il manque encore un beau spectacle au monde, c’est un Sylla dans la route de la vertu, un homme dont le caractère démontre que le crime est une ressource de la faiblesse, et que c’est aux défauts des hommes de bien, mais non à leur moralité, qu’il faut attribuer leurs revers.

2574. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Ces cathédrales gothiques qui semblaient barbares aux lettrés du XVIIc siècle et qui, pour Fénelon, manquaient de mesure et de noblesse, elles nous éblouissent, elles nous charment, elles nous touchent.

2575. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Les pires instincts de la foule, je veux dire ceux qui lui font le plus de mal à elle-même, l’envie, la défiance, la haine, l’appétit de jouir à son tour, il n’a jamais manqué une occasion de les exciter, de les exaspérer, de les pousser à la curée.

2576. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Seulement elles manquaient de gaîté, à moins qu’elles n’évoquassent Chilpéric.

2577. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Le manque, total de prosélytisme religieux et philosophique chez les Romains de cette époque leur faisait regarder le dévouement à la vérité comme une chimère.

2578. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Que de lacunes révélatrices et faciles à constater, depuis ceux qui n’ont pas senti la nature extérieure, comme Boileau, jusqu’à ceux auxquels manque le souci de l’au-delà, comme Stendhal ; depuis ceux qui n’ont jamais eu le moindre battement de cœur pour une cause politique et sociale jusqu’à ceux auxquels l’amour de la famille paraît être resté presque tout à fait étranger, témoin l’étrange époux et père que fut notre La Fontaine !

2579. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Trente pages de La Beaumelle contiennent cette histoire presque toute dialoguée, à laquelle il ne manque que l’appui d’un témoignage quelconque, ou au moins de quelque indication conforme dans les correspondances du temps.

2580. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Je n’insisterai pas sur les grandes scènes du roman, pas même sur celle du suicide, qui est encadrée magnifiquement, comme toujours, mais qui, telle qu’elle nous est racontée, manque son effet, et qui finit d’ailleurs assez ridiculement.

2581. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Ici certains anatomistes se sont crus obligés, pour sauver la dignité et la supériorité de l’espèce humaine, de trouver dans le cerveau de l’homme des caractères particuliers et significatifs qui manqueraient au cerveau du singe.

2582. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Indépendamment de ces parties encore incomplètes, ce qui manque surtout à la France, c’est une histoire générale de la philosophie comme il y en a plusieurs en Allemagne.

2583. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

chez nous manque de curiosité, insuffisance de culture, et par suite défaut de patriotisme littéraire.

2584. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

La ville de Rome regorge de professeurs qui enseignent cet art et qui ne manquent pas de disciples.

2585. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Et comme J, K et Y lui manquaient, il se mit aussitôt à l’œuvre et eut, en peu de temps, écrit le Jockey, le Kiosque, et Yelva ou l’Orpheline russe.

2586. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts Toute théorie de l’avenir ne peut reposer que sur la juste appréciation du passé ; mais aujourd’hui cette première donnée nous manque presque entièrement.

2587. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Sa tête ne manque pas de puissance.

2588. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Et sans doute, plus elles se rencontrent fréquemment, plus sont diverses les circonstances où elles se rencontrent, et plus aussi il y a de chances pour qu’elles cachent des rapports nécessaires, toutefois, tant qu’elles ne sont pas déduites de lois plus générales, ce sont des lois en instance plutôt que des lois reçues : les lois empiriques sont toujours sujettes à caution, par cela même qu’elles manquent d’explication.

2589. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Son fils mourra, puisqu’elle a manqué de foi. […] On diroit qu’il y a quelque loi qui l’oblige à ne jamais manquer à ce qu’il a accoustumé. […] Locuste consommait l’œuvre manquée par Canidie. […] Aucune horreur ne manqua à son agonie. […] Mais la foi manquait à cette parodie des austères images du vieux temps.

2590. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Pour comble, il esquissa un traité de l’éducation, où il proposa d’enseigner à tous les élèves toutes les sciences, tous les arts, et, qui plus est, toutes les vertus. « Le maître qui aura le talent et l’éloquence convenables pourra, en un court espace, les gagner à un courage et à une diligence incroyables, versant dans leurs jeunes poitrines une si libérale et si noble ardeur que beaucoup d’entre eux ne pourront manquer d’être des hommes renommés et sans égaux449. » Milton avait enseigné plusieurs années et à plusieurs reprises. […] C’est la vie des salons qui a dégrossi les hommes : il a fallu la société des dames, le manque d’intérêts sérieux, l’oisiveté, la vanité, la sécurité, pour mettre en honneur l’élégance, l’urbanité, la plaisanterie fine et légère, pour enseigner le désir de plaire, la crainte d’ennuyer, la parfaite clarté, la correction achevée, l’art des transitions insensibles et des ménagements délicats, le goût des images convenables, de l’aisance continue et de la diversité choisie. […] Et cependant l’ordre manque, la question n’est point ramenée à une idée unique ; on ne voit point sa route ; les preuves se succèdent sans se suivre ; on est plutôt fatigué que convaincu. […] Que manque-t-il à un sol si plantureux et engrossé de telles semences, sinon de sages et fidèles laboureurs pour faire un peuple éclairé, une nation de sages, de prophètes et de grands hommes466 ?

