Il y a dans ce volume de vingt saynètes de quoi faire rêver ceux qui songent au mariage ; heureusement, M. […] — ne peut songer, devant cette impitoyable et tragique image, qu’à ce qu’il sera demain peut-être, un supplicié. […] » Et la pauvre tante restée seule, songe avec un attendrissement blessé : « Pauvre petit méchant ! […] Tu devrais songer à ta mère ! […] » Quel beau songe et quel cruel réveil !
Ces administrateurs de la poésie officielle eurent bien vite le pressentiment du talent futur de ce jeune homme ; ils songèrent à l’accaparer pour le parti du gouvernement par une de ces petites places qui soldent mal, mais qui enrégimentent souvent pour toujours le génie indigent. […] Le poète ne songeait évidemment alors, comme tout le monde, qu’à panser les plaies de la France et de l’Europe et qu’à rallier tous les combattants pacifiés dans une concorde patriotique. […] Sans plus songer à la gloire, Dormons au sein des plaisirs. […] merci, leur disait-il ; amusez-vous bien aujourd’hui, mais songez à demain. […] Je songe à vous le jour et la nuit. » Je le remerciai et je le rassurai en lui affirmant que, si la Providence me laissait encore quelques heures de travail avant le soir, j’étais sûr de suffire à tout et de ne laisser personne dans la peine ou dans l’embarras après moi, et j’entrai avec lui dans quelques détails de coin du feu. « Ah !
Mme Valmore s’est fait une place à part entre tous nos poëtes lyriques, et sans y songer. […] Ici rien de si merveilleux tout à fait, puisque la mère elle-même était blonde ; pourtant, puisqu’elle n’eut que cet enfant de sa couleur, c’est, on le crut, qu’elle songea davantage à la Vierge, à la blonde patronne du logis, en la portant. […] Puis, quand on vient à songer quel mal infini eût de tout temps à se soutenir et à subsister cette famille d’élite et d’honneur, ce groupe rare d’êtres distingués et charmants, comptant des amitiés et, ce semble, des protections sans nombre, chéris, estimés et admirés de tous, on se demande ce que c’est que notre civilisation si vantée ; on rougit pour elle.
Il était naturel qu’après ces veines heureuses, la Comédie-Française songeât, à l’aide du jeune talent qu’elle possède, à toucher comme d’un aimant les œuvres d’un répertoire plus moderne, déjà négligé, et qu’un succès solennel avait consacrées une fois. […] Oui, je dormais, oui, d’un doux songe Mon cœur se berçait enchanté. […] Mais il parle : adieu, songe vain !
Pour moi, ce me semble, il n’est qu’une manière un peu précise de songer à la postérité quand on est homme de lettres : c’est de se reporter en idée aux anciens illustres, à ceux qu’on préfère, qu’on admire avec prédilection, et de se demander : « Que diraient-ils de moi ? […] Celui de tous les peuples qui a le plus songé à la gloire et qu’elle a le moins trompé, celui de tous les poëtes qu’elle a couronné comme le plus divin, les Grecs et Homère, appelaient la postérité et les générations de l’avenir ce qui est derrière (οί όπίσω), comme s’ils avaient réellement tourné le dos à l’avenir, et du passé ils disaient ce qui est devant. […] de la vie terrestre, de cette sorte de vision aussi qu’on a non moins justement appelée le songe incompréhensible.
Il songe : « Si je pouvais dire maintenant : — Seigneur, ayez pitié de moi ! […] Les personnages supérieurs, chez Sand et Hugo, songent plus au bonheur de l’humanité qu’à leur propre perfectionnement moral. […] Toutefois, en la reconnaissant, il faudra songer à la refaire et à la garder nôtre.
Quand on songe que tout le mouvement intellectuel accompli jusqu’ici a été réalisé par des hommes malheureux, souffrants, harcelés de peines intérieures et extérieures, et que nous-mêmes nous en recueillons la tradition, d’un cœur agité, au milieu des craintes et des angoisses, on prend en meilleure estime cette nature humaine, capable de poursuivre si énergiquement un objet idéal. […] Je suis quelquefois tenté de verser des larmes quand je songe que, par la supériorité de ma religion, je m’isole, en apparence, de la grande famille religieuse où sont tous ceux que j’aime, quand je pense que les plus belles âmes du monde doivent me considérer comme un impie, un méchant, un damné, le doivent, remarquez bien, par la nécessité même de leur foi. 489] Fatale orthodoxie, toi qui autrefois faisais la paix du monde, tu n’es plus bonne que pour séparer. […] aujourd’hui, je ne me repens pas de cette parole et je redis volontiers : « Dominus pars haereditatis meae », et j’aime à songer que je l’ai prononcée dans une cérémonie religieuse.
… Quel était votre chemin, délicat artiste, subtil et charmeur, caressant, si moderne en vos sensualités et vos mysticismes attifés ; de vous sont les sensations mièvrement féminines, et très nôtres, très actuelles, très parisiennes : des rêveries, des poèmes d’un songe printannier, une chanson de passant, des poèmes d’amours, une fête napolitaine, un soir d’Alsace que vous avez rêvé en votre esprit d’affiné, des danses de bayadères-pierrettes, des soupirs de Madeleines en satins et soies, une sensation ; et quelque action imaginaire et impossible, que l’on suive, yeux demi clos, dans le confort d’une heure joyeuse ; quelque chimérique action où s’enrouleraient les chœurs et les belles cavatines, les marches, les ballets qui de votre pensée diraient mieux les gentillesses, — un moderne opéra, Papagena ou Manon, — les fines émotions d’une vie légère, légèrement créée, — et jamais Wotan, ni Tristan, ni Kundry. […] il demeure en une perception amortie de vous ; le temps s’embrouille, l’espace s’embrume en chaos de végétations ; et il songe d’il ne sait quelles piétés, quelles souffrances ; il songe obscurément de religiosités et de douleurs ; un sommeil mental est en la rigidité des chairs ; l’âme est ensommeillée ; elle ouit comme une qui sommeillerait ; et c’est, en cette âme, un très lointain écho des entourants cantiques mêlés de silences, des emmêlés cantiques, pieux, lamentants et virginaux.
