Les plaisirs qui sont encore plus vifs et plus fréquens ici que par tout ailleurs, se saisissent du tems que nous laissent les occupations que la fortune nous a données, ou que notre inquiétude nous a fait rechercher.
Le fédéralisme girondin n’a pas même touché au manche du couteau de Charlotte Corday, à moins que l’héroïque jeune fille ne l’ait saisi d’indignation en voyant la lâcheté de ses compatriotes, quand avortait chez eux ce qu’ils osèrent appeler une insurrection !
Aussi, rien d’étonnant à ce que le législateur, le fondateur d’empire, ait saisi et fortement captivé son regard quand il l’a porté sur l’Empereur, sur cette encyclopédie de facultés faites homme, à qui il faudrait peut-être autant d’historiens et d’histoires qu’il possédait de facultés !
En le prenant dès le berceau, dans son éducation, dans sa carrière et sa nationalité extérieures et contiguës à la France, nous aurons déjà fait la part de bien des exagérations où il a paru tomber, et sur lesquelles, d’ici, le parti adversaire l’a voulu uniquement saisir. […] L’année suivante, en 1774, il entra comme substitut-avocat-fiscal-général surnuméraire (c’est le titre exact) au sénat de Savoie, et il suivit les divers degrés de cette carrière du ministère public jusqu’à ce qu’en avril 1788 il fut promu au siège de sénateur, comme qui dirait conseiller au parlement : c’est dans cette position que la Révolution française le saisit. […] Et suit un éloge de la monarchie en une de ces images qui vont devenir familières à l’écrivain et qui saisissent la pensée comme les yeux : « La monarchie est réellement, s’il est permis de s’exprimer ainsi, une aristocratie tournante qui élève successivement toutes les familles de l’État ; tous les honneurs, tous les emplois sont placés au bout d’une espèce de lice où tout le monde a droit de courir ; c’est assez pour que personne n’ait droit de se plaindre. […] Il insiste encore sur ce qu’il ne s’agit pas seulement de compiler, de prendre chez les historiens et les critiques une matière toute digérée, mais de saisir par ordre les livres essentiels, les monuments principaux, chacun dans son moment, et alors, non pas en les lisant jusqu’au bout et tout entiers, mais en les dégustant, en sachant en saisir l’objet, le style, la méthode, d’évoquer par une sorte d’enchantement magique le génie littéraire d’un temps. — Et cela, il le conseille, non point pour la pure gloire des lettres, non pour le pur amour ardent qu’il leur porte (bien qu’il en soit dévoré), non par pure curiosité poussée à l’extrême (avis à nous autres, amateurs trop minutieux !) […] Je prendrai presque au hasard ; l’homme saisi dans l’intimité achèvera de s’y dessiner.
Qu’il s’agisse de la vérité religieuse ou de la vérité humaine, il paraît toujours saisi, comme malgré lui, de quelque objet qui est hors de lui, et qu’il n’est pas libre de ne pas voir tel qu’il est. […] Dès sa jeunesse, il fut saisi des beautés de la Bible, et il s’y attacha, pour s’en nourrir jusqu’à la mort. […] Il est donné à peu d’esprits d’avoir cette force de regard qui saisit au passage, et sans se troubler, les grands traits de tant d’événements et de tant d’hommes. […] Quelle est donc cette autre vie par laquelle l’Histoire des Variations nous saisit et nous attache ? […] Bossuet avait été saisi, dès ses premières études de théologie, de la suite de l’histoire de la religion.
Il faut donc que la poésie féminine soit comme l’autre face de la sexualité, qu’elle nous montre le désir de la femme d’être saisie, emportée comme une proie ; cette sorte d’effroi délicieux où la crainte se mêle au désir, parce que la volupté qu’elle devine la blessera. […] Le soir la saisit comme une étreinte : alors, c’est sa propre sensation qu’elle transporte dans le paysage, c’est une femme amoureuse qui défaille : Tout s’émeut. […] ce cœur triste, ce cœur fou, Que ne puis-je, comme un caillou, Le saisir, l’arracher d’un coup Et le lancer je ne sais où ! […] J’ai rêvé, dit-elle, J’ai rêvé de saisir la comète à la queue Et d’approcher Vénus où clignote un feu vert. […] Lorsqu’elle se saisit d’un philosophe ou d’un écrivain, elle le recrée, selon son sentiment, le taille à sa mesure, élague les branches trop riches, ou en ajoute d’artificielles ; il devient ce qu’elle veut, et toujours autre chose que ce qu’il est.
— Vaste et terrible point d’interrogation, qui saisit la critique au collet dès le premier pas qu’elle veut faire dans son premier chapitre. […] Les malheureux condamnés éternellement à désirer la rive opposée, s’attachent à la barque : L’un la saisit en vain, et, renversé par son mouvement trop rapide, est replongé dans les eaux ; un autre l’embrasse et repousse avec les pieds ceux qui veulent aborder comme lui ; deux autres serrent avec les dents le bois qui leur échappe. […] Je ne sais quel souvenir des grands artistes me saisit à l’aspect de ce tableau ; je retrouve cette puissance sauvage, ardente, mais naturelle, qui cède sans effort à son propre entraînement ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ » Je ne crois pas m’y tromper, M. […] Dans l’autre, ce respect qui fait ôter leurs chapeaux aux enfants, et vous saisit l’âme, comme la poussière des tombes et des caveaux saisit la gorge, est l’effet, non point du vernis jaune et de la crasse des temps, mais de l’unité, de l’unité profonde. […] La véritable mémoire, considérée sous un point de vue philosophique, ne consiste, je pense, que dans une imagination très-vive, facile à émouvoir, et par conséquent susceptible d’évoquer à l’appui de chaque sensation les scènes du passé, en les douant, comme par enchantement, de la vie et du caractère propres à chacune d’elles ; du moins j’ai entendu soutenir cette thèse par l’un de mes anciens maîtres, qui avait une mémoire prodigieuse, quoiqu’il ne pût retenir une date, ni un nom propre. — Le maître avait raison, et il en est sans doute autrement des paroles et des discours qui ont pénétré profondément dans l’âme et dont on a pu saisir le sens intime et mystérieux, que de mots appris par cœur. — Hoffmann.
