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3134. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Mme de Vintimille, liguée avec Mme de Mailly, ne s’était jamais senti de force à faire ce coup d’État dans l’âme du roi, et un jour qu’en une circonstance critique Mme de Mailly et elle avaient essayé de lutter directement contre l’influence du cardinal, au moment même de réussir sur l’objet en question, elles virent en définitive qu’il fallait céder, et Mme de Vintimille dit fort sensément à sa sœur : « Nous pourrions peut-être l’emporter aujourd’hui sur le cardinal, mais il est absolument nécessaire au roi, et nous serions renvoyées dans trois jours. » Mme de La Tournelle tenta hardiment l’aventure : l’eût-elle emporté si le cardinal eût vécu ?

3135. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Quelle école, pour qui se sent des dispositions à être moraliste ou peintre d’après nature, que de telles assemblées politiques auxquelles on assiste tous les jours sans en être, sans en accepter les conventions ou en subir les illusions !

3136. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

C’est, on le devine, même quand M. l’abbé Moigno ne nous l’aurait pas appris (n° du Cosmos du 7 février 1862), c’est que le vieillard avait changé, c’est qu’il avait remis depuis des années sa conscience en des mains pieuses, mais en des mains étrangères ; c’est que le Père de Ravignan ou le Père de Pontlevoy, cités avec éloge à un endroit du travail, avaient passé par là, et qu’il y a un petit souffle imperceptible venu du Vatican ou du voisinage, qu’on ne voit pas, mais qu’on sent, et qui, dans ce compte rendu du procès de Galilée, est bien capable à la fin d’irriter les âmes non patelines et grossièrement généreuses14.

3137. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

On reconnaît les bons et excellents esprits à cette marque, qu’ils sentent le Besoin de faire parfaitement tout ce qu’ils font.

3138. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Ceux qui admiraient son art et sa force sentaient pourtant quelques-uns de ses défauts, cette description trop continue, cette tension perpétuelle qui faisait que chaque objet venait saillir au premier plan et tirer le regard ; on aurait voulu aussi que, sans renoncer à aucune hardiesse, à aucun droit de l’artiste sincère, il purgeât son œuvre prochaine de tout soupçon d’érotisme et de combinaison trop maligne en ce genre : l’artiste a bien des droits, y compris celui même des nudités ; mais il est besoin qu’un certain sérieux, la passion, la franchise de l’intention et la force du vrai l’absolvent et l’autorisent.

3139. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Tous ces récits étaient fort bien rendus et mimés, d’une voix quelque peu forte et robuste, par un homme de haute stature et en qui un filet de l’ironie paternelle se faisait encore sentir ; mais cette ironie n’était plus la source même et ne venait que par une sorte de transmission et d’habitude : elle était de souvenir plus que d’inspiration et de jet.

3140. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

J’ai pourtant hésité un peu avant de donner cette curieuse épître dans toute son étendue, car elle n’est héroïque qu’à demi ; le commencement en est vif et sent le style de bivouac, à ce point que j’ai dû laisser en blanc deux ou trois mots ; mais le reste se délaye, s’étend, tombe dans le commérage ; on est noyé dans l’abondance des trivialités.

3141. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

» Mais selon une autre version qui m’est affirmée, le général Bertrand racontant une scène terrible dont il avait été témoin, et dans laquelle Napoléon lança à Talleyrand les plus sanglants reproches, ajoutait que les derniers mots de cette explosion furent : « Tenez, monsieur, vous n’êtes que de la m… dans un bas de soie. » Le mot, sous cette dernière forme, sent tout à fait sa vérité.

3142. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Il est libre et ne peut être retenu… L’amour surtout n’a pas de mesure, et s’exalte dans une ardeur sans mesure… L’amour ne sent point le poids ni la peine, il veut plus que sa force, et n’allègue jamais l’impossibilité, et se croit tout possible et tout permis… L’amour veille ; en dormant même il veille… Celui qui aime, sait la force de ce mot — On ne vit point sans douleur dans l’amour.

3143. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Jésus le sentait, et n’entreprit pas une défense inutile.

3144. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

« Il est très vrai », écrit-elle, le 6 février, à madame de Coulanges, « que le roi m’a nommée madame de Maintenon et que j’ai eu l’imbécillité d’en rougir, et tout aussi vrai que jamais de plus grandes complaisances pour lui que de porter le nom d’une terre qu’il m’a donnée. » Ce nom échappé au roi comme un mot dès longtemps usité, cette rougeur de celle qui le reçoit pour la première fois, cette expression d’étonnement et de reconnaissance, qu’aucun autre bienfait antérieur ne paraît avoir excité dans madame de Maintenon, montrent qu’elle sentit à l’instant tout ce que renfermait de bon pour elle cette substitution d’un nom nouveau à celui qu’elle portait.

