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1802. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Et quand un croisement a été opéré, la sélection la plus sévère est beaucoup plus indispensable que dans les cas ordinaires.

1803. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Un tableau, tel que celui, d’une grandeur considérable n’y paraît qu’une toile ordinaire.

1804. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Nous ne regarderons pas avec lui de ce côté dans son horizon ordinaire.

1805. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Entré dans cette voie d’une humble et assidue présence devant Dieu, le poëte, l’orateur des conciles et des cours n’était plus, ne voulait plus être qu’un fidèle qui prie : toutes ses pensées, dédaigneuses du monde, remontaient au Créateur ; tous les actes de sa vie ordinaire, toutes ses épreuves, tous ses regrets, toutes ses douleurs, n’étaient que des occasions de culte et d’actions de grâces.

1806. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Car, pourquoi la plupart de nos histoires de la littérature ne sont-elles qu’une collection — je ne dis pas une succession — de monographies ou d’études, mises bout à bout, et reliées d’ordinaire par un fil assez lâche ? […] Sa matière, j’entends par là les idées ou les sentiments qu’elle remue d’ordinaire ; et sa forme, c’est ce qui en rend l’expression proprement éloquente : c’est le rythme et c’est l’image. […] C’est un poète emporté par son enthousiasme, qui, soutenu par la grandeur de ses pensées et de ses expressions, s’élève au-dessus de la raison ordinaire des hommes, et qui en cet état profère avec transport tout ce que la fureur lui inspire. […] Comment a-t-il traité les plaisirs ordinaires des hommes ?

1807. (1913) Poètes et critiques

N’est-ce pas se faire une plus juste idée de la valeur des choses que de reconnaître jusqu’à quel point nos occupations les plus ordinaires, notre labeur de chaque jour, soutenu sans défection, sous l’apparente monotonie des efforts et des résultats, « nous mettent aux prises », en silence et à notre insu, avec les « suprêmes énergies de la nature » ? […] Lorsque l’auteur de ce cahier de vers s’en sépara, il ne livrait d’ailleurs rien d’inédit, si nous nous en tenons au sens ordinaire du mot. […] IV Les changements profonds, bouleversant l’être du tout au tout, sont d’ordinaire préparés par plus d’un événement.

1808. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

J’ouvre son premier livre, celui qu’il composait en 1852, à peine sorti de l’École Normale, et j’y trouve, à l’occasion de Royer-Collard, ces phrases bien significatives « Je fais deux parts de moi-même : l’homme ordinaire qui boit, mange, fait ses affaires, et je mets cet homme à la porte. […] Ils ont à peine passé la frontière qui sépare l’aliéné de l’individu ordinaire et par conséquent sociable. […] Réflexions Sur Les Mémoires De Bülow I D’ordinaire, les personnages qui jouent un rôle dans les affaires publiques ont cette caractéristique, commune d’ailleurs à tous les hommes d’action, de s’absorber dans leur œuvre.

1809. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Quand il a voulu peindre l’humanité du côté idéal, il ne s’est pas contenté des procédés ordinaires de la fiction pour embellir la réalité, exalter les imaginations, quintessencier l’amour, sacrifier le positif au poétique et le vrai au romanesque ; il s’est perdu dans les sciences occultes, dans l’alchimie, le magnétisme, le somnambulisme ; il s’est égaré dans les vagues régions de l’illuminisme, dans le vaporeux éther de Saint-Martin et de Swedenborg. […] Mais, dans le Lys dans la vallée, où le roman reprend ses procédés ordinaires, et où le mysticisme, tout en gardant ses ailes, consent à poser le pied sur la terre, nous retrouvons M. de Balzac tout entier, avec ses deux inspirations extrêmes, se rejoignant par un côté : c’est aussi par le Lys dans la vallée que nous rentrons dans la partie vivante, c’est-à-dire dangereuse, de ses livres. […] Serait-ce, par hasard, cette absurde manie de prolonger, au-delà des limites ordinaires, la jeunesse féminine, de prêter à ses héros des passions persistantes pour des femmes de quarante, de cinquante et même de soixante ans ? […] Un soir, ce public, si bénévole d’ordinaire et si facilement enthousiaste, se montrait d’assez maussade humeur. […] Mais il n’y a aucun lieu sur la terre où j’attende une justice plus éclairée qu’à Genève. » — Et cela est signé : « Voltaire, gentilhomme ordinaire du roi ! 

1810. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Chacun reconstruira à sa guise, comme il le ferait pour un roman auquel il manquerait la première partie, un fait capital de la vie intime de Victor Hugo, Pour moi, je n’y veux rien voir qu’une grandeur de sentiments, une générosité de cœur, bien au-dessus des forces ordinaires humaines. […] Paul Bourget fait évoluer tous ses personnages dans « cet endroit, si vulgaire d’habitude, et par son luxe brutal et par la qualité des êtres auxquels il suffit… La furie de plaisir déchaînée à travers Nice durant ces quelques semaines du carnaval attire sur ce petit coin de la Rivière la mouvante légion des oisifs et des aventuriers ; la beauté du climat y retient par milliers les malades et les lassés de la vie, les vaincus de la santé et du sort ; et, par certaines nuits, lorsque d’innombrables représentants de ces diverses classes, épars d’ordinaire le long de la côte, s’abattent à la fois sur le Casino, leurs caractères fantastiquement disparates éclatent en de folles antithèses. […] Dans ce cas, rendu à la vie ordinaire, il pourrait devenir un philosophe libre de répandre ses idées personnelles, peut-être quelque jour un député socialiste d’une nuance nouvelle. […] Journal d’un comédien Un comédien qui ne dit pas que ses directeurs étaient d’infâmes exploiteurs, que les auteurs qui lui ont donné des rôles n’ont dû leur succès qu’à son mérite et à ses conseils et qui trouve du talent à ses camarades petits et même grands, voilà qui n’est pas chose ordinaire.

