/ 2170
963. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Restons donc à la distance suffisante où les figures sont visibles sans qu’on aperçoive les fragments inégaux qui les composent. […] Or il arriva, il y a une quinzaine d’années, que quelques écrivains, prévenus instinctivement, s’aperçurent que certaines de ces règles du vers, si impérieusement établies, reposaient peut-être plus sur l’usage que sur une nécessité véritable ils résolurent de s’en affranchir.

964. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

L’insinuation glisse encore sans avoir pu darder sa piqûre : la jeune femme écrase ce serpent, et ne l’a pas même aperçu. […] D’un coup d’œil, il mesurait l’abîme et il apercevait la branche de salut.

965. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Il m’a reçu très bonnement, et a comme pris garde (j’ai cru m’en apercevoir) de ne me rien dire de ces malices qu’il aime à dire, et qui ne sont pas toujours agréables à entendre. […] Il avait vu le matin Lamartine, qu’il avait su malade, et à qui il avait conseillé, m’a-t-il dit, le quinquina : « Mais Lamartine se croit médecin, ajouta-t-il ; il croit tout savoir parce qu’il est poète, et il ne veut pas entendre parler de quinquina. » Je souriais tout bas de penser que Béranger, lui aussi, se croyait médecin, et qu’il ne s’apercevait pas que sa remarque s’appliquait à lui-même ; il venait de conseiller Lamartine sur le quinquina, comme, la veille au soir, il avait conseillé Lamennais sur je ne sais quelle succession qu’il n’aurait pas voulu lui voir accepter.

966. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Dans les diverses occasions qu’il eut d’approcher du maître d’alors et de l’entendre, soit au Conseil d’État, soit ailleurs, il fut frappé des défauts plus que des qualités ; il vit et nota surtout, de cette grandeur déclinante, les éclats, les écarts, les brusqueries, sans apercevoir assez les éclairs de génie et de haut bon sens qui jaillissaient et se faisaient jour : c’était là de sa part une prévention que lui-même reconnaît aujourd’hui. […] C’est à dater de ce moment, je le crois, qu’on pourrait apercevoir non pas une diminution, mais une combinaison nouvelle dans le libéralisme de M. de Broglie : il tiendra désormais plus de compte de ce qu’on appelle dans le style politique l’élément gouvernemental.

967. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Mais elle était trop simple et trop naturellement droite pour savoir dissimuler longtemps : le roi s’aperçut qu’elle lui cachait quelque chose, et il entra dans une grande colère. […] Ces luttes, ces difficultés dernières traînent encore et se prolongent quelque temps, jusqu’à ce que la résolution persévérante vienne à son terme, et qu’éclate un matin l’accent de délivrance : Enfin je quitte le monde, s’écrie-t-elle le 19 mars 1674 : c’est sans regret, mais ce n’est pas sans peine ; ma faiblesse m’y a retenue longtemps sans goût, ou, pour parler plus juste, avec mille chagrins ; vous en savez la plus grande partie, et vous connaissez ma sensibilité ; elle n’est point diminuée, je m’en aperçois tous les jours, et je vois bien que l’avenir ne me donnerait pas plus de satisfaction que le passé et le présent.

968. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Pendant plus de trente ans encore on lui parlera de ces sortes de projets à l’infini ; elle en parlera sans cesse elle-même, mais en enfant, sans jamais pouvoir se résoudre, et sans s’apercevoir à la fin que cette indécision éternelle devient une fable. […] Elle s’aperçut donc un jour que ce petit homme, capitaine des gardes, Gascon à la mine fière, au ton spirituel et ironique, avait un je ne sais quoi qu’elle n’avait encore remarqué dans personne.

969. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

» — Le Discours de Rivarol, qui obtint le prix, a de l’éclat, de l’élévation, nombre d’aperçus justes et fins exprimés en images heureuses. […] Il ne lançait pas seulement l’épigramme, il répandait les idées et les aperçus ; il faisait diverger sur une multitude d’objets à la fois les faisceaux étincelants de son éloquence.

970. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Le lendemain, Bonneval commença à s’apercevoir que le mariage était une chaîne et à regretter. […] Mais il est des moments où elle s’aperçoit de son illusion, et que son cœur fait trop de chemin ; car, après tout, elle le connaît à peine ; elle anticipe sur les temps pour l’aimer ; dix jours de connaissance dans la vie, et puis c’est tout ; le reste n’a été qu’un rêve : Un cœur comme le mien est un meuble bien inutile pour l’agrément de la vie, et bien à charge dans toutes ces circonstances.

971. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Pourtant on lit dans sa lettre à Mlle de Lespinasse de belles paroles, entre autres celles-ci : « Je donne aux Muses le temps qui nous est prêté, aux Muses qui consolent du passé et rassurent sur l’avenir… » Et l’éditeur de Condorcet, en citant cette parole, ne s’aperçoit pas qu’il introduit à l’instant comme un rayon de lumière et de sérénité, un coin d’azur, au milieu de ce style gris et terne des encyclopédistes. […] C’était Bernardin qui avait écrit : « La nature offre des rapports si ingénieux, des intentions si bienveillantes, des scènes muettes si expressives et si peu aperçues, que qui pourrait en présenter un faible tableau à l’homme le plus inattentif le ferait s’écrier : Il y a quelqu’un ici !

972. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

L’art de l’homme, comme celui de la nature, consiste à mettre en effet dans la goutte d’eau un monde : la fauvette ne sentira que la fraîcheur vivifiante de la goutte d’eau, le philosophe et le savant apercevront dans la goutte d’eau les immensités. […] Il y a de la poésie dans la rue par laquelle je passe tous les jours et dont j’ai, pour ainsi dire, compté chaque pavé, mais il est beaucoup plus difficile de me la faire sentir que celle d’une petite rue italienne ou espagnole, de quelque coin de pays exotique. » Il s’agit de rendre de la fraîcheur à des sensations fanées, « de trouver du nouveau dans ce qui est vieux comme la vie de tous les jours, de faire sortir l’imprévu de l’habituel ;  » et pour cela le seul vrai moyen est d’approfondir le réel, d’aller par-delà les surfaces auxquelles s’arrêtent d’habitude nos regards, d’apercevoir quelque chose de nouveau là où tous avaient regardé auparavant. « La vie réelle et commune, c’est le rocher d’Aaron, rocher aride, qui fatigue le regard ; il y a pourtant un point où l’on peut, en frappant, faire jaillir une source fraîche, douce à la vue et aux membres, espoir de tout un peuple : il faut frapper à ce point, et non à côté ; il faut sentir le frisson de l’eau vive à travers la pierre dure et ingrate. » Guyau passe en revue et analyse finement les divers moyens d’échapper air trivial, d’embellir pour nous la réalité sans la fausser ; et ces moyens constituent « une sorte d’idéalisme à la disposition du naturalisme même ».

973. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Quand on se rappelle que cette qualité est si rare en Allemagne, qu’il ne la partage qu’avec Lessing, que Goethe lui-même gâte ses romans par d’interminables suites, que le second Meister fait regretter la vérité sereine et profonde du premier, que Jean Paul est illisible, et Immermann incohérent, Hoffmann diffus et lâche, on aperçoit combien est rare et d’emprunt le mérite que s’est acquis Heine par la juste mesure de ses écrits. […] Il est plutôt probable que celui-ci s’était aperçu des avanies que le judaïsme lui valait et désirait échapper à la carrière commerciale que cette confession lui imposait.

974. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Au moyen âge et au bas empire, et même plus anciennement, malheur à qui s’apercevait d’un meurtre ou d’un empoisonnement commis par le roi. […] Hésiode vient de mourir, Homère, s’il vit encore, a cent ans, Lycurgue, voyageur pensif, rentre à Sparte, et l’on aperçoit au fond de la sombre nuée de l’Orient le char de feu qui emporte Élie ; c’est dans ce moment-là que Léir — Lear — vit et règne sur les îles ténébreuses.

975. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Étude de nuances digne de madame de Staël, et dans laquelle l’aperçu se montre à chaque mot, mais en pointes de lumière comme cette poudre du diamant qu’on fait monter en étincelles. […] Trelawney, ni celui d’une lady comme madame Blessington, ni celui d’un poète comme Lamartine, ni celui d’un poltron comme Thomas Moore, mais le Byron de la réalité jusqu’à présent si peu aperçue… M. 

976. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Glissante et légère comme une ombre, elle était déjà près de la table, sur les deux complices, quand Lebeau l’aperçut. […] C’est la seule tache que j’aperçoive. […] Elle aperçut comme dans un éclair sa vie entière de désordre et de honte ; elle mesura ses infamies ; l’abjection de son existence lui apparut. […] Elle aperçoit un de ces immenses parapluies d’antichambre, dont se servent les valets de pied quand ils montent sur le siège ; elle s’en empare, elle est prête… Mais quand elle veut sortir elle s’aperçoit que la porte-fenêtre du vestibule est fermée par une grosse barre de fer. […] Il la salue, et, tête nue, sous la pluie, se tournant sur son cheval à mesure qu’il s’éloigne, tant qu’il peut l’apercevoir, il la regarde.

977. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Le théâtre est plongé dans les ténèbres, et l’on ne saurait apercevoir les savantes recherches du jurisconsulte athénien. […] » reprit-il sur une question que je lui adressai. « Ils volent comme des pies ; je m’en aperçois bien à mes pigeons. […] Mais on s’aperçoit bientôt que dans ce cercle restreint circule un large courant de vie profonde. […] Elle sait diriger son entourage, sans qu’on s’aperçoive que c’est elle qui tient les rênes. […] on ne s’en aperçoit guère ; on croit qu’un mot reste stationnaire, “beau” reste “beau” et “bon” reste “bon”, à jamais.

978. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

Lu, le discours trahira de grandes irrégularités de style, et plus que des audaces, je veux dire des incohérences d’images, des disparates de ton et des défauts d’analogie qui s’apercevront assez : Cela sautait aux yeux, même à l’audition.

979. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

J’ai besoin de le répéter, parce que je viens de le relire : vous avez vraiment créé une critique haute qui vous appartient en propre, et votre manière de passer de l’homme à l’œuvre et de chercher dans ses entrailles le germe de ses productions est une source intarissable d’aperçus nouveaux et de vues profondes. » On peut rabattre tout ce qu’on voudra de l’éloge, mais M. de Vigny admettait évidemment cette méthode critique en 1829.

980. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Pourquoi, par exemple, avec le grand poëte dont il s’agit et en le relisant, suis-je presque toujours dans la situation d’un homme qui se promènerait dans un jardin oriental magnifique où le conduirait un enchanteur ou un Génie, mais où un méchant petit nain difforme lui donnerait à chaque pas de sa baguette à travers les jambes, le Génie ne faisant pas semblant de s’en apercevoir ?

981. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

Mais en le lisant, en s’étonnant bien un peu de cette veine énergique, à outrance, de ces rimes débraillées, toutes rutilantes d’un beau cynisme, qui sortent violemment de la gamme du classique et qui éclatent à la face du lecteur comme un honnête et vertueux engueulement, on s’est aperçu pourtant qu’il avait lancé à la rencontre une de ses plus rudes apostrophes et invectives au Corse à cheveux plats : Je n’ai jamais chargé qu’un homme de ma haine, Sois maudit, ô Napoléon !

982. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Dans l’une les faits se rangent à l’appui d’une loi énoncée par avance, dans l’autre les lois découlent du simple récit des faits ; d’un côté l’intention logique est partout empreinte et s’est tout subordonné, de l’autre on aperçoit encore le laisser-aller du narrateur qui volontiers se livre aux descriptions et impressions du moment.

983. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Il était dix heures quand on aperçut de loin d’ennemi en bataille, et deux heures et demie quand les deux armées se trouvèrent en présence.

984. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Mais en avançant dans la littérature, on se blase sur les jouissances de l’imagination, l’esprit devient plus avide d’idées abstraites, la pensée se généralise, les rapports des hommes entre eux se multiplient avec les siècles, la variété des circonstances fait naître et découvrir des combinaisons nouvelles, des aperçus plus profonds ; la réflexion mérite du temps.

985. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Les femmes ont découvert dans les caractères une foule de nuances que le besoin de dominer ou la crainte d’être asservies leur a fait apercevoir : elles ont fourni au talent dramatique de nouveaux secrets pour émouvoir.

986. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Les liens délicats, les préjugés maniés avec art, formaient les rapports des premiers sujets avec leur maître : ces rapports exigeaient une grande finesse dans l’esprit ; il fallait de la grâce dans le monarque, ou tout au moins dans les dépositaires de sa puissance ; il fallait du goût et de la délicatesse dans le choix des faveurs et des favoris, pour que l’on n’aperçût ni le commencement, ni les limites de la puissance royale.

987. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

Prométhée, sur son rocher, s’apercevait-il du retour du printemps, des beaux jours de l’été ?

988. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

À un autre point de vue, Amyot, qui représente et résume l’effort de tous les traducteurs de son siècle, nous fait apercevoir comment se fondirent par une pénétration réciproque l’antiquité et l’esprit français.

989. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Ils ne se sont aperçus que des légères améliorations matérielles et des petits profits qu’ils tirent de l’industrie.

990. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Il nous a transmis dans ce livre un grand nombre de renseignements intéressants, dont plusieurs sont utilisés dans l’aperçu historique que nous traçons.

991. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

J’offre mon amour et ma reconnaissance en échange d’un peu d’or qui me paiera du loisir, du luxe et de la gloire. » J’aperçois de branlantes masures, décorées des noms de romans ou de poèmes, et qui portent de gros numéros.

992. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

Mais, si cessant de considérer l’individu isolé, on porte la vue sur le groupe qui le contient, on s’aperçoit que ce groupe lui-même, considéré à son tour comme une entité distincte, n’échappe pas non plus à la possibilité et au danger de se concevoir différent de lui-même.

993. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

C’est donc la faute à Jupiter si nous ne nous apercevons pas de nos propres défauts.

994. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Chaque fait particulier est comme étranger à ceux qui le précèdent comme à ceux qui le suivent et tout ce que l’esprit peut faire, c’est d’apercevoir et de retenir l’ordre extérieur dans lequel ils se succèdent le plus généralement.

995. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

J’aperçois de ce point de vue si élevé la seule vraie raison pour séparer les institutions politiques des institutions religieuses.

996. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Nous n’aurions pas parlé si sévèrement de ce volume, nous n’aurions pas attaché le plomb de notre critique à cette gaze que le premier vent emportera sans avoir besoin de la déchirer, si, par-dessus la tête et l’ouvrage d’About, nous n’avions vu toute une plaie d’Égypte, nous n’avions aperçu le long zigzag de tous les touristes de France venant apporter leurs notes de voyage à toute bibliothèque qui se croira obligée de les accepter !

997. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

C’est le peintre de paysages qui a été aperçu d’abord, — qui a été goûté, vanté, et qui peut être considéré comme l’occasion de la gloire des deux autres, répondant moins aux préoccupations de l’époque et plus difficiles à apprécier.

998. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

Dans son coin, au Corps législatif, qui se serait aperçu, excepté ses voisins, — les jours qu’il ne rapporte pas, — que le docteur Véron était là ?

999. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

L’autre me parle toujours de loin ; j’aperçois sans cesse deux mille ans entre lui et moi.

1000. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Il nous apprend qu’elle était bâtie sur les ruines mêmes de la maison de campagne de Pline ; de son temps, les fondements subsistaient encore, et quand l’eau était calme, on apercevait au fond du lac des marbres taillés, des tronçons de colonnes et des restes de pyramides qui avaient orné le séjour de l’ami de Trajan.

1001. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

À examiner le principe du réalisme en lui-même, en le dégageant surtout des productions toujours irritantes du jour ou de l’année, on s’aperçoit de la nécessité de son existence. […] Un drame réel ne commence pas par une action saillante ; quelquefois il ne se dénoue pas, de même que l’horizon que nous apercevons n’est pas la fin du monde. […] On aura beau dire et beau faire, il y a dans la vie des paysans, les plus retors et les plus compliqués de tous les mortels, des choses qui ne peuvent pas plus s’apercevoir à travers les vitres d’un château que s’écrire sur la table d’un boudoir. […] Quand un anatomiste regarde un squelette, ce squelette lui représente non seulement un individu, mais, par analogie, il aperçoit derrière ce squelette et au-delà toute l’espèce humaine. […] Le meilleur style est celui que l’on n’aperçoit pas.

1002. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

On dit aussi que Cypris, la déesse, a puisé des vagues dans l’Ilissus aux belles ondes et qu’elle les a répandues dans le pays sous forme de zéphyrs doux et frais, et que toujours la séduisante déesse, se couronnant de roses parfumées, envoie les Amours pour se joindre à la Sagesse vénérable et pour soutenir les ouvrages de toute vertu6. » Ce sont là de beaux mots de poëte, mais à travers l’ode on aperçoit la vérité. […] La mer y entre par une infinité de golfes, d’anfractuosités, de creux, de dentelures ; si vous regardez les vues que rapportent les voyageurs, une fois sur deux, même dans l’intérieur des terres, vous apercevez sa bande bleue, son triangle ou son demi-cercle lumineux à l’horizon. […] En tournant le cap Sunium, on apercevait à plusieurs lieues de distance l’aigrette de Pallas sur l’Acropole. […] Livré à lui seul, le temple grec demeure et subsiste ; on s’en aperçoit à sa forte assiette ; sa masse le consolide au lieu de le charger. […] La naïade ou l’oréade était bien une jeune fille comme celle qu’on voit assise sur un rocher dans les métopes d’Olympie59 ; du moins l’imagination figurative et sculpturale l’exprimait ainsi ; mais en la nommant on apercevait la gravité mystérieuse de la forêt calme ou la fraîcheur de la source jaillissante.

1003. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

nos pieds nous ne voyons d’abord qu’un épais massif de hêtres qui, comme au temps de Laffi, et malgré l’absence de feuilles, nous empêche d’apercevoir l’ancien hospice, situé cependant à peine à un quart de lieue. […] Mais cette transformation hebdomadaire donna fort à réfléchir à notre chevalier : « Il s’aperçut bien qu’il était certainement chez le diable », et se dit avec terreur qu’il vivait dans un horrible péché. […] Le voyage de Rome semble l’indiquer : des monts Sibyllins à Rome la route n’est pas longue, et on prétend même que, par un temps clair, on peut, de leurs hauteurs, apercevoir le dôme de Saint-Pierre. […] Un jour, le paysan s’aperçut qu’un rossignol déchirait les fleurs du rosier ; il lui tendit un filet et le prit. […] « Apercevoir le rayon. » 225.

