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752. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Mais, si tu veux me fournir un nouveau sujet de gloire, sors avec le cortège de brigands qui t’est dévoué ; sors avec la lie des citoyens ; va dans le camp de Mallius ; déclare à l’État une guerre impie ; va te jeter dans ce repaire où t’appelle depuis longtemps ta fureur insensée. […] Pourquoi, vous qui écrivez sur tant de sujets, ne traitez-vous pas celui-là, puisque vous y excellez ?  […] Mais si, dans la suite, nous renouons ces entretiens, nous nous occuperons de ces divergences entre les philosophes qui soutiennent des doctrines si opposées sur les biens ou sur les maux réels : voilà les sujets qui méritent de nous occuper plutôt que les vanités et les erreurs de la vie, etc. […] Elles sont en grande partie écrites sous la forme du dialogue, qui présente les deux faces ou les mille faces du sujet au même instant et au même regard. […] « Qui ne serait éloquent sur un tel sujet ?

753. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Les grands effets dramatiques des Anglais, et après eux des Allemands, ne sont point tirés des sujets grecs, ni de leurs dogmes mythologiques. […] Ce serait sortir de mon sujet que de développer davantage une pareille question. […] L’on est bien vite fatigué d’une imagination qui s’exerce sur un sujet dans lequel il ne lui est pas permis de rien inventer.

754. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Si la Henriade l’emporte par l’intérêt des objets ; celui-ci, de l’aveu de tous les Connoisseurs, lui est préférable par la singularité & les richesses de la fiction, la justesse & l’entente du plan, l’unité d’action, les ressorts de l’intrigue, la fécondité des détails, la variété des tableaux, & la magie d’un style soutenu & toujours adopté aux differens caracteres du sujet. […] Quant au reproche de s’être approprié le plus grand nombre des Vers d’Horace, écoutons à ce sujet un Duc Littérateur, dont le suffrage doit paroître d’autant moins suspect, que dans le Parallele qu’il a fait du génie du Poëte d’Auguste & de celui de Louis XIV, ce n’est pas au Poëte François qu’il a prodigué le plus d’éloges. […] Le Philosophe marié est d’un autre genre de mérite : il prouve combien Destouches avoit de ressource dans l’imagination : conduire pendant cinq actes, sans langueur & sans inutilité, un sujet qui paroît capable de fournir tout au plus deux ou trois scènes, ne sauroit être l’Ouvrage que d’un esprit qui connoissoit les secrets du cœur & savoir tout ramener à l’action théatrale.

755. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

On sait de quelle manière il y a excellé, non seulement comme Acteur, par le grand nombre d’Ouvrages qu’il nous a laissés, et qui ont tous leurs beautés proportionnées aux sujets qu’il a choisis. […] Ce qui était cause de cette inégalité dans ses ouvrages, dont quelques-uns semblent négligés en comparaison des autres, c’est qu’il était obligé d’assujettir son génie à des sujets qu’on lui prescrivait, et de travailler avec une très grande précipitation, soit par les Ordres du Roi, soit par la nécessité des affaires de la Troupe, sans que son travail le détournât de l’extrême application, et des études particulières qu’il faisait sur tous les grands rôles qu’il se donnait dans ses Pièces. […] Lorsqu’il commença les représentations de cette agréable Comédie, il était malade en effet d’une fluxion sur la poitrine qui l’incommodait beaucoup, et à laquelle il était sujet depuis quelques années.

756. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Le ton du Prologue est touchant comme il devait l’être sur un sujet qui intéresse tous les hommes. […] Au reste, le Prologue que lui adresse ici La Fontaine me paraît assez médiocre ; mais la petite historiette qui fait le sujet de cette prétendue fable, est très-agréablement contée. […] Voyez comme La Fontaine varie ses tons ; voyez comme il monte, comme il descend avec son sujet.

757. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Il regne un continuel désordre dans tout ce qu’il écrit, & vous trouvez tel chapitre intitulé des Loix, où il n’y aura pas quatre lignes sur son sujet. […] Il faut en excepter ceux de Fontenelle où les choses fines & recherchées ne manquent point, mais où l’on désireroit quelquefois plus de justesse & plus de goût ; & ceux de l’illustre Fénélon, faits à la hâte, à mesure que le Duc de Bourgogne en avoit besoin, & où les sujets sont par conséquent peu approfondis ; les Nouveaux Dialogues des morts, par M. […] Dans les lettres où il examine des sujets intéressans, il fait paroître cet esprit philosophique qui sait tout apprécier & tout approfondir, en paroissant glisser sur la surface.

758. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Quatrième faculté d’une Université Faculté de théologie99 Le prêtre, bon ou mauvais, est toujours un sujet équivoque, un être suspendu entre le ciel et la terre, semblable à cette figure100 que le physicien fait monter ou descendre à discrétion, selon que la bulle d’air qu’elle contient est plus ou moins dilatée. […] Il serait imprudent de permettre qu’une portion aussi puissante des sujets que le clergé reconnût, de quelque manière que ce fût, un chef étranger ; ce serait la source d’une division perpétuelle entre l’Église et le sénat. […] Les seuls points sur lesquels il importerait peut-être d’insister un peu davantage seraient la divinité de Jésus-Christ avec sa présence réelle dans l’Eucharistie ; l’un est la base de la croyance et du culte chrétien, l’autre le sujet principal du grand schisme.

759. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Rousseau ne soit pas praticable, quoiqu’elle n’aboutisse qu’à former une espèce de sauvage très instruit et très éclairé, les réflexions de l’auteur sur ce grand sujet renferment quantité de vues profondes et utiles, dont on peut tirer beaucoup d’avantages pour une éducation moins imaginaire. […] Rousseau prend aux femmes, paraît surtout dans son quatrième volume : comme il est beaucoup plus attaché à cette moitié du genre humain qu’à l’autre, il s’est aussi beaucoup plus utilement occupé du soin de son éducation ; presque tout ce qu’il dit à ce sujet est vrai, bien pensé, et surtout praticable. […] Le dialogue n’est pas le talent de l’auteur : des quatre qu’il y a dans son livre, celui du jardinier est fort au-dessous de ce que le sujet fournissait ; celui du gouverneur et de l’enfant très mauvais ; celui de la bonne et de la petite, médiocre ; celui même de l’inspiré et du raisonneur, moins bien qu’il n’aurait pu être.

760. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

… Le livre d’aujourd’hui est divisé en deux parties : la première est l’histoire discursive et critique des philosophes antérieurs et contemporains et de leurs systèmes, Descartes, Mallebranche, Spinosa, Newton, Leibnitz, Kant, Fichte, Schelling et Hegel, et dans un temps où la philosophie n’est plus que l’histoire de la philosophie, cette partie du livre, dans laquelle il y a l’habitude des matières traitées qui singe assez bien le talent, se recommande par l’intérêt d’une discussion menée grand train et avec aisance ; mais d’importance de sujet, elle est bien inférieure à cette seconde partie où l’esprit s’attend à trouver contre toutes les erreurs et les extravagances signalées par l’auteur dans toutes les philosophies, un boulevard doctrinal solide, et s’achoppe assez tristement contre ces infiniment petits philosophiques : — le déisme de la psychologie et ses conséquences inductives et probables, ce déisme dont Bossuet disait, avec la péremptoire autorité de sa parole, « qu’il n’est qu’un athéisme déguisé !  […] Saisset, qui ne fut jamais rien de beaucoup plus qu’un joli sujet en philosophie, n’en a pas moins exercé la magistrature du bon sens et de la raison, en maint endroit de ses critiques, contre des hommes de l’imposance d’un Leibnitz, d’un Descartes, d’un Kant, d’un Spinosa. Je sais bien qu’en relevant l’erreur, il reste courbé devant celui qui l’a produite, et je reconnais là le joli sujet dont je parlais tout à l’heure, respectueux pour ses maîtres et obstiné au respect pour eux, malgré leurs plus honteuses et leurs plus dangereuses folies.

761. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Si nous choisissions nos sujets de critique, s’il nous était loisible de faire planer seulement notre examen sur les ouvrages considérables ayant réellement une importance, soit dans le bien, soit dans le mal, nous ne parlerions jamais d’une foule de productions sans portée et sans caractère. […] D’ailleurs, nous défierions bien Augier d’être autre chose que ce qu’il est, c’est-à-dire, en deux mots, invariablement et irrémissiblement, un poète de carton-pâte modelant en petit des sujets connus, je ne sais quel faux bellâtre sans physionomie sincère et profonde, — qui n’est pas plus la beauté d’un poète que la cire du cabinet de Curtius qui veut jouer la vie n’est un homme ! […] Le sujet de Melænis est l’histoire vulgaire, quoique tourmentée, d’une courtisane (l’éternelle courtisane !)

762. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Tel est le sujet du livre de M.  […] Je pourrais, au point de vue moral, en dire bien des choses, car, selon moi, ce sujet cache la haine profonde, mais discrète, de la famille chrétienne, telle qu’elle est organisée. […] Or, littérairement, tous les sujets qui, en nature humaine, ne sont pas faux, sont bons pour le talent qui voit en eux des choses cachées et qui doit les en faire sortir.

763. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Il a cette flexibilité qu’on pourrait appeler encyclopédique, qui se ploie trop aisément à tous les sujets pour s’attacher opiniâtrément à un seul dans lequel il se montrerait incomparable et maître. […] II C’est ce brillant second degré, qui est le niveau du talent de Feuillet dans les sujets qu’il traite, que nous trouvons encore dans ce livre inattendu, et que nous aurions voulu plus individuel. […] Les sujets qu’il traite n’étaient pas neufs, et même la plupart, comme la Dame Holle, Jean et Margot, etc., étaient tombés dans le domaine commun littéraire.

764. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Les noms d’Hercule, d’Évandre et d’Énée passèrent donc de la Grèce dans le Latium, par l’effet de quatre causes que nous trouverons dans les mœurs et le caractère des nations : 1º les peuples encore barbares sont attachés aux coutumes de leur pays, mais à mesure qu’ils commencent à se civiliser, ils prennent du goût pour les façons de parler des étrangers, comme pour leurs marchandises et leurs manières ; c’est ce qui explique pourquoi les Latins changèrent leur Dius Fidius pour l’Hercule des Grecs, et leur jurement national Medius Fidius pour Mehercule, Mecastor, Edepol. 2º La vanité des nations, nous l’avons souvent répété, les porte à se donner l’illustration d’une origine étrangère, surtout lorsque les traditions de leurs âges barbares semblent favoriser cette croyance ; ainsi, au moyen âge, Jean Villani nous raconte que Fiesole fut fondé par Atlas, et qu’un roi troyen du nom de Priam régna en Germanie ; ainsi les Latins méconnurent sans peine leur véritable fondateur, pour lui substituer Hercule, fondateur de la société chez les Grecs, et changèrent le caractère de leurs bergers-poètes pour celui de l’Arcadien Évandre. 3º Lorsque les nations remarquent des choses étrangères, qu’elles ne peuvent bien expliquer avec des mots de leur langue, elles ont nécessairement recours aux mots des langues étrangères. 4º Enfin, les premiers peuples, incapables d’abstraire d’un sujet les qualités qui lui sont propres, nomment les sujets pour désigner les qualités, c’est ce que prouvent d’une manière certaine plusieurs expressions de la langue latine. […] Il y a sur ce sujet un passage remarquable de Tacite ; c’est celui où il décrit l’Ara maxima d’Hercule à Rome   : Igitur à foro boario, ubi œneum bovis simulacrum adspicimus, quia id genus animalium aratro subditur, sulcus designandi oppidi captus, ut magnam Herculis aram complecteretur, ara Herculis erat.

765. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Naudé s’acquitta de son office avec splendeur ; il prit comme corps de sujet, indépendamment des neuf petits panégyriques, l’antiquité de l’École de médecine de Paris. […] Ses parents favorisent son divorce, disent qu’il a été ensorcelé, etc. » C’étaient là les sujets à la mode, les gentillesses dans les belles compagnies. […] Une brochure publiée au sujet du livre de Garasse avait traité Virgile de nécromancien et d’enchanteur au sens de l’enchanteur Merlin. […] Sous ce couvert, il y défend chaudement et finement le cardinal son maître, et montre la sottise de tant de propos populaires qui se débitaient à son sujet ; puis, chemin faisant, il y parle de tout. […] Il s’élève pourtant de ton en revenant sur ce sujet favori des révolutions d’idées, au chapitre VI de son Addition à l’Histoire de Louis XI.

766. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Un sujet extraordinaire, une histoire à dormir debout, qui se passe à Carthage. […] Ritt et Gailhard l’ont pour tous les sujets. […] Mais ils fourniront les sujets. Et, ces sujets, ils les prendront dans les œuvres d’Alexandre Dumas. […] Qu’on se rappelle les sujets par lui choisis pour composer ses œuvres.

767. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

J’avoue que ce sujet me déplut, et qu’il me sembla qu’on ne devait point dire comme les gens étaient faits. […] Dès lors le satirique est condamné à l’éloge, et devient lui-même sujet à satire. […] et si ce roi entraînait ses sujets ! […] Hippocrate, dans son traité des Airs, des Eaux et des Lieux, s’étend beaucoup sur ce sujet. […] Personne ne dit plus vite, ni mieux, sur tout sujet, ce qui importe.

768. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Au dernier siècle, quand de jeunes Français allaient à Rome où le cardinal de Bernis résida comme ambassadeur de France à dater de 1769, et où il ne mourut qu’en 1794, un de leurs premiers désirs, c’était de lui être présentés, et une des premières choses qu’ils trouvaient d’ordinaire à lui dire, c’était de le remercier du plaisir que leur avaient fait ses jolis vers ; ils s’étonnaient ensuite que le prélat ne répondît point à ce compliment comme ils auraient voulu, et qu’il gardât toute son amabilité et toute sa grâce pour d’autres sujets de conversation. […] L’Académie le choisissait comme un sujet et un visage agréable au roi. […] Le digne fondateur a sur ce sujet de belles et nobles paroles qui décèlent, sous cette monarchie de Louis XV, un cœur de citoyen ; j’en veux citer quelques-unes, ne fût-ce que pour moraliser ce sujet de Bernis, dont les débuts sont un peu amollissants : Ce que vous me dites, monsieur, écrit Duverney à Bernis, de l’opinion de l’étranger sur cet établissement n’est guère propre à modérer mon impatience ; j’en ai toujours beaucoup dans les choses qui contribuent à la gloire de notre maître et au bien de la nation… Les objections ne m’ont jamais rebuté. […] Ces lettres de Bernis et de Duverney, qui n’ont rien de bien intéressant par le sujet, et qui ont été imprimées en 1790 avec les notes les plus ridicules et les plus impertinentes qu’on puisse imaginer, sont curieuses quand on les lit, comme je le fais, au point de vue de la biographie et de la connaissance des deux caractères.

769. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Or précisément le jour où lui arriva cette demande de Balzac de répondre à la dissertation de M. de Girac, Costar relevait d’un violent accès de goutte ; il était à jeun d’esprit, et empressé de verser sur quelque sujet le trop plein de ses tiroirs. Mais quel sujet plus à propos et plus engageant pour lui que celui de Voiture ! […] En un mot, la pièce me parut si belle que je ne consultai pas longtemps sur ce sujet ; je crus d’abord, sans m’en conseiller qu’à moi-même, qu’un ouvrage également avantageux à deux si excellents hommes ne se devait point cacher, et que n’y allant pas moins, à le mettre au jour, de la gloire de M. de Balzac, à qui il s’adresse, que de l’honneur de mon parent, pour qui il est fait, je devais, pour la satisfaction de tout le monde, faire un présent au public de l’apologie de M. de Voiture ainsi que j’avais fait de ses œuvres. […]  » Dans les lettres badines même il trouvait trop de familiarité et de sans-gêne, et du mauvais goût à plaisanter sur certains sujets, comme lorsque Voiture parle de ses clous à Mme la princesse et à Chapelain, et qu’il nomme de vilains petits insectes qui font mal au cœur. […] Costar a publié des libelles contre l’auteur sans en avoir eu sujet ; que c’est un calomniateur… » « Que l’auteur a été obligé, pour sa défense, de découvrir les impuretés de M. 

770. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il se désennuya comme il put, en écrivant ses idées sur tous les sujets à l’ordre du jour, en s’occupant activement de considérations politiques dans la petite société de l’Entresol dont il était l’un des membres assidus, et en espérant de l’amitié de M.  […] [NdA] Mme veuve Jules Renouard, rue de Tournon, 6. — J’ai déjà traité ce sujet de d’Argenson dans le douzième volume des Causeries, et j’ai ouvert la brèche. […] Il suppose un souverain qui adopte tout ce qu’il a donné pour vrai et qui s’y conforme en tout : « Ses sujets seront plus heureux de jour en jour… Il serait aisé de démontrer, au contraire, que les sujets de tout souverain qui suivra en même temps des principes ou opposés, ou moins bien liés les uns avec les autres, seront moins heureux. » Il en conclut que les sujets de ce dernier souverain le quitteront, viendront en foule chez l’autre, et que celui-ci, sans tirer l’épée, dépeuplera avec le temps tous les États voisins au profit du sien. » II ne s’agit plus que de trouver ou de former le souverain modèle ; ainsi se réalisera l’utopie.

771. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

… » Ayant traité ailleurs46 ce sujet des rapports de M. de Horlay avec les Jansénistes, je ne fais qu’y glisser ici. […] L’un et l’autre s’acquittèrent assez mal de leur tâche : « Le prélat n’en fut point fâché, remarque à ce sujet Legendre, qui a bien son grain de causticité ; il aimait à briller aux dépens d’autrui ; c’était assez sa coutume de faire agiter devant lui des problèmes de toute sorte, afin d’avoir le plaisir de donner à ce qu’on avait dit, et qu’il ne manquait point de résumer exactement, un tour si fin, si délicat, que l’on admirait dans sa bouche ce qui avait paru plat dans celle des autres. » On aime d’ordinaire ce qu’on fait bien : le prélat aimait à jouer aux arbitrages. […] … Ce sont des réflexions que notre sujet nous présente… réflexions salutaires quand nous savons nous les appliquer, mais téméraires quand nous les portons hors de nous-mêmes ; car alors nous jugeons ce que nous ne connaissons pas, au lieu que nous devrions être uniquement attentifs à juger ce que nous connaissons… Ce sont ces vagues et inutiles discours que Job reprochait à ceux qui voulaient raisonner sur le malheur de son sort. […] Mais une particularité qu’il ne faut pas omettre à son sujet, c’est que, lorsqu’il mourut en 1733, il laissa par son testament des fondations bizarres, d’une exécution impossible, et qui furent appliquées par l’autorité civile, pour une distribution solennelle de prix dans l’Université, c’est-à-dire pour la fondation du Concours général. […] Feuillet lui répondit qu’il n’en savait rien, mais que depuis peu il avait dit sur ce sujet à Monsieur (et l’on sait de quelle nature étaient les mœurs de ce prince) qu’il n’avait point besoin de confesseur en menant la vie qu’il mène à la Cour, et qu’il lui conseillait d’épargner les 6,000 livres qu’il donne à son confesseur qui ne sert qu’à le tromper, et qu’il valait bien mieux pour lui de les donner aux pauvres, afin de fléchir pour leurs prières la miséricorde de Dieu sur sa personne : après quoi, si Jésus-Christ lui donnait quelque sentiment de pénitence pour se convertir, il choisirait lui-même un homme de bien pour régler ses mœurs et la conduite de sa vie. — Ce discours, que la plupart des gens prendraient pour quelque chose de bien grave et de bien sérieux, parut à M. de Paris si agréable et si divertissant qu’il fut plus d’un bon demi-quart d’heure à en rire de tout son cœur. » 54.

772. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

» C’est partout ainsi ; il faudrait redresser à chaque pas l’écrivain légèrement enivré de son sujet qui va hors de mesure et qui chancelle. […] Collé, qui, sur la foi de sa renommée, semble de loin un si gai sujet, l’est beaucoup moins quand on s’en approche. […] Un de ces critiques qu’on méprise aujourd’hui et qu’on se flatte d’avoir enterrés, La Harpe, a dit à ce sujet excellemment : « Il est bien vrai que la gaîté qui tient à la licence est plus facile qu’aucune autre ; mais celle de Collé est si originale et si franche, qu’on pourrait croire qu’elle n’avait pas besoin de si mauvaises mœurs pour trouver où se placer. » Nous allons plus loin que La Harpe, et nous disons que ces mœurs mêmes, prises sur le fait et rendues avec cette touche facile et hardie, ajoutent, du point de vue où nous sommes, un prix tout particulier au tableau : elles y mettent la signature d’une époque. […] Je suis né susceptible, et j’eusse eu tous les jours des sujets de chagrin avec quelques-uns de mes confrères que j’étais bien loin d’estimer. » Collé était un parfait honnête homme et même, comme on disait alors, un bon citoyen. […] Maté et rangé d’assez bonne heure, il avait trouvé dans sa femme une maîtresse, une amie, une épouse ; il la consultait sur tous ses écrits, et on sourit de se représenter Mme Collé donnant jusqu’au bout des avis à son mari sur certains détails dans les sujets habituels de sa muse libertine.

773. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Deux faits notables, deux phénomènes littéraires, sont venus, l’un pas plus tard qu’hier, l’autre depuis quelques années déjà, fournir à l’attention avide un sujet, un aliment tant désiré, sur lequel on a vécu à satiété et qui, par bonheur (cela reste vrai du moins pour l’un des deux), n’est pas près de s’épuiser encore. […] Et voilà que, dès 1837, le calme presque universel s’établissait ; et, pour réduire la question aux limites de notre sujet, voilà que littérairement, ce calme social d’apparence propice n’enfantait rien et ne faisait que mettre à nu le peu de courant ; que de guerre lasse, et à force de tourner sur soi-même, on se reportait d’un zèle oiseux vers le passé, non pas seulement le haut et grand passé, mais celui de toute espèce et de toute qualité, et l’on déjeunait des restes épicés de Crébillon fils comme pour mieux goûter le Racine ; voilà que les générations survenantes, d’ordinaire enthousiastes de quelque nouvelle et grande chimère et en quête d’un héroïque fantôme, entraient bonnement dans la file à l’endroit le plus proche sans s’informer ; que sans tradition ni suite, avec la facilité de l’indifférence, elles se prenaient à je ne sais quelles vieilles cocardes reblanchies, et, en morale comme dans l’art, aux premiers lambeaux de rubans ou de doctrines, aux us et coutumes de carnaval ou de carême. […] Des Préaux s’y connaît en vers mieux que moi. » Aujourd’hui que ce genre de déférence et de patronage va peu à nos idées, que dans les conditions actuelles il courrait risque d’être peu accepté des hommes de talent, que tout poëte dirait volontiers tout d’abord au maître, s’il y en avait un : « Je m’y connais en matière d’État mieux que toi ; » et que, de leur côté, des gouvernants illustres, et en général capables sur tout sujet, vaquent à beaucoup de choses qu’ils croient plus essentielles que le soin des phrases, lesquelles ils manient eux-mêmes à merveille, qu’arrive-t-il et que voit-on ? […] Si tel romancier à la mode résiste bien rarement à gâter ses romans encore naissants après le premier demi-volume, c’est que, voyant que le début donne et réussit, il pense à tirer l’étoffe au double, et à faire rendre au sujet deux tomes, que dis-je ? […] Ce hasard et cette fougue dans les impulsions, cette absence de direction et de conviction dans les idées, jointe au besoin de produire sans cesse, amènent de singulières alternatives de disette et de concurrence, des revirements bizarres dans les entreprises, un mélange d’indifférence pour les sujets à choisir et d’acharnement inouï à les épuiser.

774. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Denys, si vil à Corinthe, eût peut-être été très-grand entre les mains de ses sujets à Syracuse. […] « Enfin, vient une grande question sur le sujet de ce chapitre : Que faut-il faire pour soulager ses chagrins ? […] « Plusieurs philosophes anciens et modernes ont écrit sur ce sujet. […] » Puis, s’interrompant lui-même et passant sans transition à un autre sujet : « Le christianisme, dit-il, les idéologues n’ont-ils pas prétendu en faire un système d’astronomie ? […] Cette inconvenance déplut à l’ambassadeur ; les paroles aigres s’échangèrent sur ce trivial sujet ; l’animadversion s’envenima et subsista toujours.

775. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Par exemple, le premier coup d’œil révèle, au xviiie  siècle, une nouvelle renaissance de l’antiquité classique et une transfusion partielle du génie anglais dans les âmes françaises ; mais on risque d’oublier un apport venant de l’Orient et des contrées sauvages de l’Amérique et de l’Océanie, apport considérable pourtant, témoin tant d’écrits où les Persans, les Chinois, les Arabes sont appelés à donner des leçons aux sujets de Louis XV, témoin tant de robinsonnades et d’utopies où l’état de nature est opposé à la corruption des grandes villes. […] Sous le règne de Louis XIV, il suffit qu’un petit-fils du grand roi monte sur le trône de Madrid pour qu’il n’y ait plus de Pyrénées en matière littéraire ; car, aussitôt, l’Espagne, qui depuis un tiers de siècle avait à peu près cessé d’inspirer la France, redevient avec Le Sage un sujet de peintures à la mode. […] Les sujets traités, les théories soutenues, les conclusions exprimées ou suggérées, en un mot, l’âme même des livres, se transforment alors en bien ou en mal. […] Tantôt les sujets traités par les écrivains sont profondément renouvelés. […] De là, ces épidémies de pièces ou de romans, qui, à quelques mois de distance, traitent le même sujet avec des variantes insignifiantes.

776. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

En un mot, une information si ample, puisée à des sources si directes, servie d’un langage si lucide et si étranger aux prestiges, constitue, chez l’historien qui traite un sujet contemporain, la plus rare comme la plus sûre des impartialités. […] Thiers les a caractérisés dans une de ces pages comme il sait en écrire en tel sujet : C’était, dit-il en parlant du corps de Wellington, de la très belle infanterie, ayant toutes les qualités de l’armée anglaise. Cette armée, comme on le sait, est formée d’hommes de toute sorte, engagés volontairement dans ses rangs, servant toute leur vie ou à peu près, assujettis à une discipline redoutable qui les bâtonne jusqu’à la mort pour les moindres fautes ; qui, du bon ou du mauvais sujet, fait un sujet uniforme et obéissant, marchant au danger avec une soumission invariable à la suite d’officiers pleins d’honneur et de courage. […] Dans le style, l’écrivain n’a nulle part flatté le goût du temps pour les effets et pour la couleur, et on pourrait même trouver qu’il en a tenu trop peu de compte quelquefois ; mais c’est une satisfaction bien rare pour les esprits sérieux et judicieux que celle de lire une suite de volumes si aisés et si pleins, sortis tout entiers du sein du sujet et nous le livrant avec abondance, d’une simplicité de ton presque familière, ou jamais ne se rencontre une difficulté dans la pensée, un choc dans l’expression, et où l’on assiste si commodément au spectacle des plus grandes choses.

777. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Michaud et Poujoulat, avaient pu mettre en goût les lecteurs ; mais autre chose est un extrait où l’on ne prend que les beautés et la fleur d’un sujet, autre chose une reproduction exacte et complète des textes latins dans toute leur teneur, et des instruments mêmes (comme cela s’appelle) d’une volumineuse procédure. […] Nous tâcherons ici, en le suivant, d’imiter sa circonspection, et, dans un sujet entraînant où l’on est à tout moment sur la pente de l’enthousiasme et de la légende, de ne nous laisser guider que par l’amour de la vérité. […] L’idée s’était généralement répandue et accréditée, qu’un tel sujet désormais ne pouvait être traité sérieusement. […] Aujourd’hui, on est passé à une autre extrémité contraire, et on serait assez mal reçu, je pense, si on en avait la vilaine idée, de venir risquer à ce sujet le plus petit mot pour rire. […] Ce n’est pas qu’une critique sévère et précise, une critique d’un goût simple ne pût relever dans ce brillant et vivant morceau bien des inexactitudes et des infractions au ton vrai du sujet.

778. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

En 1820, sur le sujet proposé, qui était une sorte de parallèle entre l’éloquence de la tribune et celle du barreau, il se mit en frais inutilement. […] Il est inépuisable sur ce sujet-là. […] Plus tard, l’auteur se trouva sujet lui-même à ce ridicule qu’il craignait. […] J’aime bien mieux pourtant son morceau excellent sur Bussy-Rabutin, sujet moins élevé et où un tel genre d’esprit était plus de mise. […] Je ne puis vous en dire plus long sur ce sujet ni entrer dans des détails tout à fait intimes.

779. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Ce sont des lettres dans le genre de Voiture, adressées à diverses personnes, sur des sujets choisis à dessein, et qui prêtent au sentiment ou à la raillerie. […] Je me permettrai d’ajouter, pour prendre le ton du sujet, que, s’il n’avait jamais fait ah ! […] On commence à sentir en quoi, malgré ses légèretés et ses minauderies d’agrément, malgré cette familiarité affectée d’expressions qui semble par moments une chicane concertée contre la majesté des choses, Fontenelle se différencie profondément des écrivains frivoles qui traitent des sujets graves et qui ne prennent point la vérité en elle-même. […] « En vérité, je crois toujours de plus en plus, dit-il, qu’il y a un certain génie qui n’a point encore été hors de notre Europe, ou qui, du moins, ne s’en est pas beaucoup éloigné. » Ce génie européen, qui est proprement celui de la méthode, de la justesse et de l’analyse, et qui, selon lui, s’étend à tous les ordres de sujets, il croit que c’est à Descartes surtout que nous en devons la découverte et l’usage ; mais il s’agit de le mieux appliquer encore qu’il ne l’a fait. […] Il a donné le premier exemple et le modèle de ces ouvrages où la science est ornée, enjolivée et sophistiquée à l’usage des dames, de ces ouvrages métis, tels qu’en ont composé sur divers sujets les Pougens, les Aimé Martin, ces émules de Demoustier encore plus que de Fontenelle : c’est là le côté frivole.

780. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Développant pour la première fois cette pensée qu’il a depuis résumée ainsi et qui fait loi : « La littérature est l’expression de la société », M. de Bonald examine dans leurs rapports la décadence des arts et celle des mœurs : « Ce serait, ce me semble, nous dit-il, le sujet d’un ouvrage de littérature politique bien intéressant, que le rapprochement de l’état des arts chez les divers peuples avec la nature de leurs institutions. » Et il en donne à sa manière un aperçu, indiquant que la plus grande perfection des arts et des lettres, comme il les conçoit, répond généralement à l’état le plus parfait des institutions sociales, c’est-à-dire à la monarchie. […] Considérant la personne de l’Homme-Dieu dans tous ses états et toutes ses conditions, M. de Bonald dira : « Dans la famille, il est fils, il est parent, il est ami ; dans la société politique, il est sujet et même il est pouvoir ; dans la société religieuse, il est pouvoir et même il est sujet. » Cette antithèse de pouvoir et de sujet tient à la formule fondamentale de l’auteur ; mais comment ne pas l’oublier ici ? […] Homme de famille, M. de Bonald, en s’occupant d’un tel sujet, était sur le fond et sur le roc même de sa conviction.

781. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Walckenaer, pour prix de son zèle, put alors les examiner pendant quelques heures ; il écrivit à ce sujet une lettre insérée dans un recueil périodique et accompagnée de quelques extraits10. […] Il y a des incorrections, par exemple : « La plus grande peine n’est pas de se divertir, c’est de le paraître. » Mais Montesquieu, sur le style, a des idées fort dégagées : « Un homme qui écrit bien, pense-t-il, n’écrit pas comme on écrit, mais comme il écrit ; et c’est souvent en parlant mal qu’il parle bien. » Il écrit donc à sa manière, et cette manière, toujours fine et vive, devient forte et fière et grandit avec les sujets. […] Après avoir touché les questions qui sont proprement de la philosophie de l’histoire, après s’être étonné que les Français aient abandonné des lois anciennes faites par les premiers rois dans les assemblées de la nation, et être ainsi arrivé presque au seuil du grand ouvrage que sans doute il entrevoyait déjà dans l’avenir, Montesquieu continue de s’égayer sur maint sujet, et, quand il en a assez, il coupe court. […] Dans le grand ouvrage de Montesquieu, l’artiste en effet est pour beaucoup : il y est dit bien des choses qui sont sujettes au doute. Cet auteur artiste est là en présence de son sujet, de sa vaste lecture ; il veut une loi et il la cherche, il la crée quelquefois.

782. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

La gloire, la patrie, l’amitié, voilà des sujets sur lesquels Frédéric ne plaisantait jamais : M. Henry est allé plus loin, il voudrait y joindre certaines convictions intimes en fait de religion, et, nous présentant le roi par un aspect allemand et tout nouveau, il dit : Frédéric voulait la loi et la religion avec toute la puissance de son génie ; c’était à la surface de son âme seulement qu’il plaisantait sur des sujets qui ne lui paraissaient pas tenir au fond des choses, et dans la pensée que ces plaisanteries n’arriveraient jamais à la connaissance du public. […] L’esprit humain, pour sortir de la routine où il est sujet à s’endormir et à se rouiller, a de temps en temps besoin d’un précepteur philosophique nouveau : ce précepteur excitateur, qui doit quelque peu se mettre à la portée des gens du monde, varie beaucoup selon les pays et selon les temps : tantôt ce sera La Sagesse de Charron, tantôt La Logique de Port-Royal ou même Malebranche en ses Entretiens, tantôt Locke qui, pour la France, fut toujours trop long. […] Il rappelle plus d’une fois son généreux et plus confiant ami, M. de Suhm, à la réalité et à l’expérience : les Descartes, les Newton, les Leibniz peuvent venir et se succéder, sans qu’il y ait danger pour les passions humaines de perdre du terrain et de disparaître : « Selon toutes les apparences, on raisonnera toujours mieux dans le monde, mais la pratique n’en vaudra pas mieux pour cela. » Dans sa douce et studieuse retraite de Remusberg, regrettant l’ami absent : Il me semble, lui écrit-il (16 novembre 1736), il me semble que je vous revois au coin de mon feu, que je vous entends m’entretenir agréablement sur des sujets que nous ne comprenons pas trop tous deux, et qui cependant prennent un air de vraisemblance dans votre bouche. […] Le Frédéric de Remusberg, même dans ses accès de métaphysique, ne se laissera donc pas emporter plus loin que ne lui permet le bon sens ; mais ce qui fait le cachet de cette correspondance de jeunesse, c’est l’absence de toute ironie, et, même dans le doute, un sérieux digne de ces sujets graves.

783. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

— Avant d’aborder le sujet de ce chapitre, je dois faire quelques observations préliminaires sur la manière dont la concurrence vitale appuie le principe de sélection naturelle. […] Nul n’a traité ce sujet avec plus d’esprit et d’habileté que W. […] Plusieurs auteurs ont habilement traité ce sujet ; et dans mon prochain ouvrage je discuterai longuement quelques-unes de ces causes répressives de la multiplication indéfinie des êtres, plus particulièrement à l’égard des animaux domestiques retournés à l’état sauvage dans l’Amérique du Sud. […] Même lorsque le climat, soit par exemple un froid extrêmement rigoureux, agit directement, ce sont les sujets les moins vigoureux, ou ceux qui n’ont pu se procurer qu’une moindre quantité de nourriture pendant la durée de l’hiver, qui souffrent le plus. […] La quantité de substance nutritive contenue dans les graines de beaucoup de plantes, comme par exemple les Pois et les Fèves, semble d’abord indifférente et sans aucune relation directe avec leurs succès sur les autres plantes ; mais la vigueur de sève que manifestent les jeunes sujets issus de telles graines, lorsqu’ils germent et lèvent au milieu de hautes herbes, peut faire supposer que la nourriture contenue dans la graine a principalement pour but de favoriser la jeune plante, pendant qu’elle lutte avec d’autres espèces qui croissent vigoureusement autour d’elle.

784. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Les Bretons armoricains s’étaient émancipés, et depuis ce jour ils purent bien être les alliés, mais non plus les sujets de Rome. […] La comparaison des formes, les vues d’ensemble et de suite, l’idée de lois grammaticales nécessaires, le fil et la clef des étymologies précises, le sens naturel des permutations et altérations dans les mots, les analogies cachées, en un mot l’ organisation de leur sujet d’étude, ils ne s’en doutent pas. […] « En reprenant le sujet au point où l’avaient laissé M.  […] Moins sujets aux caprices de la mode, ils sont peut-être en général plus harmonieusement, plus rationnellement composés. » C’était une boutade. […] Vitet, à s’occuper après lui des mêmes sujets et à y répandre, en le rectifiant, de justes, d’agréables lumières.

785. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Nous sommes les sujets de ces peintures, les originaux de ces portraits. […] Bourdaloue y est d’autant plus sujet, qu’il était plus au-dessus du travers de rendre extraordinaires par les mots les choses communes. […] Ses efforts pour prouver l’incompréhensible sentent l’école plutôt que l’angoisse du génie, et tout son discours reste au-dessous du sujet. […] Il ne tire du sujet que des idées importantes ; aucune qui soit de trop, ou qui n’ait avec l’objet du sermon le rapport du chemin au lieu où l’on va. […] Le premier voit son sujet, il le circonscrit et le traite à fond ; le second le cherche encore après y être entré, et, en courant un peu au hasard après ses richesses naturelles, il suscite d’autres sujets qui étouffent le principal, comme les branches gourmandes qui épuisent l’arbre à fruit.

786. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Nous la voyons tout au plus lui fournir des sujets de y description. […] Les sujets traités, les caractères généraux, le style offrent chez les uns et les autres de frappantes ressemblances. […] Des chaises presque curules, des lampes imitées des Grecs, des sujets romains sur les pendules, voilà ce qu’on rencontre à chaque pas. […] Voir à ce sujet : Les rapports de la musique et de la poésie considérées au point de vue de l’expression, un ouvrage de M.  […] Voir à ce sujet Maurice Spronck : Les artistes littéraires.

787. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Le fait qu’on ne peut posséder en même temps l’Amour et l’Or, et le conflit qui en naît dans l’âme consciente de ce fait (l’âme de Wotan) : voilà maintenant l’unique sujet du drame. […] Je doute que même l’autobiographie nous apporte beaucoup de renseignements sur ce sujet, et dans tous les cas je considère la valeur artistique et psychologique des dates qui vont suivre comme bien inférieure à celle des dates du poème. […] Mais on n’oubliera jamais que c’est là une chose qui dépendait le plus souvent de circonstances tout extérieures et accidentelles, et que toute conclusion psychologique ou autre qu’on voudrait déduire de telles dates est donc sujette à caution. […] Il en est de même de toute œuvre d’art ; tout ce qui est vraiment vivant est sujet, pour vivre, à de multiples et délicates conditions. […] Et même les soi-disant « faits », lorsqu’ils ne sont pas, comme je l’ai dit, très petits, d’un ordre tout à fait matériel, tels que chiffres et dates, sont sujets à caution, car ils sont ou bien littéralement faux, ou bien dénaturés et présentés sous une fausse lumière.

788. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Et si l’on n’écrit pas une légende au-dessous du tableau, qui est-ce qui entendra le sujet. […] Un peintre italien avoit imaginé ce sujet d’une manière très ingénieuse. […] Mais sa douleur et son effroi contrastent si bizarement avec la tranquillité des vieillards que si le sujet n’étoit pas connu on auroit peine à le deviner. […] Et voilà l’effet de tous ces sujets allégoriques empruntés de la mitologie payenne. […] Un troisième artiste me dit, donnez-moi un sujet d’histoire.

789. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Il y montra beaucoup de largeur et un sentiment très vif de son sujet. […] Mais l’ouvrage capital de cette période fut un livre d’histoire et sur le sujet le plus magnifique qui pût s’offrir à l’intelligence et au génie historique d’un moderne, puisque le monde moderne tout entier est contenu, comme le sens de l’énigme sous sa lettre, dans ce redoutable sujet. […] La jeunesse, la santé, la fraîcheur, le bon sourire, la cordialité, la larme à l’œil, les beaux tremblements de la main émue, toutes ces qualités si rares dans les talents graves, quels que soient les sujets auxquels ils s’appliquent, Audin ne les a jamais perdues à remuer les impalpables poussières du sépulcre. […] Cela devait résulter, du reste, des sujets qu’Audin a choisis, et qu’on peut appeler les sujets les plus intellectuels de l’Histoire. […] Audin n’eut pas peur de la sécheresse de son sujet.

790. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Savez-vous bien qu’il y a une mine de sujets à peine entamée dans l’histoire de l’empire byzantin ? […] Or je reconnais à coup sur cette sincérité dans la manière dont Moréas traite ses sujets. […] Pour moi, ce ne sont que les alentours qui donnent la véritable valeur aux sujets. […] Je ne me hasardai pas à entamer un sujet si grave, et ce fut toute autre chose que je lui demandai. […] « Et voilà bien le sujet du drame moderne dont nous parlait Barrès.

791. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Tous ses égaux d’autrefois, devenus ses sujets, virent dans son avènement même un motif et une chance de le renverser. […] D’abord le choix du sujet prouve le goût de M.  […] Leconte de Lisle ; car je retrouve, ou à peu près, ces deux sujets et ces deux titres dans les Poëmes antiques. […] Historiens de l’esprit, non seulement ils savent très bien ce qu’ils racontent, mais ils sont pleins de leur sujet. […] Il y a là une nuance délicate, qui tient au sujet même, et que M. de Beauchesne a merveilleusement sentie.

792. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Le sujet devient ce qu’il peut ; on n’y sent plus qu’incohérence d’idées, division d’effets et nullité d’ensemble ; car deux effets distincts ne peuvent concourir à cette unité qu’on désire et sans laquelle il n’est point de charme au spectacle. » Et, de l’autre côté de la page : « Je ne puis assez le redire, et je prie qu’on y réfléchisse : trop de musique dans la musique est le défaut de nos grands opéras. […] Qu’il chante le sujet comme on le versifie, uniquement pour le parer ; que j’y trouve un charme de plus, non un sujet de distraction. […] Beaumarchais, avec une prescience vraiment extraordinaire, va jusqu’à dire : « Il m’a semblé qu’à l’Opéra, les sujets historiques doivent moins réussir que les sujets imaginaires. » Il ajoute : « Je penserais donc qu’on doit prendre un milieu entre le merveilleux et le genre historique », désignant ainsi la légende comme la source par excellence de l’opéra futur ; et enfin, dans un élan qui dépasse peut-être les limites accoutumées de sa vision intellectuelle : « Ah ! si l’on pouvait, s’écrie-t-il, couronner l’ouvrage d’une grande idée philosophique ; même en faire naître le sujet ! […] Voir à ce sujet l’article de l’Encyclopédie Richard Wagner (Actes Sud 2010) d’Alain Perroux.

793. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Car il y a deux Veuillot : celui qui est debout, grave, triste, imposant d’attitude, d’un beau front, parlant d’or sur les grands sujets, prêchant aux autres le respect qu’il a lui-même si peu, prompt à en remontrer aux gouvernements sur le principe de l’autorité, et, quand il se fâche, le faisant au nom d’une autorité supérieure, et, pour ainsi dire, exerçant les justices de Dieu. — Je ne nie point la part de sentiments sérieux, qui sont d’accord en lui avec cet air-là. […] Imaginez un homme de cet esprit, de ce fin coup d’œil et de cette humeur mordante, venant s’asseoir chaque après-midi, pendant des années, dans un coin de la tribune des journalistes, et de là étudiant à loisir ses sujets dans tous les sens et dans toutes les postures, prenant aujourd’hui un profil, demain un autre, multipliant et variant ses silhouettes. […] Celui-là, il se fâche, il a le hoquet, mais du moins ilparle ; il y en a qui, en s’efforçant de parler, ne réussissent qu’à suer sang et eau et à défaillir ; celui-ci, parexemple, que vous ne sauriez reconnaître, car il n’a quebien rarement donné : « Orateur prompt à se cabrer aumoindre bruit, sujet à voir ses pensées s’enfuir commeune volée d’oiseaux qu’un geste effarouche, et qui faitrage contre lui-même, mais en vain, d’être si malaguerri. […] Vous y avez, sur chaque personnage du temps, des jugements agréables ou non à l’amour-propre, mais qu’il faut connaître, et des expressions presque inévitables désormais au sujet d’un chacun, des expressions qui s’accrochent à vous en passant et qu’on ne peut plus secouer.

794. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

On aurait voulu que cette vigueur de pinceau, cette habileté à tout sonder, cette hardiesse à tout dire, il les eût transportées et appliquées à un autre sujet également actuel, également vivant, mais moins circonscrit, moins cantonné et resserré entre un petit nombre de personnages peu estimables ou peu aimables. […] Voilà quel était son nouveau sujet, étrange, reculé, sauvage, hérissé, presque inaccessible ; l’impossible, et pas autre chose, le tentait : on l’attendait sur le pré chez nous, quelque part en Touraine, en Picardie ou en Normandie encore : bonnes gens, vous en êtes pour vos frais, il était parti pour Carthage. […] Le sujet. […] Flaubert a choisie pour fond et pour sujet de son récit, et qu’il a voulu peindre dans tout le détail de ses atrocités, l’offrant comme une espèce de type de la guerre chez les Anciens ou du moins chez les peuples d’Afrique.

795. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Napoléon ici hésita, eut des égards pour l’Europe, pour l’empereur Alexandre, alors son ami et son allié intime, celui qui, en 1808, disait au roi de Saxe à Erfurt « qu’il se sentait meilleur après chaque conversation avec l’Empereur Napoléon, et qu’une heure d’entretien avec ce grand homme l’enrichissait plus que dix années d’expérience. » Mais, depuis cette époque, les dispositions de la Russie et de son souverain avaient bien changé ; les exigences de Napoléon au sujet du blocus continental, l’intérêt qu’avait Saint-Pétersbourg à ne pas s’y prêter, les griefs et les passions de sa Cour et de son peuple, avaient influé sur l’esprit mobile d’Alexandre et l’avaient désenchanté peu à peu et finalement aliéné de son grand ami. […] Il était sujet aux accès d’une humeur bourrue, mais jamais malfaisante. […] La dépêche de M. de Senfft, « expédiée par la poste », fut sujette à être remarquée ; c’est lui qui le dit ou qui l’insinue ; peut-être aussi, ajoute-t-il, se rappela-t-on comment il avait été placé ce jour-là pour bien entendre et pour tout retenir. […] M. de Senfft, dont la femme, je l’ai dit, était nièce du baron de Stein, crut devoir intercéder en faveur de la famille au sujet du séquestre des biens ; il ne réussit point dans sa demande, mais l’Empereur à qui il avait directement écrit ne lui en sut aucun mauvais gré.

796. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

. — Cela fait, pour comprendre la connaissance que nous avons des corps et de nous-mêmes, on a trouvé des indications précieuses dans les analyses profondes et serrées de Bain, Herbert Spencer et Stuart Mill, dans les illusions des amputés, dans toutes les illusions des sens, dans l’éducation de l’œil chez les aveugles-nés auxquels une opération rend la vue, dans les altérations singulières auxquelles, pendant le sommeil, l’hypnotisme et la folie, est sujette l’idée du moi. — On a pu alors entrer dans l’examen des idées et des propositions générales qui composent les sciences proprement dites, profiter des fines et exactes recherches de Stuart Mill sur l’induction, établir contre Kant et Stuart Mill une théorie nouvelle des propositions nécessaires, étudier sur une série d’exemples ce qu’on nomme la raison explicative d’une loi, et aboutir à des vues d’ensemble sur la science et la nature, en s’arrêtant devant le problème métaphysique qui est le premier et le dernier de tous. […] Il faut donc que le lecteur veuille bien examiner et vérifier lui-même les théories présentées ici sur les illusions naturelles de la conscience, sur les signes et la substitution, sur les images et leurs réducteurs, sur les sensations totales et élémentaires, sur les formes rudimentaires de la sensation, sur l’échelonnement des centres sensitifs, sur les lobes cérébraux considérés comme répétiteurs et multiplicateurs, sur le mécanisme cérébral de la persistance, de l’association et de la réviviscence des images, sur la sensation et le mouvement moléculaire des cellules considérés comme un seul événement à double aspect, sur les facultés, les forces et les substances considérées comme des illusions métaphysiques2, sur le mécanisme général de la connaissance, sur la perception extérieure envisagée comme une hallucination véridique, sur la mémoire envisagée comme une illusion véridique, sur la conscience envisagée comme le second moment d’une illusion réprimée, sur la manière dont se forme la notion du moi, sur la construction et l’emploi des cadres préalables, sur la nature et la valeur des axiomes, sur les caractères et la position de l’intermédiaire explicatif, sur la valeur et la portée de l’axiome de raison explicative. — En de pareils sujets, une théorie, surtout lorsqu’elle est fort éloignée des doctrines régnantes, ne devient claire que par des exemples ; je les ai donnés nombreux et détaillés ; que le lecteur prenne la peine de les peser un à un ; peut-être alors ce qu’au premier regard il trouvait obscur et paradoxal lui semblera clair ou même prouvé. […] L’écrit finit toujours par une signature, celle d’une personne morte, et porte l’empreinte de pensées intimes, d’un arrière-fond mental que l’auteur ne voudrait pas divulguer. — Certainement on constate ici un dédoublement du moi, la présence simultanée de deux séries d’idées parallèles et indépendantes, de deux centres d’action, ou, si l’on veut, de deux personnes morales juxtaposées dans le même cerveau, chacune à son œuvre et chacune à une œuvre différente, l’une sur la scène et l’autre dans la coulisse, la seconde aussi complète que la première, puisque, seule et hors des regards de l’autre, elle construit des idées suivies et aligne des phrases liées auxquelles l’autre n’a point de part. — En général, tout état singulier de l’intelligence doit être le sujet d’une monographie ; car il faut voir l’horloge dérangée pour distinguer les contrepoids et les rouages que nous ne remarquons pas dans l’horloge qui va bien. […] Cette théorie avait déjà été énoncée dans la Revue de l’instruction publique (novembre 1855 ; juillet, août et septembre 1856), puis publiée dans les Philosophes classiques au xixe  siècle en France (1856), chapitres 3, 9 et 13, puis reprise et développée dans la préface de la 2e édition du même ouvrage (1860), enfin exposée et précisée une dernière fois dans une étude sur Stuart Mill (Revue des Deux Mondes, mars 1861), qui a précédé les vues concordantes de Stuart Mill sur le même sujet.

797. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

L’Angleterre a eu Byron, comme Chateaubriand désolé et voyageur, pathétique et pittoresque, mais de plus ironique, satanique, et surtout poète en vers ; elle a eu Walter Scott, qui, rejetant le costume épique et les sujets antiques, vulgarisait toutes les nouveautés des Martyrs, le romanesque historique, le paysage historique, la couleur locale. […] Bonaparte, par les épiques promenades de ses armées, offre à Gros des sujets modernes : Abonkir, Jaffa, Eylau, les Pyramides ; et sons la contrainte de la réalité prochaine, le peintre est conduit à caractériser les types ethniques, à s’inquiéter d’une couleur locale. Il porte ce goût dans des sujets plus lointains, et la vérité familière, avec l’histoire de France, fait son entrée dans la Visite de Charles-Quint et de François Ier à Saint-Denis. […] Musset et Gautier717, d’une autre génération de collégiens, furent, selon la diversité de leurs natures, plus imprégnés, l’un de classicisme et l’autre d’antiquité ; et si le moment vint, après le débordement des fantaisies moyen âge, où l’on se reprit à traiter des sujets grecs ou romains selon l’art romantique, la restauration des études universitaires y fut pour quelque chose.

798. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

J’ai, pour écrire quelques pages sur Pascal, un désavantage, c’est d’avoir fait moi-même autrefois tout un gros volume dont il était presque uniquement le sujet. […] Son excès de travail intellectuel l’avait de bonne heure rendu sujet à une maladie nerveuse singulière qui développa encore sa sensibilité naturelle si vive. […] Quant aux autres, aux indifférents, à ceux qui sont destitués de foi vive et de grâce, « dire à ceux-là qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses qui les environnent, et qu’ils verront Dieu à découvert, et leur donner, pour toute preuve de ce grand et important sujet, le cours de la lune ou des planètes, et prétendre avoir achevé sa preuve avec un tel discours, c’est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles ; et je vois, par raison et par expérience, que rien n’est plus propre à leur en faire naître le mépris ».

799. (1864) Études sur Shakespeare

Mais les traditions les plus accréditées à ce sujet manquent et de vraisemblance et de preuves. […] Dans Vénus et Adonis, absolument dominé par la puissance voluptueuse de son sujet, le poëte semble en avoir ignoré les richesses mythologiques. […] Dans la plupart des pièces antérieures à Shakespeare, des personnages presque toujours emblématiques viennent, d’acte en acte, indiquer le sujet qu’on va représenter. […] L’homme seul est le sujet du drame ; l’homme seul en est le théâtre. […] Si Shakespeare eût eu à traiter un pareil sujet, d’ailleurs peu conforme à la nature de son génie, il eût fait d’Andromaque le centre de l’action aussi bien que de l’intérêt.

800. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

D’autres encore se sont demandé si son intention n’aurait pas été de soumettre les données de l’histoire à la systématisation de la science naturelle, et d’appliquer ainsi, bien avant qu’on l’eût inventée, la « méthode positive » à l’un des sujets qui de nos jours même la comportent sans doute le moins. […] Grâce à Montesquieu, les femmes, à leur toilette, ont cru pour la première fois comprendre le langage du droit ; et, dans les salons comme à la cour, où il avait plus d’un ami, la « jurisprudence universelle » est devenue, grâce à lui, un sujet de conversation. […] C’est ce qu’il est difficile de dire avec exactitude [Cf. sur ce sujet : Tabaraud, Histoire du philosophisme anglais, Paris, 1806 ; et Leslie Stephen, English Thought in the XVIIth Century, Londres, 1881]. […] et quel « sujet de conversation » ! […] Réflexions et maximes, passim, et Réflexions sur divers sujets, 54]. — Analogie de ces idées avec celles que Rousseau va bientôt exprimer ; — et d’où provient-elle ?

801. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

Hier c’était le voyage de Londres qui fournissait le sujet ou le prétexte, aujourd’hui c’est l’occupation d’Otaïti. […] Mais c’est un sujet pénible et où tous ont trop aisément leur part.

802. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Victor Hugo venait plaider devant le monarque, avec la franchise de son âge, de ses opinions, et un sentiment profondément respectueux de son devoir, comme sujet. […] Las des querelles de parti, presque saturés des discussions parlementaires, bien des esprits, jeunes, ardents et généreux, sans déserter leurs devoirs comme citoyens et sujets, ressentent un vif besoin de ces distractions nobles et légitimes, qui se sont liées de tout temps à la gloire de la France et à la splendeur du trône.

803. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 329-336

Le sujet en est grand, le dessein vaste, le rapport des parties bien combiné, l’expression toujours proportionnée à la dignité de la matiere. Malgré les difficultés qui se présentoient dans un Discours dont le but est de développer le chaos des temps, de suivre, pour ainsi dire, pas à pas la marche de la Sagesse divine, de rapprocher les événemens pour en faire connoître les ressorts & le terme, de présenter enfin le tableau du genre humain dans sa naissance, dans ses erreurs, dans ses crimes, dans le progrès de ses lumieres, dans sa législation, dans la réformation de ses mœurs, dans les révolutions des Empires ; le génie de Bossuet est toujours égal au sujet qu’il embrasse, & embellit les objets que leur propre grandeur sembloit mettre au dessus de l’esprit de l’homme.

804. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens » pp. 313-319

Enfin, pourquoi voit-on dans le même païs des siecles si sujets aux maladies épidemiques, et d’autres siecles presques exempts de ces maladies, si cette difference ne vient point des altérations survenuës dans les qualitez de l’air qui n’est pas le même dans tous ces siecles ? […] Je conclus donc, en me servant des paroles de Tacite, que le monde est sujet à des changemens et à des vicissitudes dont le période ne nous est pas connu, mais dont la révolution ramene successivement la politesse et la barbarie, les talens de l’esprit comme la force du corps, et par-consequent les progrez des arts et des sciences, leur langueur et leur déperissement, ainsi que la révolution du soleil ramene les saisons tour à tour.

805. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

La vie seule de Raimond Lulle est un sujet magnifique, où tout ce qui concerne cette question, obscure et brillante tout à la fois, de l’illuminisme, que la science n’a pas encore osé poser, mais qui attire et qui tourmente l’imagination moderne, trouverait aisément sa place. […] … Et notez qu’en parlant ainsi nous ne posons ni ne pressentons même aucune conclusion à l’avance sur ce sujet, d’autant plus actuel que les questions, irrépudiables maintenant, de somnambulisme, d’électricité, de magnétisme, se nouent par plus d’une racine à la question de l’illuminisme.

806. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Les livres que voici (livres de high life, s’il en fut jamais), quoique à l’adresse, par leur sujet et par le titre, d’un public d’élite et de choix, étendront, nous n’en doutons pas, une renommée qui avait commencé déjà, mais comme le jour commence, — en n’atteignant que les points les plus élevés de l’horizon, Jusqu’ici connu seulement des hommes de pensée et d’art, qui savaient ce qu’il en cachait et ce qu’il en faisait voir sous les formes gracieuses de l’homme du monde, Eugène Chapus ne s’était pas révélé au public véritable, à ce public qui, comme le Dauphin de la fable, porte parfois bien des singes sur son dos en croyant porter des hommes, mais qui est, en définitive, le soutien et le véhicule des talents sincères. […] Dans la littérature contemporaine, qui cherche des cadres et des fonds pour repousser tous les sujets et toutes les idées qui manquent de saillie, personne n’avait encore eu cette idée-là.

807. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Du premier jour, il aborda résolument son sujet par les hauteurs et par les sources, c’est-à-dire par Dante et par les origines de la Divine Comédie. […] Obligé, d’après les conditions universitaires, d’obtenir le grade de docteur-ès-lettres, Charles Labitte prit pour sujet de thèse une période fameuse de notre histoire politique, ou du moins un point de vue dominant dans cette période, et qui s’étendit aussitôt sous sa plume jusqu’à former le volume intitulé De la Démocratie chez les Prédicateurs de la Ligue (1841). […] Charles Labitte comprit dans toute leur étendue les ressources de son sujet, et s’il y avait une critique à lui adresser à cet endroit, ce serait de les avoir épuisées. […] Auguste Bernard et l’autorité qu’il s’est acquise sur le sujet me serviront d’excuse, si je me prends directement à son opinion, qui rallierait au besoin plus d’un partisan. […] Patin ; puis, bientôt, par des articles approfondis sur des auteurs de son choix, il dégagea sa propre originalité, il la porta dans ces sujets anciens, en combinant, autant qu’il était possible à cette distance, la biographie et la critique, en poussant l’une en mille sens à travers l’autre.

808. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Cet organe est « l’art de la parole, l’éloquence appliquée aux sujets les plus sérieux, le talent de tout éclaircir453 »  « Les bons écrivains de cette nation, dit leur grand adversaire, expriment les choses mieux que ceux de toute autre nation… » — « Leurs livres apprennent peu de chose aux véritables savants », mais « c’est par l’art de la parole qu’on règne sur les hommes », et « la masse des hommes, continuellement repoussée du sanctuaire des sciences par le style dur et le goût détestable des (autres) ouvrages scientifiques, ne résiste pas aux séductions du style et de la méthode française ». […] En tout sujet, il garde cette suprême discrétion, cet art d’indiquer sans appuyer, ces réticences, ce sourire qui ne va pas jusqu’au rire. « Dans ma Défense de l’Esprit des lois, disait-il, ce qui me plaît, ce n’est pas de voir les vénérables théologiens mis à terre, c’est de les y voir couler tout doucement. » Il excelle dans l’ironie tranquille, dans le dédain poli463, dans le sarcasme déguisé. […] Telle lettre d’un grand sérieux semble une comédie à leurs dépens, sans aucun rapport à nous, toute pleine des préjugés mahométans et d’infatuation orientale465 : réfléchissez : sur le même sujet, notre infatuation n’est pas moindre. […] On ne peut mettre ainsi en menue monnaie courante la religion, la légende, l’antique poésie populaire, les créations spontanées de l’instinct, les demi-visions des âges primitifs ; elles ne sont pas des sujets de conversation amusante et vive. […] À ce degré et en de tels sujets, il n’est plus qu’un effet de l’habitude et du parti pris, une manie de la verve, un état fixe de la machine nerveuse lancée à travers tout, sans frein et à toute vitesse

809. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Maurel rappelle heureusement à ce sujet ce mot de Mme de Sévigné, qui disait qu’en répondant a Je. […] Abordant ainsi le sujet à son corps défendant, c’était chose curieuse, pour un lecteur déjà poli, de l’entendre considérer les mots finement, discourir de la pureté des dictions, se demander d’où pouvait procéder, en fait de paroles, cette grande aversion contre celles qui ne sont pas dans le commerce ordinaire, dans l’usage, et en chercher la raison jusque dans les Topiques d’Aristote. […] Le Dictionnaire de l’Académie n’est-il pas un sujet d’épigrammes continuelles, mais en même temps d’attention ? […] Pour ceux qui voudraient approfondir le sujet, ne pas oublier d’y joindre l’étude essentielle intitulée : De la Méthode grammaticale de Vaugelas, par M.  […] L’homme de mérite qui prit ce sujet de thèse en 1851, excellent esprit, très-fort latiniste, et, à ce titre, devenu plus tard maître de conférences à cette même École dont il avait été un des élèves les plus distingués, est mort il y a deux ans. — Je dois recommander encore, comme non moins essentielle, la thèse de M. 

810. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

VICTOR HUGO a ce sujet. […] Tout en prenant peu de goût à cette sobriété filiale par ce coin de curiosité maligne et oblique qui est dans chacun, nous ne saurions en faire un sujet de reproche à l’écrivain consciencieux. […] Il s’est laissé fléchir en effet : j’ai pu, bien des années après, grâce à son obligeance, écrire pièces en main de complets articles sur ce sujet : Mirabeau et Sophie. […] Lerminier, après avoir dû au préalable méditer ses sujets en philosophe et en penseur, s’en est emparé tout d’un coup en artiste ; l’enthousiasme de Diderot semble avoir passé dans celui qui le célèbre et qui célèbre les trois autres ; ces quatre chapitres sont comme un poëme, en quatre hymnes, qui s’adressent tour à tour à chacun des membres de ce quaternaire sacré de la philosophie. […] Aussi nous ne lui en ferons pas un sujet de reproche, tant qu’il se contente d’augmenter et de rajeunir les immortalités révérées ; nous lui passerons même quelques impétueux éloges qui veulent trop prouver sur le côté faible des modèles, comme lorsqu’il dit de Voltaire : « Voltaire pouvait parler de Dieu, car il l’aimait ardemment.

811. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Obéissance dans l’individu, qu’il soit sujet ou citoyen. […] Cette chose, qui n’est nullement la liberté, mais qui est dignité morale dans le jeu du commandement et de l’obéissance dont se compose tout gouvernement, c’est la participation plus ou moins grande que chaque individu, esclave, sujet ou citoyen, apporte à la formation du gouvernement et des lois ; c’est le concours plus ou moins complet, plus ou moins direct de beaucoup ou de toutes les volontés individuelles dans la volonté générale, à laquelle on donne le droit du commandement et le devoir d’obéissance. […] IV Mais si on entend par ce mot de liberté la participation d’un plus grand nombre de sujets ou de citoyens au gouvernement, soit par la pensée exprimée au moyen de la presse ou dans les conseils, soit dans les élections, soit dans les délibérations, soit dans les magistrats, aucun doute alors que cet exercice du commandement social attribué par les constitutions au peuple, ne soit, quand le peuple en est capable par ses vertus et par ses lumières, une excellente condition de progrès moral, de dignité et de grandeur humaine. […] Autorité paternelle absolue, mais surveillée dans la famille pour que le commandement y soit respecté, et que l’obéissance y soit religieuse : spiritualisme légal qui fait du père un magistrat de la nature, et qui fait du fils un sujet du sentiment ! […] À trente-six ans elle prit la plume et elle écrivit ses pensées sur le sujet qui occupait le plus sa vie, la religion.

812. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Quand le roi de Danemark vint en voyage à Paris (décembre 1768), Chamfort en tirait occasion de faire une épigramme bien connue contre le duc de Duras qu’on avait chargé d’amuser le monarque ; mais il savait très bien louer ce dernier, et c’est de lui que sont ces vers qu’on récitait en plein théâtre, et dont voici le trait final : Un roi qu’on aime et qu’on révère A des sujets en tous climats : Il a beau parcourir la terre, Il est toujours dans ses États. […] Le sujet est l’amour fraternel entre les deux fils de Soliman, deux fils de lits différents et que tout devrait séparer, ambition, amour, mais qui s’aiment et qui meurent dans les bras l’un de l’autre. […] Tout ce qu’on a dit à ce sujet voulait dire : Quoi ! […] Chamfort était l’homme qui fournissait le plus d’idées et de vues à ses amis en causant ; il suffisait de le mettre sur un sujet et de l’animer un peu : « Je ne puis me refuser, lui disait Mirabeau, au plaisir de frotter la tête la plus électrique que j’aie jamais connue. » Je n’ose répéter tous les éloges de Mirabeau, qui sembleraient exagérés. […] Heureux si je pouvais, Madame, la consacrer par de nouveaux efforts, si je pouvais justifier vos bienfaits par d’autres travaux, et trouver grâce devant Votre Majesté par le mérite de mes ouvrages plus que par le choix de leur sujet !

813. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Roybet, Chaperon et Jambon auraient fixé des décors le long des murs, représentant des tableaux de toute grandeur, de tous sujets et de toute école, avec leurs cadres, et leurs intervalles : le tout dûment brossé et marouflé. […] Édouard Vuillard n’a pas de sujets plus irréels qu’un hollandais ou qu’un flamand. […] Trois ou quatre modes me semblent plus intéressants : 1º Le décor public, fresques modernes des grandes surfaces, en harmonie avec l’architecture et la destination de l’édifice ; 2º Le décor intime, utilisation des murs de nos appartements modernes pour des colorations agréables, sans le ressassement immobile d’un sujet de fait-divers ; 3º La fixation sur la toile d’impressions visuelles de peinture, sans apposition ménagère, conservée dans des châssis, ou roulée à des poulies mobiles à nos grés ; 4º L’ornementation d’objets de luxe qu’on pourrait retirer aux maroquiniers de la rue de la Paix et confier à des artistes auxquels je recommanderais personnellement la peinture sur maroquin qui nous a fait en d’autres siècles les belles reliures de maioli.

814. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Mme Edgar Quinet9 I Je m’étais bien promis de ne pas toucher encore à ce sujet…. […] J’avais résolu de ne pas traiter un sujet qui ne peut rapporter que de la douleur à qui le traite et sur lequel les opinions combattent et l’esprit de parti se déchire. […] Il ne ressemble pas à tous les autres, et même il est marqué d’un caractère si particulier, — si peu ordinaire aux bas-bleus, — que le lecteur et moi, — malgré la tristesse du sujet qu’elle traite, — nous aurons peut-être de l’agrément à nous entretenir aujourd’hui de Mme Quinet.

815. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

En effet, si nous en jugeons par le titre de leur ouvrage l’Histoire de la Société française pendant la Révolution 14, ils n’ont pas craint d’aborder pour leur début un de ces sujets dont l’importance et la difficulté eussent pu désespérer beaucoup d’esprits d’une vigueur déjà éprouvée. […] Et pourtant ces deux jeunes gens, qui n’ont pas craint de se mesurer avec un sujet formidable et de s’adonner au seul genre d’histoire, l’histoire des mœurs, que Malebranche ne méprisait pas, ces deux jeunes gens, de si bonne volonté et de tant de courage, ne manquent, croyez-le bien ! […] Il n’y est pas question seulement de la bonne compagnie de la France (sujet délicieux à traiter pour des plumes très fines et très sveltes) ; il y est question de la mauvaise encore davantage.

816. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

II C’était cependant un beau livre à faire, et presque un sujet vierge à traiter et à féconder ! […] Quand les historiens ont montré cela, ils ont tout montré, à ce qu’il semble ; Ils ont épuisé le sujet. […] Il a rapetissé, étriqué, étranglé son sujet, et il en a ratatiné le cadavre.

817. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Cousin, qu’on peut appeler le grand Cousin quand on le compare aux petits philosophes dont il fut le père, s’est contenté de déterrer le Sic et non d’Abélard, mais il n’a pas fait de drame sur ce romanesque philosophe, et il a laissé ce soin et ce sujet à l’admiration de Charles de Rémusat, qui, après avoir été l’historien d’Abélard, a voulu encore en être le poète. […] C’est très bien, très convenable, mais cela ne respire ni l’amour sacrilège, ni les affreux regrets des passions coupables, ni la rapide corruption du péché, ni la nature humaine outragée, rien enfin de ce que Shakespeare, par exemple, y aurait mis, si ce sujet d’Héloïse et d’Abélard était tombé dans ses terribles mains… Je te plains de tomber dans ses mains effroyables, Ma fille ! […] Ce qui serait nouveau, par exemple, si on n’avait pas publié déjà des chansons de Charles de Rémusat, c’est le chansonnier de ce drame, qui, tout à coup, y pousse, au milieu de tout ce bavardage pédantesque qui devrait l’empêcher d’y pousser ; c’est le vaudeville inattendu dans ce livre grave, le vaudeville même grivois et vieux mauvais sujet !

818. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Ils avaient grandi de la grandeur de leur sujet. […] Ils en avaient le droit… Seulement il faut porter dans les sujets bas des facultés d’autant plus hautes qu’ils sont plus bas, et que l’idéal dans le laid et dans le mauvais est aussi difficile à atteindre que dans le beau et dans le bon, et peut-être qu’il l’est beaucoup plus. […] Comparez, en effet, Les Hommes de Lettres de MM. de Goncourt au Grand Homme de province à Paris, qui est le même sujet, avec des idées de plus et une distribution différente.

819. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Même dans cette fameuse et coupable Mademoiselle de Maupin, ce sujet flétrissant, que l’auteur n’a peut-être abordé dans sa jeunesse que par amour de la difficulté vaincue, l’indécence, froide et maniérée sous le relief et le luxe des mots, manque de la vraie chaleur de la vie, et le danger d’un pareil livre vient bien moins de ce qu’on le lit que de ce qu’on le prend pour le lire. […] Gautier dans un sujet comme Mademoiselle de Maupin, je demande ce qu’il devait en être dans un sujet de roman d’une réalité plus saine, et où il ne s’agirait que de sentiments naturels ?

820. (1881) Le naturalisme au théatre

Un critique ne peut condamner d’un mot le choix des sujets historiques, malgré toutes ses préférences personnelles pour les sujets modernes. […] le sujet m’importe peu. […] Poupart-Davyl, en l’accusant d’avoir gâché un bon sujet. […] Eh bien, cette transformation tue le sujet. […] Il ne s’agit que de choisir les sujets où l’on peut la dire.

821. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Encore une fois, on ne peut hasarder à ce sujet que des hypothèses. […] La description d’un Moi est décidément un sujet trop mince. […] D’où le poète tirera-t-il son idée initiale, qui est le sujet même de son œuvre ? […] Le sujet est enfin choisi. […] C’est un des traités les plus complets qui aient été publiés sur ce sujet.

822. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Quelle renonce donc à ces sujets !  […] — Il est honorable en France d’être mauvais sujet. […] Cousin était tel dans les sujets littéraires qu’il aimait et qu’il traitait : il ne souffrait point, je ne dirai pas de rivalité, mais de voisinage. […] Mais lui, une fois amoureux de ses sujets, n’entendait point y avoir été devancé par personne ; il prétendait bien les avoir découverts : il fit tout pour le faire croire au public. […] Un homme délicat, s’il daignait entrer dans les motifs qui me déterminèrent, trouverait sujet à me féliciter plutôt qu’à rire : mais M. 

823. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Cela est assez vraisemblable, à en juger par la vivacité furibonde qu’il montre à ce sujet dans ses lettres : Si ce Gazetier (c’est ainsi qu’il l’appelle toujours) n’était soutenu de l’Éminence en tant que nebulo hebdomadarius (ces mots de polisson, de fripon à la semaine, reviennent sans cesse sous la plume de Gui Patin, il est vrai que c’est en latin qu’il les dit), nous lui ferions un procès criminel, au bout duquel il y aurait un tombereau, un bourreau, et tout au moins une amende honorable : mais il faut obéir au temps. […] Mais Renaudot n’était pas facile à émouvoir sur ce point ; il croyait à l’utilité de ses diverses innovations et de ses établissements, à celle de sa Gazette entre autres, et il s’en faisait gloire : Mon introduction des Gazettes en France, écrivait-il en 1641, contre lesquelles l’ignorance et l’orgueil, vos qualités inséparables, vous font user de plus de mépris, est une des inventions de laquelle j’aurais plus de sujet de me glorifier si j’étais capable de quelque vanité… ; et ma modestie est désormais plus empêchée à récuser l’applaudissement presque universel de ceux qui s’étonnent que mon style ait pu suffire à tant écrire à tout le monde déjà par l’espace de dix ans, le plus souvent du soir au matin, et des matières si différentes et si épineuses comme est l’histoire de ce qui se passe au même temps que je l’écris, que je n’ai été autrefois en peine de me défendre du blâme auquel toutes les nouveautés sont sujettes. […] Et, débordant sur ce sujet, cet homme d’école s’écrie dans un dernier accès de fierté et de superbe plus doctorale que philosophique : Tous les hommes particuliers meurent, mais les compagnies ne meurent point. […] Cette allusion à la ville de Loudun revient sans cesse à son sujet : « Nebulo hebdomada rius de patria Diabolorum.

824. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

À un an de là, à la Malmaison, en janvier 1801, le premier consul disait aux sénateurs Laplace et Monge, et à Roederer, au sujet même des injures qu’on s’était permises au Tribunat contre le Conseil d’État pour la loi sur les tribunaux spéciaux : « Je suis soldat, enfant de la Révolution, sorti du sein du peuple : je ne souffrirai pas qu’on m’insulte comme un roi. » Il disait dans un autre moment : « Il faut que le peuple français me souffre avec mes défauts, s’il trouve en moi quelques avantages : mon défaut est de ne pouvoir supporter les injures. » Vers le même temps à Paris, toujours au sujet de la même affaire, comme Roederer lui disait : Les parlements autrefois parlaient toujours aux rois dans leurs remontrances des conseils perfides qui trompaient Leur Majesté, mais leurs séances n’étaient pas publiques. — Et d’ailleurs, reprenait vivement le premier consul, ces choses-là les ont renversés ; et moi j’ose dire que je suis du nombre de ceux qui fondent les États, et non de ceux qui les laissent périr. […] À ce sujet, le premier consul, dans cette conversation du 7 mars, disait encore : Je crois bien que, si le ministre de l’Intérieur était meilleur, que, si vous l’étiez, l’esprit public serait meilleur. […] Roederer, lorsqu’il fit plus tard ses comédies historiques sur la Ligue et autres sujets, d’après le président Hénault, et avant M.  […] Cette activité, longtemps dispersée sur toutes sortes de sujets dont aucun ne lui paraissait ingrat, s’est retrouvée la même à la fin sur d’autres sujets purement agréables et parfaitement désintéressés.

825. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Moreau, de la bibliothèque Mazarine, apportant sur ce sujet une critique exacte et bienveillante, a depuis considéré Saint-Martin dans le fond même et le principe de ses doctrines, et s’est attaché à montrer comment il avait servi la vérité à son heure, et en quoi aussi il y avait manqué, en quoi c’était un chrétien peu orthodoxe, un hérésiarque qui en rappelle quelques-uns du temps d’Origène46. […] Il n’en tenait compte : « Les femmes même les plus honnêtes, dit-il, n’ont pas pu deviner ce que c’était que mon cœur ; voilà pourquoi elles n’ont pas pu se l’approprier. » Et il en donnait pour raison que ce cœur était « né sujet du royaume évangélique » ; et sur ces cœurs-là les sens ni la tête n’y peuvent rien ; il ne leur faut que le pur amour. Un jour, il avait vingt-deux ans, il allait rejoindre le régiment de Foix à Bordeaux ; se trouvant dans une auberge, à Poitiers, avec un officier d’un autre corps qui avait trente-six ans, il fut d’un étonnement extrême de voir cet homme faire encore le galant auprès du sexe et le séducteur ; il ne pouvait se persuader qu’à trente-six ans ces façons de jeunesse ne fussent point mises de côté pour des soins plus sérieux, et il dit à ce sujet des choses d’une grande innocence peut-être, mais d’une belle et pure élévation. […] Il aurait pu y mettre en épigraphe cette pensée de lui : « J’ai vu, au sujet des vérités si importantes pour l’homme, qu’il n’y avait rien de si commun que les envies, et rien de si rare que le désir. » Quand on songe que ce dernier ouvrage, L’Homme de désir, paraissait en regard des Ruines de Volney, on sent que le siècle, à ce moment extrême, était en travail, et qu’en même temps qu’il donnait son dernier mot comme négateur et destructeur, il lui échappait une étincelle de vie qui, toute vague qu’elle était, disait que l’idée religieuse ne pouvait mourir. […] — Tout ceci n’est pas hors de propos quand il s’agit de Saint-Martin, dont la douceur et l’humilité sont du même ordre et doivent être sujettes aux mêmes réserves.

826. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Je me suis fait une obligation de relire quelques-uns des jugements de la critique française contemporaine à ce sujet, notamment ce qu’en a dit, dans ses Salons de 1831 et de 1833, un écrivain fort surfait et à qui sa morgue a tenu lieu quelque temps d’autorité. […] L’humanité se montre chez lui bien naïvement aussi, dans l’anecdote suivante ; il aurait pu faire la Fille du régiment, comme il a fait le Chien du régiment ; il aimait mieux pourtant n’avoir pas à traiter ce nouveau sujet de tableau : « Dis à Jazet14 que je lui rapporte une vigoureuse collection de sujets. […] On le voit, si Horace Vernet parut dans quelques sujets bien sentimental, c’est qu’il avait réellement en lui du sentiment. […] Dès qu’il voit un sujet qui lui dit quelque chose, il s’en empare, et nous sommes encore à examiner si ce qu’il traite est réellement beau, digne d’éloge ou de blâme, qu’il a déjà fini et est depuis longtemps occupé à quelque œuvre nouvelle ; c’est un homme qui vous déroute complètement dans toutes vos règles de jugement esthétique.

827. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Comment traduire en effet, à l’usage de tous, cette quantité de petites pièces qui exigent tant d’explications, de notes, une connaissance si particulière, et dont quelques-unes, par leur sujet, semblent si impossibles dans nos mœurs, et si faites à bon droit pour éloigner ? […] je sais bien que cela même a pu donner quelques regrets à de doctes et fins esprits qui craignent de voir profaner ce qu’ils aiment, de voir pratiquer une grande route à travers un bois sacré. « Pour moi, j’aimais à m’y perdre, m’écrit à ce sujet un de ces fins dilettanti de l’Antiquité, et si je ne savais pas bien en reconnaître les fleurs, je sentais au moins quelque chose de leur parfum. […] Pourtant, si Léonidas n’avait traité que de tels sujets, il y aurait lieu de regretter qu’il fut venu en un temps où la grande carrière était fermée, et que la misère l’eût confiné à des emplois si humbles. […] Vous voulez, messieurs, qu’on vous serve du miel de l’Hybla ou de l’Hymette, et vous n’offrez à l’abeille attique que du thym de Corse ou de Sardaigne. » Mais Léonidas, heureusement pour lui, nous a montré quelquefois ce qu’il pouvait dans les sujets plus élevés ou plus délicats. […] Le nom de Léonidas n’a point sombré, et les dons mêmes des Muses me préconiseront pour tous les soleils à venir. » Il se promettait hardiment l’immortalité ; il se chantait à lui-même son Exegi monumentum ; chaque poète est sujet à se le chanter.

828. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Difficile et insoluble question : sujet de méditation éternelle. […] On avait cependant à s’entretenir, à s’entendre, à discourir sur toutes sortes de sujets ; les moines et les clercs parlaient toujours latin assez correctement, le latin d’autrefois : mais le peuple, mais les prêcheurs qui s’adressaient journellement aux populations des villes ou des campagnes, mais les rois et les barons qui traitaient entre eux de leurs affaires avaient besoin d’une langue commune ; et, tout en la dénaturant à qui mieux mieux, ils la faisaient. […] Et il me plaît ici, pour diversifier ce sujet un peu grave, de montrer une petite scène d’intérieur, de soulever un coin de la tapisserie qui dérobait la toilette d’une dame de haute qualité au Moyen-Âge. […] Une scène de roman va nous édifier à ce sujet, et si agréablement que nous ne l’oublierons plus. […] En un mot, on peut dire de lui ce que je crois avoir lu quelque part, au sujet d’un maître d’autrefois, qu’il tient également bien   Le compas, le crayon, la truelle et la plume.

829. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Il sentait tout le premier le besoin d’aller au-devant des objections qu’on n’exprimait pas, de rectifier votre idée à son sujet et, au lieu du Jomini de prévention qu’on se figurait peut-être, d’expliquer le Jomini véritable et réel qu’il était. […] Jomini, dans cet ouvrage, s’est donné le plaisir de faire parler sur son propre compte Napoléon et de lui prêter à son sujet les expressions indulgentes qu’il aurait lui-même désirées. […] Question toujours pendante… Mais ceci s’écarte de notre sujet. […] Au tome XII, page 287, au sujet du décret qui renversa en 1800 le directeur La Harpe et le directoire helvétique, on lit : « Nous sommes autorisé à croire que la réaction qui l’exclût du gouvernement fut instiguée par la France. » 62. […] Je ne crois pas m’écarter de la pensée de Jomini en signalant deux ouvrages publiés sur ce sujet de la guerre de 1866, et dus l’un et l’autre à des écrivains militaires qui étaient de sa familiarité et de son école : le premier et de beaucoup le plus considérable, qui a pour titre : Guerre de la Prusse et de l’Italie contre l’Autriche et la Confédération germanique en 1866 : Relation historique et critique, par le colonel fédéral Lecomte (2 vol. 1868) ; — et l’autre écrit plus court et en forme de discussion, intitulé La Guerre de 1866, par le major belge Vandevelde (1 vol. de 211 pages, 1869).

830. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Il y aurait une manière bien simple, bien commode, et à la fois bien juste, de recommander ces volumes ; nous nous hâterions de dire qu’à une grande variété de sujets sur lesquels le critique a répandu tous les assortiments d’une érudition exacte et fine, se joint le mérite d’un style constamment net, rapide, élégant ; que la nouveauté des points de vue n’exclut en rien les habitudes et les souvenirs de la plus excellente et de la plus classique littérature ; que l’ancienne critique s’y trouve toute rajeunie, en ayant l’air de n’être que continuée. […] Magnin a une qualité à lui, quand il traite d’un sujet et d’un livre, une qualité que possèdent bien peu de critiques, et qui est bien nécessaire pourtant à l’impartialité : c’est l’indifférence. […] Sur une foule de points et de sujets, lui, sorti primitivement du giron classique et fidèle à bien des préceptes d’autrefois, il s’est trouvé l’un des plus avancés et des plus osés, l’un des moins prévenus contre l’idée ou la forme survenante, un des plus accueillants et des plus patients des chercheurs. […] Il est des critiques qui entrent et tombent, pour ainsi dire, dans un sujet comme un fleuve qui descend des montagnes : les masses, les points de vue, les horizons, distinguent, encadrent et accentuent de toutes parts le paysage. […] Un jeune homme soumettait à La Harpe le manuscrit d’une tragédie de Marie Stuart ; La Harpe lut la pièce et répondit : « Votre pièce est assez bien écrite, mais le sujet n’est nullement propre au théâtre ; s’il l’était, Voltaire ou moi nous nous en serions emparés. » Voltaire ou moi !

831. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Taschereau a eu pour but de recueillir et de lier tout ce qui nous est resté de traditions sur la vie de ces illustres auteurs, de fixer la chronologie de leurs pièces, et de raconter les débats dont elles furent l’occasion et le sujet. […] Les savants et les réguliers faisaient à ce sujet la guerre aux déréglés et aux ignorants. […] Vous trouverez dans les Espagnols des sujets qui, traités dans notre goût par des mains comme les vôtres, produiraient de grands effets. […] Il avait quarante-sept ans ; il venait de traduire en vers les premiers chapitres de l’Imitation de Jésus-Christ, et voulait consacrer désormais son reste de verve à des sujets pieux. […] Ses Discours et ses Examens nous donnent sur ce sujet mille détails, où se révèlent les coins les plus cachés de l’esprit du grand Corneille.

832. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Tant de travail et tant de forces qui s’y emploient, une si étroite union de l’œuvre et de l’ouvrier, seraient-ce donc seulement de vains sujets pour des éloges académiques ou de la pâture pour le paradoxe ? […] Il n’en veut pas à ses originaux, même à ceux de la pire espèce, et, comme Tacite, à qui ne déplaisaient pas les sujets sombres où il excelle, il ne hait pas ce qu’il peint avec tant de bonheur. […] C’est cette ressemblance nécessaire des styles, dans la différence des sujets ou du génie particulier des grands écrivains, qui fait la beauté de notre littérature : c’est l’unité de la langue dans la diversité des écrits. […] Toujours occupé du soin de plaire au lecteur, il se défie de la variété naturelle de son sujet, et il prodigue les artifices pour diversifier la variété elle-même. […] Chassang, peut devenir le sujet d’une intéressante étude. » Et il ajoute : « On y verra l’essai et pour ainsi dire la première épreuve de ces tours ingénieux et variés qui abondent dans le livre des Caractères. » (Œuvres complètes de J. de la Bruyère, 1876.

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