Ils avaient fort peu étudié les origines phéniciennes ; ils n’avaient songé qu’à écraser Carthage ; et tous les monuments littéraires de ce peuple malheureux périrent avec lui par la farouche incurie du vainqueur. […] On voit que Denys d’Halicarnasse, non plus que Tite-Live, ne songèrent point à discuter les monuments et les origines, à pénétrer le sens primitif des fables, et qu’ils se bornèrent à consacrer historiquement les contes populaires sur la fondation et sur les premiers temps de Rome. […] Le professeur d’analyse de l’entendement n’avait songé non plus qu’à prendre Rousseau pour auxiliaire, quoiqu’il fût évident que la véritable pensée du philosophe de Genève n’était point renfermée dans son Discours sur l’Inégalité des conditions.
Puis je me suis mis à songer, non sans tristesse, à ce qu’il a fallu d’efforts, de bégayements, pour amener et rendre possible sur notre scène cette reproduction à peu près fidèle ; je repassais dans mon esprit et ces anciens combats et ces discussions si animées, si ferventes, dont rien ne peut rendre l’idée aujourd’hui ; ces-études graduelles qui faisaient l’éducation de la jeunesse lettrée, et par où l’on se flattait de marcher bientôt à une pleine et originale conquête ; je me redisais les noms de ces anciens critiques si méritants, si modestes et presque oubliés, de ces précepteurs du public qui, tandis que les brillants Villemain plaidaient de leur côté dans leur chaire, eux, expliquaient dans leurs articles et serraient de près leur auteur, le commentaient, pied à pied avec détail ; les Desclozeaux, les Magnin nous parlant dans le Globe, dès 1826 ou 1828, de ces pièces admirables dont bientôt nous pûmes juger nous-mêmes sous l’impression du jeu de Kean, de Macready, de miss Smithson, et nous en parlant si bien, dans une note si juste, si précise à la fois et si sentie. […] Songez qu’il n’y a jamais eu de temps en France où le trône ait été entouré de plus d’honnêtes gens : voilà d’abord un bon oreiller pour votre tête.
Il serait juste, pour apprécier tout le degré de mérite de ces premiers dessins d’Horace Vernet, de songer à ce qu’était alors l’art lithographique et à l’inexpérience de reproduction dont le talent avait à triompher. […] Je continue de tourner les feuillets, j’achève mon volume d’estampes : des chevaux de poste anglais, des chevaux de fermes français ; des scènes de chasse, la plupart bourgeoises ; puis les portraits de nos célébrités du temps, le général Foy, Chauvelin, Talmà (rôle de Syilà dans le songé), Perlet (rôle de Rigaudin de la Maisoneh loterie) ; Mohammed-Ali, vice-roi d’Égypte, qui commençait à être populaire en France ; le général Quiroga ; — un très-beau dessin de Louvel, l’assassin du duc de Berry.
Il y a dans vos lettres un ton de hauteur dont je ne songe pas à être blessé, car il est adorable. — Ce que je penserai de vous ? […] L’amour sans l’estime est un amour qui ne songe pas à vous et qui ne vous regarde pas.
Près d’elle, grâce à je ne sais quelle particularité obscure, ce roi de 22 ans n’osait être un homme ; il ne paraissait pas songer à donner au trône un héritier. […] Marie-Antoinette qui ne vient qu’en second, comme elle nous a dit, ne songe pas à en détourner Louis XVI ; elle n’est pas assez convaincue elle-même pour cela, ni assez pénétrée des nécessités de l’opinion.
La première histoire s’appelle Le Songe de Lisette. […] Mme de Gasparin n’a pas cru devoir en mettre ; elle a puisé à pleines mains autour d’elle dans sa langue romande, dans cette riche flore rustique dont elle est éprise et où l’on dirait qu’elle se plonge à cœur-joie ; elle a moins songé à nous agréer qu’à se satisfaire.
C’est ainsi encore qu’à la page 256 une faute de ce genre se reproduit : « Cette mère dénaturée, au lieu d’être touchée de tant de générosité, ne songea qu’à spéculer sur sa prolongation… » Le soin que je mets à signaler en détail ces points inexacts montre combien ils sont peu nombreux ; mais il importe qu’il n’y en ait pas trace dans un si beau et si pur talent d’écrivain. […] J’essayai, sans le flatter, de le dépeindre par les meilleurs côtés, et les plus acceptables, de sa brillante et militante éloquence : si l’on veut lion se reporter au moment et songer que c’était dans le Constitutionnel que paraissait cet article à son sujet, on y verra doublement le désir de lui ètre agréable.
La vogue des Messéniennes devait porter naturellement le jeune auteur vers d’autres applaudissements : Casimir Delavigne y avait de tout temps songé. […] Le personnage de Mme Sinclair, de cette mère vaine et légère qui entraîne et compromet sa fille sans le vouloir, sans y songer, n’est pas le moins piquant de vérité.
Mme de Sévigné, libre à cet âge, avec un fils et une fille, ne songea pas à se remarier. […] On a beaucoup dit que Mme de Sévigné soignait curieusement ses lettres, et qu’en les écrivant elle songeait, sinon à la postérité, du moins au monde d’alors, dont elle recherchait le suffrage.
M’est-il permis le baiser de l’enfant, Ce vague oubli qu’en le berçant prolonge Ma solitude, et, la nuit, dans un songe L’enfant Jésus reparu plus souvent ? […] » — Elle vit l’humeur au front du sphinx redoutable : Si je réponds oui, songea-t-elle, il dira : C’est une sotte ; si je réponds non, il y verra de l’insolence… — « Oui, sire, répondit-elle, on y aime la France…, comme les vieilles femmes aiment les jeunes. » La figure de l’empereur s’éclaira : « Oh !
Il faudrait, au reste, apporter à ceci bien des nuances correctives, si l’on songe que la zone doctrinaire s’étendait, à partir de M. […] Elle ne songeait nullement alors à écrire.
Avec la salle des Confrères, les comédiens avaient loué leurs décorations : le renouvellement des sujets ne porta point d’abord atteinte aux traditions scéniques, et Hardy ne songea point à construire sa Didon ou sa Marianne autrement qu’il n’eût découpé une Vie de sainte Catherine ou une Histoire d’Amadis. […] Corneille n’a pas songé — il ne le pouvait guère — à ressusciter le vrai Cid, le rude ambitieux et cupide baron du xie siècle, le mercenaire cruel et pillard qui souvent combattit les chrétiens et servit les Musulmans, l’indocile vassal qui fut trois fois exilé par son roi, et fièrement se lit une souveraineté dans Valence conquise.
