Je cherchais le caractère commun de ces œuvres. […] C’est un certain caractère de bizarrerie. […] Il faut qu’il leur conserve le caractère que la tradition leur a attribué. […] On procédera de même pour exprimer un caractère. […] Non seulement il conservera, mais il soulignera les caractères de la race.
Il ne l’explique point dogmatiquement : même dans ses dissertations, à plus forte raison dans ses Biographies, il peint ; il montre les individus, les actes, les petits faits qui sont la vie, les traits singuliers qui font les caractères. […] Mais de plus, avant le roman contemporain, avant le théâtre du XVIIc siècle et les Caractères de La Bruyère, le Plutarque français fut le recueil des gestes, attitudes, et physionomies d’individus en qui l’humanité réalise la diversité de ses types : ainsi fut-il un répertoire de sujets dramatiques. […] Il écrivit à 16 ou 18 ans, peut-être à 20 ou plus, le Contr’un, dont Montaigne, son grand ami, a essayé d’atténuer le caractère.
On ne peut dire si le caractère de Beltrame existait avant lui ; mais, en tout cas, il le fixa, le perfectionna et lui donna une importance toute nouvelle. […] Quant au caractère de Beltrame, tel il se dessine dans celle pièce, tel il persista jusqu’à la fin du dix-huitième siècle. […] Nous insistons sur le caractère de ce personnage, parce qu’on en fait généralement un valet intrigant, de la même famille que Scapin, et que nous croyons que Riccoboni s’est trompé et a induit en erreur sur ce point ceux qui s’en sont rapportés à lui.
On a conté plaisamment que tout caractère imprimé excitant la verve du conteur, s’il s’agissait dans un atelier de typographes de composer du Balzac, une feuille d’un ouvrage quelconque en train, fût-ce la Bible, était envoyée au romancier et que le résultat définitif était le même ; l’une ou l’autre de ces épreuves revenait avec une égale quantité de corrections. […] Les plus intelligents abordent les épreuves et reconnaissent du persan, d’autres l’écriture madécasse, quelques-uns les caractères symboliques de Whisnou. […] Deberny, le célèbre fondeur en caractères, me faisait voir dernièrement un exemplaire de la première édition de Louis Lambert corrigée sur les marges par Balzac pour une réimpression.
Mon mot sur l’architecture Il ne s’agit point ici, mon ami, d’examiner le caractère des différents ordres d’architecture ; encore moins de balancer les avantages de l’architecture grecque et romaine avec les prérogatives de l’architecture gothique, de vous montrer celle-ci étendant l’espace au-dedans par la hauteur de ses voûtes et la légèreté de ses colonnes, détruisant au-dehors l’imposant de la masse par la multitude et le mauvais goût des ornements ; de faire valoir l’analogie de l’obscurité des vitraux colorés, avec la nature incompréhensible de l’être adoré et les idées sombres de l’adorateur ; mais de vous convaincre que sans architecture, il n’y a ni peinture ni sculpture, et que c’est à l’art qui n’a point de modèle subsistant sous le ciel que les deux arts imitateurs de la nature doivent leur origine et leur progrès. […] Et il y a sur la toile du peintre, deux, trois, quatre figures semblables ; elles y sont environnées d’une foule d’autres figures d’hommes d’un aussi beau caractère, toutes concourent de la manière la plus grande, la plus simple, la plus vraie, à une action extraordinaire, intéressante ; et rien ne m’appelle, rien ne me parle, rien ne m’arrête ! […] N’aurait-on pas fait de la science des conditions, des caractères, des passions, des organisations diverses, une petite affaire de règle et de compas ?
Critique sagace et parole comptée quand il s’agit de l’appréciation des livres et des hommes, Rapetti, qui réunit la capacité étendue et diverse de l’historien au sens incessamment aiguisé du jurisconsulte, a été plus frappé que personne du caractère qu’offrent ces mémoires de Raguse où l’inconsistance essaie d’être retorse et réussit à se montrer telle, et où les machiavélismes et les sophismes de la défense brouillent la faute pour la couvrir. […] Marmont étant ce qu’il était : un satrape par-dessus un soudard, et tout cela chamarré d’idées modernes et de vieille civilisation sur toutes les coutures, et d’un autre côté les circonstances de 1814 ayant été ce qu’elles furent à l’heure où le caractère de cet homme s’effondra, nul historien de sens ne s’étonnera de cette honteuse affaire d’Essonnes, qui fut une si grande catastrophe. […] Là est son caractère.
Et il faudrait que tous les matins ce fût la première parole qu’on fît entendre aux princes, à leur réveil ; l’amour de la gloire veillerait autour d’eux pour en repousser les faiblesses et les vices ; car tel est le caractère de ce sentiment ; il est fier, délicat, sévère à lui-même. […] La plupart des hommes, faibles par leur nature, faibles par le peu de rapport qu’il y a entre leur esprit et leur caractère, plus faibles encore par les exemples qui les assiègent, par le prix que les circonstances mettent trop souvent à la bassesse et au crime, n’ayant ni assez de courage pour être toujours bons, ni assez de courage pour être toujours méchants, embrassant tour à tour et le bien et le mal, sans pouvoir se fixer ni à l’un ni à l’autre, sentent la vertu par le remords, et ne sont avertis de leur force que par le reproche secret qu’ils se font de leur faiblesse. […] Nous indiquerons le caractère et le mérite ou la bassesse des écrivains qui ont travaillé dans ce genre.
Isocrate prit enfin le parti de répondre ; ce discours d’un vieillard, qui, pour réfuter l’envie, fait la revue de ses pensées depuis quatre-vingts ans, et avant de descendre au tombeau, rend compte à la patrie et aux lois, de l’usage qu’il a fait de son éloquence, n’était pas moins susceptible de pathétique que de force ; mais l’ouvrage, avec des beautés, est bien loin d’avoir ce caractère ; le sujet est grand, l’exécution est faible. […] Les arts et les plaisirs d’Athènes, un peuple facile, un caractère brillant, les grâces jointes à la valeur, la volupté mêlée quelquefois à l’héroïsme, de grands hommes populaires, des lois qui dirigeaient plus la nature qu’elles ne la forçaient, enfin des vertus douces et des vices même tempérés par l’agrément, devaient plaire bien davantage à un genre d’esprit qui ordonnait tout, et préférait la grâce à la force. Au reste, cet éloge, comme on s’en doute bien, porte le caractère de l’âge où il fut composé ; c’est l’abandon de l’âme dans un songe tranquille ; on voit se succéder lentement et doucement les mouvements de l’orateur ; on voit les impressions arriver jusqu’à lui par des secousses insensibles, et ses idées ressemblent à ces lumières affaiblies et pâles qui se réfléchissent de loin, et conservent de la clarté sans chaleur.
vous me l’avez promis. » M. de Latour était pour Mme Valmore tout autre chose encore qu’un conseiller critique : c’était par sa position et son caractère un intercesseur et un canal des grâces ; homme affectueux et sensible qui pratiquait la poésie à la cour, traducteur de Silvio Pellico, qui s’était accoutumé à penser et à sentir comme Pellico. […] Ce qui avait un tout autre caractère et bien autrement poignant, ce sont les stances suivantes, écrites sous l’impression même de l’atroce spectacle qu’elle avait sous les yeux, et qu’offre dans tous les temps, — à l’époque de la Ligue, comme à la nôtre, — le cynisme des guerres civiles. […] Ma prière est un témoignage d’amour pour la reine et d’une estime profonde dans votre caractère. […] J’ai hâte de retourner à la correspondance intime et de famille, qui me sera une occasion naturelle de placer, chemin faisant, quelques dernières remarques sur le caractère et l’âme de cette personne de douleur et de tendresse. […] » Le caractère d’Ondine était une des préoccupations de sa mère.
Il ne se passionna point à l’étude exclusive d’un ou deux caractères, au rigoureux développement d’un seul conflit. […] Une trame motiverait les groupements, éclairerait les caractères, développés, non plus seulement présentés.
On peut se borner à constater certains des caractères qu’elle présente et à les établir de façon à défier toute contradiction. […] Ces faits me paraissent pouvoir être rangés sous trois chefs différents : 1° Les caractères de cette œuvre, les traits particuliers qui la ; distinguent ; 2° Quelques-unes des causes qui ont contribué à la rendre, telle qu’elle est ; 3° Quelques-uns des effets qu’elle a produits, soit sur les contemporains, soit sur la postérité.
Ce dôme, qui se change en clocher dans la plupart de nos églises, donne à nos hameaux et à nos villes un caractère moral, que ne pouvaient avoir les cités antiques. […] Plus les âges qui ont élevé nos monuments ont eu de piété et de foi, plus ces moments ont été frappants par la grandeur et la noblesse de leur caractère.
La conversation n’avait jamais de caractère mystique. […] Carbon m’adopta tout d’abord ; il reconnut que le fond de mon caractère est la gaieté et l’acceptation résignée du sort. « Je vois que nous ferons bon ménage ensemble », me dit-il avec son excellent sourire. […] Mon caractère doux et mes habitudes studieuses, mon silence, ma modestie leur plurent, et je crois que plusieurs d’entre eux firent tout bas la réflexion que me communiqua M. […] À la base est le traité de la vraie Religion, où l’on essaye de démontrer le caractère surnaturel de la religion chrétienne, c’est-à-dire des Écritures révélées et de l’Église. […] Le Hir m’enchanta, il se montra pour moi plein d’attentions ; il était Breton comme moi ; nos caractères avaient beaucoup de ressemblance ; au bout de quelques semaines, je fus son élève presque unique.
Réalité et grandeur des images, vérité et sincérité d’inspiration, elle offre tous ces caractères, mais avec quelques taches de détail. […] André Chénier, qui, je le crois bien, songeait en ce moment au poëte Le Brun, son ami, dont il ne pouvait concilier le talent et le caractère, s’écriait : Ah ! […] Si ce n’était qu’une épigramme par boutade, nous n’y insisterions pas ; mais bien des défauts et des caractères marquants de M. […] Il nous semble, si le souvenir ne nous abuse pas, que les Feuilles d’Automne en contenaient moins et annonçaient un travail d’élaboration que les Chants du Crépuscule ne réalisent qu’en partie ; ou peut-être ces fautes ne nous choquent-elles ici davantage que par le caractère plus élégiaque des morceaux qui les entourent et les font ressortir, et aussi par la susceptibilité d’un goût malheureusement plus difficile et plus rebuté avec l’âge.