2591. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Cette vivification a manqué à beaucoup d’œuvres poétiques, d’un art sincère et puissant, pour qu’elles se propagent. […] La poétesse s’enferme avec elle-même, s’observe et observe les choses avec une minutieuse attention : elle voit mieux les aspects des paysages et s’amuse à peindre des petites eaux-fortes intimes, qui ne manquent pas d’art : Le jardin où la terre est morte, Sur la rougeur vive des soirs Pour moi seule accuse l’eau-forte De ses légers branchages noirs ; Cadre de mon âme profonde Qui s’apprête à boire la nuit, À l’heure où la lune, sans bruit, Au prochain arbre, et toute ronde, Revient se pendre comme un fruit… C’est avec une piété, une piété grave, qu’elle parle de la femme, depuis qu’elle est femme : Complexe chair offerte à la virilité, Femme, amphore profonde et douce où dort la joie, Toi que l’amour renverse et meurtrit, blanche proie, Œuf douloureux où gît notre pérennité… Mais voici que l’amour humain seul ne peut plus apaiser ce cœur si pesant « de jeunesse et de joie », elle veut à nouveau jaillir d’elle-même et se répandre sur la nature. […] Ceux que nous aimons nous apportent ce qui nous manque : ils nous complètent ; leurs gestes, leur parfum, la couleur de leurs yeux, le timbre de leur voix nous mettent, physiologiquement, dans un état de parfaite béatitude, comme si, par leur seule présence, nous nous trouvions plongés dans la lumière la plus favorable à notre organisme. […] Alors, elle chante, elle comble cette solitude, du bruit cadencé de sa poésie, et retrouve par ces rythmes émus l’état de plénitude qui lui manque.

2592. (1842) Discours sur l’esprit positif

Mais cet instinct provisoire, faute duquel la science eût souvent manqué alors d’une convenable alimentation, doit finir par se subordonner habituellement à une juste appréciation systématique, aussitôt que la pleine maturité de l’état positif aura suffisamment permis de saisir toujours les vrais rapports essentiels de chaque partie avec le tout, de manière à offrir. constamment une large destination aux plus éminentes recherches, en évitant, néanmoins toute spéculation puérile. […] II L’ensemble de notre évolution mentale, et surtout le grand mouvement accompli, en Europe occidentale, depuis Descartes et Bacon, ne laissent donc désormais d’autre issue possible que de constituer enfin, après tant de préambules nécessaires, l’état vraiment normal de la raison humaine, en procurant à l’esprit positif la plénitude et la rationalité qui lui manquent encore, de manière à établir, entre le génie philosophique et le bon sens universel, une harmonie qui jusqu’ici n’avait jamais pu exister suffisamment. […] Forte de tels antécédents, scientifiques et logiques, pure d’ailleurs des diverses aberrations contemporaines, elle se présente aujourd’hui comme venant enfin d’acquérir l’entière généralité philosophique qui lui manquait jusqu’ici : dès lors, elle ose entreprendre, à son tour, la solution, encore intacte, du grand problème, en transportant convenablement aux études finales la même régénération qu’elle a successivement opérée déjà envers les différentes études préliminaires. […] Le vrai loisir ne doit manquer habituellement que dans la classe qui s’en croit spécialement douée ; car, à raison même de sa fortune et de sa position, elle reste communément préoccupée d’actives inquiétudes, qui ne comportent presque jamais un véritable calme, intellectuel et moral.

2593. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

À propos de la rentrée de Chelles, en courant, au troisième acte, il dit : « Ils ne sont pas observateurs pour un sou, on court au chemin de fer, mais quand on l’a manqué, on revient tout lentement. » Et encore à propos des portes, qu’ils ne ferment jamais : « Ils sont toujours des élèves de la tragédie, des gens qui ont grandi dans des maisons, où les portes se ferment par procuration. […] Sous ce costume ridicule, un monsieur, aux excellentes manières, à la parole flûtée d’un homme qui a l’habitude de parler aux femmes, et dont le manque de dents rappelle, parfois, l’intonation gutturale, mais en mineure, de Frédérick-Lemaître. […] Et aujourd’hui mes moqueries, à propos des imaginations inquiètes de la triste et maladive fillette, je me les reproche comme des manques de cœur, et le souvenir m’en est douloureux.

2594. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Mais je sentais bien tout ce qui me manquait, et je décidai ma mère à m’envoyer à Paris, quoique ce fût un grand sacrifice pour elle en raison de son peu de fortune. […] les… bêtes ne manquèrent pas.