Ne songeons pas que Marivaux avait trente-cinq ans à la mort du Régent, et qu’ainsi les années décisives pour la formation de son esprit ont été des années de licence sans frein et de joyeuse corruption : les traits caractéristiques des mœurs du xviiie siècle ne se reconnaissent pas dans ses peintures. […] Mais songeons, pour être justes, aux acteurs campés devant le trou du souffleur, parlant au parterre sans regarder leur interlocuteur, ronronnant leurs tirades avec un rythme et des gestes convenus : nous comprendrons le progrès que représentait un Greuze mis à la scène.
Delécluze avait creusé davantage dans son sujet, il se serait demandé par quel procédé de style l’auteur du Roi Lear et du Songe d’une nuit d’été fait ainsi travailler l’imagination de ses lecteurs. […] Il aurait fallu deux cents vers dans l’ancien système pour répandre toutes ces images ; ou plutôt il aurait été impossible de les accumuler ainsi : l’habitude même de la forme aurait empêché le poète d’y songer ; car l’ancienne forme répugnait tellement à cette profusion, que jamais vous ne trouverez dans un poète du Dix-Septième ou du Dix-Huitième Siècle plus de deux comparaisons pour une même idée.
Gide un mince éloge — il me fait songer à La Bruyère corrigeant Tartuffe en Onuphre. […] Henry Bordeaux nous explique gravement : « C’est la fin d’une race de déracinés. » Et je suppose qu’avant d’écrire cette phrase péremptoire, il avait longuement songé aux Américains du Nord, pauvre race transplantée qui se meurt d’impuissance et d’anémie.
Ce fut un de ces heureux esprits qui passent leur vie à penser, à converser avec leurs amis, à songer dans la solitude, à méditer quelque grand ouvrage qu’ils n’accompliront jamais et qui ne nous arrive qu’en fragments. […] Il étonne au premier abord, il satisfait le plus souvent quand on y songe.
Dans cette patrie de Bossuet, en vue de la colline où naquit saint Bernard, il ne songeait pas encore qu’il aurait un jour affaire à ces grands noms, et qu’il briguerait son rang dans leur descendance. […] Sous la figure de l’abbé de Janson, il a peint lui-même, à son insu, quelques traits de sa propre nature, de sa propre ambition spirituelle d’apôtre : « L’apostolat, dit-il, qui était sa vraie, son unique vocation, le tourmentait et l’emportait dès les premiers jours de son sacerdoce. » On était à la fin de l’Empire : M. de Janson cherchait une carrière à son zèle, un champ pour y semer la parole, et n’osant songer à la France, alors muette, il errait en esprit de l’Amérique à la Chine, de la Chine aux bords du Gange : Tout à coup, au sein même de la patrie, poursuit l’orateur, un cri prodigieux s’élève : le descendant de Cyrus et de César, le maître du monde, avait fui devant ses ennemis ; les aigles de l’Empire, ramenées à plein vol des bords sanglants du Dniepr et de la Vistule, se repliaient sur leur terre natale pour la défendre, et s’étonnaient de ne plus ramasser dans leurs serres puissantes que des victoires blessées à mort.
En l’écrivant, Vauvenargues ne songeait certes pas à faire son portrait ; mais il se retraçait et se proposait son plein idéal à lui-même : Quand je trouve dans un ouvrage une grande imagination avec une grande sagesse, un jugement net et profond, des passions très hautes, mais vraies, nul effort pour paraître grand, une extrême sincérité, beaucoup d’éloquence, et point d’art que celui qui vient du génie, alors je respecte l’auteur : je l’estime autant que les sages ou que les héros qu’il a peints. […] « Avant d’attaquer un abus, pensait-il, il faut voir si on en peut ruiner les fondements. » C’est à quoi les philosophes du xviiie siècle songèrent trop peu, et ils ne se demandèrent jamais, comme lui, s’il n’y a pas « des abus inévitables qui sont des lois de la nature ».
Lisez Le Songe d’un habitant du Mogol ; ce sera de même : la fable n’y est rien ; elle se rattache par un fil des plus légers à la réflexion, à la rêverie finale où s’égare le poète. […] Il avait terminé l’un des livres de ses Fables par ces vers, qui pourraient être plus forts d’expression, mais qui sont pleins de sentiment et de philosophie, et qu’il a intitulés Le Voyage : Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte, Sans songer seulement à demander sa route, Aller de chute en chute, et, se traînant ainsi, Faire un tiers du chemin jusqu’à près de midi ; Voir sur sa tête alors s’amasser les nuages, Dans un sable mouvant précipiter ses pas, Courir, en essuyant orages sur orages, Vers un but incertain, où l’on n’arrive pas ; Détrompé, vers le soir, chercher une retraite, Arriver haletant, se coucher, s’endormir, On appelle cela naître, vivre et mourir : La volonté de Dieu soit faite !
Qu’il nous permette d’ajouter que la grandeur et l’élévation dont il fait preuve si aisément, et qui lui sont familières, amènent bientôt quelque froideur ; il n’a pas assez d’émotion et de ces cris qui font songer qu’on est un homme d’ici-bas ; il n’a pas assez de ce dont M. de Musset a trop64. […] Non loin, quelques bœufs blancs, couchés parmi les herbes, Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais, Et suivent de leurs yeux languissants et superbes Le songe intérieur qu’ils n’achèvent jamais.
Pendant les négociations de la paix des Pyrénées, Mazarin, s’entretenant avec le Premier ministre d’Espagne, don Louis de Haro, lui parlait des femmes politiques de la Fronde, de la duchesse de Longueville, de la duchesse de Chevreuse, de la princesse Palatine, comme étant capables chacune de renverser dix États : — Vous êtes bien heureux en Espagne, ajouta-t-il ; vous avez, comme partout ailleurs, deux sortes de femmes, des coquettes en abondance, et fort peu de femmes de bien : celles-là ne songent qu’à plaire à leurs galants, et celles-ci à leurs maris ; les unes ni les autres n’ont d’ambition que pour le luxe et la vanité ; elles ne savent écrire, les unes que pour des poulets, les autres que pour leur confession : les unes ni les autres ne savent comment vient le blé, et la tête leur tourne quand elles entendent parler d’affaires. […] Cependant, oubliant nos intérêts communs, elle s’est livrée tout entière à une inimitié que j’ignorais, et n’a songé qu’à contredire ceux qui ont été chargés de nos affaires.