Les causes extérieures de différenciation individuelle dans le caractère et dans le vouloir sont fort nombreuses. Sans parler des conditions physiques comme le climat, on comprend que les conditions de vie sociale, la profession, le rang, l’état de fortune, les relations, l’isolement ou la vie de société fassent triompher dans la conduite ordinaire d’un individu tel ou tel ordre de considérations, telles, ou telles, raisons d’agir et impriment à sa volonté et à son caractère telle courbure particulière. […] Elle dépend aussi de la forme particulière de la volonté elle-même, suivant la proportion variable des éléments qui la composent (éléments sensitifs, intellectuels, moteurs) ; suivant la quantité d’énergie vitale de l’individu ; suivant le mode d’action de cette énergie (adaptation ou domination), suivant le caractère modéré et continu ou au contraire violent et spasmodique des réactions de l’individu. […] Il est un effet de la solidarité accrue, de la coopération qui accroît le pouvoir de l’homme sur la nature. — Les individualistes répondent à cela que le pouvoir de l’homme sur la nature n’est pas tout et que le développement scientifique et industriel peut aller de pair pour beaucoup d’hommes avec un asservissement croissant des volontés et des caractères : que la solidarité accrue ne s’accompagne pas nécessairement d’un accroissement du sentiment de puissance de l’individu, mais au contraire, du sentiment de sa dépendance.
On a beaucoup parlé dans notre siècle de la transmission héréditaire de certains caractères qui se fait dans un peuple de génération à génération. […] Au reste, dans la formation du caractère national, si tant est qu’on arrive à le déterminer, quelle part attribuer à l’hérédité physiologique proprement dite ? […] § 1. — Je vois d’abord un curieux rapport de coïncidence entre la prédominance de certains tempéraments et celle de certains caractères littéraires. […] Chercherons-nous maintenant quel a été le caractère principal du tempérament chez les personnages marquants de cette période ?
Et qu’on nous entende, ce n’est pas le fond de ces pièces que nous condamnons, c’est le procédé, le style, la composition, leur caractère de faits divers qui les situe en dehors même des productions françaises. […] V. — La comédie de mœurs et de caractère Le bilan est simple58. […] De son Timon d’Athènes aux Ventres Dorés, c’est de la peinture de caractère, intense et amère. […] Chez lui, rien qui ne concoure à l’action ou à la pure intelligence des caractères.
Cependant, il est bon de le remarquer, ce que je dis est moins une opinion que l’expression d’un sentiment de malaise assez général pour que je doive m’y associer en quelque sorte, puisque je me rends l’historien de cette époque, et que je me suis imposé la tâche d’en saisir tous les caractères. […] Le caractère particulier de notre littérature était d’être classique, parce que le caractère particulier de notre langue était d’être soumise aux lois rigoureuses de l’analogie ; c’est là, sans autre commentaire, ce qui a rendu notre langue universelle, et ce qui a fait de notre littérature la littérature de l’Europe. […] Mais je demande si déjà nous n’avons pas besoin de nous rappeler la personne même de Bossuet, et l’assemblée imposante devant laquelle il parlait, et l’autorité de sa parole, fortifiée par le caractère auguste dont il était revêtu, et l’empire irrésistible de doctrines non contestées, et toutes les gloires et toutes les renommées de cette époque si brillante, et tous les souvenirs de la vieille monarchie, pour sentir les éminentes beautés de l’Oraison funèbre du grand Condé.
Et ce n’est pas tout : on sent aussi que c’est là un homme d’un grand caractère. […] Si les philosophes du salon de madame Necker reconnaissaient, un soir, « qu’un caractère est toujours simple quand une seule chose l’intéresse », comment un missionnaire, qui n’a que l’idée fixe de sa foi à propager, pourrait-il manquer, quoi qu’il fasse, de cette simplicité qui est la plus haute expression humaine dans l’ordre de l’intelligence ou de la vie ? […] Ce fut cette raison qui le décida à jouer cette grande comédie qu’on peut appeler une comédie de caractère (car il en faut beaucoup pour la jouer), et dont les scènes, multipliées en deux gros volumes, toujours variées et toujours nouvelles, eurent le succès le plus triomphant et le plus complet. […] Quoi qu’en aient dit les écrivains européens qui se prennent, comme des oisillons au miroir, au mirage de leurs désirs et de leurs propres pensées, elle n’a pas d’autre caractère.
Que ce soient les lignes de la face, ou les protubérances du crâne, ou la conformation de la main dont il soit question pour expliquer l’homme, son génie, son caractère, sa nature et sa destinée, c’est toujours la même induction physiologique que l’on fait, c’est le même procédé qu’on emploie, c’est la même idée qu’on affirme. […] Dans un tel état de choses, la Critique n’a donc pas à se préoccuper des probabilités d’une thèse qui perd son caractère en perdant sa rigueur. […] Il la classe en types différents, dont il fait reluire et saillir les caractères comme des bagues. […] L’élégance dans la force, qui est le caractère distinctif de sa tournure intellectuelle, il l’a, sans nul doute, acquise et développée dans sa vie aux gardes ou à l’armée, car la vie active pénètre la pensée et la trempe, et c’est un fier bonheur pour elle !
Ainsi, le caractère et l’unité dans la vie, voilà les qualités premières qui frappent en Léon XIII, et qui sont si grandes que tout d’abord elles empêchent de voir en lui autre chose. […] Il y a toutes les vertus du prêtre, la sainteté, la doctrine, la science, la fermeté de l’esprit qui s’appuie sur la fermeté du caractère, base de tout, et qui, réunies, donnent la force absolue, dans son intégrale et irrésistible beauté. Mais le caractère et l’unité dans la vie n’en sont pas moins les qualités principales de Léon XIII, l’étoffe et le fond de sa personnalité, et qui s’en dégagent comme deux rayons, — les deux rayons du front de Moïse ! Le caractère et l’unité dans la vie, c’est-à-dire, après tout, les qualités les plus mâles et les plus rares toujours, mais particulièrement dans ce temps d’inconséquence et d’amollissement universels !
Et nous ne contesterons pas davantage le caractère psychasthénique de la fausse reconnaissance en général. […] Certes, il est naturel que le théoricien soit frappé du caractère sui generis des faits morbides. […] Or, ce sont précisément les caractères de la fausse reconnaissance. […] Voilà donc un autre caractère de la fausse reconnaissance. […] Chacun de nous a pu remarquer le caractère étrange que prend parfois un mot familier quand on arrête sur lui son attention.
Nous voulons essayer d’en mesurer l’étendue et d’en apprécier les caractères. […] La sincérité de la passion ou sa spontanéité, c’est là en effet le caractère où se reconnaît l’instinct naturel, et ce caractère suffît à le rendre moralement innocent. […] Laissons aux choses leur caractère et leur nom. […] On connaîtrait imparfaitement, sans cela, et son caractère malfaisant et l’étendue des ravages qu’elle a faits. […] Il en a fait des êtres impossibles, qui n’ont d’homme que le nom, dont les caractères sont aussi faux que les sentiments sont odieux.
Elles ont dans leur existence un certain abandon qu’elles font passer dans la nôtre ; elles rendent notre caractère d’homme moins décidé ; et nos passions, amollies par le mélange des leurs, prennent à la fois quelque chose d’incertain et de tendre. Enfin, les Grecs et les Romains, n’étendant guère leurs regards au-delà de la vie, et ne soupçonnant point des plaisirs plus parfaits que ceux de ce monde, n’étaient point portés, comme nous, aux méditations et aux désirs par le caractère de leur culte.
Les dessins de Cochin sont de très-bons tableaux d’histoire, bien composés, bien dessinés, figures bien groupées, costume bien rigoureusement observé et dans les armes et dans les vêtemens, et dans les caractères. […] Avec tout cela les dessins de Cochin sont faits avec un esprit infini, d’un goût exquis ; il y a de la verve, du tact, du ragoût, du caractère, de l’expression, cependant arrangés de pratique.
Mais surtout, l’analyse à laquelle nous avions dû procéder faisait ressortir plus nettement les caractères du temps et le rôle qu’il joue dans les calculs du physicien. […] Si donc nous nous guidons sur elle, si nous allons chercher au temps des caractères comme ceux de l’espace, c’est à l’espace que nous nous arrêterons, à l’espace qui recouvre le temps et qui le représente à nos yeux commodément : nous n’aurons pas poussé jusqu’au temps lui-même.
Il existe, en poésie comme dans le monde, des caractères qu’on pourrait appeler en dehors, et des caractères en dedans. […] La centralisation s’était accomplie dans les esprits, dans les mœurs, dans les idées, dans les caractères, en même temps que dans les administrations publiques. […] Ce moment critique, redoutable, inévitable, l’initiative du roi et de ses ministres aurait pu en adoucir la secousse, en atténuer le caractère destructeur. […] Jamais je n’avais mieux compris cette variété de caractères, d’esprits et d’efforts, marchant en des sentiers différents et concourant au même but. […] Regardez de près Constantin : vous reconnaîtrez en lui tous ces caractères.
Vauvenargues peintre de caractères. — § III. […] Quand je lis les Caractères de La Bruyère, je n’ai que faire d’une clef ; c’est ce que je lis qui vit. […] Les peintures de caractères ne se font pas de fougue : s’il y a un genre où la jeunesse ne soit pas une qualité, c’est celui-là. […] Aussi Vauvenargues, ne trouvant pas de caractères sous sa main, en imagine, ce qui est tout autre chose. […] Tel de ses caractères est une foule confuse ; ce n’est pas une personne.
