Charles Asselineau Ce qui appartient bien en propre à Guiard, c’est, de certaines pièces légères de forme et de sentiment, empreintes d’une naïveté de jeunesse campagnarde, la Cordelle, Noël, la Promenade à l’étang, et un charmant paysage du hameau de Saint-Père en Auxois, avec sa vieille église en ruines… Le succès des Lucioles ne dépassa point le cercle des amis et des camarades du poète.
Cet Auteur prouve combien l’élocution est nécessaire quand on veut se faire lire & intéresser ; chez lui, la forme fait toujours tort au fond, parce que sa maniere de s’exprimer est infiniment au dessous de ses pensées.
Charles Le Goffic Cœur breton, vers tout pénétrés de douceur, habités par le rêve, et que les gaucheries de la forme rapprochent encore de la pure et vraie poésie populaire.
Adolphe Retté Chez Carrère, le lyrisme prend souvent, le plus souvent, la forme d’un discours en vers.
Sainte-Claire Forme parnassienne, pensée, musique, s’unissent dans ce petit recueil au grand profit du lecteur simple qui cherche la seule émotion.
Benoît, Jacobin, avoit traité le même sujet ; mais la forme, si l’on peut s’exprimer ainsi, en gâtoit les matieres : un style lourd déparoit le mérite des choses, au lieu que le P.
Elle est juste dans les formes, et vraie dans l’exécution ; elle sait même réchauffer des sujets assez froids.
Fiévée fidèle à son rôle d’infatigable observateur politique ; le voilà après ces brusques événements qui ont ébranlé bien des esprits réputés solides, et déconcerté quelques rares intelligences ; le voilà avec la même netteté de vue, la même finesse pénétrante que devant ; toujours oblique, prenant les questions de côté avec des solutions détournées, imprévues, mais vraies ; d’une ironie mordante quoique un peu froide ; paradoxal et positif ; logique au fond et décousu dans la forme ; faisant volontiers aboutir une idée générale à une anecdote qu’il aiguise ; visant au bon sens, aux chiffres, et malgré cela, spirituel par moments jusqu’à la subtilité. […] La forme un peu vieillie surprendra d’abord.
Talent fertile, il n’a songé qu’à produire sous une forme nouvelle un ouvrage de plus. […] On oublie ce que c’est à un haut degré que le talent, cette fertilité d’un esprit multiple qui ne dépend pas des formes, qui sait s’y faire place bientôt, et, après un court apprentissage du métier, être partout lui-même, à l’aise et souverain.
L’éloquence donc, au lieu de recevoir à cette époque une grande impulsion, a pris dès lors, par la nature même des objets qu’elle traitait, la forme de l’argumentation. […] S’il fallait prolonger un raisonnement, sa fausseté serait plus sensible ; si l’on pouvait le réfuter avec les formes qui servent à développer les vérités élémentaires, les esprits les plus communs finiraient par comprendre quel est l’objet de la question.
Ces réflexions ne suffisent pas pour encourager de semblables institutions, mais on voit que, sous toutes les formes, l’ennemi de l’homme c’est la passion, et qu’elle seule fait la grande difficulté de la destinée humaine. […] Quelque chose d’enthousiaste comme elle, des pensées qui, comme elle aussi, dominent l’imagination, servent de recours aux esprits qui n’ont pas eu la force de soutenir ce qu’ils avaient de passionné dans le caractère : cette dévotion se sent toujours de son origine ; on voit, comme dit Fontenelle, que l’amour a passé par là ; c’est encore aimer sous des formes différentes, et toutes les inventions de la faiblesse pour moins souffrir, ne peuvent ni mériter le blâme, ni servir de règle générale ; mais la dévotion exaltée qui fait partie du caractère au lieu d’en être seulement la ressource, cette dévotion, considérée comme le but auquel tous doivent tendre, et comme la base de la vie, a un tout autre effet sur les hommes.
La forme en appartient à la plus basse rhétorique, et c’est le luxe le plus indigent de flasques et inexpressives métaphores. […] … Et maintenant, monsieur, je puis bien vous l’avouer : je me suis appliqué à vous dire des choses justes sous une forme qui fût un peu désagréable, parce qu’il faut bien se défendre dans la vie ; mais je ne suis point si fâché que cela.
Son ingéniosité, cette forme industrieuse du génie, est aussi subtile que son inspiration est vaste et spontanée. […] Le vrai et le juste seraient, au contraire, de dire que, depuis Victor Hugo, nous n’avions pas eu au théâtre une forme lyrique plus jaillissante, et plus vigoureuse, plus dorée et plus étincelante.
Et déjà même de nos jours, bien que les sciences particulières soient loin d’avoir atteint leur forme définitive, combien de données inappréciables n’ont-elles pas fournies à l’esprit qui aspire à savoir philosophiquement ? Celui qui n’a point appris de la géologie l’histoire de notre globe et des êtres qui l’ont successivement peuplé ; de la physiologie, les lois de la vie ; de la zoologie et de la botanique, les lois des formes de l’être et le plan général de la nature animée 88 ; de l’astronomie, la structure de l’univers ; de l’ethnographie et de l’histoire, la science de l’humanité dans son devenir ; celui-là peut-il se vanter de connaître la loi des choses, que dis-je ?
Chemin faisant, on n’oubliera point de relever les particularités orthographiques, les majuscules mises à certains mots ; les habitudes personnelles de ponctuation, les formes qui dérogent à l’usage où à la tradition. […] Qu’avons-nous fait nous-même en étudiant séparément la forme, les idées, les sentiments, les tendances d’une œuvre littéraire, sinon unir par la pensée des éléments analogues, tout en les distinguant de ceux qui les avoisinent ?
Le drame est la troisième grande forme de l’art, comprenant, enserrant, et fécondant les deux premières. […] Les trois formes souveraines de l’art pourraient y paraître personnifiées et résumées.
Sous sa forme simple, détachée, élégante, tombée d’une plume oisive dans un jour d’amabilité sans bruit, il y a le désenchantement et sa nuance la plus délicate, et le désenchantement tout seul ! […] L’humanité, depuis qu’elle existe, a toujours roulé entre trois systèmes et l’esprit humain n’en conçoit pas un quatrième : la polyandrie, le plus mauvais de tous, car il crée l’amazonat sous toutes les formes, le massacre des enfants et la pulvérisation sociale ; la polygamie, qui ruinerait l’État, si le sabre de Mahomet n’y mettait ordre, et enfin la monogamie, ce diamant divin d’une eau si pure, qui est l’exclusion de tous les inconvénients, qui agrandit la tête, épure le cœur et équilibre toutes les facultés.