Il n’eut pas une seule couleur, il les eut toutes ; il fut naïf, grand et varié comme la nature, qu’il saisit également dans ses traits les plus élevés et les plus gracieux. […] Tel est son plan, comme nous avons pu le saisir dans une première lecture faite à la hâte. […] M. de Chateaubriand, à son tour, me paraît avoir saisi des rapports nouveaux dans ces deux monuments du premier âge. […] L’orateur a saisi le moment où le corps de Marc-Aurèle est transporté à Rome, au milieu des larmes et de la désolation publique . […] Mais Thomas, quoiqu’il eût beaucoup d’aperçus divers dans l’esprit, savait rarement saisir, dans un sujet, les points de vue les plus simples et les plus féconds.
Nous avouons franchement n’avoir pas saisi l’unité de Lazare. […] Après avoir lu le Minotaure, il est impossible de ne pas se sentir saisi d’une sympathie profonde pour ces plaintes où la colère ose à peine se montrer. […] Les personnages de Latréaumont ne sont pas nombreux, et cependant, à mesure qu’un de ces personnages entre en scène, le lecteur se sent saisi d’un mouvement d’impatience. […] À peine l’action s’est-elle ainsi nouée, à peine Latréaumont a-t-il saisi sa proie, que le récit fait une halte inexplicable. […] Arrivé au terme de sa tâche, l’auteur, comme saisi d’une subite défaillance, abandonne la forme narrative, et divise l’interrogatoire et la mort des conjurés en plusieurs dialogues.
Sarcey, Deschanel, Étienne Arago et autres, m’occuper de Molière lui-même, de voir et de saisir, dans cette controverse ardente, un prétexte, une occasion d’étudier à nouveau l’écrivain, sinon le plus grand, sinon le premier, du moins certainement le plus extraordinaire de notre littérature. […] Ce n’est pas seulement le médecin systématique qui est peint ici : ce portrait, devenu, tout en restant particulier, si général, c’est celui de l’esprit de système : il s’y trouve peint, saisi, exprimé en toute chose. […] Cet éternel féminin, Molière l’a saisi ; mais il faut convenir qu’il n’en a saisi que les parties qui ne sont ni les plus belles ni les meilleures. […] Voulez-vous que je vous fasse saisir, par un exemple frappant, ce que je veux dire, lorsque je dis que les femmes de Molière ne sont pas dégrossies ? […] Nulle part nous ne saisirons mieux au vif cette transformation que sur la scène comique.
Malasvon saisit la gorge de l’étranglé que les élèves maintiennent. […] On me saisit avec brutalité. […] La main tâte le verre, mais n’a plus la force de le saisir. […] On jette la bouée de sauvetage et, en regardant en arrière, je vois que l’homme l’a saisie. […] Yvan, effrayé de cette action, saisit une partie du contenu et le jeta dans la cheminée.
Trois semaines après, par une péripétie qui se rencontrera plus d’une fois dans sa carrière et qui en est, si l’on y prend garde, la mauvaise étoile et comme le guignon dominant, dans un camp perdu, loin de toute ville, il était saisi du mal qui sera son ennemi familier, le choléra le terrassait : « Ô mon Dieu, comme je regrettais les balles de Constantine ! […] j’ai à peine quarante combattants… Quiconque aurait vu ce bataillon il y a cinq mois et le verrait aujourd’hui, se sentirait saisi de pitié et en même temps de haine pour la guerre. […] La politique intérieure de la France, les fautes des assemblées et celles des dictateurs provisoires sont saisies dans les lettres de Saint-Arnaud avec un bon sens net, qui était assez facile d’ailleurs à qui restait en dehors et loin de la mêlée.
Il sait combien la tête du requin ou du cachalot lui fournira de barriques d’huile ; son épingle déliée pique sur le carton des musées l’élégant papillon qu’il a saisi au vol sur le sommet du mont Blanc ou du Chimboraço ; il empaille le crocodile, il embaume le colibri ; à son ordre le serpent à sonnettes vient mourir dans la liqueur conservatrice qui doit le montrer intact aux yeux d’une longue suite d’observateurs. […] L’homme, saisi tout à coup d’une fureur divine étrangère à la haine et à la colère, s’avance sur le champ de bataille sans savoir ce qu’il veut ni même ce qu’il fait. […] On lui jette un empoisonneur, un parricide, un sacrilège ; il le saisit, il l’étend, il le lie sur une croix horizontale ; il lève le bras : alors il se fait un silence horrible, et l’on n’entend plus que le cri des os qui éclatent sous la barre et les hurlements de la victime.
Une intelligence supérieure est saisie, à proportion de sa supériorité même, des beautés de la création. […] Le premier Consul, averti par cette sourde rumeur qui est comme l’écho anticipé des grands dangers, tâtonne sans pouvoir saisir. […] J’en ai fait saisir un à Ettenheim, et on me parle aujourd’hui de droit d’asile, de violation de territoire !
et quand la contemplation extatique de l’Être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité ; enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache, sur l’aile de son imagination, du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer ; quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle, et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille ; comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux ; comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion à sa suprême puissance, saisit l’artiste. […] Il en saisit un par son aile puissante ; mais les plaintes mélodieuses que l’oiseau captif fait entendre émeuvent de pitié le cœur de Nala. […] « Quand Damayanti a reconnu Nala, enhardie par son amour, forte et craintive à la fois, rougissant et cachant son front pour dérober sa rougeur, elle saisit un pan du manteau de Nala, et, en déclarant ainsi son choix, elle montre que la femme doit s’appuyer sur l’homme. » Nala la soutient, la console et la glorifie.
Mais l’histoire d’une nation est essentiellement une, et, à parler rigoureusement, il est presque impossible de bien comprendre la situation morale de l’Allemagne à la fin du xviiie siècle, si l’on ne connaît dans une certaine mesure les temps qui ont précédé et préparé celui qu’on étudie ; en sorte qu’il me paraît nécessaire de présenter ici une esquisse rapide de l’histoire de la civilisation germanique depuis ses plus faibles commencemens jusqu’à l’époque où Kant a paru, afin de faire bien saisir l’esprit fondamental et permanent de la grande nation à laquelle notre philosophe appartient, et dont il est le représentant. […] On s’est occupé des objets de nos connaissances et non de l’esprit qui connaît ; on a demandé ce que c’était que Dieu, s’il était ou s’il n’était pas ; on a fait des systèmes sur le monde ; on a comparé les divers êtres entre eux ; on a saisi des rapports ; on a tiré des conséquences, toujours en travaillant sur des objets, c’est-à-dire sur des existences hypothétiques. […] Quand nous opérons sur de petites quantités, l’habitude que nous avons d’aller des diverses parties à la somme, la rapidité avec laquelle nous saisissons leur égalité nous fait illusion sur le véritable procédé de l’esprit ; mais quand nous voulons réunir plusieurs grands nombres en un seul, la difficulté que nous éprouvons à arriver au nombre total qui les renferme nous prouve que nous n’allons pas du même au même, et qu’il s’agit bien pour nous d’acquérir une nouvelle connaissance.