La nécessité d’une bonne contenance, d’une conduite mesurée et d’une circonspection habituelle dans une société d’un ordre supérieur, redressa tous mes écarts d’imagination et calma une vivacité de caractère qui, sans ce secours, m’eût conduit fréquemment à l’étourderie. […] M. de Merle me menait souvent avec lui chez les princes et les ministres, de sorte que j’ai eu occasion de voir fréquemment le fameux marquis de Pombal, qui n’était pas un grand ministre, comme le disent ses panégyristes, mais qui avait plus d’esprit et surtout plus de caractère que tout ce qui était à la cour de Portugal, où la maison royale, le ministère et le palais, ne présentaient pas un personnage marquant… » Il avait beaucoup écrit sur ce qu’il avait vu et observé en Portugal durant les dix-huit mois qu’il y passa ; ses notes se sont perdues : l’essentiel, c’est qu’il y avait surtout acquis un commencement d’observation et d’expérience. […] Il est permis, d’après son récit même, de conjecturer que cet esprit juste et modéré, ce caractère honnête et droit de Malouet, n’étaient pourtant pas toujours accompagnés d’une adresse pratique et d’une insinuation suffisantes ; que la modération même de ses vues et les raisons combinées qu’il y introduisait n’étaient propres à réussir qu’à demi auprès d’esprits entiers, prévenus en faveur d’idées absolues, ou intéressés à des systèmes contraires. […] Malouet eut fort à se louer, en cette circonstance, du comte de Broglie, l’ancien correspondant de Louis xv, caractère passionné, âme ferme, et qui se fit spontanément l’avocat et le champion de l’honnête homme calomnié. […] Le morose abbé de Mably, qui voyait tout en noir et ne pouvait surtout rien approuver dans un ministre, ne voulut jamais croire à l’heureuse solution de cette affaire qui avait eu, à l’origine, le caractère d’une machination, et il disait de son ton bourru à Malouet : « Monsieur, je me connais un peu mieux que vous en hommes et en ministres, attendu que je vous ai précédé dans le monde d’une quarantaine d’années ; je vous annonce donc nettement qu’avant deux ans vous êtes un homme perdu. » Malouet, loin de se perdre, sortit de là apprécié et prisé à sa vraie valeur.
Sir Henry Bulwer, homme d’État et étranger, moins choqué que nous de certains côtés qui ont laissé de tristes empreintes dans nos souvenirs et dans notre histoire, a jugé utile et intéressant, après étude, de dégager tout ce qu’il y avait de lumières et de bon esprit politique dans le personnage qui est resté plus généralement célèbre par ses bons mots et par ses roueries ; « L’idée que j’avais, dit-il, c’était de montrer le côté sérieux et sensé du caractère de cet homme du XVIIIe siècle, sans faire du tort à son esprit ou trop louer son honnêteté. » Il a complètement réussi à ce qu’il voulait, et son Essai, à cet égard, bien que manquant un peu de précision et ne fouillant pas assez les coins obscurs, est un service historique : il y aura profit pour tous les esprits réfléchis à le lire. […] Cette identité place entre les hommes de ces deux pays un caractère commun qui les fera toujours se prendre l’un à l’autre et se reconnaître ; ils se croiront mutuellement chez eux quand ils voyageront l’un chez l’autre ; ils échangeront avec un plaisir réciproque la plénitude de leurs pensées et toute la discussion de leurs intérêts, tandis qu’une barrière insurmontable est élevée entre les peuples de différent langage qui ne peuvent prononcer un mot sans s’avertir qu’ils n’appartiennent pas à la même patrie ; entre qui toute transmission de pensée est un travail pénible, et non une jouissance ; qui ne parviennent jamais à s’entendre parfaitement, et pour qui le résultat de la conversation, après s’être fatigués de leurs efforts impuissants, est de se trouver mutuellement ridicules. […] Et sur ce climat qui n’est pas fait, et sur ce caractère américain, qui ne l’est pas davantage, quel plus frappant et plus philosophique tableau que celui-ci, trop pris sur nature, trop bien tracé et de main de maître pour n’être pas rappelé ici, quand sur d’autres points nous devons être si sévères ! […] Si un tel spectacle attache fortement l’imagination, si l’on se plaît à retrouver dans la succession de l’espace ce qui semble n’appartenir qu’à la succession des temps, il faut se résoudre à ne voir que très peu de liens sociaux, nul caractère commun parmi des hommes qui semblent si peu appartenir à la même association. » S’il né semblait puéril et bien ingénu de prendre Talleyrand par le côté littéraire, on aurait à noter encore ce qui suit immédiatement, ces deux portraits de mœurs, le Bûcheron américain, le Pêcheur américain. […] Ce fut Talleyrand alors qui fut choisi comme l’interprète du Directoire auprès du général Bonaparte dans deux circonstances qui avaient un caractère révolutionnaire : la première, pour le décider à assister à la fête anniversaire du 21 janvier ; la seconde, pour justifier l’assassinat de deux jeunes gens qui avaient fait une manifestation royaliste au café Garcby.
La lutte est le caractère de l’état d’analyse. […] La réflexion ne saurait opérer l’unité ; la diversité est le caractère essentiel des époques philosophiques ; toute grande fondation dogmatique y est impossible. […] Alors apparaîtront de nouveau de superbes types du caractère humain, qui rappelleront les merveilles des premiers jours. […] La plupart des catégories de la science ancienne exclues par les modernes correspondaient à des caractères extérieurs de la nature, qu’on ne considère plus, et avaient bien leur part de vérité. […] Le vrai, ce semble, est qu’à l’origine les divers caractères qui, en se groupant, ont formé plus tard le syriaque, l’hébreu, etc., existaient syncrétiquement et sans constituer encore des dialectes indépendants.
Ce double caractère de M. […] Ces traits sont essentiels pour indiquer les premiers caractères d’un talent qui, dans ses écrits les plus divers, portera l’inspiration de la piété et de la félicité domestique. […] À toutes les qualités qui sont nécessaires à l’orateur, Droz demande que son caractère unisse encore la sensibilité : « Beaucoup de force d’âme au premier coup d’œil, dit-il, paraît l’exclure : mais l’élévation est le point qui les unit. » L’élévation d’âme n’est pas tout encore, si l’orateur n’y joint réellement la vertu ; Droz y insiste, et non point par des lieux communs de morale, mais par des observations pratiques incontestables : « Croyez qu’il n’est chez aucun peuple assez d’immoralité, dit-il, pour que la réputation de celui qui parle soit indifférente à ceux qui l’écoutent. » Lorsque plus tard, historien de la Révolution, il aura à parler de Mirabeau, dont il appréciait si bien la grandeur, combien il aura occasion de vérifier ce côté d’autorité morale si nécessaire, par où il a manqué ! […] Durant trente ans il médita donc ce sujet, historique, le plus fécond en réflexions morales ; il lut tout ce qui s’imprimait là-dessus, il interrogea les contemporains les mieux informés ; il dut à la confiance qu’inspirait son caractère d’obtenir communication de mémoires inédits : en un mot, il ne négligea aucune recherche, aucune enquête, pour arriver à la vérité. […] Grâce à lui, ce qu’il appelle les trois phases de la vie politique de Mirabeau depuis 89 jusqu’à sa mort, les circonstances particulières et les vicissitudes de ses relations avec la Cour, sont aussi éclaircies désormais qu’il est permis de l’espérer22, et, quelque jugement qu’on porte sur le caractère de l’homme, le génie de Mirabeau en ressort plus grand, il est piquant de voir cet esprit juste, droit et pur de M.
« De l’esprit, des manières, du penchant à l’étude, pourvu néanmoins qu’on lui choisît une étude agréable » ; tel d’Olivet nous le peint dès les premières années, et tout ce début de la Notice de d’Olivet est à citer comme touchant déjà à fond le caractère : Patru fit excellemment ses humanités ; en philosophie, au contraire, la barbarie des termes le révolta. […] Cet ensemble d’anecdotes sur la jeunesse de Patru nous le montre bien, dans la vérité primitive de son caractère, aimable, je le répète, liant et séduisant, un garçon d’esprit et de plaisir, honnête homme au milieu de ses distractions gauloises, désintéressé, déjà mal à l’aise et se méfiant de la fortune, ne se sentant pas assez de force pour la maîtriser et pour épouser courageusement la femme qu’il aime, du moment qu’elle devient veuve et qu’elle est libre. […] Patru acquérait de plus en plus d’autorité en vieillissant, et l’on cite de lui de ces mots qui sont des traits de caractère et d’indépendance. […] Les dernières années de Patru furent marquées par une notoire indigence et par la façon honorable dont il la porta, et elles achèvent l’idée de son caractère mieux que n’aurait fait une fin plus adoucie. […] Le caractère de l’homme se retrouvait pourtant et se maintenait jusque dans le repentir.
laissez-moi ce papier. » Mais Portalis, qui n’y avait rien écrit ou qui n’y avait tracé que des caractères insignifiants, demanda le temps de faire faire une copie au net, et il n’eut pas de peine à dicter, au sortir de là, à son secrétaire ce qu’il avait si fidèlement retenu. […] Vous êtes des hommes et nous le sommes aussi ; vous êtes malheureux, nous vous devons de la pitié. » — Qu’il fut grand, s’écrie Portalis, cet homme qui, simple ministre d’un souverain par sa place, sut, par la dignité de son caractère et l’élévation de ses sentiments, se constituer le magistrat du genre humain ! […] Le bon sens et la bonne foi sont les deux caractères philosophiques de Portalis. […] La portion supérieure de son ouvrage est celle où il montre la décomposition de la société par les sophistes, espèce destructive si éloignée en tout de ces hommes à grand caractère et à grandes vues positives, qui ont fondé les sociétés et institué les peuples : « Le faux esprit philosophique est une lime sourde qui use tout. » Il distingue entre les diverses sortes de corruption publique : malgré sa bonté morale personnelle, il sait à quoi s’en tenir sur le fond de l’homme ; les passions étant les mêmes en tout temps, les mœurs aussi sont toujours à peu près les mêmes, ce ne sont que les manières qui diffèrent : mais la différence est grande, d’une corruption qui n’est que dans les mœurs, et à laquelle de sages lois peuvent remédier, d’avec cette corruption subtile qu’un faux esprit philosophique a naturalisée dans la morale publique et dans la législation. […] La découverte des choses vraies ou utiles est ordinairement la récompense des caractères modérés et des bons esprits.