Mais le feuilleton haletant et qui a fait haleter toute œuvre de large poitrine et de souffle, le feuilleton, cette forme bonne, tout au plus, pour les pituiteux littéraires qui y crachotent chaque jour leurs albumineuses expectorations, ne saurait donner l’idée juste d’un ouvrage qui a les deux beautés du livre : — la beauté de l’ensemble et la beauté du détail. […] En réponse, un jour, Paul de Saint-Victor publia Les Dieux et les Hommes, et, malgré la forme de cet ouvrage, on recria : Ce n’est là que des feuilletons encore !
Nous sommes peu exposés, il est vrai, à gâter présentement des Corneille, et nous semblons en avoir fini avec ce vieux brimborion de la Guirlande de Julie, mais il n’en faut pas moins toujours mettre le pied sur ces affectations sociales, parce que, sous une forme ou sous une autre, elles repoussent toujours. […] Du moins ne l’est-il pas dans les formes extérieures et les mouvements de son esprit.
C’est un Anglais inventé par un lettré ingénieux qui parle à des blasés, et qui a besoin d’une forme littéraire un peu neuve pour donner à ce qu’il va dire de l’inattendu et du piquant. […] Pour ma part, je serai toujours reconnaissant, comme d’une attention qu’on aura eue pour moi, de voir un homme se préoccuper d’être piquant et chercher des formes nouvelles, quand il ne les attraperait qu’à moitié.
Avant Renaudot, il y avait, en effet, pour nous, des pamphlétaires, des satiriques, des libellistes, des polémistes sous toutes les formes, et les luttes religieuses du xvie siècle avaient exaspéré plus que jamais cette furie de plumes qui vivra autant que la passion humaine ; il y avait même des nouvellistes ; mais le journalisme, c’est-à-dire ce mode de renseignement à jour fixe, au moyen de gazettes, à proprement parler n’existait pas. […] Il paraît que Richelieu, qui voulait avoir sa fine et puissante main partout, avait attaché à la fondation de Renaudot ces hommes remarquables du temps : Mézeray, Bautru, Voiture, La Calprenède, dont il fit toujours, et sous toutes les formes, les commis de sa gloire.
mais consciencieusement, et j’avoue que je n’y ai trouvé que ce que l’on peut aimer à la Revue des Deux-Mondes, c’est-à-dire, sous la forme la plus terne, la plus chétive médiocrité. […] Les huit piètres lettres adressées à Madame d’Albany que Taillandier publie à la suite de celles de Sismondi, quoique moins pataudes, ne se recommandent ni par le fond, ni par la forme, à une Critique saine et robuste, qui ne passe point son temps à compter, loupe en main, les grains de tabac tombés sur un jabot jauni !
Saisset est au contraire une discussion en forme contre le panthéisme et une doctrine élevée à côté pour échapper aux conclusions envahissantes de ce fléau, qui s’étend toujours ! […] Il ne lâche pas sa part de troupeau, et son livre, intitulé Essai de philosophie religieuse, n’a pas d’autre sens que celui-là, sous ses formes d’une simplicité piperesse et d’une modestie qui prouve qu’on n’a plus la puissance, car l’humiliation n’est pas l’humilité !
Il a l’inconséquence des croyances fatales, plus forte que l’esprit humain… Son livre, sous sa forme froide, didactique et réfléchie, est, en somme, un hymne en l’honneur de la science… future. […] Sa forme est élégante, rapide et claire, — de cette belle clarté de cristal qui fait voir tout ce qui n’est pas dessous, quand c’est quelque chose que je voudrais y voir, moi !
Mais, il faut le dire, dans ces divers poèmes, M. de Vigny ne fut ni plus brillant ou plus profond d’inspiration, ni plus savant ou plus inattendu de forme que les illustres Renaissants de 1830. […] Et de fait, avant l’avènement des nouvelles idées et des formes nouvelles d’alors, il avait, lui — et depuis dix ans !
On pourrait très bien supposer que le poète fruste, salin et amer, découvert aujourd’hui comme une perle dont on ne m’a pas assez montré l’huître, fût, par hasard, quelque lettré moderne qui, blasé des corruptions et des hauts goûts de nos décadences, aurait reculé, par impatience de sensation nouvelle, jusqu’aux formes délaissées de la Bible et d’Homère, et eût fait de l’archaïsme en provençal, avec une habileté plus ou moins scélérate… Seulement, quoiqu’il en pût être, imitateur ou spontané, l’homme quelconque qui a enlevé ces douze chants sur un sujet qui serait vulgaire, si ce n’était pas la rabâcherie immortelle de l’amour, et donné à Daphnis et Chloé des proportions d’Iliade, est en définitive un poète que l’on peut mettre, ici ou là ! […] Il faut le lire et le lire tout entier pour en avoir une idée, impossible à donner, par des citations isolées, qui ne seraient jamais que des démembrements de sa pensée ou de sa forme.
Ce qu’en effet, depuis ces dernières vingt-cinq années, le théâtre a fait peser sur nos mœurs, sur les habitudes de notre pensée, sur toutes ses formes et tous ses langages, ne peut être dit en quelques mots. […] Il en envahit aussi la forme, détail par détail.
Aussi n’est-il pas capable de reprendre deux fois un même thème et de se renouveler, comme Bourdaloue, forme et fond, en se répétant. […] Forme et fond, ses qualités sont donc ainsi, comme ses défauts, les défauts et les qualités de son temps. […] D’Alembert y mettait plus de formes. […] » Au fait, c’était un autre fanatisme, mais c’était du fanatisme, et une autre forme de l’intolérance, mais intolérance, toujours. […] Ôtez l’exécution et ne regardez qu’à l’intention, — ôtez la forme, et avec la forme le fond (car, dans toute œuvre d’art digne de ce nom, ils se pénètrent intimement l’un l’autre), et ne regardez qu’à la bonne volonté, — ôtez l’art enfin et ne regardez qu’au sujet.
Sous cette forme et sans éclat, un sentiment d’une intensité singulière se fait comprendre et se fait aimer… Il y a beaucoup de vers, précis et forts venus du cœur, ingénus et francs, qui prennent l’âme et font jaillir la pitié, dans le livre touchant de M. de Gère.
Je ne lui reprocherai pas, quant à moi, de s’en tenir presque intégralement à la rythmique traditionnelle, mais plutôt de s’en tenir aussi à des formes de pensée trop prévues.
Gustave Kahn C’est un livre de paysages, paysages visités, paysages vus à travers la peinture, d’une forme parnassienne, aimable, correcte, sans grande largeur, mais non sans agrément en sa précision.
Abram,[Nicolas] Jésuite, né en Lorraine en 1589, mort à Pont-à-Mousson en 1655 ; Auteur du Commentaire latin sur les Oraisons de Cicéron, où le texte est noyé dans la multitude & la longueur des notes ; défaut assez ordinaire à ces sortes d’Ouvrages, où la forme emporte le fond.