Il vaudrait mieux ne songer qu’à la guerre, à vaincre les ennemis, et penser qu’en le faisant, on suit la volonté de Dieu. […] On sait que, la charmante reine à laquelle elle appartenait étant morte à l’âge de vingt-six ans (14 février 1714), Philippe V dut songer incontinent à se remarier.
Il n’en souffrit pas moins cruellement de l’affront qui lui était fait ; et alors, non pas, comme on l’a cru, par hypocrisie et pour complaire au roi, mais par un réveil naturel des sentiments religieux de sa première éducation, il songea à Dieu dans sa disgrâce, et il essaya s’il ne pourrait pas guérir son cœur en le tournant vers ce qui ne change point. […] … Il nous rappelle aussi le poète La Motte, qui, après une chute au théâtre, se retira quelque temps à La Trappe : « Il se croyait pénitent, a-t-on dit, parce qu’il était humilié. » D’Antin ne va pas jusqu’à songer à La Trappe.
Carrel, libre enfin et n’ayant rien abjuré, vint à Paris pour y tenter une carrière ; militaire, il ne pouvait plus songer à l’être ; avocat, il n’avait pas fait sa philosophie et n’était point bachelier. […] Je veux m’expliquer plus clairement : si un véritable homme de lettres, bien simple, bien modeste, bien consciencieux, mais étranger à l’action, mais ne sachant ni payer de sa personne, ni représenter en Cour des pairs ou en cour d’assises, ni tenir tête aux assaillants de tout genre et de tout bord, ni dessiner sa poitrine avec cette noblesse dans le danger, avait écrit du fond de son cabinet la plupart des choses excellentes que Carrel a écrites (j’entends excellentes, littérairement parlant), il ne passerait, selon moi, que pour un bon, un estimable, un ferme, un habile et véhément écrivain ; mais il n’eût jamais excité les transports et les ardeurs qui accueillirent les articles de Carrel : c’est qu’avec lui, en lisant et en jugeant l’écrivain, on songeait toujours à l’homme qu’on avait là en présence ou en espérance, à cette individualité forte, tenace, concentrée, courageuse, de laquelle on attendait beaucoup.
Il a lui-même résumé sa disposition à la fois de découragement et de dilettantisme à la fin de l’Empire, quand il écrivait à Bosquillon (novembre 1810) : Quant à moi, ôtez-vous de l’esprit que je songe à faire jamais rien. […] [NdA] La colonne Trajane elle-même l’avait échappé belle ; on avait songé à l’enlever et à la transporter à Paris.
Je n’aurais probablement point songé à parler de la séance publique à l’Institut, du 24 novembre 1807, dans laquelle Bernardin eut à recevoir à la fois les trois nouveaux académiciens, Laujon, Raynouard et Picard, si M. […] Villemain, de notre éloquent secrétaire perpétuel, si j’avais besoin de m’excuser, je dirais hautement : Membre de l’Académie française, j’ai le droit de relever, de la seule manière qui puisse le toucher, l’organe de la compagnie là où il abuse publiquement de son rôle de rapporteur pour y glisser contrairement aux convenances, contrairement aux intentions de beaucoup de membres, ses passions personnelles : biographe littéraire, je souffre toutes les fois que je vois des critiques éminents à tant d’égards et en possession d’un art merveilleux, mais des esprits plus nés évidemment pour la louange ou la fine satire que pour l’histoire, ne songer à tirer parti des faits que pour les fausser dans le sens de l’effet passager et de l’applaudissement.
Après avoir hésité entre Suétone et Salluste, et avoir quelque temps songé à les mener de front l’un et l’autre, il se fixa au dernier, non pas seulement pour une édition et une traduction, mais pour une restitution complète des parties détruites et manquantes ; il eut même l’idée d’abord de les rédiger en latin, et, dans tous les cas, comme si c’était Salluste qui se retrouvât tout d’un coup et qui se mît à parler en son nom. […] Nous voyions près de nous des montagnes couvertes de neige, qui nous faisaient frais aux yeux… On a dit du président de Brosses qu’il savait peu écrire ; le fait est qu’il n’y songe pas ; son style en lui-même n’est rien, mais l’esprit lui donne à tout moment de ces expressions heureuses, pittoresques, qui disent tout en deux mots.
Barthélemy avait songé d’abord à faire voyager un étranger, un Français, en Italie, vers le temps de Léon X, et à peindre par ce moyen la pleine et riche Renaissance ; mais, à la réflexion, il se trouva moins propre à un tel sujet, qui le tirait de son domaine favori et le jetait dans un monde d’art, de poésie moderne et de peinture, dans tout un ordre de sujets qui lui étaient médiocrement familiers, et il transporta alors cette idée en Grèce, en supposant un Scythe qui la visiterait vers le temps de Philippe. […] La Bruyère a dit quelque chose de pareil ; mais, à coup sûr, Barthélemy, qui décrit si bien les mêmes nuances, les avait particulièrement éprouvées ; et j’ai peine à croire qu’en s’y complaisant de la sorte, il ne songeait pas à être lu de Mme de Choiseul.
C’est alors que les amis actifs de Richelieu, le père Joseph, Bouthillier, se remuent, et font songer à lui comme au négociateur le plus propre pour ramener et adoucir l’esprit de la reine, à laquelle il n’avait cessé d’être agréable. […] Les grands et les seigneurs, qu’il avait autrefois combattus, se soulèvent cette fois de son côté, ce semble, et au nom de la reine mère ; ils entourent celle-ci de leurs intrigues, et, sous prétexte de délivrer le royaume d’un nouveau favori, ils ne songent qu’à leurs affaires particulières.