Dans ces parties où le talent de Carrel se développe et se déploie, il garde le même caractère que j’ai déjà indiqué. […] En peignant ce Vendéen d’au-delà des Pyrénées, ce capitaine improvisé, d’un grand caractère naturel, d’un ascendant irrésistible, et créateur de tous les éléments qui avaient concouru à lui faire une renommée, Carrel se surprend (chose singulière !) […] Si j’osais traduire cette impression dans une langue toute littéraire et pour des littérateurs, je dirais : Zumalacárregui, c’est son André Chénier : Il est des temps, disait-il (28 juin 1835), où avec de médiocres facultés on peut devenir rapidement fameux ; nous sommes, au contraire, une de ces époques où tout conspire contre le développement des grands caractères, et où le travail des sociétés n’amène à la surface que des natures dégradées. […] Et quand on songe que Zumalacárregui était un chef carliste espagnol, on y voit par un exemple sensible à quel point, dans l’estime de Carrel, le caractère de l’homme passait avant les opinions mêmes et le drapeau. […] Il y a eu là un travers qui a barré et finalement brisé sa forte vie ; qui a rendu inutile son noble caractère, et qui ne laisse aujourd’hui apparaître et survivre que son talent d’écrivain.
C’est une guerre entre caractères, un heurt entre individualités. […] Quant au caractère personnel des despotes, M. […] Il a indiqué ce dernier comme un exemple des débuts du caractère romain. […] Walker, est d’établir l’harmonie entre le caractère et la décoration. […] Sladen, c’est le caractère lamentablement provincial de la tendance et de l’exécution chez presque tous les auteurs.
Je connais la grande-duchesse depuis 1805, et j’ai eu une foule d’occasions d’admirer son esprit et son caractère. […] « Le caractère, dit-il, c’est tout ; et cependant, de notre temps, il y a eu parmi les critiques de petits personnages qui n’étaient pas de cet avis et qui voulaient que dans une œuvre de poésie et d’art un grand caractère ne fût qu’une espèce de faible accessoire. Mais à la vérité, pour reconnaître et honorer un grand caractère, il faut en être un soi-même. […] J’ai donné ces noms à mes deux époux uniquement pour relever leur caractère. […] Mais, dans la nuit du 19 au 20, la maladie prit tout à coup un caractère menaçant.
Le feeling a pour caractère essentiel d’occuper une portion de conscience assez considérable pour être percevable. […] Au point où nous en sommes, on peut essayer de déterminer les caractères qui distinguent la vie physique de la vie mentale. […] La forme sérielle est donc le caractère spécial de l’intelligence. […] Ce qui donne au raisonnement quantitatif, sous toutes ses formes, un caractère de rigueur incontestable, c’est qu’il ne s’applique pas à des rapports de toute espèce, mais à un nombre restreint. […] Sur la psychologie considérée comme science indépendante et ayant des caractères absolument propres, lire ce chapitre tout entier.
Le 16 juillet 1857 ou œuvres et caractère de Béranger I Le 16 juillet 1857 sera une date pour la France ! […] XIX Nous ne parlons pas encore ici du caractère de Béranger, sa véritable puissance. […] Avec cette flexibilité de caractère qui est la faiblesse et la grâce de la jeunesse, il est naturel qu’il y ait admiré ces maîtres ; on comprend qu’il ait été possédé, au début, d’une certaine émulation pour rivaliser de jovialité et de gaudriole avec eux. […] Sans parler de Diderot, de Mercier, et de tant d’autres en France, la typographie en Amérique ne fut-elle pas le métier de Franklin, cet homme qui fondait la liberté religieuse et la liberté républicaine dans le même moule où il fondait les caractères de la pensée ? […] La seule chose qui nous importe dans un examen des vers et du caractère du poète, c’est que la Lisette dont parle Chateaubriand fut un sentiment de son cœur, et non une rime de ses couplets ; c’est que le poète aima pendant soixante ans, avec délicatesse, avec estime, avec constance, et que les apparentes légèretés de ses chansons ne furent que des convenances du genre, et nullement des débauches du cœur.
J’aurais dû rester en silence, sur cette hauteur, attendant les occasions s’il en survenait ; j’aurais mieux fait mille fois ; mais le caractère prévaut toujours sur la raison dans les natures actives. […] Tout le monde croyait que c’était chez moi faute de caractère et d’énergie, que je ne saurais jamais prendre un parti, et que, par conséquent, je ne serais bon ni à moi ni aux autres. […] Jamais scandale aussi humiliant pour le caractère des hommes d’État ne fut donné au monde politique. […] Dupin, dans le quatrième volume de ses Mémoires, véritables archives des choses et des hommes de ce temps, se trompe involontairement, je n’en doute pas, sur mes vues et sur mon caractère dans cette circonstance. […] Voilà son caractère, prouvé par vingt actes de fierté plus semblables à la folie qu’au civisme.
Il y a l’art de composer une intrigue, l’art de composer un caractère, l’art de composer un état. […] La composition de l’intrigue ne prend une valeur d’art que lorsqu’elle est un moyen dans la composition d’un caractère ou de caractères. […] La Princesse de Clèves est la composition moins d’une intrigue et d’un caractère que d’un état. […] Son premier caractère est le réalisme de la peinture. […] Et nous trouvons encore le même caractère dans le roman de cet autre Orient qu’est la Russie.
La commission, tout en reconnaissant les qualités heureuses d’un talent fait pour être encouragé dans l’étude de la comédie franche, qu’il n’a qu’effleurée cette fois sans assez creuser les caractères, n’a donc pu, et elle le regrette, monsieur le ministre, exprimer une conclusion positive en faveur de l’ouvrage. […] On a insisté sur le peu d’intérêt qui s’attache ici aux caractères vicieux et sur la répulsion qu’ils inspirent, même sous la forme élégante et habile dont ils sont revêtus, et que fait si bien valoir la principale et ingénieuse interprète. […] Il a été répondu encore, et d’une manière plus directe (toujours au point de vue dont la commission n’avait point à s’écarter), que, toute part faite et toute justice rendue au talent de l’auteur, sur lequel il n’y avait qu’une voix, on ne pouvait découvrir réellement dans sa pièce d’autre intention dominante que celle de peindre ; qu’il avait porté son miroir où il avait voulu, qu’il avait fait une exhibition fidèle, inexorable, de ce qu’il avait observé, et avait montré les gens vicieux tels qu’il les avait saisis ; que ce n’était pas un reproche qu’on lui faisait, mais que c’était le caractère de sa comédie qu’on se bornait à relever, et que ce serait lui prêter gratuitement que de voir autre chose dans son Demi-Monde qu’une peinture attachante, ressemblante et vraie, digne d’être applaudie sans doute, mais non pas d’être récompensée comme ayant atteint un but auquel l’auteur n’avait point songé.
Il a mérité que le caractère d’individualisme, si fortement prononcé dans notre âge égoïste et littéraire, s’effaçât ici, en quelque sorte, sous la sanction sacerdotale, sous l’adoption solennelle qui fait de ces lettres, non pas un opuscule philosophique, non pas un legs posthume d’un jeune homme de belle espérance, mais une pierre désormais indestructible du temple qui s’élève, une parole mémorable de l’Évangile toujours vivant, un chapitre de plus destiné à illustrer la troisième période des saintes Écritures. […] La poésie y revêtait un caractère sacerdotal et prophétique qu’elle n’a nulle part égalé depuis, pas même dans le catholicisme. […] Or, voilà pourquoi le christianisme est resté en chemin de son œuvre ; voilà pourquoi de Maistre, génie autant mosaïque qui catholique, ne conçoit pas que Dieu, auteur de la société des individus, n’ait pas poussé l’homme, sa créature chérie et perfectible, jusqu’à la société des nations ; voilà pourquoi les juifs s’obstinent à contempler avec un sentiment orgueilleux de supériorité leur loi, si complète en elle-même, que le christianisme a brisée avant d’avoir à rendre au monde l’unité définitive ; voilà pourquoi la religion de l’avenir, qui devra renfermer tous les caractères du judaïsme et du christianisme, renfermera aussi dans ses temples les juifs et les chrétiens, en les mettant d’accord, selon qu’il a été dit dans les anciennes et les nouvelles Écritures.
. — Celles-ci se forment, dit Wundt, par la mise en relief d’un caractère important, aperçu et trié parmi les autres ; ainsi, parmi tous les caractères du cheval, il y en a un qui a vivement frappé l’Arya primitif, la vitesse ; pour les Aryas, le cheval fut le rapide ; l’homme fut le penseur ou le mortel, la terre la labourée, la lune la brillante. — Ici encore, nous demanderons à Wundt ce qu’il y a de mystérieux et de vraiment libre dans l’attention prêtée par les peuples primitifs aux caractères des choses qui les intéressaient le plus.
En ce vers grinçant, se résume tout le caractère de Boileau, caractère de mauvais rimeur envieux des vrais poètes, de plat aligneur de syllabes doué du seul grossier bon sens, caractère, en un mot, de châtré.
Il ne travailla plus qu’à des tragédies saintes : mais sa dévotion ne réforma point son caractère naturellement caustique. […] On reproche à Racine une continuelle uniformité dans l’ordonnance, dans les intrigues, dans les caractères. […] Madame de Sévigné, à qui la langue est redevable d’avoir un caractère de plus, cette femme unique pour le stile épistolaire & pour conter agréablement, dit toujours que Racine n’ ira pas loin : c’est qu’elle le desiroit, ainsi que tous ceux de son parti, lequel, à la honte des talens & de la raison humaine, fut très-nombreux.