Vinçard aîné Par Béranger, la chanson s’est complètement transformée et comme fond et comme forme.
La plus grande partie de ses Ouvrages sont des Compilations, qui supposent une infinité de recherches, & beaucoup de discernement ; tels que les Monumens de la Monarchie Françoise, en cinq volumes in-folio ; l’Antiquité expliquée, en dix volumes aussi in-folio, avec le Supplément qui forme encore cinq in-folio.
Deux sonnets : La Lutte pour l’existence et La Voix des morts, résument, sous la forme la plus belle, deux théories qu’exposent moins sûrement les longs volumes des philosophes de profession.
Edmond Haraucourt C’est l’éternel refrain d’amour, mais qui, dans sa forme, apparaît moderne en ceci, qu’il constitue un type de cette condensation, de cette synthèse qui sont devenues le besoin moderne… Toi, c’est l’éternelle fiancée, celle qui meurt avec chacun de nos baisers, et qui revit avec chacun de nos désirs, le mirage consolant vers lequel nous marchons sans lassitude, qui fait notre désert moins nu et notre solitude presque aimée.
Auguste Vitu On a de lui des ouvrages nombreux et très divers, dont le plus remarquable, pour lequel il emprunta la forme créée au xve siècle par François Villon, est intitulé : Le Testament du sieur Vermersch.
Le nid, que je n’eus pas de peine à découvrir, était collé contre la partie inférieure du roc, et présentait les mêmes particularités de forme et de structure que le précédent ; mais il était plus petit, et les œufs, au nombre de six, renfermaient des fœtus déjà bien développés. […] « Les troglodytes s’accouplent vers le milieu du printemps, et, dès les premiers jours d’avril, commencent à bâtir leur nid, dont la forme et les matériaux varient suivant la localité. […] Ayant été placé sur une surface plate, en dessous d’un banc, sa base en a pris naturellement la forme, et se compose de fougère sèche et d’autres plantes, mêlées à des feuilles d’herbe et à des végétaux ligneux. […] L’entrée, adroitement ménagée vers le haut, sur le côté, a la forme d’une arche surbaissée. […] Il contenait cinq œufs, d’une forme ovale allongée, ayant huit lignes de long sur six de large ; le fond en était d’un blanc pur, avec quelques raies ou taches vers le gros bout, et d’un rouge clair.
Il était de notre pays, où, soit attachement médiocre pour le vrai, soit plutôt passion d’un peuple artiste pour la forme, on considère le style à part des idées, et l’on enseigne officiellement dans les écoles la dangereuse distinction de la forme et du fond. […] Sa description n’est que le récit même de ses pensées ; elle n’est pas un hors-d’œuvre ; elle . est l’action au moment même où le goût du lecteur la voulait sous cette forme. […] L’instituteur païen forme son élève pour vivre « : au plus épais de la mêlée humaine et au plein jour de la république28. » Aussi doit-on, avant toute chose, lui inspirer l’estime de lui-même et la confiance en ses forces. […] L’idéal du maître dans Rollin est un homme de bon sens et de bien, comme il s’en rencontre plus d’un, Dieu merci, qui, par des moyens appropriés et des vertus accessibles à tous ceux qui ont la bonne volonté, forme des élèves, non pour atteindre une vertu impossible, mais pour apprendre, par le bon emploi de leur jeunesse, à bien user du reste de leur vie. […] Rien de plus efficace que ces leçons de morale semées à travers tous les exercices, d’autant plus goûtées qu’elles arrivent comme par hasard, quoique à propos, qu’elles ne s’imposent pas sous la forme de règles, et qu’aucune prétention ne les rend suspectes.
Et je vis une ressemblance qui était comme une apparence de feu, et qui avança une forme de main. […] L’idée assez homme pour subir l’expiation, c’est le fantôme ; une forme qui est de l’ombre ; l’impalpable, mais non l’invisible ; une apparence où il reste une quantité de réalité suffisante pour que le châtiment y ait prise ; la faute à l’état abstrait ayant conservé la figure humaine. […] La sève et le sang, toutes les formes du fait multiple, les actions et les idées, l’homme et l’humanité, les vivants et la vie, les solitudes, les villes, les religions, les diamants, les perles, les fumiers, les charniers, le flux et le reflux des êtres, le pas des allants et venants, tout cela est sur Shakespeare et dans Shakespeare, et, ce génie étant la terre, les morts en sortent. […] Quelles proportions et quelles formes a-t-il dans toute cette ombre ? […] De toutes parts, du Rhin et du Danube, de la Rauhe Alp, de l’ancienne Sylva Gabresa, de la Lorraine mosellane et de la Lorraine ripuaire, par le Wigalois et par le Wigamur, par Henri l’Oiseleur, par Samo, roi des Vendes, par le chroniqueur de Thuringe, Rothe, par le chroniqueur d’Alsace, Twinger, par le chroniqueur de Limbourg, Gansbein, par tous ces vieux chanteurs populaires, Jean Folz, Jean Viol, Muscatblüt, par les minnesänger, ces rhapsodes, le conte, cette forme du songe, lui arrive, et entre dans son génie.
« Il est un lieu où se forme l’argent ; il est une retraite où se trouve l’or. […] « Là croît le saphir ; là se forme l’or. […] » s’écrient ses amis épouvantés de son blasphème ; mais leurs discours ne suffiraient pas à lui fermer les lèvres, quand le souverain interlocuteur, Dieu lui-même, sous la forme d’une inspiration sacrée et irrésistible, intervient dans le dialogue et écrase tout, amis, ennemis, orgueil, murmure, doute, plainte, blasphème, et le poète lui-même, sous la majesté foudroyante de la parole intérieure qui gronde dans le sein de Job. […] Elle conclut, parce qu’elle le sent, que l’homme est à la fois, pendant la durée de sa forme humaine, pensée et corps, esprit et matière, composé momentané, mystérieux et douloureux de deux natures ; que ces deux natures se répugnent, se tiraillent et s’efforcent sans cesse de rompre violemment le lien forcé qui les unit, parce que l’une, la matière, tend sans cesse à la dissolution et à la mort, l’autre, la pensée, tend sans cesse à l’affranchissement et à la vie. […] Ce code de la conscience de l’humanité est tellement inné qu’il a été rédigé partout et de tout temps, par tous les législateurs sacrés et profanes, avec des formes différentes de mœurs, mais avec la même uniformité de volonté d’être juste et saint.