3145. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Il fait sentir, avec ce stile enchanteur & persuasif qui lui est propre, combien elles nuisent à un prédicateur.

3146. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Notre langue n’a rien à perdre pour se sentir plus arrêtée dans ses contours, plus dégagée dans ses allures, plus ferme dans sa marche, en allant droit devant elle, comme vers un but, à l’expression définitive de la pensée, sans s’attarder en mille détours comme la langue allemande, embarrassée d’incises, d’inversions et de toute sorte d’ambages.

3147. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

On sent aussi que la vie des membres d’une telle faculté doit être laborieuse, puisqu’indépendamment des soins qu’ils donnent à l’instructin de la jeunesse, ils sont encore les oracles des tribunaux intérieurs et étrangers, et que toutes leurs décisions, devant être motivées, demandent un travail raisonné.

3148. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Lucien se déclare lui-même zelé partisan de l’art des pantomimes, et l’on sent qu’il avoit du plaisir à raconter les faits qui pouvoient faire honneur à cet art.

3149. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

On a senti la nécessité de propager de nouvelles formes d’enseignement pour hâter l’instruction dans les dernières classes de la société ; et l’on néglige l’avancement simultané de celles qui sont destinées à marcher les premières.

3150. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Il avait, en effet, deux paroisses, comme l’âne de Buridan avait les deux bottes de foin qui l’embarrassaient, et il allait de l’une à l’autre, — de sa paroisse de Sutton à sa paroisse de Stillington, — monté sur une haridelle efflanquée comme la jument de la Mort dans l’Apocalypse, et sur les côtes de laquelle ses jambes d’araignée, comme il les appelle, faisaient fort harmonieusement bien. « J’ai quatre-vingts ans au physique », disait-il alors, avec la fierté d’une âme qui s’est toujours senti vingt-cinq ans.

3151. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

C’est la tragédie qui recommence ; quiconque étudie cette histoire dans le détail, sans parti pris, sent grandir dans son cœur la pitié, et, avec le remords, le désir de réparer par l’amour la brutalité de nos pères.

3152. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

On sent ce contrecoup et cette puissance dans le trouble avoué de Cicéron, à qui ces vers remettent aussitôt sous les yeux la défaite de Pharsale, la fuite de ses amis, le pillage de Dyrrachium et la république abandonnée par ses défenseurs et ses alliés.

3153. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

On avait pu sentir l’effroi devant Octave.

3154. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

ce sont là des beautés qui jaillissent tout armées, comme la déesse mythologique, du front olympien de M. de Fiennes, des beautés qui se sentent et ne se prouvent point. […] L’oraison funèbre du rédacteur en chef de l’Univers est une piètre composition, littérairement parlant ; on sent que le souffle d’en haut ne la traverse pas, et que le style rapide, net, concis de l’écrivain, admirable et portant si bien coup dans la polémique, manque ici d’ampleur pour vêtir un mouvement oratoire qu’on a voulu grandiose. […] Amédée Achard a la physionomie de son talent et le talent de sa physionomie : tous deux sont blonds, fluets, sans souffle et un peu fades, et sous la forme affectée par la coupe de l’habit et le tour de la phrase à la mode du jour, on ne sent jamais saillir les muscles du corps et de l’esprit. […] L’homme de goût se laisse prendre au style du virtuose, l’homme du peuple, au ton de vérité ou au comique du récit tous les deux à l’émotion bien sentie du chanteur. […] C’est une protestation de bon goût, à laquelle il ne manque rien, pas même l’admiration bien sentie que témoigne le critique à la rivale de mademoiselle Rachel.

3155. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Et, après la promenade au bois… et la résurrection de la petite morte, l’entrée dans le village où çà sentirait le laitage, une étable pleine d’un rhythme lent d’haleines et de grands dos ; un intérieur à la Téniers : Les lunettes de la grand’mère Et son nez long Dans son missel... […] Méditez ces consolantes paroles et dites s’il est possible de ne pas sentir là quelque chose de prophétique qui transfigure l’Écrivain, sanctifie le Penseur et met dans l’auréole glorieuse du Poète et dans sa voix retentissante un reflet et un écho des splendeurs sonores dont nous entretiennent les Religions Révélées. […] N’importe, le romantisme, on le sent, va triompher et c’est le moment de se rendre compte de ses forces. […] Non, car la vie sentie, exprimée même bien, même admirablement, ne suffit pas à cette tâche.