Il en résulte que les libertés romantiques, dont l’exagération (plaisante) se trouverait dans des vers comme ceux-ci Les demoiselles chez Ozy menées ne doivent plus songer aux hy ménées sont fausses dans leur intention, parce qu’ils comportent un arrêt pour l’oreille que ne motive aucun arrêt du sens. […] Car qui songerait, lors d’un effort suprême, à se démunir de ses ressources ?
Dans l’âge où tout invite au plaisir, quelque grande infortune les aurait-elle désabusés du songe de la vie et du néant de nos félicités ? […] Abjurez, il vous est permis, les dieux de l’antique Olympe ; nous convenons avec vous que l’Aurore est bien vieille, et Flore bien fanée ; qu’il y a bien longtemps que Vénus est la déesse de la beauté, et que son fils est un enfant : mais songez que le merveilleux, du Christianisme est d’un emploi difficile et périlleux ; qu’il est toujours tout près d’offenser la sévérité du dogme ou celle du goût ; tout près, en un mot, d’être hétérodoxe ou ridicule.
Cessez de compromettre l’immortalité de l’âme ; et quand vous ouvrez votre trousse, songez que vous allez trancher dans les croyances morales du genre humain. » Nous remontons en cabriolet, et nous arrivons chez M. […] Vous ajouterez foi à votre songe.
Le livre d’Adolphe avait paru, depuis quelques mois, à Paris, que Sismondi ne le connaissait pas encore ; il était alors en Italie, et il écrivait à son amie de Florence, la comtesse d’Albany, le 9 septembre 1816 : Il n’y a point de livre, Madame, que je désire voir comme le roman de M. de Constant ; il y a fort longtemps que j’en entends parler, même plus de deux ans avant qu’il ait songé à l’imprimer, et quoiqu’il l’ait lu à une moitié de Paris, quoique nous y ayons beaucoup vécu dans la même société, et que je lui sois réellement fort attaché, je n’ai jamais été d’aucune de ces lectures.
Il aurait trop réussi, si l’on venait à considérer ces jeunes égoïstes de vingt ans qui, sans aucune ferveur, sans même aucun des défauts de leur âge, ne songent qu’à se pousser dans le monde et à y faire leur chemin.
Il est (qu’on veuille y songer) un niveau de réputation au-dessous duquel on ôte tout ce qu’on peut aux hommes de talent ou même de génie en louanges et en gloire.
Walewski est un excellent gentilhomme qui, pour faire dans le monde un personnage plus considérable, a acquis un journal et l’a dirigé ; qui, pour compléter et rehausser encore ce rôle à demi littéraire, a songé à la scène française, et s’y est risqué.
En 1812, Napoléon songea à tirer parti de son zèle, de son dévouement, et à mettre ses talents de chef à l’épreuve, en lui confiant le commandement de toute l’aile droite de la grande Armée qui allait franchir le Niémen.
Ce poète, aussi peu « homme de lettres qu’Homère, ce qu’il exprimait sans effort, c’était tous les beaux sentiments tristes et doux accumulés dans l’âme humaine depuis trois mille ans : l’amour chaste et rêveur, la sympathie pour la vie universelle, un désir de communion avec la nature, l’inquiétude devant son mystère, l’espoir en la bonté du Dieu qu’elle révèle confusément ; je ne sais quoi encore, un suave mélange de piété chrétienne, de songe platonicien, de voluptueuse et grave langueur.
J’ai peu de mémoire, et je n’ai point relu depuis longtemps la plupart de ses romans ; et pourtant je revois, avec une grande netteté, tel verger dans le Mariage de Gérard, telle vieille maison bourgeoise dans Tante Aurélie, tel sentier à travers bois dans Péché mortel ; tel banc sous les grands arbres où un beau garçon et une jolie dame mangent des cerises, dans le Fils Maugars ; tel champ où l’on « fane », dans Madame Heurteloup ; et chaque fois je songe : « Que ne suis-je là !
Surtout on était charmé de trouver dans le livre d’un prêtre un portrait sans pitié du paysan, un portrait qui rappelait la page de La Bruyère et qui faisait même songer aux horribles paysans des romans naturalistes.
Et le jeune autocrate, dans sa bonne volonté, songeait : « Mais ils ne comprennent pas !
Il y a, tout proche de nous, un roi morose, que ses sujets ne voient jamais, qui ne songe qu’à faire des économies pour organiser des voyages de découvertes, et qui n’aspire qu’au renom de bon géographe.
Or, le trésor dont se sont rendus maîtres les Parnassiens — rimes riches, rythmes complexes, formes fixes — me fait souvent songer à ces anciennes monnaies qui n’ont plus aucune valeur de représentation.
La vraie figure à qui fait songer M.
Que ce soit la mer merveilleuse, tout enguirlandée de varechs et de madrépores, comme une galaxie d’étoiles roses ; que ce soit le fleuve, où tant de fois il admira rouler le Bateau Ivre ; que ce soit le lac plat, ou Autre décor, une eau de songe et jamais grise ; que ce soit la source bruissante en cascatelles d’écume, ou la fontaine de girandes lumineuses, ses yeux avides de cliquetis et de clarté s’amusent puérilement des perles blanches et des cristallines paroles grêles des gouttes d’eau.
Et, d’avoir lu ces pages de clarté, j’ai gardé l’âme éblouie comme au passage d’une gloire lumineuse d’archange, telle qu’on peut la songer d’après l’or, le rouge et le bleu des images naïves, peintes pieusement autrefois.
Libres de s’exercer dans la sphere des combinaisons, ils ne se sont point élancés dans le Monde poétique, où ils auroient paru étrangers ; ils se sont bornés aux plaisirs arides & immenses du calcul, sans songer à venir ravager les campagnes fleuries qu’arrose le Permesse.
Dans le courant de l’année 1800 les écrivains ont-ils songé qu’ils allaient être du dix-neuvième siècle ; et croirons-nous qu’ils se soient évertués à différer d’eux-mêmes pour le 1er janvier 1801 ?
Il suppose, sans y songer, que ces gens-là, nés parmi nous, n’auraient pas cru à notre religion.
Corneille, dit-il, afin d’éviter d’ensanglanter la scéne, rend encore l’action du jeune Horace plus atroce en lui donnant le temps de faire quelque refléxion, et cela sans songer qu’il doit sauver à la fin de la piece le meurtrier de sa soeur.