1811. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Bien plus, elle marque en nous une sorte d’amélioration morale : nous sommes vraiment meilleurs quand nous admirons ; nous nous sentons soulevés au-dessus de nous-mêmes, et capables peut-être d’actions devant lesquelles nous reculerions en temps ordinaire : l’âme se porte à la hauteur de ce qu’elle admire. […] Peut-être aussi, dans la maladie, la délicatesse du système nerveux étant excessive, les moindres sensations nous ébranlent profondément et tendent ainsi à prendre une nuance esthétique qu’elles n’ont pas en temps ordinaire. […] Et la fièvre lorsque tout à coup je remarque… Évidemment ce ne sont plus là des vers du type ordinaire ; mais peut-on dire que ce soient encore des vers ? […] Un des caractères de la phrase poétique, en effet, c’est qu’elle doit être plus nerveuse que la phrase en prose ; les douze syllabes d’un vers doivent donner, nous l’avons vu, une idée de plénitude que douze syllabes du langage ordinaire ne sauraient donner : il faut donc qu’elles renferment et éveillent plus d’idées.

1812. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Il pense avec la plu-part d’entre eux que dans la transformation de l’ancien latin, dans ce renouvellement d’où sont nés les quatre idiomes vulgaires, provençal, français, italien, espagnol, il y a lieu de constater plus d’ordre et de régularité qu’on ne le soupçonne d’ordinaire.

1813. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il ne chante pas, il parle ; ce sont les mots risqués, négligés, de la conversation ordinaire ; ce sont les détails de la vie domestique ; c’est la description d’une toilette, d’un dîner politique, d’un sermon, d’une messe de village.

1814. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

” Il souffla la lampe, et nous restâmes quelques moments en silence, attendant le sommeil ; mais entendant soupirer plus fortement qu’à l’ordinaire ce tendre père, je le priai de me dire la cause de son insomnie.

1815. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Je ne vous le dissimule point, c’est un homme d’une taille au-dessus de l’ordinaire et d’une figure qui n’a rien d’attrayant ; il est d’une humeur sévère, et ne souffre pas volontiers d’être contrarié ; outre cela, il est d’un âge déjà fort avancé.

1816. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Ce cri, évidence du génie, fut bien, comme à l’ordinaire, suivi de ce murmure sourd de l’étonnement et de l’envie, qu’est la basse continue des acclamations humaines ; mais la critique fut submergée dans l’enthousiasme : le graveur vendit en peu de mois pour plus d’un million d’estampes2.

1817. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Sa tête hébraïque fumait plus qu’à l’ordinaire de ce feu d’enthousiasme qui s’évapore perpétuellement du foyer sacré de son front. « Qu’avez-vous ? 

1818. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

C’était une maisonnette toute semblable à celles que j’ai décrites plus haut comme la demeure ordinaire des gentilshommes peu opulents de la Savoie.

1819. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Ce grand événement n’a pas été conduit par un conseil humain ; il n’est pas même un effet ordinaire de la protection des immortels.

1820. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

« Ce soir, j’ai regardé plus qu’à l’ordinaire, tant c’était ravissant, cette belle nuit !

1821. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Alors on vit là ce qu’on voit d’ordinaire lorsqu’on se réunit en certain nombre, car il est impossible que plusieurs hommes aient tous les mêmes idées et envisagent au même instant une chose sous le même aspect.

1822. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Je gagnerai beaucoup par ce secours, vous-même vous gagnerez par ce travail positif une connaissance bien plus approfondie du contenu de ces articles, vous vous les approprierez bien mieux que par une lecture ordinaire faite en ne songeant qu’à votre plaisir. » Toutes ces idées me paraissaient justes, et j’acceptai ce nouveau travail.

1823. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Au lieu de nous faire un dîner ordinaire, elle nous en fit encore un meilleur que l’autre dimanche, et nous dit d’un air ferme : « Mangez, mes enfants, n’ayez pas peur… tout cela va changer. » Je rentrais vers quatre heures du soir à Phalsbourg un peu plus calme qu’en partant.

1824. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

S’il préfère les sujets compliqués aux sujets simples, c’est, avoue-t-il, qu’il est plus aisé d’en faire le dialogue ; et il ajoute : « La multitude des incidents donne pour chaque scène un objet d’intérêt déterminé ; au lieu que si la pièce est simple, et qu’un seul incident fournisse à plusieurs scènes, il reste pour chacune je ne sais quoi de vague qui embarrasse un auteur ordinaire ; mais c’est où se montre un homme de génie. » Rien de plus vrai.

1825. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

On le traitait en médecin qui s’est affiché comme inventeur d’une panacée ; tous les malades sur qui la médecine ordinaire avait échoué, lui demandaient de sa panacée et voulaient être guéris.

1826. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Wagner a prévu, il y a longtemps, que « l’œuvre d’art de l’avenir ne pourra vivre pleinement que lorsque le drame ordinaire et l’opéra seront devenus impossibles ».