3156. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

« S’asseoir au bon endroit, ainsi que l’enseignait son maître Bertin — établir ses grandes lignes — chercher ses valeurs — et se touchant tour à tour la tête et la place de son cœur, mettre sur sa toile, ce qu’on sent, là et là. […] De ce second appartement, ma mémoire a gardé, comme d’un rêve, le souvenir d’un dîner avec Rachel, tout au commencement de ses débuts, d’un dîner, où il n’y avait qu’Andral, le médecin de ma tante, son frère et sa femme, ma mère et moi, d’un dîner, où le talent de la grande artiste était pour nous seuls, et où je me sentais tout fier et tout gonflé d’être des convives. […] Salles, me citait un mot bien caractéristique du contremaître, lui rendant visite à Paris, et lui disant sur un ton intraduisible de dégoût : « Oh, ça sent le bois chez vous ! 

3157. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Nous ne le blâmons pas trop sévèrement de cette audace d’esprit que Machiavel, Bossuet, Mirabeau et Danton ont affichée avant lui ; historiquement cette théorie tranche tout ; elle semble élever l’écrivain à la hauteur de la Providence, qui crée le droit des supériorités dans les hommes prédestinés aux grandes choses, et qui semble donner les masses subalternes en propriété à ses élus ; mais, moralement, cette théorie contient tous les périls et tous les crimes ; car, si vous reconnaissez le génie pour droit et l’ambition heureuse pour titre, quel est l’homme orgueilleux qui ne se croira pas du génie, et quel est le scélérat qui ne se sentira pas l’ambition de tout oser et de tout prendre ? […] Ce n’est pas ainsi que sentait Tacite, ce n’est pas ainsi qu’il écrivait.

3158. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Tristan, qui se sent grièvement blessé, s’écrie : « Beaumanoir, ou es-tu ? 

3159. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

C’est déjà beaucoup, à son époque, qu’il nous ait transmis une telle idée de lui et de sa manière de sentir en écrivant ou en dictant.

3160. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

N’allez pas me demander de définir l’atticisme ; l’aticisme chez un peuple, et au moment heureux de sa société ou de sa littérature, est une qualité légère qui ne tient pas moins à ceux qui la sentent qu’à celui qui parle ou qui écrit ; je me contenterai de dire que c’est une propriété dans les termes et un naturel dans le tour, une simplicité et netteté, une aisance et familiarité entre gens qui s’entendent sans appuyer trop, et qui sont tous de la maison.

3161. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Biot, qui se sentait un certain goût pour son métier d’artilleur, avait même inventé un petit instrument, une petite hausse, qu’il adaptait à sa pièce pour mieux pointer.

3162. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

L’avantage d’une telle éducation, pour ceux qui ne se destinent pas à desservir en lévites fidèles les autels de l’Antiquité, c’est qu’elle laisse de la liberté aux aptitudes, qu’elle ne prolonge pas sans raison les années scolaires, qu’elle donne pourtant le moyen de suivre plus tard, si le besoin s’en fait sentir, telle ou telle branche d’érudition confinant à l’Antiquité, et que, vers seize ou dix-sept ans, le jeune homme peut s’appliquer sans retard à ce qui va être l’emploi principal de toute sa vie.

3163. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Mais, on le conçoit, et même chez un esprit que les succès littéraires ne préoccupaient point, même pour le seul penseur, il y eut, il dut y avoir des tristesses intimes et profondes, de grandes défaillances morales, de voir ainsi l’œuvre de sa vie compromise et découronnée, de se sentir arriver au public tout haché et morcelé, lui qui précisément avait la conception une et entière ; d’assister au développement et au plein succès d’une autre vue que la sienne, et que naturellement il estimait moins exacte et moins vraie, sur cette grande époque et sur l’homme étonnant qui la personnifie.

3164. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Pour trouver l’habileté jointe au courage et l’une et l’autre au service du droit, il faut longtemps attendre : on ne se sent un peu consolé des horreurs et des carnages de religion au xvie siècle que lorsqu’on voit Henri IV conquérir en héros son royaume, et Maurice de Nassau maintenir par l’épée sa libre patrie.