Victor Hugo me semble avoir mieux peint Louis XI comme portrait que comme caractère. […] Mais les caractères, et particulièrement celui de Louis XI, ne sont pas si vrais que les attitudes et les costumes. […] Car c’est là le caractère de ce temps-ci, que celle qui pousse est déjà plus importante que celle qui est en débat. […] Je me diminue peut-être en me défendant de m’être conduit par ambition : car l’ambition suppose le caractère et la volonté, et ce n’est pas peu douer un homme, quelle que soit l’intention, que de le douer en ce temps-ci de caractère et de volonté. […] Béranger, c’est le type le plus parfait, le plus ingénieux, le plus aimé du caractère de notre nation.
Il y travailla dix ans, avec des alternatives d’ardeur et de lassitude qu’expliquent également son caractère, et la nouveauté de l’entreprise. […] Allons maintenant, et tâchons de définir les caractères du génie celtique ! […] C’est aussi bien encore ici l’un des caractères des romans de Feuillet : on n’y craint pas la mort, et c’est ce qui fait la réelle noblesse de la plupart de ses personnages. […] sans doute, nous le savons, ni le talent n’est toujours à la hauteur du caractère, ni non plus le caractère à la hauteur du talent. Mais qu’entre l’un et l’autre il n’y ait rien de commun, que la vulgarité du talent n’ait pas souvent sa cause dans la bassesse du caractère, ou, réciproquement, que la dignité de la vie ne se retrouve pas dans le caractère de l’œuvre, c’est ce qu’il nous est impossible d’admettre ; et — je n’en ai pas fait le compte — mais c’est de quoi je doute que l’on trouvât un exemple.
S’en trouve-t-il davantage dans les caractères ? […] Ce fut alors qu’on inventa les choses qui ont du caractère et celles qui n’en n’ont pas. […] Plus la forme d’un objet est éloignée de nos habitudes, et plus cet objet a du caractère. […] Si elle fut naïve, si elle fut sauvage, brutale même, c’est qu’elle jugea ces caractères de l’humanité primitive bons à prendre pour renverser une littérature d’affèterie, trop vieillie. […] Sainte-Beuve pourquoi, par exemple, il s’est attaché dans son travail sur Apollonius de Rhodes à abaisser à de mesquines comparaisons un des caractères les plus admirables de la tragédie antique.
Roland avait quelque chose de brusque dans le caractère, mais n’était nullement méchant. […] C’est Paillot de Montabert, homme recommandable par l’affabilité de son caractère et les lumières de son esprit. […] Voilà plusieurs groupes très-bons, bien pensés, bien inventés, et de plus, bien dans le caractère du sujet… Oh ! […] C’est le caractère de la physionomie, ce qui l’anime, qu’il faut peindre. […] Son caractère le poussait bien moins à cela que la personne que vous savez.
Il dit le caractère douloureux et angoissant des vies paysannes. […] Trois ans plus tard, Les Moines exaltaient l’autre caractère de la nature flamande, le caractère religieux. […] Je la qualifierais de tragédie classique, n’était le caractère profondément païen du dernier acte. […] En opposition aux classiques, ils ne se soucient pas d’exprimer un caractère. […] Le caractère indépendant d’Eekhoud le préserve de toute imitation.
Ce mot comporte un caractère péjoratif. […] Ils n’ont pas échangé vingt répliques, et vous savez leur caractère. […] Je disais que ce caractère d’inquiétude des consciences s’accorde mal avec ce caractère de monotonie des destinées développé par le système des petites fortunes et des petits emplois. […] Ils luttent les uns contre les autres et ils ont des caractères. […] Cette contradiction s’explique par un autre trait de ce caractère si complexe.
Il faut donc reconnaître que l’on touche ici, avec l’aspiration à la vérité, à une nouvelle croyance bovaryque d’une force extraordinaire et qui jouit dans l’esprit des hommes d’un caractère sacré. […] Si, en effet, le pouvoir départi à l’homme de ce concevoir autre qu’il n’est a pu apparaître sous un jour défavorable, une telle dépréciation avait pour origine la foi en ce concept d’une vérité dont on vient de montrer le caractère illusoire.
Il paraît que le Seigneur voulut éprouver ainsi la sensibilité peut-être trop ardente de mon cœur, ou plutôt je crois que, dans sa clémence, il chercha à punir mes nombreux péchés par ces deuils que mon caractère me rendait plus pénibles. […] Mais, outre que mon caractère était très éloigné de demander, et plus encore de faire la cour au premier venu pour mon avancement, j’avais eu sur cette matière un trop bel exemple dans la personne de mon tuteur, le cardinal Negroni. […] Or jamais il ne demanda rien, et, chose rare et même unique, il fut constamment estimé et aimé par trois papes successifs, Clément XIII, Clément XIV et Pie VI, qui tous, comme on sait, différaient d’habitudes et de caractère. […] ” » Ces paroles si bonnes et le goût que le caractère grave et la figure gracieuse et modeste du futur cardinal inspiraient au majestueux et beau pontife Braschi, ranimèrent les espérances bornées de Consalvi. […] Cet arrangement était très en rapport avec son caractère.
De l’état de la critique au commencement du XIXe siècle L’antiquité sans doute avait eu aussi sa critique ; mais celle-ci présentait des caractères différents de la nôtre. […] Rarement elle s’attachait, comme Longin dans quelques excellents chapitres, comme Denys d’Halicarnasse dans quelques insipides traités, à faire ressortir le mérite d’un ouvrage ou le caractère d’un écrivain. […] « Le devoir d’un nouvelliste est de dire : Il y a tel livre qui court, et qui est imprimé chez Cramoisy, en tel caractère. […] La capacité de l’esprit n’est pas la seule que nous devions exiger du critique journaliste ; il en est une autre non moins importante et au moins aussi rare, celle du caractère. […] Enfin je citerai un dernier vice qui compromet le caractère de nos juges périodiques, c’est la paresse.
c’est un usage de tous les temps dans les journaux que, quand on y introduit des citations de quelque auteur, ces citations sont imprimées en petit texte, ou du moins en caractères plus fins que l’article du critique qui veut bien les faire. […] On n’a laissé à la Critique que son bout de petit texte, que son bout de tapis ou de paillasson sur lequel elle n’a encore bien juste que la place de s’agenouiller entre deux fastueuses citations du grand homme en grands caractères. […] La composition intégrale de l’Homme qui rit, son intérêt continûment passionné, les caractères qui doivent s’y développer, y grandir et y tomber avec l’action même, le pathétique final, tout, oui ! […] — écrivant un livre tardif où je n’aperçois, au bout de quatre cents pages, poindre ni caractère original, ni beauté d’âme, ni intérêt profond de trame humaine, se livrer à des besognes inférieures de pédant et de faiseur de dictionnaire, et atteler son vigoureux génie au haquet des plus lourdes dissertations ? […] La puérilité fut toujours un des caractères de sa manière.
Quand La Bruyère rencontra ce caractère sur son chemin, il comprit, en l’analysant, qu’il tenait une recette pour la fabrication en gros des effets amusants. […] Ce que la raideur de l’idée fixe est à l’esprit, certains vices ne le seraient-ils pas au caractère ? […] Au caractère enfin ? […] Toute raideur du caractère, de l’esprit et même du corps, sera donc suspecte à la société, parce qu’elle est le signe possible d’une activité qui s’endort et aussi d’une activité qui s’isole, qui tend à s’écarter du centre commun autour duquel la société gravite, d’une excentricité enfin. […] Mais cet effet gagne en intensité quand nous pouvons rattacher ces caractères à une cause profonde, à une certaine distraction fondamentale de la personne, comme si l’âme s’était laissé fasciner, hypnotiser, par la matérialité d’une action simple.
Colin, jeune peintre français, d’un caractère aimable et facile, d’un talent bien vif et bien franc, se trouvait à Ischia en même temps que Farcy ; tous deux se convinrent et s’aimèrent. […] « 29 novembre, Rio-Janeiro. — Que n’ai-je écouté ma répugnance à m’engager avec une personne dont je connaissais les fautes antérieures, et qui, du côté du caractère, me semblait plus habile qu’estimable ! […] Je me suis dit qu’il fallait s’habituer à vivre avec tous les caractères et tous les principes ; qu’il serait fort utile pour moi de voir agir un homme d’affaires raisonnant sa conduite et marchant adroitement au succès. […] J’ai ployé mon caractère impatient jusqu’à condescendre aux désirs souvent capricieux d’un homme que j’estimais au-dessous de moi en tout, excepté dans un talent équivoque de faire fortune. […] Il écrivait dans une note : « Je rends grâces à Dieu ; « De ce qu’il m’a fait homme et non point femme ; « De ce qu’il m’a fait Français ; « De ce qu’il m’a fait plutôt spirituel et spiritualiste que le contraire, plutôt bon que méchant, plutôt fort que faible de caractère.
L’art musical, recréant la vie des émotions, devait obéir à ces lois : par elles il fut régi, dans la succession historique de ses aspects et de ses caractères. […] A chaque genre, ils attribuèrent un caractère spécial : le diatonique fut assigné aux émotions graves et viriles ; le chromatique aux émotions plaisantes ; l’enharmonique aux émotions très vives et rapides. […] Chaque mélodie fut marquée d’un Ethos, ou caractère propre, constitué par un rythme et un mode particuliers. […] Mais le caractère constant de ces œuvres est la sereine grâce : des allégrettos brefs et légers, des menuets adorablement réguliers : partout la délicate plaisanterie d’une âme ingénue. […] Dès ce début, les caractères sont tracés et affirmés.
Elle sort de son caractère et elle y rentre, avec la souplesse d’un être brisé, qui n’a plus de jointures à l’âme et qui en fait ce qu’il veut. […] Presque tous se résument, d’ailleurs, dans le caractère du personnage favori de la comédie, de celui qu’elle proclame, à son dernier mot, « le plus honnête homme qui soit ». […] Pour fixer au net les traits douteux et brouillons de son caractère, il faut le revoir grossi, comme au microscope, dans un autre type que l’auteur a, depuis, porté sur la scène, et qui ne fait, au fond, que le répéter sous un aspect différent. […] Alexandre Dumas n’a voulu tirer que des situations et des caractères. Ces situations sont-elles vraies, ces caractères sont-ils vraisemblables ?