2595. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Toute la fortune de mon aïeul ne dépassait pas cinq mille livres de rente, dont l’aîné de ses fils emportait les deux tiers, trois mille trois cents livres ; restait mille six cent soixante-six livres pour les trois cadets, sur laquelle somme l’aîné prélevait encore le préciput »  Cette fortune qui s’émiette et s’anéantit, ils ne savent ni ne veulent la refaire par le négoce, l’industrie ou l’administration : ce serait déroger. « Hauts et puissants seigneurs d’un colombier, d’une crapaudière et d’une garenne », plus la substance leur manque, plus ils s’attachent au nom  Joignez à cela le séjour d’hiver à la ville, la représentation, les dépenses que comportent la vanité et le besoin de société, les visites chez le gouverneur et l’intendant : il faut être Allemand ou Anglais pour passer les mois tristes et pluvieux dans son castel ou dans sa ferme, seul, en compagnie de rustres, au risque de devenir aussi emprunté et aussi hétéroclite qu’eux66. […] Naturellement, toute pensée politique manque. « On ne peut imaginer, dit le manuscrit, personne plus indifférente pour toutes les affaires publiques. » Plus tard, au plus fort des événements les plus graves et qui les touchent par l’endroit le plus sensible, même apathie.

2596. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Il y a la mise en œuvre de la matière poétique et musicale, et ce point de la question ne manque pas d’importance. […] La souscription n’avait pas été, entièrement, couverte : et, au cours des travaux, l’argent manqua.

2597. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Edmond Clay, si elle n’est sanctifiée par la sagesse, est en effet chose vile ; et, si les parents n’avaient d’autre titre que celui-là au respect de leurs enfants, c’est au mépris de leurs enfants qu’ils auraient logiquement droit. » — Mais, répondrons-nous, les autres titres au respect et à l’affection ne manquent pas, sans qu’on ait besoin de les demander à « la sagesse » ; il n’y a rien de méprisable dans l’amour même qui unit deux êtres, et qui a en vue de perpétuer dans un autre être toutes les qualités supérieures de la race humaine. […] Elle trouvera sans doute ce qu’elle cherche quand elle se sera délivrée de tout ce que le romantisme eut de faux : l’affectation et la déclamation, l’amplification, la recherche de l’effet et du succès, la subordination des idées aux mots et aux rimes, du fond à la forme, bref, le manque fréquent de sincérité.

2598. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Ce n’est pas la poésie qui manque à l’œuvre de Dieu, c’est le poète, c’est-à-dire c’est l’interprète, le traducteur de la création. […] Des foules de traducteurs studieux, acharnés à l’intelligence des livres indiens, sanscrits, comme des ouvriers à la fouille des sphinx dans le désert du Nil, ne nous laissent plus manquer de texte pour nos études sur la littérature des Indes.

2599. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Il avait aussi le malheur d’être mal écrit ; ce qui ne veut pas dire qu’il n’y eût souvent infiniment d’esprit dans les détails, et même de temps en temps d’admirables morceaux ; mais, comme l’auteur le reconnaît lui-même avec candeur dans la préface de l’édition de 1781, s’il y a partout une grande clarté logique, il y a très peu de cette autre clarté qu’il appelle esthétique, et qui naît de l’art de faire passer le lecteur du connu à l’inconnu, du facile au difficile, art si rare, surtout en Allemagne, et qui a entièrement manqué au philosophe de Koenigsberg. […]manquent ces caractères, il est aisé de reconnaître les connaissances à posteriori.

2600. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Il ne faudrait pas manquer d’en faire l’application aux jeux de hasard. […] Si le maître parle un latin pur et correct, il ne gâtera pas le goût des élèves, mais ils fatigueront à l’entendre ; s’il parle un latin barbare, comme il est d’usage et de nécessité dans une langue morte à laquelle il manque une infinité de termes correspondants à nos mœurs, à nos lois, à nos usages, à nos fonctions, à nos ouvrages, à nos inventions, à nos arts, à nos sciences, à nos idées ; il sera entendu, mais ce ne sera pas sans danger pour le goût.

2601. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Il nous semble qu’il manque quelque chose à sa visite de la Grande-Chartreuse ; il est novice encore, son monastère est trop effacé ; il nous peint la haute vallée plutôt que le but même ; il n’a pas l’hymne du chartreux, l’allégresse du cloître, le rayon de Le Sueur et de saint Bruno.

2602. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Ôtez de ce visage les rides, répandez-y la fleur de la vie, jetez-y le voile de la jeunesse, rêvez un Bossuet jeune et adolescent, mais ne vous le décrivez pas trop à vous-même, de peur de manquer à la sévérité du sujet et au respect qui lui est dû.

2603. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Il n’apprit point le latin. » Ce qui ne veut pas dire que Bailly n’en ait appris plus tard ce qui lui était nécessaire pour comprendre les livres de science écrits en cette langue, et pour choisir à ses divers ouvrages des épigraphes bien appropriées ; mais il manqua d’un premier fonds classique régulier et sévère, et ce défaut, qui qualifie en général son époque, contribua à donner ou à laisser quelque mollesse à sa manière, d’ailleurs agréable et pure.

2604. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Ne trouvez-vous pas qu’il y a inconséquence et un grand manque de raisonnement ?