Il s’était formé, de ses débris mêlés aux dialectes vulgaires des provinces romaines et de la Gaule méridionale, une langue usuelle, imparfaite, flottante, diverse, par laquelle on s’entendait tant bien que mal dans la conversation, mais sans pouvoir y graver ses pensées dans cette forme solide, convenue et uniforme, seule langue avec laquelle on puisse construire des monuments de style. […] Cette image le transformait tellement, en se présentant à lui à chaque pas de sa vie et à chaque mouvement de sa pensée, que, quand il voulut se consacrer entièrement à la philosophie théologique, muse sévère de son épopée, il éprouva le besoin de donner à cette philosophie et à cette théologie personnifiées le nom, la forme, le regard, la voix, la beauté de sa Béatrice. […] Vous faussez par l’effort votre propre langue sans parvenir à lui faire rendre ni la forme ni le sens de la langue que vous traduisez. […] Louis Ratisbonne n’a pas seulement rendu le sens, il a rendu la forme, la couleur, l’accent, le son. […] On l’appellerait plus justement, selon nous, la philosophie spiritualiste de tous les âges, incorporée dans quelques dogmes et dans quelques formes de l’imagination christianisée du temps.
M. de Lorraine parla à ses parents de ses intentions, et la chose alla si loin qu’il y eut un contrat de mariage fait dans toutes les formes ; que les bans furent publiés, et le jour pris pour faire le mariage. Le contrat qu’on a est à la date du 18 avril 1662, « fait et passé en la maison du sieur Tistonnet, maître apothicaire rue Saint-Honoré » ; le tout dressé en bonnes formes entre les deux parties contractantes, et en invoquant la juridiction du Parlement comme cela eût pu se pratiquer entre deux familles de bourgeois de Paris45. […] Il juge en curieux et parle à ravir des autres parties de la villa, de la forme et de l’intérieur de l’appartement ; il conseille à la princesse romaine, maîtresse de ce beau lieu, et qu’il ne nomme pas, d’y faire des changements qui soient propres à l’embellir encore.
et il va s’appliquer à y répondre : Mortels grossiers et charnels, nous entendons tout corporellement ; nous voulons toujours des images et des formes matérielles. […] Cependant Bourdaloue continua d’être pour le siècle le prédicateur ordinaire par excellence, celui qui donnait un cours continuel de christianisme moral et pratique, et qui distribuait à tous fidèles sous la forme la plus saine le pain quotidien. […] Mais il me pardonnera de ne pas entrer avec lui dans des discussions qui ne seraient que secondaires : je loue trop l’esprit général de son livre et aussi j’approuve trop l’ensemble de l’exécution, pour vouloir instituer une critique en forme sur quelques parties.
J’en fus frappé ; je prévis un grand événement, un grand changement dans l’état des choses, et même dans la forme du gouvernement. […] Cependant d’autres motifs de céder et de se laisser faire se présentaient à lui, et sous la forme du devoir : c’est elle que prend volontiers l’amour-propre auprès de ces âmes modérées et scrupuleuses. […] Cette disposition ne produit pas les emportements de la folle gaieté, mais une douceur égale qui cependant peut devenir gaieté pour quelques moments ; et de tout cet ensemble se forme, se compose un air de dignité qui n’appartient qu’à la vertu et que les dignités mêmes ne donnent pas.
Mais je me fie que les simples et débonnaires, et les Éthériens et sublimes en jugeront équitablement… Il a l’air ici de vouloir s’appuyer sur le double assentiment des sages et des simples, et de ne faire bon marché que de l’entre-deux ; mais cela est dit pour la forme, et il se soucie très peu des simples et du peuple. […] La véritable est celle qui ne s’applique point extérieurement et machinalement à l’esprit, qui ne lui impose pas des formes une fois trouvées, et par lesquelles on se croit dispensé du ressort intérieur et de l’invention naturelle. […] On a beau admettre toutes les formes de maturité et d’expérience ; on a beau se dire que Charron était un de ces esprits à qui il n’est pas donné de faire leur initiation par eux-mêmes, de se donner l’impulsion, qui l’attendent d’autrui, mais qui n’ont besoin que de ce premier mouvement, de cette chiquenaude du voisin, pour prendre leur assiette et arriver à la pleine possession de leur pensée ; on a beau se donner cette explication, il reste un coin d’obscurité et d’incertitude.
Je n’avais pas lu Madame Bovary sous sa première forme et dans le recueil périodique où l’ouvrage avait été publié d’abord par chapitres successifs. […] Se peut-il un plus frais, un plus net tableau, et mieux découpé et mieux éclairé, et où le ressouvenir de la forme antique soit mieux déguisé à la moderne ? […] Car en bien des endroits, et sous des formes diverses, je crois reconnaître des signes littéraires nouveaux : science, esprit d’observation, maturité, force, un peu de dureté.
Cependant, avant de considérer Bonstetten sous sa forme dernière et définitive (si tant est qu’il y ait jamais eu rien de définitif en lui), nous avons à le mener, à l’accompagner rapidement à travers ses âges intermédiaires. […] Bonstetten, dans son court séjour à Paris en 1770, est prêché, chapitré, tourmenté, mis presque à la question sur l’histoire de la Suisse par Thomas, Mably, tous ces sublimes ennuyeux dont il s’est plaint. — Oui, ennuyeux tant que vous voudrez ; ils parlaient de ce qu’ils ne savaient pas bien, ils entreprenaient un jeune homme qui y était peu propre, ils allaient comme sont allés si souvent nos théoriciens prêcheurs, tout droit devant eux et à tort et à travers ; mais l’idée pourtant, l’idée française d’une histoire suisse à faire, — du besoin qu’on avait d’une histoire suisse, — restait attachée à l’imagination et enfoncée dans l’esprit de Bonstetten ; il emportait sans y songer l’aiguillon ; et lorsque trois ans après, il rencontre Jean de Muller au seuil de sa magnanime entreprise, mais encore incertain sur la forme, sur l’étendue, sur la plénitude du dessein, Bonstetten se souvient à l’instant et se sert de l’aiguillon qu’il a reçu, et, devenu prêcheur à son tour, il pousse, excite et soutient son ami dans la grande carrière. […] Au sortir de son bailliage de Nyon et revenu à Berne ou fermentaient des passions politiques très animées, Bonstetten y resta le moins qu’il put, et, après quelque temps passé à sa belle terre de Valeyres près d’Orbe, il accepta la mission de syndic dans les pays italiens sujets, dans ce qui forme aujourd’hui le canton du Tessin.
Il faut le dire, il y a deux idées différentes et presque contraires, qui ont présidé à la constitution de l’Académie française, telle qu’elle existe à présent, sous sa forme moderne, et il convient d’autant plus de les démêler que l’une s’est insensiblement substituée à l’autre et la masque tout à fait aujourd’hui. […] Baudelaire gagne à être vu, que là où l’on s’attendait à voir entrer un homme étrange, excentrique, on se trouve en présence d’un candidat poli, respectueux, exemplaire, d’un gentil garçon, fin de langage et tout à fait classique dans les formes. […] Théâtre, poésie et création dramatiques sous toutes les formes.