À cela je réponds qu’on peut exercer et étendre la mémoire des enfants aussi facilement et plus utilement avec d’autres connaissances que des mots grecs et latins ; qu’il faut autant de mémoire pour apprendre exactement la chronologie, la géographie et l’histoire, que le dictionnaire et la syntaxe ; que les exemples d’hommes qui n’ont jamais su ni grec ni latin, et dont la mémoire n’en est ni moins fidèle, ni moins étendue, ne sont pas rares ; qu’il est faux qu’on ne puisse tirer parti que de la mémoire des enfants ; qu’ils ont plus de raison que n’en exigent des éléments d’arithmétique, de géométrie et d’histoire ; qu’il est d’expérience qu’ils retiennent tout indistinctement ; que quand ils n’auraient pas cette dose de raison qui convient aux sciences que je viens de nommer, ce n’est point à l’étude des langues qu’il faudrait accorder la préférence, à moins qu’on ne se proposât de les enseigner comme on apprend la langue maternelle, par usage, par un exercice journalier, méthode très avantageuse sans cloute, mais impraticable dans un enseignement public, dans une école mêlée de commensaux et d’externes ; que l’enseignement des langues se fait par des rudiments et d’autres livres ; c’est-à-dire qu’elle y est montrée par principes raisonnes, et que je ne connais pas de science plus épineuse ; que c’est l’application continuelle d’une logique très-fine, d’une métaphysique subtile, que je ne crois pas seulement supérieure à la capacité de l’enfance, mais encore à l’intelligence de la généralité des hommes faits, et la preuve en est consignée dans l’Encyclopédie, à l’article CONSTRUCTION, du célèbre Dumarsais, et à tous les articles de grammaire ; que si les langues sont des connaissances instrumentales, ce n’est pas pour les élèves, mais pour les maîtres ; que c’est mettre à la main d’un apprenti forgeron un marteau dont il ne peut ni empoigner le manche, ni vaincre le poids ; que si ce sont des clefs, ces clefs sont trèsdifficiles à saisir, très-dures à tourner ; qu’elles ne sont à l’usage que d’un très-petit nombre de conditions ; qu’à consulter l’expérience et à interroger les meilleurs étudiants de nos classes, on trouvera que l’étude s’en fait mal dans la jeunesse ; qu’elle excède de fatigue et d’ennui ; qu’elle occupe cinq ou six années, au bout desquelles on n’en entend pas seulement les mots techniques ; que les définitions rigoureuses des termes génitif, ablatif, verbes personnels, impersonnels sont peut-être encore à faire ; que la théorie précise des temps des verbes ne le cède guère en difficulté aux propositions de la philosophie de Newton, et je demande qu’on en fasse l’essai dans l’Encyclopédie, où ce sujet est supérieurement traité à l’article TEMPS ; que les jeunes étudiants ne savent ni le grec ni le latin qu’on leur a si longtemps enseigné, ni les sciences auxquelles on les aurait initiés ; que les plus habiles sont forcés à les réétudier au sortir de l’école, sous peine de les ignorer toute leur vie, et que la peine qu’ils ont endurée en expliquant Virgile, les pleurs dont ils ont trempé les satires plaisantes d’Horace, les ont à tel point dégoûtés de ces auteurs qu’ils ne les regardent plus qu’en frémissant : d’où je puis conclure, ce me semble, que ces langues savantes propres à si peu, si difficiles pour tous, doivent être renvoyées à un temps où l’esprit soit mûr, et placées dans un ordre d’enseignement postérieur à celui d’un grand nombre de connaissances plus généralement utiles et plus aisées, et avec d’autant plus de raison qu’à dix-huit ans on y fait des progrès plus sûrs et plus rapides, et qu’on en sait plus et mieux dans un an et demi, qu’un enfant n’en peut apprendre en six ou sept ans. […] Mais ce n’est pas tout : si les principes de la grammaire ne sont aucunement à la portée des enfants, ils ne sont guère plus en état de saisir le fond des choses contenues dans les ouvrages sur lesquels on lès exerce. […] C’est ainsi qu’on apprend les mots, la syntaxe, et qu’on saisit l’esprit d’une langue qui s’établit dans la mémoire par la lecture, et par l’écriture ; 3° Composer et traduire sur toutes sortes de matières et d’après tous les auteurs, sans quoi la connaissance de la langue restera toujours imparfaite.
savoir le grec, ce n’est pas comme on pourrait se l’imaginer, comprendre le sens des auteurs, de certains auteurs, en gros, vaille que vaille (ce qui est déjà beaucoup), et les traduire à peu près ; savoir le grec, c’est la chose du monde la plus rare, la plus difficile, — j’en puis parler pour l’avoir tenté maintes fois et y avoir toujours échoué ; — c’est comprendre non pas seulement les mots, mais toutes les formes de la langue la plus complète, la plus savante, la plus nuancée, en distinguer les dialectes, les âges, en sentir le ton et l’accent, — cette accentuation variable et mobile, sans l’entente de laquelle on reste plus ou moins barbare ; — c’est avoir la tête assez ferme pour saisir chez des auteurs tels qu’un Thucydide le jeu de groupes entiers d’expressions qui n’en font qu’une seule dans la phrase et qui se comportent et se gouvernent comme un seul mot ; c’est, tout en embrassant l’ensemble du discours, jouir à chaque instant de ces contrastes continuels et de ces ingénieuses symétries qui en opposent et en balancent les membres ; c’est ne pas rester indifférent non plus à l’intention, à la signification légère de cette quantité de particules intraduisibles, mais non pas insaisissables, qui parsèment le dialogue et qui lui donnent avec un air de laisser aller toute sa finesse, son ironie et sa grâce ; c’est chez les lyriques, dans les chœurs des tragédies ou dans les odes de Pindare, deviner et suivre le fil délié d’une pensée sous des métaphores continues les plus imprévues et les plus diverses, sous des figures à dépayser les imaginations les plus hardies ; c’est, entre toutes les délicatesses des rhythmes, démêler ceux qui, au premier coup d’œil, semblent les mêmes, et qui pourtant diffèrent ; c’est reconnaître, par exemple, à la simple oreille, dans l’hexamètre pastoral de Théocrite autre chose, une autre allure, une autre légèreté que dans l’hexamètre plus grave des poètes épiques… Que vous dirais-je encore ? […] On ne le saisissait guère qu’à l’échappée et de rencontre.