1827. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Une fois le germe développé, le cerveau sera ou plus imparfait ou plus parfait qu’à l’ordinaire.

1828. (1909) De la poésie scientifique

C’est, ému aussi de ce sens universel qui requiert le poète russe, qu’en Angleterre, en 1905, c’est-à-dire vingt années après mes premiers dires, un poète qui œuvra avec un remarquable talent en le mode ordinaire, M. 

1829. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Pythagore la considérait si bien comme quelque chose en dehors de la végétation ordinaire, qu’il la proscrivait comme de la viande.

1830. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Ses vers que les amplifications oiseuses et des comparaisons étourdissantes rendent d’ordinaire si froids, s’animent et vibrent de passion.

1831. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Les vers à deux visages louaient le roi d’un côté, mordaient de l’autre les adulateurs ordinaires du prince.

1832. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

« J’accomplis aujourd’hui ma quarantième année, plus que la moitié du chemin ordinaire de la vie.

1833. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

. — Voilà qui est très joli, mais les romans où de pareils sujets sont développés ont, à l’ordinaire, le défaut d’être ennuyeux comme la grêle en hiver.

1834. (1926) L’esprit contre la raison

Nous savons que l’esprit attentif aux contours, docile aux objets, soumis à leur apparence ordinaire, comme on lui a si longtemps conseillé d’être, n’aurait pas de vie propre et même, à vrai dire, n’existerait pas.

1835. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

À ce discernement de l’utile doit se borner d’ordinaire la perception des animaux.

1836. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Cette nuance, s’il l’admettait, lui expliquerait peut-être, ainsi qu’à bien d’autres qui s’en irritent ou s’en attristent, pourquoi les œuvres d’imagination très orthodoxes et très morales sont d’ordinaire accueillies avec une certaine froideur ; c’est qu’elles ne peuvent exciter dans le public auquel elles s’adressent autant d’enthousiasme et de sympathie qu’en éveillent les ouvrages dangereux chez les gens pour qui on les écrit. […] Eh bien, par un prodige d’exposition nette et transparente, l’auteur de ces Notices trouve moyen de rendre accessible aux intelligences ordinaires, aux dilettantes de science et d’académie, ce qui semblait devoir rester interdit aux profanes, et enveloppé, comme dit Fontenelle, des voiles d’une certaine langue sacrée, entendue des seuls prêtres et de quelques initiés. […] En lisant le récit des travaux de ces personnages, l’explication de leurs desseins et le panégyrique de leurs actes, on se dit que, si Dieu avait prolongé au-delà des limites ordinaires leurs existences déjà si longues, ils auraient vu s’écrouler une dernière fois ce qu’ils regardaient comme l’héritage définitif de leurs labeurs, de leurs luttes et de leurs pensées. […] Albert de Broglie, et qui, en des temps ordinaires, nous eût inquiété peut-être, la catastrophe de Février l’explique et la justifie. […] Qu’importent, en un sujet pareil, les préoccupations ordinaires de la critique, ou même les légitimes hommages de la louange !

1837. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Son dévoué, Jules Huret Avant-propos Depuis que la presse, qui, déjà, parlait de tout le monde, s’est résignée à s’occuper aussi des faits et gestes des littérateurs, le public, friand de toutes les cuisines, s’est immiscé de lui-même dans les querelles intestines de l’art, s’en faisant le juge avec une autorité que lui donne l’habitude des ordinaires potins. […] Quant au Pèlerin passionné, poème de Shakespeare inséré d’ordinaire au même volume que le Viol de Lucrèce, Adonis, et les Sonnets, que vient-il faire en cette fantaisie habile où de curieux artificiers en métrique et lexique se groupent pour arriver et se nomment bizarrement pour être connus ? […] J’ai restauré la psychologie héroïque, c’est-à-dire créé des entités scéniques aussi différentes des individus vivants qu’un masque tragique grec diffère d’une tête ordinaire. […] Augurer que les anathèmes qu’édite à l’ordinaire la librairie Perrin puissent produire un tel cataclysme me semblerait paradoxal… Je ne crains pour les doctrines, dont je m’honore d’être le servant, que les Russes, les Mongols et les Nègres. […] Et Gérard de Nerval en a glané de jolies gerbes dans les chansons populaires… Quant à l’instauration de Ronsard, c’est un mouvement… en arrière, et cela s’appelle d’un mot bien ordinaire : du pastiche.

1838. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Pour trouver le public ordinaire de l’Opéra aussi obstinément réuni au foyer, j’ai besoin de vous expliquer que les Huguenots étaient joués par les doublures, vu l’absence des premiers sujets grippés. […] Toutefois je dois me trouver dimanche prochain à un déjeuner littéraire où je pourrai trouver les éléments d’un papotage supplémentaire ; en ce cas, au lieu de vous la porter moi-même, je vous l’adresserai encore par les voies ordinaires.

1839. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

pour que la comédie de son comédien ordinaire soit représentée en plein théâtre, et pour tout dire, atteindre enfin au comble de l’art qui ne peut ni s’expliquer ni s’apprendre : « Quod tamen unum tradi arte non potest » telle était l’ambition de Molière, son ardente et infatigable ambition ; si bien qu’il est mort sans songer, — ô Dieu !  […] Les voilà donc lancés, le roi, le poète, le musicien ; les chanteurs et les danseurs ordinaires sont à leur poste ; les gentilshommes désignés pour prendre part à cette mascarade sont déjà à leur réplique ; le divertissement est prêt ; la comédie, la musique et le ballet descendent de leur gloire pour chanter le prologue : Unissons-nous tous trois, d’une ardeur sans seconde, Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.