Preuve nouvelle de la vulgarité foncière de ce caractère ! […] Il y a des duels, les duels, la seule chose poétique des romans modernes avec la platitude, s’accroissant chaque jour de nos mœurs, mais poétiques à trop bon marché, quand l’auteur qui se les permet n’en relève pas le lieu par trop aisément commun, par quelque chose qui leur donne du caractère, et, pour Dieu ! […] Mais Daniel lui-même, Daniel non plus, n’est pas un caractère, lui, le détritus de tous les types, forcenés et faibles, dont le Romantisme a fait ses héros si longtemps ! […] De même, la mère de Catherine, cette Clara qui méprise son père et sa mère, qui hait son amant, qui hait son mari, qui hait sa fille, et que l’auteur appelle grande quelque part, tant il est content de ce caractère, et tant cet adorateur de la force la confond avec la grandeur ! […] Ainsi, dans l’ordre des caractères, la grand’mère de Catherine est le seul qu’on puisse excepter de l’abaissement général, mais l’originalité n’y est pas, et aux termes où en sont arrivées les littératures, il n’est plus permis de peindre la maternité sans rencontrer l’originalité dans la profondeur qu’on lui donne.
Boissonade, qu’on a perdu en 1857 à l’âge de 83 ans, ce doyen des hellénistes français, n’était pas seulement un savant des plus distingués, un esprit sagace et fin : c’était un caractère original. […] Il avait ramassé dans les divers auteurs toutes les phrases qu’il jugeait applicables à sa propre nature et à son caractère. […] L’ayant rencontré dans une maison tierce, il lui demanda la permission de les lui porter : « Non, non, lui répondit sir Charles, je ne reçois personne chez moi, et quand vous voudrez me voir, vous me trouverez tous les jours ici de deux à quatre heures ; mais, ajouta-t-il, si je ne puis vous recevoir, je vous serai utile d’une autre manière, en vous faisant connaître le terrain sur lequel vous vous trouvez. » Et sur ce, il passa en revue avec son interlocuteur tous les botanistes anglais, lui peignant le caractère de chacun avec une exactitude que celui-ci eut bientôt l’occasion de vérifier, lui indiquant les moyens d’être bien reçu de tous et de n’en choquer aucun. […] Mérimée ces vers d’Orphise à Clitandre, dans la Coquette corrigée : Mon amitié pour vous ne saurait s’augmenter, Clitandre ; j’aime en vous cet heureux caractère, Qui vous rend agréable à la fois et sévère, Cet esprit dont le ton plaît à tous les états, Que la science éclaire et ne surcharge pas, Qui badine avec goût et raisonne avec grâce. » C’est flatteur et c’est vrai ; mais assurément personne autre n’eût jamais eu l’idée d’aller demander au poète Lanoue un portrait de Mérimée. […] Mais Boissonade ne l’entendait pas ainsi, à la Rodrigue : c’eût été sortir tout à fait de son caractère et de ses mœurs.
Cependant, malgré la variété infinie des caractères et des tempéraments individuels, on parvient à trouver en chacune des vertus dominantes et par conséquent des vices régnants, qui ne sont que l’envers ou l’exagération de ces vertus. […] Or le jour où l’on sait si bien tourner en ridicule les exagérations de la vertu depuis longtemps régnante, c’est qu’elle a été détrônée par une autre et ce jour-là aussi le héros des poètes et des romanciers a déjà pris un autre caractère. […] Par suite, la lutte, qui fait le fond de toute œuvre dramatique, change de caractère. […] Suivant que l’une ou l’autre prédomine, les caractères de la littérature sont bien différents. […] Il ne manque pas de caractères contredisants à qui l’on fait aimer ce qu’on cherche à leur faire haïr et ceux-là sont le châtiment des propagandistes à outrance.
« Avec le caractère français, avait écrit M. de Chateaubriand en 1814, l’opposition est plus à craindre que l’influence ministérielle. » Il se chargea de le prouver en mainte occasion, et surtout à partir de 1824. […] Je crois voir exactement une femme de caractère acariâtre, la Xanthippe de Socrate, si vous voulez, qui, sous prétexte qu’elle est femme d’honneur et fidèle, s’en autorise pour dire à son mari, sur tous les tons, qu’elle ne l’aime pas, et pour le traiter comme un nègre. […] Les rois en revanche ont eu le caractère bien fait ; ils ont tout souffert et oublié, et le bon Charles X, cette fois, a été comme Socrate. Depuis la publication du Congrès de Vérone et des Mémoires, ce point de vue qui porte sur le caractère même nous est apparu dans toute sa lumière, et l’auteur a pris soin de mettre en saillie toutes les faiblesses de l’homme. […] En voici les termes textuels : Je donne et livre à l’honorable Philip Henry Stanhope, autrement dit le vicomte Mahon, et à Edward Cardwell, de Whitehall, membre du Parlement, mes exécuteurs, administrateurs ou mandataires, toutes les lettres inédites, les papiers et documents d’un caractère public ou privé, imprimés ou manuscrits, dont je pourrai être possesseur à ma mort.
Aujourd’hui, c’est un autre portrait que je voudrais montrer en regard, et d’une nature toute différente, d’un caractère non moins enviable et cher aux gens de bien. […] Ou plutôt, et pour prendre une comparaison plus noble et plus d’accord avec son caractère, André Chénier, par ses vœux, par ses souhaits, par ses chagrins d’honnête homme, par ses conseils et ses colères même, représente assez bien le chef du chœur dans les anciennes tragédies. […] Il réclame la punition énergique, exemplaire, des coupables ; il fait entendre de grandes vérités : « Souvenez-vous que rien n’est plus humain, plus indulgent, plus doux, que la sévère inflexibilité des lois justes ; que rien n’est plus cruel, plus impitoyable, que la clémence pour le crime ; qu’il n’est point d’autre liberté que l’asservissement aux lois. » Un caractère essentiel à noter dans ces articles de prose d’André Chénier, c’est que si le poète s’y marque par l’élévation et la chaleur du sentiment, par le désintéressement de la pensée et presque le détachement du succès, par une certaine ardeur enfin d’héroïsme et de sacrifice, il ne donne pourtant au style aucune couleur particulière. […] Aristote et Burke avaient déjà remarqué que le caractère moral du démagogue flatteur du peuple, et celui du courtisan flatteur des rois, se ressemblent identiquement au fond. […] Les témoins et les gens de parti tirent de leur mieux pour envenimer cette dissidence des deux frères, laquelle, du reste, n’eut jamais le caractère qu’on a voulu lui prêter.
Ce caractère uniforme traduit ce qu’il y a en eux de spontané et de nécessaire. […] Mais on s’attachera aussi à montrer son universalité, et ce caractère général du phénomène contraindra l’esprit à reconnaître son utilité, sa nécessité, à préciser son rôle comme cause et moyen essentiel de révolution dans l’Humanité. […] Pourvus d’un caractère déterminé, ils assument un caractère différent, sous l’empire d’un enthousiasme, d’une admiration, d’un intérêt, d’une nécessité vitale. […] Ce qui caractérise à vrai dire ces personnages, c’est un défaut essentiel de caractère fixe et d’originalité propre, en sorte que, si l’on peut formuler que sous l’influence du milieu social ils se conçoivent autres qu’ils ne sont, c’est en ce que, n’étant rien par eux-mêmes, ils deviennent quelque chose, une chose ou une autre, par le fait de la suggestion à laquelle ils obéissent. […] Loin qu’il soit permis de le taxer de paradoxe, il faut penser que cette thèse sur l’incertitude de la connaissance humaine, eût assumé un caractère d’une tout autre rigueur, eût ébranlé dans leurs fondements des sciences plus positives en apparence et sur lesquelles ne s’est point exercée l’analyse de l’écrivain, si quelque savant doué par surcroît de l’intelligence philosophique, à la manière d’un Claude Bernard, eût entrepris de la soutenir.
Cette étude s’impose encore à nous pour une autre raison : c’est que la signification est un caractère très important, bien que nullement intrinsèque, de la parole intérieure. […] Même argument que tout à l’heure : le sens primitif n’était pas seulement inexact ; il était aussi, et bien plutôt, incomplet ; une partie du texte n’avait tout d’abord éveillé aucune pensée ; la signification qu’elle contenait a succédé à la parole intérieure ou extérieure que suscitait la vue des caractères. […] Si, pressé par le temps, je me contente, pour une idée que je crois neuve, d’une expression imparfaite, la formule que je confie au papier est un véritable expédient mnémonique, un moyen tel quel de ne pas oublier l’idée qui, tandis que ma main trace les caractères, est présente à mon esprit. […] La mémoire, par exemple, a ses caprices, encore mal expliqués : bien souvent, les noms propres font défaut à l’appel de la pensée ; nous savons pourtant qui nous voulons nommer : son caractère, sa taille, sa profession, ses parents, ses opinions politiques, son vêtement habituel, tout ce qui constitue pour notre esprit la personnalité de l’anonyme, est synthétiquement présent à la conscience ; le nom seul est absent ; il nous revient plus tard, quand nous l’avons cherché, ou de lui-même quand nous ne le cherchons plus. […] XI : « Il pense et il parle tout à la fois ; mais la chose dont il parle est rarement celle à laquelle il pense ; aussi ne parle-t-il guère conséquemment et avec suite. » [Il s’agit du portrait de Ménalque ou le caractère distrait dans La Bruyère, Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle, « De l’homme », 7 (VI), éd.
Si fort qu’on en diminue l’intensité, on risquera d’y laisser à quelque degré la variété et la richesse de la vie intérieure ; on lui conservera donc son caractère personnel, en tout cas humain. […] Nous voyons que, si notre esprit passe ici avec tant de facilité d’une petite distance à une grande, de la simultanéité entre événements voisins à la simultanéité entre événements lointains, s’il étend au second cas le caractère absolu du premier, c’est parce qu’il est habitué à croire qu’on peut modifier arbitrairement les dimensions de toutes choses, à condition d’en conserver les rapports. […] Nous croyons avoir atteint notre objet, qui était de déterminer les caractères d’un temps où il y a réellement succession. Abolissez ces caractères ; il n’y a plus succession, mais juxtaposition. […] Nous ne trancherons pas la question de savoir si toute réalité possède ce caractère.