Car une fois qu’on a le sentiment qu’on se trouve en présence de choses, on ne songe même plus à les expliquer par des calculs utilitaires ni par des raisonnements d’aucune sorte.
Elles donnent le goût du beau à ceux qu’elles ont intéressés, et ils ne songent plus qu’à retrouver des sensations d’art analogues à celles qu’ils ont éprouvées en lisant Horace, Virgile, Corneille et Racine, et c’est pour cela, disons-le en passant, qu’il faut toujours, au lycée, amener l’élève jusqu’aux auteurs presque contemporains, pour que, entre les grands classiques et les bons auteurs de leur siècle, il n’y ait pas une grande lacune qui les ferait désorientés en face des bons auteurs de leur siècle et qui les empêcherait de les goûter, par où ils seraient de ces humanistes qui ne peuvent entendre que les auteurs très éloignés de nous, gens respectables et peut-être même enviables, mais qui sont privés de grandes et saines jouissances.
Quand on la lit, il est évident qu’elle n’a pas songé une minute à être un auteur.
Ce livre qu’on vient de publier, c’est, avec une élévation de ton qui nous éloigne trop des parades fameuses de Rodolphe Salis pour qu’on y songe tout d’abord, une charge à fond contre le bourgeois, contre le philistin, issue exactement de cette même sensibilité qui constitue le dédain « artiste » des cabarets de Montmartre pour les « ronds-de-cuir ».
La vieille femme, une fois éveillée, écrivit tout ce qu’elle avait entendu en songe ; et il fut dit que, dans cet hymne posthume, le poëte, parmi différents surnoms donnés à Pluton, l’avait appelé le conducteur aux rênes d’or , par une allusion manifeste à l’enlèvement de Proserpine.
la première série de mes Réputations littéraires, et mélancoliquement je songeais à lui donner une suite, quand l’aimable directeur de la Collection des Grands Ecrivains Français m’écrivit pour m’offrir de faire le Montaigne. […] J’écrirai, puisque cette chimère me soutient, non seulement pour la volupté d’écrire, mais pour le public idéal dont je garde et chéris le songe enchanté. […] Elle est encore peu connue, et l’on n’a pas songé, que je sache, à l’introduire en France45. […] Songez à l’obsession d’une ligne, d’un mot qui, tous les jours, vient frapper nos yeux ! […] Lorsqu’une œuvre est finie, il faut songer à en faire une autre.
Ils font songer aux paysans du peintre Millet, quand ils chantent avec Milon la rude chanson des batteurs de blé. […] Quand le peintre ne songe qu’à faire voir, il a tant à montrer ! […] Soit embarras de montrer la faute avec assez d’exactitude, soit embarras de gronder, elle lève les yeux et songe. […] « Prenez garde, va-t-on nous dire, vous n’y songez pas ! […] toute la journée » et qui « souffle un moment » sans songer à rien autre, les yeux mi-fermés et fixes sous la paupière clignotante.
Mais il ne met la main que sur elle ; il a laissé de côté tous les profonds prolongements enchevêtrés par lesquels elle plonge et se ramifie dans ses voisines ; il ne s’embarrasse pas d’eux, il n’y songe pas ; il détache, cueille, effleure, et puis c’est tout. […] Au-dessous de ce songe chimérique, qu’y a-t-il ? […] — N’était la peur de faire éclater mon arc, — Jean, je te casserais la tête. » Il va donc seul, et rencontre le robuste yeomen, Gui de Gisborne. « Quiconque n’eût été ni leur allié ni leur parent, — eût eu un bien beau spectacle, — de voir comment les deux yeomen arrivèrent l’un contre l’autre — avec leurs lames brunes et brillantes ; — de voir comment les deux yeomen se combattirent — deux heures d’un jour d’été. — Et tout ce temps, ni Robin Hood, ni messire Guy, — ne songèrent à fuir143. » Vous voyez que Guy le yeoman est aussi brave que Robin Hood : il est venu le chercher dans le bois, et tire de l’arc presque aussi bien que lui. […] Il s’est endormi sur les hauteurs de Malverne, et là il a eu un merveilleux songe. […] And wha swa mihte iwenne Wurthscipe of his gomene, Hine me ladde mide songe At foren than leod kinge ; And the king, for his gomene, Gaf him geven gode.
« Il songea à ce haut amour, le fils de Sigelint. […] On disait que là-bas, bien loin, il y avait maintes vierges, et le courageux Gunther songeait à en conquérir une. […] Songez-y. » Ainsi répondit la vierge digne d’amour. […] « Songez promptement à me faire voir la reine et votre sœur, afin que je leur apprenne ce dont m’ont chargé Gunther et Brunhilt ; tous deux sont heureux. » « Alors le jeune Gîselhêr parla : « Vous irez vers elles. […] « Dites bien à Gîselher, qu’il songe à cela, que jamais je n’ai éprouvé nulle peine de son fait.
Elle n’a rien de commun non plus avec la saisissante mélancolie crépusculaire d’un Faust, qui, vieillard, passant en revue l’œuvre de sa vie, est fier d’abord de ce qu’il a réalisé ; puis, considérant ce qu’il a laissé inachevé, est saisi du violent désir de le voir terminé, et, réveillé la nuit par l’inquiétude qui l’aiguillonne, sursaute en s’écriant : « Ce que j’ai songé, je veux me hâter de l’accomplir ». […] Que l’on songe maintenant à la façon dont naissent ces chiffres formidables. […] Le profane incline à qualifier de spirituel l’imbécile qui rime et fait des jeux de mots, sans songer que cette façon de lier les représentations d’après le son des mots déjoue le but de la pensée, puisqu’au lieu de conduire à la connaissance du véritable rapport des phénomènes, elle en éloigne. […] Il songe constamment à la luxure, et son esprit est incessamment empli d’images libidineuses. […] Je ne songe pas à nier que, aux mains de Verlaine, cette méthode poétique ne donne parfois des résultats de la plus grande beauté.