Seward y est saisi sur le vif et photographié, comme on dit, avec ses verrues, s’il en a, et ses négligences de costume. […] C’est le temps le plus malheureux de ma vie ; je ne puis me comparer qu’à un homme qui, saisi d’un vertige, croit sentir le plancher trembler sous ses pas et voit remuer les murs qui l’entourent ; même aujourd’hui, c’est avec un sentiment d’horreur que je me rappelle cette époque.
C’est un militaire de peu de valeur ; c’est cependant un écrivain qui a saisi quelques idées saines sur la guerre. […] Rien ne le prouve. — « Il a publié quelques volumes sur les campagnes… Il a saisi quelques saines idées sur la guerre. » C’est fort heureux que, même dans le moment le plus irrité, le dédain n’aille point au-delà.
Il s’appliqua dans sa jeunesse au métier des armes, s’acquit l’estime des généraux sous lesquels il servit, et, arrivé au grade de maréchal de camp, il pouvait prétendre à une plus grande fortune militaire, lorsqu’une lettre de lui, très-spirituelle et satirique, sur la paix des Pyrénées et contre le cardinal Mazarin, lettre adressée au marquis de Créqui et connue seulement de trois ou quatre personnes, fut trouvée dans une cassette déposée chez Mme du Plessis-Bellière, dont on saisissait les papiers. […] Les défauts premiers de la manière de Racine sont bien saisis : le poëte prête trop de tendresse aux anciens héros ; il les fait trop amoureux, trop galants, trop Français : Saint-Évremond a trouvé déjà toutes ces critiques, tant répétées depuis.
Dans le temps d’ailleurs qu’il publiait ces productions de troisième ordre, productions peu authentiques, où il ne trempait souvent que comme collaborateur et auxquelles il n’attacha jamais son nom, M. de Balzac ne s’en exagérait pas la valeur, et trouvant un jour un de ses récents volumes aux mains d’un ami qui le lisait : « Ne lisez pas cela, lui dit-il ; j’ai bien dans la tête des romans que je crois bons, mais je ne sais quand ils pourront sortir. » Nous avons eu la curiosité de retrouver et de feuilleter la plupart de ces romans oubliés, espérant y saisir quelque trace du brillant écrivain d’aujourd’hui. […] Mais, à partir de 1809, les manières de Balthazar s’altèrent graduellement ; une passion secrète le saisit et l’arrache bientôt à tout, à la société, aux tulipes, même aux joies domestiques dont il se repaissait avec candeur.
Faire remarquer que le texte des éditions des Pensées n’était point parfaitement conforme au texte original, que les premiers éditeurs avaient souvent éclairci et affaibli, que les éditeurs suivants n’avaient rien fait pour réparer ces inexactitudes premières, dont quelques-unes n’étaient pourtant pas des infidélités, appeler l’attention des hommes du métier sur ces divers points, les mettre à nu par des échantillons bien choisis, et indiquer les moyens d’y pourvoir, il n’y avait rien là, ce semble, qui pût passionner le public et le saisir d’une question avant tout philologique. […] J’ai peine à me figurer, je l’avoue, l’édition d’aujourd’hui, si excellente philologiquement, si bien telle que nous la réclamons, avec ses phrases saccadées, interrompues, et ce jet de la pensée à tout moment brisé, j’ai peine à me la figurer naissant en janvier 1670, en cette époque régulière, respectueuse, et qui n’avait pas pour habitude de saisir et d’admirer ainsi ses grands hommes dans leur déshabillé, ses grands écrivains jusque dans leurs ratures.
Ce n’est pas ce qui nous occupera chez Bayle ; nous ne saisirons et ne relèverons en lui que les traits essentiels du génie critique qu’il représente à un degré merveilleux dans sa pureté et son plein, dans son empressement discursif, dans sa curiosité affamée, dans sa sagacité pénétrante, dans sa versatilité perpétuelle et son appropriation à chaque chose : ce génie, selon nous, domine même son rôle philosophique et cette mission morale qu’il a remplie ; il peut servir du moins à en expliquer le plus naturellement les phases et les incertitudes. […] Bayle est, dit-on, fort vif ; et, s’il peut embrasser L’occasion d’un trait piquant et satirique, Il la saisit, Dieu sait, en homme adroit et fin : Il trancheroit sur tout, comme enfant de Calvin, S’il osoit ; car il a le goût avec l’étude.
Dans un caractère vivant, il y a deux sortes de traits : les premiers, peu nombreux, qui lui sont communs avec tous les individus de sa classe et que tout spectateur ou lecteur peut aisément démêler ; les seconds, très nombreux, qui n’appartiennent qu’à lui et qu’on ne saisit pas sans quelque effort. […] Dans cet énorme monde moral et social, dans cet arbre humain aux racines et aux branches innombrables, ils détachent l’écorce visible, une superficie ; ils ne peuvent pénétrer ni saisir au-delà ; leurs mains ne sauraient contenir davantage.
Prompts à saisir le vent, des poètes anglo-normands et français firent concurrence aux harpeurs bretons. […] Rien de plus positif aussi et de plus naïvement saisi dans la réalité contemporaine que l’entrevue nocturne de Lancelot et de Genièvre.
Il évite le singulier, le monstrueux ; il s’applique à saisir et à manifester les caractères généraux, les lois communes et constantes de la vie, à découvrir par conséquent et à peindre des types, mais ces types ne sont pas pour lui des formes abstraites, ce sont des individus réels et vivants, dont la généralité consiste dans leur aptitude à représenter des groupes. […] Il se soumet tout juste au point de vue des théologiens ; mais il se soumet de façon à saisir le public, avec une humilité glorieuse et irrésistible.