Or, malgré toutes les différences que ses espèces peuvent présenter, quels sont les caractères principaux de cette gens que les historiens reconnaissent partout à l’origine de notre civilisation ? […] Toutefois, nous l’avons reconnu, la multiplication des cercles n’est pas, à elle seule, preuve suffisante de leur interférence ; parmi ceux qui se sont ainsi constitués, il en est peut-être qui ont pour caractère d’accaparer en quelque sorte les individus qu’ils englobent, de leur interdire, au moins pratiquement, toute relation sociale avec le dehors, de s’opposer par suite à la complication de la société en général ? […] D’ailleurs, on méconnaîtrait étrangement les caractères que la civilisation impose tant aux besoins qu’aux activités des hommes, si l’on considérait comme seuls importants pour la vie sociale les groupements d’ordre économique. […] Mais il faut remarquer ce qu’ajoutent, à ces influences déjà analysées, les caractères propres à la forme sociale que nous venons de définir. […] Plus directement encore que leur caractère exclusif, la complication des sociétés diminuera leur caractère oppressif, et aidera l’individu à se poser comme le centre du droit.
Même caractère devait s’attacher presque toujours à ces pièces qu’Eschyle se vantait d’avoir tirées de l’Iliade et taillées dans le marbre d’Homère. […] Dans la perte de l’œuvre d’Eschyle, dans l’insuffisance des témoignages qui la rappellent, on ne peut attribuer au Prométhée délivré d’autre caractère que cette élévation philosophique, émanée de Pythagore, qui nous a frappé dans Pindare, et qui semblait une tentative de réforme du polythéisme. […] Dans la combinaison dramatique et jusque dans les mètres de cette œuvre, on peut remarquer un caractère particulier, au-delà des formes de la tragédie accoutumée. […] Mais l’œuvre conservée de Sophocle où le caractère religieux du chœur paraît avec le plus de majesté, c’est le second Œdipe, l’Œdipe à Colone. […] Ce caractère tenait si bien au génie même du théâtre grec, qu’en baissant, après Eschyle et Sophocle, le ton de la tragédie, Euripide n’en est pas moins lyrique.
Il aime tant à observer coûte que coûte, et plume en main, qu’il a ainsi laissé la description pittoresque d’un sien laquais, et le caractère détaillé et assez laid de deux de ses secrétaires12. […] Il s’appliquait ainsi en toute rencontre à trouver des mesures administratives neuves et justes, et toujours en vue du bien : c’est un trait de son caractère. […] D’Argenson, qui s’en réjouit, fait de son père, à ce propos, un curieux portrait qui n’a été imprimé qu’avec je ne sais quels adoucissements et corrections qui en dénaturent ou du moins en diminuent le caractère, et qui ôtent au style du fils sa verdeur et sa sève. […] Ce n’est pas un écrivain, il est vrai, mais il a sa manière de parler et de dire qui, pourvu qu’on la lui laisse et qu’on n’y fasse pas de demi-toilette, a son caractère et son originalité. […] Parlant quelque part d’un homme d’un esprit étroit et faux qui mettait son orgueil à déplaire, et qui méprisait par principe la bonté et la douceur des gens véritablement grands : « Il n’admire du fer, dit-il, que la rouille. » Parlant du caractère des Français qu’il a si bien connus, qui sont portés à entreprendre et à se décourager, à passer de l’extrême désir et du trop d’entrainement au dégoût, il dit : « La lassitude du soir se ressent de l’ardeur du matin. » Enfin, voulant appeler et fixer l’attention sur les misères du peuple des campagnes dont on est touché quand on vit dans les provinces, et qu’on oublie trop à Paris et à Versailles, il a dit cette parole admirable et qui mériterait d’être écrite en lettres d’or : « Il nous faut des âmes fermes et des cœurs tendres pour persévérer dans une pitié dont l’objet est absent. » Si ce n’est pas un écrivain, ce n’est donc pas non plus le contraire que d’Argenson : sa parole, livrée à elle-même et allant au courant de la plume, a des hasards naturels et des richesses de sens qui valent la peine qu’on s’y arrête et qu’on les recueille.
Les historiens s’étaient donc contentés jusqu’à présent de parler de Louvois d’une manière assez générale, rendant plus ou moins de justice à son administration, mais insistant avant tout sur les vices et les défauts de son caractère. […] Il faut prendre parti, Monsieur, ou se déclarer courtisan, ou s’acquitter de son devoir quand on est officier. » Ainsi parlait Louvois à Messieurs les gens de qualité qui étaient en faute pour le service. — Louvois, mort, n’eut point les honneurs de l’oraison funèbre, comme tant d’autres (à commencer par son père, Michel Le Tellier), qui ne valaient certes pas mieux que lui par le caractère, et qui ne l’égalaient pas en génie. […] Cette œuvre était de reprendre les grands desseins de Henri IV, de Richelieu, d’imprimer à sa politique un caractère autrement auguste que ne l’avait pu faire l’adroit et habile Mazarin, de marquer par des guerres glorieuses et fructueuses son avènement réel et sa prise de possession comme roi. […] Ce caractère si entier, cette ambition si altière durent quelque temps se dissimuler et se contraindre. […] Vauban, dans toute cette histoire, conserve et soutient ce beau caractère.
Il est difficile aux auteurs de ne pas se peindre, surtout dans un premier ouvrage : Émile, qui ne fait autre chose que se raconter à Mathilde, essaye à un endroit de se peindre aussi, ou du moins de tracer l’idéal relatif qu’il a parfois devant les yeux et qu’il est tenté de réaliser : « Il y aurait, dit-il, un caractère intéressant à développer dans un roman ; ce serait celui d’un jeune homme né comme moi sans famille, sans fortune, suffisant à tout ce qui lui manquerait par sa seule énergie, et dont les forces croîtraient avec les obstacles ; un jeune homme qui se placerait au-dessus d’une telle position par un tel caractère ; qui, loin de se laisser abattre par les difficultés, ne penserait qu’à les vaincre, et, esclave seulement de ses devoirs et de sa délicatesse, aurait su parvenir, en conservant son indépendance, à un poste assez élevé pour attirer sur lui les regards de la foule et se venger ainsi de l’abandon. Tracer ce caractère, raconter cette vie, ce serait remonter aux droits primitifs de l’homme, ce serait toucher à toutes les conditions sociales, ce serait appeler l’attention du philosophe et du législateur sur des questions qui n’ont pas encore été soulevées… Un tel caractère serait sans doute un modèle que je me suis plus d’une fois proposé. » Émile a résolu, depuis, le problème, un peu autrement sans doute que dans cette donnée première qui supposait alors une société monarchique, à demi aristocratique et parfaitement régulière. […] Ceux qui l’ont connu à cet âge de première jeunesse et à cette heure de transition nous le dépeignent le plus charmant jeune homme, d’une figure agréable, très-distingué de tournure, très-élevé de sentiments, tout à fait de race ; tel d’ailleurs de caractère et d’humeur qu’on le voit encore aujourd’hui dans l’intimité, avec des intermittences de gaieté et de sérieux, habituellement doux comme un enfant, naïf même, et, quand il le faut, d’une audace, d’une vaillance et d’une intrépidité rares ; ayant naturellement le goût du bien, mais subissant l’influence des divers milieux.
L’apparition de pareils talents et de pareils caractères sera peut-être le principal avantage que des temps malheureux auront procuré à la postérité. Ce sont ces caractères qui donnent une si haute valeur aux jours les plus abominables de l’histoire du monde. » Gœthe (Annales, 1820). […] En un mot, toutes les nuances possibles d’opinion, comprises dans une admiration commune pour le caractère et la destinée d’une pure et illustre victime, étaient sorties au grand jour et se maintenaient en présence. […] L’idée récente encore et, pour ainsi dire, présente de son amie était si grande et si honorable, son image empreinte dans l’âme de tous les amis de la patrie et de l’humanité était si noble et si touchante, qu’il fallait, en quelque sorte, avoir pour elle un respect religieux et ne rien laisser paraître sous son nom qui pût mêler une idée de malignité d’esprit, de préventions et de petitesses féminines, à celle d’un si beau caractère, d’une telle virilité d’âme et d’un si auguste malheur. » Tel était le sentiment des contemporains immédiats, et il ne faut jamais le perdre de vue dans nos appréciations à distance. […] Michelet, au tome III de son Histoire de la Révolution, m’a fait l’honneur de me reprocher, en des termes d’ailleurs d’une extrême bienveillance, de n’avoir point assez indiqué et de m’être plutôt efforcé d’atténuer le caractère passionné de cette liaison ; il doit reconnaître aujourd’hui que l’orage était effectivement ailleurs et que ce n’était là qu’un faible prélude.
Le roi a une grâce d’état ; il se porte aussi bien que si rien n’était arrivé… » Tout à côté des paroles douloureuses et concentrées de la reine, on a de ces journées un récit complet, circonstancié, par une correspondante qui ne va plus cesser d’écrire durant ces trois années, et qui est du caractère le plus naturel, le plus accentué, le plus vif, je veux dire Madame Élisabeth. […] J’avais besoin de cette assurance pour me décider ; le frisson me restait encore malgré cette affirmation, qui cependant devait être une certitude, vu le caractère de celui qui parlait. […] Je serais indigne du nom de notre mère, qui vous est aussi cher qu’à moi, si le danger me faisait fuir loin du roi et de mes enfants. » Et un autre jour, aux discours qu’on lui rapporte de Vienne, et qui feraient supposer que son frère la considère comme menée par La Fayette ou tel autre personnage du dedans, elle s’indigne, elle se révolte (20 janvier 1791) : « Nous sortons tous d’un sang trop noble, écrit-elle à M. de Mercy, pour qu’aucun de nous puisse soupçonner l’autre d’une telle bassesse ; mais il y a des moments où il faut savoir dissimuler, et ma position est telle et si unique que, pour le bien même, il faut que je change mon caractère franc et indépendant. » Elle chargeait le comte de Mercy de réfuter en bon lieu ces bruits malveillants que semaient les émigrés exaltés et la cabale du comte d’Artois, afin de donner prétexte et carrière à leurs plans aventureux. […] Le comte de Provence (Louis XVIII) disait du caractère de son frère : « Figurez-vous des boules d’ivoire huilées, que vous vous efforceriez de retenir ensemble. » Marie-Antoinette pouvait donner un moment d’impulsion, mais cela ne durait pas. […] Taschereau dans la Revue rétrospective en 1835 ; la Correspondance de Mirabeau et du comte de La Marck, publiée par M. de Bacourt en 1851, avait achevé de mettre le personnage et le caractère du comte de Mercy en pleine lumière.