3165. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Et les odeurs mêmes que nous mettons dans l’eau prennent, il nous semble, cette fade et nauséabonde odeur de cérat… Il nous faut nous arracher de l’hôpital et de ce qu’il laisse en vous, par quelque distraction violente. » 23 Cette réaction au contact de la réalité dolente, est surtout l’apanage des sincères, des vibrants, des profonds artistes… « Lorsqu’on est empoigné de cette façon, lorsqu’on sent ce dramatique vous remuer ainsi dans la tête, et les matériaux de votre œuvre vous faire si frissonnant, combien le petit succès du jour vous est inférieur, et comme ce n’est pas à cela que vous visez, mais bien à réaliser ce que vous avez perçu avec l’âme et les yeux. » 24 Ce dernier desideratum n’est plus du tout celui d’Hector Malot dont les procédés de documentation, évidemment du meilleur réalisme, s’accordent le plus joliment du monde avec un très avéré désir de publicité, de succès.

3166. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Les troubles de Florence avaient contribué sans doute à donner plus d’énergie à la pensée de Machiavel ; mais il me semble néanmoins qu’en étudiant ses ouvrages, on sent qu’ils appartiennent à un homme unique de sa nature au milieu des autres hommes.

3167. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Si notre intelligence et nos sens étaient assez perfectionnés, assez vigoureux, assez illuminés, pour nous permettre de voir et de sentir les molécules mêmes du cerveau ; si nous pouvions suivre tous les mouvements, tous les groupements, toutes les décharges, électriques, si elles existent, de ces molécules ; si nous connaissions parfaitement les états moléculaires qui correspondent à tel ou tel état de pensée ou de sentiment, nous serions encore aussi loin que jamais de la solution de ce problème : Quel est le lien entre cet état physique et les faits de la conscience ?

3168. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

A dire que la poésie est l’art de transformer les idées générales en petits faits sensibles, et de rassembler les petits faits sensibles sous des idées générales ; de telle sorte que l’esprit puisse sentir ses pensées et penser ses sensations.

3169. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Il marqua dans son prospectus, qu’« en réduisant sous la forme de dictionnaire tout ce qui concerne les sciences et les arts, il s’agissait de faire sentir les secours mutuels qu’ils se prêtent, d’user de ces secours pour en rendre les principes plus sûrs et leurs conséquences plus claires ; d’indiquer les liaisons éloignées ou prochaines des êtres qui composent la nature, et qui ont occupé les hommes, … de former un tableau général des efforts de l’esprit humain dans tous les genres et dans tous les siècles ».

3170. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Il faut se sentir bien humble en vérité pour se juger honoré par les honneurs, surtout lorsqu’on est à l’abri des moyennes spéculations vaniteuses et mercantiles.

3171. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Vous sentez-vous d’humeur à tout faire pour en amasser ?

3172. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Les moins profonds sentent vaguement qu’il y a là quelque chose d’indestructible ; mais leur premier mouvement est de se révolter, de prendre fait et cause pour la nature humaine, comme s’ils étaient les représentants de ses droits ou les types de sa pureté.

3173. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

L’opinion, qui exalte ces manières de sentir, persuade à chaque individu qu’il est indigne de ne pas les éprouver et plus d’un les accepte pour règle de sa conduite, par crainte du mépris d’autrui et de soi-même, qui ne les eût pas soupçonnées si elles ne lui avaient été imposées par ouï-dire.

3174. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Sur la base d’un réalisme rigoureux, d’une aptitude singulière à apercevoir le monde ambiant, en son aspect véritable et à ressentir un plaisir général à la décrire, s’étage une faculté visuelle plus spécialisée, plus délicate, source de plus de joie et de plus d’efforts, celle de sentir et de retenir de préférence des sensations colorées.

3175. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Il faut qu’en pénétrant dans le monde social, il ait conscience qu’il pénètre dans l’inconnu ; il faut qu’il se sente en présence de faits dont les lois sont aussi insoupçonnées que pouvaient l’être celles de la vie, quand la biologie n’était pas constituée ; il faut qu’il se tienne prêt à faire des découvertes qui le surprendront et le déconcerteront.

3176. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Cette recherche est d’autant plus engageante, d’autant plus passionnante que l’on sent bien qu’elle n’aboutira jamais complètement, qu’elle n’aboutira jamais qu’à peu près.