1004. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Et je m’apercevais qu’elle lui tendait le mouchoir de la nuit, plein de sang, et que ses maigres mains cherchaient à cacher. […] La progression de là déchéance est admirablement observée, pas à pas, glissement à glissement ; c’est une pente au bas de laquelle on se trouve sans s’apercevoir qu’on l’a descendue. […] Possible que tu ne t’aperçoives pas de cette transformation dans la nuance à ton égard, mais elle est certaine. […] Quand elle le vit entrer à la Burg, dans la splendeur de son uniforme, de sa beauté mâle et de l’air de majesté répandu sur toute sa personne, droit, hautain, dépassant de la tête princes, aides de camp, chambellans, officiers, elle crut apercevoir un demi-dieu. […] Legouvé un admirateur érudit, et son étude sur Bossuet et Fénelon intitulée : les deux Prélats, pleine d’aperçus nouveaux, restera parmi les meilleures œuvres de l’académicien.

1005. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

En comparant le corps vivant au même corps à l’état de cadavre, nous apercevons qu’il a disparu quelque chose que nous appelons la vie. […] Engelmann a observé les mouvements des cils vibratiles, mouvements qui sont faciles à apercevoir après que la membrane qui les supporte a été détachée de l’animal. […] C’est sous cet état que les cellules ont d’abord été aperçues. […] Hugo Mohl (1846) avait bien aperçu cette différence essentielle entre les cellules qui ont une utricule primordiale et celles qui n’en ont point. […] Il n’est pas nécessaire de multiplier les exemples pour en apercevoir la généralité.

1006. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

À creuser plus avant on s’aperçoit que l’esprit remplit une seconde fonction, celle d’animer ces images et ces idées. […] …………………………………………… Tout étant vision sous les ténébreux dômes J’aperçus dans l’espace étoilé trois fantômes. […] Il suffit d’ouvrir les yeux sur l’univers pour apercevoir qu’il ne porte pas en lui-même sa fin et qu’il plonge ses racines dans les régions du mystère transcendant. […] Il en est cependant pour qui tout se repose, qui regardent le ciel… ne l’aperçoivent pas. […] Par ce très succinct aperçu on comprendra le service qu’Albert Mockel a rendu à la poésie de son temps.

1007. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

La plaie empoisonnée par le curare n’est le siège d’aucune douleur ni d’aucune irritation particulière, le venin ne possède par lui-même aucune propriété caustique, de sorte que si la piqûre a été rapide, l’animal est empoisonné sans s’en apercevoir. […] Les manifestations vitales que nous apercevons au dehors ont une cause intérieure, cachée à nos regards. […] L’âne marcha librement, comme à l’ordinaire, et il continua à manger sans s’apercevoir de rien. […] D’abord l’animal ne s’en aperçut pas : il courait, gambadait joyeusement comme à l’ordinaire ; mais bientôt, comme s’il eût été fatigué, il se coucha sur le ventre, dans une attitude très-naturelle. […] À jeun, en regardant dans l’intérieur de l’estomac, on en apercevait distinctement la membrane interne ; elle formait des replis irréguliers, la surface, d’un rose pâle, n’était animée d’aucun mouvement, et n’était absolument lubrifiée que par du mucus.

1008. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Pour apercevoir d’autre part ce qu’il y aurait eu à tenter d’indispensable et de neuf dans la forme et dans la trame, il suffit de se rappeler les élégies d’André Chénier. […] Mais qu’aperçois-je ? […] Mme Du F……, la poëtesse et la maîtresse de Fontanes, y était, et ce qu’il y a de bien français, c’est que le mari y était aussi et qu’il ne s’apercevait de rien.

1009. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

On peut comparer notre corps à une masse d’eau où les pierres qui tombent produisent toujours des ondulations, capables de s’étendre indéfiniment ; si le choc a été trop petit, les ondes visibles du centre, en s’écartant et en s’agrandissant, finissent par devenir invisibles ; un spectateur éloigné aperçoit à peine un vague tressaillement ou croit même que rien n’a troublé l’eau tranquille. […] Quant au mouvement de contraction des sourcils, il est lié physiologiquement aux « mouvements de l’attention » requis pour apercevoir un objet le plus distinctement possible. […] Les sens supérieurs sont trop raffinés pour laisser apercevoir, sous leurs arabesques infinies, la simplicité du dessin primitif, mais les sensations inférieures ne sont autre chose que plaisir ou peine, vie facile ou vie difficile, mouvement aisé ou effort, volonté libre ou volonté contrainte.

1010. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

En effet, en proie à l’amour du passé, regrettant toujours d’inutiles fadaises, antique, moyen âge, rococo, bonnet rouge, et jamais actuelle, elle assiste au travail émouvant de son siècle en mal de vérité, sans même paraître s’en apercevoir. […] Plus qu’aucun peuple nous tournons dans le cercle vicieux des mêmes formes et des mêmes idées, nous n’osons rompre la barrière, et nous ressemblons à un cheval de manège aveuglé par un bandeau et qui croit faire beaucoup de chemin parce qu’il ne s’aperçoit pas qu’il tourne toujours. […] Là-bas, on aperçoit un minaret blanc et quelques noirs cyprès : c’est Bournabaki, misérable hameau qui a poussé sur les ruines d’Ilion.

1011. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Je m’aperçus, tout de suite, qu’aussi bien là qu’ailleurs il était indispensable de soigner sa gloire dans les règles et de solliciter très humblement Sa Majesté la Critique par des lettres plates ou par des visites importunes. […] Elle a des conducteurs, qu’elle n’aperçoit pas, parce que sa vanité les lui cache, et parce que, étant devenue démocratique, elle s’imagine qu’elle est sa propre maîtresse. […] Arrivé au dix-neuvième, le savant professeur s’est aperçu que les voyages des touristes n’avaient plus d’intérêt pour le but qu’il s’était proposé. […] En France, pendant que nous voyons surtout ce qui nous différencie, le voyageur venu de loin n’aperçoit d’abord que les traits communs à toute la nation. […] En 1670, c’est Racine qui était à la mode ; Thomas s’en aperçut à l’échec d’une Mort d’Annibal composée dans le goût de son frère. « Qu’à cela ne tienne !