2605. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Cette pièce est d’un sentiment très vrai ; il n’y a pas trop de charge, contre l’ordinaire de Saint-Amant ; il n’y manque qu’un certain vernis, un certain éclat et un tissu plus serré d’expression, pour l’élever à fart et en faire un petit chef-d’œuvre.

2606. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Divin repos, qui me manque ?

2607. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Ce n’est que plus tard que Brizeux a songé tout de bon à se faire Breton ; dans le poème de lui qui porte ce titre, Les Bretons, il a réussi dans deux ou trois grands et vigoureux tableaux ; l’ensemble manque d’intérêt, et le tout est dénué de charme.

2608. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Je laisse de côté sa vocation politique active que j’admets en effet qu’il manque, je lui trouve deux talents de second plan, deux pis aller qui seraient de nature à satisfaire de moins difficiles : talent d’écrivain politique qui trouvera toujours moyen de dire ce qu’il pense, et qui a même intérêt à être gêné un peu ; car il y gagne le tour, et avec le tour l’agrément, ce qui cesse quand il écrit dans les journaux où il ne se gêne pas ; — talent de critique ou de discoureur littéraire des plus sérieux et des plus aimables, qui peut se jouer sur tous sujets anciens ou modernes, et s’exercer même sur des matières de religion, d’un ton de philosophe respectueux à la fois et sceptique.

2609. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Cependant quelques morceaux lus dans les séances publiques des cinq Académies et fort goûtés du public avaient révélé en lui ce que tous ses amis savaient bien qu’il était, un esprit riche, orné, facile, un écrivain élégant, un orateur aisé, agréable ; aussi quand Raoul-Rochette manqua, l’Académie des Beaux-Arts, après avoir pensé d’abord à M. 

2610. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Les animaux qui gardent de leurs petits en bon nombre, après avoir crié, oublient vite celui qui leur manque et ne nourrissent pas de regret sentimental.

2611. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Étienne, tu seras un critique. » On sent de quelle espèce de critique entendait parler le maître : artiste manqué, critique par pis aller.

2612. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Par malheur, ces renseignements nous manquent. » — Mais vous êtes bien curieux, en vérité, mon cher biographe ; ces sortes de renseignements de chambre à coucher et d’alcôve sont difficiles à constater, et quand il éclate un soir des cris tels que ceux qu’on vient d’entendre, c’est déjà bien suffisant pour nous avertir de tout ce qui a dû se répéter souvent, et qu’on ne sait pas.

2613. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

« C’était Phidias qui les lui dirigeait tous et qui en était l’inspecteur universel… » C’est cette fleur, cet éclat de jeunesse dont le Parthénon à demi ruiné jouit encore aujourd’hui, qui manque aux monuments de Rome : ils portent la marque du Peuple-roi, c’est beaucoup ; mais ils sont et semblent antiques.

2614. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Revenant sur le parallèle avec Berlichingen, ce représentant de l’époque féodale, il marque les rapports et les différences ; Don Quichotte, selon lui, est bien autre chose ; « il ne doit pas seulement représenter une époque, c’est un caractère, c’est le type de l’idéal à toutes les époques : « Dans quelque siècle que vous le placiez, enseigne le livre, l’homme qui asservira sa conduite aux lois d’un idéal absolu ne pourra que contraster, que grimacer avec la réalité, et ce contraste ne manquera pas d’engendrer le comique… « Et qu’était-ce que Cervantes lui-même, à le bien prendre, se demande le critique, qu’était-il, sinon un Don Quichotte ?

2615. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Léon Plée, et qui s’intitulait lui-même « le premier livrier de France », est un de ces excentriques qualifiés qui frisent le génie et qui le manquent.

2616. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Cependant, au milieu de ces nouvelles douleurs dont quelques-unes furent poignantes, les hautes consolations ne lui manquèrent pas.

2617. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Le dernier vers pourtant est faible ; le poëte a manqué son dernier trait, celui qui s’enfonce et reste dans la mémoire.

2618. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Il me serait fort pénible de manquer en quoi que ce soit à ce que je sens devoir au gouvernement de l’Empereur.

2619. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Il se présenta chez Murat, alors gouverneur de Paris, qui ne manqua pas de le rebuter.

2620. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Est-ce à dire pourtant que le caractère dramatique manque entièrement à cette manière de faire parler des personnages ?

2621. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Il s’agite sur son fauteuil, il ôte son chapeau de paille, il promène et repromène ses doigts égratigneurs sur son front, comme s’il voulait fouiller son cerveau : il froisse la page, il l’approche de ses yeux. » Troubles psychiques : Affaiblissement de l’intelligence et de la volonté, manque d’attention, troubles de la mémoire : 8 avril : « Un jour, quel jour ?

2622. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Après avoir exprimé, peut-être avec rigueur, tout ce qui manquait à la littérature des Italiens, il faut revenir au charme enchanteur de leur brillante imagination.

2623. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Non, les conditions lui manquent, les circonstances l’arrêtent ; il est impuissant à se dégager, et sa force mutilée ne le soulève qu’à demi.