1840. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Quand l’acteur Talma, par une heureuse innovation, quittait la défroque ordinaire des histrions pour prendre le véritable costume romain, il faisait du réalisme. […] J’ai quelquefois assisté à des enterrements, et j’avoue que ce n’est pas là qu’ont abouti d’ordinaire les sentiments que j’ai éprouvés dans ces circonstances.

1841. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Protestant et respectueux, l’auteur a décidé que le christianisme n’est pas une religion ordinaire. […] Il finit par découvrir que le brahmane avait choisi l’heure qui précède le moment du bain, afin de n’être pas obligé de faire deux fois ses ablutions, afin de se purifier en une fois des souillures ordinaires et des souillures particulières contractées en la compagnie de l’impur Européen. […] En effet, dans ses jeux ordinaires, l’enfant intelligent est porté, pour la gloriole, à se vanter de son insensibilité.

1842. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Au surplus, en ne voyant dans Villon qu’un pilier de tavernes ou qu’un hanteur de clapiers, Sainte-Beuve, qui d’ordinaire réservait ses injustices à ses contemporains, confond ou feint de confondre avec l’œuvre même la biographie si douteuse du poète. […] Dans ces strophes incomparablement parfaites, écrites, dit-il, « Sans prendre garde à l’ouragan Qui fouettait mes vitres fermées », il s’est montré, à force de fixité sur le Beau et de raffinement dans la technique du vers, si détaché des ordinaires préoccupations de la vie, qu’on l’a pu accuser de n’être qu’un prestigieux artiste. […] Certes, sa vie personnelle, que j’ai eu, un temps, l’honneur de considérer de près, fut exempte d’affectation de révolte, soumise aux ordinaires règles, correcte, simple ; mais il n’y concédait que la moindre part de soi, semblait y être en séjour momentané, n’y avait point de patrie, en acceptait les coutumes avec courtoisie, comme un hôte bien élevé, ou en subissait la gêne avec une apparente résignation, orgueil forçat des nécessaires réalités. […] Quand je me courbai vers lui, pour lui mettre au front mon adieu, je m’étonnai de ne pas voir sur sa face la sérénité où se détend d’ordinaire l’inutile révolte de l’agonie. […] Il n’était pas aussi mélancolique que d’ordinaire.

1843. (1881) Le roman expérimental

L’expérimentateur doit alors disparaître ou plutôt se transformer instantanément en observateur ; et ce n’est qu’après qu’il aura constaté les résultats de l’expérience absolument comme ceux d’une observation ordinaire, que son esprit reviendra pour raisonner, comparer, et juger si l’hypothèse expérimentale est vérifiée ou infirmée par ces mêmes résultats. » Tout le mécanisme est là. […] Ainsi, c’est déjà une belle vente, lorsqu’on vend trois ou quatre mille exemplaires ; cela fait donc deux mille francs, en mettant le droit par exemplaire à cinquante centimes, ce qui est un gros prix, les prix ordinaires étant de trente-cinq et de quarante centimes. […] Aucun effort d’imagination, des scènes du monde ouvrier, des paysages parisiens, reliés par l’histoire la plus ordinaire du monde. […] Dans leur milieu, d’ordinaire, les choses ne se passent point avec un raffinement de sensations pareil. […] C’est un esprit très cultivé, sachant bien une foule de choses, écrivant des articles politiques remarqués, mettant même d’ordinaire du bon sens et de la conscience dans ses études littéraires.

1844. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

J’ai repoussé celle qu’on donne d’ordinaire. […] Une névrose de femme et cette autre névrose, dit-on, qui est le génie, peuvent très bien, même sans que celui-ci soit parfaitement compris par celle-là, conspirer à une même fin tragique… Et ceci me mène à mon dernier point : 5e L’homme de génie, souvent, finit mal : par l’orgueil démentiel, par l’érotomanie, par l’ennui sans bornes, par le suicide… Il se sent un monstre, mal adapté désormais aux ordinaires conditions de la vie humaine. […] Oui, souvent, ce qui est mis sous nos yeux nous frappe plus que ce qui nous est raconté ; oui, l’action est d’ordinaire plus émouvante que le récit. […] Et alors Sylvette et Percinet connaissent qu’ils ont été bien sols, que ce qu’ils prenaient pour poésie n’était que billevesées, inventions médiocres et mensonges de théâtre ; qu’au surplus ils ne savaient pas aimer, puisqu’ils ne se voyaient amants que sous certains costumes et dans certains rôles plus usés et d’une banalité plus cruelle que les chansons des orgues de Barbarie ; qu’il n’y arien de commun, ou pas grand’chose, entre la poésie et le romanesque, celui-ci n’étant qu’un arrangement convenu, et niais, et menteur de la réalité, et la poésie étant la vérité elle-même profondément sentie, et qu’enfin l’amour peut être délicieux et sublime dans les conditions de vie extérieure les plus ordinaires et les plus modestes.