Jugement du genre, de la forme et de l’esprit du livre. […] Savez-vous quelle eût été la forme la plus naturelle, la plus vraie à adopter, dans l’état actuel de la science, pour qui voulait nous entretenir de ce vieux monde punique ? […] Voilà la forme juste et vraie dans laquelle pouvait se produire un beau travail d’érudit et d’artiste sur la civilisation carthaginoise.
En dehors de la direction économique et industrielle, il donna à plus d’un qui en manquait l’idée d’une religion et le respect de cette forme sociale, la plus haute de toutes. […] le préjugé, ce monstre aux mille formes, et dont le propre est de ne pas se voir lui-même, est-il aussi loin de nous que nous nous en flattons ? […] Il me représente quantité d’esprits comme il y en a dans notre pays et à notre époque, mais comme il n’y en a peut-être pas assez, qui vont au fait, à l’utile ; qui ne sont pas préoccupés plus qu’il ne convient de la forme ; qui acceptent ce qui est bien, avec bon sens et sans chicane ; dont l’opposition n’a ni arrière-pensée, ni amertume ; qui élèvent plutôt qu’ils ne rapetissent les questions, qui ne les enveniment jamais ; qui peuvent sans doute préférer les méthodes et les solutions libérales, mais qui ne tiennent pas pour suspect tout bienfait qu’apporte un gouvernement fort ; qui prennent le régime sous lequel ils vivent, avec le franc et sincère désir d’en voir sortir toutes les améliorations sociales dont il est capable.
Jean-Jacques Rousseau n’était pas le seul, au xviiie siècle, de cette forme d’humeur, de sensibilité et de talent. […] Je sens qu’au fond je suis indisciplinable… Je ne peux ni sentir sur parole, ni écrire d’après autrui… » Poète, il n’aspire qu’à manifester la nature dans ses ouvrages en vers, et il ne s’aperçoit pas qu’il ne la manifestera jamais plus pleinement, avec plus de couleur et de chaleur, qu’à ce moment même où il en forme le dessein et où il en parle ainsi. […] Elle perdra la cruelle habitude de la terreur ; ses enfants, à votre vue, ne courront, plus vers elle comme des colombes effrayées, et vos larmes ne couleront plus en silence pour expier les torts de votre complexion. » L’ayant, un jour, emmené chez lui à Marly, il l’observe et l’étudie sans en avoir l’air et sans lui porter ombrage ; il essaye de lui insinuer sous toutes les formes l’apaisement et la douceur, et plus content il fait part à Mme Deleyre du résultat obtenu : « Si j’en juge bien par les apparences, il me semble que son âme est plus tranquille.
Mais, en écrivant à Marie-Antoinette, elle dissimule presque entièrement cette différence d’esprit et de vues, et elle la réduit à n’être, à un moment, qu’une altercation légère qui portait moins sur le fond de l’affaire que sur la forme ou les moyens, tandis que la dissidence était radicale et profonde. […] Elle eût évoqué l’affaire, s’en fût emparée par l’intelligence comme par le cœur, l’eût comprise dans le fond et dans la forme ; elle eût écouté les raisons des ministres de Louis XVI, y eût ajouté l’autorité de sa raison propre ; elle eût épargné à un roi faible ses tiraillements et son embarras, elle eût épousé sa politique sans abjurer la voix du sang : au lieu d’être un simple écho et de répéter sa leçon de Vienne, elle aurait eu sa façon de voir, un avis à elle, et indiquant toute la première la voie moyenne à suivre, la seule possible, renvoyant à Marie-Thérèse quelques-unes des objections que l’impératrice avait faites à Joseph II, elle eût réjoui Marie-Thérèse elle-même, et celle-ci, reconnaissant jusque dans les demi-résistances de sa fille ses propres pensées, sa propre sagesse, se fût écriée avec orgueil : « Elle est deux fois ma fille et mon sang ! […] Frédéric avait divulgué une correspondance secrète que Joseph II avait entamée avec lui à la veille des hostilités pour gagner du temps, et dans laquelle tous deux, sous forme courtoise, avaient fait assaut d’ironie : « Le roi (de Prusse) se vante de temps en temps d’être très bien avec vos ministres, écrivait Marie-Thérèse à sa fille (17 mai 1778) ; il prétend même leur avoir communiqué la correspondance secrète entre l’empereur et lui.
Pendant deux années que dura cette sorte d’inspection, il ne négligea rien pour s’instruire à fond des principes et des formes de l’administration de laquelle il relevait : « J’avais un accès libre dans tous les bureaux où je voulais prendre des renseignements. […] En parcourant tous ces registres, je voyais la progression des idées fausses à mesure qu’elles s’éloignent des bons principes ; je retrouvais la cause des désordres qu’entraînent toujours, dans les opérations administratives, l’instabilité des règles, la variation des décisions, la multiplicité des écritures et l’innovation des formes. […] Sans se contenter d’une sorte de pardon et de gracieuse indulgence, il exigea justice en bonne forme, et de la part des offensés eux-mêmes ; et (chose rare !)
Chez M. de Lamartine, on l’a dit déjà, il s’est passé depuis peu d’années une révolution intérieure, analogue à celle qui s’est opérée en l’abbé de La Mennais : il n’y a qu’à tenir compte de la différence des formes et des caractères. […] Seulement M. de Lamartine, bien qu’il n’aille pas moins à pleines voiles dans cette idée, a gardé dans la forme, dans l’application en politique, dans l’extrême tolérance pour les personnes, tout ce qui faisait de lui dès l’abord un poëte d’harmonie, d’onction et de grâce ondoyante ; il procède toujours par voie d’expansion et non d’éruption. […] Le bon public, qui ne crée pas, comme Jéhovah, l’homme à son image, mais qui le défigure à sa fantaisie, croit que j’ai passé trente années de ma vie à aligner des rimes et à contempler les étoiles : je n’y ai pas employé trente mois, et la poésie n’a été pour moi que ce qu’est la prière… » Nous concevons ce qu’a d’impatientant pour le poëte, et pour tout écrivain célèbre, l’idée absolue qu’on se forme de lui, et sur laquelle, bon gré, mal gré, on veut le modeler après coup.