2624. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Je le croyais ce que j’étais moi-même : un loyal royaliste, aussi incapable de manquer au roi qu’à la Charte.

2625. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Cette doctrine était impliquée déjà dans les harangues de L’Hôpital : Du Vair ne manquera pas une occasion de l’affirmer, et elle sera le fond solide et comme la substance de la Satire Mênippée.

2626. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Il fut le principal rédacteur des articles littéraires de l’Encyclopédie ; ni les connaissances ni le goût ne lui manquaient ; et le recueil de ces articles, qui forme les Éléments de littérature, est l’expression la meilleure que nous ayons du goût moyen du xviiie  siècle.

2627. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Elle condamne, dans les littératures du Nord, dans Shakespeare même, le manque de goût, le pathétique ou le merveilleux matériels ou grossiers, etc.

2628. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Les œuvres manquent encore.

2629. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Le charme de ce petit livre, c’est qu’il est franchement féminin : il a la grâce, la légèreté et, dans son manque apparent d’unité, un joli caprice.

2630. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Weiss, la faiblesse de préférer Esther à Athalie. » — L’usage est de répéter que l’action dramatique manque un peu dans Bérénice. « Il y a au contraire un drame, le plus douloureux, le plus fier, le plus délicat des drames.

2631. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Parlez-moi des grands artistes outranciers qui manquent décidément de goût par quelque côté et qui abondent follement dans leur sens !

2632. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Molière manque à sa gloire, elle le proclame, et il n’est pas le seul.

2633. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

L’avocat Braillardet, dans Le Divorce, de Regnard, plaide la cause de son client Sotinet contre Isabelle, femme de Sotinet : On ne manquera pas de vous dire que celui pour qui je suis est un brutal : j’en tombe d’accord.

2634. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Il avait pris sous sa protection le cocher Moore dont il ne manquait jamais de nous montrer les productions, au jour le jour, et auquel il rapportait le « satisfecit » que nous lui délivrions par politesse.

2635. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Le verbe substantif manque dans beaucoup de langues.

2636. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Voilà le précis du poëme ; il est long et ne dit pas tout : mais on trouvera semées dans les notes les idées qui manquent ici ; l’application en sera plus facile et moins éloignée que si on les eût fait entrer dans ce discours préliminaire, et qu’il eût ensuite fallu les transporter et les appliquer de mémoire, en lisant le poëme.

2637. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

ils te désireraient, mais ils ne peuvent t’atteindre. » En ce qui est du roman même, Turgot regrette que l’auteur ait mieux aimé faire une héroïne à la Marmontel, et qui renonce au mariage par un sentiment exagéré de délicatesse, que d’avoir conduit la passion à une conclusion plus légitime et plus naturelle : « Il y a longtemps que je pense, dit-il, que notre nation a besoin qu’on lui prêche le mariage et le bon mariage. » Il voudrait que l’auteur n’eût pas manqué ce sujet-là en terminant, et il lui conseille d’y revenir dans une suite dont il trace le plan lui-même.

2638. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Laissons ces esprits sans amour et sans flamme, sans désir ; ce sont les tièdes : ils manquent du feu sacré dans les lettres.

2639. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Le jeune prince comprit à l’instant les grandeurs et les faiblesses de cette dernière campagne de 1814, et par où elle avait manqué ; il dit à ce sujet ce mot remarquable, et qui a déjà été cité : « Mon père et ma mère n’auraient dû jamais s’éloigner de Paris, l’un pour la guerre, l’autre pour la paix. » La curiosité une fois apaisée sur ces parties à la fois les plus classiques et les plus vives, Marmont reprit chronologiquement la suite des campagnes, l’expédition d’Égypte, la campagne de Marengo, celles d’Austerlitz, d’Iéna, de Wagram, de Russie : il recommanda vivement au jeune prince, pour cette dernière, l’Histoire de M. de Ségur, non pas comme l’ouvrage le plus didactique ni peut-être le plus complet militairement, mais comme celui où l’on trouve le plus la vérité de l’impression.

2640. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

D’excellents poètes ont vécu de mon temps, il y en a eu de meilleurs encore avant moi, et il n’en manquera pas de plus grands parmi ceux qui nous succéderont ; mais que, dans la difficile question de la lumière, je sois le seul de mon siècle qui sache la vérité, voilà ce qui cause ma joie et me donne la conscience de ma supériorité sur un grand nombre de mes semblables. » Ce n’est pas à dire pourtant que Gœthe lut sans valeur au point de vue scientifique.

2641. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

On voit aussi que cette recherche est difficile et qu’il n’y manque pas de chances de se tromper ; ce n’est qu’une raison de plus pour la faire, quand il s’agit de plaisir, et, dans le petit livre que j’écris, il n’est question que de cela ; le risque de se tromper aiguise le désir de voir juste et relève le plaisir d’avoir probablement raison, et il y a un plaisir, je ne dirai pas plus grand, mais plus piquant, à être à peu près certain qu’on a raison, qu’à en être pleinement sûr.

2642. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Certains auteurs en manquent, d’autres la dédaignent, ou ont assez de relief pour faire oublier qu’ils s’en passent.