Il faudrait être vraiment trop imbécile pour ne pas saisir ! […] On me dira que le nombre des lignes ne fait rien à l’affaire ; mais c’est qu’il n’y a peut-être pas un de ces feuilletons où l’on ne puisse faire son butin, mince ou gros, et je vous assure qu’on est saisi d’une sorte de respect devant ce labeur énorme, si vaillant et si consciencieux.
On peut sans doute distinguer le Hugo d’avant les Contemplations et celui d’après, mais c’est tout ; et si vous cherchez à saisir ses « manières » successives, vous trouverez que ce sont justement celles que le dictionnaire Bouillet signale chez je ne sais quel grand peintre : « Première manière : il se cherche ; deuxième manière : il s’est trouvé ; troisième manière : il se dépasse. » Ainsi, la poésie de Hugo s’enrichit d’un vocabulaire de plus en plus vaste, se fait un bestiarium de mots et d’images toujours plus fourmillant, plus rugissant et plus fauve. […] Puis, comme la moindre idée lui suggère une image, et comme ensuite les images s’appellent et s’enchaînent en lui avec une surnaturelle rapidité, le sujet qu’il traite a beau être maigre et court dans son fond, la forme dont il le revêt est un vaste enchantement, Ces correspondances qu1il saisit entre les choses nous intéressent par elles-mêmes.
Citations, page 11 à page 13 ; et — * * * Passer de cette rêverie tout à coup au fait, exige quelques mots, décisifs, comme les présente un journal : car cela importe, en vue du succès, que la motion vienne de la Presse pour saisir le Parlement. […] Tout l’acte disponible, à jamais et seulement, reste de saisir les rapports, entre temps, rares ou multipliés ; d’après quelque état intérieur et que l’on veuille à son gré étendre, simplifier le monde.
Mais ce serait un Thibaut moins léger, au plus grand cœur, et qui eût saisi la main tendue de la destinée. […] Griffin, car elle se révèle trop franchement pour qu’on n’en ait point saisi depuis longtemps l’aspect.
Il est agréable de faire passer aux yeux des hommes ce manque d’intelligence qui nous empêche de saisir la vérité pour une pénétration merveilleuse d’esprit, qui nous révèle des motifs de doute inconnus et inaccessibles au reste des hommes 193 » En se posant au-delà de tout dogme, on peut à bon marché jouer l’homme avancé, qui a dépassé son siècle, et les sots, qui ne craignent rien tant que de paraître dupes, renchérissent sur ce ton facile. […] Aucuns, voyants la place du gouvernement politique saisie par des hommes incapables, s’en sont reculés.
Ainsi la littérature et la réalité, quoique toujours séparées par un écart qui est plus ou moins large, suivant que l’époque est réaliste ou idéaliste, se rapprochent assez pour qu’on puisse saisir une analogie de direction entre la courbe de l’une et celle de l’autre. […] Mais une fois que Rousseau, dans l’Emile et dans ses Confessions, a su tantôt montrer l’épanouissement progressif de cette fleur délicate qui s’appelle un enfant, tantôt rajeunir ces souvenirs du premier âge qui gardent pour la plupart d’entre nous la fraîcheur d’une matinée de printemps, c’est à qui s’avisera de regarder et de saisir sur le vif les joies et les douleurs naïves, les drames, les méfaits, les prouesses, les mille et une expériences de la vie enfantine.
Pourtant Mme de Monnier, de retour de la campagne, désira avoir un catalogue du libraire Fauche de Neuchâtel, et Mirabeau saisit ce prétexte pour le lui porter lui-même. […] Remarquez avec quel art il saisissait le seul moyen de mettre les apparences de mon côté et de légitimer aux yeux de tant de témoins son entrée nocturne dans ma maison.
Et voir laver la planche, la voir noircir, la voir nettoyer, et voir mouiller le papier, et monter la presse, et étendre les couvertures, et donner les deux tours, ça vous met des palpitations dans la poitrine, et les mains vous tremblent à saisir cette feuille de papier tout humide, où miroite le brouillard d’une image à peu près venue. […] Il nous entretient de son livre La Question romaine, qui vient d’être saisi.
Un respect vous saisit, quand on entre dans ces chambres pleines de registres en vélin blanc, entre lesquels vous passez comme dans un couloir. […] Vachette connaissait un jeune peintre qu’il va voir, au moment où un huissier pratiquait une saisie chez lui.
Ce n’est plus là ce respect enfantin dont je parlais tout à l’heure, qui nous saisit devant les Sabines, devant le Marat dans sa baignoire, devant le Déluge, devant le mélodramatique Brutus. […] J’ai tant entendu plaisanter de la laideur des femmes de Delacroix, sans pouvoir comprendre ce genre de plaisanterie, que je saisis l’occasion pour protester contre ce préjugé.
» Ces quelques lignes nous suffiraient pour saisir la signification profonde de l’œuvre de Michelet et pour constater que l’objet de son ardente poursuite spirituelle n’est plus un ciel chimérique, mais une terre réelle que nous devons tous, du plus humble au plus fort, labourer et ensemencer, si nous ne voulons pas que la faim nous dévore. […] Quand nous voyons un enfant approcher naïvement la main d’un charbon rouge, nous saisissons le bras de l’enfant pour arrêter son geste, sans l’ombre d’une hésitation, d’un élan de libre sympathie, en obéissant à la plus nette, à la plus positive impulsion.
En nous faisant saisir dans une intuition unique des moments multiples de la durée, elle nous dégage du mouvement d’écoulement des choses, c’est-à-dire du rythme de la nécessité. […] L’intérêt d’un être vivant est de saisir dans une situation présente ce qui ressemble à une situation antérieure, puis d’en rapprocher ce qui a précédé et surtout ce qui a suivi, afin de profiter de son expérience passée.
Si quelqu’un chemine avec insolence en actes ou en discours, sans crainte de la justice, sans respect pour les autels des Dieux, que la mauvaise fortune le saisisse, pour prix de ses misérables joies ! […] ‘Enfin, l’attrait de cette poésie ne régna pas seulement sur la Grèce et sur ses colonies d’Europe et d’Afrique ; elle pénétra plus loin chez les barbares : elle leur parut le plus bel ornement de cette civilisation que saisissaient, comme une proie, les cours voluptueuses des Syriens et des Parthes.