Mais ces redites pourtant, dût la forme seule les rajeunir, ne nous ont pas semblé inutiles, ne serait-ce que pour montrer que nous aussi, le dernier venu et le plus obscur, nous savons au besoin et par conviction nous ranger à la suite de nos devanciers dans la carrière. […] Ainsi la monarchie de Louis XIV, d’abord admirée pour l’apparente et fastueuse régularité qu’y afficha le monarque et que célébra Voltaire, puis trahie dans son infirmité réelle par les Mémoires de Dangeau, de la princesse Palatine, et rapetissée à dessein par Lemontey, nous reparaît chez Saint-Simon vaste, encombrée et flottante, dans une confusion qui n’est pas sans grandeur et sans beauté, avec tous les rouages de plus en plus inutiles de l’antique constitution abolie, avec tout ce que l’habitude conserve de formes et de mouvements, même après que l’esprit et le sens des choses ont disparu ; déjà sujette au bon plaisir despotique, mais mal disciplinée encore à l’étiquette suprême qui finira par triompher. […] J’excepte les premiers livres, dans lesquels il montre plus de timidité, se tient davantage à son petit récit, et n’est pas encore tout à fait à l’aise dans cette forme qui s’adaptait moins immédiatement à son esprit que l’élégie ou le conte.
Ce qu’il admire le plus au ciel, c’est tout ce qu’une physique savante lui en a dévoilé ; ce sont les mondes roulant dans les fleuves d’éther, les astres et leurs poids, leurs formes, leurs distances : Je voyage avec eux dans leurs cercles immenses ; Comme eux, astre, soudain je m’entoure de feux. […] Quant à la forme, à l’allure du vers dans Regnier et dans Chénier, elle nous semble, à peu de chose près, la meilleure possible, à savoir, curieuse sans recherche et facile sans relâchement, tour à tour oublieuse et attentive, et tempérant les agréments sévères par les grâces négligeantes. Sur ce point, ils sont l’un et l’autre bien supérieurs à La Fontaine, chez qui la forme rythmique manque presque entièrement et qui n’a pour charme, de ce côté-là, que sa négligence.
Il n’en évita, dès lors, aucun des écueils : et d’abord le danger de voir ses écrits vieillir en même temps que les formes dont ils procédaient : « Dans le roman En famille, disait-il un peu amèrement au Dr Cabanès84, j’ai eu à guérir un aveugle ; j’ai lu l’article qui se rapportait à la maladie que je voulais traiter dans le Dictionnaire de Jaccoud. […] Lorsque Emmanuel a dû être placé dans une maison de santé, sa maladie présentait, nous l’avons dit plus haut, le caractère de la mélancolie avec prédominance d’hallucinations, c’est-à-dire l’une des formes de délire les plus constantes, invariables, cristallisées, a-t-on pu dire. […] Chose bien remarquable et qui à elle seule ferait reconnaître la fiction, le romancier est venu échouer sur le même écueil que les simulateurs ; eux aussi, afin de faire mieux croire qu’ils sont fous, multiplient les extravagances de toutes sortes dans leurs propos et dans leurs actes, sans se douter qu’ils se rendent coupables de dissonnances révélatrices et qu’il leur suffit d’afficher, au même moment, des formes de folie qui, chez les vrais malades, s’excluent mutuellement, pour montrer que chez eux la folie n’existe pas.
N’importe : la faculté de voir, de jouir profondément des formes et des aspects des choses s’est éveillée et ne s’endormira plus. […] Il y a de véritables affinités entre vous et certaines suites de sons, entre vous et certaines couleurs éclatantes, entre vous et certains miroitements lumineux, entre vous et certaines lignes, certaines formes. […] Et, comme il a grandi librement, en dehors de toute école littéraire, il lui a été donné d’avoir à la fois l’acuité de perception des plus subtils de ses contemporains et quelque chose de la simplicité de forme des écrivains primitifs.
Leurs alvéoles ne sont, selon lui, qu’un effet de la forme de leurs corps et de ce qu’il appelle la compression. […] Après avoir raconté l’histoire de la terre émergeant du sein des mers desséchées, celles des animaux qui la peuplent, des végétaux qui revêtent sa surface, des minéraux que recèlent ses entrailles, celle de l’homme, roi de toutes les choses créées, il voulut raconter ce qui a précédé toute histoire, décrire ce qui n’avait pas de forme, débrouiller le chaos, y suivre, y tracer les grands commencements des choses, en faire sortir par degrés l’univers avec la dernière face que la création lui a imprimée. […] Après le spectacle de l’homme de Descartes, se connaissant par sa pensée et ne pouvant connaître sa pensée sans connaître Dieu, le plus beau sans doute est celui que nous donne Buffon, quand il fait apparaître devant nos yeux la terre, d’abord masse incandescente, détachée du soleil et emportée vers la route où elle doit éternellement rouler, puis, par le déluge des vapeurs condensées qui tombent sur sa surface attiédie, devenant une mer sans rivages, d’où sort par ses pointes de granit la roche intérieure qui forme le noyau du globe ; les continents s’emparant des espaces abandonnés par la mer ; les volcans vomissant les masses vitres-cibles ; les grands animaux qui viennent peupler les régions du Nord, les premières refroidies et desséchées ; le déchirement du globe en deux vastes continents, dont l’un sera le monde ancien et l’autre le nouveau ; enfin, l’homme prenant possession de la terre pacifiée et rendue digne de recevoir son nouvel hôte.
On a peine à se figurer à présent ce qu’étaient alors ces existences prodigieuses de princes bâtards tels que les Vendôme ; c’étaient de véritables monstruosités sociales, au sein desquelles se logeaient toutes les formes de licence et d’abus, et cet autre abus, cette dernière monstruosité entre toutes les autres, l’abbé courtisan et parasite. […] Ce portrait est très singulier de physionomie chez La Bruyère, et ressemble tout à fait pour la forme à quelque page moderne. […] Le marquis de La Fare, né en 1644, c’est-à-dire plus jeune que Chaulieu de cinq ans, était entré de bonne heure au service ; il y avait débuté avec toutes sortes d’avantages : Ma figure, qui n’était pas déplaisante, dit-il, quoique je ne fusse pas du premier ordre des gens bien faits, mes manières, mon humeur, et mon esprit qui était doux, faisaient un tout qui plaisait assez au monde, et peu de gens, en y entrant, ont été mieux reçus… Voilà comment les honnêtes gens autrefois s’exprimaient en parlant d’eux-mêmes, sans se trop glorifier et sans se déprécier non plus, ce qui est une autre forme de vanité.
On sait, dans Virgile, ce touchant épisode du Grec naufragé, Achéménide, que les Troyens recueillent en abordant sur les côtes de Sicile où ils le trouvent errant, défiguré par la misère et ne présentant plus forme humaine. […] Ce traité a un défaut dans la forme, c’est de renfermer trop de choses, et de mettre toutes ces choses sur le même plan, sans qu’aucune se détache avec relief. […] Ce dernier était assurément un des hommes dont la forme d’esprit contrastait le plus avec la manière d’être de Portalis.