1845. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Donnez-leur tout l’argent dont ils auront besoin et même l’argent du jeu, comme cela se faisait chez le surintendant Fouquet pour les courtisanes de Louis XIV, mais à une condition : que cet argent que donne le public à ses comédiens ordinaires soit loyalement dépensé. […] Tout ceci, la douleur ou le rire, la joie ou les larmes, l’exclamation ou l’abattement, appartient à la vie ordinaire, à l’existence de chaque jour, et s’il était nécessaire qu’en effet, le comédien éprouvât, l’une après l’autre ou tout à la fois, ces émotions courantes de l’existence journalière, il aurait le droit de vous dire aujourd’hui : — Ma foi, je suis gai, content, je me porte à merveille, et je n’irai pas représenter la colère d’Achille ou la douleur d’Agamemnon pour vous divertir ! […] — L’été venu, quand toute chose est en fleurs, il dresse son théâtre imaginaire derrière la charmille ; il fait représenter à son bénéfice, Le Dépit amoureux, cette élégante idylle de l’amour naïf et coquet ; La Critique de l’École des femmes, ce plaidoyer de Molière pour Molière, plaidoyer digne de l’avocat, à la fois, et de la cause qu’il plaidait ; Les Précieuses Ridicules, cet adorable commencement de la comédie ; Le Mariage forcé. — Enfin, quand vient l’automne, à l’anniversaire de l’art dramatique dans le monde, Duparay se demande à lui-même Le Cocu imaginaire, adorablement joué par les comédiens ordinaires de cette imagination puissante ! […] Laissez-les faire, les uns et les autres, ils vous feront une confession générale de leur vie, sans oublier une seule de ces hontes secrètes que d’ordinaire la conscience se dissimule à elle-même.

1846. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

  Cette faculté d’assimilation, grâce à laquelle Gabriel Charmes saisissait, d’une vue rapide, les résultats généraux des sciences spéciales ; ce soin de s’adresser d’abord aux guides sûrs et aux livres ignorés du vulgaire ; ce mépris des renseignements de pacotille, qui suffisent d’ordinaire aux touristes, même quand ils écrivent ; ce goût de l’histoire et ce sérieux penchant à la politique ; ce respect du passé et ce souci du présent ; cette vivacité d’impression et cette richesse d’information ; cette belle ardeur de jeunesse, qui abordait sans crainte, avec une témérité presque toujours heureuse, tous les aspects des plus difficiles questions ; ce désir de l’inédit, du nouveau, de l’exotique, joint à l’amour profond et au souvenir, toujours présent, de la patrie lointaine, toutes ces qualités si diverses, qui se rencontrent si rarement, et qui se conciliaient dans l’unité de cette âme si généreuse et si pleine, nous pourrions les noter, en lisant les notes hâtivement rédigées, le soir, dans les auberges ou dans les khans, aux étapes de ce Voyage en Syrie, où apparaissent, en des visions précises, les Phéniciens, marchands, marins, fabricants et un peu pirates, mais agents de civilisation et ouvriers de progrès ; — les Arabes, jardiniers voluptueux, planteurs d’orangers, chanteurs de cantilènes fleuries ; — les croisés, tour à tour mystiques et doux comme Godefroy de Bouillon, rêveurs comme des troubadours, féroces comme des Maures et pillards comme des templiers ; — les marchands français du xviie  siècle, dont quelques hommes courageux tâchent encore aujourd’hui de continuer la tradition ; — Bonaparte, essayant, comme le pharaon Toutmos III, de forcer les passes du Carmel, et échouant devant cette misérable bicoque de Saint-Jean-d’Acre ; — les pachas turcs, diplomates malins, policiers incommodes, un peu marchands d’antiquités, ambitieux d’être considérés, par la presse européenne, comme des partisans de la civilisation occidentale, et s’occupant, dans ce dessein, à organiser des fanfares municipales qui déchirent les oreilles, et à faire construire des routes pavées où personne ne passe. […] Venez qu’on vous embrasse, ma chérie… Je crois que, neuf fois sur dix, une jeune Parisienne ainsi chapitrée, ayant d’ailleurs entendu les conversations que l’on tient devant elle dans le salon maternel, pour peu que son éducation, commencée dans une institution mondaine, ait été achevée, comme cela se fait d’ordinaire, par deux ou trois auditions d’Yvette Guilbert, consentirait, sans difficulté, à épouser M.  […] Le roman historique Lorsqu’on entreprend d’écrire un roman historique, on s’expose d’ordinaire aux critiques de ceux qui aiment les romans et au dédain de ceux qui respectent l’histoire. […] Vrai, Pingot ne s’embête plus ; il ne grogne plus en dedans lorsqu’on lui commande une corvée ; il n’a plus, en rentrant au quartier, cette allure de chien battu et mécontent qui égayait le brigadier du poste ; ses lettres « au pays » ne sont plus des élégies ; il mange avec appétit la soupe et le bœuf de l’ordinaire.

1847. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

L’arrière-salle où nous nous tenions d’ordinaire était affreuse : une vaste table recouverte d’une étoffe ignoblement maculée en occupait le milieu. […] Pour reproduire cette échelle de valeurs, le romancier doit mettre en scène trois séries de caractères : des avortés et des grotesques dans le fond du tableau, des individualités ordinaires dans le milieu, et, sur le premier plan, ce que le langage vulgaire appelle des héros, des natures exceptionnelles… » Il insistait sur la nécessité du trait substitué à la description pour donner une vue et un sentiment des paysages. […] Elle s’applique d’ordinaire à des compositions très conventionnelles, même si elles sont supérieures. […] Mais qui dit égotiste ne dit pas égoïste, au sens où le langage ordinaire prend ce terme.