Il est peut-être l’homme qui, dans sa vie, a le moins songé à l’effet ; il ne visait qu’à bien voir et à savoir. […] Après avoir terminé Adelchi, et avoir eu un instant l’idée (mais sans y donner suite) d’une tragédie de Spartacus, Manzoni commença, de son côté, à songer à son roman des Promessi Sposi. […] Stendhal (Beyle), qui s’occupait alors de son traité sur l’Amour, quelque histoire arabe dont celui-ci songea aussitôt à faire son profit. […] Il se méfiait un peu du goût de Beyle ; il eut regret, à la réflexion, de songer que sa chère et simple histoire, à laquelle il tenait plus qu’il n’osait dire, allait être employée dans un but étranger et probablement travestie. […] La révolution de 1830 produisit enfin Fauriel, et ses amis, en arrivant au pouvoir, songèrent aussitôt à mettre sa science, trop longtemps réservée, en communication directe avec le public.
Ainsi, familier avec les mœurs populaires, le clergé anglais, en leur offrant des plaisirs nouveaux, songea moins à les modifier qu’à se les rendre favorables ; et dès qu’il vit quel charme trouvait le peuple aux représentations dramatiques, quel que fût le sujet mis en scène, il n’eut garde de renoncer à ce moyen de popularité. […] Comme le Songe d’une nuit d’été, la Tempête est peuplée de sylphes, d’esprits, et tout s’y passe sous l’empire de la féerie. […] C’est probablement de quelque théâtre placé entre ces deux extrêmes que Shakespeare nous donne une si plaisante image dans le Songe d’une nuit d’été. […] Mettez-le en vue du but vers lequel vous aurez su porter ses désirs, et dans son élan pour l’atteindre, il ne songera plus à mesurer l’espace que vous l’obligerez de franchir. […] Les deux scènes, liées ainsi étroitement par la pensée, semblent l’être par le temps ; la distance a disparu : qui songerait à réclamer, comme un intervalle dont on doit lui rendre compte, les lieues qui séparent le château de Macduff du palais de Macbeth, et le temps qu’il a fallu pour les parcourir ?
il y a presque de la malice à indiquer ainsi à la critique le parti qu’elle pouvait tirer des circonstances, quand on songe à ce qu’elle en a fait. […] Comme les empereurs romains, auxquels fait songer d’ailleurs sa littérature, M. de Balzac a pu dire en mourant : « Je sens que je deviens dieu ! […] Sérieusement, quand on songe à la manière de M. […] Victor Hugo n’a pas songé à une chose fort inquiétante : c’est que, parmi ces animaux et ces végétaux, dont il fait des âmes émigrantes ou châtiées, il y en a un bon nombre que les vulgaires humains ont pris la mauvaise habitude de manger. […] C’est ici que le rôle de Voltaire devient particulièrement odieux, surtout quand on songe qu’il était, à cette date, presque septuagénaire, et que ses espiègleries en cheveux blancs ne respectaient pas même l’enfance.
Il ne cache rien parce qu’il ne songe pas à rien faire attendre. […] Elle s’arrête le soir et songe, comme ceux qui voyagent sans retour. […] La joie qui les ébranle monte en eux comme un songe brutal. […] L’indigence qui la presse ne songe pas à rougir. […] Songea-t-il jamais sérieusement à s’emparer d’elle ?
Du reste, Paolina vivait du souvenir de son premier amour et, si elle songeait encore à se marier, c’était pour fuir son milieu plutôt que dans l’espoir de réaliser son ancien idéal de jeune fille. […] Aux trois compagnons s’était joint William-Michaël Rossetti, le frère de Dante-Gabriel, qui songea un moment à étudier la peinture, et y renonça pour se vouer tout entier à la poésie et à la critique. […] La plupart des « frères », nous l’avons vu, étaient obligés de songer au lendemain, et les trois lettres mystiques suffisaient à mettre le public en fureur. […] D’Azeglio, on le sait, se fit peintre et romancier ; Ricasoli songea aussi à poursuivre la carrière des arts et regretta longtemps de l’avoir abandonnée. […] Hennequin s’exprime à ce sujet dans l’étude déjà citée : « Quand on dit, sans trop y songer : un héros, un vieillard, une jeune fille, une mère, nous apercevons vaguement quelque chose de fort net et de fort simple.
A un certain moment, Leopardi songea sérieusement à venir habiter en France ; il croyait que ce n’est que là encore qu’on peut vivre hors de la patrie138. […] » — Ce jour-ci, qui finit, fut pour vous plein de charmes, Ma Dame, un heureux jour de divertissement, De triomphe ; et peut-être encore, en ce moment, Quelque songe léger vous rend à la pensée Ceux à qui vous plaisiez dans la foule empressée, Ceux aussi qui plaisaient… Oh ! […] On voit déjà, par le peu que nous avons cité, que Leopardi a aimé ; il a l’air de n’avoir eu que deux amours (ce qui me paraît, en effet, très-suffisant), celui qu’il appelle il primo amore, d’où l’on peut conclure que ce ne fut pas le seul, et celui de la personne qui chantait si bien et qui mourut, celle du Songe, de la Vie solitaire, de Silvia, des Souvenirs (le Ricordanze. […] Ce petit traité fait songer à celui de Cicéron sur la Gloire, qu’on a perdu ; il en est la réfutation subsistante. — Sous le titre des Dits mémorables de Philippe Ottonieri, Leopardi nous donne son propre portrait en Socrate, ses propres maximes pratiques ; c’est là encore qu’on sent à chaque mot un Ancien né trop tard et dépaysé.
Avant même de s’être retiré du service et dans les intervalles des campagnes, il ne songeait qu’à vivre agréablement dans le monde, tantôt à la cour et tantôt dans sa maison du Poitou, par où il était assez voisin de Balzac. […] Cette manière d’écrire et cette manière de causer étaient celles qui eurent la vogue dans le meilleur monde, sous un certain régime de goût, entre l’Astrée et la Clélie ; mais à quoi songeait-il de mener cela jusqu’après Mme de La Fayette et après Boileau ? […] Cette dernière qualité plaît surtout dans la jeunesse ; prenez garde qu’elle ne passe avec elle aussi, comme une fleur ou comme un songe. […] Je m’assure que, si vous l’eussiez souvent vue, ou qu’elle eût eu de vos écrits, elle vous eût ajouté à ces deux excellents génies. »— Pascal avait fort connu Mitton, et, dans les ébauches de ses Pensées, il le nomme par moments et le prend à partie, quand il songe au type du libertin qu’il veut réfuter : « Le moi est haïssable.