Bien qu’elle se forme dans notre zone profonde, l’expérience poétique, comme, d’ailleurs, l’expérience mystique, met en branle toutes nos facultés, et jusqu’à nos sens. […] ce qui me semble vrai, continue-t-il, est que à l’origine, forme mixte musico-poétique, essentiellement « qualitative », les rythmes, les échelles étaient propres à chaque morceau. […] Dans les procédés de l’art on retrouvera sous une forme atténuée, raffinés et en quelque sorte spiritualisés, les procédés par lesquels on obtient ordinairement l’état d’hypnose… (op. […] Toutefois, faisons attention, elles restent des rivales : elles n’ont ni mêmes formes, ni même structure ; l’embrassade ne pourrait-elle finir par un mutuel étouffement ? […] Elle englobe pour nous toute la vie, elle est la source intérieure de l’être en ses manifestations les plus diverses, et l’on doit l’étudier comme telle, ainsi qu’on distingue le sentiment du beau indépendamment de l’art et de ses formes.
John-Antoine Nau, qui, sous ce titre banal, Au seuil de l’espoir, nous apporte un poème serré, massif et concis, infiniment plus près de la forme possible du roman en vers que celui de M.
Le plus connu & le plus estimé est son Journal littéraire, qui parut d’abord sous le titre de Bibliotheque universelle, puis sous celui de Bibliotheque choisie, enfin sous le nom de Bibliotheque ancienne et moderne, & qui forme en tout 82 volumes.
De longues cordes de vieillesse tendues du dessous de la mâchoire, le long du col, jusqu’à la poitrine ; une bouche d’une forme particulière.
Si je fouillais cette nécropole, j’y trouverais ma chair et mon sang sous la forme d’une encre décomposée. […] Et il n’a pas de repos qu’il ne s’en soit assimilé la substance au point de pouvoir la couler dans une forme nouvelle, la recréer pour dire vrai. […] C’est ici qu’il faut dire quelques mots de la forme de M. […] Le Romantisme est, accessoirement, une forme d’art. […] Son premier roman, le « Pays natal », traduisait sous une forme élégante ce thème de « la terre et des morts » que tout ressuscite autour de nous aujourd’hui.
Son magnifique talent d’écrire est bien resté français dans la forme. […] Tous, aboutissent sous leur forme la plus vulgaire, comme sous leur forme la plus raffinée, à la destruction, ici physique, là sentimentale et intellectuelle, de ceux qui s’y abandonnent. […] Or, pour les savants, il existe déjà sous une autre forme, ce « crédit intellectuel ». […] L’Empire par excellence, celui qui demeure le type achevé de cette forme d’État, et donc de cette forme d’esprit : l’impérialisme, c’est l’Empire romain. […] La guerre, un jour, les fera participer, sous la forme de cette organisation, à cette civilisation plus élevée.
Le tout forme une période de transition, c’est-à-dire une période d’incertitude. […] Il a lentement élaboré pour elle la forme dont elle avait besoin. […] Remarquez que, dans Madame Bovary, la fête du château de Vaubyessard forme leit-motiv. […] c’était tantôt une forme de sa modestie, tantôt une forme de sa politesse, tantôt une forme de sa tolérance. […] Toutes les formes de la haute intelligence, sinon leur ont manqué, du moins leur ont été accordées avec une certaine parcimonie.
Nous le retrouvons, affiné et solidifié encore, étonnant de précision dans la forme, de hardiesse dans les raccourcis.
Il développa, dans l’art de la Tragédie, des ressorts que Jodelle, son Prédécesseur, n’avoit fait qu’entrevoir ; c’est-à-dire, que ses Tragédies eurent une forme plus ajustée aux regles qu’on observe aujourd’hui.
Une latinité pure, élégante, facile, & comparable, à beaucoup d’égards, à celle des Anciens, forme le coloris de tous ses Ouvrages.
Il faut que les fleurs papillotent avec le fond qui, s’il est blanc surtout, forme comme une multitude de petites lumières éparses.
Bernardin de Saint-Pierre Le sentiment qu’on a de la nature physique extérieure et de tout le spectacle de la création appartient sans doute à une certaine organisation particulière et à une sensibilité individuelle ; mais il dépend aussi beaucoup de la manière générale d’envisager la nature et la création elle-même, de l’envisager comme création ou comme forme variable d’un fonds éternel ; d’apprécier sa condition par rapport au bien et au mal ; si elle est pleine de pièges pour l’homme, ou si elle n’est animée que d’attraits bienfaisants ; si elle est, sous la main d’une Providence vigilante, un voile transparent que l’esprit soulève, ou si elle est un abîme infini d’où nous sortons et où nous rentrerons. […] Essayez de faire la description d’une montagne de manière à la faire reconnaître : quand vous aurez parlé de la base, des flancs et du sommet, vous aurez tout dit ; mais que de variété dans ces formes bombées, arrondies, allongées, aplaties, cavées, etc. ! […] Hennin : « J’irai vous voir à la première violette », on rajeunit avec lui et l’on espère. — « Enfin j’ai cherché de l’eau dans mon puits », disait-il en 1778, sous cette forme d’image orientale qui lui est si familière ; cela signifiait qu’il travaillait sérieusement à tirer de lui-même sa principale ressource et à se faire jour par ses écrits. […] S’il est insuffisant à remuer et, pour ainsi dire, à faire frémir avec grâce le voile de la nature, s’il lui est refusé de revêtir d’images transparentes, et accessibles à tous, les vérités qu’il médite, et s’il les ensevelit plutôt sous des clauses occultes, il contredit, sinon avec raison en principe (ce que je ne me permets pas de juger), du moins avec une portée bien supérieure, quelques-unes des douces persuasions propagées par Bernardin ; par exemple, que la nature, qui varie à chaque instant les formes des êtres, n’a de lois constantes que celles de leur bonheur […] Dans la correspondance avec Ducis, qui forme un des endroits les plus récréants de ce déclin, le bonhomme tragique nous apparaît bien supérieur à son ami, par un génie franc, cordial, une grande âme débonnaire, et une imagination quelque peu sauvage, qui prend du pittoresque et des tons plus chauds en vieillissant.