Les sciences, dont il ne s’était pas occupé, ne lui étaient pas étrangères ; il en saisissait la métaphysique.
« Ce 7 décembre 1834. » Les explications données par Béranger réparèrent un peu les effets de la médisance et maintinrent de bons rapports entre nous, comme le prouve la lettre suivante, postérieure de quelques mois ; il y est question de bien des choses qui ne sont pas hors de propos dans ces volumes de contemporains : « Mon cher Béranger, « Une petite circonstance que je vous dirai (à la fin de ma lettre) me fournissant le prétexte de vous écrire, je le saisis avec une sorte d’empressement, bien justifié par le regret de ne vous avoir pas dit adieu et par l’incertitude où je suis du temps où je vous reverrai.
Ballanche, inconnu alors, et loin de cette renommée douce et sereine qui le couronne aujourd’hui, lisait Oberman, et y saisissait peut-être des affinités douloureuses.
Par cela même qu’il en a saisi l’esprit, la marche et les ressorts, et qu’il s’est mis, pour le juger, au vrai point de vue des conjonctures, M.
Ou plutôt ce monument existe, mais par fragments ; et comme un esprit, unique et substantiel est empreint en tous ces fragments épars, le lecteur attentif, qui lit Diderot comme il convient, avec sympathie, amour et admiration, recompose aisément ce qui est jeté dans un désordre apparent, reconstruit ce qui est inachevé, et finit par embrasser d’un coup d’œil l’œuvre du grand homme, par saisir tous les traits de cette figure forte, bienveillante et hardie, colorée par le sourire, abstraite par le front, aux vastes tempes, au cœur chaud, la plus allemande de toutes nos têtes, et dans laquelle il entre du Goethe, du Kant et du Schiller tout ensemble.
Mais si Jefferson n’a pas saisi, à cette distance et dans un chaos d’événements si contraires, la loi successive de cette grande œuvre sociale, il n’a, du moins, jamais désespéré de l’issue : la longueur de l’épreuve ne l’a jamais fait douter du terme.
A part Fénelon, qu’il s’est trop complu à saisir au point de vue biographique et caustique de Saint-Simon, M.
Saisissons dans leur fleur ces premiers sentiments délicats et fugitifs qui naissent en nous spontanément avant toute réflexion : la critique littéraire n’est que l’analyse des sentiments littéraires.
La généralisation découvre ce qu’il faut saisir dans chaque particularité ; elle marque pour ainsi dire le point d’attache des idées que l’on rapproche.
Saisi à chaque moment de la vérité de ce qu’il exprime, il poussera devant lui ; il s’enfoncera dans les affirmations de plus en plus absolues, et il ne s’apercevra pas que ce qu’il dit maintenant contredit ce qu’il a dit tout à l’heure, que ce sont des vérités partielles et relatives, qui doivent se tempérer et se limiter mutuellement L’humeur du moment donnera le ton à son œuvre, et l’on y lira toutes les lassitudes, tous les caprices, toutes les faiblesses de son esprit pendant l’exécution.
Avec les Flambeaux noirs, la crise paraît s’atténuer ; la convalescence survient, mensongère, promettant plus d’espoir que n’en peuvent saisir le cerveau affaibli, le corps terrassé.
Le talent de saisir et de traduire le monde sensible est acquis.
Tu tiendras tout entière en moi ; Car ma poitrine t’a saisie Comme une prison ; j’ai pour loi De couler à ta fantaisie.
» Willy, élève de Stanislas qui oublie ses condisciples vieillis pour Claudine « petit pâtre bouclé » et qui, devant l’objectif du photographe, ne boucle plus la boucle d’un p’tit jeune homme que si c’est Polaire qui offre ses grâces postérieures ; Willy qui ne sut jamais voir aux yeux d’autrui que ses propres vices, m’accusera, j’espère, d’avoir cédé à une nostalgie perverse : je viens de relire deux de ces volumes de contes où Mendès, fameux par ses imitations, se laisse saisir lui-même, fuyant et onduleux seulement comme une amuseuse qui s’amuse.
Cette difficulté extrême d’articuler le son propre de chaque voyelle, de connoître toute la variété des accens de cette langue, de saisir certains sifflemens de syllabes finales, fait que l’Anglois ne se prononce bien qu’avec beaucoup de peine & d’usage.
C’est certainement une idée très-ingénieuse d’avoir trouvé et saisi, dans le naturel et les habitudes des animaux, des rapports avec nos mœurs, pour en faire ou la peinture ou la satire : mais cette idée heureuse n’est pas exempte d’inconvéniens, comme je l’ai déjà insinué.
Il n’y a point d’ermite qui ne saisisse aussi bien que Claude le Lorrain ou Le Nôtre, le rocher où il doit placer sa grotte.
Je lui disais : effacez-moi tout cela ; mettez-moi cet amour en l’air ; qu’en emportant sur son dos le voile qui couvre la nymphe, il saisisse le satyre par la corne et le pousse sur elle. étendez-moi le front de ce satyre, raccourcissez ce visage niais, recourbez ce nez, étendez ces joues, qu’à travers les traits qui déguisent le maître des dieux je le reconnaisse.
Sans saisir les principes generaux, il se contente de copier ce qu’il a dessous les yeux.
L’homme, dans Louis XVI, n’avait pas encore été saisi.
Mais appliquée aux époques excessives d’une Révolution qu’on cherche aujourd’hui à nous faire prendre intégralement comme le chef-d’œuvre de l’esprit humain et la réalisation de l’idéal moral le plus grandiose, sinon le plus pur (on y tient beaucoup moins), cette manière de concevoir l’histoire et de la regarder, dans les ombres et sous la portée des vieux murs, pour saisir ce qui s’y cache d’inepties, de lâchetés, de corruptions, de sales petites ignominies, serait excellente comme réfrigérant d’enthousiasme.
Rappelez-vous cette analyse perçante de la Mérope de Maffei, qui équivaut à une main saisie dans une poche !
Qui en a pris souci depuis que Descartes et Bacon ont saisi le monde moderne et l’ont confisqué ?
Seulement, à part l’inspiration de sacerdoce rétrospectif qui l’a saisi, il n’a pas été autrement inspiré.
Le désir de la hauteur le saisit jusqu’à la sainte fureur de l’enthousiasme !