Ses dernières pièces ne réussissaient point. « Si vous attendiez plus que vous n’avez eu ce soir, disait-il dans un épilogue114, songez que l’auteur est malade et triste… Tout ce que sa langue débile et balbutiante implore, c’est que vous n’imputiez point la faute à sa cervelle, qui est encore intacte, quoique enveloppée de douleur et incapable de tenir longtemps encore115. » Ses ennemis l’injuriaient brutalement, raillaient « son Pégase poussif », son ventre enflé, sa tête malade116. […] Ils y verront les difformités du temps disséquées jusqu’au dernier nerf et jusqu’au dernier muscle, avec un courage ferme et le mépris de la crainte… Ma rigide main a été faite pour saisir le vice d’une prise violente, pour le tordre, pour exprimer la sottise de ces âmes d’éponge qui vont léchant toutes les basses vanités137. » Sans doute un parti pris si fort et si tranché peut nuire au naturel dramatique ; bien souvent les comédies de Jonson sont roides ; ses personnages sont des grotesques, laborieusement construits, simples automates ; le poëte a moins songé à faire des êtres vivants qu’à assommer un vice ; les scènes s’agencent ou se heurtent mécaniquement ; on aperçoit le procédé, on sent partout l’intention satirique ; l’imitation délicate et ondoyante manque, et aussi la verve gracieuse, abondante de Shakspeare. […] Songez qui vous supplie. […] Songez que c’est dans une chambre de malade qu’est né ce beau rêve, au milieu des fioles, des remèdes et des médecins, à côté d’une garde, parmi les anxiétés de l’indigence et les étouffements de l’hydropisie.
La vérité est qu’il ne songe qu’à ses phrases, à sa réputation d’auteur, et qu’une caresse du prince de Galles va fondre tout son stoïcisme. Je viens de lire sa correspondance, il n’y a pas peut-être dix lettres vraies ; il est écrivain jusque dans ses épanchements ; ses confidences sont de la rhétorique compassée, et quand il cause avec un ami, il songe toujours à l’imprimeur qui mettra ses effusions sous les yeux du public. […] C’est toi seul que je désire, ce n’est rien de ce que tu pouvais donner ; ce n’est point un mariage, une dot ; je n’ai jamais songé à faire mon plaisir ou ma volonté, tu le sais bien, mais la tienne. » Puis des mots passionnés, de vrais mots d’amour1105 ; puis ces mots si libres de la pénitente qui dit tout, qui ose tout, parce qu’elle veut guérir, parce qu’il faut montrer au confesseur sa plaie, même la plus honteuse, peut-être aussi parce que dans l’extrême angoisse, comme dans l’accouchement, la pudeur s’en va. […] C’est pis qu’une cantatrice, c’est un auteur ; on regarde au dos pour savoir si elle n’a pas écrit : « Bon à tirer, porter vite à l’imprimerie. » Pope a donné quelque part la recette avec laquelle on peut faire un poëme épique : prendre une tempête, un songe, cinq ou six batailles, trois sacrifices, des jeux funèbres, une douzaine de dieux en deux compartiments, remuer le tout jusqu’à ce qu’on voie mousser l’écume du grand style.
« L’homme n’est que d’un jour, le voilà, il n’est plus ; ce n’est que le songe d’une ombre. » À ce compte, la comédie est l’ombre d’une ombre. […] et il fallut attendre que le roi fût mort, pour en venir à songer que le roi lui-même, serait quelque jour, un sujet de comédie. — « On peut tout croire, hélas ! […] si M. le comte de Mornay avait songé à la conservation de ce diadème poétique, il eut commandé qu’il fût d’un plus rude métal ! […] Tant que vous êtes jeune, vous êtes au-dessus des rumeurs qui s’attachent aux choses débattues ; nul ne songe à vous demander qui vous êtes, et ce que vous venez chercher en cette arène ouverte à la jeunesse, à l’espace, au soleil, à la force, à l’espérance, à la beauté ?
Il suffit de songer à ce qu’on observe chez nos diverses races de Chiens. […] Qui jamais aurait songé à enseigner à un Pigeon à faire la culbute ? […] Si l’on songe à la malléabilité d’une mince couche de cire, on admettra qu’il n’est pas même nécessaire qu’elles travaillent exactement des deux côtés avec la même vitesse. […] Cette difficulté, qui paraît au premier abord insurmontable, diminue quand on songe que le principe de sélection s’applique autant à la famille qu’à l’individu, et que la production d’êtres neutres peut être un avantage décisif pour la communauté.
C’est le laboureur qui jette son blé dans des cailloux : malgré cela, les âmes supérieures songent à faire le bonheur des hommes sans en attendre d’autre récompense que celle d’être contentes d’elles-mêmes. […] Frédéric, adversaire équitable, le confirme dans son Histoire : il ne reproche à Bernis que de s’être prêté à des vues dont il sentait jusqu’à un certain point l’imprudence, et qu’il s’efforça ensuite, mais en vain, de modérer : Tant qu’il s’agissait d’établir sa fortune, écrit l’historien-roi, toutes les voies lui furent égales pour y parvenir ; mais aussitôt qu’il se vit établi, il songea à se maintenir dans ses emplois en se conduisant par des principes moins variables et plus conformes aux intérêts permanents de l’État.
Notre amie 5 lui a donné les plus fortes preuves d’amitié, et le roi aussi. » Ce qui passe la condoléance, c’est qu’on ne songe qu’à lui procurer une revanche, et Bernis lui-même, puisqu’il le faut, s’y prêtera : Le roi aime M. de Soubise, écrira-t-il le printemps prochain à Duverney ; il voudrait le mettre à portée d’avoir sa revanche du 5 novembre (journée de Rossbach) ; voilà la vérité. […] Bernis alors indique son plan, qui, du reste, ne fut jamais qu’à l’état d’ébauche : il ne s’agit pas, selon lui, de traiter séparément avec le roi de Prusse ; mais « la meilleure façon de mettre ce roi à la raison, c’est de faire la paix avec l’Angleterre ; et c’est à quoi, dit-il, je songe nuit et jour » (25 janvier 1758).