1848. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Ernest Seillière consiste, je crois, non dans un démenti au système gobinien, mais dans une absence de système qui peut surprendre, et même dérouter au premier abord, chez un homme si terriblement systématique en temps ordinaire. […] Et l’on y trouve, en un sens plus large que celui du théâtre ordinaire, un intérêt dramatique passionnant ; nous assistons aux efforts successifs et infructueux de l’Italie pour conquérir cette unité à laquelle Dante et Pétrarque aspiraient déjà. […] Aubry, que l’ordinaire du diocèse lui donne pour successeur.

1849. (1896) Études et portraits littéraires

. — Ces trouvailles étaient l’ordinaire de cette prose de Barbey, insouciamment jetée au courant de la chronique. […] Il nous explique que ces mains-là ne sentent pas les étreintes ordinaires. […] Il en coûte peu à un idéaliste de reconnaître ce qui lui manque de « matière pesante », et il laisse sans regret au commun des mortels les « deux grains de brutalité virile » indispensables à l’ordinaire condition humaine.

1850. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

« Pour se procurer l’ordinaire soutien de la vie, personne, parmi les hommes n’avait d’autre peine à prendre que celle d’étendre la main, et de cueillir sa nourriture aux branches des robustes chênes, qui les conviaient libéralement au festin de leurs fruits doux et mûrs ; les claires fontaines et les fleuves rapides leur offraient en magnifique abondance des eaux limpides et délicieuses ; dans les fentes des rochers et dans le creux des arbres, les diligentes abeilles établissaient leurs républiques, offrant, sans nul intérêt, à la main du premier venu, la riche moisson de leur doux labeur225.

1851. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Il la serra bien fort dans ses bras, et je vis aussi des larmes dans ses yeux ; il me tendit la main et devint plus pâle qu’à l’ordinaire.

1852. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

« Sur-le-champ j’eus recours à mes prières ordinaires, et je remerciai Dieu de mourir d’une mort si douce et bien différente de celle dont j’avais été tant de fois menacé.

1853. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

J’approchai de sa lèvre, comme miroir, l’ébène brillante d’un petit crucifix que je porte d’ordinaire au cou, don testamentaire de madame de Cursy ; il ne s’y montra aucune haleine.

1854. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Les mêmes choses se lisent dans le discours que Quinte-Curce fait prononcer à Hermolaüs ; ce qui est très digne de remarque, puisqu’il en résulte que cet historien n’imaginait pas toujours les harangues dont il a rempli son ouvrage, et qu’il ne les composait pour l’ordinaire qu’après en avoir trouvé le sujet, soit dans Plutarque, soit dans d’autres écrivains qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous.

1855. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Je pus en même temps vanter son talent, qui n’est pas ordinaire, et Goethe, qui connaît quelques-unes de ses œuvres, la loua comme moi. » « Une de ses poésies, dit-il, dans laquelle elle décrit un site de son pays, a un caractère très original.

1856. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

« Un jour, fatigués de la chasse, et séparés de leurs amis que le brouillard dérobait à leurs yeux, Connal et la fille de Comlo vinrent se reposer dans la grotte de Ronan : c’était l’asile ordinaire de Connal : les armes de ses pères y étaient suspendues : leurs boucliers y brillaient auprès de leurs casques d’acier.

1857. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

et a dit sur l’amour les choses les plus pénétrantes. (« L’on veut faire tout le bonheur ou, si cela ne se peut ainsi, tout le malheur de ce qu’on aime. ») et les plus délicates (« Être avec les gens qu’on aime, cela suffit ; rêver, parler, ne leur parler point, penser à eux, penser à des choses plus indifférentes, mais auprès d’eux, tout est égal. ») — Il a senti et aimé la nature infiniment plus qu’il n’était ordinaire en son temps.

1858. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Ils font, à l’ordinaire, moins de bruit que leurs pratiques confrères. — Je parle dans une des villes qui aient fait le plus pour la science pure et vraie et qui compte, à cette heure encore, le plus de savants dignes de ce nom.

1859. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

C’est aussi un fait digne de remarque, que l’exécution, loin de péricliter, comme il arrive d’ordinaire, n’a pas cessé de s’améliorer depuis le premier soir.

1860. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Wilder donne la perfection de la traduction vulgarisatrice : sa traduction est exacte de sens ; elle est écrite littérairement ; elle est claire, tellement que les Allemands qui ne comprendront point des vers de la Walkure en chercheront l’intelligence en la Valkyrie ; au lieu des mots inusités, inventés ou renouvelés, du texte allemand, les mots sont ordinaires ; la grammaire, traditionnellement correcte, n’a rien des insolites complications de la grammaire Wagnérienne ; la métrique Wagnérienne est abandonnée pour l’usuelle versification des poèmes dramatiques français, — le vers rimé (nécessaire à une œuvre populaire), non allitéré, coupé selon le goût français non correspondamment au vers allemand ; c’est une francisation de ces œuvres formidablement différentes, une simplification d’elles qui les popularisera et, éminemment, une vulgarisation.

1861. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Analyser le jugement d’après la proposition, comme on le fait d’ordinaire, c’est donc s’exposer à des illusions logiques qui altèrent la vérité psychologique.

1862. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

L’allusion transparente, la double entente malicieuse, le sous-entendu furtif suspendu sur ses lèvres, le demi-mot plus incisif que le gros mot, le sens qui s’arrête pour que la malignité l’achève ; l’injure qui ne dit pas tout pour que le peuple, en la complétant lui-même, devienne, pour ainsi dire, le complice intelligent du chansonnier, voilà les figures ordinaires du style de Béranger.