2643. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Les anciens, qui avaient mis en symboles toutes les puissances de la nature, n’avaient pas manqué d’établir des divinités conservatrices des lieux.

2644. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Le musicien s’est évaporé dans les airs qu’il chantait avec cette voix chaude et vibrante qui n’a jamais manqué son coup sur les cœurs et qu’aucun musicien ne chantera jamais plus comme il les chantait.

2645. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

… Il lui restera la superficialité brillante, nonchalante et un peu impertinente, la superficialité marquise, qui n’a jamais manqué son effet quand elle a dit : « Tarte à la crème ! 

2646. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Dès qu’un journal, par exemple, ou un magazine, ou une revue, se déclare respectueux de la morale, ou qu’on a des raisons de le supposer tel, quelques-uns de ses abonnés ne manquent pas de s’en prévaloir, et d’exiger du directeur, non pas des romans moraux, ce qui est leur droit, mais des romans pour jeunes filles.

2647. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Le souvenir ne sera plus l’objet lui-même, je le veux bien ; il lui manquera pour cela beaucoup de choses.

2648. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Or, le reflet n’est qu’une réplique ; de là, le manque complet d’originalité chez ces disciples.

2649. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Il ne séparait pas la science de la morale, et il n’était pas non plus de ceux qui ensevelissent leurs débuts pénibles et leurs origines ; il avait eu la vie rude et même misérable ; il avait été pauvre, et il lui arrivait de le rappeler à son fils en des termes qui ne s’oublient pas : « Il m’est arrivé de manquer de pain, toi déjà né. […] Il avait toutes ses inscriptions ; il ne lui manquait qu’un titre, et ce titre, il ne l’a même pas encore aujourd’hui ; il a toujours négligé de le prendre.

2650. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Delille ne manqua pas d’y visiter ce spirituel poëte, de qui il tenait beaucoup plus qu’il ne le soupçonnait. […] Delille arrivant, comme un autre Gresset, sur les derniers temps de Voltaire, reprit, à quelques égards, le rôle manqué par le premier, et avec du brillant, du mondain à force, rien du collège, mais peu de philosophie et de pensée, il réussit à succéder en poésie au trône, encore imposant, qui devint aussitôt pour lui un tabouret chez la reine.

2651. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Si un seul de ces instruments ou une seule de ces voix discorde, son œuvre manque son effet dans l’oreille de ses auditeurs ; et s’il ne peut trouver ni voix ni instruments pour lui donner l’être, son œuvre n’existe pas. […] D’Aponte, suivi de sa charmante femme, ne manque pas de trouver un prétexte pour passer par Venise et pour aller à Cénéda surprendre sa famille, embrasser son vieux père, éblouir ses frères, ses sœurs, ses amis d’enfance du spectacle de sa prospérité.

2652. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Mais, à elle seule, elle ne peut rien : l’unité, source de toute force, lui manque ; l’amitié pieuse des races qu’elle appelait jadis barbares lui est nécessaire. […] puisqu’à l’accent de ces paroles si compatissantes et si chastes, peu s’en manqua que je ne demeurasse moi-même dans l’immortalité avec elle ! 

2653. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

M. de Maistre en manquait ici. […] L’humeur ici manquait, non de fierté, mais de justice.

2654. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Il ne leur manquait qu’une place aussi haute que leur renommée dans la constitution de la république, pour être aussi utiles à leur patrie au dedans qu’illustres au dehors. […] Que serait-ce si, dans une guerre européenne contre nous, vous vous réunissiez, ce qui ne manquerait pas d’arriver, à une coalition du Nord et de l’Angleterre contre nous ?

2655. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Je leur attachai de petits cordons aux pattes, mais ils ne manquaient pas de s’en débarrasser avec leur bec ou l’assistance de leurs parents. […] Cette combinaison, que l’homme envierait à l’oiseau, ne manque jamais d’atteindre son but.

2656. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Non, il y manque encore une pièce considérable : Dieu. […] Ni les fautes, ni les hontes, ni le crime même n’ont manqué à cette vie.

2657. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

La variété est l’élément qui manque le plus radicalement aux peuples d’origine sémitique : leurs poésies originales ne peuvent dépasser un volume. […] On ne peut se figurer, à moins d’avoir lu les œuvres exégétiques de ce grand homme, à quel point il manquait radicalement de critique.

2658. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

N’est-il pas évident que, si les dix-neuf vingtièmes des crimes punis par la société sont commis par des gens privés de toute éducation et pressés par la misère, la cause en est dans ce manque d’éducation et dans cette misère ? […] Tout le mal qui est dans l’humanité vient à mes yeux du manque de culture, et la société n’est pas recevable à s’en plaindre, puisqu’elle en est, jusqu’à un certain point, responsable.