Ou plutôt, c’est la puissante faculté d’analyse qui nous saisit dans toutes ces œuvres. […] Nulle part nous ne saisirons mieux au vif cette transformation que sur la scène comique. […] Je ne conteste point les qualités singulières d’énergie comique par où leur œuvre a saisi le public. […] Mais ici ce débraillé est saisi au vif et de pleine verve. […] Si l’on cherche à saisir un de ces atomes brillants pour l’analyser, tout se dissipe.
Au bout d’un moment, Charlotte prit la parole : — Jamais, dit-elle, je ne me promène au clair de lune sans que mes amis morts me reviennent à la pensée, sans être saisie par le sentiment le plus sublime ; mais, Werther, est-ce que nous devons nous retrouver, nous reconnaître ? […] Rhéa Sylvia, la vierge royale, descend puiser de l’eau dans le Tibre, et le dieu la saisit ; et c’est ainsi que Mars devint père . […] Je la saisis de mes deux bras ! […] Est-ce une frénésie, ou un sens plus relevé qui saisit, pour la première fois, la plus haute, la plus pure vérité ? […] Et l’on raconte qu’aux répétitions, comme la petite Christiane ne témoignait pas assez d’effroi dans la scène de l’aveuglement, Goethe saisit le fer que tenait l’acteur qui jouait Hubert, et se précipita sur elle avec des yeux si terribles qu’elle s’évanouit.
Un grand danger le saisissait-il en pleine nuit, en plein sommeil, pas un cri de surprise, pas une seconde d’effarement ! […] On saisit bien pourquoi Lamartine dit qu’on ne peut « ni rouvrir ni fermer à son choix » le livre de la vie. […] Il va d’abord se développer comme à l’ordinaire : « Saisi par cette idée, continue l’auteur, je me mis immédiatement à l’œuvre. […] Un cavalier au galop a lancé son fusil en l’air et lève la main pour le rattraper, pour le saisir au vol. […] Être comme Ixion, se précipiter pour embrasser la déesse et ne saisir qu’un nuage !
C’est le rêve, le rêve étrange fourmillant de pensées profondes, la contemplation douloureuse de la destinée humaine, l’idée vague de la grande énigme, la réflexion tâtonnante qui, dans la noirceur des bois hérissés, à travers les emblèmes obscurs et les figures fantastiques, essaye de saisir la vérité et la justice. Il n’a pas besoin de les chercher si loin ; de prime-saut il les a saisies. […] » Qu’on ne dédaigne donc pas « cette lumière naturelle », mais plutôt servons-nous-en pour accroître l’autre367, comme on apporte un flambeau à côté d’un flambeau ; surtout servons-nous-en pour vivre en harmonie les uns avec les autres. « Car, dit-il, ce serait un bien plus grand contentement pour nous (si petit est le plaisir que nous prenons à ces querelles), de travailler sous le même joug en hommes qui aspirent à la même récompense éternelle de leur labeur, d’être unis à vous par les liens d’un amour et d’une amitié indissolubles, de vivre comme si nos personnes étant plusieurs, nos âmes n’en faisaient qu’une, que de demeurer démembrés comme nous le sommes, et de dépenser nos courts et misérables jours dans la poursuite insipide de ces fatigantes contentions368. » — En effet, c’est à l’accord que les plus grands théologiens concluent ; par-dessus la pratique oppressive ils saisissent l’esprit libéral. […] Les chercheurs pensaient que la vérité religieuse ne doit être saisie que dans une sorte de brouillard mystique, avec doute et appréhension. […] Comme les enfants, les paysans et tous les esprits incultes, il change les raisonnements en paraboles ; il ne saisit les vérités qu’habillées d’images ; les termes abstraits lui échappent ; il veut palper des formes et contempler des couleurs.
De ce raisonnement très logique nous saisissons d’ailleurs l’origine pratique quand nous voyons le joueur esquisser un mouvement de la main pour arrêter la bille : c’est sa volonté de succès, c’est la résistance à cette volonté qu’il va objectiver dans la veine ou la déveine pour se trouver devant une puissance alliée ou ennemie, et pour donner au jeu tout son intérêt. […] L’élément de choix ou d’intention est aussi restreint que possible, il recule à mesure que la réflexion veut le saisir ; il est fuyant et même évanouissant ; mais s’il était inexistant, on ne parlerait que de mécanisme, il ne serait pas question de hasard. […] Mais nous la saisirons alors en elle-même, dans sa structure et dans son principe, comme il arrive quand on rattache à une fonction physiologique, telle que la digestion, un grand nombre de faits observés dans diverses régions de l’organisme et quand on en découvre même ainsi de nouveaux. […] Reconnaître un homme consiste à le distinguer des autres hommes ; mais reconnaître un animal est ordinairement se rendre compte de l’espèce à laquelle il appartient : tel est notre intérêt dans l’un et dans l’autre cas ; il en résulte que notre perception saisit les traits individuels dans le premier, tandis qu’elle les laisse presque toujours échapper dans le second. […] Ainsi le mouvement indivisé de la flèche triomphe en une seule fois des mille et mille obstacles que notre perception, aidée du raisonnement de Zénon, croit saisir dans les immobilités des points successifs de la ligne parcourue.
Les mains sont jetées en avant pour agripper et saisir le plus possible de l’homme. […] Je le saisis bien partout où il se trouve et comme je le porte en moi ainsi que tout le monde. […] Alors, dès que le désir sensuel de son amant la saisira, elle ira simplement le chercher chez lui. […] Il a saisi avec exactitude les causes de sa grandeur et de sa faiblesse. […] Dambreuse, est saisie solidement et n’a guère changé.
On est saisi, enlevé, emporté, c’est vrai ; mais on n’est pas tranquille. […] » Cependant Iza s’est endormie sur un canapé, dans une aimable pose ; Pierre, saisi, crayonne son portrait. […] Et, d’ailleurs, qui l’eût saisie ? […] La gouge moribonde saisit l’arme, se soulève avec des hoquets, parvient à pousser ce cri : « Canaille ! […] Ossart et Maury, qui n’ont rien eu, je n’ai saisi, pour moi, aucune différence appréciable.