1863. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Mis rondement à la porte, avec neuf livres dans sa poche, par son oncle, monsieur Polduc Le Bihan, sur lequel je reviendrai, le chevalier de Kéramour, qui n’a que sa beauté et sa bravoure, — un vrai chevalier des Contes de fées, — trouve sur la route devers Paris un pauvre diable de pendu dans une forêt, et il a l’idée de faire une bague avec quelques fils de sa corde, entrelacés aux cheveux de sa cousine Vivette ; et c’est alors que commence de se dérouler le ruban bariolé de ses aventures, qui vont, jusqu’à la fin du livre, de surprises en surprises, comme on les entend et comme on les pratique au théâtre, où l’on marche d’ordinaire, comme sur un tapis, sur toutes les invraisemblances et toutes les impossibilités.

1864. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Il faut citer une fois de plus, d’une façon plus complète qu’on ne le fait d’ordinaire, ce fragment d’une lettre à Louise Colet : « Il y a en moi littérairement parlant deux bonshommes distincts, un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d’aigle, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de l’idée ; un autre qui creuse et qui fouille le vrai tant qu’il peut, qui aime à accuser le petit fait aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matériellement les choses qu’il reproduit.

1865. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Ajoutons qu’à moins qu’un méridional ne veuille s’en mêler, un acteur ordinaire déclamera avec plus de facilité et de vérité des vers ainsi établis typographiquement ; les yeux lisent comme nous parlons ; l’expérience faite avec des poèmes de Fort, disposés tels qu’ils le sont dans ses livres, fut concluante49. […] Mais comme la solitude et l’isolement poussent d’ordinaire une conscience catholique vers l’idéalisme, ce n’est que plus tard, au contact des réalités quotidiennes, que l’artiste trouvera en lui cet équilibre, fondement de notre tradition. […] Cette tendance de notre intelligence conduit à l’injustice envers les auteurs, dont l’activité trop riche se dépense ici et là en des travaux qui, d’ordinaire, sont fournis par des familles d’esprits très différentes. […] L’influence de l’écriture, de l’œil qui indiquerait à l’oreille des e qu’elle ne trouverait pas d’elle-même n’y est pour rien ; la douceur du son intercalaire de cet e subtil est à la base organique même de la parole française, elle est naturelle aux plus illettrés. » 2º « En échange la prononciation distraite et rapide, les émotions vives, le langage usuel sur des objets courants, le besoin d’alléger, de simplifier sans cesse les moyens d’interlocution dans les rapports ordinaires, pousse à la suppression plus ou moins grande, selon les provinces, des e féminins. » Quant à la définition du rythme général qui doit clore cette aride exploration au pays de la prosodie française, voici celle qu’on propose à nos méditations : Le rythme poétique est « une alternance de groupes numériques libres de brèves et de longues ; puis de groupements plus ou moins égaux et plus ou moins étendus de ces groupes déterminés les uns et les autres par l’accent tonique suivant le sens ». […] D’un mot, elles constituent l’élan vers l’idéal et correspondent assez bien à ce qu’on appelle d’ordinaire l’amour platonique 75.

1866. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Le suffrage universel qui rémunère si largement ses comédiens ordinaires ne saurait susciter rien de mieux que le mélodrame et la chanson grivoise. […] Autour de ces écrivains qui ont poussé jusqu’au scrupule le respect pour la dignité de la pensée, il se fait d’ordinaire un silence dénigrant, au milieu duquel la légèreté conspire avec la malveillance contre leur renommée. […] Pour les esprits ordinaires, ces deux régions sont nettement séparées et comme étrangères l’une à l’autre ; le métaphysicien, le savant, le géomètre, considèrent le monde des images comme non avenu ; pour l’intelligence des enfants, des sauvages, pour l’inculte imagination de la foule, la sphère de l’idée pure n’existe pas. […] Une versification et des mètres bien caractérisés coexistent dans ces hymnes avec une forme de langage dont les lois sont encore un mystère pour nous comme celles des psaumes hébraïques, mais qui n’est pourtant pas la prose ordinaire. […] Peu attirés d’ordinaire par le spectacle de la nature, où l’harmonie et la beauté dominent les apparences éphémères du désordre, ils ne s’inspirent en général que des choses humaines ; et l’humanité leur apparaît surtout dans ce qu’elle a d’infirme et de vicieux.

1867. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

D’autre part, la partie musicale n’est pas davantage de la musique symphonique ou vocale au sens ordinaire. […] C’est dans cette suppression de toute séparation entre les hommes, dans cette union du public avec l’artiste que consiste la vertu principale de l’art. » Voilà qui est excellent, et qui définit avec simplicité et clarté, d’une façon populaire, le phénomène artistique ailleurs expliqué au moyen de formules abstraites inaccessibles à la généralité : suggestion, ésotérisme, objectivation et suppression du Moi, et Dieu sait quels autres termes obscurs dont se servent nos ordinaires « abstracteurs de quintessence ». […] De l’identité de la Musique avec la substance des choses, suivant la conception de Schopenhauer, résulte le pouvoir que nous lui avons reconnu de rehausser la signification de tout tableau, de toute scène de la vie, même ordinaire, à laquelle elle participe ; elle en accentue d’autant plus la portée que la mélodie est plus analogue au sens intime du phénomène auquel elle s’ajoute.