1012. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Il faut attendre maintenant non seulement que Rousseau paraisse, mais qu’une génération nouvelle ait aperçu les conséquences de ses doctrines. […] Or, il n’a pas plus tôt commencé de réfléchir, qu’il s’aperçoit que tous ceux qu’il attaquait, sans en bien savoir le pourquoi, c’est que, d’une manière, ou d’une autre, ils s’éloignent de la nature. […] Ou n’en a pas toujours très bien vu l’importance ; et il est possible que Boileau lui-même, pour toute sorte de raisons, ne l’ait pas nettement aperçue. […] Nous verrons, dans une prochaine leçon, comment et pourquoi les hommes du xviiie  siècle ne s’en sont pas d’abord aperçus. […] On ne s’en aperçut pas tout d’abord, et les conséquences n’en sortirent pas immédiatement.

1013. (1923) Nouvelles études et autres figures

Mahomet reconnaît parmi eux son fidèle Zéid et deux de ses amis qui tombèrent sur le champ de bataille, Enfin, levant les yeux vers le ciel, il aperçoit le trône de Dieu, Abraham, Moïse et Jésus. […] Mais Mahomet avait aperçu des plages où déferlait un océan de flammes et où des milliers de cercueils incandescents formaient une ville ardente. […] On aura un aperçu de cet enseignement en feuilletant les deux volumes de la nouvelle édition de la Légende des siècles. […] On n’aperçoit plus que vaguement tout ce peuple étranger qui regagne les rues qu’il habite, s’y amasse confusément et les rétrécit. […] Lorsqu’elle s’apercevra qu’il l’aime et qu’elle entreprendra de le guérir, — l’imprudente ! 

1014. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

C’est là ce qui nous a frappé, et ce qu’il nous a paru utile de signaler, non seulement à nos amis, mais à des hommes séparés de nous par des abîmes, et qui n’ont pas l’air de s’apercevoir de l’injurieux démenti infligé par ce fétichisme à leurs plus chères croyances. […] On s’aperçoit trop aisément que l’amour n’est chez lui que l’exercice d’une imagination savante, un thème à développements splendides ; que c’est avec un esprit très froid, un art très systématique et une personnification très exagérée que M.  […] Hugo, dont les années glorieuses se sont passées à déchirer le Dictionnaire de Chompré, ne s’est pas aperçu qu’il nous ramenait, par des routes différentes, exactement au même point que les poëtes du paganisme-Pompadour. […] Comme nous ne pouvons pas les détailler toutes, nous allons essayer du moins d’en prendre un aperçu suffisant par six morceaux de dimension considérable, où M.  […] Hugo, y arrive à de tels effets de grotesque, que l’impiété même ne s’y aperçoit plus, et que le ridicule efface le sacrilège.

1015. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

On s’aperçoit en même temps que le vice du romantisme consiste essentiellement dans cette pénétration de tous les genres par le lyrisme ; et s’il fallait une preuve de plus que le romantisme, c’est bien le lyrisme, on la trouverait dans ce fait que tout ce que l’on commence d’essayer de retirer à l’un, c’est l’autre maintenant qui va le perdre. […] À la lumière de la science, on aperçoit la raison de la résistance que l’on opposait aux prétentions du romantisme. […] V ; et Renan, L’Avenir de la science, 1890] ; — et, de la « philosophie de l’histoire » telle que l’avait entendue Voltaire, — ils dégagent une conception plus ou moins discutable ; — mais vraiment philosophique de l’histoire. — Il convient d’ajouter que les conséquences de leurs travaux ne s’aperçoivent pas encore ; — et, en attendant, ce n’est pas seulement en dehors d’eux, — mais en opposition avec eux que la littérature nouvelle se développe. […] Odes et Ballades : Mon enfance ; — Les Rayons et les Ombres : Ce qui se passait aux Feuillantines vers 1813 ; Les Contemplations : Aux Feuillantines] ; — et que les lacunes de cette éducation ambulante s’apercevront dans l’œuvre du poète. — Débuts littéraires de Victor Hugo ; — ses succès de concours : à l’Académie française, 1817, 1819 ; — et aux Jeux Floraux, 1819, 1820. — Caractères de ces premières pièces ; — et que, si Le Bonheur de l’étude et les Avantages de l’enseignement mutuel ressemblent beaucoup à du Delille […] — C’est Gustave Planche, — non Sainte-Beuve, — qui a le mieux compris où était l’entière nouveauté de la méthode ; — si les éléments en étaient effectivement partout ; — mais la « synthèse » nulle part ; — et que personne surtout n’en eût aperçu les conséquences. — L’application de la doctrine ; — et l’Histoire de la littérature anglaise, 1863. — La critique aux yeux de Taine est « l’histoire naturelle des esprits » ; — l’artiste ou le poète n’étant qu’à peine représentatifs d’eux-mêmes ; — et témoignant en tout temps pour toute une espèce d’hommes, de sentiments, ou d’idées, — dont ils ne sont que les interprètes.

1016. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Il lui ouvrit un premier jour sur les idées politiques ou même littéraires de la société de Coppet, et le jeune homme s’aperçut avec joie qu’il existait encore un lieu où le libéralisme était d’assez bonne compagnie, où se retrouvait quelque chose du mouvement de 89, et que ses opinions n’étaient point exclusivement reléguées dans les écoles ou les estaminets. […] Dans les premières pages, l’auteur trace à la politique, à la science de la société (comme il la définit), une sorte de voie moyenne entre l’utopie et l’empirisme, entre l’idée pure et la pratique trop réelle : « Si la politique, disait-il, ne voit dans les événements que de vaines formes, dans les noms propres que de vains signes, elle ne sait qu’inventer des lois chimériques pour un monde supposé ; si elle n’aperçoit ici-bas que des accidents et des individus, elle gouverne le monde par des expédients : placée entre la République de Platon et le Prince de Machiavel, elle rêve comme Harrington ou règne comme Charles-Quint. » S’attachant à dégager le droit sous le fait et à maintenir la part de la raison à travers le hasard, il estime qu’à toutes les époques de la civilisation il est possible et il serait utile de revendiquer la vérité, mais cela lui paraît surtout vrai du temps présent : « On peut juger diversement le passé, dit-il, mais on doit du moins reconnaître que le temps présent a cet avantage que nulle idée n’a la certitude d’être inutile : la raison n’est plus sans espérance ; comme une autre, elle a ses chances de fortune. […] M. de Rémusat, par sa critique hardie et inventive, ou par sa conversation qui en tenait lieu, a été un de ces constants remorqueurs, et que le plus souvent le public n’apercevait pas. […] Mais je m’aperçois que, si je n’y prends garde, je me laisse aller à parler de ce qui n’est point connu du public.