Il est probable que devant la banqueroute finale de la connaissance scientifique, ces âmes tomberaient dans un désespoir comparable à celui qui aurait saisi Pascal s’il eût été privé de la foi. […] C’est aussi celui qui permet le mieux de saisir la nouveauté du genre repris ou mieux créé par l’auteur. […] Tant qu’elle ne peut le saisir, la jeune fille languit de désespoir. […] Il est probable qu’un physiologiste de grand esprit éprouve devant des morceaux de peinture une impression analogue à celle qui saisit M. […] Mais quelle correction savante a ce charme de naturel, cette fraîcheur d’une pensée saisie comme à sa source ?
Richardson, Fielding, ne sont pas plus fins observateurs de la nature, et leur main puissante n’a pas saisi le vrai avec plus d’autorité que l’auteur d’Eugénie Grandet n’a su le faire. Lorsque M. de Balzac arrête sur le trottoir de quelque rue étroite et boueuse un usurier, une fille à parure équivoque, un petit rentier, un recors, un marchand, il a, pour nous représenter, pour nous détailler sa créature, une verve, une certitude de trait qui saisit l’esprit et le cloue au récit du conteur. […] Le dégoût nous saisit, et involontairement on se prend à juger avec plus de rigueur les fantômes qui viennent solliciter votre sympathie. […] Les volumes rassemblés sous la main, nous hésitons à saisir l’un plutôt que l’autre, car rien n’établit, entre eux, la moindre différence. […] Théophile Gautier, aucun n’a des droits certains à prendre le pas sur les autres, nous allons saisir au hasard le premier qui se rencontrera.
Bulwer n’était, par sa profession de romancier, habitué à confondre l’invention et la réalité, nous serions saisi de compassion pour les tortures de la vie d’outre-Manche. […] Cette vérité si facile à saisir, M. […] Il est facile, en effet, de saisir la concordance parfaite du parti légal et du parti épiscopal. […] Il a très bien saisi et mis très habilement en lumière le mélange de fourberie et de sincérité, d’enthousiasme et de bouffonnerie dont se compose le caractère de Cromwell. […] J’avouerai humblement qu’il m’est impossible de saisir le moindre signe de parenté entre M.
Qu’une occasion de plaisir se présente, elle la saisira sans remords. […] comme les sentiments vous saisissent et vous maîtrisent ! […] Il n’a pas saisi la nuance qui sépare le comique du grotesque. […] Hugo a saisi cette transition de Mahomet à Napoléon par Cromwell. […] Loin de là, le frisson qui le saisissait, à des moments marqués d’avance, lui semblait chaque fois plus terrible et plus glacé.
Quelle frayeur religieuse devait saisir le jeune chasseur laconien pénétrant dans les taillis du Taygète ! […] On peut en croire son historien disant la tristesse qui le saisit lorsque l’adoption d’Adrien le désigna à l’Empire. […] L’entrevue fut à peindre ; mais, pour en saisir l’aspect pittoresque, il faut se représenter la duchesse d’Albuquerque, la Camarera-mayor qui lui avait succédé. […] On les devine dans l’histoire, sans trop les saisir. […] Souvent même l’Étiquette entre effrontément dans l’alcôve, et saisit le couple royal dans le filet de Vulcain.
Birouk ne me répondit pas ; il saisit la crinière du cheval de la main gauche (il avait passé la main droite dans la ceinture du voleur). […] Birouk le saisit par l’épaule… Je courus au secours du paysan. […] La terre, qui avait été saisie par la gelée pendant la nuit, se couvrait d’humidité aux rayons du soleil dont les rayons obliques glissaient sur l’herbe pâlie. […] Il ajoutait tant d’ornements aux paroles de la chanson qu’il avait choisie, que j’eus beaucoup de peine à en saisir quelques mots et entre autres ceux-ci : Je labourerai, ma belle, Un petit coin de terre ; J’y planterai, ma belle, De petites fleurs rouges.
Car toute forme très nombreuse en individus aura toujours plus de chances, dans une même période donnée, de présenter des variations favorables dont la sélection naturelle puisse se saisir, que des formes plus rares qui existent en plus petit nombre. […] Ainsi, pour en revenir à l’exemple du poisson volant, il ne me semble pas probable que des poissons, capables de véritable vol, aient pu se développer sous de nombreuses formes spécifiques, de manière à saisir par divers moyens diverses proies, soit sur la terre, soit sur l’eau, avant que leurs organes du vol eussent atteint un état très parfait, capable de leur assurer un avantage décisif sur d’autres animaux dans la bataille de la vie. […] On ne pourrait trouver une adaptation de la structure aux habitudes plus frappante et plus complète que chez le Pic, si bien conformé pour grimper aux troncs des arbres et pour saisir des insectes dans les fentes de leur écorce. […] L’on pourrait objecter qu’on n’a pas encore découvert à l’état fossile toutes ces formes transitoires, ou du moins que nous n’avons pas saisi les traces de ces premiers habitants de l’atmosphère comme nous avons retrouvé ceux de la mer et des continents ; mais ce n’est là qu’un argument d’une valeur purement négative, dont on peut voir la portée dans le chapitre de ce livre concernant l’Insuffisance des documents géologiques.
Je ne pense pas que Théophile Gautier, de qui on a souvent rapproché M. de Saint-Victor, et qui, en effet, a pu être son maître un moment, soit aussi neutre, aussi indulgent, aussi placide d’impression qu’on veut bien le dire : il est facile, quand on lit Gautier avec intelligence, de saisir sa vraie impression et de la discerner, comme un sable fin, au fond de ce beau lac d’indifférence où il se joue ; mais enfin M. de Saint-Victor se distingue absolument de lui par la vivacité avec laquelle il articule et accuse en toute rencontre ses affections ou ses répugnances.
La belle Noun a fait sensation dans le pays, dans les bals champêtres du village voisin ; un jeune monsieur des environs, M. de Ramière, l’a vue, s’est mis en avant, a fait arriver ses aveux brûlants à ce cœur inflammable et crédule ; depuis ce jour, Noun est sa conquête ; il lui a sacrifié un voyage à Paris qu’il devait faire ; il la vient visiter de nuit, par-dessus les murs du parc, au risque de se casser le cou : il va venir ce soir-là même ; mais le factotum, ancien sergent, a prévenu le colonel que des voleurs de charbon s’introduisent depuis plusieurs nuits, qu’on a saisi des traces, et qu’il est prudent de surveiller.