1868. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Le travail ordinaire de notre critique moderne, la recherche des premières origines, la découverte des emprunts qu’une littérature fait à l’autre, ne doit-elle pas nous occuper ici ? […] Sous ce rapport, dans les voies ordinaires de la politique humaine, dans la prévoyance vulgaire de ce monde, une sorte d’infériorité semblait le menacer, si jamais les deux puissances venaient à se heurter : car enfin le califat musulman, qui réunissait le Coran et le glaive, avait quelque chose de plus impétueux, de plus irrésistible. […] À côté des fabliaux profanes qui se moquaient si librement des prêtres et des moines, il y avait de pieux fabliaux, des récits édifiants et comiques, où d’ordinaire le diable était pris pour dupe : c’était la partie burlesque du merveilleux chrétien.

1869. (1929) La société des grands esprits

Ce gentilhomme ordinaire de la chambre de Louis XV, qui allait devenir chambellan de Frédéric II, avait longuement séjourné entre temps à Lunéville, chez le roi Stanislas, dans le palais duquel mourut Mme du Châtelet. […] Il est plus agréable d’écrire un chef-d’œuvre de poésie ou de musique, si l’on a du génie, ou simplement d’aller se promener, si l’on est un homme ordinaire, que de rédiger un feuilleton. […] Des phrases me font pâmer qui leur paraissent fort ordinaires… ».

1870. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Ce ne sont pas là, je le sais, les réflexions qu’inspire d’ordinaire le commencement d’une nouvelle année. […] À l’opposé de ce qui se voit dans les procès ordinaires, lorsqu’on juge un livre, c’est toujours la défense qui parle la première, et l’accusation n’a que la réplique. […] Cet évêque est l’incarnation de toutes les vertus évangéliques, la figure lumineuse qui se détache, selon le procédé ordinaire de Victor Hugo, sur le fond noir du tableau.

1871. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

L’Empereur avait l’air grave, doux et tranquille comme à l’ordinaire. […] Je crois que, dans cette altercation haineuse, ces deux célèbres chefs d’insurgés ont été entraînés trop loin par la passion, comme il arrive d’ordinaire aux amis qui se brouillent.

1872. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

.)… Claire (Mme Gandar) vous a dit que j’avais repris mes leçons ; j’en ai déjà fait trois, et, dès le commencement du mois de janvier, je ferai mon service comme à l’ordinaire, sans plus demander grâce… Quelle tâche d’ailleurs que la mienne en ce moment !

1873. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Peut-être ce monde est-il celui des artistes ; il n’est point celui des hommes ordinaires.

1874. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

« Joséphine Bonaparte, mariée d’abord au comte de Beauharnais, puis au jeune général qui avait sauvé la Convention au 13 vendémiaire, et maintenant partageant avec lui une place qui commençait à ressembler à un trône, était créole de naissance, et avait toutes les grâces, tous les défauts ordinaires aux femmes de cette origine.

1875. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Harpagus, n’osant se lier aux messagers ordinaires (les chemins étaient rigoureusement surveillés), eut recours à la ruse.

1876. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Ainsi, il se retranchait volontairement la plus grande part de la matière ordinaire des romans et des drames.

1877. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

La tragédie, d’ordinaire, prend les héros tout faits, à un certain moment de leur vie où ils ne changent plus.

1878. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Puis, après tout, elle ne devait pas tant faire de mal, puisque çà s’arrangeait si bien, à la satisfaction d’un chacun ; on est puni d’ordinaire, quand on fait le mal.

1879. (1925) La fin de l’art

ni si les épées ordinaires des académiciens sont autre chose qu’un fourreau.

1880. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

On dirait qu’il a écrit pour lui-même cette phrase : « L’homme le plus ordinaire devient à Rome quelque chose.

1881. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Il montre encore mieux les marionnettes, et je ne parle pas seulement de ses personnages, mais aussi des pantins de feutre dont il fait sa compagnie ordinaire. […] Les êtres flottants, sortis de leur fonction ordinaire, qu’ils sont passionnants à regarder, à soupçonner !

1882. (1886) Le naturalisme

Enfin les idées, ces créations du cerveau dont la naissance est d’une fantaisie si entière, et qui vous étonnent souvent par le on ne sait comment de leur venue, les idées d’ordinaire si peu simultanées et si peu parallèles dans les ménages de cœur entre homme et femme, les idées naissaient communes aux deux frères. […] Comme il arrive d’ordinaire, le public confondit l’auteur avec l’œuvre : il lui attribua les grossièretés et les délits de tous ses personnages, comme il accusa Balzac de libertinage, parce qu’il dépeignait des mœurs licencieuses.

1883. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Il naquit dans une famille où l’esprit de système, où l’orgueil et la haine avaient passé la mesure ordinaire. […] Cette discussion nous a fait passer les bornes des extraits ordinaires ; mais les circonstances la rendaient indispensable.

1884. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Or, l’auteur, pour être réaliste, a veillé à ce que les aventures de ses héros fussent des aventures très ordinaires, banales comme la vérité, des aventures de tous les jours. […] Certes, l’esprit de Léopold entrera en lui, l’habitera, mais comme on a vu, autour de Napoléon, des gaillards ordinaires soudain hantés de son génie et qui devenaient des héros de par l’héroïsme d’un autre : et, l’Empereur parti, ces héros d’un jour retombaient dans leur médiocrité. […] Un folk-loriste serait un saint et son abnégation dépasserait l’humanité ordinaire, s’il n’améliorait pas du tout les petites choses dont il fait collection, s’il résistait au naturel désir d’y ajouter un peu de lui.

/ 1941