1017. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Ils seront admis dans les conseils de la Providence et comprendront toutes ses démarches « depuis le commencement jusqu’à la fin des temps. » De plus « il y a certainement dans les esprits une faculté par laquelle ils se perçoivent les uns les autres, comme nos sens font des objets matériels, et il n’est pas douteux que nos âmes, quand elles seront délivrées de leurs corps ou placées dans des corps glorieux, pourront par cette faculté, en quelque partie de l’espace qu’elles résident, apercevoir toujours la présence divine922. » Vous répugnez à cette philosophie si basse. […] Quand Addison les salue, ce qui lui arrive souvent, c’est d’un air grave, et sa révérence est toujours accompagnée d’un avertissement ; voyez ce mot sur les toilettes trop éclatantes : « Je contemplai ce petit groupe bigarré avec autant de plaisir qu’une planche de tulipes, et je me demandai d’abord si ce n’était pas une ambassade de reines indiennes ; mais, les ayant regardées de face, je me détrompai à l’instant et je vis tant de beauté dans chaque visage que je les reconnus pour anglais ; nul autre pays n’eût pu produire de telles joues, de telles lèvres et de tels yeux934. » Dans cette raillerie discrète, tempérée par une admiration presque officielle, vous apercevez la manière anglaise de traiter les femmes ; l’homme, vis-à-vis d’elles, est toujours un prédicateur laïque ; elles sont pour lui des enfants charmants ou des ménagères utiles, jamais des reines de salon ou des égales comme chez nous. […] Une telle faculté occupe tout l’homme, et si l’on redescend dans l’examen des agréments littéraires, on l’aperçoit ici-bas comme en haut. […] Telle est cette vision de Mirza qu’il faut traduire presque en entier944 : « Le cinquième jour de la lune, étant monté sur les hautes collines de Bagdad, pour passer le reste du jour dans la méditation et dans la prière, je tombai en une profonde méditation sur la vanité de la vie humaine, et passant d’une pensée à l’autre : Sûrement, me dis-je, l’homme n’est qu’une ombre et la vie un songe. —  Pendant que je rêvais ainsi, je jetai les yeux sur le sommet d’un roc qui n’était pas loin de moi, et j’y aperçus une figure en habit de berger, avec un instrument de musique à la main.

1018. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

J’énonce tout de suite la condition essentielle, c’est de n’être jamais ni aperçu ni senti. On vient tout récemment d’exposer aux yeux émerveillés du public, parmi les chefs-d’œuvre de l’industrie du siècle, des glaces d’une dimension et d’une pureté extraordinaires, devant lesquelles les Vénitiens du quinzième siècle resteraient confondus, et à travers lesquelles on aperçoit, sans la moindre atténuation de contour ou de couleur, les innombrables objets que renferme le palais de l’Exposition universelle. J’ai entendu des curieux stupéfaits, n’apercevant que le cadre qui entoure ces glaces, se demander ce que faisait là ce cadre magnifique, car ils n’avaient pas aperçu le verre. […] Il avait de l’esprit, mais un esprit inapplicable aux réalités de la politique ; c’était ce qu’on appelle dans les affaires et dans les assemblées publiques un logicien, c’est-à-dire un homme qui vit à son aise dans le monde des idées, sans s’apercevoir que le monde des faits et le monde des idées se heurtent sans cesse et se contredisent nécessairement par la logique brutale des passions et des événements, qui n’obéit point à la logique des écoles.

1019. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Madame Bovary abonde en exemples : « Alors elle allongea le cou (vers le crucifix) comme quelqu’un qui a soif. » — « Si Charles l’avait voulu cependant, il lui semblait qu’une abondance subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la récolte d’un espalier quand on y porte la main. » — « Elle se rappela… toutes les privations de son âme, et ses rêves tombant dans la boue, comme des hirondelles blessées. » — « Si bien que leur grand amour, où elle vivait plongée, parut se diminuer sous elle, comme l’eau d’un fleuve qui s’absorberait dans son lit, et elle aperçut la vase. » Voici d’autres exemples empruntés à l’Education sentimentale : « Il tournait dans son désir comme un prisonnier dans son cachot. […] Nous rions de l’honnête Boileau qui, ayant rencontré par extraordinaire quelques vers à peu près passables sur ce métier de rimeur auquel il était si peu propre275, s’aperçoit qu’il a, par grande licence, supprimé la négation dans ce vers : La nuit à bien dormir, et le jour à rien faire. […] En lisant ou écoutant, vous êtes-vous aperçu que Romains rime avec divins, Madeleine avec humaine, rajeunie avec vie ? […] J’aperçois tes yeux dans les flammes des phalariques et sur la dorure des boucliers !

1020. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Si, au milieu de tous les syncrétismes de la pensée de Gœthe, lequel se vante dans ses Mémoires de s’être dépouillé du catholicisme en trois temps, on aperçoit encore quelques atomes de poète, il les doit à ce catholicisme plus fort que tout, qui palpite encore, malgré lui, dans cette poitrine glacée, prise par des sots insensibles pour celle d’un Dieu parce que rien n’y bat… Il les doit encore, non à son génie particulier, mais au génie de sa race, et c’est là, du reste, quand on n’est pas nettement supérieur par soi-même, ce qui peut arriver de mieux : avoir le génie de sa race. […] Mais, au moins, il étoffe opulemment ses scènes incohérentes, et l’intérêt de la situation ou de la passion y est si palpitant ou si saignant, les personnages y sont si magnétiques, qu’on n’a le temps ni le sang-froid de s’apercevoir ou de l’absence de suite et d’ensemble, ou de l’illogique succession des tableaux qui se suivent sans raison d’être. […] Naturaliste à microscope plus qu’à longue-vue, qui regardait encore plus qu’il ne voyait ; myope attentif et chercheur d’atomes, qui, s’il ne s’était bouté le nez sur l’objet, ne l’aurait même pas aperçu. […] Gœthe envoie un petit garçon le chercher, quand la jeune fille, qui a voulu le voir partir, met la tête à la fenêtre d’un entresol très bas, et elle l’aperçoit hors de la voiture.