2659. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Nous manquons de deux ou trois maisons bourgeoises, distinguées et affectueuses, où nous pourrions répandre, dégorger tout ce que nous ne donnons pas à la maîtresse, nous qui ne lui donnons guère que de l’habitude, — nous qui, par le fait, ne sommes pas deux, ne sommes point l’un à l’autre une compagnie, nous qui souffrons en même temps des mêmes défaillances, des mêmes malaises, des mêmes maladies morales, nous qui ne sommes à nous deux qu’un isolé, un spleenétique, un névropathe. […] * * * 16 juin S’il revenait, l’abbé Galiani ne manquerait pas de dire devant notre temps : « Je cherche un homme qui ne fasse pas carrière et profession d’aimer ses semblables, qui ne fonde pas d’hôpitaux, qui ne s’intéresse pas aux classes pauvres, qui ne s’occupe pas de donner des cachets de bain au peuple, qui ne soit pas membre d’une société protectrice de n’importe quoi, des chevaux ou du bagne, un homme qui ne se sacrifie pas aux déshérités, un homme qui ne se dévoue pas au journalisme, à la députation, à la tirade parlée ou écrite en faveur des malheureux, des pauvres, des soufrants, des êtres marqués de misère ou d’infamie, un homme qui ne soit pas bon, un égoïste enfin : — oui, pour l’amour de Dieu, j’en demande un…, je voudrais en voir un, brutal, cynique, sincère. » * * * 18 juin Cette nuit à deux heures du matin, nous sommes dans le LONG ROCHER, traversant des clairières, où la lune danse comme si elle allait à la cour de la reine Mab, marchant comme à travers un raccourci du Chaos, éclairé par une lumière électrique d’Opéra.

2660. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Malheureusement, au bout de quelques années de ce régime, l’estomac et les entrailles de ce mangeur spiritualiste, se resserrèrent de telle sorte, qu’il manqua mourir. […] Mercredi 9 décembre Ce soir, en fumant, les invités de la princesse causent d’une actrice de la Comédie-Française, quand tout à coup le vieux Giraud dit : « C’est drôle, moi, j’ai manqué d’être son père ! 

2661. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

L’échelle de Jacob était un beau rêve aussi, mais on n’y montait qu’endormi ; et de plus, à l’échelle de Jacob, il manquait malheureusement un échelon : c’est celui qui montait du fini à l’infini. […] L’Italie est pleine d’hommes de la même trempe de cœur et d’esprit, auxquels il ne manque que la voix.

2662. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Pour toute l’époque du Moyen Âge et des premiers règnes capétiens, il manque à Mézeray une connaissance approfondie de nos anciens historiens latins et de ce monde ouvert par les Du Chesne et les Du Cange.

2663. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Les femmes manquent toujours leur vocation quand elles veulent sortir des soins du ménage, de l’aiguille et du fuseau. » Dans ces dispositions si naturelles et si sincères, on conçoit l’embarras de Léopold Robert pour mettre un éclair au front de sa Corinne idéale ; de guerre lasse, il s’en était tenu à copier, en l’arrangeant pour ce rôle, une des belles brigandes de Sonnino, lorsqu’il se décida enfin, pour plus de sécurité, à effacer de sa toile la fausse muse, et il y substitua selon son cœur un Improvisateur populaire, qu’il avait vu et bien vu de ses yeux (1822).

2664. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Vinrent pourtant les objections, de la part du connétable surtout : pour cette place de lieutenant du roi dans une république italienne, au milieu des partis et des ordres divers de citoyens à contenir et à ménager, il fallait un grand fonds de prudence, et Montluc, disait-on, en manquait : sa réputation d’homme fâcheux, bizarre et colère, était mise sans cesse sur le tapis.

2665. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Mais l’humanité va, incessamment, apprenant et oubliant tour à tour : et vous avez vu que l’éloquence aussi et le souffle n’avaient pas manqué dans le conseil donné par un philosophe et un sage gaulois parlant en grec à un Romain de ses amis, par Favorin, né à Arles, l’une des lumières du siècle des Antonins.

2666. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Elle n’ose jamais procéder que suivant la méthode la plus scrupuleuse et la plus uniforme de la grammaire : on voit toujours venir d’abord un nominatif substantif qui mène son adjectif comme par la main ; son verbe ne manque pas de marcher derrière, suivi d’un adverbe qui ne souffre rien entre deux ; et le régime appelle aussitôt un accusatif, qui ne peut jamais se déplacer.

2667. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Rohan, qui y admire l’arsenal et qui en dénombre l’artillerie (370 pièces de fonte), ajoute : « Ils n’ont point de canon de batterie : leur raison tient fort du roturier ; car, à ce qu’ils disent, ils ne veulent attaquer personne, mais seulement se défendre. » Venise le saisit vivement par son originalité d’aspect, son arsenal, sa belle police, ses palais, ses tableaux même et ses bizarres magnificences : Pour le faire court, dit-il, si je voulais remarquer tout ce qui en est digne, je craindrais que le papier me manquât : contente-toi donc, ma mémoire, de te ressouvenir qu’ayant vu Venise, tu as vu un des cabinets de merveilles du monde, duquel je suis parti aussi ravi et content tout ensemble de l’avoir vue, que triste d’y avoir demeuré si peu, méritant non trois ou quatre semaines, mais un siècle, pour la considérer à l’égal de ce qu’elle mérite.