Il est tel esprit, telle forme d’esprit qui, dans les faits les plus précis et les mieux constatés qui tiennent à la physiologie du cerveau, ne verra aucune nécessité de conclure à la non-existence de la pensée pur esprit, de la pensée monade essentielle et indestructible : personne plus que moi n’honore de tels hommes qui procèdent, dans la sincérité de leur conscience, avec toutes les ressources d’une intelligence élevée et déliée, et qui dans un problème aussi complexe s’obstinent à réserver, à maintenir les éléments qui échappent à nos sens, à nos instruments les plus perfectionnés, et qui ne tombent pas sous une prise immédiate : mais si d’autres venaient à conclure plus nettement et plus simplement, je ne verrais pas ce qui peut forcer l’État moderne, et le Gouvernement qui en est l’expression, à les réprouver, à les plaindre ou à les morigéner. […] Grenier ne me paraît guère, sous forme physiologique, qu’un janséniste foudroyé par des molinistes. […] Il y a eu déjà quelques esquisses, mais la société française actuelle, dans son hypocrisie de forme nouvelle, mériterait un grand tableau. […] Ceci me ramène à la question de la conclusion , — cette demande de la liberté de l’enseignement supérieur, car c’est sous cette humble et spécieuse forme de liberté que le parti aspire à l’ascendant dominant et à la suprématie. […] Napoléon, dont la forme d’esprit inclinait à une manière de déisme fataliste, de déisme sémitique, disait : « Nul doute que mon espèce d’incrédulité ne fût, en ma qualité d’empereur, un bienfait pour les peuples ; et comment autrement aurais-je pu exercer une véritable tolérance ?
Aussi bien étaient-ils au gré du siècle par la forme de leur esprit ; quoiqu’on rencontre parmi eux quelques âmes tendres et mystiques, en général leur ascétisme est plus intellectuel que sentimental : ce sont de rudes dialecticiens, âpres disputeurs, subtils tireurs de raisonnements, infatigables chercheurs de clarté et d’évidence logique. […] Pour les règles, l’auteur n’en reçoit que de son sujet : et dans le mépris de la rhétorique il trouve le plus juste emploi et le maximum de puissance de tous les moyens de la rhétorique, qui, chez lui, sont reçus de la nature des choses, qui partout sont les formes propres et nécessaires, partout aussi les formes simples et naturelles. […] J’ai bien peur que cette nature ne soit elle-même qu’une première coutume, comme la coutume est une seconde nature346. » Et nous voici au centre de la grande énigme à laquelle s’attaque la science depuis un demi-siècle : ce que nous appelons aujourd’hui nature dans tous les êtres, formes et propriétés ou instincts, n’est-ce pas une collection d’acquisitions successives, fixées par l’habitude, transmises par l’hérédité ? […] Tout à l’heure, dans la seconde partie, Pascal, par un scepticisme provisoire, ou mieux par un criticisme rigoureux, fera voir à l’homme que dans toutes les formes de son activité, il a fait mauvais usage de sa raison, et que, dans toutes ses institutions, croyances, opinions, qu’il s’est imaginé bâtir sur un fondement de vérité à l’aide de sa raison, il a été la folle dupe de son préjugé, de son habitude et de ses sens.
Hugo se croit inventeur à son tour, et un inventeur colossal, parce qu’il a retrouvé quelques formes perdues du xvie siècle ! […] Presque partout, le Jocrisse du fond, le Jocrisse fondamental, l’y emporte sur le Dorat libertin qui en brode la forme au tambour. […] Dieu sentit une douleur, Le poids prit une forme, — et, comme l’oiseleur Fuit emportant l’oiseau qui frissonne et qui lutte, Il tomba, traînant l’ange après lui dans sa chute. […] Et d’ailleurs pourquoi une hostie sans communion, puisqu’il ose toucher à ces formes saintes dans l’intérêt de ses malheureux vers ? […] Il en sort abondant, pressé, nombreux, accablant, sous toutes les formes, dépliées ou repliées, tendues ou rompues, que peut prendre le vers.
Il n’y est point question de l’essence ni de la substance des choses ; la conception d’un substrat matériel, tel que nous le représente l’imagination, est mise de côté, ainsi que l’hypothèse invérifiable des atomes ; le mot de force n’y figure que comme expression d’un fait, le mouvement sous toutes ses formes. […] Le matérialisme, sous quelque forme qu’il se soit produit, a toujours eu le privilège de la négation la plus nette et la plus radicale des principes de la conscience. […] Nature, âme et esprit, mouvement, instinct, volonté et pensée, fatalité et providence, ne sont plus que des expressions diverses d’une même essence et d’une même loi : là encore unité parfaite dans le principe, nulle solution de continuité dans la série des formes qui le manifestent. […] Ce qui est constant, c’est que le divorce reparaît entre la conscience et la spéculation sous toutes ses formes, de même qu’il avait déjà éclaté entre la conscience et toute espèce de science positive. […] Il en résulte que le principe de l’unité domine les apparences, et fait rentrer dans le sein de l’Être universel tous ces prétendus êtres dont on ne voit que les formes éphémères.
Sainte-Beuve Boulay-Paty était un vrai poète, c’est-à-dire qu’il était cela et pas autre chose ; il avait le feu sacré, la religion des maîtres, le culte de la forme ; il a fait de charmants sonnets dont je comparais quelques-uns à des salières ciselées, d’un art précieux ; mais les salières n’étaient pas toujours remplies ; il avait plus de sentiment que d’idées.
Comme Victor Hugo, dont il a la forme poétique et dont l’inspiration le pénètre, il adorait une enfant ; il l’a perdue.
L’Arioste, dit-il, nous raconte l’histoire d’une fée, qui par une loi mystérieuse de sa nature, était condamnée à paraître en certaines saisons sous la forme d’un hideux et venimeux serpent. […] Parfois elle prend la forme d’un odieux reptile ; elle rampe, elle siffle, elle mord. […] Et heureux les hommes, qui, ayant osé la recevoir sous sa forme effrayante et dégradée, seront enfin récompensés par elle au temps de sa beauté et de sa gloire1378 ! […] Cette évocation de l’histoire, de la gloire et de la constitution nationale forme un tableau d’un genre unique. […] Mille après mille, le voyageur cherche en vain des yeux la fumée d’une hutte, ou une forme humaine enveloppée dans un plaid ; il écoute en vain pour entendre les aboiements d’un chien de berger ou le bêlement d’un agneau.
Mais s’il m’est impossible de lui écrire comme il me plaît, n’est-ce pas toute la liberté de la correspondance, une forme de la liberté de conscience, qui est supprimée ? […] Ne publie-t-on pas actuellement la correspondance de Jacques Rivière, qui forme à elle seule quatre ou cinq volumes12 ? […] C’est pourquoi on retrouve, chez presque tous les hommes, presque toutes les collectivités et sous tant de formes diverses, une incompréhension persistante de l’artiste. […] D’ailleurs, même sous cette forme, les garanties sont bien faibles, les brevets étant périssables et les tribunaux obligés d’intervenir constamment pour mal les défendre. […] Il y a pourtant des imbécillités collectives ou individuelles, des passions momentanées, qui doivent être divulguées sous toutes les formes.