1021. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Thiers dit également : « Le style ne doit être ni aperçu ni senti. » M.  […] Je m’aperçois aujourd’hui d’une grave erreur, qu’on commet vis-à-vis de ce genre d’écrivains. […] Et il termine en disant : « Ma conscience est sereine, car j’aperçois toujours… l’œil de ma mère morte !  […] Elle aurait pu porter une signature quelconque sans qu’on aperçût la différence de vous à un autre écrivain. […] Cependant, s’ils veulent que de Paris on aperçoive un peu de lumière vers Bordeaux, il faut qu’ils allument quelque vaste incendie !

1022. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Denis ne s’aperçoit pas que c’est lui qui parle bien souvent par leur bouche, que leurs idées si malheureusement ingénieuses, leurs phrases à contre-temps élégantes, sont les siennes, et qu’il leur suppose trop aisément sa manière délicate d’observer et de sentir.

1023. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Il le surpasse de beaucoup par le ton et la couleur, lorsque, parlant d’une femme de sa connaissance que mademoiselle Voland jugeait coquette, il dit : « Vous vous trompez ; elle n’est point coquette ; mais elle s’est aperçue que cet intérêt vrai ou simulé que les hommes portent aux femmes, les rend plus vifs, plus ingénieux, plus affectionnés, plus gais ; que les heures se passent ainsi plus rapides et plus amusées ; elle se prête seulement : c’est un essaim de papillons qu’elle assemble autour de sa tête, le soir elle secoue la poussière qui s’est détachée de leurs ailes, et il n’y paraît plus. » C’est avec madame Legendre surtout que notre philosophe aime à marivauder, comme il dit, à l’égal de la fée Taupe de Crébillon.

1024. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

On y verra clairement jusqu’où peut aller, en aperçus ingénieux de l’avenir, la philosophie sans la foi, la sagesse sans la religion ; on se demandera quel bonheur il revient au genre humain d’une idée isolée, trouvée une fois lancée dans le monde pour le plus grand plaisir de quelques penseurs, et à laquelle toute une vie d’amour et de dévouement n’a pas été consacrée ; on admirera Lessing ; on saluera en passant, avec bienveillance et respect, la statue de marbre du sage, mais on se jettera en larmes dans les bras de Saint-Simon ; on se hâtera vers l’enceinte infinie où l’humanité nous convie par sa bouche, et où l’on conviera en lui l’humanité ; on courra aux pieds de l’autel aimant et vivant, dont il a posé, et dont il est lui-même la première pierre4.

1025. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Des réflexions morales se mêlent à leur poésie descriptive ; on croit apercevoir des regrets et des souvenirs dans tout ce que les poètes écrivaient alors ; et c’est sans doute par cette raison qu’ils réveillent plus que les Grecs une impression sensible dans notre âme.

1026. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Ainsi, dans le débat sur les anciens et les modernes, j’aperçois le xviiie siècle qui apparaît et qui détruit le xviie  siècle en s’en dégageant.

1027. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

L’originalité de B. de Saint-Pierre Ceux qui se figurent Bernardin de Saint-Pierre595 d’après ses oeuvres, se le représentent comme un suave bonhomme, au sourire angélique, à l’œil humide, les mains toujours ouvertes pour bénir : c’était un nerveux, inquiet, chagrin, pétri de fierté et d’amour-propre, ambitieux, aventureux, toujours mécontent du présent, et toujours ravi dans l’avenir qui le dégoûtait en se réalisant, un solliciteur aigre, que le bienfait n’a jamais satisfait, mais a souvent humilié, un égoïste sentimental, qui aimait la nature, les oiseaux, les fleurs, et qui a sacrifié à ses aises, à ses goûts, les vies entières des deux honnêtes et douces femmes qu’il épousa successivement : il accepta ces dévouements béatement, sereinement, comme choses dues, sans un mouvement de reconnaissance, sans même les apercevoir.

1028. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Mais, soyez-en sûrs, ces rencontres, d’où jaillit parfois une pensée originale, ne sont aperçues que de ceux qui savent les voir ; et, s’ils parviennent à en dégager de l’esprit ou même un peu de philosophie, c’est que cette philosophie et cet esprit, ils les apportaient avec eux.

1029. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Nous apercevons distinctement, en effet, ce personnage dans la pièce de l’Arétin, intitulée Lo Ipocrito 38.

1030. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

A comparer ensemble les écrits, d’ailleurs si dissemblables, de Rousseau, de Buffon, de Diderot, de Thomas, on s’aperçoit bien vite que tous ces écrivains, qui furent contemporains, ont la phrase ample, périodique, largement déroulée, et l’on conclut sans témérité aucune que la prose oratoire, dans la seconde moitié du xviiie  siècle, a joui d’une vogue éclatante.

1031. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

Là, si tes geôliers s’aperçoivent, par hasard, de la chanson florale que firent éclore en toi la forêt et les fleuves, les oiseaux et le soleil, et cette femme enfuie, ils te tireront quelquefois des ténèbres ; ils te revêtiront d’oripeaux bariolés et tu chanteras pour les divertir.

1032. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

Sa piété est douce, gaie, point fastueuse ; mais il veut une vie chrétienne et active ; c’est un homme admirable ; je vous l’enverrai, si vous souhaitez, à vous et à Guébriant, Il commence pars emparer des passions, il s’en rend maître, et il y substitue des mouvements contraires, il m’a ordonné de me rendre ennuyeuse en compagnie, pour modifier la passion qu’il a aperçue en moi, de plaire par mon esprit.