2668. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

J’avais prévu cette soumission de son Altesse Royale, et je ne me suis hasardée de lui écrire que pour ne manquer à rien dans une affaire que j’ai si fort à cœur.

2669. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

C’était là un genre d’expérience qui manquait à son éducation morale et philosophique.

2670. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

M. d’Ormesson était un homme pratique et d’activité ; il n’était pas lettré comme son fils le sera, comme le seront les Lamoignon ; il vit que son loisir manquerait de pâture et d’occupation.

2671. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Ainsi, la Chambre des pairs s’oppose-t-elle à la loi du sacrilège, telle que la proposait le ministère et telle que la voudrait Lamennais, celui-ci écrit à M. de Coriolis (16 février 1825) : « Je trouve que la Chambre des pairs va chaque jour se surpassant elle-même ; on ne sait où elle s’arrêtera… Imaginez, monsieur le marquis, quatre cents… je ne sais que dire, le mot me manque pour désigner cette espèce d’êtres, — qui écoutent gravement des choses de cette force et délibèrent, etc., etc. » La Chambre des députés, vouée pourtant à l’esprit de réaction, mais qui ne va pas assez vite à son gré, n’est pas mieux traitée par lui.

2672. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

On y voit tout ce qui a dû manquer à Channing pour qu’il ait été amené à avoir l’idée de son rôle populaire, tel qu’il le conçut, et pour y joindre, comme il l’a fait, la force et le moyen d’y réussir.

2673. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Les contrastes ne manquent pas ; à peine Jésus est-il au désert que deux diables y viennent rôder et l’espionner.

2674. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Ce bon sous-prieur fit garde toute la nuit à la porte de la chambre où je couchais, qui était la sienne, et où apparemment il avait son trésor. » Le lendemain, après avoir entendu la messe dans l’église de cette abbaye à la Rabelais, où se voyaient les armes de Roland, on se mit en marche dès sept heures du matin pour rentrer en France ; on prit un autre chemin qu’en allant et où il n’y avait pas de neige : « Tous les soldats étaient chargés de jambons et de barricots de vin, que leurs hôtes leur avaient donnés, car c’est le pays des jambons ; et je ne reçus aucune plainte d’exactions des soldats. » Foucault ne manque pas d’écrire aussitôt à M. de Louvois pour rendre compte de l’expédition et assurer le roi du zèle de ses sujets de par-delà les Pyrénées, et de la bonne volonté des Navarrais espagnols à rentrer sous son obéissance comme étant leur prince légitime, successeur de Charlemagne.

2675. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Mais qu’il se rassure ; qu’il se persuade qu’ils sont excellents, et qu’il ne lui manque que le goût et la connaissance pour les mieux apprécier ; et bientôt chaque visite nouvelle lui ouvrira les yeux de plus en plus, jusqu’à ce qu’il ait appris à les admirer, jamais autant qu’il le méritent, assez du moins pour enrichir et élargir sa propre intelligence par la compréhension de la parfaite beauté.

2676. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

… Le système manque de tous les côtés et ne se soutient pas.

2677. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Je voudrais autoriser tout terme qui nous manque et qui a un son doux sans danger d’équivoque… J’entends dire que les Anglais ne se refusent aucun des mots qui leur sont commodes : ils les prennent partout où ils les trouvent chez leurs voisins.

2678. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Mon malade a eu du délire, puis après le premier septennaire, je n’ai pas manqué de signaler les petites taches rosées lenticulaires dont sa poitrine était mouchetée ; aux taches ont succédé les cloques qui s’écrasent sous le doigt en laissant sur la peau une goutte de sueur ; ce que vous, médecins appelez les sudamina, n’est-ce pas ?

2679. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Sous la monarchie, une foule d’usages substituaient quelquefois le ton de la convenance à celui de la raison, les égards de la société aux sentiments du cœur ; mais dans une république, le goût ne devant consister que dans la connaissance parfaite de tous les rapports vrais et durables, manquer aux principes de ce goût, ce serait ignorer la véritable nature des choses.

2680. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Il y manque, pourrait-on dire, la vie sentimentale : c’est vrai.

2681. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Qu’y manque-t-il ?

2682. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

» Oserais-je dire des dégoûts de Buffon pour certains objets de son étude, que la cause principale est que Dieu y manque ?

2683. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Ses passages obscurs n’ont pas manqué d’exercer l’ingéniosité des scoliastes, mais de toutes leurs versions contradictoires aucune n’a réussi à s’imposer et qu’importent après tous ces velléités d’élucidation, puisque, comme le reconnaît Coppée lui-même, ami de la clarté, « le charme des vers de Mallarmé, même lorsque leur sens se dérobe, agit en nous et nous pénètre à la façon d’une musique ou d’un parfum ».

2684. (1890) L’avenir de la science « V »

Cela est si vrai que des peuples entiers ont manqué d’un tel système religieux ; ainsi les Chinois, qui n’ont jamais connu que la morale naturelle, sans aucune croyance mythique.

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