3177. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Si au lieu d’être en France, nous étions en Angleterre, le pays du cant où il faut toujours se mettre en mesure vis-à-vis de la morale publique, sous peine de sentir sa vie atteinte et déchirée aux endroits les plus sensibles par une opinion implacable, qui n’a point autrefois pardonné à Byron, qui ne pardonne pas aujourd’hui à Charles Dickens, je concevrais la tentative de Mme George Sand, qui cependant, en Angleterre, ne réussirait pas.

3178. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Maurice Rollinat était trop du pays bleu des poètes pour ne pas s’enivrer de son bonheur et ne pas se fier aux sympathies de gens qui ne voulaient se servir de lui que comme d’un plumet pour leurs journaux· Ils lui avaient, pour leur compte, préparé et arrangé des exhibitions qu’il croyait nécessaires, puisqu’il était musicien et qu’il faut bien prendre les oreilles dont on a besoin où elles sont… À présent, il en a fini de ces exhibitions dont il a senti le dégoût.

3179. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Sunt quos curriculo… Il en est qui avec le vers libre, avec le vers sans les entraves prosodiques coutumières, sentent leur souffle grandir ainsi que l’inspiration.

3180. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Je me connais moi-même par la conscience, et je juge qu’entre autres qualités, la faculté de sentir appartient à mon être ou à ma substance ; la théorie prétend que de ce jugement particulier je ne pourrai jamais tirer le jugement universel ou axiome : toute qualité suppose une substance. 

3181. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Ce grand spectacle l’enflamme, et le lecteur surpris sent tout à coup la contagion d’un enthousiasme qu’il n’avait pas prévu.

3182. (1886) Le naturalisme

Les héros de ces romans, tout en portant des noms grecs, turcs et romains, parlaient et sentaient comme des Français contemporains des Précieuses. […] Cet homme est un grand pécheur, mais il a beaucoup aimé, il a été entraîné à pécher par des passions violentes, et le confesseur qui l’écoute sent couler une larme sur ses joues. […] La sensation, l’intuition du contemporain, du spectacle qui vous coudoie, du présent dans lequel vous sentez frémir vos passions et quelque chose de vous, tout est là pour l’artiste. » Et fidèles à cette théorie, les Goncourt extraient de la vie contemporaine tout ce qui est artistique, comme le chimiste fait jaillir l’aveuglante lumière de l’électricité d’un obscur morceau de charbon. […] Une page de Théophile Gautier définit fort bien cette manière de sentir l’Art. […] Que de veilles, que d’heures de doute fébriles pour l’auteur qui sent peser sur son âme l’obscurité de son nom, comme en hiver la terre pèse sur le germe !

3183. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Il se sentit appelé par des événements inconnus, et il partit pour Rome, en passant par l’Asie, pour visiter toutes les grandes écoles de littérature et d’éloquence, et pour s’assurer aussi si ces temples fameux, d’où le paganisme avait envoyé ses superstitions et ses fables à Rome, ne contenaient pas le mot caché sur la Divinité, objet suprême de ses études. […] … « Il existe, oui, certes, il existe une puissance qui préside à toute la nature ; et si, dans nos corps faibles et fragiles, nous sentons un principe actif et pensant qui les anime, combien plus une intelligence souveraine doit-elle diriger les mouvements admirables de ce vaste univers !

3184. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Le tableau des conséquences qui naîtraient de la rupture était des plus sombres ; ils me faisaient sentir que j’allais me rendre responsable de ces maux, soit envers la France et l’Europe, soit envers mon souverain lui-même et envers Rome. […] Bonaparte sentit l’utilité pour lui d’avoir le cœur du pape dans les mains d’un tel homme.

3185. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Aujourd’hui on est en droit d’exiger qu’un écrivain ait raison : d’abord parce que l’erreur coûte cher ; ensuite parce que l’œuvre d’art se sent toujours des bassesses du cœur et plus encore des vices de la pensée : il suffit d’ouvrir un recueil de Victor Hugo, un roman d’Émile Zola. […] Pour mon sentiment personnel, la littérature française du xixe  siècle me paraît triste et amère ; c’est le caractère de ce siècle en France, les Français ont cessé de sentir la joie, au contraire de la génération de la Révolution.

3186. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

C’est lui qui les vivifie ; si les études en sont la base, le sentiment en est l’âme. » Et les contemporains le félicitent de faire sentir et penser le marbre, de le rendre capable d’exprimer les affections douces et tendres aussi bien que les émotions vives et fortes. […] Ne dirait-on pas des figures détachées de l’Arc de triompher Cette influence des arts qui s’adressent à la vue s’est fait sentir non seulement à l’imagination des auteurs, mais à la langue littéraire elle-même.