1033. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Il aperçoit deux êtres d’une forme plus noble, d’une stature droite et élevée, comme celle des esprits immortels.

1034. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Qu’il me soit permis de transporter le voile de mon bossu sur la Venus de Medicis, et de ne laisser apercevoir que l’extrémité de son pied.

1035. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Nous pouvons disparaître d’entre les vivants sans qu’on s’en aperçoive.

1036. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Pourquoi le récit de ces actions nous saisissent-elles l’âme subitement, de la manière la plus forte et la moins réfléchie, et pourquoi laissons-nous apercevoir aux autres toute l’impression que nous en recevons ?

1037. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

On n’aperçoit qu’un cavalier sur son cheval ; il vient à vous, et l’homme et l’animal docile sont de la plus grande vérité.

1038. (1762) Réflexions sur l’ode

Eh bien, me disais-je à moi-même, si le français était une langue morte, ces odes paraîtraient excellentes ; il serait impossible d’y apercevoir le faible de l’expression.

1039. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Toutes ces constructions de sensations, toutes ces reviviscences d’images, toutes ces études d’hallucination, toutes ces dentelles d’analyses physiologiques faites au microscope, tous ces fils de la Vierge qu’on nous montre entre l’index et le pouce, toutes ces bluettes, en fin, qu’on veut nous donner et qu’on nous donne, c’est pour que nous ne puissions apercevoir du premier regard le but où l’on veut nous conduire, et ce but, c’est de réduire les plus grandes et les plus vivantes choses qu’il y ait dans le cœur et la tête de l’homme : Dieu, l’âme et le devoir, à n’être qu’une vile sensation, un ridicule bruit de sonnette dont on tire le cordon, en attendant qu’avec ce cordon on puisse les étrangler.

1040. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

On peut passer près d’elle et se taire, et même ne pas l’apercevoir.

1041. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

« Ô toi, dit-il, soit que, porté à travers les cieux sur le char de la gloire, à la hauteur où montent les grandes âmes, tu dédaignes la terre et te ries des tombeaux, soit que tu habites, aux bords élyséens, le bocage de paix où s’assemblent les guerriers de Pharsale, et que les Pompée et les Caton accompagnent ton noble chant ; soit que, fière et sacrée, ton ombre ignore le Tartare, et que tu entendes de loin les supplices des méchants, et n’aperçoives que derrière toi Néron, pâle sous le regard irrité de sa mère, apparais-nous dans ton éclat !

1042. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Je suis porté à n’en pas bien augurer ; mais je n’ai voulu, dans cet aperçu de sa conduite, qu’expliquer de plus en plus la mienne ; elle ne peut être imputée à aucun sentiment de haine ou d’ingratitude. […] Seulement, et comme aperçu, pour un Joseph de Maistre combien de Linguets ! […] Un jour, causant avec Bonaparte, à Morfontaine chez Joseph, il s’aperçut que les questions du Consul tendaient à lui faire étaler ses campagnes d’Amérique : « Ce furent, répondit-il en coupant court, les plus grands intérêts de l’univers décidés par des rencontres de patrouilles. » Il a beaucoup de ces mots-là, soit au balcon populaire et en plein vent, comme il dit, soit dans le salon. […] Quoiqu’elle me fût attachée, je puis le dire, par le sentiment le plus passionné, jamais je n’ai aperçu eu elle la plus légère nuance d’exigence, de mécontentement, jamais rien qui ne laissât la plus libre carrière à toutes mes entreprises ; et si je me reporte au temps de notre jeunesse, je retrouverai en elle des traits d’une délicatesse, d’une générosité sans exemple. […] Il ne s’ouvrait qu’à ceux dont il se savait compris : dès qu’il s’était aperçu qu’on ne le suivait pas, qu’on ne l’entendait pas, il se refermait, et c’en était fait pour la vie.

1043. (1927) André Gide pp. 8-126

André Walter, dont le journal en deux cahiers — cahier blanc et cahier noir — était livré au public, avait eu le chagrin d’aimer vainement sa cousine Emmanuèle, qui ne s’en était même point aperçue et qui avait épousé un M.  […] D’autre part, on aperçoit dans ces Cahiers un autre romantisme, le vaporeux et sentimental romantisme à l’allemande, métaphysique et clair de lune, tartines de confitures et armoire à linge, Werther et Novalis. […] Lafcadio s’est aperçu qu’on ne s’affranchissait du lien social que pour s’exposer à un autre esclavage. […] Est-ce que nous ne rendons pas hommage à la belle langue et à l’éloquence de Bossuet, malgré l’extrême « faiblesse philosophique » et le « cartésianisme de carton » que nous apercevons chez lui, avec Renan et M.  […] Édouard s’en aperçoit, trouve cela charmant, et engage aussitôt son voleur comme secrétaire.

1044. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Je ne suis pas surpris que ces gens grossiers ne s’aperçoivent point de la différence qu’il y a entre ces termes pour l’élégance et la noblesse ; mais les personnes bien élevées et habituées à parler le langage de la belle nature, la sentent très bien et l’observent. […] N’apercevez-vous pas toute la portée de votre critique ? […] S’il est aisé d’apercevoir dans une grande littérature l’empreinte du siècle et de la race qui l’ont produite ; s’il est aisé d’entendre la guerre civile s’entrechoquer dans les vers heurtés de Dante, et de contempler dans la douce figure de Béatrix la personnification, de toutes les choses rêvées par cette époque ardente, et mystique de poètes théologiens ; s’il est aisé de suivre dans le théâtre de Voltaire les préoccupations philosophiques du dix-huitième siècle, et de voir dans le Faust de Goethe l’expression du génie métaphysique et profond de l’Allemagne ; croit-on qu’il soit beaucoup plus difficile de découvrir la cause naturelle d’où procèdent les prodiges apparents, les études calmes d’un Bernardin de Saint-Pierre en 1789, les tragédies attiques d’un Goethe à Weimar ? […] Je crois même qu’il avait des tablettes, et, qu’à la faveur de son manteau, il écrivait, sans être aperçu, ce qu’elles ont dit de plus remarquable. […] Il apercevait le tragique de la comédie humaine ; il avait en lui-même, dans son âme délicate et fière, dans son cœur sensible, dans son corps malade, une source vive de souffrances.

/ 2170