Son caractère naturaliste, et la condition de la vraisemblance imposée aux écrivains, rendent compte de ce qu’ont parfois les œuvres d’un peu sévère et sec, et de médiocrement flatteur pour l’imagination. […] Un seul axiome : rien n’est beau que le vrai ; axiome tout positiviste et qui fonde le caractère expérimental de la théorie. […] Au contraire Racine, Molière, La Fontaine ont tous dans l’esprit un idéal d’art, un type formel où la nature s’exprime dans son énergie et son caractère, mais de plus se revêt d’une absolue beauté. […] Chez Aristote, Boileau trouvait formulé ce grand principe de l’imitation de la nature, base commune de tous les arts, qui ne diffèrent que par le choix des objets, des moyens, et par le caractère de leur imitation : il est vrai que, ce principe posé, Aristote exposait surtout comment l’art transforme la nature, en vue de nous procurer le plaisir qui lui est propre. […] Fénelon n’était pas tout à fait juste : il ne voyait pas que nos grands poètes, avec notre grand critique, sortaient précisément de leur siècle et s’élevaient au-dessus de lui par le caractère nettement naturaliste et artistique de leurs œuvres et de leur doctrine.
Dès 1820 il avait commencé à appliquer la même méthode à l’histoire de France : il s’était mis à lire la grande collection des historiens de France et des Gaules : et une indignation l’avait saisi en voyant comment les historiens modernes avaient « travesti les faits, dénaturé les caractères, imposé à tout une couleur fausse et indécise », combien de niaises anecdotes, de fables scandaleuses s’étaient substituées à la savoureuse simplicité de la vérité832. […] Malgré cette insuffisance, il lui reste d’avoir été le premier qui ait su chercher et lire dans les faits le caractère particulier d’une époque, mettant ainsi l’histoire d’un seul coup dans sa véritable voie. […] Son excuse, c’est tout ce qu’il a souffert : les impressions de son premier âge ont été le froid, la faim, la maladie, l’incertitude du lendemain ; dans sa douloureuse enfance de misère et de lutte, son caractère s’est aigri, sa sensibilité s’est surexcitée, son intelligence s’est aiguisée, son imagination s’est enfuie éperdument loin des réalités qui blessent. […] Le climat, la nourriture, toute sorte de causes physiques, déterminent le caractère des populations : « telle la patrie, tel l’homme ». […] A cette sensibilité extrême il unissait tous les plus rares dons de l’artiste : la puissance d’évocation, l’imagination « visionnaire », qui obéissait à toutes les suggestions d’une sympathie effrénée, l’expression intense et solide, qui fixait le caractère en dégageant là beauté.
Les hommes, les caractères sont exprimés, à la rencontre, par des traits vigoureux ; mais le tout manque d’un certain éclat, ou plutôt d’une certaine animation intime et continue. […] Est-il besoin de rappeler à l’éminent historien, qui a connu et manié les deux pays, ces différences essentielles de génie et de caractère ? Et c’est avec le caractère plutôt qu’avec les idées qu’on se gouverne. […] » C’est le même moraliste, contemporain de Cromwell, qui a dit cet autre mot si vrai et qu’oublient trop les historiens systématiques : « La fortune et l’humeur gouvernent le monde. » Entendez par humeur le tempérament et le caractère des hommes, l’entêtement des princes, la complaisance et la présomption des ministres, l’irritation et le dépit des chefs de parti, la disposition turbulente des populations, et dites, vous qui avez passé par les affaires, et qui ne parlez plus sur le devant de la scène, si ce n’est pas là en très grande partie la vérité. […] Pour un homme toutefois qui en a, à ce degré, le respect et la religion, il se sert trop fréquemment selon moi, trop familièrement, de cette intervention mystérieuse : On a attribué, dit-il, la chute de Clarendon aux défauts de son caractère, et à quelques fautes ou à quelques échecs de sa politique, au-dedans et au-dehors.
S’il est des vanités qu’on excuse et qui trouvent grâce par leur air bienveillant et naturel, celle-ci était trop peu indulgente et trop aiguë pour se faire pardonner insensiblement ; et comme, dans ces sortes d’ouvrages, c’est bien plutôt le caractère et la personne qu’on juge que le talent de l’artiste, le public a reçu au total une impression désagréable ; sans faire bien exactement la double part du talent et du caractère, après quelques semaines d’hésitation et de lutte, il a dit de ces Mémoires en masse : « Je ne les aime pas. » Ils sont peu aimables en effet, et là est le grand défaut. […] Sur Bernardin de Saint-Pierre, par exemple, on lit : Un homme dont j’admirais et dont j’admire toujours le pinceau, Bernardin de Saint-Pierre, manquait d’esprit, et malheureusement son caractère était au niveau de son esprit. […] En accordant ce qu’on voudra sur le peu de caractère de Bernardin de Saint-Pierre, il est tout à fait injuste et faux de dire que cet écrivain manquait d’élévation d’âme. […] Et pourtant, malgré l’affectation générale du style, qui répond à celle du caractère, malgré une recherche de fausse simplicité, malgré l’abus du néologisme, malgré tout ce qui me déplaît dans cette œuvre, je retrouve à chaque instant des beautés de forme grandes, simples, fraîches, de certaines pages qui sont du plus grand maître de ce siècle, et qu’aucun de nous, freluquets formés à son école, ne pourrions jamais écrire en faisant de notre mieux.
Heureusement le caractère de La Harpe est beaucoup plus simple, et, converti ou non, on le trouve le même. C’est ce caractère de l’homme et du littérateur que nous tâcherons d’établir et de mettre en vue. […] « Il n’avait pas dix ans quand son père mourut (6 mai 1749) : il en avait un peu plus de seize lorsqu’il perdit sa mère (16 février 1756) morte à l’Hôtel-Dieu. » La Harpe ne parla qu’assez tard de sa naissance ; soit mépris réel pour des propos à demi calomnieux, soit difficulté d’aborder ce point délicat, il ne s’expliqua pour la première fois qu’en 1790, et il le fit sur un ton qui nous montre assez son caractère. […] Par son attitude, par son excellent débit de lecture comme par la qualité de sa parole, il justifie bien ce mot de Voltaire : « Vous avez toujours été fait pour le noble et l’élégant, c’est votre caractère. » Nous avons là un La Harpe critique encore, mais non plus polémiste, professeur et non plus journaliste. […] Jamais converti ne se contraignit moins en apparence dans ses humeurs ni dans son caractère, ni même dans ses sensualités (au moins en ce qui était de la bonne chère).
Lorsqu’on lit les lettres de Mme des Ursins, en les entremêlant de celles de Mme de Maintenon qui y correspondent, le caractère de ces deux femmes s’y dessine avec un contraste qu’elles sont elles-mêmes les premières à sentir et à nous indiquer. […] Le caractère et la vocation politique de Mme des Ursins se montre bien en ce qu’elle est curieuse et avide de connaître les personnages distingués du monde, les gens capables, et de les apprécier en eux-mêmes pour en tirer ensuite quelque usage par rapport aux, choses de l’État. […] Mais, en avançant, le désaccord qui naît du fond des situations et des caractères est plus fort que le goût qui vient purement de l’esprit. […] C’est de cette même Élisabeth, née pour le trône, que le grand Frédéric a dit : « La fierté d’un Spartiate, l’opiniâtreté d’un Anglais, la finesse italienne, et la vivacité française formaient le caractère de cette femme singulière ; elle marchait audacieusement à l’accomplissement de ses desseins ; rien ne la surprenait, rien ne pouvait l’arrêter. » Étant de ce caractère, il n’y a rien d’étonnant qu’elle ait profité de la moindre ouverture pour faire place nette dès son arrivée.
Mais, chez Richelieu, quand on a bien assisté aux développements substantiels qu’il aime, on sort tout d’un coup de ces lenteurs par quelque trait hardi, qui accuse l’homme d’action et de grand caractère. […] Si Luynes avait vécu, la fortune de Richelieu s’ajournait pourtant et pouvait manquer : aussi, quand Luynes disparaît, quand il est emporté d’une maladie soudaine (14 décembre 1621) au milieu de cette campagne qu’il avait entreprise sans pouvoir la mener à fin, Richelieu a pour peindre sa mort, son caractère et sa personne, des traits de couleur et de passion que Saint-Simon, un siècle après, aurait trouvés. […] Tout le portrait de Luynes est d’une extrême beauté ; il le faudrait lire en entier, et je ne puis qu’en noter quelques traits saillants qui réfléchissent sur le caractère de Richelieu lui-même. […] Mais précisément, c’est que Richelieu n’est rien moins qu’un Robert Walpole : c’est un homme qui croit à Dieu, au caractère des rois, à une certaine grandeur morale dans les choses publiques, à une vertu propre en chaque ordre de l’État, à une rectitude élevée dans le clergé, à la générosité et à la pureté du cœur dans la noblesse, à la probité et à la gravité dans les parlements ; voilà ce qu’il veut à tout prix maintenir ou restaurer, tandis que l’autre ministre n’a que beaucoup d’habileté, un art de manipulation humaine et de corruption consommée, et de la bonne humeur […] Quelque ardent qu’ait été le caractère de Richelieu et son feu d’ambition, il reste évident que son esprit au fond est juste par essence et bien tempéré.