3187. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Il nous fait des compliments sur notre Venise parue dans L’Artiste, nous disant que pour lui « c’est le plus fin bouquet de parfums de la ville des doges », et afin de nous prouver qu’il a tout senti, tout compris, nous décrit l’Osteria della Luna, sa situation, son architecture, sa couleur, enfin nous la fait revoir : « Mais, nous dit-il, ce ne sera pas compris, il faut tous y attendre. […] Mercredi, 22 septembre 86. » À la réception de cette lettre, mon premier mouvement a été d’enlever la note sur ces lignes amies qui me semblaient dictées par un sentiment pareil que j’éprouverais à sentir la mémoire de mon frère égratignée ; mais, en réfléchissant, j’ai trouvé la prétention énorme, et j’ai pensé qu’il n’y aurait plus de mémoires possibles, s’il n’était pas permis au faiseur de mémoires de faire les portraits physiques des gens qu’il dépeint, d’après son optique personnelle — qu’elle soit juste ou injuste.

3188. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Le Séthos contient aussi quelques beautés, quoiqu’on y sente toujours la gêne & le travail, une certaine dureté dans le stile qui fait qu’on croit toujours entendre le bruit aigu & discordant d’une mauvaise horloge qu’on remonte. […] Le Juvénal François, jeune alors, mais d’un goût fin, & d’un jugement formé, sentit allumer sa bile : il en vomit des torrens.

3189. (1894) Textes critiques

Donc, syllogistiquement… mais intellectuels, amis non amants, juste assez de charnel inconsciemment désiré, d’envoûtement senti nécessaire (photographies) pour faire l’amitié vivace, sans potacheries, trop philosophes pour ignorer que l’Idée déchoit qui passe à l’Acte ; l’une gynandre en spontanéité, l’autre d’irrésolution (parfois) androgyne, semblables par l’interversion de leurs sexes ; union de noblesse socratique ; Nisus et Euryale cérébraux, non musculaires, avant les nuits sous la même tente.‌ […] Plutôt ayant tout vu, senti, appris, il s’en déleste par l’oubli, qui est pareillement mémoire, et de la synthèse du complexe se refait la simplicité première (Filiger, Bernard…), uniprimauté qui contient tout, comme l’un insexué engendre tous les nombres, portraiturant de chaque objet au lieu de la vie l’être, ou synonymes : le principe de synthèse (incarné particulier), l’idée ou Dieu.‌

3190. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Les personnes qui s’arrêtent aux apparences, l’accuseront d’avoir varié, parce que tour à tour il fut bonapartiste, légitimiste, orléaniste, républicain ; mais une étude un peu attentive montre au contraire que sous tous ces régimes, il n’a jamais modifié sa conduite, que toujours, sans se laisser détourner par les avènements et les renversements de gouvernement, il poursuivit un seul objet, son intérêt personnel, que toujours il resta hugoïste, ce qui est pire qu’égoïste, disait cet impitoyable railleur de Heine, que Victor Hugo, incapable d’apprécier le génie, ne put jamais sentir. […] Mais la Fraternité hugoïste n’était pas de composition si humaine, elle n’entendait pas suspendre l’action des conseils de guerre, « mais tempérer l’œil du juge par les pleurs du frère… et tâcher de faire sentir jusque dans la punition la fraternité de l’assemblée ».

3191. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Rien de plus séduisant ; la jeune intelligence qui voit pour la première fois, dans des leçons d’une éloquence incomparable, ces grandioses formules se dérouler et s’appliquer tour à tour à la religion, à l’art, à la politique, à la philosophie des trois périodes de l’histoire universelle, se sent portée, comme par un souffle puissant et continu, vers les plus hauts sommets de la pensée. […] Elle est pour l’humanité l’obligation, sourdement sentie d’abord comme un besoin, acceptée plus tard librement comme une dignité et un devoir, de tendre dans toutes les directions vers un idéal de beauté, de vérité, de bonheur, de perfection.

3192. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Magdeleine de Saint-Agy, on trouve une appréciation étendue de Buffon, et les critiques qu’on a cru devoir lui faire sur ses systèmes hasardés sont rachetées par cette conclusion éloquente : Mais, en compensation, il a donné par ses hypothèses mêmes une immense impulsion à la géologie ; il a le premier fait sentir généralement que l’état actuel du globe est le résultat d’une succession de changements dont il est possible de saisir les traces ; et il a ainsi rendu tous les observateurs attentifs aux phénomènes d’où l’on peut remonter à ces changements.

3193. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

que l’on sent bien que si Louvois est un ordonnateur habile, il manque ici un génie supérieur pour le diriger lui-même et lui donner l’ordre !

3194. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Sa grandeur d’âme, son habileté, son infatigable vigilance, sa supériorité sur ceux qui l’entouraient et dont il se servait utilement, tout cela était senti d’une manière directe et présente, bien autrement efficace qu’aujourd’hui l’histoire, à l’aide de ses pièces et de ses études, ne peut arriver à le reproduire et à le démontrer.

3195. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

On a dit de sa prose qu’elle sent sa condition et sa qualité ; elle est surtout d’un sens excellent, très sain et judicieux.

3196. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Le moment le plus intéressant à observer dans la Correspondance, et qu’elle éclaire, toute brisée qu’elle est, c’est celui où il se transforme : on sent le nouveau Lamennais naître et venir sous le premier.

3197. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Elle nous répéta plusieurs fois d’un air fin un mot dont nous ne sentîmes pas dans le moment toute la valeur : « Vous avez du talent, disait-elle aux romantiques, mais n’oubliez pas, Messieurs, ce conseil d’une vieille femme : soyez aimables ! 

3198. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

grandeur ou flamme du sentiment, éclat de l’expression et, s’il se peut, harmonie de composition et d’ensemble (et s’il n’y A pas de composition proprement dite dans Homère, il y a une flamme perpétuelle, un feu et un torrent de poésie qui rachète tout), — ce sont là quelques-uns des traits et des conditions de cette beauté plus aisée à sentir qu’à définir.

3199. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Et toutefois il a exprimé, en plus d’un endroit de ses écrits, des vœux de méditation individuelle et de hauteur solitaire, si fervents, si profondément sentis, il a marqué un tel désir d’idéal et une telle prédilection élevée pour les sommets infréquentés de la foule, que l’on conçoit très-bien qu’il ait pu, par moments, regretter aussi de ne pas vivre en des temps où cette lutte sur un terrain commun et public, cette bataille à livrer en plaine, ne lui aurait point paru nécessaire.

3200. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Aussi ce groupe ou ce petit noyau, dont M. de Girardin était le principal moteur, avait titre et nom « les conservateurs progressistes. » Combattu, raillé par toutes les nuances de l’opposition, par toutes les fractions de la gauche et par les journaux qui la représentaient, négligé et passé dédaigneusement sous silence par le gros des conservateurs et par l’organe important du centre ministériel, le Journal des Débats, M. de Girardin sentit le besoin de se défendre lui-même, de dessiner sa situation, son idée, de la définir sans cesse, et c’est à ce moment qu’il devint décidément journaliste et rédacteur de premiers-Paris ; jusqu’alors il avait plutôt dirigé.

3201. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Guizot a recueilli et reconquis, on le sent, toute cette piété filiale et maternelle avec les années ; mais de plus, et en dehors du sentiment pur, sa raison et sa prudence interviennent à tout instant pour compléter son principe de foi, pour l’appuyer et le corroborer par de puissantes considérations politiques et sociales : « Y a-t-on bien pensé ?

3202. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

D’autres font un autre genre d’objections qui couperait l’idée à sa racine, et ils disent : Quand vous accorderiez la liberté de tester au père de famille, l’égalité est si bien passée dans nos mœurs, dans notre manière de voir et de sentir, que l’immense majorité des pères n’en userait que dans le sens du droit établi et dans l’esprit de la loi actuelle ; et rien ne serait changé.

3203. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Renan a écrit à cette occasion deux beaux articles58, qui ne font que présager ce qu’il payera d’hommages sentis au meilleur des princes, dans la suite de l’ouvrage où il doit montrer les progrès du Christianisme en présence du dernier effort et de l’épanouissement suprême de l’ancienne philosophie.

3204. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Et qu’on lise aussi dans le Bibliophile français (n° du 1er août 1868) deux lettres de Talleyrand dans sa jeunesse, du Talleyrand d’avant la Révolution, d’avant l’épiscopat adressées en 1787 à son ami Choiseul-Goufïier, ambassadeur à Constantinople : c’est vif, court, agréable, aimable, en même temps qu’on y sent un premier souffle de libéralisme sincère, un souci des intérêts populaires qui semble, en vérité, venir du cœur autant que de l’esprit.

3205. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

L’art d’éviter les écueils de l’esprit était le seul usage de l’esprit même, et le vrai talent se sentait souvent oppressé par tous ces liens de convenance.

3206. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Néanmoins M. de Condorcet, dans son ouvrage sur les probabilités, a très bien fait sentir comment il serait possible de connaître à l’avance, avec une presque certitude, quelle serait l’opinion d’une assemblée sur un sujet quelconque.

3207. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

On sentait que la princesse Georges venait de juger son mari et qu’elle l’avait condamné.

3208. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

On ne marche pas ainsi la tête levée et à front découvert, quand on se sent, si peu que ce soit, coupable.

3209. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

» Au point de vue politique toujours, il fait sentir les inconvénients d’un tel système pour le rôle de la France au-dehors et dans les relations internationales : Nos alliés, nos voisins, sont catholiques ou chrétiens ; chez les peuples modernes, la conformité des idées religieuses est devenue, entre les gouvernements et les individus, un grand moyen de rapprochement et de communication.

3210. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Nul mieux que lui n’a senti la différence qu’il y a entre les jeunes et les vieilles nations, entre les peuples vertueux et les corrompus.

3211. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Et, lamentable résultat, cette philosophie qu’il avait la furie d’avoir, cette philosophie qui commence par le naturalisme grossier du Supplément au voyage de Bougainville pour finir au cynisme infect du Rêve de d’Alembert, a un dernier mot qui n’est pas une cochonnerie, et c’est le mot du scepticisme : « Je ne sais pas », le mot triste, incertain, inquiet, mais vengeur, de tous ces rogues négateurs de la spiritualité humaine, qui sentent la matière, dont ils se croyaient sûrs, trembler dans leur main. […] Depuis le XIIe volume, qui, selon moi, fermait ses œuvres personnelles, les éditeurs ont pu écouler en six volumes de plus les divers travaux de Diderot à l’Encyclopédie, cette œuvre collective d’une érudition maintenant débordée, qui n’atteste, d’ailleurs, en Diderot, nulles autres facultés que celles qu’on lui connaît, et encore qui n’attestent pas toutes celles dont on sent la présence ou la prétention dans ses autres ouvrages. […] Il n’avait pas été mis à la tête, ou plutôt à la queue de l’édition des frères Garnier, pour juger Diderot avec la fière impartialité d’un critique qui se sent du sang dans les veines, mais pour tintinnabuler à pleines volées en l’honneur du xviii° siècle et de l’homme dont ils publiaient les Œuvres complètes pour la première fois.

3212. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Lorsque, aujourd’hui, on porte la main sur ces antiques puissances qui crouleront tout à l’heure, si nous les sentons vaciller et trembler, c’est surtout parce qu’elles furent ébranlées jadis jusque dans leurs fondements sous la catapulte de son rire. […] Qu’importait cela, pourvu qu’on fût ému, et qu’on sentît battre les viscères sous la flanelle ? […] et dans l’œuvre de Léon Dierx on se sent dépaysé comme on le serait dans une contrée qui, sans cesser de ressembler à la terre, serait pourtant l’infini. […] Une vénération environne ce noble homme, illustre à l’écart ; et, comme les poètes, les philosophes aiment son rêve qui sent, pense, invente, et croit. […] Sans garder le souvenir des vies de naguère et d’autrefois, elles éprouvent la fatigue de les avoir vécues ; elles sentent, avant la lassitude des jours nouveaux, la courbature d’avoir porté des âges ; et pareilles à des artisans qui, la veille, peinèrent, elles ne demandent pas mieux que de se rendormir, mal réveillées.

3213. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Il sentait bien, malgré tous ses airs d’audace, qu’une seconde bataille comme celle de Malplaquet n’avancerait pas les affaires.

3214. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Chéruel est trop juste pour ne pas le sentir : aussi dans tous les premiers chapitres sur Anne d’Autriche, Mazarin, Chavigny, Fouquet, etc., il a pris simplement prétexte des inexactitudes de Saint-Simon pour traiter lui-même, à son tour, de quelques points importants du grand règne sur lesquels il avait fait de longue main des études originales et approfondies.

3215. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

On sent dans maint endroit le vieux sang ligueur qui, toujours chaud, continue à fermenter.

3216. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Là, comme dans les ouvrages du siècle, on sent que la féodalité catholique touche à sa fin.

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